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POÉSIE De la résistance au monde À la confrontation à soi N°11 - Hiver 2000/2001 Yves Bonnefoy DE NATURA RERUM Lucrèce le savait : Ouvre le coffre, Tu verras, il est plein de neige Qui tourbillonne. Et parfois deux flocons Se rencontrent, s’unissent, Ou bien l’un se détourne, gracieusement Dans son peu de mort. D’où vient qu’il fasse clair Dans quelques mots Quand l’un n’est que la nuit, L’autre, qu’un rêve? D’où viennent ces deux ombres Qui vont, riant, Et l’une emmitouflée D’une laine rouge? in Début et fin de la neige © le Mercure de France

Poesie Incertain Regard

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Poésie Incertain RegardN°11 6 Hıver 2000/2001

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POÉSIE

De la résistance au monde À la confrontation à soi

N°11 - Hiver 2000/2001

Yves BonnefoyDE NATURA RERUM

Lucrèce le savait :Ouvre le coffre,Tu verras, il est plein de neigeQui tourbillonne.

Et parfois deux floconsSe rencontrent, s’unissent,Ou bien l’un se détourne, gracieusementDans son peu de mort.

D’où vient qu’il fasse clairDans quelques motsQuand l’un n’est que la nuit,L’autre, qu’un rêve?

D’où viennent ces deux ombresQui vont, riant,Et l’une emmitoufléeD’une laine rouge?

in Début et fin de la neige © le Mercure de France

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HIVER 2000/2001Sommaire :-EditorialUn chemin en partage-Un poèteYves Bonnefoy &

Début et Fin de la Neige-PoèmesRémi FayeElmys Garcia RodriguezMichel GerbalBernard GrassetMauriceLouis Marie Roussiès-Un peintreÜzeyir Lokman ÇAYCI-Chroniques-Existe-t-il une poésie féminine?

Lydia Padelec-Le poète, figure de proue.

Louis Delorme-Internet et poésie-L’Apatride

Emmanuel Hiriart-Notes de lecturesL DelormeE HiriartH MartinL Padelec-RevuesH Martin

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Les numéros suivants sont disponibles:

Numéro 10 : Paul-Louis RossiNuméro 9 : AtelierNuméro 8 : Guy GoffetteNuméro 7 : Patrice Delbourg

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Responsable de la publication : Hervé MartinParution semestrielle : ÉTÉ & HIVER

Numéro ISSN 1292 -5934

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Un chemin en partage Hervé MartinComment écrire quand je songe à la somme accumulée d’écrits depuis deux millénaires?

Accumulation de signes, de lettres, de mots, de phrases. Manifestation de traces, de signifiants,de sens : une traduction du sensible. Comment puis-je écrire aujourd’hui lorsque tant fut écrit ?Avec sincérité, rage ou plus doctement, par des écrivains, des poètes, des philosophes ou desscientifiques ?

Comment lire et comment écrire, alors que la vitesse à laquelle nous contraint la société nelaisse que trop peu de temps au déchiffrement de ce qui se précipite sur nous ? Si lesconnaissances actuelles élargissent des espaces nouveaux, chargés d’espoir parfois dans ledomaine des sciences , elles ne sont pas, comme toutes choses, sans contenir en elles un revers:ces craintes, sur des conséquences irrémédiables qu'elles peuvent entraîner , qui nous alertent.Plus que la valeur intrinsèque des connaissances, c'est sans doute la faculté d'en user qui importe,avec la conscience d’une responsabilité et dans un élan qui ne soit pas uniquement motivé parla "rentabilité immédiate". Si seulement il nous était donné le temps de réfléchir auximplications que ces connaissances induisent et aux choix, qu'une prudence à leur égard devraitnous inciter à faire. Mais cette vitesse, excessive, endigue nos possibilités de réaction et nousengloutit dans sa précipitation. C'est le temps de penser qu'il nous faut préserver. Mais lepouvons-nous encore, quand celui-ci nécessite bien plus de temps que ne mettent les nouvellesdonnées technologiques et scientifiques à surgir dans notre société pour en modifiercontinûment le paysage ? Alors, nous déchiffrons à la hâte ! Nous semblons revenir à une èred'icônes et d'images, portée en triomphe par cette société de l'argent roi. Valeur en elle-mêmeelle ne peut - seule - contenir toutes les autres. C’est de "Valeurs" dont nous avons besoin, quisoient de vrais repères pour conduire notre vie.

Alors, constatant cela, plutôt que détourner les yeux pour avancer : se retourner "en Soi". Etmieux appréhender ce qui est "Hors de Soi" : la vie. Et commencer... Tenter d'écrire ! Comment? Où débuter, inscrire la première lettre, le premier mot...

“Comment écrire encore avec cette utopie de renaître à soi sous d’autres yeux possibles? Comment écrire simplement soi, dans ce temps qui s’écoule en nos veines ? Commentface à ce temps qui avance sur nous, comme une eau, marée infinissante infinimentmontante ? Simplement et rien d’autre, témoin de ces battements, ces palpitations, cessuées, ces humeurs, ces pliures, "ces marbrures du corps". Simplement et sans arrière-pensées, face à soi, dans le miroir froid, impassible de sa finitude. La fin de soi. La mortnommée du corps entier. Sa mort propre.Ecrire, tout contre soi avec ce miroir glissé au fond de son carnet. N’écrire jamais sanss’y mirer la face absente, la mort à considérer. Savoir que l’on ne va ni partir, ni dormir,ni s’évader mais mourir. Le corps se dessécher. Le corps se décomposer, se délabrer,s’affaisser les os. Se disjoindre. S'égrener en poussière. Savoir cela avec une consciencevive, pour vivre aujourd’hui simplement dans le flux de nos veines, l’acuité de nos sens etavec ce sentiment de n’être rien et tout à la fois dans l’instant. Cet état au faîte de vivre, -Etre - entre les bornes - Naître et Mourir -Alors écrire ! En n’oubliant pas ce que nous sommes. Ces vivants temporaires, ces passants

goûtants et jouissants des saveurs, aigres ou douces, que procure la vie. Puis en tirer la pulpe etsans altération, en extraire le suc.

La poésie peut être ce chemin que nous ouvre l'écriture, ce chemin, intime, offert en partage.

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LES FLAMBEAUX

NeigeQui as cessé de donner, qui n’es plusCelle qui vient mais celle qui attendEn silence, ayant apporté mais sans qu’encoreOn ait pris, et pourtant, toute la nuit,Nous avons aperçu, dans l’embuementDes vitres parfois même ruisselantes,Ton étincellement sur la grande table.

Neige, notre chemin,Immaculé encore, pour aller prendreSous les branches courbées et comme attentivesCes flambeaux, ce qui est, qui ont paruUn à un, et brûlé, mais semblent s’éteindreComme aux yeux du désir quand il accèdeAux biens dont il rêvait (car c’est souventQuand tout se dénouerait peut-être, que s’effaceEn nous de salle en salle le refletDu ciel, dans les miroirs), ô neige, touche

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Encore ces flambeaux, renflamme-lesDans le froid de cette aube; et qu’à l’exempleDe tes flocons qui déjà les assaillentDe leur insouciance, feu plus clair,Et malgré tant de fièvre dans la paroleEt tant de nostalgie dans le souvenir,Nos mots ne cherchent plus les autres mots mais les avoisinent,Passent auprès d’eux, simplement,Et si l’un en a frôlé un, et s’ils s’unissent,Ce ne sera qu’encore ta lumière,Notre brièveté qui se dissémine,L’écriture qui se dissipe, sa tâche faite.

(Et tel flocon s’attarde, on le suit des yeux,On aimerait le regarder toujours,Tel autre s’est posé sur la main offerte.

Et tel plus lent et comme égaré s’éloigneEt tournoie, puis revient. Et n’est-ce direQu’un mot, un autre mot encore, à inventer,Rédimerait le monde ? Mais on ne saitSi on entend ce mot ou si on le rêve).

in Début et fin de la neige © le Mercure de France

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LA CHARRUE

Cinq heures. La neige encore. J’entends des voixÀ l’avant du monde.

Une charrueComme une lune au troisième quartierBrille, mais la recouvreLa nuit d’un pli de la neige.

Et cet enfantA toute la maison pour lui, désormais. Il vaD’une fenêtre à l’autre. Il presseSes doigts contre la vitre. Il voitDes gouttes se former là où il cesseD’en pousser la buée vers le ciel qui tombe.

Cin Début et fin de la neige © le Mercure de France

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omment lire ? "Début et fin de la neige" ou "Début et fin De la neige" ?Dès le titre et tout au long des vers jusqu'aux derniers poèmes, c'est leprocessus d'une métamorphose qui opère sous et sur notre regard. Latransformation. - d'une vision réelle - vers ce qu’elle suggère en nous.

Un mouvement : une transformation ?D’abord, se remémorer la neige...“Neige : eau congelée dans les hautes régions de l'atmosphère, et qui tombe enflocons blancs et légers.” précise le dictionnaire.Quotidienne aux populations des pays nordiques, commune l’hiver auxmontagnards, la neige est l’un des états de l’Eau. Cet élément premier,indispensable à la vie qui complète l'ensemble Air , Feu , Terre.La neige est cet état intermédiaire de l’eau dans son passage de l’état liquideà l’état solide. De l’eau à la glace. De l'a-morphisme à la forme. De la limpiditéà l’immobilité. L'eau dans ces transformations définit un mouvement.Comment alors ne pas y voir une allégorie du processus poétique ? De ce quiest senti vers ce qui s’exprime et s’épanouit sur la page. Cette alchimiepoétique, cette transformation qui opère non sous l’influence de la température,

DÉBUT ET FINDE LA NEIGE

Suivi de LÀ OÙ RETOMBE LA FLÈCHE

Éditions du MERCVRE DE FRANCE Yves Bonnefoy

L'ouvrage est suivi de Là où retombe la flèche. Seul ici , Début et finde la neige, sera l’objet de cette lecture approfondie.Le livre est composé de cinq parties. L'ensemble La Grande Neigecomporte 15 poèmes et débute le livre. Les autres ensembles formenteux-mêmes des poèmes à strophes - Les Flambeaux - et - HopkinsForest - ou, sont composés de poèmes numérotés -Le tout le rien - et -La seule rose -Je remercie Yves Bonnefoy et les éditions du Mercure de France qui ontautorisé la parution de trois poèmes de Début et Fin de la Neige.

Hervé Martin

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mais sous celle d’un état singulier à l’être. La poésie est une transmutation del’éthéré en vers, verbes, mots, rythmes, sons,...L’art poétique se déroule dans ce «faire ». Ce processus de création est“mouvement.”Plus près de l’image, comment ne pas imaginer la neige, immense champ blancau matin, comme un avenir probable de l’enfant ou comme une page,non-écrite encore, du poète? Comment ne pas voir dans ce drap de lumière,étendue sous les pieds, l'espérance dressée contre ce ciel gris acier dont laneige est issue?Qui n’a tenté ce geste de mettre un pied dans la neige fraîchement tombée dela nuit ? Et constatant sa trace, vérifier par ce signe la réalité de sa présence.Vivant ! Oui laisser une trace qu'une neige nouvelle à son tour recouvriraou que la température changeante - gel ou redoux - pétrifiera comme cesglaciers du pôle conservant en eux la mémoire du temps ou effacera dansla déliquescence. Appréhender ce livre avec en sa mémoire cette inconstanceintrinsèque à la neige. Cet état d’équilibre précaire ou ce qui est immanentest toujours la désagrégation.

Circonscrire le temps.La neige - la grande - porte à la méditation, rappelle les souvenirs, exerce lamémoire :

» en moi l’étoffe du songe »À la lecture des poèmes le lecteur franchit les barrières qui séparent (maisoù précisément ?) la réalité de l’intime du poète."Puis vers le soir, / Le fléau de la lumière s’immobilise./ Les ombres et les

rêves ont le même poids "La neige est ici prétexte - pré-texte ? - Par sa lumière, cette méditationqu’elle suscite, la neige a pouvoir d’éclaircir ce sombre en nous. Cetincompris, le mystère du monde auquel chaque être est confronté.

« qui s’intéresse à nous dans la mémoire »Sa vision seule a pouvoir d’interroger la mémoire, chercher sens àl’existence, éprouver le temps qui passe, qui est passé.« Cinq heures. La neige encore. J’entends des voix / A l’avant du monde. «Ce temps, Yves Bonnefoy tente de le saisir , de l'immobiliser, de lecirconscrire." De mon passé, de ces jours d’à présent, / Un instant simplement : cet instant-

ci, sans bornes. /"Cette préoccupation de la matérialisation du temps habite d’autres vers encore.Mais comment saisir et matérialiser le temps ?

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"A ce flocon / Qui sur ma main se pose, j’ai désir / D’assurer l’éternel / "Peut-être par un changement d'état, un signe ? Si le vieillissement illustre cettematérialisation à l'échelle d'une vie, à celle plus macroscopique de l'instant, c'estla neige qui œuvre par son changement d'état sous l'influence des températures." Il voit / Des gouttes se former là où il cesse / d’en pousser la buée vers un

ciel qui tombe / "La buée du souffle sur le froid du verre se change en eau ; Sous la chaleur de lapeau, le flocon devient gouttes d'eau ; Et ce souffle dans l'air ?

" Brume des corps qui vont dans la neige."Respirations des corps ? Ils nous consument mais nous vivons par eux.C'est un mouvement incessant qui naît dans ces poèmes. De la neige versl'eau mais aussi de la réalité au songe, du présent aux souvenirs, de la visionau rêve. Les lecteurs que nous sommes sont transportés par cesmouvements, ces déplacements qui franchissent les frontières des sens.La grande neige est peut être cette vie possible. Cette espérance vive, ce lieuvierge du lendemain où chacun pourrait tracer le chemin rêvé des ses pas.

Flambeaux, mots, flocons ou comment nommer le désir.Si la neige, tapis vierge à nos pieds révèle toutes les espérances, la joie dans lesyeux de l’enfant, la neige peut aussi être

« celle qui attend. «Qui nous attend ? Celle qui nous appelle vers les flambeaux qui réchauffentces flocons, effaçant avec eux tout ce qui fut possible? Flocons qui tissèrentcette étendue vierge, - Avenir - ouvrant ses espaces infinis aux jeunes gens.Les - flambeaux espérances - : Désir(s) ? qui nous tirent, nous entraînent dansla vie. La neige seule, paradoxalement, semble pouvoir les ranimer et lesentretenir :

« ô neige, touche / Encore ces flambeaux, renflamme-les »Mais peut aussi les éteindre :

« de tes flocons qui déjà les assaillent »lit-on deux vers plus loin.Ici, tout paraît s’entremêler : le feu du flambeau, le froid de la neige, les motsdes vers qui sont ici flocons :»Nos mots ne cherchent plus les autres mots mais les avoisinent / Passent auprèsd’eux simplement, / Et si un en a frôlé un, et s’ils s’unissent / Ce ne seraqu ’encore ta lumière, / Notre brièveté qui se dissémine, / L’écriture qui sedissipe, sa tâche faite. »Comment ne pas rapprocher ces vers de ceux du poème DE NATURA RERUM ?« Et parfois deux flocons / se rencontrent, s’unissent / Ou bien l’un se détourne,

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gracieusement / Dans son peu de mort «Et si tout paraît mêlé c’est que le désir qui nous anime est bien confusaussi, constitué de tant d’agrégats dont nous ne connaissons la nature exacte.Confus car atteint, l'objet du désir s'efface dans l'instant. L'espoir, ne résidantdésormais que dans le report - Ailleurs - de cet objet. La confusion, se lovedans ce schisme, car la quintessence du désir ne réside pas dans l'objet quil'illustre, mais bien dans le mouvement initié pour l'atteindre. La poésiejouerait-elle ce rôle ?

Hopkins Forest ou le désir renaissant.Du ciel au livre, du signe aux lettres, du signifiant à la neige, du songe à laréalité ou du mystère à la révélation : c’est la métamorphose qui dans ce poèmeest à l’œuvre. Changements de registre du sens, cheminement et pérégrinationde la pensée : Hopkins Forest, vaste territoire naturel situé en Nouvelle-Angleterre et réputé pour ses espaces enneigés l’hiver est désigné comme le lieude “passage” :

« du visible pour l’invisible » ;de notre réalité vers : « Tout l’autre ciel ».Ce lieu, espace de cette grande neige pourrait dès lors réunifier ce qui est parnature inconciliable. Ce passage serait-il en - l'état poétique - ? . Cette ferveurd’incarner par des mots l'éther de nos désirs.

Le Tout, le Rien."Te soit la grande neige le tout, le rien "Une saison passe. Un cycle s'achève. Une métamorphose est à nouveau àl'œuvre. Et le travail de la neige, - l'écriture ? -, - la parole poétique?- ,va faireplace à une saison plus claire. L'éclaircissement par la parole :

"Puisque, hier, ce n'était encore que des tâches / de couleur, plaisirs brefs,craintes, chagrins / Inconsistants, faute de la parole./

Cette parole qui transforme l'inquiétude et la peur en un cri clair de joie. Un rire"méditable". Vivre ! Oui. Pas uniquement dans le - désir - de vivre, mais - Etre-,simplement dans chaque instant qui s'écoule. Tenter d'abroger le désir pourvivre un présent immédiat.

" …Une façon de prendre, qui serait / De cesser d'être soi dans l'acte deprendre, …/ "

"…Sinon tu ne dénommerais qu'au prix de perdre. …/"" Mais écrire n'est pas avoir, ce n'est pas être, /…"

Ces trois vers extraits du poème - LE TOUT LE RIEN - illustrent , à mesyeux , l'achoppement du poète à lui-même, au désir qui le guide.

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La seule rose : la vie seule ?Dans cette dernière partie du livre la neige à nouveau envahit. Les souvenirsréapparaissent. L'enfance… une ville imaginaire aux rues vides… où apparaît,avec ses figures de la renaissance italienne, Alberti , San Gallo, Brunelleschi :l'Architecture. L’art éblouissant de ces artistes qui

".. ,ont approché / De cette perfection, de cette absence. / "La beauté est alors sans nom. Elle transcende l'apparence. Elle polarise en elletous les désirs mêlés dans un état de confusion des sens et du plaisir :"Et soudain c'est le pré de mes dix ans, /Les abeilles bourdonnent, / Ce que j'aidans mes mains, ces fleurs, ces ombres, / Est-ce presque du miel, est-ce de la

neige ? ../ "Un état poétique au faîte de sa plénitude d'où le poète s'extirpe pour adresserles derniers vers de ce poème à ceux, dont la perfection en leur art, a guidé lespas et la vision du poète.

"...Ô mes amis, / Alberti, Brunelleschi, San Gallo, / Palladio qui fais signe del'autre rive, / Je ne vous trahis pas, cependant, j'avance, / La forme la plus purereste celle / Qu'a pénétrée la brume qui s'efface, / La neige piétinée est la seule

rose. / "Vivre : une contemplation active.Qui, voyant voleter les flocons de neige dans un ciel d’hiver, n’a pas étéplongé un instant par cette vision dans un état de contemplation ? Pour s’ensortir brusquement, quelques instants plus tard happé à nouveau par lesoccupations de la vie quotidienne. Le poète, plus que de s’en défaireentretient ce moment. Il le maintient en lui et tente d’en extraire la sève. Lemiel ? Ainsi une vision bien réelle de notre monde l’élève à un état poétiquequi le conduit plus loin encore, à cette traduction qu’il nous en donne avecdes vers et des poèmes. Porté par ces poèmes le lecteur passe de la réalitéau souvenir, du souvenir à l’espérance, du passé au présent. Au delà de lamétaphore, c’est la métamorphose qui est au cœur de cette poésie.Mais la poésie, n'est-ce pas cela ? Cette traduction permanente de soi-même etdu monde, dans un mouvement continuel de la transformation.

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Yves Bonnefoy

Principaux livres de poésie :

Du mouvement et de l’immobilité de Douve 1953, Mercure de FranceHier régnant désert 1958, Mercure de FranceAnti-Platon 1962, Galerie MaeghtPierre écrite 1964, Mercure de FranceDans le leurre du seuil 1975, Mercure de FrancePoèmes (1947-1975) 1978, (coll. Poèsie/ Gallimard,1982)

Mercure de FranceL’Origine du langage 1980, Monument PressPar où la terre finit 1985, Marchant DucelSur de grands cercles de pierre 1986, Thierry BouchardPierre écrite, 1965, Mercure de FranceDans le leurre du seuil 1975, Mercure de FranceCe qui fut sans lumière 1987, Mercure de FranceLes Raisins de Zeuxis 1987, Monument PressLà où retombe la flèche 1988, Mercure de FranceEncore les raisins de Zeuxis 1990 Monument PressDébut et fin de la neige 1991, Mercure de FranceLa vie errante 1993 Mercure de FranceLa pluie d’été 1999 La SétéréeKeats et Leopardi Avril 2000 , Mercure de France

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13 Poèmes

alors naître comme d’un trait le fleuvenaître d’oubli d’infinis avec mon corps létalla lampe fait l’arbre entre moi et la nuitdans l’angle mort tous ces gestesqui se perdent plus lents et nos viesont cette douce patience d’hiver

toujours naître dans tes gestes dans ce corps à la limitede la nuit ce corps qui est la nuit naître avec cette lenteurmêlée de souffle et de voix avec ces gestes patients cesgestes de femme qui coulent comme des huiles naître commeon apprend le corps le fruit ouvert et l’oubli avec cette patiencedu fleuve et de l’hiver naître d’avoir enfreint la mort

Rémi Faye

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14 Poèmes

ce seraitcomme une rue déserte

ces mots de dernière minute sur les pas des portes

tous ces bruits de transistors

ces mots que tu dis c’estcomme un hiver tranquille

un soir de villageaprès la pluie

encore un instantarrêté comme un dessin

le vent inertejuste l’empreinte du vertige

Rémi Faye

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15 Poèmes

je vous demande tant d’heurestant de mots et de fêtesde chemins de serpents dans les collines

comme si le sommeilvenait dans nos voixavec ses chiens de fusées

comme si toutes les nuitstombaient d’un seul coup

comme si mes jourspliaient sous le poidsde la pluie

et tout ce silence qui montejusqu'à nos yeux

Rémi Faye

Le prix Max-Pol Fouchet 2000 a été attribué à Rémi Faye pourson livre “Fièvre blanche” édité au Castor Astral. Il nous offreici trois poèmes inédits, extraits d’un recueil en cours d’écri-

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16 Poèmes

Conversation avec Vallejo

Vallejo,je sais que tu n'es pas comme ces poètesqui s'installentdans un hôtel “ cinq étoiles ”tu m'invitesdans le quartier le plus latin de Paristes petits gestesme font me sentir importantece matin où je me suis levéeavec l'envie de mouriren voyant la pluie pénétrerpar le toit de ma chambre.Dis moi peux-tume promener à ton brassur les Champs élyséespour découvrir Notre Dame de ParisDis-moi si tu viensme combler de questions.Tu m'invites à prendre un cafén'oublie pasPaul Eluard doit être en train d'attendreponctuel comme tous les jeudis,il y a quelque chose que je dois te direj'ai déjeuné tôt, nous resterons une demie-heureje sortirai dans la ruepour chercher un lys à ta mémoire.Ce sont tes petits gestes Vallejoqui me font me sentir différente.

Elmys Garcia Rodriguez

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17 Poèmes

Elmys Garcia Rodriguez

Conversacion con Vallejo

Vallejo,sé que no eres como aquellos poetasque se hospedanen un hotel " Cinco Estrellas "tù me invitasal barrio mas latino de Paris,estas cosas tuyasme hacen sentir importanteeste dia que amanecicon ganas de morirme,al ver la lluvia penetrarpor el techo de mi cuarto.Avisame si puedesllevarme de tu brazopor la Avenida de los Campos Elíseosa conocer nuestra Senora de Paris,avisame si vienesa llenarme de preguntas.Me invitas a un caféten presentePaul Eluard debe estar esperandopuntual como cada jueves,hay algo que debo decirtedesayuné temprano, estaremos media hora en la tertuliasaldré a la callea buscar un lirio para tu recuerdo.Son estas cosas tuyas Vallejo,las que me hacen sentir diferente.

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18 Poèmes

La ville,les paroles, le vers qui te nomme

Ma mèretricote l'urgence de ses joursmon cri de guerre c'est t'attendreattendre tes mainsqui piègent mes désirs,en regardant mon corps étenducomme une carte au milieu de la nuit,dans mon Journal de bordj'ai noté la date de ton retour,je me proposede te libérer des questionsil n'y a pas de pire exilque celui que nous portons en nous,mon universc'est le lit où je dors,je ne respecte pas assez les coutumes.Si cette villepouvait se changer en Buenos airesassurément à présent je seraiavec l'homme qui rêve de dessiner mes hanches,les paroles,le vers qui te nomme.Ma ville n'a rienà envier à la tienne,c'est comme ça les joursne cessent d'être interminables,

Elmys Garcia Rodriguez

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tu me demandes un peu plus de poésiepour alléger mes plaintes.On entend les cris de ma mère,le petit déjeuner m'attend,le petit déjeuner froid qu'elle m'offretous les joursde la semaine et du mois,ma mère veut nous menerà sa folie sans cœur, hystériqueje ne sais comment mon père peut la supporterquand sa voix résonne dans toute la maison.Elle tricote toujoursl'urgence de ses jours,je prépare les chambrespour ton retour.

Poèmes

Elmys Garcia Rodriguez

Elmys Garcia Rodriguez est Cubaine. Ces poèmes, dont une version bilingue est proposée , ont ététraduits par Emmanuel Hiriart.

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20 Poèmes

A Grand-Champs, Morbihan, je me jette sur un lit trop épais la fille vient s'accoucher près de moi je roule une heure et deux et demi avec ses seins de poire sur ma poitrine ses hanches dedans mes mains comme des pirogues on se suçote baisote tout c'qui fait hic et tout ce qui fait hoc de même on s'aspire se suçonne se mastique se malaxe se pinçotte on se gymnastique d'ahan et devers darrière et davant on se tripote et se dépote et barbotte barbouille et débarbouille on se tire les bouts et bouche les trous on s'visse on s'dévisse on s'revisse on s' niche et on s'déniche on s'mouche la chandelle on s'souffle on s'gonfle on s'pèse on s'ridérire on s'phonème on s'bégaye on s'aphasit on s'aplatit on se berce dans le lit de sa grand-mère à Grand-champs qui est morte là ce pour quoi la fille après le discours ne veut pas y rester et j'y reste seul avec l'odeur de ses organes à plaisir comme unique chanson et seul souvenir objet transitionnel des jeunes de bonne famille

Michel Gerbal

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Et un matin entre les champs de pommes et les vignes ah! combien ai-je couruportant la charge d'un surprenant orgueilun désespoir merveilleux et privé courrait à mon côtéj'ai rempli son sourire torve de pommes ramasséeset nous les avons lentement mangées en cheminlaissant autour du trognon beaucoup de viande rougeque nous semions sur le chemin du retour àailleurspour amicalement les partager avec les oiseaux et les fourmiset pour manifester notre plénitude et notre joie de vivreet les vents de la merpoussaient à Courson mon cortège de pénichesla procession des visages pèlerins entre les draps errants

Poèmes

Michel Gerbal

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22 Poèmes

Et c'était, en allant, en chantant, enrouté par la campagne, lorsque j'ai demandé mon chemin, juste pour demander mon chemin, et non parce que réellement je cherchais quelque chose qui fût mon chemin.

Le ciel était délayé, répandu, profond, sans volume.

Quelque part près de Courson. (j'ai oublié les noms de ces villages, et même je n'ai jamais connu les noms de ces hommes et de ces femmes: puisqu'aucune cruauté, je crois, aucune jalousie ne nous a jamais uni, peut-être ils sont morts, et peut-être c'est moi, et peut-être ça n'a aucune importance pour cette sorte de poème-là.) ( le ciel bleu et blanc, c'est important. )

Michel Gerbal

Ces trois poèmes sont extraits de l’ensemble Eldorado

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23 Poèmes

La lune revêt les oliviers

Au-dessus du lac endormi

Que traversent des barques

Halant l’impossible.

Le temps n’est pas encore

Aux cantilènes, à la pluie

L’âcre blessure

N’a pas livré son aurore.

Sur l’île un anneau

D’embrun et d’étoiles

Forgé par le vent

Souligne le sable.

Bernard Grasset

Page 24: Poesie Incertain Regard

24 Poèmes

Le soleil sur la terrasse,

Des enfants qui accourent

Criant le long des ruelles,

Un livre s’ouvre, se referme.

A l’établi, inaperçu,

Le menuisier travaillera.

Un appel des collines,

L’herbe et le rocher,

Le vent transmue les palmes

En refrain étranger.

Bernard Grasset

Page 25: Poesie Incertain Regard

25 Poèmes

Une flûte éveille les coteaux

Où l’hirondelle passe,

Des hommes se serrent la main

Avant de disparaître.

Voix douloureuses

Comme cep de vigne,

Voix cristallines

Qui chantez sur le seuil.

Les peupliers ondulent

Sous les nuages,

Tout devient possible

A l’aune éternelle.

(J.-S. Bach)

Bernard Grasset

Les poèmes sont extraits des ensembles “ La porte du jour 3”et “ Récits 3 “

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HLM BLUES

C'était un soir de brume, un soir fantôme, et face à moi,Seul au bout du parking, je cherchais des yeux cet immeuble,Et face à moi en un instant se dresse à travers l'ombreUn grand rectangle à carreaux partout bleu pâle et rouge ocre,Un quadrillage étrange en vain tendu droit sur le vide,Tenant en vain lieu de beauté. C'était au même instant,C'était en moi la toujours là, c'était, éclatant toute,Infini gouffre où tout ce qui est vu devient vision,Devient présence à reconnaître et formuler sous peineDe folie ou de mort, tout-puissamment c'était l'angoisse,Il me fallait, sur ce damier vertical, face à moi,Sur cette image, et vite, il me fallait mettre des mots,Parler, c'est tout, parler n'importe, il me fallait d'urgenceExorciser la solitude en moi épouvantée,Tout n'est-il pas toujours signe pour nous, jamais vers nous ?

Et c'est aussi au même instant, là-haut, qu'une fenêtreEn grand s'est ouverte, a surgi une ombre aux cheveux clairs,En robe orange, et la voilà qui tousse et tousse et puisQui tend les bras : plus rien, délire, effroi, en moi plus rien,Plus rien soudain de cet immense avortement d'extase,Tout n'était plus en moi que paix soudaine et que silence,Et sous mes yeux, bloc droit dans l'ombre, étage après étage,Intérieurs éclairés, stores baissés un peu partout,On y mange, on y bouge, on y vit, beauté toute humaine,Oui, cet immeuble que je cherche, il est là, face à moi.

Et c'est ainsi pour toi que j'aurai écrit ce poème,Pour toi en robe orange, aux cheveux clairs, soudain surgiePresque tout en haut de ton H L M, toi te penchantA ta fenêtre ouverte et toussant fort, les bras tendus,Toi plus que simplement qui m'as sauvé de ma panique,Un soir de brume, un soir fantôme, en battant tes pantoufles.

Poèmes

Maurice

in HLM BLUES © Editions Dumerchez

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- Mais si tu savais pourquoi j'ai crié,O nuit sans donjon, ô soleil qui tarde,

Mais si tu savais, j'ai crié !

- C'était un étang, mon fils, et rien d'autre,O nuit sans donjon, ô soleil qui tarde,

Un étang, mon fils, et rien d'autre.

- Mère, mère, mère, il était tout rouge,O nuit sans donjon, ô soleil qui tarde,

Rouge, rouge, il était tout rouge !

- Un jardin sur l'eau, pivoines ou roses,O nuit sans donjon, ô soleil qui tarde, Ou pivoines sur l'eau ou roses.

- J'avais soif, si soif, j'ai tendu la bouche,O nuit sans donjon, ô soleil qui tarde, Et j'ai hurlé, la bouche en sang !

- Mon fils, mon fils, rien n'était rien, sois sage,O nuit sans donjon, ô soleil qui tarde,

Rien n'était rien, dors et sois sage.

- Comment dormir, mère, le corps me tire,O nuit sans donjon, ô soleil qui tarde,

Comment dormir, le corps me tire !

Maurice

Poèmes

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- C'est la nuit des temps, mon fils, dors encore,O nuit sans donjon, ô soleil qui tarde,

C'est la nuit des temps, dors encore.

- L'ogre au fond de l'eau, dis-lui de se taire,O nuit sans donjon, ô soleil qui tarde, Au fond de l'eau, dis de se taire !

- Dors, mon assoiffé, mon étang, mon ogre,O nuit sans donjon, ô soleil qui tarde,

Dors, tais-toi, dors, mon ogre, dors.

Maurice

Poèmes

HML BLUES, extrait de L B L B L , ouvrage à paraître en Février2001 aux éditions Bernard Dumerchez

in HLM BLUES © Editions Dumerchez

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LUMIERE SUR LE SABLE

En cette fin d’étéle soleil généreux inonde la plage.Les estivants offrent leur peau dorée aux doux rayons.Assis sur un rocher, les pieds dans l’eaule bruit d’un clapotis se transforme en un chant.La lumière chauffe le rivage.La vie fonctionne toute seule, belle et sublimecomme l’immensité de la mer colorée.L’île au loin offre un pied à terre.Les oiseaux se lâchent dans l’air pour une farandole subtile .Les enfants hurlent leur joie près du rivagetandis que l’amoureuse sent encore plus prèsle corps de son amant.La lumière est là tranquille comme à son premier jour.Chacun a pris son rêve, ses pensées familières ou bien a tout offert.Le sable doré est donné comme un grand lit.En moi, j’entends un bruit, tel un murmure de mots.Quel est ce trait léger qui vient sous la clartéet qui nous suffira, pour continuer d’aimersur l’océan du monde où baignent nos pensées?

Poèmes

Louis-Marie Roussiès

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Temps - présent

Le temps-présent m’accueille en marchant.

Avec lui je regarde le chemin de terre,

le champ verdi par le blé naissant

et le bois qui se prépare au printemps.

Le pré de mon enfance vient me toucher.

Les pas sous mon corps

se succèdent sans efforts.

TOUT EST MAINTENANT!

Poèmes

Louis-Marie Roussiès

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TEMPÊTE

L’emprise brutale du vent

roule l’eau

sur la mer en furie

La vague gronde et se relève

éclaboussant l’air et le rocher

de violentes gerbes étincellées

Les éléments humides et forts

occupent l’immense espace obscur

comme un début de monde.

Poèmes

Louis-Marie Roussiès

Page 32: Poesie Incertain Regard

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Petit matin

Un épais silence

habite les quelques bruits naissants.

Les formes se découvrent peu à peu

de leurs habits de nuit.

Tout se regarde.

Quelques feuilles se laissent bouger

tandis que l’oiseau étouffe son

premier cri.

La rose retrouve sa couleur.

Le monde hésite entre l’ombre et

l’innocence

et puis tout recommence dans la

lumière...

Poèmes

Louis-Marie Roussiès

Page 33: Poesie Incertain Regard

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Üzeyir Lokman ÇAYCI est peintre et poète . Né à Bor enTurquie , il vit actuellement à Mantes La Ville dans les Yve-lines. Il nous présente, ici et aux pages suivantes, troisdessins à la plume.

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" Quand sera brisé l'infini servage de la femme, quand elle vivra pour elle, et par elle, l ‘homme, jusque' ici abominable, — lui ayant donné son renvoi, elle sera poète, elle aussi ! La femme trouvera de l‘inconnu! - Ses mondes d‘idées différeront-ils des nôtres ?-…" Arthur RIMBAUD

Parler de poésie féminine, c’est poser le problème du genre : or, nous savonstous que le masculin n’est pas uniquement le masculin, mais aussi le général. Il yaurait donc le général et le féminin. Une particularité. La poésie féminine serait enquelque sorte “marginalisée”, davantage considérée comme un instrument de combatpour une “cause féminine”. Il faut dire que les poétesses ont été peu nombreusesdans l’histoire de la poésie française : Marie de France, Louise Labé, MarcelineDesbordes-Valmore, Anna de Noailles, - pour ne citer que les plus connues c’est-à-dire celles que l’on étudie à l’école -; peu nombreuses aussi dans les anthologies. Lespoètes-femmes (que l’on préfère au terme vieilli de poétesse”) seraient-elles doncdes écrivains minoritaires ? Ce sont pourtant elles qui écrivent et lisent le plus depoésie, mais qui sont les moins publiées par les grandes maisons d’édition; peu defemmes dirigent des collections de poésie, des revues, tiennent une rubrique depoésie, ou encore se trouvent à la tête d’une maison d’édition.

Dans l’anthologie Poésies en France depuis 1960 - 29 Femmes 1 LilianeGiraudon et Henri Deluy constatent une émergence de nombreuses femmes dansl’écriture poétique depuis les années 60. Mais c’est surtout depuis une ou deuxdécennies que les femmes s’expriment de plus en plus. En effet, les mentalités et lasociété en général ont évolué : les femmes ne se contentent plus d’être des épouses,des amantes ou des mères; elles ont un métier et davantage de responsabilités, ellesont leur mot à dire. Certaines sont professeurs, universitaires (Esther Tellermann,Marie-Claire Bancquart, Jacqueline Risset), d’autres sont encore préfètes, pilotes,chefs d’entreprise, médecins, avocates (Jacqueline Frédérie Frié).

Par ailleurs, y a -t-il des sujets poétiques spécifiquement féminin ? Jean Orizet,dans l’introduction au dossier consacré aux “femmes et la poésie” de la revue Poésie 1Vagabondage 2 remarque que le veuvage (" chanté” par Christine de Pisan au XIVèsiècle), ainsi que le bonheur et le malheur conjugal étaient “affaires” de femmes jusqu’àla fin du XIXè siècle ! Bien sûr, l’expérience de la maternité reste, avec l’amourmaternel, un thème qui perdure de siècle en siècle. Mais tout comme la femme, la poésie

Existe-t-il une poésie féminine?

Lydia Padellec

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féminine connaît de nombreuses mutations : les sujets rejoignent dorénavant les mêmespréoccupations que les poètes-hommes, avec prises de positions intellectuelles ou / etphilosophiques: la femme, comme l’homme, redoute la fuite du temps et la mort, etéprouve de façon aiguë la difficulté d’être (Vénus Khoury-Ghata, Gabrielle Althen). Elles’intéresse également à la “forme-poésie”( Ilse Garnier, créatrice de la poésie spatiale), le“poème-récit ”, le “poème en prose”, le “poème-reportage ”, et met davantage l’accentsur la vie quotidienne (Nathalie Quintane). D’un autre côté, les femmes-poètes peuventavoir aussi le goût pour la nature, le merveilleux, l’imaginaire et l’humour (OdileCaradec, Isabelle Pinçon) ; et d’une manière plus traditionnelle pour l’amour et lasensualité (Claude de Burine, Anne-Marie Derèse).

Alors, existe-t-il une poésie féminine ? Pour certains, non, car cela équivaudrait àla marginaliser, pour d’autres, elle serait en devenir. Mais l’important, sans doute,comme le dit Jean Orizet, est que la poésie “aide les femmes et les hommes à existermieux, plus haut et plus loin”.

!

1 ) Giraudon, L et Deluy, H, Poésies en France depuis 1960 - 29 femmes, éd. Stock coll. “Versus”,1994.2) Poésie1 Vagabondage, revue trimestrielle publiée au cherche-midi éditeur, n°23 (Sept).

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L’intuition, chez un scientifique est capitale, on le sait.On le sait depuis qu’Archimède, se sentant plus léger dans son bain et s’écriant

Eurêka ! a imaginé le moyen de savoir si la couronne de Hiéron II, roi de Syracuse étaiten or massif ou en alliage, et découvert du même coup le principe qui porte son nom,qui veut que tout corps plongé dans un liquide reçoive de celui-ci une pousséeverticale dirigée de bas en haut etc., etc. Nous avons tous récité cela par coeur.

On le sait depuis que Newton, en voyant tomber une pomme d’un arbre,échafaude la théorie de la gravitation universelle. On le sait depuis que Louis Pasteur adeviné que c’étaient les vers de terre qui remontaient les bacilles du charbon en surfaceet qu’ainsi les moutons s’infestaient à partir des cadavres que l’on avait pourtantenterrés profondément.

L’intuition chez le Poète est encore plus développée parce qu’il explore et qu’ilimagine beaucoup plus en amont de la réalité que le savant. Et qu’il n’est pas tenu àune obligation de résultat.

Dans son excellent article, (Agora n0 il juillet-août-septembre 2000) LucieMAILLET nous parle de Victor Hugo, à propos des tables tournantes de Jersey, et ellenous apprend que le poète avait la connaissance intuitive du rayonnement radioactif. Ilfaudra pourtant attendre 1896 (onze ans après la mort de celui-ci) pour que HenriBecquerel remarque que les sels d’uranium émettaient d’une façon continue, un faiblerayonnement qui impressionnait les pellicules photographiques et provoquait l’ionisa-tion des gaz. Le mot de radioactivité sera proposé plus tard par Marie Curie.

Dans un tout autre domaine, - O combien palpitant ! aussi palpitant que l’èredes machines volantes dont Léonard de Vinci avait eu le premier l’idée, allant jusqu ‘àles dessiner - des savants de diverses nationalités sont en train de dresser la carte dugénome humain et on nous dit qu’elle sera terminée beaucoup plus tôt que prévu.Durant l’été 2000, pour être précis, alors qu’initialement, les scientifiques ne pensaientpas en avoir terminé avant 2005. On sait aussi que l’homme ne possède pas centcinquante mille gènes comme on avait cru d’abord mais seulement trente ou trente-cinq mille. (Cf SCIENCE ET VIE de juin).

Il avait fallu attendre le frère Grégoire Mendel et ses fameuses découvertes pourque les premières lois sur la génétique soient identifiées, pour que les notionsd’hérédité, d’hybride, de caractère dominant ou récessif soient clairement établies.

Et pourtant, là encore, la pensée du poète avait précédé celle du savant. Voici cequ’écrivait Montaigne dans ses ESSAIS: Quel monstre est-ce, que cette goutte de

Le Poète , figure de proue

Louis Delorme

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semence de quoi nous sommes produits porte en soi les impressions, non de la formecorporelle seulement mais des pensemens (pensées) et des inclinations de nos pères ?Cette goutte d’eau où loge-t-elle ce nombre infini de formes?

Et comme portent-elles ces ressemblances, d’un progrès si téméraire et sidéréglé que l’arrière-fils répondra à son bisaïeul, le neveu à l’oncle ? ... J’étais névingt-cinq ans et plus avant sa maladie, (celle de son père : la pierre, qui fut aussi lasienne ) et durant le cours de son meilleur état le troisième de ses enfants en rang denaissance. Où se couvait tant de temps la propension à ce défaut ? Et, lors qu’il étaitsi loin du mal, cette légère pièce de sa substance de quoi il me bâtit, comment enportait-elle pour sa part une si grande impression ? Et comment encore si couverte,que, quarante-cinq ans après, j'ai commencé à m'en ressentir, seul jusque à cette heureentre tant de frères et de soeurs, et tous d’une mère ? Qui m’éclaircira de ce progrès,je le croirai d’autant d’autres miracles qu’il voudra; pourvu que, comme ils font, il neme donne pas en paiement une doctrine beaucoup plus difficile et fantastique que n’estla chose même. (Livre II chapitre XXXVII)

Le poète fait plus qu’imaginer le futur, il l’invente de toutes pièces. Et trèssouvent, par une sorte de mimétisme inexplicable, comme si nous portions en nous lesgènes obscurs du progrès, ce futur se met à ressembler à ce dont les hommes ont rêvé.Comment ne pas songer à Jules Veme alors que nous avons vu, au cours de cevingtième siècle la réalisation d’une grande partie de ses visions futuristes ? Le poètese souvient de l’avenir, nous dit Cocteau (Journal d’un inconnu.)

On pourrait sans doute multiplier les exemples de cette avance des poètes surleur temps. De cette intuition merveilleuse qui les propulse loin devant. Comment nepas revenir à Victor Hugo et terminer en citant un extrait de son poème sur les Mages ?

Pourquoi donc faites-vous des prêtresQuand vous en avez parmi vous?Les esprits conducteurs des êtresPortent un signe sombre et doux?

Ces hommes ce sont les poètes;Ceux dont l’aile monte et descend;Toutes les bouches inquiètesQu’ouvre le verbe frémissant;Les Virgiles, les Isaies;Toutes les âmes envahiesPar les grandes brumes du sort;Tous ceux en qui Dieu se concentrent;Tous les yeux où la lumière entre,Tous les fronts d’où le rayon sort Les Contemplations Livre VI, XVHL

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C'est sans doute la revue, parmi les manifestations imprimées de la poésie, qui a leplus d'affinités avec le web. D'abord parce qu'une revue est un réseau : de collaborateursplus ou moins réguliers, d'auteurs, d'abonnés. La revue a une périodicité, ce n'est pas unobjet littéraire clos comme un recueil ; le site web, s'il veut rester vivant et attirer lesinternautes, doit être régulièrement mis à jour. En terme de publication, la revue et le siteweb sont pour l'auteur débutant des espaces accueillants, qui lui permettent de confronterses textes à ceux d'auteurs plus connus (tout ceci à nuancer selon les revues et les sites).La revue comme beaucoup de sites web est un lieu d'information sur l'actualité poétique :elle propose en quelque sorte des liens vers d'autres publications. Enfin les revues sont leplus souvent l'œuvre de petites équipes de passionnés bénévoles, comme les sitespoétiques.

Compte tenu de ces affinités, on n'est pas surpris de constater une attractionmutuelle entre cyberpoésie et monde des revues. Bien entendu le phénomène n'est pasgénéral : certaines revues sont hostiles à l'internet, perçu comme une menace pour lachose imprimée, comme une sorte d'espace de zapping généralisé ; d'autres n'ont toutsimplement personne de disponible ou de compétent parmi leurs animateurs pour s'occu-per d'un site web . Il y a aussi, parmi les poètes du web, même parfois parmi lesanimateurs de quelques excellents sites, des gens qui se sentent parfaitement étrangers àl'univers des revues. Les relations entre les revues et le Net peuvent prendre plusieursformes :-De plus en plus de revues ont des sites : citons par exemple Phréatique, Friches,Décharge, Hélices, Rivaginaire, Le nouveau recueil ou Poésie/première, qui figurentparmi les valeurs sures des revues poétiques. Ces sites sont souvent de simples vitrines,permettant au lecteur de découvrir quelques extraits de ces revues et des informations surleur actualité. Parfois ils tendent à avoir une activité propre, complémentaire de celle dela revue papier (revue des revues de Décharge, jeux de phréatique...). Il y a même desrevues intégralement reproduites sur leurs site (Incertain Regard...)-Certains sites offrent un contenu proche de celui des revues : Ecrits... vains, Poésied'hier et d'aujourd'hui, animé par Silvaine Arabo, Hache ou le Carnet interdit parexemple... On notera d'ailleurs que les animateurs du premier de ces sites s'apprêtent àlancer une revue « papier »: palimpseste.-plusieurs sites proposent des « revues des revues » : Ecrits vains ? (le plus riche de cepoint de vue), Muse, Décharge, Poésie d'hier et d'aujourd'hui, Ombrages...-les revues parlent moins des sites internet, mais le font quand même de plus en plussouvent : Paul Van Melle dans inédit nouveau cite régulièrement écrits...vains ? et le

Internet et poésie : deuxième épisode...

Emmanuel Hiriart

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site de Silvaine Arabo, Michel Lavaur a consacré un numéro de Traces (le 133) à lapoésie sur internet, Jointure vient d'inaugurer une rubrique astrol@be et sext@nt,consacré à l'internet, Comme en poésie a une page « comme sur internet » (où l'ondécouvre surtout que Jean-Pierre Lesieur n'a pas encore parfaitement maîtrisé cettenouvelle technologie...), Poésie/première cite régulièrement les « bonnes adresses duweb ».Je crois qu'il y a là une interactivité amenée à se développer, qui devrait aider le petitmonde quasi clandestin des revues à rencontrer un public dont les webmestres expéri-mentent chaque jour qu'il est potentiellement plus large que celui qu'elles touchentactuellement.

!Sites en rapport avec cet article :

friches http://www.multimania.com/friches/Hache http://www.dtext.com/hache/Muse http://muse.base.free.fr/zazieweb http://www.zazieweb.com/annuaire.htmlSilvaine Arabo http://www.multimania.com/mirra/Carnet interdit http://perso.infonie.fr/isanouEcrits...vains ? http://ecrits-vains.com/Décharge http://www.multimania.com/decharge/phréatique http://www.multimania.com/phreatiq/Poésie/première http://poesiepremiere.free.frnouveau recueil http://www.ifrance.com/NRecueil/incertain regard http://www.chez.com/incertainregard/ombrages http://users.swing.be/ombrages/docks http://www.sitec.fr/users/akenatondocks/Hélices http://helices.poesie.free.fr/Courant d’ombres http://perso.wanadoo.fr/patrick.kremer/Matricule des anges http://www.lmda.netralentir travaux http://perso.club-internet.fr/annecav/Rivaginaires http://kerys.free.fr/poetes/rivaginairesorage-lagune-express http://www.orage-lagune-express.com/Traces http://perso.wanadoo.fr/emmanuel.hiriart/JeuLa-

vaur.html

site adresse

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La première fois que j’ai rencontré Maria Mailat (que je n’ai jamais rencontréeautrement que dans ses écrits), c’était dans un drôle de petit livre avec un drôle de titre,cailles en sarcophages, et un drôle d’œil qui me fixait au centre de la couverture. On yrencontrait de drôles de personnages comme ce cambrioleur saisi dans une bibliothèque

« La voisine affirme qu’un voleur s’est fait prendreébahi par tant d’ouvrages inconnusLes policiers l’ont trouvé lisant des poèmesMenottes aux poignets, il lit toujours ».

Ou Fitz Roy le chat :« Son deuxième chat s ‘appelle Fitz Royil loge sur le lit de préférence,il est l’incarnation d’un maître d’échecs,Colette, son écrivain de chevet, l’aurait affirmé aussila mort en personne a dû faire face à la bête »

Tout un petit monde vivait dans ces pages, un peu en marge de la société. Les héros deMaria Mailat sont toujours comme ce « clochard licencié en lettres classiques » : sanslieu où s’enraciner, jamais dans le camp des vainqueurs et des gouvernants, construisantune culture de l’errance.

L’auteure est l’une de ses personnages. Née en Transylvanie Maria Mailat avaitdeux langues maternelles, le hongrois et le roumain, et en a très tôt appris une troisième,le français. C’est peut-être de son père, qui avait abandonné les bibliothèques pourredevenir paysan, qu’elle a hérité le goût des livres et de la liberté. Elle a d’abord écritet publié en Roumanie, mais la censure a interdit ses publications. C’est pourquoi elles’est installée en France en 1986, comme réfugiée politique. Depuis 1990, le français estdevenu sa langue d’écriture. Elle publie des recueils de poèmes et des romans.

Parmi ces derniers, Sainte Perpétuité raconte l’histoire d’une jeune juiveroumaine persécutée, Léa Leviath, et de sa grand-mère Esther, rescapée des camps deconcentration, qui lui apprend à survivre dans le cadre hostile de nos modernes Babel.Esther comme son homonyme biblique sait épouser l’ennemi (Leviathan) pour mieuxlui échapper. Klothô (du nom de la parque) peut-être considéré comme le pendantpoétique de ce roman. C’est le livre de la survie, de la volonté de vivre malgré lesoppressions (mais sans leur opposer le combat frontal qui les reproduirait sous

L’apatride...Errance entre les lignes de quelques livres de Maria Mailat

Emmanuel Hiriart

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d’autres masques) :« Klothôle serpent de l’arbre c’est moi, la rescapéeje rampe sur ton sein gauche,j’arrache le fruit le fendset de ses pépinsje planteun troisième œilsur tes lèvres »

Comme elle le fait souvent, Maria Mailat reprend ici une des grandes figures de lafemme léguée par la tradition, et en fait un de ses masques, retournant la valeur négativeque la culture dominante lui assigne. Elle utilise aussi, après Esther et avant Antigone,une grande héroïne tragique :

« Moi, Médée, je jure sur la tête de mes enfantsde dire la vérité de celle qui naît à contre-courant,de celle qui traverse la vie en ennemi ».

Pour traverser la vie Maria Mailat traverse les langues : elle dit au passage sa fraternitéavec Luca et Voronca, autres poètes roumains devenus francophones.

Graine d’Antigone, son dernier recueil, dit une nouvelle fois son combat pourécrire et vivre sans se conformer aux contraintes sociales et politiques qu’elle refuse.Elle dit cette fois la difficulté d’être femme et poète, plus généralement femme et sujet.De nouvelles figures mythiques et littéraires l’accompagnent : Antigone d’abord, cellequi préfère la raison du cœur à la déraison d’Etat ; le petit chaperon rouge

« la fille qui porte son nom au masculin »et qui

« […] refuse la place qu’on lui donne avec force »« […]crève le ventre qu’on lui désigne[…] » ;

Et surtout Sylvia Plath. Maria Mailat lui écrit des poèmes, à lire aussi comme desréponses aux Birthdday letters de Ted Hughues.

« Te souviens-tude mon premier amour »

lui demande-t-elle« Je t’invite dans ma cuisine d’antanà la frontière de l’histoireavec Akhmatova et Mandelstam.Il y a vingt ansUn poème avait échouéEntre le couteau et le grattoir »

Il passe dans ces pages un courant de sympathie qui contraste avec la distance parfoisglaçante de l’ancien époux de Sylvia Plath (grand poète par ailleurs). Pourtant unedifférence fondamentale sépare les deux femmes : Sylvia Plath a cédé à la tentation du

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suicide alors que Maria Mailat choisit et dessine un chemin de vie :« nue je me réveille comblée d’une paix apatride ».

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Notes de lecturesNotes de lecturesNotes de lectures

♦ Musica Patricia Coulange Les Presses Littéraires

“C’est une véritable gageure que de vouloir faire un poème à partir de chaque terme dévolu à lamusique. C’est ce que fait Patricia COULANGE dans son recueil Musica. On voit se profilersuccessivement la lyre, la tessiture, les notes, la portée, les clefs, les silences, la gamme, lemétronome, etc... Les instruments, parfois personnifiés, sont présentés tour à tour. Le pari estgagné grâce à une parfaite connaissance du langage propre à la musique. On regrettera que celasoit parfois un peu trop technique bien que les textes soient émaillés de belles images. Que l’âmehumaine, par-delà la musique ne soit pas suffisamment exaltée :cela dans la première partie quireste assez abstraite et un peu froide.Patricia Coulange se surpasse vraiment dans la seconde partie de l’ouvrage, quand elle abordeles instruments solitaires et les musiques des quatre coins du monde. C’est que, dans cesdernières pages de la partition, l’homme est présent avec sa condition, ses paysages, sa destinée.Quel plaisir de voyager avec le banjo, la balalaïka, la flûte des Andes, la cornemuse, etc... ! Maisaussi que de sensibilité, de résonances dans notre âme, soulevées par le clairon, le tambour, lescloches, le carillon et le glas! Là se situe la grande poésie.”

LD

♦ Le Verbe Haut Georges Solovieff Éditions Pierran

Ce nouveau recueil de Georges Solovieff se laisse dévorer tout d’une traite mais on le reprendaussitôt pour en savourer les moments les plus forts. Déjà, le plan de cet ouvrage est une granderéussite: un chapitre sur les Je, (le poète lui-même), les Tu, (la femme) etc... une trouvaille !Vraiment ! D’entrée de jeu, avec Slave, le poème qui situe l’auteur, suivi de Chemin, qui rappelleses engagements, séduisent le lecteur par la précision, la fluidité du Verbe, la pertinence desimages. Le poète chevauche sur les sommets. Avec Je pars, cela continue de plus belle; ils’inscrit dans la lignée des testaments poétiques. Le chapitre des Tu n’est pas moins riche, pasmoins émouvant. Mais c’est avec Elle qu’il touche le lecteur au plus profond, au plus humain, auplus pathétique.D’une manière générale, on sent, tout au long du livre, l’auteur imprégné d’Aragon qu’il célèbreplus précisément dans Myosotis. Mais dans le chapitre, consacré à Elle, (l’enfant disparue) lesaccents hugoliens, qu’on retrouve plus loin dans le Cheval fourbu, se font jour et me font songercertes aux Contemplations, mais comptent pour moi parmi les plus beaux textes qu’il m’a étédonné de lire depuis bien longtemps. Je tiens à souligner encore le plan du livre qui est vraimentséduisant et qui fait qu’on adhère à cette construction qui, finalement, englobe toute une vie oupresque. Construction qui s’achève par Ils, les absents, ceux qui nous ont quittés, (Louis et Elsasont de ceux-là,) puis ET LES AUTRES... dans lequel l’auteur signe une dernière pièce sur lespendus de Tulle.J’ai aussi été très heureux de retrouver les pages que le poète m’avait confiées, en avant-première, en filigrane pour Soif de Mots et de les voir replacées dans leur contexte.Ce recueil est illustré avec beaucoup de talent par Christiane BLOT-PFIFFER. LD

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Notes de lecturesNotes de lecturesNotes de lectures

♦ Ici, là, Alain Boudet Froissart29p (supplément au numéro 93 de la revue Froissart)

Ce bref recueil commence d’un pas tranquille, comme une prose aimable« j’aime venir ici / aux heures de broussailles /et de friches ».nous suivons Alain Boudet sur son aimable chemin pour apprendre à« trouver dans le monde / le centre de soi-même ».Le sentier de mots révèle des harmonies inattendues« L’escadrille des vagues / aux couleurs de musique /donne aux rochers aveugles / les reflets d’une aubade »au retour de la ballade il nous reste« […] le rêve d’un peintre ou les mots d’un poète »,le monde doucement éclairé par un souffle rythmé, qui l’embellit

♦ Une adolescence Raymond Guilhem Les PressesLittéraires

Dans ce livre de souvenirs, Raymond Guilhem nous fait part de ses rencontres avec le poète JoeBousquet disparu prématurément à l’âge de cinquante ans, par suite de blessures récoltées à laguerre de 14 et qui aurait eu cent ans cette année. L’adolescent qu’était alors l’auteur, dans cesannées d’occupation, a été très impressionné, par ce grand esprit qui ne quittait plus la chambremais rayonnait sur les lettres, dans sa bonne ville de Carcassonne, au point que les plus grandsauteurs venaient le rencontrer ou correspondaient avec lui : Breton, Éluard, Aragon, Gide,Valéry, Simone Weil... Mais aussi les grands peintres : Ernst, Dali, Magritte, Tanguy...Dans la seconde partie du livre, Raymond Guilhem nous confie la correspondance qu’il aentretenu avec François-Paul Alibert, autre écrivain de Carcassonne. Pas moins de dix lettresmerveilleuses qui constituent toute une série de conseils à un jeune poète. J’en extrais quelquesuns :... En matière d’art, il ne s’agit ni d’encourager ni de décourager, il faut laisser faire et quechacun aille comme il l’entend et suive sa vocation....L’instinct poétique tient à la faculté qui consiste à ressentir des émotions, et l’instinct durythme à cette musique intérieure qui ordonne et dirige ces émotions selon une méthode qui a sesrègles et ses lois. (Lettre 1)...C’est l’accord entre le sentiment et la forme qui est l’essence de toute poésie....La poésie est un ensemble de convenances et de concordances qui doivent former un tout bienlié et où rien ne détone. (Lettre V)Je n’en dis pas plus. Découvrez ce livre passionnant, admirablement illustré par les encres deDantec. Vous découvrirez la passion de Joe Bousquet pour l’Androgyne, sa bienveillanteattention à l’égard de notre jeune poète, qui lui confiait ses premiers vers ; et la gentillesse d’unFrançois-Paul Alibert qui nous fait nous demander, si, de nos jours, un auteur un peu en vuedonnerait encore de son temps pour aider un jeune adolescent à

Louis Delorme

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Notes de lecturesNotes de lecturesNotes de lectures♦ inconnues saisons Tahar Bekri L’harmattan 145 pCe livre présente un choix de poèmes de l’écrivain tunisien Tahar Bekri. Il regroupe des textestirés de ses différents recueils francophones, et laisse de côté les poèmes en arabe de cet auteurbilingue. Une traduction anglaise de qualité (due à quatre poètes anglophones) figure en vis à visde chaque texte français, sans doute dans l’espoir de donner une audience plus large à ces«selected poems ».Les poèmes de Tahar Bekri sont en général des textes courts, mais qui ne prennent toute leurvaleur qu’au sein d’une série. Plutôt qu’un choix de textes isolés, les saisons inconnues sont donc,logiquement, une sélection de «suites ». On peut mesurer ici tout ce qui fait l’unité de l’œuvre :goût pour l’image juste, formulée de manière énigmatique, qui demande à être creusée

« BaigneuseBarque frileuse o mère du jour endormiLe prince d’insolation meurt dans tes brasLes marins quittent tes cheveux cinérairesNuit Mer éplorée »

Attention portée au tissu verbal des allitérations et des assonances« Le sabre sombre a tendu ses filets ensorceleursOrphelin je suis au milieu de la clameur »

Chantournement quasi mallarméen de la phrase, goût des rapprochements de mots inattendus.Chaque recueil a cependant une identité originale, par sa thématique et aussi par la forme

des poèmes.Tahar Bekri revendique un enracinement multiple :

« Son enfance barbier et figues noiresColonnes romaines et fontaines bruyantes,Tablettes coraniques et triques en l’airLes jours si courts ravivaient nos étoiles »

Aussi sa poésie francophone mêle-t-elle l’héritage arabe, présent dans la forme du roi errant, dansles thèmes (évocation du roi errant al-malik ad dillil, de l’exilé Ibn Hazm), dans le choix dessonorités privilégiées (au royaume de sable, / le roi errant chante sa douleur) à l’héritageoccidental (Hamlet) ou au monde antillais (Proximité de Glissant). Elle dit la difficulté de tenirpoème ouvert face au discours identitaire clos qui ravagea le pays d’enfance (et tant d’autres)

« La main de l’homme à la barbe barbareElle devait détruire ta splendeurDans la nuit aveugle de sanie »

Et l’émerveillement d’être au monde librement, libre de la grande liberté métaphysique de qui saittendre les images et s’y construire une langue, en «oiseau d’étincelle fertile ».

Emmanuel Hiriart

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Notes de lecturesNotes de lecturesNotes de lectures♦ Pangéia Flammarion, 1996

79 Frs Esther Tellermann

Recueil en trois parties, composé de poèmes courts. Brefs et fugaces comme la tombée du jour.Il s’agit d’une quête, celle d’une fusion entre lumière et ombre: clair-obscur. Tout d’abord, on“imagine le monde comme un train sans paysages ", partir pour “tracer d’autres airs” (partie 1).Vient ensuite la tentation (partie 2), celle de se mesurer à l’immuable “Ne dites pas: / ‘le cielnous couvre' / Nous sommes immortels"; celle qui nous “brûle” de l’intérieur. Pangéia (partie 3)...qui est-ce ou qu’est-ce? Une amie d’un autre monde que le poète "repousserait dans lalégende “, ou le nom d’un pays polaire où “la lumière devient son “et où “les oiseaux se cognentau gel” ? Récit énigmatique d’un voyage dans la perpétuelle nuit du monde, le jour fragile étantla parole inscrite.

♦ Journal alternatif Charles Dobzynski Collection Double Hache95 frs Bernard Dumerchez éditeur

Cent cinq poèmes de quatorze vers répartis en onze ensembles forment ce livre.Les quatre premiers ensembles ainsi que le dernier ont trouvé en moi un véritable écho.Peut-onparler d’élégie pour ces poèmes, ce chant qui court , pénètre le lecteur , avec ce rythme lent querend la voix.? L’ouvrage délivre dans ce voyage, intime et de vie, la beauté entière du chant, cetteincantation sourde de l’être, ce constat fait de face. Dans le troisième ensemble “Le présentdéplié” , les poèmes diffusent la plénitude du chant . Nombreux poèmes débutant cesensembles sont accompagnés à leurs fins d’une date - souvent éloignée - et d’un nom de lieu. DeAoût 39 à 1991/1999; de Aden à la rue Amelot; de Alain Bosquet à Bernard Vargaftig; de laSalpetrière à Colombo :le livre est un périple , la pérégrination du poète. La vie est revisitéeaux lueurs du passé et du vers , à l’aune du miroir limite. Cette limite du corps , cette chair,véritable métamorphose vivante du temps sur les os. Ce livre ,bilan déposé aux archives duvivre, nous entraîne avec lui , voguant à vue , comme ” le rêveur à l’estime invente soncabotage”

Lydia Padelec

Toi qui viens de la merPoèmes

Le dernier livre d’Emmanuel Hiriart est paru aux éditionsEditinter

BP 15 91450 SOISY-SUR SEINE

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Notes de lecturesNotes de lecturesNotes de lectures

♦ Le nom des fleuves Eric Sautou Le Dé Bleu 75 frs

Dans un saisissement progressif, une avancée à pas comptés, c’est un appel qui est lancé aunéant. Attendant un écho , une réponse hypothétique, le vers, dans ces courts poèmes progressepar petites avancées dans un espace de soi que le poète interroge. ON et ILS sont les sujets lesplus fréquemment employés. Qui sont-ils? Peut-être, parcequ’un guide “IL” accompagne ettient fermement la main, “ON”, est au minimum un double, voire la communauté de tous leshommes recherchant dans l’épaisse brume de la vie , des éclaircies, des rivages ensoleillés, deshaltes dans un pays de l’enfance retrouvé. HM

♦ Membre fantôme Guy Valensol Editions du Typograph 6, rue de Beaurepaire 85500 Les Herbiers

C’est l’enfance seule peut-être, ce fantôme, qui ne pouvait qu’hanter un lieu si joliment nommé -Beaurepaire, Les herbiers - Lieu du livre où réapparaît, jamais capitulant , l’enfant en nous. GuyValensol partage ici des souvenirs, parfois ” remugle de la mémoire” ou “sieste” pour “s’anéantir sans angoisse”. La langue est simple, vraie. Nous la suivons “sur les cheminsluisants de la mémoire”, traversant des champs, des paysages où demeurent encore ,des gestesde faux, des coups de fourches, et des musiques ... de scies circulaires.

HM

♦ Mise à jour Françoise Han Editions en Forêt Edition trilingue fra/all/ Doenning 6 D93485 Rimbach

Que sont donc ces “Mises à Jour ” ? Une actualisation susceptible de corriger dans le cerveauhumain la vision que nous avons de notre système terrestre et de son équilibre ? Peut-être plusprobablement une tentative d’éclaircissement de l’histoire de l’homme et de son univers. Etcela, dès la naissance des hommes dans cette vie, cette “Baraque Foraine”, titre de ce poèmeécrit dans un salut à la dixième Elégie de Duino de Rilke. Et où les hommes dans la destinée desastres vivent comme “ silhouettes, cibles / un instant épargnés.” .C’est parmi les pierres, àpartir de ce monde primitif , que des êtres vivants sont devenus des - Hommes - en accumulantces matières premières pour les tailler, les sculpter et y inscrire - comme en un dédoublement - cefruit d’une vie intérieure. Françoise Hàn avec ce livre dit la fragilité de la vie. Elle semblepréciser sa mesure devenue si ténue face aux “constellations” (qui) “changent l’équilibre”. Lepoète , nourri d’une scientifique, avec ces quelques poèmes, ces “mises à jour” nous alerte surl’inversement des forces en jeu sur la planète, notre terre. De la gravure des pierres, à la fonte deces montagnes de glaces aux pôles, notre réflexion sur la pérennité de notre civilisationhumaine doit vivement s’actualiser. En témoigne ce poème -visionnaire?- “ Haute Epoque“ où “ L’oeil capable de fixer / le film entier sur sa rétine / lit intensément / les signes de lacatastrophe / “

Hervé Martin

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En Bref...En Bref...En Bref...En Bref...En Bref...

Verrières N°4 Gratuite (16 frs - chèque pour frais d’envoi) 2, avenue GoulardChristophe Fourvel 25000 Besançon

Verrières est une revue de création du centre régional du livre de Franche-Comté. En souhaitantrendre compte de l'activité littéraire de Franche-Conté, elle fait naturellement bien plus: lalittérature et la poésie n’ayant pour territoire que leur propre langue . Papier ocre, texte aéré, larevue d’une belle facture, propose dans ses rubriques, des informations, des notes de lectures, desadresses de lieux concernant principalement la région de Franche -Conté. Dans ce numéro AlainJouffroy, Mathieu Messagier, Christophe Fiat et Pierre Perrin , dont le compte rendu d’entretienm’a très vivement intéressé.

RevuesRevuesRevuesRevuesRevuesRevuesRevues

• Suivi de “La vie promise”, “Éloge pour une cuisine de province” de Guy Goffetteauquel un numéro d’I.R fut consacré est paru l’automne dernier dans la collectionPoésie/Gallimard.

• L’hiver est une main précise, de Georges Guillain vient de paraître aux éditionsÉcrit(s) du Nord, 49, chemin des Plantis 62180 Verton.

• Co-fondateur de feue la revue Le Matin déboutonné ,Christophe Forgeot proposeavec L’entretien Imaginaire son quatrième livre de poésie. Editions HELICES BP 146,94733 Nogent sur Marne Cedex

• Thérèse Mercier vous invite à “L’Artisan de Saveurs” 72, rue du Cherche-MidiParis VIième pour des lectures qu’elle donne le premier jeudi de chaque mois. TEL:01 42 22 46 64

• “Quelque part ils ont tué le peuple” et “Un remous plus fort que le fleuve” les deuxderniers livres de Gérard Lemaire sont disponibles chez “ Daniel Martinez, 8 ave-nue Hoche 77330 Ozoir-la-Ferrière.” Editions Les Deux -Siciles.

• Michelle Caussat, dans la collection SAJAT présente deux opuscules Une histoirede Fée et Dérive d’automne, une suite de haïkus. Michèle Caussat 27, rue des Per-venches 31700 Blagnac

• A Force De Mentir Au Temps de Philippe A. Boiry paraît aux éditions NouvellePleiade Paris, accompagné d’illustrations de Michel François Lavaur.

• Le dimanche matin dès 7 Heures vous pouvez écouter, sur France Culture, l'émissionde Mathieu Bénézet, “Entre-revues” consacrée à la vie des revues de poésie.

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Le Nouveau Recueil N°56 Editions Champs Vallon 90 frs / 285 frs abt J-M Maulpoix 01420 Seyssel

Comment rendre compte d’une telle revue -192 pages - ? Sinon, en parlant du plaisir du textelors de la lecture de Joë Bousquet ou de Jacques Chessex. Ces pensées , ce plaisir quim’assaille...Soudain j’y suis ! A ce lieu , ce “dit” au plus cœur de sa source. Poursuivre. Relever,souligner, entourer des mots, des vers , ... Cela suffira-t-il? “c’est par les mots, si pauvre chose,que nous sommes restés debout” écrit ici Joël Vernet; puis s’arrêter à ces relevés méticuleux deCorinne Vitali, ces impressions ressenties aux encoignures du quotidien qu’une présencetraverse et qu’une forme soutient ; se tenir droit, bouche close en lisant le poème de VéroniqueBreyer intitulé “viol” ; s’interroger devant le texte de Benoit Conort. Et pour quelle raisoncapte-t-il mon intérêt? Cette désespérance qui suinte, cette désolation et ce creux dans la chair...?Prendre respiration, cette vie est la nôtre.

La Petite revue de l’indiscipline N°72 et N°76 BP 106655,75 frs les 10 numéros Christian Mancel 69202 Lyon Cedex

Bien nommée , son ton peu conventionnel est fait pour me séduire. Le verbe est sans ambages,comme cette lettre ouverte à Jean L’Anselme à propos de multi-diffusion...Une liberté de ton etd’humour. Dans ce numéro pas de poèmes - hélas...- mais des chroniques. Nombreuses.Le numéro 72 est presque entièrement consacré à Péssoa à propos de la nouvelle édition du Livrede l’Intranquilité. À découvrir.

Contre-allées Eté 2000 / Automne 2000 N°7 et N°8 3, rue Saint- Austremoine63000 Clermont-Ferrand

Trimestrielle / 20 frs A Marembert / R Fustier [email protected]

N°7 - Quelque chose de léger...comme une bouffée d’air frais , c’est l’éditorial de Romain Fustierqui débute ce numéro dont Franck Venaille est l’invité. Parmi les poèmes de ceux quil’accompagnent, une composante d’écriture semble se détacher: un ancrage à la réalité et à laprésence des / du corps. Alain Guillard, Eric Dejaeger, Jean Monod entre autres. Demain n’estpas à craindre!N°8 - Invité de ce numéro automne , André Velter nous offre à lire plusieurs poèmes d’ ”HerbeFolle” “ l’autre monde est de ce monde / il n’y a pas de retour”.Le chant , la voix seule commecalligraphie. Dans les poèmes qui composent ce numéro , le jeu avec la forme me semble dans sonrôle , celui d’ouvrir le regard intérieur vers le monde . Je suis happé par ces textes qui se jouentde moi. Suis-je berné ? En moi le plaisir du lecteur. Mathilde Dargnat, Emmanuel Flory, FabriceFossé, Matthieu Gosztola, Marie Laroche. La lecture me convainc ! Quelque chose se passe ici...

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Friches N°70 Le Gravier de GlandonTrimestriel / 45 frs J-P Thuillat 87500 St Yrieix

Deux poèmes inédits de Guy Goffette ouvrent ce numéro et précèdent, un long compte rendu des- Rencontres de St Yrieix - où il fut invité en compagnie de Bernard Noël. De larges extraits d’undébat -Rencontre avec les deux poètes - sont proposés. Un texte de Nimrod, deux poèmes de J-PThuillat dédiés à ses invités, d’autres encore , de Pierre Maubé, Nathalie Beyrand, MathieuHusson, Francine Guréghian-Salomé, Michel Gabet composent cette livraison de printemps.Unelettre ouverte de Roland Nadaus à Louis Dubost; un passage en revue de “ Comme ça et autrement“; et des notes de lectures, complètent ce numéro.

RevuesRevuesRevuesRevuesRevuesRevuesRevuesFlorilège N°100 BP 65 21021 Dijon CedexTrimestrielle / 50 frs J-M Lévenard

Des textes en prose, des poèmes, dont ceux de Francine Guréghian Salomé, Franck Galléa, avec“Variations”, une poésie en quête d’une forme...précèdent un “mémorial du 20 ième siècle” ..26poètes, parmi lesquels Micheline Debailleul, Stephen Blanchard, Philippe A. Boiry,...pourcélébrer à leur manière le siècle qui s’achève. Chroniques et informations. La revue dans une bellepagination, propose tout au long des ses 130 pages des compositions graphiques - Collages - deAndré Prone.

Petite N°8 45, rue Lacroix Paris 750173 n°/An 60 frs /150 frs /abt Thierry Trani / Florence Pazzottu

Une revue, qui se présente comme le livre d’une collection d’un éditeur. Dans ses pages, pas dechroniques, de notes de lectures ou de dossiers mais des poèmes , des textes. La volontédémontrée ici est celle de donner à lire “ des poèmes , des pensées, des petites proses - inédits-“. Un rythme, une écriture dans ces poèmes de Annie Maraudin: je retiens! Eric Sautou interrogedes noms ? Des artistes ? Des existences ? Que cherche-t-il ? Nommer ne suffit plus , que faut-ilréveiller ou révéler ? Suivent des poèmes et des textes de Jean Lalou, Frédérique Guétat-Liviani,Olivier Verneau, Ariane Dreyfus,...

Soif de Mots N°7 133, rue d’Angerville L Delorme 91410 Les Granges Le Roi

Dans ce numéro et avec une formule qui caractérise cette revue, Louis Delorme rassembleprincipalement des poèmes. Ce sont six voix que l’on pourra découvrir dans ces nombreuxpoèmes: Théo Crassas, Jean-Pierre Desthuilliers, Pierre Guérande, Jean-Charles Michel, Anne-Marie Vergnes, Paul Bensoussan pour ce numéro 7.

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Traces N °139 Automne 2000 Sanguèze 44330 Le Pallet Trimestrielle / 30 frs M-F Lavaur

Je ne résiste pas à lire d’emblée les (écho)commentaires toniques de MFL. Deux poèmes deJean Chatard , avec des dessins de Claudine Goux en début de ce numéro, précèdent pas moinsd’une soixantaine de voix dont Jacques Canut, Martine Morillon-Carreau, René Cailletaud,Claude Cailleau... Un long extrait de “La Dame Blanche”, une suite de textes inspirés à MLF parla Bretagne, est donné à lire. Notes de lectures de Jean Chatard et de Marc Bernelas.

RevuesRevuesRevuesRevuesRevuesRevuesRevuesComme en poésie N°3 et N°4 2149, avenue du tour du LacTrimestriel 20 frs/ abt 70 frs J-P Lesieur 40150 Hossegor

Un éditorial alerte et vivant. Parmi les poèmes qui nous sont proposés, je retiends particulière-ment ceux d’Alain Vexler “La brique” et de Michel Héroult “ Où allez-vous frêles enfants de lanuit ...”. Dans le numéro 4, après la lecture de Jean Chatard, Odile Caradec, Gérard Lemaire,Emmanuel Hiriart ou Catherine Mafaraud, je médite l’art Poétique de J-M Bongiraud, dont laproposition 11 agrège mon adhésion: le sang , la chair,les os ... le poème.

Poésie Première N°15 et N°16 Editinter Bp15 91450. Soisy-sur-SeineTriannuelle / 60 Frs R Dadillon

editinter@littérature.net

Un dossier sur la poésie albanophone d’aujourd’hui. ouvre ce numéro. Les regards de DanielLeuwers,Olivier Houbert et de Chantal Dagron sur le poète Adonis; Une présentation deJean-Claude Martin dont on découvrira des poèmes en prose;La lecture en version bilingue de lapoète portugaise Amelia Vieira: cette revue, dense, nous offre un panorama très diversifié de lapoésie française et étrangère , contemporaine ou immédiatement contemporaine. De nombreuses

Action Poétique N° 159 3, rue Pierre Guignois 94200 Ivry-sur-SeineTrimestrielle / 90 frs H Deluy

Avec pour titre ce poème “26 Août 2000:actualités” c’est Henry Deluy qui débute ce numéro etse joint à Bruno Cany - une étude - et Michèle Grangaud - une traduction - pour célébrerl’anniversaire de la mort de Nietzche. Suivent des poèmes de Claude Minière, VéroniqueVassiliou, Claude Fäin, Jean-Francois Bory, Annie Zadek, François Vert .J’ai particulièrementaimé ce long et beau poème ” Il était une fois...” de Serge Gavronski soutenu par un rythme, uneprosodie. Dans le dossier “Messageries Cubaines” on peut lire des poèmes , des textes, des lettresde Jorge Yglesias, José Lezama Lima, Pedro Marquès de Armas,... traduits et complétés d’un brefjournal, de H Deluy.

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INCERTAIN REGARDBP 14678515.RAMBOUILLET CEDEX

Responsable de publication: Hervé MartinParution SemestrielleN° ISSN 1292 -5934 / éd Février 2001dépôt légal 02 - 2001édition photocopiée.130 exEmail : [email protected]

Site : http://www.chez.com/incertainregard/

RevuesRevuesRevuesRevuesRevuesRevuesRevuesAujourd’hui Poème N° 14 et N° 15 105, Bd Haussmann 75008 ParisMensuelle / 20frs A Parinaud

Avec un numéro par semestre, j’ai des difficultés à rendre compte de cette revue mensuelle quipropose des poèmes , des notes de lectures , des articles, des entretiens et dont je rappelle qu’onla trouve -chez son marchand de journaux- à l’instar de la revue Poésie1-Vagabondages.De Charles Reznikoff vers un poème de Bernard Vargaftig et la parution de ses deux dernierslivres “ Craquement d’ombre” et “Un même silence”; d’André Du Bouchet au bel hommage deClaude Adelen à l’éditeur Pierre Jean Oswald qui vient de mourir; d’un “adieu à Valente”,hommage de Jacques Ancet, vers un entretien avec Louis Dubost : Comment choisir ? Peut-êtrece titre un peu provocateur de Jacques Darras à propos de son entretien avec Jean-JacquesBrochier du Magazine Littéraire :” Le critique poétique est une espèce en voie de disparition .” (hommes et femmes de revues poétiques, détendez vous!)... ou cette idée répandue “ si les autrespoètes lisaient les autres poètes, l’édition de poésie serait la chose la plus rentable du monde”. Sicette condition me paraît juste au point de vue d’une cohérence, elle me semble, et insuffisante etinadéquate, à l’augmentation des lecteurs de poésie. Les poètes sont quand même minoritairesparmi un lectorat potentiel de 60 millions d’âmes! Sans doute cette condition avérée, résoudraitalors un dilemme qui se pose aux éditeurs: l’art / l’équilibre des comptes. Mais si nousreformulons cette condition à propos des romanciers, des cinéastes, des peintres et autres artistes,constatons que la proposition n’est pas juste et cherchons ailleurs la résolution de cet état de fait:la poésie est peu lue.

Autre Sud N°10 Jacques Lovichi 97, avenue de La GouffonneTrimestriel 85 frs / 250 frs-abt 13009 Marseille

La revue consacre le numéro à Pierre Dhainaut. De très Nombreuses collaborations présententl’oeuvre du poète. Lire notamment un intéressant entretien de Jean-Marc Tessier avec PierreDhainaut. Poursuivre par la lecture des poèmes inédits et des notes sur la poésie , au coeur de cedossier. Au fil des pages on lira dans ce numéro des poèmes de Carla Rugger, Serge Bec,Eugenio Padorno, Willem M. Roggemman, Joëlle Gardes Tamine, Jean-Pierre Vidal, JacquesLovichi,..Des chroniques et notes de lectures de D Leuwers, J.M Tixier,J.C Villain,..

Hervé Martin Eternels passagers de nous-mêmes, il n’estpas d’autres paysages que ce que noussommes. Nous ne possédons rien, car nousne nous possédons pas nous-mêmes. Nousn’avons rien parce que nous ne sommesrien. Quelles mains pourrai-je tendre, etvers quel univers? Car l’univers n’est pas àmoi : c’est moi qui suis l’univers.

Fernando PéssoaLe livre de l’intranquilité

Christian Bourgois Editeur