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Antidépresseurs. Propriétés pharmacologiques Antidepressants. Pharmacological properties H. Lôo*, J.-P. Olié, A. Galinowski, M.-O. Krebs, M.-F. Poirier Service hospitalo-universitaire de santé mentale et de thérapeutique, centre hospitalier Sainte-Anne, 1, rue Cabanis, 75674 Paris cedex 14, France MOTS-CLÉS Tests classiques ; Résignation acquise ; Désespoir comportemental ; Électrophysiologie KEYWORDS Classical tests; Learned helplessness; Behavioral despair; Electrophysiology Résumé Comment peut-on prédire l’activité d’un antidépresseur avec des tests psycho- pharmacologiques chez l’animal ? Les tests comportementaux classiques vont de l’obser- vation du comportement au test d’antagonisme de la réserpine, et les tests utilisant des comportements chimiquement induits. De nouveaux modèles ont été mis au point : test de « résignation acquise », test de « désespoir comportemental », modèle du « stress léger répété », et séparation précoce mère-enfant chez l’animal. D’autres tests sont basés sur une approche électro-physio-biologique : effets sur le tracé élec- troencéphalographique (EEG), sur le cycle de sommeil induit chez le chat. Les animaux génétiquement modifiés sont un modèle d’avenir. © 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés. Abstract How is it possible to predict the activity of an antidepressant in the animal, using psycho-pharmacological tests ? The standard tests are behavior observation, reserpin-antagonism test, and chemically induced behavior tests. Other tests have been developed, such as learned helplessness mother-child separation, behavioral despair experience, chronic mild stress-induced anhedonia. Some tests are based on electrophy- siology: clinical and EEG effects, as well as action on the sleep wakefulness cycle of cats. Genetically modified animals may represent a model in the future. © 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés. Introduction La pharmacologie prévisionnelle cherche à repérer chez l’animal une activité antidépressive à partir des modèles pharmacologiques, élaborés au moyen de techniques comportementales. L’imipramine, premier antidépresseur, exerçait dans ces modèles des activités plus ou moins nettes. Idéalement, ces modèles devraient reproduire les conditions de la pathologie humaine tant du point de vue étiologi- que que symptomatique, thérapeutique et biologi- que. Des états comportementaux évoquant ceux de la dépression sont plus simples à obtenir par l’expo- sition des animaux à des contraintes répétées, que reproduire les conditions déclenchantes. Dans de tels modèles, l’influence de facteurs génétiques sur le développement de la dépression est ignorée. Ces modèles expérimentaux, sans relation di- recte avec les affections mentales, ont cependant permis la découverte de nombreux autres antidé- presseurs. Cependant, cette détection par « analo- gie » amène souvent la psychopharmacologie clini- que à promouvoir de nouveaux antidépresseurs * Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (H. Lôo). EMC-Psychiatrie 1 (2004) 255–259 www.elsevier.com/locate/emcps 1762-5718/$ - see front matter © 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés. doi: 10.1016/j.emcps.2004.06.003

Antidépresseurs. Propriétés pharmacologiques

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Antidépresseurs. Propriétés pharmacologiques

Antidepressants. Pharmacological propertiesH. Lôo*, J.-P. Olié, A. Galinowski, M.-O. Krebs, M.-F. PoirierService hospitalo-universitaire de santé mentale et de thérapeutique, centre hospitalier Sainte-Anne, 1,rue Cabanis, 75674 Paris cedex 14, France

MOTS-CLÉSTests classiques ;Résignation acquise ;Désespoircomportemental ;Électrophysiologie

KEYWORDSClassical tests;Learned helplessness;Behavioral despair;Electrophysiology

Résumé Comment peut-on prédire l’activité d’un antidépresseur avec des tests psycho-pharmacologiques chez l’animal ? Les tests comportementaux classiques vont de l’obser-vation du comportement au test d’antagonisme de la réserpine, et les tests utilisant descomportements chimiquement induits. De nouveaux modèles ont été mis au point : testde « résignation acquise », test de « désespoir comportemental », modèle du « stressléger répété », et séparation précoce mère-enfant chez l’animal. D’autres tests sontbasés sur une approche électro-physio-biologique : effets sur le tracé élec-troencéphalographique (EEG), sur le cycle de sommeil induit chez le chat. Les animauxgénétiquement modifiés sont un modèle d’avenir.© 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Abstract How is it possible to predict the activity of an antidepressant in the animal,using psycho-pharmacological tests ? The standard tests are behavior observation,reserpin-antagonism test, and chemically induced behavior tests. Other tests have beendeveloped, such as learned helplessness mother-child separation, behavioral despairexperience, chronic mild stress-induced anhedonia. Some tests are based on electrophy-siology: clinical and EEG effects, as well as action on the sleep wakefulness cycle of cats.Genetically modified animals may represent a model in the future.© 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Introduction

La pharmacologie prévisionnelle cherche à repérerchez l’animal une activité antidépressive à partirdes modèles pharmacologiques, élaborés au moyende techniques comportementales. L’imipramine,premier antidépresseur, exerçait dans ces modèlesdes activités plus ou moins nettes. Idéalement, cesmodèles devraient reproduire les conditions de lapathologie humaine tant du point de vue étiologi-

que que symptomatique, thérapeutique et biologi-que. Des états comportementaux évoquant ceux dela dépression sont plus simples à obtenir par l’expo-sition des animaux à des contraintes répétées, quereproduire les conditions déclenchantes. Dans detels modèles, l’influence de facteurs génétiques surle développement de la dépression est ignorée.Ces modèles expérimentaux, sans relation di-

recte avec les affections mentales, ont cependantpermis la découverte de nombreux autres antidé-presseurs. Cependant, cette détection par « analo-gie » amène souvent la psychopharmacologie clini-que à promouvoir de nouveaux antidépresseurs

* Auteur correspondant.Adresse e-mail : [email protected] (H. Lôo).

EMC-Psychiatrie 1 (2004) 255–259

www.elsevier.com/locate/emcps

1762-5718/$ - see front matter © 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés.doi: 10.1016/j.emcps.2004.06.003

assez semblables à ceux qui ont constitué la basepour établir de tels modèles.

Tests pharmacologiques classiquesdes antidépresseurs

Simon et Boissier1 ont schématisé en cinq groupesles principaux tests pharmacologiques utilisés pourla recherche d’une activité antidépressive des tri-cycliques chez le rat et la souris : antagonisme de laréserpine, des effets des neuroleptiques et descholinomimétiques, potentialisation de l’amphéta-mine, et divers autres tests.Cette stratégie reste très utilisée mais des tests

comportementaux plus élaborés sont venus enrichirla pharmacologie prévisionnelle, essayant de repro-duire des conditions « dépressives » chez l’animal.

Comportement spontané de l’animal

L’effet de la substance testée sur le comportementspontané de l’animal apporte peu de renseigne-ments pour prédire une activité antidépressive.L’administration de faibles doses d’imipramine en-traîne peu de modifications du comportement ;cependant, une hyperréactivité aux stimuli exté-rieurs s’observe, difficile à objectiver.14 À dosesfortes, apparaît une action légèrement sédativeavec diminution de l’exploration, qui ne s’accom-pagne jamais de catalepsie quelle que soit la dose.2

Les antidépresseurs ayant des propriétés prodopa-minergiques ont un profil légèrement différentavec une augmentation de l’activité motrice à cer-taines doses.

Tests d’antagonisme de la réserpine

Le plus classique des tests utilisés pour le « scree-ning » des antidépresseurs, et l’un des premiers,est l’antagonisme des différents symptômes induitspar la réserpine chez l’animal.1,2,3 L’utilisation dece modèle a reposé sur un postulat qui n’est pasdémontré : la réserpine induirait des dépressionschez l’homme, en déterminant une déplétion mo-noaminergique centrale réalisant les conditions pa-thogéniques de la dépression.Cette substance entraîne chez l’animal une sé-

dation profonde avec diminution de la motilité,ptose palpébrale, hypothermie, et à fortes doses,catalepsie. L’antagonisme du ptosis réserpiniqueest essentiellement de mécanisme périphérique etpeut donc provoquer de fausses interprétations. Enrevanche, l’hypomotilité et l’hypothermie réserpi-niques sont d’origine centrale. Les antidépresseurs

classiques s’opposent remarquablement à ces ef-fets de la réserpine. Cependant, quelques antidé-presseurs restent sans action sur ces tests, telles lamiansérine,2 la trazodone. Par ailleurs, d’autressubstances que les antidépresseurs peuvent anta-goniser ou prévenir l’hypothermie induite par laréserpine ; ceci a été démontré, pour l’amphéta-mine, la chlorpromazine, l’aspirine, certains anti-cholinergiques (trihexyphénidyle),2 certains anti-histaminiques (cyclazosine), et même desanxiolytiques. L’antagonisme de l’hypomotilité etde l’hypothermie réserpinique reste le modèle leplus intéressant puisque d’origine centrale.

Action anticataleptique des antidépresseurs

Les neuroleptiques tels que l’halopéridol et la pro-chlorpérazine déterminent une catalepsie chez lerat. Il est possible de mettre en évidence un anta-gonisme des antidépresseurs vis-à-vis de la catalep-sie ainsi provoquée.1 Mais celui-ci n’est pas spécifi-que puisqu’il se manifeste avec l’apomorphine, lesdérivés amphétaminiques et les anticholinergiques.

Actions anticholinergiques centralesdes antidépresseurs

Les imipraminiques s’opposent aux effets centrauxdes parasympathomimétiques. On utilise souventl’oxotrémorine, agoniste cholinergique, qui provo-que, chez l’animal, des tremblements et une hypo-thermie d’origine centrale, et un certain nombrede phénomènes cholinergiques d’origine périphéri-que tels que diarrhée, sueurs, larmoiement. Cespropriétés anticholinergiques des antidépresseurssont responsables d’effets latéraux gênants en thé-rapeutique. Certains nouveaux antidépresseurssont dénués de propriétés anticholinergiques. Dessubstances sérotoninergiques ou bêta-adréner-giques s’opposent à l’hypothermie provoquée parl’oxotrémorine mais sont sans action sur les mani-festations périphériques.2

Tests de potentialisation des effetsde l’amphétamine

L’amphétamine détermine chez le rat et la sourisune hyperthermie, une hypermotilité, une toxicitéde groupe, des comportements stéréotypés de reni-flements, une facilitation des réponses d’évite-ment et un comportement d’autostimulation intra-cérébrale qui sont potentialisés par de nombreuxantidépresseurs. L’hypothèse initiale était quel’amphétamine libérait les catécholamines, enmême temps que les antidépresseurs inhibaient

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leur recapture ou leur catabolisme. En fait, ce n’estpas la bonne explication : les antidépresseurs se-raient actifs parce qu’ils bloquent la parahydroxy-lation, c’est-à-dire l’inactivation de l’amphéta-mine.3

Autres tests utilisant des comportementschimiquement induits

De nombreux tests de spécificité variable ont étémis au point pour tenter de circonscrire une acti-vité antidépressive potentielle.

La potentialisation de la toxicité de la yohimbinechez la souris est rapportée à la libération denoradrénaline (NA) qu’elle provoque. Ce modèleétudie la létalité de la souris soumise à cette poten-tialisation ; il sélectionne tous les antidépresseursmais également les antihistaminiques, les anticho-linergiques et les psychostimulants. Des réservessont apportées sur sa validité : la potentialisationobservée serait peut-être due à un blocage ducatabolisme de la yohimbine.3

Une adaptation de ce test au chien apporte desrésultats différents selon les produits, et en parti-culier elle permet d’isoler les psychostimulants. Cetest est, sous cette forme, sans doute plus sélectif,mais son utilisation est limitée parce qu’il est diffi-cile techniquement d’étudier un grand nombre desubstances chez le chien.

La potentialisation des stéréotypies induites parl’apomorphine est maintenant contestée.

L’antagonisme de l’hypothermie induite parl’apomorphine à fortes doses (de 15 à 20 mg/kg)chez le rat et la souris se manifeste avec les tricy-cliques et les nouveaux antidépresseurs à l’excep-tion de la miansérine. Mais d’autres substances sontactives comme certains antiparkinsoniens, les sti-mulants bêta-noradrénergiques et dopaminergi-ques.2

L’étude des interactions entre le 5-HTP et lesantidépresseurs montre que ceux-ci potentialisentl’hypoactivité et les mouvements particuliers de latête, mouvements d’ébrouement, déterminés parle 5-HTP. Les IMAO potentialisent ces manifesta-tions, et les tricycliques ont des effets variés :inhibition (amitriptyline) ou potentialisation (imi-pramine). Curieusement, les inhibiteurs spécifi-ques de la recapture de la sérotonine (5-HT) commela fluoxétine ou le citalopram, administrés en chro-nique, ne potentialisent pas ces effets.

La sédation et l’hypothermie induites par la clo-nidine sont antagonisées par les antidépresseurs enchronique, mais ce test est plus rarement utilisé.3

Nouveaux modèles pharmacologiquescomportementaux

Ces modèles tentent de reproduire chez l’animaldes conditions dont l’analogie avec la dépressionchez l’homme pourrait être plus étroite. Les mani-festations comportementales sont ici induites pardes conditions expérimentales. Il faut constaterque le modèle animal idéal de la dépressionn’existe pas.4

Test de « résignation acquise »

Il a été la source d’innombrables travaux expéri-mentaux.4,5 Il utilise le syndrome comportementalinduit chez le rat par des chocs électriques incon-trôlables, aléatoires et inévitables. Placé ensuitedans une situation analogue mais avec une possibi-lité de s’échapper, le rat n’essaie pas de les éviter,alors qu’un animal normal le ferait. Un traitementpar imipramine pendant au moins 4 jours prévientchez l’animal l’apparition de ce phénomène de« résignation apprise » avec un effet dose-dépen-dant ; en revanche, un traitement aigu n’est pasefficace. D’autres antidépresseurs ont montré uneefficacité préventive en chronique dans ce test : laclomipramine, la désipramine, les IMAO. L’effica-cité des antidépresseurs de nouvelle génération estplus variable, en particulier l’effet des inhibiteursde la recapture de la 5-HT n’apparaît que pour defaibles doses, 10 à 20 fois inférieures à celles utili-sées pour les tricycliques. Par ailleurs, des substan-ces considérées comme dénuées d’action antidé-pressive ont également des effets« antirésignation » telles que scopolamine, L-dopa,apomorphine, clonidine. Ce modèle reste plutôt dudomaine de la recherche.

Test de « désespoir comportemental »

Élaboré par Porsolt et al.,6,7 ce test pharmacologi-que est apparenté à celui de la « résignation ap-prise ». Il est maintenant très utilisé dans le« screening » des antidépresseurs. Il se réaliseainsi : un rat dans un cylindre rempli d’eau dont ilne peut sortir, nage un certain temps puis s’immo-bilise et flotte. Ce « renoncement » à la nage estinterprété comme un sentiment de désespoir. Lesanimaux sous antidépresseurs nagent plus long-temps que les contrôles comme si l’animal retrou-vait l’espoir dans la recherche d’une issue favora-ble. Ce test a l’inconvénient de présenter unnombre non négligeable de faux positifs : les anti-cholinergiques, tous les agonistes dopaminergiquesdont les amphétamines ; et de faux négatifs :

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essentiellement les antidépresseurs sérotoninergi-ques. Il a en revanche permis de détecter de nou-veaux antidépresseurs comme la miansérine ou latrazodone qui échappaient aux tests habituels de« screening » comportemental.

Modèle du « stress léger répété »

Ce modèle est produit par l’application séquen-tielle répétée de différentes conditions expérimen-tales de stress aléatoires, tels qu’un choc électri-que léger inévitable, la nage forcée en eau froide,la privation de nourriture et d’eau, l’inversion de lapériode jour-nuit, l’exposition au bruit et à la lu-mière intense.8 Après exposition à ces facteursdurant 2 à 3 semaines, les rats présentent desmodifications comportementales qui durent plu-sieurs mois, véritables « équivalents dépressifs »,comme une réduction d’activité motrice et unebaisse de l’attirance et de la consommation deboisson sucrée.9 Les antidépresseurs administrés àlong terme inversent les changements comporte-mentaux observés.

Modèle de séparation précoce mère-enfant

Des modèles de séparation d’un animal et de sonpetit ont été mis au point chez le singe et chez lechien. Certains auteurs ont utilisé un autre para-digme qui consiste à manipuler les chiots nouveau-nés pendant des durées définies puis d’évaluer leurréaction au stress durant l’âge adulte. Dans lemodèle de séparation mère-enfant, le petit pré-sente d’abord une phase de protestation, où ilpousse des cris ; puis survient un comportementinterprété comme une phase de désespoir où lepetit cesse toute activité et présente des perturba-tions du sommeil.10 Ce syndrome induit par la sépa-ration est amélioré par les antidépresseurs tricycli-ques avec un délai d’action comparable à celuinécessaire à l’activité thérapeutique. Les autresthérapeutiques antidépressives, notamment lesIMAO, sont également efficaces. En revanche, l’ac-tivité des nouveaux antidépresseurs est malconnue. Ce modèle de dépression induit par laséparation est, d’après Porsolt, « l’analogue animalle plus convaincant de la dépression ». Son lien avecune perturbation de l’axe hypothalamo-hypophyso-corticosurrénalien (axe HPA) a été montré par l’in-duction d’un « comportement dépressif » par l’in-jection de « corticotropin releasing factor » (CRF)dans le système nerveux central de jeunes singes.11

Son coût financier ne permet pas d’en faire un testde « screening » pharmacologique.

Comportement muricide

Le comportement muricide spontané chez le rat estantagonisé par les antidépresseurs.3 Ce comporte-

ment muricide peut aussi être obtenu par ablationbilatérale des lobes olfactifs et il s’accompagned’un déficit dans le test d’évitement passif. Ce testest utilisé dans le développement de certains nou-veaux antidépresseurs qui antagonisent ces pertur-bations comportementales.

Capacité à différer un comportement

Un test évaluant la capacité à différer un compor-tement a été mis au point par Thiebot.12 Dans unlabyrinthe en T, le rat a le choix entre l’obtentionimmédiate d’une boulette ou l’accès à plusieursboulettes après une attente. Les antidépresseursfacilitent l’apprentissage mais augmentent aussi lacapacité de l’animal à attendre pour obtenir uneplus forte récompense, plutôt qu’une récompenseimmédiate mais de faible importance.Ce modèle, renvoyant au fonctionnement séro-

toninergique, peut être intéressant dans les nouvel-les indications des antidépresseurs telles que lestroubles obsessionnels compulsifs et les troubles del’impulsivité.

Approche électrophysiologique

Des tests électrophysiologiques peuvent compléterla pharmacologie prévisionnelle.L’électroencéphalographie en pharmacologie

permet de caractériser le profil « électrique » desantidépresseurs, c’est-à-dire les types de modifica-tions EEG qu’ils induisent. Cette technique permetde rechercher si une molécule entraîne des modifi-cations électrophysiologiques évoquant une acti-vité antidépressive, en référence aux caractéristi-ques des antidépresseurs connus. Ainsi, l’activitéantidépressive de la miansérine, peu active sur lestests de pharmacologie animale, a été suspectée enraison d’un profil électroencéphalographique pro-che de celui de l’amitriptyline.13

Trois types de modifications élec-troencéphalographiques sont évocatrices d’unesubstance antidépressive.

• La diminution des ondes ponto-géniculo-occipitales (PGO) : ces ondes sont constituéespar une activité électrique rythmée apparais-sant au niveau de certaines zones cérébralespendant les périodes de sommeil paradoxal.L’administration de réserpine ou la destructiondes noyaux du raphé entraînent l’apparition dePGO chez l’animal éveillé.Les antidépresseurs, y compris les moléculesatypiques comme la miansérine et l’iprindole,inhibent l’apparition des PGO induites ou dimi-nuent leur densité.14,15 Les PGO semblent enrapport avec une déplétion en monoamines et

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en particulier en 5-I-IT. Dans ce test, les blo-queurs de la recapture de la 5-HT seraient plusactifs que les bloqueurs de celle de la NA.Mais d’autres substances ont la même activité,certaines molécules « serotonin-like » non anti-dépressives et certains psychodysleptiques.3

• Les antidépresseurs diminuent la fréquence durythme alpha et provoquent l’apparition d’on-des lentes de type thêta ou même delta, à l’étatde veille.

• Enfin, la plupart des antidépresseurs diminuentla durée du sommeil paradoxal et augmententcelle des stades 3 et 4 chez l’homme. Cettepropriété, retrouvée chez le rat, peut constituerun test prévisionnel d’une activité antidépres-sive.16

Ces investigations permettent aussi de prédireselon les affinités les pouvoirs sédatif ou stimulantdes molécules.17

Animaux génétiquement modifiés :modèle d’avenir ?

À la suite des stratégies traditionnelles ayantabouti aux modèles animaux classiques induits pardes substances ou des contraintes, la pharmacolo-gie moléculaire a permis d’affiner la détection desantidépresseurs, notamment en explorant leur affi-nité pour les différents récepteurs.L’essor de la neurobiologie moléculaire et de la

génétique ouvre la porte à de nouvelles approchesen pharmacologie animale. Il est maintenant possi-ble d’étudier les changements comportementauxinduits chez les animaux génétiquement modifiés,des rongeurs principalement, soit par la suppres-sion d’un gène ou de son expression « souris Knockout », soit par l’insertion d’un nouveau gène d’inté-rêt (animaux transgéniques). La création de cesnouvelles lignées animales permet d’étudier le lienentre la modification d’un gène et une manifesta-tion constatée dans la lignée telle que l’anxiété, undéficit d’apprentissage, etc... (pour revue voirHoslboer 199918).

Conclusion

Ainsi, la limite des tests psychopharmacologiquesclassiques pour déceler une activité antidépressiveest rapidement apparue. Les propriétés pharmaco-logiques des antidépresseurs diffèrent selon lesclasses chimiques. Aucun test n’est suffisant à lui

seul : il est nécessaire d’en utiliser plusieurs et deles associer éventuellement à d’autres approchesméthodologiques.

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