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55 fiche pharmacothérapeutique pratique Actualités pharmaceutiques n° 517 Juin 2012 Antihistaminiques H 2 Série inflammation-douleur Inhibiteurs de la pompe à protons Anti-histaminiques H 2 Analogues de prostaglandines Les antagonistes des récepteurs de l’histamine réduisent la sécrétion acide produite par l’estomac en bloquant l’effet acidifiant de l’histamine. Ils sont donc utilisés comme antiulcéreux. En raison de leur efficacité moyenne, on leur préfère aujourd’hui les inhibiteurs de la pompe à protons. L es antagonistes des récepteurs de l’hista- mine, également appelés antihistaminiques H 2 (anti-H 2 ), sont des médicaments mis sur le marché dans les années 1960 et couramment utilisés dans le traitement des ulcères gastroduodénaux, qui touchent environ 10 % de la population. Si leur utili- sation a été réduite depuis l’apparition des inhibiteurs de la pompe à protons, le pharmacien dispose de formes exonérées qu’il pourra conseiller aux patients présentant des douleurs gastriques. Pourtant, leur emploi ne doit pas être banalisé, compte tenu du risque iatrogène. Mode d’action – Propriétés pharmacologiques Plus connue dans les réactions allergiques, l’hista- mine est aussi un médiateur libéré par les cellules entérochromafines, qui favorise le relargage d’acide chlorhydrique dans l’estomac par la pompe à protons, en stimulant ses récepteurs H 2 , localisés au pôle basal des cellules pariétales gastriques (figure 1). En bloquant ces récepteurs, les anti-H 2 sont des médi- caments antiulcéreux réduisant cette sécrétion acide Antihistaminiques H 2 Figure 1 : Mécanisme d’action des antihistaminiques H 2 . Tableau 1 : Principaux antihistaminiques H 2 DCI Spécialité Présentation Posologie Demi-vie Ranitidine Azantac ® , Raniplex ® + G Cp pellic et cp effervescent à 75, 150 et 300 mg Sol inj IM ou IV 50 mg/2 mL Traitement symptomatique du reflux gastro-œsophagien : 75 mg, au moment des brûlures et/ou des régurgitations, avec un maximum de 3 prises par jour et sur une période n’excédant pas 2 semaines. Ulcère gastro-duodénal évolutif et œsophagite : 300 mg le soir, pendant 4 à 6 semaines Syndrome de Zollinger-Ellison : dose initiale recommandée de 600 mg par jour à ajuster individuellement, si nécessaire, jusqu’à 1200 mg/jour. 2,5 h Famotidine Pepcidac ® + G Cp pellic 10, 20 et 40 mg Ulcère gastroduodénal : 40 mg par jour, le soir, pendant 4 à 8 semaines. Œsophagite par reflux gastro-œsophagien : 20 à 40 mg 2 fois par jour pendant 4 à 8 semaines. Syndrome de Zollinger-Ellison : dose initiale recommandée de 20 mg toutes les 6 heures à adapter individuellement. 3 h Nizatidine Nizaxid ® Gélule 150 mg Ulcère gastroduodénal : 300 mg par jour (au coucher ou en 2 prises) pendant 4 à 8 semaines Œsophagite par reflux gastro-œsophagien : 150 à 300 mg deux fois par jour pendant 6 à 12 semaines. 1,6 h Cimétidine Stomédine ® + G Cp et cp effervescent à 200, 400 et 800 mg Ulcère gastroduodénal : 800 mg par jour (au coucher ou en 2 prises) pendant 4 à 6 semaines. Œsophagite par reflux gastro-œsophagien : 800 mg à 1,6 g par jour pendant 4 à 12 semaines. Syndrome de Zollinger-Ellison : jusqu’à 2 g/jour 2 h G : génériques ; IM : voie intramusculaire ; IV : voie intraveineuse. © Fotolia.com/Piotr Marcinski © DR

Antihistaminiques H2

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Actualités pharmaceutiques n° 517 Juin 2012

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Série inflammation-douleur

Inhibiteurs de la pompe à protons Anti-histaminiques H2Analogues de prostaglandines

Les antagonistes des récepteurs

de l’histamine réduisent la sécrétion

acide produite par l’estomac en bloquant

l’effet acidifiant de l’histamine. Ils sont

donc utilisés comme antiulcéreux.

En raison de leur efficacité moyenne,

on leur préfère aujourd’hui les inhibiteurs

de la pompe à protons.

Les antagonistes des récepteurs de l’hista-mine, également appelés antihistaminiques H2 (anti-H2), sont des médicaments mis sur le

marché dans les années 1960 et couramment utilisés dans le traitement des ulcères gastroduodénaux, qui touchent environ 10 % de la population. Si leur utili-sation a été réduite depuis l’apparition des inhibiteurs de la pompe à protons, le pharmacien dispose de formes exonérées qu’il pourra conseiller aux patients présentant des douleurs gastriques. Pourtant, leur emploi ne doit pas être banalisé, compte tenu du risque iatrogène.

Mode d’action – Propriétés pharmacologiquesPlus connue dans les réactions allergiques, l’hista-mine est aussi un médiateur libéré par les cellules entérochromafines, qui favorise le relargage d’acide

chlorhydrique dans l’estomac par la pompe à protons, en stimulant ses récepteurs H2, localisés au pôle basal des cellules pariétales gastriques (figure 1).En bloquant ces récepteurs, les anti-H2 sont des médi-caments antiulcéreux réduisant cette sécrétion acide

Antihistaminiques H2

Figure 1 : Mécanisme d’action des antihistaminiques H2.

Tableau 1 : Principaux antihistaminiques H2

DCI Spécialité Présentation Posologie Demi-vieRanitidine Azantac®,

Raniplex® + G

Cp pellic et cp effervescent

à 75, 150 et 300 mg

Sol inj IM ou

IV 50 mg/2 mL

Traitement symptomatique du reflux gastro-œsophagien : 75 mg, au moment des brûlures

et/ou des régurgitations, avec un maximum de 3 prises par jour et sur une période n’excédant

pas 2 semaines.

Ulcère gastro-duodénal évolutif et œsophagite : 300 mg le soir, pendant 4 à 6 semaines

Syndrome de Zollinger-Ellison : dose initiale recommandée de 600 mg par jour à ajuster

individuellement, si nécessaire, jusqu’à 1200 mg/jour.

2,5 h

Famotidine Pepcidac® + G Cp pellic 10, 20 et 40 mg Ulcère gastroduodénal : 40 mg par jour, le soir, pendant 4 à 8 semaines.

Œsophagite par reflux gastro-œsophagien : 20 à 40 mg 2 fois par jour pendant 4 à 8 semaines.

Syndrome de Zollinger-Ellison : dose initiale recommandée de 20 mg toutes les 6 heures

à adapter individuellement.

3 h

Nizatidine Nizaxid® Gélule 150 mg Ulcère gastroduodénal : 300 mg par jour (au coucher ou en 2 prises) pendant 4 à 8 semaines

Œsophagite par reflux gastro-œsophagien : 150 à 300 mg deux fois par jour pendant

6 à 12 semaines.

1,6 h

Cimétidine Stomédine® + G Cp et cp effervescent

à 200, 400 et 800 mg

Ulcère gastroduodénal : 800 mg par jour (au coucher ou en 2 prises) pendant 4 à 6 semaines.

Œsophagite par reflux gastro-œsophagien : 800 mg à 1,6 g par jour pendant 4 à 12 semaines.

Syndrome de Zollinger-Ellison : jusqu’à 2 g/jour

2 h

G : génériques ; IM : voie intramusculaire ; IV : voie intraveineuse.

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au niveau stomacal (tableau 1). Ils sont généralement utilisés par voie orale pour laquelle ils possèdent une absorption importante et rapide (tableau 2).

IndicationsLes anti-H2 sont indiqués dans le traitement des ulcères gastriques ou duodénaux pouvant être induits par le stress ou par certains médicaments comme l’aspirine.Ils sont également employés dans la prévention des récidives d’ulcères gastroduodénaux.Les antihistaminiques H2 sont indiqués dans le trai-tement du syndrome de Zöllinger-Ellison (tumeur au niveau du pancréas entraînant une sécrétion de gastrine et une augmentation excessive de l’acidité gastrique).Ils sont utilisés pour les œsophagites dues aux reflux gastro-œsophagiens (RGO), quand les règles hygiéno- diététiques ne se montrent pas suffisantes.

Précautions d’emploiEn cas d’insuffisance rénale et/ou hépatocellulaire, il sera conseillé de réduire la posologie et de l’adapter en fonction de la clairance à la créatinine.Les personnes aux âges extrêmes de la vie, dont, plus spécifiquement, les personnes âgées, doivent bénéficier d’une surveillance particulière lors du traitement.En cas d’état confusionnel ou de bradycardie sinusale importante, le traitement doit être interrompu.

Grossesse et allaitementL’utilisation des anti-H2 est déconseillée en cas de grossesse et d’allaitement. La prise de ces médi-caments lors de quelques grossesses n’a pas mis en évidence d’effets malformatifs ou de fœto-toxicité, mais leur innocuité n’a pas été formellement établie.Le passage dans le lait maternel est important et, même si les doses ingérées par l’enfant restent géné-

ralement faibles (environ 1 % de la dose maternelle), la tolérance chez l’enfant, lors d’un traitement prolongé ou à fortes doses chez la mère, n’est pas connue.

Effets indésirables les plus fréquentsComme tous les antisécrétoires gastriques, les anti-H2 peuvent favoriser le développement de bactéries intragastriques par une diminution de l’acidité du suc gastrique, générant ainsi un risque de surinfections. Effets principaux : nausées, vomissements, cépha-

lées, myalgies, fatigue, somnolence. Effets centraux : vertiges, syndrome confusionnel,

hallucinations, dépression. Effets cutanés : éruptions, hypersudation, alopécie

(ranitidine et cimétidine). Effets hématologiques (leucopénie, thrombopénie,

agranulocytose), rénaux (élévation de la créatinine, néphrite interstitielle) et hépatiques (élévation des transaminases, hépatite, pancréatite). Effets cardiaques : bradycardie sinusale, tachy-

cardie (cimétidine). Effets endocriniens avec la cimétidine : gynéco-

mastie, galactorrhée.Tous les effets indésirables régressent à l’arrêt du traitement.

Interactions médicamenteuses L’administration des topiques gastro-intestinaux

doit être espacée de plus de deux heures. En effet, ces derniers (antiacides, charbon…) diminuent l’absorption des anti-H2, comme celle de nombreux autres médicaments.

Les antifongiques azolés risquent de voir leur absorption réduite par augmentation du pH gastrique. La cimétidine est un inhibiteur enzymatique.

Elle peut ainsi augmenter les concentrations des molécules qui sont métabolisées par les cytochro-mes P450, en particulier l’isoforme 3A4, d’où un risque important d’interactions médicamenteuses possibles avec cette molécule. Les médicaments à marge théra-peu ti que étroite et métabolisés par cette voie sont

Tableau 2 : Pharmacocinétique

des antihistaminiques H2

Absorption Rapide

Biodisponibilité 45 à 100 %

Passage de la barrière hématoencéphalique

Oui

Métabolisme hépatique Hépatique (50 %)

Élimination Rénale (filtration glomérulaire et sécrétion tubulaire)

Demi-vie 2 à 3 heures

À savoirLa pharmacocinétique des antihistaminiques H2 est

logiquement modifiée chez les sujets atteints d’insuffisance

rénale ou hépatique et chez les personnes aux âges extrêmes

de la vie.

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2formellement contre-indiqués. Parmi eux, on peut citer le carvédilol, la phénytoine, les anticoagulants oraux, les opiacés comme le fentanyl ou l’alfentanil, les benzodiazépines de type midazolam ou diazé-pam, les anesthésiques locaux comme la lidocaïne, la théophylline, la tacrine, la nifédipine, les dérivés de l’ergot de seigle, les contraceptifs estroprogestatifs et les statines.

AssociationsLes anti-H2 comme la famotidine peuvent être asso-ciés avec les antiacides tels que l’hydroxyde de magnésium et le carbonate de calcium (retrouvés dans Pepcidduo® comprimés à croquer, indiqué dans le traitement symptomatique de courte durée des brûlu res d’estomac et remontées acides chez l’adulte et l’adolescent à partir de 16 ans).Les anti-H2 peuvent être employés, en association avec des antibiotiques, chez les personnes infectées par Helicobacter pylori. Par exemple, pourront être associés ranitidine (300 mg matin et soir) + amoxi-cilline (1 g matin et soir) + clarithromycine (500 mg matin et soir) pendant 7 jours. Cette trithérapie sera suivie par 300 mg de ranitidine par jour pendant deux à quatre semaines supplémentaires, en cas d’ulcère évolutif. Les azolés, comme le métronidazole et le tinidazole, ou la tétracycline peuvent remplacer la clarithromycine. Cependant, ces schémas thérapeu-tiques restent peu utilisés, les IPP constituant l’anti-sécrétoire de premier recours en association avec le cocktail antibiotique.

Modalités de prescriptionL’emploi des antisécrétoires H2 s’est considérable-ment réduit depuis l’apparition des inhibiteurs de la pompe à protons (IPP), dont l’efficacité est supérieure et qui constituent aujourd’hui le traitement de réfé-rence de l’ulcère. Ainsi, ces anti-H2 ne sont prescrits, en général, qu’en cas d’intolérance aux IPP, ce qui reste relativement rare.

Conseils associésLe traitement médicamenteux du RGO ne se conçoit que lorsque les mesures simples suivantes n’ont pas permis de faire disparaître les symptômes :– proscrire les aliments acides et épicés (citron, piment…), ainsi que les excitants (tabac, alcool, café…) et les boissons gazeuses ;– manger lentement et éviter les repas copieux ;– ne pas s’allonger dans les deux heures qui suivent un repas ;– ne pas se pencher en avant, plier les genoux pour se baisser ;– ne pas mettre de vêtements serrés qui compriment l’abdomen (ceinture…) ;– proscrire les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) en automédication comme l’ibuprofène ;– surélever la tête du lit de 5 à 10 centimètres. �

Sébastien Faure

Maître de conférences des Universités

Faculté de pharmacie, Angers (49)

[email protected]

Déclaration d’intérêts : l’auteur déclare ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article.

Retenir l’essentiel pour la pratique Les antihistaminiques H2 sont des antisécrétoires

utilisés dans le traitement des ulcères gastroduodénaux

et des remontées acides.

Si leur efficacité est réelle, leur utilisation a régressé

suite à la mise sur le marché des inhibiteurs de la pompe

à protons (IPP) présentant un rapport bénéfice/risque

supérieur. Généralement, on ne recourt désormais aux

antihistaminiques qu’en cas de contre-indication ou

d’intolérance aux IPP.

La cimétidine doit être utilisée avec précaution avec d’autres

médicaments, notamment ceux à marge thérapeutique étroite,

du fait de ces propriétés inhibitrices enzymatiques.

Les conseils hygiéno-diététiques sont indispensables au bon

contrôle des manifestations gastriques.

À noterLa prise de comprimés effervescents entraîne un apport de

sodium de l’ordre de 164 à 479 mg par comprimé (équivalant

potentiellement à plus d’1 g de sel), ce qui doit être absolument

évité chez les patients insuffisants cardiaques ou hypertendus

soumis à un régime hyposodé.

Pour en savoir plusAgence française de sécurité sanitaire des produits de santé

(Afssaps). Recommandations de bonne pratique : les antisécrétoires

gastriques chez l’adulte. www.snfge.asso.fr/01-bibliotheque/0d-

pratiques- cliniques/reco_hors_has/antisecretoire-gastrique-reco.pdf.

Malfertheiner P, Chan FK, McColl KE. Peptic ulcer disease. Lancet.

2009;374(9699):1449-61.

Suzuki H, Nishizawa T, Hibi T. Helicobacter pylori eradication therapy.

Future Microbiol. 2010;5(4):639-48.