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TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PARIS JUGEMENT rendu le 25 Septembre 2014 3ème chambre 4ème section RG: 12/ 161 49  Assignation du : 09 Novembre 2012 DEMANDEURS  Monsieur Guy R S.A. R APPLE SHOES [...] 85130 LA GAUBRETIERE agissant poursuites et diligences de son représentant légal, domicilié en cette qualité audit siège. Tous deux représentés par Maître Florence ANDREANI de l’AARPI KERN. WEYL & ANDREANI, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #P0291 DEFENDERESSE  Société SONIA RYKIEL CREATIONS ET DIFFUSION DE MODELES  [...] 75006 PARIS prise en la personne de son représentant légal domicilié es qualités audit siège. représentée par Maître Emmanuel BAUD du Partnership JONES DAY, avocats au barreau de PARIS, vestiaire COMPOSITION DU TRIBUNAL  Marie-Claude H, Vice Présidente Thérèse A, Vice Présidente François THOMAS. Vice Président  assistés de Sarah BOUCRIS, Greffier, DÉBATS A l'audience du 11 Juin 2014 tenue en audience publique devant Marie- Claude H et François THOMAS, juges rapporteurs, qui, sans opposition des avocats, ont tenu seuls l'audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en ont rendu compte au tribunal, conformément aux dispositions de l'article 786 du code de procédure civile. JUGEMENT Prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe  Contradictoire En premier ressort  EXPOSE DU LITIGE Monsieur Guy R indique avoir pour activité la création de chaussures. La société RAUTUREAU APPLE SHOES assure la commercialisation de modèles de chaussures, par le biais de marques notamment POM D'API et FREE LANCE, dont elle est titulaire. La société SONIA RYKIEL CREATION ET DIFFUSION DE MODELES (ci- dessous, la société SONIA RYKIEL) a notamment pour activité la création, Page 1 of 11 TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PARIS 13/10/2014 file://\\nt26\EXIT\TEMP\Anonymisa tion_dest_xml\Temp_ 7\D20140178.html

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TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PARIS 

JUGEMENT rendu le 25 Septembre 2014 

3ème chambre 4ème section 

N°RG: 12/16149  

Assignation du : 09 Novembre 2012 

DEMANDEURS 

Monsieur Guy R 

S.A. R APPLE SHOES 

[...]85130 LA GAUBRETIERE 

agissant poursuites et diligences de son représentant légal, domicilié encette qualité audit siège. Tous deux représentés par Maître Florence ANDREANI de l’AARPI KERN.WEYL & ANDREANI, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #P0291 

DEFENDERESSE 

Société SONIA RYKIEL CREATIONS ET DIFFUSION DE MODELES 

[...]75006 PARIS 

prise en la personne de son représentant légal domicilié es qualités auditsiège. représentée par Maître Emmanuel BAUD du Partnership JONES DAY,avocats au barreau de PARIS, vestiaire 

COMPOSITION DU TRIBUNAL 

Marie-Claude H, Vice PrésidenteThérèse A, Vice PrésidenteFrançois THOMAS. Vice Président assistés de Sarah BOUCRIS, Greffier,

DÉBATS 

A l'audience du 11 Juin 2014 tenue en audience publique devant Marie-Claude H et François THOMAS, juges rapporteurs, qui, sans opposition desavocats, ont tenu seuls l'audience, et, après avoir entendu les conseils desparties, en ont rendu compte au tribunal, conformément aux dispositions del'article 786 du code de procédure civile. 

JUGEMENT 

Prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe 

Contradictoire 

En premier ressort 

EXPOSE DU LITIGE 

Monsieur Guy R indique avoir pour activité la création de chaussures. 

La société RAUTUREAU APPLE SHOES assure la commercialisation demodèles de chaussures, par le biais de marques notamment POM D'API et

FREE LANCE, dont elle est titulaire. 

La société SONIA RYKIEL CREATION ET DIFFUSION DE MODELES (ci-dessous, la société SONIA RYKIEL) a notamment pour activité la création,

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la fabrication et la distribution d'articles d'habillement et d'accessoires demode pour femmes et enfants. 

Par acte d'huissier du 9 novembre 2012, monsieur Guy R et la sociétéRAUTUREAU APPLE SHOES ont fait citer la société SONIA RYKIELdevant le tribunal de grande instance de Paris, en lui reprochant notammentdes faits de contrefaçon et de concurrence déloyale. 

Par conclusions du 8 avril 2014, monsieur Guy R et la société RAUTUREAUAPPLE SHOES demandent au tribunal de :-juger que la société SONIA RYKIEL, en important en France, en fabriquant,en détenant, en offrant à la vente et en vendant des modèles de chaussuresnotamment référencés : 663 201 SG 001,663 201 SF001 et 863 201 SF001, constituant la contrefaçon du modèle de chaussures référencé ROCKPERFECTO, PUNKY 1 PERFECTO et ARELIA 7 PUMPS PERFECTO créépar Monsieur R et commercialisé par la société RAUTUREAU APPLESHOES, s'est rendue coupable d'actes de contrefaçon, -juger que la société SONIA RYKIEL s'est rendue coupable d'actes de

concurrence déloyale à rencontre de la société RAUTUREAU APPLESHOES, -  interdire à la société SONIA RYKIEL, sous astreinte de 1.000 € par pairede chaussures contrefaisantes importée, fabriquée, détenue, offerte envente et/ou vendue à compter de la signification du jugement, de perpétuerses actes de contrefaçon et de concurrence déloyale,-  -juger que le tribunal sera compétent pour connaître de la liquidation desastreintes, -  ordonner la remise à la société RAUTUREAU APPLE SHOES par lasociété défenderesse aux fins de destruction des chaussurescontrefaisantes encore en stock ou offertes en vente, sous astreinte de

15.000 € par jour de retard, à compter du 8ème jour suivant la significationdu jugement, -  ordonner la confiscation aux mêmes fins de tous documents, cataloguesou autres, portant reproduction des chaussures contrefaisantes, sousastreinte de 15.000 € par jour de retard, à compter du S*"10 jour suivant lasignification du jugement, -  condamner la société SONIA RYKIEL à payer à Monsieur Guy R lasomme de 40.000 € à titre de dommages et intérêts pour les actes decontrefaçon commis à son préjudice, -  condamner la société SONIA RYKIEL à payer à la société RAUTUREAUAPPLE SHOES la somme de 100000 €, à parfaire, à titre de dommages et

intérêts provisionnels pour les actes de contrefaçon commis à son encontre, -  condamner la société SONIA RYKIEL à payer à la société RAUTUREAUAPPLE SHOES la somme de 40000,00 € à titre de dommages et intérêtsprovisionnels en réparation des actes de concurrence déloyale commis àson préjudice, -  ordonner la publication du « par ces motifs » du jugement sur la paged'accueil du site internet www.soniarykiel.com pendant une période de 15 jours et ce sous astreinte de 15.000,00 € par jour de retard et/ou parinfraction constatée à compter de la signification du jugement, -  ordonner la publication d'un extrait du jugement dans cinq journaux ourevues et/ou sur les services de communication au public en ligne y afférent,

aux frais de la défenderesse à raison de 4.000 € H.T. par insertion, à titre dedommages et intérêts complémentaires, -  dire que les condamnations porteront sur tous les faits de contrefaçon etde concurrence déloyale commis jusqu'à la date du jugement sur la fixation

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définitive des dommages et intérêts, -  ordonner l'exécution provisoire du jugement, - condamner la société SONIA RYKIEL à payer Monsieur Guy R et à lasociété RAUTUREAU APPLE SHOES la somme de 20.000 € au titre del'article 700 du code de procédure civile, - condamner la société SONIA RYKIEL en tous les dépens, y comprisles frais de saisie contrefaçon, qui seront recouvrés par Maître FlorenceANDREANI - Avocat au Barreau de Paris. 

Par conclusions du 3 juin 2014, la société SONIA RYKIEL demande autribunal de : -  constater que M. Guy R n'a pas créé en 1982 le « système d'ouverture etde fermeture à glissières qui part du bout avant intérieur pour rejoindre lacheville sur le côté latéral extérieur, en passant par le dessus de lachaussure », -  constater que M. Guy R n'a pas davantage créé le modèle de low bootcombinant ce système d'ouverture et de fermeture à glissière à un talon de

faible hauteur en forme de fer à cheval, un bout pointu et verni et une tiges'arrêtant au niveau de la cheville, 

- constater que M. Guy R n'apporte pas la preuve de la création dumodèle ROCK PERFECTO, - constater que les demandeurs ne rapportent pas la preuve del'originalité du modèle ROCK. PERFECTO et de la combinaison d'élémentsconnus revendiquée, -  constater que les demandeurs ne peuvent se reconstituer des droits par lebiais de l'action en concurrence déloyale, en l'absence de droits privatifs, -  constater que les demandeurs ne rapportent pas la preuve d'une

quelconque faute commise par la société SONIA RYKIEL au titre de laconcurrence déloyale. -  juger que les demandeurs sont dépourvus de droits privatifs sur le modèleROCK PERFECTO. -juger que les demandeurs ne rapportent pas la preuve d'un quelconquepréjudice imputable à la société SONIA RYKIEL  résultant des prétendusactes de contrefaçon et de concurrence déloyale. En conséquence, -  déclarer M. Guy R irrecevable à agir à l'encontre de la société SONIARYKIEL dans le cadre de la présente instance, -  déclarer les demandeurs mal fondés en leur action, 

-  débouter les demandeurs de l'intégralité de leurs demandes,A titre reconventionnel : -   juger que l'introduction et/ou le maintien par les demandeurs de laprésente procédure a excédé le stade de la loyauté en matière commercialeet revêt un caractère abusif. -  condamner solidairement les demandeurs à lui payer la somme de 200.000 euros à titre de dommages et intérêts. En tout état de cause : - condamner solidairement les demandeurs au paiement à lui payer lasomme de 75.000 euros au titre des frais irrépétibles de l'article 700 du codede procédure civile. 

-  condamner solidairement les demandeurs aux entiers dépens. -  ordonner l'exécution provisoire du jugement. 

A l'appui de leurs demandes, monsieur R et la société RAUTUREAU APPLE

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SHOES soutiennent que monsieur R a créé en 1982 un système d'ouvertureet de fermeture à glissières pour une chaussure fermée, par lequel les deuxparties latérales de la chaussure sont jointes par une fermeture allant del'avant intérieur de la chaussure jusqu'à la cheville, côté extérieur. Ilsajoutent que ce système a été commercialisé pour des chaussures diffuséessous la marque POM D'API, appartenant désormais à la sociétéRAUTUREAU APPLE SHOES. Ils affirment que monsieur R a créé en 2003 une chaussure référencéeROCK PERFECTO qui a fait l'objet d'un procès-verbal de constat decréation en 2004 a cédé ses droits patrimoniaux sur celle chaussure à lasociété RAUTUREAU APPLE SHOES, que celle-ci l'a commercialisée parles marques POM D'API et FREE I.ANCH SOUS différentes références. 

Estimant que la société SONIA RYKIEL présentait et proposait à la ventesous la marque SONIA BY SONIA RYKIEL une chaussure constituant unecontrefaçon de la chaussure ROCK PERFECTO, les demandeurs ont faitréaliser un constat sur internet, ainsi qu'un procès-verbal de saisie-contrefaçon. 

Ils soutiennent que monsieur R est bien le créateur de la chaussure ROCKPERFECTO, et que cette qualité lui est reconnue par la presseprofessionnelle et par des décisions judiciaires intervenues. Ils ajoutent quela présentation par monsieur R à l'huissier des photographies de cettechaussure vaut première divulgation, l'acte d'huissier identifiant le modèlede la chaussure, la date de sa divulgation et le nom de son créateur. 

Sur ce point, la société SONIA RYKIEL estime que le système de fermetureen question n'a pas été créé par monsieur R, lequel ne démontre pas êtrel'auteur de la chaussure ROCK PERFECTO et ne produit aucune pièce sur

le processus de création de cette chaussure. Elle ajoute que le procès-verbal d'huissier du 13 janvier 2004 versé par monsieur R ne permet pas àlui seul de lui attribuer la qualité de créateur de la chaussure en question. 

Les demandeurs font état de l'originalité de la chaussure ROCKPERFECTO, au vu de la combinaison de son système d'ouverture àglissière sur une bottine au bout pointu et d'un talon d'un centimètre dehauteur, la fermeture partant de la partie avant intérieure de la chaussure etfinissant au niveau extérieur de la cheville en passant par le dessus de lachaussure. Ils précisent que cette chaussure a été déclinée sous plusieurs appellations

depuis sa présentation en 2004, et que l'empreinte de la personnalité de sonauteur découle de la combinaison des éléments qui composent cettebottine, ce d'autant que ces éléments ne sont pas en eux-mêmesnécessaires a la composition d'une bottine. Ils soutiennent qu'il n'existe pasd'antériorité de toute pièce, et que les caractéristiques combinées deséléments composant la chaussure ROCK PERFECTO lui confèrent uneoriginalité certaine. 

Pour sa part, la société SONIA RYKIEL avance que la seule combinaisond'éléments connus ne saurait établir l'originalité d'une œuvre, faute derévéler l'existence d'un processus créatif. Elle ajoute que le caractère inédit

de la combinaison en cause ne saurait être suffisant, et que l'absence d'uneantériorité de toutes pièces n'établit pas que la chaussure ROCKPERFECTO est originale. Elle soutient que le caractère arbitraire des choixeffectués est insuffisant à caractériser l'originalité, qui ne saurait découler

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d'une simple déclinaison, d'une adaptation aux tendances de la mode ou dela transposition d'un genre à un autre. Elle relève que la chaussure ROCK PERFECTO s'inscrit dans un genre dechaussures populaire dans les années 1950/1960, que la reprise de bottinesbasses à bouts pointus a déjà inspiré d'autres créateurs de chaussures, etqu'il existe des antériorités. 

Les demandeurs soutiennent que la chaussure de la société SONIARYKIEL reproduit les éléments caractéristiques de la ROCK PERFECTO etest présenté dans les mêmes couleurs que celles dans lesquelles la sociétéRAUTUREAU APPLE SHOES a diffusé cette chaussure, de sorte que lacontrefaçon est établie.De son côté, la société SONIA RYKIEL soutient que la comparaison deschaussures révèle les différences existant entre elles, et analyse lesdifférents points qui distingueraient selon elle les deux chaussures. Elleajoute que les ressemblances invoquées portent sur des éléments banals,insusceptibles de protection au titre du droit d'auteur. 

Les demandeurs reprochent à la société SONIA RYKIEL d'avoir commis desactes de concurrence déloyale, en présentant comme un modèleemblématique de sa collection 2012-2013 une chaussure dont elle savaitqu'il reproduisait un modèle phare de plusieurs collections de la sociétéRAUTUREAU APPLE SHOES.Ils ajoutent que les chaussures ont une place importante dans l'activité de lasociété SONIA RYKIEL, que la chaussure SONIA R est déclinée enplusieurs couleurs et a bénéficié d'une couverture média importante. Elle faitétat du risque de confusion entre les deux chaussures, proposées dans lesmêmes circuits de commercialisation et visant la même clientèle. La société SONIA RYKIEL conteste toute concurrence déloyale, en

soutenant qu'il n'existe pas de risque de confusion entre les chaussures encause. Elle souligne que le faible volume de vente de la chaussure ROCKPERFECTO montre qu'il ne s'agit pas d'un modèle phare des demandeurs,que les chaussures ne représentent qu'une part marginale de sa propreactivité, et affirme que sa chaussure querellée n'a fait l'objet d'aucuneparution de presse et n'a été que très peu vendue. Enfin, elle conteste toutereproduction servile et tout risque de confusion. 

Enfin, monsieur R et la société RAUTUREAU APPLE SHOES détaillentleurs différents chefs de préjudice, lesquels sont contestés par la sociétéSONIA RYKIEL qui présente une demande reconventionnelle en procédure

abusive. 

MOTIVATION 

Sur la qualité à agir de monsieur R 

L'article Ll 13-1 du code de la propriété intellectuelle précise que « la qualitéd'auteur appartient, sauf preuve contraire, à celui ou à ceux sous le nom dequi l'œuvre est divulguée ». 

Monsieur R revendique la qualité de créateur de la chaussure ROCK

PERFECTO, et produit plusieurs articles de journaux faisant état de saqualité de créateur de chaussures.Pour autant, ces documents n'établissent pas en eux-mêmes qu'il serait àl'origine de la création de la chaussure ROCK PERFECTO. 

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Il produit un constat d'huissier du 13 janvier 2004, dans lequel l'huissierindique avoir recueilli les déclarations de Monsieur R, qui lui déclarait avoirconçu et créé les modèles de chaussures de la collection « POM D'APIHiver 2004 » sur lesquels il avait cédé ses droits à la société RAUTUREAUAPPLE SHOES. Il en ressort que Monsieur R a produit à cette occasion àl'huissier une liste de modèles de chaussures, parmi lesquels figurait lemodèle ROCK PERFECTO, ainsi qu'une page extraite du catalogue POMD'API sur lequel apparaît la chaussure ROCK PERFECTO en plusieurscoloris, ces documents étant joints au procès-verbal. 

Pour autant, si l'huissier a pu constater la remise de photographies de lachaussure ROCK PERFECTO extraites d'un catalogue POM D'API, il n'apas observé le processus de création du modèle en question.Il a recueilli les propos tenus par Monsieur R et les pièces que celui-ci luiversait sur la chaussure ROCK. PERFECTO, sans avoir observe par lui-même la création de celte chaussure par Monsieur R. 

L'indication par monsieur R de la combinaison des éléments composant lachaussure ROCK PERFECTO ne saurait démontrer qu'il est à l'origine de sacréation. Monsieur R 

ne produit aucun croquis de celte chaussure, ni aucun document portant surson processus de création. 

Les déclarations de monsieur R, et la présentation par lui du modèle dechaussure ROCK PERFECTO devant un huissier ne valent pas divulgation. 

Si la qualité d'auteur de chaussures de monsieur R est établie, lacommercialisation de cette chaussure ROCK PERFECTO par la sociétéRAUTUREAU APPLE SHOES, et l'absence de contestation par celle-ci dela qualité d'auteur de monsieur R de cette chaussure, ne saurait démontrerqu'il en est le créateur. 

Au vu de ce qui précède, et en l'absence de toute pièce établissant lacréation de la chaussure ROCK PERFECTO sous le nom de monsieur R oule fait qu'elle aurait été divulguée sous son nom, monsieur R sera déclaréirrecevable à agir. 

Sur la qualité à agir de la société RAUTUREAU APPLE SHOES 

La société RAUTUREAU APPLE SHOES soutient, pour justifier de ses

droits, qu'elle commercialise la chaussure en question depuis l'année 2004. Elle justifie notamment être titulaire de la marque POM D'API, sous laquellela chaussure ROCK PEREECTO a été diffusée depuis l’année 2004 ainsique l'établissent notamment l'extrait de catalogue annexé au procès-verbald'huissier du 13 janvier 2004 et l'état des ventes de l'hiver 2004 (pièce 15des demandeurs). 

La société RAUTUREAU APPLE SHOES justifie également être titulaire dela marque FREE LANCE, dont était titulaire la société GYR DESIGNERSavant qu'elle ne soit absorbée par la société RAUTUREAU APPLE SHOES. La chaussure en question dans une collection FREE LANCE a été diffusée

sous la référence ARELIA PERFECTO, notamment durant l'hiver 2012, et ilest justifié de la vente de cette chaussure sous cette référence enproduisant une facture datée du 21 septembre 2012. Cette chaussure aégalement été commercialisée sous la référence ARELIA 7 PUMPS

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PERFECTO, ce que reconnaît du reste la société SONIA RYKIEL. 

Il résulte de ce qui précède que la société RAUTUREAU APPLE SHOES justifie avoir présenté, sous les marques POM D'API et FREE LANCE', lachaussure ROCK PERFECTO. et avoir procédé à sa commercialisationrégulière, notamment sous les références ROCK PERFECTO, ARELIAPERFECTO et ARELIA 7 PUMPS PERFECTO. Aussi, et en l'absence de toute revendication d'un tiers, elle apparaît fondéeà agir. 

Sur l'originalité de la chaussure ROCK PERFECTO 

La chaussure ROCK PERFECTO présente, comme le soulignent lesdemandeurs, les caractéristiques suivantes : -  un système d'ouverture et de fermeture à glissières partant du bout avantpointu sur le côté latéral intérieur pour rejoindre la cheville sur le côté latéralextérieur, en passant par le dessus de la chaussure, ce système faisant serejoindre les deux parties latérales de la chaussure, 

-  un bout très pointu, en forme de triangle vers le coup de pied, -  l'avant de la bottine est plat, légèrement creusé au centre, pour remontervers l'avant de la cheville, - la cambrure intérieure est creusée, l'extérieure est bombée,rebondissant au-dessus du talon, -  la tige s'arrête au niveau de la cheville, -  le talon présente une forme de fer à cheval, il a 1 cm de hauteur, -  le cuir est verni. 

Les demandeurs avancent que la combinaison de ces différents éléments -non nécessaires à la constitution d'une bottine - relèvent d'un parti-pris

esthétique, en ce notamment qu'elle révèle le choix arbitraire d'associer legalbe intérieur de la bottine au côté bombé des côtés extérieurs, le talon enfer à cheval avec l'effet triangle des côtés et le bout très pointu. Ainsi, les demandeurs ne se limitent pas à faire état du caractère inédit del'association des éléments composant cette chaussure, et mettent en avanten quoi la combinaison de ses éléments constitutifs révèle des choix dansleur association, et est originale. 

Il ressort des éléments produits par la société SONIA RYKIEL que ledispositif de fermeture à glissières présent sur la chaussure ROCKPERFECTO n'est pas nouveau, et qu'une bottine basse dessinée dans les

années 1970 par monsieur Jan J présentait déjà un tel dispositif, partant dubout avant intérieur de la chaussure jusqu'à la cheville sur le côté extérieur,en passant par le dessus de la chaussure, ce système établissant la jonction entre les deux parties latérales de la chaussure. Pour autant, la bottine de monsieur Jan J présente un bout arrondi, alorsque celui de la chaussure ROCK PERFECTO est très pointu. Par ailleurs, lachaussure ROCK PERFECTO est plus basse sur l'arrière de la cheville quesur le coup de pied, alors que cette hauteur est constante sur la chaussurede jan J.La bottine ZIP de madame Stefi T, divulguée en 1979, présente égalementune telle fermeture à glissières, mais est dotée d'une semelle plate alors

que la chaussure ROCK PERFECTO présente un talon. Par ailleurs, si la défenderesse avance que la chaussure ROCKPERFECTO s'inspire de chaussures de type « wincklepickers » répanduesen Angleterre dans les années 1950/1960 et qui présentaient un bout

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pointu, aucune illustration produite des chaussures appartenant à ce stylene présente une fermeture à glissière telle que celui figurant sur cettechaussure. 

Enfin, s'il ressort des pièces produites par la société SONIA RYKIEL que lestyle de bottine basse s'inscrit dans une tendance de la mode et qu'ellesoutient que les demandeurs ne peuvent revendiquer de droits sur lacombinaison d'éléments nécessaires à la composition d'une bottine, aucunedes documents qu'elle produit ne constitue une antériorité de toute pièce dela chaussure ROCK PERFECTO. 

Il sera relevé que certaines chaussures présentées par la société SONIARYKIEL au titre des antériorités figurent sur de simples impressions d'écrannon datées, donc insusceptibles de constituer une antériorité ; à titresurabondant, leur système de fermeture à glissières n'occupe pas la mêmeplace que sur la chaussure ROCK PERFECTO. 

Outre l'absence d'antériorité de toute pièce, la société SONIA RYKIEL ne

saurait soutenir que la seule association du système d'ouverture à glissières-déjà connu sur des bottines à bout rond- à une bottine à bout pointuconstituerait le seul apport des demandeurs et serait impropre à caractériserl'originalité de la chaussure en question. 

Les demandeurs ont notamment mis en avant le caractère vernis de lachaussure ROCK PERFECTO, la finesse de son talon, et indiqué avoirvoulu transposer par l'association de ces composants la forme du blouson «perfecto » aux bottines, ce qui révèle encore l'empreinte d'une volontécréatrice. 

Au vu de ce qui précède, il apparaît que la combinaison des élémentsconstituant la chaussure ROCK PERFECTO résulte d'un choix arbitraire deréunir des éléments précis, dont aucun n'apparaît dicté par la fonction d'unechaussure, ce qui lui confère, dans une appréciation globale, unephysionomie propre traduisant un parti pris esthétique et portant l'empreintede la personnalité de son auteur. 

Par conséquent, la chaussure ROCK PERFECTO apparaît originale, etsusceptible de protection au titre du droit d'auteur. 

Sur la contrefaçon 

L'article L122-4 du code de la propriété intellectuelle prévoit notamment que« toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans leconsentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite». 

En l'espèce, il est reproché à la chaussure référencée 663201-SG,commercialisée dans la ligne SONIA B SONIA R par la société SONIARYKIEL, de constituer une contrefaçon de la chaussure ROCK PERFECTO. 

Les deux chaussures sont des bottines basses, à bout pointu, dotées d'unsystème de fermeture et d'ouverture à glissières partant de la partie avant

intérieure pour rejoindre la cheville sur le côté latéral extérieur, en passantpar le dessus de la chaussure. 

Pour autant, la comparaison des deux chaussures montre que la chaussure

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ROCK PERFECTO est plus haute que la chaussure présentée par SONIAR, tant à l'arrière du talon que sur le coup de pied. La chaussure ROCKPERFECTO remonte notamment sur le coup de pied, ce que ne fait pas lachaussure SONIA R, de sorte que la chaussure ROCK PERFECTOenveloppe plus la cheville que la chaussure SONIA R, qui présente unaspect plus plat. 

S'agissant de la fermeture à glissières, celle-ci part sur les deux chaussuresde rayant intérieur de la chaussure pour aller jusqu'à la cheville côtéextérieur. Cependant, sur la chaussure SONIA R, l'extrémité finale de cette fermeturearrive presque dans l'axe du pied légèrement à l'extérieur, alors que dans lachaussure ROCK PERFECTO cette extrémité se situe d'avantage versl'arrière du pied, vers le milieu de l'ouverture, à mi-cheville. L'ouverture de lachaussure SONIA R paraît ainsi plus dans l'axe de la chaussure, alors quesur la chaussure ROCK PERFECTO elle est d'avantage située sur le côté. 

De plus, la glissière part de la semelle sur la chaussure de SONIA R, alors

que dans la chaussure ROCK PERFECTO cette glissière part plus haut,environ un centimètre au-dessus de la semelle. La glissière de la chaussureROCK PERFECTO a une forme plus arrondie, en ce qu'elle souligne lecoup de pied sans le traverser, alors que sur la chaussure de SONIA Rcette glissière traverse le coup de pied et a ainsi une trajectoire moinsincurvée. 

Enfin, le talon et la semelle de la chaussure SONIA R sont plus épais et plusimposants que ceux de la chaussure ROCK PERFECTO, et elle présenteune couture sur chacun de ces côtés qui souligne le talon dont estdépourvue la chaussure ROCK PERFECTO. 

Dès lors, et au vu de ces seuls éléments, si ces deux chaussuresprésentent des caractéristiques communes, la chaussure de SONIA R nereprend pas la combinaison originale revendiquée par la demanderesse.Aussi, la chaussure présentée par la société SONIA RYKIEL n'apparaît pascontrefaisante de la chaussure ROCK PERFECTO. 

Par conséquent, la société RAUTUREAU APPLE SHOES sera déboutée desa demande présentée au titre de la contrefaçon. 

Sur la concurrence déloyale 

La concurrence déloyale est fondée sur l'article 1382 du code civil, et reposesur l'appréciation de l'existence d'un risque de confusion entre les produitsen cause. 

L'appréciation de la faute au regard du risque de confusion doit résulterd'une approche concrète et circonstanciée des faits de la cause prenant encompte notamment, le caractère plus ou moins servile, systématique ourépétitif de la reproduction ou de l'imitation, l'ancienneté d'usage, l'originalité,la notoriété du produit copié. 

Ainsi qu'il l'a été vu précédemment, la chaussure de la société SONIA

RYKIEL, commercialisée dans la ligne SONIA B SONIA R, présente desdifférences sensibles avec la chaussure de la société RAUTUREAU APPLESHOES, identifiée sous l'appellation ROCK PERFECTO et également sousd'autres références. 

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L'impression d'ensemble donnée par ces deux produits en est différente, cequi exclut tout risque de confusion entre eux. 

Dès lors, la société RAUTUREAU APPEL SHOES sera déboutée de sademande présentée au titre de la concurrence déloyale. 

Au vu de ce qui précède, les demandes en réparation présentées par lesdemandeurs ne sauraient être accueillies. 

Sur la demande en procédure abusive 

L'exercice d'une action en justice constitue par principe un droit et nedégénère en abus pouvant donner naissance à une dette de dommages etintérêts que dans le cas de malice, de mauvaise foi ou d'erreur grossièreéquipollente au dol. 

La société SONIA RYKIEL sera déboutée de sa demande à ce titre, fautepour elle de rapporter la preuve d'une quelconque intention de nuire oulégèreté blâmable de la part de monsieur R et la société RAUTUREAUAPPLE SHOES, qui ont pu légitimement se méprendre sur l'étendue deleurs droits et d'établir l'existence d'un préjudice autre que celui subi du faitdes frais exposés pour sa défense. 

Sur l'exécution provisoire 

Au vu de la teneur de la décision, il n'y a pas lieu d'ordonner l'exécutionprovisoire du jugement. 

Sur les dépens 

Monsieur R et la société RAUTUREAU APPLE SHOES succombant auprincipal, ils seront condamnés au paiement des dépens. 

Sur les demandes présentées sur le fondement de l'article 700 du code deprocédure civile 

II convient, au vu de l'équité, de condamner monsieur R et la sociétéRAUTUREAU APPLE SHOES au paiement d'une somme de 8000 euros àla société SONIA RYKIEL. 

PAR CES MOTIFS 

Le tribunal, statuant publiquement par mise à disposition au greffe,contradictoirement et en premier ressort, 

Dit que Guy R est irrecevable à agir en contrefaçon pour la chaussureROCK PERFECTO, 

Déboute la société RAUTUREAU APPLE SHOES de sa demandeprésentée au titre de la contrefaçon, 

Déboute la société RAUTUREAU APPLE SHOES de sa demandeprésentée au titre de la concurrence déloyale, 

Déboute la société SONIA RYKIEL de sa demande en procédure abusive, 

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Dit n'y avoir lieu à exécution provisoire de la décision, 

Condamne monsieur R et la société RAUTUREAU APPLE SHOES aupaiement des dépens. 

Condamne monsieur R et  la société RAUTUREAU APPLE SHOES au

paiement d'une somme de 8000 euros à la société SONIA RYKIEL, sur lefondement de l'article 700 du code de procédure civile. 

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