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3 Journal d’Épidémiologie et de Santé Publique, JESP N°20, Décembre 2018 APPORT DE LA BIOLOGIE MOLÉCULAIRE DANS LA PRISE EN CHARGE DE LA LEU- CÉMIE MYÉLOÏDE CHRONIQUE : EXPÉRIENCE DU SERVICE DE BIOCHIMIE DE L'EHU D’ORAN-ALGÉRIE M.Nachi 1 , D.Guella 1 ,A.Dali-Ali 3 , A. Abed 1 , R.Moussaoui 1 , Y.Boukhatmi 1 , B.Entasoltane 2 , I.Belmir 2 , MA.Bekadja 2 , A.Dida 4 , M.Raiah 4 , O.Abou 1 1. Service de Biochimie, EHU 1 er Novembre, Oran-Algérie. 2. Service d’Hématologie et de thérapie cellulaire, EHU 1 er Novembre, Oran-Algérie. 3. Service d’Epidémiologie, EHU 1 er Novembre, Oran-Algérie. 4. Service de Biostatistique, Faculté de Médecine d'Oran Résumé Dans le cadre la leucémie myéloïde chronique (LMC), les techniques de biologie moléculaire sont deve- nues indispensables pour une bonne prise en charge des patients : la RT-PCR qualitative notamment de type multiplex nécessaire au diagnostic et à la caractérisation non seulement des types de transcrit clas- siques Mb3a2 et b2a2 mais aussi les variantes rares et la RT-PCR quantitative en temps réel ou qRT- PCR qui est devenue la technique la plus sensible et la mieux standardisée actuellement disponible pour la quantification du réarrangement BCR-ABL 1 permettant le suivi moléculaire de la maladie résiduelle. Nous rapportons les résultats de leur application chez des patients algériens suspects ou suivi pour LMC et traités par les inhibiteurs de tyrosine kinase (ITK). L’étude a inclut 112 nouvelles suspicions de LMC et 32 anciens patients. Nous avons d’abord effectué une recherche qualitative des transcri ts de fusion BCR-ABL 1 par RT-PCR Multiplex pour les nouveaux cas et pour les anciens patients non typés. La quantification des transcrits BCR-ABL 1 a été réalisée par la qRT-PCR. L'étude moléculaire a montré les résultats suivants : 72/112 patients (64%) ont été diagnostiqués, d'âge médian 48 ans. Le sexe ratio (H/F) est de 1,05. Quarante trois patients (60%) exprimaient le type Mb3a2, 28 (39%) le type Mb2a2 et un pa- tient le type μ e19a2. (1%). Concernant les anciens patients, 15/32 (47%) n'ont pas pu être typés alors que chez 17/32 patients (53%), la recherche des transcrits est revenue positive. 9/17 (53 %) de type b3a2, 7/17 (41 %) de type b2a2 et 1/17 (6%) était de type μ e19a2. L’évaluation moléculaire a montré les résultats suivants : pour les 17 anciens patients typés, 4 étaient en réponse optimale, 5 en réponse sub-optimale, 5 en échec thérapeutique et 3 en perte de réponse moléculaire alors que chez les 15 pa- tients dont le transcrit n'a pas pu être identifié, 4 étaient en réponse moléculaire majeure (RMM), 11 en réponse moléculaire profonde (RMP), 6 de type RM4, 2 RM4.5 et 3 de type RM5. Pour les nouveaux cas, 55/72 patients atteints de LMC en phase chronique (LMC-PC) ont été suivi de façon prospective. Le suivi médian était de 24 mois [6 à 48 mois]. Le ratio BCR-ABL1/ABL1 est passé d'une médiane de 57 % au diagnostic à une médiane de 1 10 -1 à 12 mois (p< 10 -3 ) pour atteindre ensuite des taux médians de 7 10 -2 et 2 10 -2 pour respectivement 18 et 24 mois (p< 10 -3 ). Le temps médian d'obtention de la RMM (≤ 0.1%) est de 09 mois [3 à 24 mois]. L'incidence cumulée de la RMM (ICRMM) est passée de 50 % (IC 95% : 38.6% - 68.2 %) à 65% (IC 95% : 50 % - 77.5 %) entre 12- 18 mois de traitement. L'ICRMP a égale- ment augmenté passant de 23% à 12 mois à 37 et 48 % respectivement à 18 et 24 mois. L’échec théra-

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3 Journal d’Épidémiologie et de Santé Publique, JESP N°20, Décembre 2018

APPORT DE LA BIOLOGIE MOLÉCULAIRE DANS LA PRISE EN CHARGE DE LA LEU-

CÉMIE MYÉLOÏDE CHRONIQUE : EXPÉRIENCE DU SERVICE DE BIOCHIMIE

DE L'EHU D’ORAN-ALGÉRIE

M.Nachi1, D.Guella

1,A.Dali-Ali

3, A. Abed

1, R.Moussaoui

1, Y.Boukhatmi

1, B.Entasoltane

2,

I.Belmir2,

MA.Bekadja

2, A.Dida

4, M.Raiah

4, O.Abou

1

1. Service de Biochimie, EHU 1er Novembre, Oran-Algérie.

2. Service d’Hématologie et de thérapie cellulaire, EHU 1er Novembre, Oran-Algérie.

3. Service d’Epidémiologie, EHU 1er Novembre, Oran-Algérie.

4. Service de Biostatistique, Faculté de Médecine d'Oran

Résumé

Dans le cadre la leucémie myéloïde chronique (LMC), les techniques de biologie moléculaire sont deve-

nues indispensables pour une bonne prise en charge des patients : la RT-PCR qualitative notamment de

type multiplex nécessaire au diagnostic et à la caractérisation non seulement des types de transcrit clas-

siques Mb3a2 et b2a2 mais aussi les variantes rares et la RT-PCR quantitative en temps réel ou qRT-

PCR qui est devenue la technique la plus sensible et la mieux standardisée actuellement disponible pour

la quantification du réarrangement BCR-ABL1 permettant le suivi moléculaire de la maladie résiduelle.

Nous rapportons les résultats de leur application chez des patients algériens suspects ou suivi pour LMC

et traités par les inhibiteurs de tyrosine kinase (ITK). L’étude a inclut 112 nouvelles suspicions de LMC

et 32 anciens patients. Nous avons d’abord effectué une recherche qualitative des transcrits de fusion

BCR-ABL1 par RT-PCR Multiplex pour les nouveaux cas et pour les anciens patients non typés. La

quantification des transcrits BCR-ABL1 a été réalisée par la qRT-PCR. L'étude moléculaire a montré les

résultats suivants : 72/112 patients (64%) ont été diagnostiqués, d'âge médian 48 ans. Le sexe ratio (H/F)

est de 1,05. Quarante trois patients (60%) exprimaient le type Mb3a2, 28 (39%) le type Mb2a2 et un pa-

tient le type μ e19a2. (1%). Concernant les anciens patients, 15/32 (47%) n'ont pas pu être typés alors

que chez 17/32 patients (53%), la recherche des transcrits est revenue positive. 9/17 (53 %) de type

b3a2, 7/17 (41 %) de type b2a2 et 1/17 (6%) était de type μ e19a2. L’évaluation moléculaire a montré

les résultats suivants : pour les 17 anciens patients typés, 4 étaient en réponse optimale, 5 en réponse

sub-optimale, 5 en échec thérapeutique et 3 en perte de réponse moléculaire alors que chez les 15 pa-

tients dont le transcrit n'a pas pu être identifié, 4 étaient en réponse moléculaire majeure (RMM), 11 en

réponse moléculaire profonde (RMP), 6 de type RM4, 2 RM4.5 et 3 de type RM5. Pour les nouveaux cas,

55/72 patients atteints de LMC en phase chronique (LMC-PC) ont été suivi de façon prospective. Le suivi

médian était de 24 mois [6 à 48 mois]. Le ratio BCR-ABL1/ABL1 est passé d'une médiane de 57 % au

diagnostic à une médiane de 1 10-1

à 12 mois (p< 10-3

) pour atteindre ensuite des taux médians de 7 10 -2

et 2 10 -2

pour respectivement 18 et 24 mois (p< 10-3

). Le temps médian d'obtention de la RMM (≤ 0.1%)

est de 09 mois [3 à 24 mois]. L'incidence cumulée de la RMM (ICRMM) est passée de 50 % (IC 95% :

38.6% - 68.2 %) à 65% (IC 95% : 50 % - 77.5 %) entre 12- 18 mois de traitement. L'ICRMP a égale-

ment augmenté passant de 23% à 12 mois à 37 et 48 % respectivement à 18 et 24 mois. L’échec théra-

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Expérience du service de biochimie de l'EHU d’Oran-Algérie

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peutique a été noté chez 18 patients (32 %), dont 14 pour résistance primaire [3-18] et 04 pour perte de

la RMM à 18 et 24 mois.

Mots clés: LMC, Transcrit BCR-ABL1, RT-PCR multiplex, qRT-PCR, RMM, RMP

Abstract

In the context of chronic myeloid leukemia (CML), molecular biology techniques have become essential

for good patient care: the qualitative RT-PCR especially multiplex type necessary for the diagnosis and

characterization not only of types of transcript Mb3a2 and b2a2 but also the rare variants and the real-

time quantitative RT-PCR or qRT-PCR which has become the most sensitive and best standardized tech-

nique currently available for the quantification of BCR-ABL1 rearrangement allowing the molecular

follow-up of the residual disease. We report the results of their application in Algerian patients suspected

or followed for CML and treated with tyrosine kinase inhibitors. The study included 112 new suspicions

of CML and 32 former patients. We first performed a qualitative search of BCR-ABL1 fusion transcripts

using RT-PCR Multiplex for new cases and for untyped former patients. Quantification of BCR-ABL1

transcripts was performed by qRT-PCR. The molecular study showed the following results: 72/112 pa-

tients (64%) were diagnosed, median age 48 years. The sex ratio (H / F) is 1.05. Forty-three patients

(60%) expressed type Mb3a2, 28 (39%) type Mb2a2 and one patient type μ e19a2. (1%). Regarding the

former patients, 15/32 (47%) could not be typed whereas in 17/32 patients (53%), the search for the tran-

scripts returned positive. 9/17 (53%) type b3a2, 7/17 (41%) type b2a2 and 1/17 (6%) was of type μ

e19a2. Molecular evaluation showed the following results: for the 17 former typed patients, 4 were in

optimal response, 5 in suboptimal response, 5 in therapeutic failure and 3 in loss of molecular response

whereas in 15 patients whose transcript could not be identified, 4 were in major molecular response

(MMR), 11 in deep molecular response (DMR), 6 in the MR 4 type, 2 MR4.5 and 3 in the MR5 type. For

new cases, 55/72 patients with chronic phase CML were followed prospectively. Median follow-up was

24 months [6 to 48 months].

The BCR-ABL1 / ABL1 ratio increased from a median of 57% at diagnosis to a median of 1 10-1 to 12

months (p <10-3), and then to median rates of 7 10 -2 and 2 10 -2 for respectively 18 and 24 months (p

<10-3). The median time to obtain MMR (≤ 0.1%) is 09 months [3 to 24 months]. The CIMMR increased

from 50% (95% CI: 38.6% - 68.2%) to 65% (95% CI: 50% - 77.5%) between 12-18 months of treatment.

CIPMR also increased from 23% at 12 months to 37% and 48% at 18 and 24 months, respectively.

Treatment failure was noted in 18 patients (32%), including 14 for primary resistance [3-18] and 04 for

loss of MMR at 18 and 24 months.

Key words: CML, BCR-ABL1 transcript, multiplex RT-PCR, qRT-PCR, MMR, PMR

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Journal d’Épidémiologie et de Santé Publique, JESP N°20, Décembre 2018

Introduction

La LMC est une hémopathie maligne chronique

rare appartenant au groupe des néoplasies myélo-

prolifératives (NMP) [1]. Elle fut le premier pro-

cessus néoplasique associé à une anomalie géné-

tique acquise et spécifique du clone tumoral

qu’est le gène de fusion BCR-ABL. Sur le plan

cytogénétique, elle est caractérisée par la présence

d’une anomalie chromosomique dans plus de 95%

des cas, le chromosome Philadelphie découvert

dans les années 60 [2], qui résulte de la transloca-

tion réciproque entre les bras longs des chromo-

somes 9 et 22 : t (9-22) (q34;q11), qui fusionne le

gène codant pour la tyrosine kinase c-abl (homo-

loque cellulaire de l’oncogène viral Abelson) situé

sur le chromosome 9 au gène « break point cluster

region (BCR) » situé sur le chromosome 22, don-

nant naissance à un gène de fusion BCR-ABL1.

Ce gène de fusion code pour une protéine chimé-

rique anormale BCR-ABL1 de 210 kDa (p210)

ayant une forte activité tyrosine kinase (ATK)

constitutionnelle responsable du processus leucé-

mique de la LMC [3,4]. Les transcrits b3a2

(e14a2) ou b2a2 (e13a2) (coupure dans le Mbcr)

sont retrouvés dans Plus de 95 %

des cas. Plus rarement, on retrouve les transcrits

e1a2, e8a2, e6a2, e19a2, e1a3, b2a3 et b3a3

(Fig1) [5].

La LMC constitue de nos jours un modèle en

onco-hématologie ayant bénéficié d’une thérapie

ciblée, les ITK dont le chef de file est l’imatinib

(IM), qui a transformé son pronostic en amélio-

rant considérablement la survie globale des pa-

tients atteignant presque celle de la population

générale [6]. Le diagnostic de la maladie est établi

à l’aide de la cytogénétique à la recherche de la

translocation t(9,22) et de la biologie moléculaire

à la recherche du transcrit de fusion BCR-ABL1

par une RTPCR qualitative. Le recours à des stra-

tégies d’amplification multiplexes capables

d’amplifier la plupart des transcrits est fortement

recommandé [7]. L’identification du variant BCR-

ABL1 est une étape capitale du diagnostic de la

LMC permettant ensuite d’assurer un suivi molé-

culaire adapté. L'évaluation de la réponse au trai-

tement est assurée par un suivi hématologique,

cytogénétique et notamment moléculaire qui est

devenu particulièrement intéressant à l’ère de

l’IM.

Le suivi moléculaire est assuré en quantifiant les

transcrits BCR-ABL1 à l'aide d'une technique

sensible, la qRT-PCR. C'est la méthode de réfé-

rence, basée sur les recommandations du groupe

de standardisation Europe Against Cancer (EAC)

[8] et qui repose sur la possibilité de suivre au

cours du temps (« en temps réel ») le processus de

PCR à l’aide de la fluorescence. L’attitude théra-

peutique est guidée par les résultats moléculaires

selon des recommandations internationales [9].

Une échelle internationale a été établie dans le but

de standardiser les résultats et sur laquelle doivent

s’aligner les laboratoires pour une prise en charge

optimale des patients [10]. Les experts de l'Euro-

pean leukemia Net (ELN) ont défini, en 2013, la

réponse optimale (RO) au traitement par une di-

minution du taux de BCR-ABL1 ≤ 10% à trois

mois, ≤ 1% à six mois, et ≤ 0.1% à douze mois

qui correspond à une réduction de 3 log10 du taux

de transcrit BCR-ABL dans le sang définissant

ainsi la RMM [9].

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Des réponses plus profondes (RMP) sont pos-

sibles ; une RM4.0

, qui correspond à une réduc-

tion de plus de 4 log10 (≤0.01% IS) du taux de

transcrit BCR-ABL1, une RM4.5

, qui correspond

à une réduction de plus de 4.5 log10 (≤0.0032%

IS) et une RM5, qui correspond à une réduction de

plus de 5 log10 (≤0.001% IS) [11] (Fig2).

Nous rapportons dans ce travail, les résultats de

diagnostic et du suivi moléculaire des patients

Algériens suspects ou atteints de LMC.

MATERIEL ET METHODES

Type d'étude

Notre étude réalisée au niveau du service de bio-

chimie de l’EHU d’Oran est de type descriptif,

observationnelle à recueil prospectif sur 4 ans

« entre le 1er Mars 2013 et le 31 Avril 2017 »,

ayant concerné les patients admis au niveau du

service d'hématologie et de thérapie cellulaire de

l'EHU d'Oran.

Critères d'inclusion

Pour le diagnostic de nouvelles suspicion :

Tout patient âgé de plus de 18 ans, sans distinc-

tion de sexe, ayant une suspicion de LMC.

Pour le suivi de nouveaux cas :

Patients atteints de LMC-PC mis sous IM en pre-

mière ligne ou basculé vers un ITK de deuxième

génération (ITK2).

Critères de non inclusion

Les patients atteints de LMC en phase avancée

(accélérée ou blastique).

Tout patient mis sous ITK2 en première ligne.

Echantillons biologiques

Les échantillons biologiques sont représentés par

du sang total prélevé sur tubes EDTA (0,34M)

provenant de patients suspects ou atteints de LMC

suivis en consultation d’Hématologie de l’EHU

d’Oran.

Méthodes

- Extraction automatiques des ARN totaux à

partir du sang total (2.5ml) sur un extracteur au-

tomatique Maxwell 16 « Promega ».

Figure1: Réprésentation schématique de la

translocation t(9;22) et les différents types de transcrits

BCR-ABL1 retrouvés dans la LMC (5)

Figure 2: Définitions de la réponse moléculaire

selon l'échelle internationale [11].

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- Une fois extrait, l’ARN est quantifié en spec-

trophotométrie UV après une double lecture de

l’absorbance à 260nm et à 280nm afin de vérifier

la pureté de l’échantillon. un rapport 260/280

compris entre 1.8 – 2.1 est acceptable.

- Les ARN extraits sont ensuite rétro-transcrits en

ADN complémentaire selon le protocole proposé

par le groupe EAC [12] en utilisant la transcrip-

tase inverse.

- La RT-PCR multiplex : nous avons opté pour

un kit commercialisé, le kit seeplex™ Leukemia

BCR/ABL (Seegene, Seoul, Korea), qui permet

en utilisant plusieurs couples d’amorces de dé-

tecter huit types de transcrit dans une seule réac-

tion de PCR : Mb2a2, Mb3a2, m e1a2 et les

autres variant, b1a1, b3a3, e19a2, b2a3, c3a2 et

e1a3.

Un témoin négatif (contrôle eau), un témoin posi-

tif du kit seeplex (PC) (b2a2, me1a2), le gène de

référence ABL et un témoin de la lignée cellulaire

K562 (transcrit Mb3a2) sont intégrés en parallèle

à chaque série d’analyse et traités dans les même

conditions que les échantillons des patients. Les

conditions de l'amplification par PCR sont résu-

mées dans le tableau I.

Tableau 1: Programme de l''amplification par

PCR.

- Les produits d’amplification obtenus sont en-

suite soumis à une électrophorèse sur gel

d’agarose à 2 % en présence de Bromure

d’Ethidium (BET) et d’un marqueur de poids

moléculaire.

- La validation technique et biologique consiste

à vérifier l’absence de contamination des réactifs

(absence de bande dans le témoin eau), la positivi-

té du témoin positif (PC) et de la lignée cellulaire

K562 (obtention d'une bande à la taille attendue),

et enfin à vérifier la qualité de l’ARN extrait et

l’efficacité de la transcription

inverse par la présence des bandes correspon-

dantes au gène contrôle ABL1 (600 pb).

En cas de positivité d’un échantillon, on compare

la taille obtenue à celle attendue pour en déduire

le type de transcrit obtenu: Mb3a2 (476 pb),

Mb2a2 (401pb) e1a2 (348pb) et C3a2 ou e19a2

(micro : 1012)(Fig3).

Figure 3 : Gel agarose Seeplex. N: contrôle négatif.

M: marquer de taille. 1-7. Echantillons: 1(e1a2), 2 et 6

négatifs. 3 (b3a2), 4 (c3a2 ou e19a2), 5 et 7 (b2a2).

- qRT-PCR

Les niveaux de transcrit BCR-ABL1 ont été mesu-

rés dans des échantillons de cellules sanguines

périphériques des patients positifs sur un analy-

Dénaturation T° : 94°c, 15min

37 cycles

Dénaturation

Hybridation

Elongation

T° : 94°c, 30 sec

T° : 60°c, 1min30

T° : 72°c, 1min30

Extension finale T° : 72°c, 10 min

Maintien T° T° : 08°c

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seur de type Rotor-Gene® , au moment du dia-

gnostic, puis tous les 3 mois après le début du

traitement par IM selon les recommandations de

l’ELN [9] et également chez les anciens patients

dans le cadre de leur évaluation moléculaire en

fonction de leur point de suivi. Les résultats sont

exprimés en Ratio BCR-ABL/ABL (%) et ajustés

à l'échelle internationale en utilisant un facteur de

conversion de 0,152 inclus dans le kit.

Pour le transcrit majeur, nous utilisons un kit

standardisé (kit ipsogen BCR-ABL1 Mbcr IS-

MMR). Ce test exploite le principe de la qPCR

par hydrolyse des sondes TaqManTM

et met en

œuvre un témoin hautement positif et un étalon

IS-MMR standardisé d’après l’échelle internatio-

nale ou IS (pour International Scale), qui permet

de convertir les résultats de nombre de copies

normalisé (NCN) selon cette échelle (Fig2). Pour

le transcrit variant e19a2, nous utilisons le prin-

cipe de delta delta Ct (quantification relative nor-

malisée par un calibrateur) mais en utilisant des

amorces spécifiques recommandées par l'EAC

[8].

Afin d'assurer une meilleure sensibilité, toutes les

mesures ont été réalisées en double pour le gène

ABL1 et pour le MBCR-ABL1, comme recom-

mandé par les sociétés savantes [13,14]. Selon les

taux de transcrit BCR-ABL, les patients ont été

classés selon les critères de définition de réponse

de l’ELN 2013 (Tableau 2) [9].

Tableau 2 : Définition de la réponse aux inhibi-

teurs d'ABL1 en 1ère

ligne de traitement (tout

ITK).

Analyse statistique

L'analyse statistique a été réalisée par le logiciel

SPSS. L'étude descriptive des données a concerné

les variables qualitatives (exprimées en pourcen-

tage) et les variables quantitatives (exprimées en

moyenne ± écart-type, médiane et les ex-

trêmes). Le test de STUDENT est utilisé pour la

comparaison de deux moyennes (variables quanti-

tatives continues). L’ICRMM et de la RMP est

estimée en utilisant la méthode de Kaplan-Meier.

Le test non paramétrique de Log-Rank a été utili-

sé pour effectuer les comparaisons . Une relation

est considérée comme significative pour un seuil

p < 0,05.

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Résultats

Un total de 144 patients ont été recrutés jusqu’au

30 Avril 2017 dont 112 nouveaux cas, adressés

pour confirmation diagnostic de LMC et 32 an-

ciens patients atteints de LMC suivis au niveau de

service d'hématologie et de thérapie cellulaire de

l'EHU d’Oran, adressés à notre niveau pour une

évaluation moléculaire à différents points de leur

suivi moléculaire.

Pour la série anciens patients LMC

Il s’agit de 13 hommes (40.63 %) et 19 femmes

(59.37 %). Vingt sept patients étaient en phase

chronique (84.37%), quatre en phase d'accéléra-

tion (12.5%) et un en phase blastique (3.13%).

Sur les 32 recherches de transcrits BCR-ABL1, 15

(46.87%) sont revenues négatives alors que chez

17 patients (53.13%), le transcrit de fusion a pu

être identifié. Il est de type b3a2 chez 09/17 pa-

tients (52.95 %), de type b2a2 chez 07/17 patients

(41.17 %) et de type e19a2 (μe19a2) chez 01/17

patient (5,88%). Chez ces patients, les résultats

de quantification ont montré un taux de transcrit

supérieur à 0.1%. Concernant les 15 patients où le

transcrit n’a pas pu être identifié, quatre niveaux

de réponse optimale ont été obtenues. Les résul-

tats des deux méthodes pour nos patients déjà

traités sont exposés dans le tableau 3.

Pour la série nouvelle suspicions de LMC

Sur les 112 recherches de transcrit de fusion

BCR-ABL1, 72 (64.28%) sont revenues positives.

Le transcrit est de type b3a2 chez 43/72 patients

(59.7%), de type b2a2 chez 28/72 patients

(38.9%) et de type e19a2 chez 1/72 patient

(1.4%) (Fig4). Les caractéristiques clinico-

biologiques de ces patients sont représentés dans

le tableau 4.

Un suivi moléculaire a été effectué de façon pros-

pective selon les recommandations de

l’ELN 2013 chez cinquante cinq patients, d'âge

moyen 45.7 ± 13.9 [19-78]. Il s'agit de 29

hommes (52.7%) et 26 femmes (47.3%) d'âge

médian au diagnostic de 48 ans.

Le suivi médian était de 24 mois [6 à 48 mois].

Trente-trois patients (60.0%) ont exprimé le type

b3a2, 21patients (38.2%) le type b2a2 et un pa-

tient avait un transcrit rare de type e19a2 (1.8%).

Les dosages en série nous ont permis d'apprécier

la cinétique de décroissance du ratio BCR-

ABL1/ABL1 qui est passé d'une médiane de

57.00 IS au diagnostic à une médiane de 5.53 IS

après seulement 3 mois de suivi (p<10-3

), puis à

une médiane de 1x10-1

IS après 12 mois de trai-

tement (p< 10-3

) pour atteindre ensuite des taux

médians de 7x10-2

et 2x10-2

pour respectivement

18 et 24 mois (p<10-3

) (Fig7).

Figure 4 : Type du transcrit des nouveaux cas de LMC

43 Pts

59%

28Pts

39%

1 Pt

2%

Mb3a2

Mb2a2

e19a2

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Journal d’Épidémiologie et de Santé Publique, JESP N°20, Décembre 2018

Tableau 3: Résultats de la RT-PCR multiplex et

qRT-PCR chez les anciens patients

PCR

Ratio

RT-PCR multiplex Transcrit

détectable

Transcrit

indétectable

> 0.1% n= 17

[0.29-68.30%] -

≤ 0.1%

- n= 4 RMM

0.018 à 12 mois

0.09 et 0.047 à 18 mois

0.049 à 24 mois

≤ 0.01 %

- n= 6 RM4

0.005 à 12 Mois

0.0095 à 36 Mois

0.004 / 0.008/ 0.0088

/0.01à 48 Mois

≤ 0.0032

%

- n= 2 RM4.5

0.0026 / 0.003 à 24

Mois

≤ 0.001 %

- n= 3 RM5

0.01 à 36 Mois

0.0001/0.00082 à 48

Mois

Figure 5: Profil du gel agarose montrant bien l'ampli-

fication du gène de contrôle ABL (600pb).Msep: mar-

queur seeplex.MVI marqueur VI. RT-: Témoin négatif

de la RT. K562: témoin positif de la lignée cellulaire

k562. Tseep: témoin du kit seeplex. P-: patient négatif

Figure 6: Profil du gel agarose montrant l'amplifica-

tion transcrit e19a2 (position 1) et du transcrit b2a2

(401pb)(Position 5)

Tableau 4 : Caractéristiques épidémiologiques et

moléculaires des patients atteints de LMC

Paramètres Pts LMC de No-

vo (n=72)

Sexe (F/M), ratio (h/f) 35/37 (1.05)

Age (Ans)

Médiane, [Intervalle]

48.5 [19-78]

LMC-PC N(%)

LMC-PA N(%)

LMC-PB N(%)

68 (94.4)

3 (4.2)

1 (1.4)

Mb3a2 N(%)

Mb2a2 N(%)

µe19a2 N(%)

43 (59.7)

28 (38.9)

01 (1.4)

Leucocytes (109/L)

Médiane, [Intervalle]

123.3 [3.21-2210]

Hémoglobine (g/dl)

Médiane, [Intervalle]

9.7 [5.3-14.2]

Plaquettes (109/L)

Médiane, [Intervalle]

374 [55.4-2797]

Myélémie N(%) 69 (95.83%)

SPMG (cm)

(n/%), [Intervalle]

56/77.77 [2-40]

Score Sokal

Faible (n/%)

Intermédiaire (n/%)

Elevé (n/%)

19 / 26.4

29 / 40.3

24 / 33.3

Score EUTOS

Faible (n/%)

Elevé (n/%)

55 / 76.4

17 / 23.6

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L’évaluation moléculaire a permis de stratifier

ces patients en plusieurs niveaux de réponse: 32

patients (59%) étaient en réponse optimale à 3

mois et 26/53 (58%) à 6 mois.

La RMM a été obtenue respectivement chez 55,

67 et 75% de patients à 12, 18 et 24 mois. Le

temps médian d'obtention est de 09 mois [3-

24]mois. L’ICRRM chez les patients exprimant le

transcrit majeur est passée de 50 % (IC 95% :

38.6% - 68.2 %) à 65% (IC 95% : 50 % - 77.5 %)

entre 12- 18 mois de traitement (Fig 8).

Figure 7: Cinétique de décroissance du transcrit BCR-

ABL1 au cours du temps.

Chez les patients qui sont restés sous IM durant

les 18 premiers de traitement l’incidence été esti-

mée à 58% (IC 95% : 40.5% - 73%) et 73% (IC

95% : 54.3% - 84.8 %) respectivement à 12 et 18

mois (Fig 9).

L'estimation de l'ICRMP a montré également une

augmentation du taux de la RMP qui est passé de

23% à 12 mois à 37 et 48 % respectivement à 18

et 24 mois (Fig 10).

Figure 8: ICRMM durant les 18 premiers mois.

Figure 9: ICRMM chez les patients qui sont restés

sous IM durant les 18 premiers mois de traitement.

57.00*

5,53

1,210,45

0,10 0,07

0.02*

0,01

0,10

1,00

10,00

DG 03M 06M 09M 12M 18M 24M

Rat

ion

BC

R-A

BL1

Médiane …

p <10-3 *

50%, (IC 95% : (38.6% - 68.2

%)

65%, (IC 95% : (50% - 77.5 %)

73%, (IC 95% : (50.3% - 84.8

%)

58%, (IC 95% : (40.5% - 73 %)

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Figure 9: ICRMP durant les 24 premiers mois .

Discussion

Les méthodes actuelles de diagnostic de la LMC

et d’évaluation de la réponse moléculaire au trai-

tement sont basées sur la recherche qualitative de

transcrit de fusion BCR-ABL1 par la RT-PCR

qualitative notamment de type multiplex et leur

quantification par une technique de PCR quantita-

tive en temps réel après transcription inverse (QR-

PCR).

Ces techniques ont été implantées au niveau du

service de biochimie de l’EHU d’Oran et nous ont

permis de :

- Confirmer le diagnostic de la LMC chez 72

patients (64%) et d’identifier ainsi leur profil mo-

léculaire,

- Typer 17/32 anciens patients sous traitement,

- Effectuer une évaluation moléculaire de ces

patients,

- Détecter les résistances primaires à l’IM et les

pertes de réponses moléculaires,

- Réévaluer les patients après un changement

thérapeutique.

Dans le cadre du diagnostic moléculaire de la

LMC, une RT-PCR conventionnelle peut être

utilisée, cependant elle peut rendre un résultat

faussement négatif lorsqu’il s’agit d’un transcrit

atypique, ou ne pas détecter les co-expressions

complexes, car son protocole n'utilise que trois

réactions distinctes : une pour b3a2 et b2a2, une

seconde pour e1a2 et une troisième pour e19a2.

En revanche, la RT-PCR multiplex qui est une

méthode plus rapide et plus précise pour identifier

grâce à l’utilisation dans une même réaction, de

plusieurs couples d'amorces spécifiques, les diffé-

rents variants de BCR-ABL1. En effet, plusieurs

études ont démontré l’intérêt de son utilisation

dans la détermination des iso-formes molécu-

laires. Une étude coréenne réalisée sur 548 pa-

tients et qui a comparé les résultats de son appli-

cation et ceux de la RT-PCR Multiplex, avait

trouvé les mêmes types de transcrits dans les deux

techniques sauf pour un patient où la RT-PCR

conventionnelle a rendu un résultat négatif alors

que la multiplex a pu le détecter comme étant un

transcrit atypique de type e1a3 [15]. Plusieurs

études portant sur des groupes ethniques diffé-

rents ont pu détecter d'autres transcrits atypiques

impliquant différentes parties d'exons de BCR et

ABL1 tels que e1a3, e2a1, e6a2, e8a2, e13a3 (ou

b2a3) et e14a3 (ou b3a3) [16-18].

Une concordance a été notée entre les deux mé-

thodes (RT-PCR qualitative et quantitative) chez

les 17/32 (53%) anciens patients ou le transcrit a

pu être identifié. En effet, le transcrit majeur a été

quantifié au-dessus de la valeur de 0.1% [0.29-

68.30] qui correspond au seuil de détection de la

méthode de typage. Pour le patient suivi comme

ayant un transcrit majeur et adressé chez nous

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pour une évaluation moléculaire, nous avons dé-

tecté un transcrit rare de type e19a2.

Ce transcrit a pu être quantifié à 68.30 % grâce à

l'utilisation d'amorces spécifiques. Ceci démontre

l'intérêt de la recherche du type du transcrit au

diagnostic. En effet si le type de transcrit avait

été identifié au diagnostic, ce patient aurait pu

avoir un meilleur suivi avec la possibilité de

changement thérapeutique à temps avant sa trans-

formation aigue.

Par contre une discordance a été notée chez 15/32

(47%) anciens patients dont les transcrits n’ont

pas été identifiés (Tableau 3). Chez ces patients, il

est envisageable que leur durée de traitement ait

induit une réponse suffisante pour abaisser le

niveau d’expression des transcrits BCR-ABL1 en

dessous du seuil de détection de la méthode. En

effet, leur quantification par le kit (kit ipsogen

BCR-ABL1 Mbcr IS-MMR) a montré que le

transcrit majeur a bien été détecté mais en des-

sous de 0.1% [0.018- 0.0001].

Au total sur les 89 patients où le transcrit a pu

être identifié, 87 (98%) avaient le transcrit majeur

avec 58.4% de type b3a2 et 39.3 % de type b2a2.

Deux patients (2.3%) avaient un transcrit

rare de type e19a2. Par contre, nous n'avons pas

trouvé de co-expression b3a2/b2a2.

L’incidence des différents transcrits varie d’une

région à une autre. Nos résultats ont été comparés

à ceux de la littérature où plusieurs groupes

d'études ont rapporté des fréquences variables

(Tableau 5). L’étude de Harieche, qui a concerné

87 patients algériens (7enfants et 80 adultes) at-

teints de LMC, a retrouvé des taux de 54, 44.60 et

1.20% respectivement pour les transcrits b3a2,

b2a2 et de co-expression b3a2/b2a2 [19]. Deux

études tunisiennes ont rapporté deux résultats

contradictoires. Dans une étude réalisée sur 70

patients tunisiens atteints de LMC, Ménif et al

[20], ont trouvé des taux de 50, 47 et 3 % respec-

tivement pour b3a2, b2a2 et de co-expression

b3a2/b2a2, alors que l’étude de Bennour et al

[21], réalisée sur 44 patients a trouvé un taux de

b3a2 (63.63%) deux fois plus élevé que celui de

b2a2 (36.36%).

Dans les pays d’Extrême-Orient, les fréquences

retrouvés sont presque similaires avec là aussi,

une incidence des transcrits b3a2 plus élevée que

celle des transcrits b2a2 [15,22-24]. Des

chiffres relativement proches ont été aussi

retrouvés dans des études portant sur des popula-

tions européennes [25,26].

Paradoxalement, dans certaines populations,

l’incidence des transcrits b2a2 s’est avérée plus

élevée que celle de b3a2 avec des fréquences va-

riables: Syrienne (57.1 vs 14.3%) (Farhat et al;

2016 [27]), Mexicaine (48 vs 35 %) (Arana et al;

2002 [28]), Soudanaise (53.5 vs 41.9%) (Osman

et al; 2010 [29]) et équatorienne avec une diffé-

rence très significative (95 VS 5 %) (p= 0.01)

(Paz-y-Miño et al; 2002 [30]).

Cette différence observée dans ces études, pour-

raient avoir une raison de différences géogra-

phiques et ethniques. Les facteurs environnemen-

taux de chaque population peuvent aussi être in-

criminés.

L'incidence élevée de b2a2 observée dans cercer-

taines études pourrait être due probablement à un

profil génétique différent chez ces populations par

rapport aux autres.

La co-expression de deux transcrits retrouvée

dans certaines études pourrait être expliquée par

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le processus de l’épissage alternatif, cependant les

co-expressions complexes atypiques comme

celles retrouvées dans l’étude mexicaine

(e1a2/b3a2/b2a2 et e1a2/b2a2/e19a2) reflètent

généralement l’existence de plusieurs clones leu-

cémiques [28].

La variabilité des transcrits retrouvés surtout les

transcrits atypiques et les co-expressions peut

également être due à la différence de sensibilité de

détection des différentes méthodes employées.

Tableau 5 : Fréquence des différents variant d transcrit BCR-ABL1 retrouvés dans différentes étude.

Popula-

tion

Auteurs/Année n b3a2 b2a2 e19a2 e1a2 B3a2/b

2a2

Autres

transcrits

Ouest

Algérien

Notre étude;

2017

89 58 39 2 - - -

Corée Goh et al [15];

2006 548 67.6 32.4 0.72 0.18 0.36 b2a3 et e1a3

Algérie

(Centre)

Harieche F [19];

2008 87 54 44.60 - - 1.20 -

Tunisie Menif et al [20]

2005, 70 50 47 - - 3 -

Tunisie Bennour et al [21]

; 2013 44 63.6 36.3 - - - -

Iran Ghavamzad et al

[22]; 2008 75 63 20 4 1 - b3a3/b2a3

b3a3/b2a2

Syrian Walid Al-Achkar

et al [23]; 2016 45 51.1 46.7 - - - B2a3

Inde Deb et al [24];

2014 80 56.2 41.2 2.5 - - -

Germany Hanfstein et al

[25] ; 2014 110

5

45 41 0.0054 0.002 14 B2a3 et b3a3

Italy Castagnetti et al

[26]; 2017 559 52 36 0.0071 0.001 11 -

Syrian Farhat-Maghribi

et al[27]; 2016

21 14.3 57.1 - - - B3a3; e1a3

b3a2/b3a3,

b2a2/e1a3

Mexique Arana-Trejo et al

[28]; 2002

250 35 48 2 - 7 e19a2/b3a2,

e1a2/b3a2/b2a2,

e1a2/b2a2/e19a2

Soudan Osman et al [29];

2010 41.9 53.5 - - 2.3 b2a2/b3a2/e19a2

Equator Paz-y-Miño et al

[30]; 2002 40 5.4 94.6 - - - -

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Le suivi moléculaire a été réalisé en quantifiant

les transcrits BCR-ABL1 par une technique de

PCR en temps réel ou qRT-PCR. Cette méthode

est considérée à l’heure actuelle comme la mé-

thode de référence. Elle permet en effet de

quantifier les ARN messagers BCR-ABL1 avec

une spécificité et une sensibilité remarquables

(une cellule leucémique sur un million de cellules

analysées)[10].

La quantification de ce taux de transcrit nous

permet d’évaluer la qualité de la réponse au trai-

tement au cours du temps (MRD), car son expres-

sion est corrélée au nombre de cellules tumorales

résiduelles.

Dans notre travail, nous avons opté pour un kit

standardisé selon les recommandations Internatio-

nales [10,31-34] . 55/72 patients diagnostiqués à

notre niveau et mis sous IM comme traitement de

première intention, ont bénéficié d'un suivi molé-

culaire régulier tous les trois mois durant la pre-

mière année puis tous les 3 à 6 mois. Les dosages

en série ont démontré des réductions très signifi-

catives du niveau d'expression du transcrit BCR-

ABL1 dans le temps (p< 10-3

) avec une médiane

de 0.1 % obtenue à 12 mois. Ceci rejoint les résul-

tats de l'essai thérapeutique German CML IV, où

on observe également que la médiane d'ICRMM

est atteinte à 12 mois [35]. Cette réduction rapide

et considérable de la charge leucémique est le

reflet direct de l'effet anti-tumoral de l'IM particu-

lièrement chez les patients qui répondent bien.

Ce suivi moléculaire nous a permis de stratifier

ces patients en fonction des définitions de réponse

au traitement de l’ELN [9] (tableau 2) et de déce-

ler les patients résistants au traitement initial.

Dans notre série, la RMM a été obtenue chez 52,

67 et 75 % des patients, respectivement à 12, 18 et

24 mois. L'analyse des données des patients qui

sont restés sous IM durant les 18 premiers mois

de traitement a montré également une augmenta-

tion des taux de la RMM avec des fréquences de

49 et 70 % respectivement à 12 et 18 mois de

traitement. Nos résultats sont particulièrement

similaires à ceux rapportés par Branford et ses

collaborateurs avec 50, 64 et 72% de RMM res-

pectivement à 12, 18 et 24 mois [36], et ceux re-

trouvés dans une autre étude portant sur 95 nou-

veaux patients Egyptiens avec 50 et 65 % de

RMM respectivement à 12 et 18 mois avec un

temps médian d'obtention de la RMM de 12 mois

[6-18] [37].

Nos résultats sont également comparables à ceux

retrouvés dans l'étude rétrospective réalisée par le

Groupe Algérien de travail sue la LMC (GAT-

LMC) qui a évalué le traitement par IM chez 1007

patients atteints de LMC sur une période de 07

ans (2007 à 2013). Sur les 327 patients évalués à

12 mois, 181 (55.4%) ont obtenu une RMM [38]

(Tableau 6).

Le critère de jugement pris en compte dans notre

étude était l'obtention d'une RMM. cette dernière

est utilisée dans les directives de traitement ac-

tuelles pour évaluer le pronostic et reste un facteur

important pour la prédiction du résultat à long

terme du traitement par IM selon les dernières

directives [9,39]. Notre étude a en effet confirmé

que la cinétique de la RMM est primordiale pour

la RMP en retrouvant une association forte entre

l'ICRMP à moyen terme, 18 mois (37%) et 24

mois (48 %) et les niveaux d'expression des

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transcrits BCR-ABL1 à 3, 6 et 12 mois où On a

observé notamment qu'aucun des patients qui

avait un taux > 0.1% n'a pu obtenir une RMP

comparativement à ceux ayant un taux ≤ 0.1% :

63 vs 0 % (p<10-3

) et 76 vs 0 % (p<10-3

), respec-

tivement à 18 et 24 mois.

Nos résultats sont en corrélation avec d'autres

études [37,40,41], notamment celle de Branford et

al [40], qui ont retrouvé que la probabilité d'avoir

un transcrit BCR-ABL1 indétectable chez les

patients ayant une RMM à 12 mois était, signifi-

cativement meilleure comparativement à ceux qui

n'ont pas obtenu de RMM 72% (IC à 95%, 50 à

94%) vs 5% (IC à 95% 0-15%) (P <10-3).

L'observation attentive des courbes de suivi des

patients a permet de définir plusieurs cinétiques

de décroissance du transcrit BCR-ABL1 tradui-

sant ainsi l’hétérogénéité de la maladie. Effecti-

vement, l’étude IRIS avait montré que tous les

patients ne répondaient pas de la même façon à

l'IM [42].

La réponse à l'IM n'est donc pas uniforme, ce

qui suggère que d'autres facteurs intrinsèques

au patient peuvent jouer un rôle dans la ré-

ponse à l'IM. C'est ainsi que 25 % de patients

avaient une réponse sub optimale à 12 mois et

32 % avaient échoué à l'IM avec un délai mé-

dian de 6 mois [3-18].

L’ELN a classé ces patients qui n’arrivent pas

à obtenir une RMM et qui ne sont pas en si-

tuation d'échec, dans une catégorie dite

d’alerte et qui nécessite une vigilance particu-

lière car souvent sujette à des échecs [9]. En

effet, parmi nos patients qui étaient en situa-

tion d'alerte, six ont échoué. Nos 18 patients

considérés en échec thérapeutique ont bénéfi-

cié d’une recherche de mutation du domaine

tyrosine kinase de BCR-ABL1 qui est à ce

jour le mécanisme de résistance le mieux do-

cumenté [43].

Tableau 6 : le taux de la RMM retrouvé dans les différentes études

Etude n RMM

12 mois

RMM

18 mois

RMM

24 mois

Notre étude 55 52 % 67 % 75 %

Branford et al (IRIS);2003 [36] 53 50% 64% 72%

Hossam et al ; 2008 [37] 95 50% 65% -

Djouadi et al, GAT-LMC ; 2016[38] 327 55.4% 76% 85%

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Quatre patients avaient présenté au moins une

mutation de résistance (22%) dont un avait la

T315I qui est réfractaire aux ITK de 1ère et 2ème

génération [44].

CONCLUSION

Les techniques de RT-PCR multiplex et de qRT-

PCR ont été implantées avec succès à

l’EHU.ORAN. La technique de RT-PCR multi-

plex nous a permis de confirmer d’une part le

diagnostic de LMC et d’autre part, de confirmer

les données de la littérature, en montrant un taux

de transcrit de fusion de type Mb3a2 plus élevé

(61%) que celui de type Mb2a2 (36%).

Elle nous a également montré son intérêt dans

l'identification des transcrits rares. Dans notre

série, deux cas de type e19a2 ont été répertoriés

(3%). Ceci démontre la nécessité de rendre systé-

matique au diagnostic, la recherche qualitative des

transcrits BCR-ABL1 par RT-PCR multiplex, afin

d'avoir des données suffisamment informatives

pour les transcrits variants permettant donc de

bien choisir les amorces spécifiques pour le suivi

ultérieur de la réponse moléculaire sous traite-

ments.

D'un point de vue pratique, cette technique pos-

sède des avantages considérables par rapport à la

RT-PCR conventionnelle notamment en termes de

gain de temps de réalisation (Technique plus ra-

pide), et de sensibilité (seuil de détection 0.1%).

La qTR-PCR de par sa sensibilité et sa standardi-

sation apporte, un puissant outil pour évaluer l'ef-

ficacité du traitement et déceler précocement les

patients résistants apportant au clinicien un critère

biologique décisionnel lui permettant de mieux

adapter la thérapeutique.

Dans notre étude, elle nous a permis de stratifier

nos anciens patients selon leur réponse au traite-

ment, de suivre les nouveaux cas ce qui nous a

permis de déceler précocement les résistances

primaire et secondaire et de proposer ainsi la re-

cherche des mutations du domaine tyrosine kinase

de la protéine ABL chez ces patients afin d’aider

le clinicien au choix thérapeutique soit de changer

l’ITK ou de proposer une allogreffe de cellules

souches hématopoïétiques.

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