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S699 L’Encéphale, 2007 ; 33 : Septembre, cahier 3 BASES CLINIQUES ET BIOLOGIQUES DE L’ANXIODÉPRESSION Le syndrome anxio-dépressif est une entité difficile à caractériser. Souvent rencontré en clinique, c’est gé- néralement le syndrome dépressif qui ressort de cette association symptomatique qui conduit à l’utilisation de ce terme permettant ainsi d’intégrer les deux di- mensions. Sur un plan diachronique, le trouble anxieux généralisé (TAG) semble évoluer fréquemment vers une symptomatologie dépressive. Les travaux de Wittchen ont notamment montré que parmi les patients répon- dant aux critères d’épisode dépressif caractérisé, 70 % présentaient des antécédents de TAG. Les études de neuro-imagerie fonctionnelle, contribuent à la différen- ciation des deux entités : dans le TAG une hyperacti- vité au niveau de l’amygdale est notée ; dans le trouble dépressif cette hyperactivité amygdalienne est moins systématique (10, 16), notamment quand la dépression se prolonge où une hypo-activité et une diminution des structures amygdalienne ont été retrouvées (7). Sur le plan biologique, les théories mono-aminergi- ques de la dépression (sérotoninergique, noradrénergi- que) reposent essentiellement sur les bases pharma- cologiques introduites par l’efficacité des inhibiteurs sélectifs du recaptage de la sérotonine (ISRS) et les in- hibiteurs mixtes de la sérotonine et de la noradrénaline (IRSNA). EFFICACITÉ COMPARATIVE DES ISRS ET IRSNA DANS L’ANXIÉTÉ ET LA DÉPRESSION Il existe bon nombre d’essais thérapeutiques dans les troubles anxieux et la dépression, mais très peu dans l’anxio-dépression. La dépression Les agents sérotoninergiques ont démontré leur ef- ficacité dans la dépression tant chez les sujets ambu- latoires qu’hospitalisés. Ils représentent une alternative aux tricycliques et peuvent même se révéler efficaces en deuxième intention après l’utilisation d’antidépresseurs tricycliques (3). De même après l’échec d’un ISRS, un deuxième médicament de cette classe thérapeutique pourra être tenté avec succès potentiel (11). Ces molé- cules ont également une action reconnue dans la préven- tion de la rechute ou de la récurrence dépressive. Chez l’adolescent aussi, plusieurs études ont montré l’effica- cité des ISRS contre placebo dans la dépression comme dans la prévention des rechutes (8). Pour les dépressions plus sévères, selon certaines méta analyses les tricycli- ques seraient supérieurs aux ISRS, en particulier dans les dépressions mélancoliques (1). En ce qui concerne les IRSNA, la duloxétine s’est montrée supérieure au pla- cebo et comparable aux ISRS (paroxétine et fluoxétine) tant dans le pourcentage de répondeurs que dans le ni- veau de rémission (6). Les IRSNA (venlafaxine, minalcipran) présenteraient, d’après certaines études, un taux de réponse et un ni- veau de rémission dans la dépression supérieurs à ce qui est observé avec les ISRS. La venlafaxine aurait la parti- cularité, d’après certaines études, d’être en partie dose dépendante (18). L’anxiété Certains ISRS (paroxétine), ont montré leur efficacité dans le TAG. La paroxétine semble avoir une efficacité comparable à la venlafaxine à libération prolongée (12). Sur le trouble panique, la fluoxétine, la paroxétine et Apport des ISRS et IRSNA dans l’anxiodépression B. MILLET (1) (1) Service hospitalo-universitaire de psychiatrie, 108, avenue du Général-Leclerc, 35011 Rennes cedex.

Apport des ISRS et IRSNA dans l’anxiodépression

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S699L’Encéphale, 2007 ; 33 : Septembre, cahier 3

BASES CLINIQUES ET BIOLOGIQUES DE L’ANXIODÉPRESSION

Le syndrome anxio-dépressif est une entité diffi cile à caractériser. Souvent rencontré en clinique, c’est gé-néralement le syndrome dépressif qui ressort de cette association symptomatique qui conduit à l’utilisation de ce terme permettant ainsi d’intégrer les deux di-mensions. Sur un plan diachronique, le trouble anxieux généralisé (TAG) semble évoluer fréquemment vers une symptomatologie dépressive. Les travaux de Wittchen ont notamment montré que parmi les patients répon-dant aux critères d’épisode dépressif caractérisé, 70 % présentaient des antécédents de TAG. Les études de neuro-imagerie fonctionnelle, contribuent à la différen-ciation des deux entités : dans le TAG une hyperacti-vité au niveau de l’amygdale est notée ; dans le trouble dépressif cette hyperactivité amygdalienne est moins systématique (10, 16), notamment quand la dépression se prolonge où une hypo-activité et une diminution des structures amygdalienne ont été retrouvées (7).

Sur le plan biologique, les théories mono-aminergi-ques de la dépression (sérotoninergique, noradrénergi-que) reposent essentiellement sur les bases pharma-cologiques introduites par l’effi cacité des inhibiteurs sélectifs du recaptage de la sérotonine (ISRS) et les in-hibiteurs mixtes de la sérotonine et de la noradrénaline (IRSNA).

EFFICACITÉ COMPARATIVE DES ISRS ET IRSNA DANS L’ANXIÉTÉ ET LA DÉPRESSION

Il existe bon nombre d’essais thérapeutiques dans les troubles anxieux et la dépression, mais très peu dans l’anxio-dépression.

La dépression

Les agents sérotoninergiques ont démontré leur ef-fi cacité dans la dépression tant chez les sujets ambu-latoires qu’hospitalisés. Ils représentent une alternative aux tricycliques et peuvent même se révéler effi caces en deuxième intention après l’utilisation d’antidépresseurs tricycliques (3). De même après l’échec d’un ISRS, un deuxième médicament de cette classe thérapeutique pourra être tenté avec succès potentiel (11). Ces molé-cules ont également une action reconnue dans la préven-tion de la rechute ou de la récurrence dépressive. Chez l’adolescent aussi, plusieurs études ont montré l’effi ca-cité des ISRS contre placebo dans la dépression comme dans la prévention des rechutes (8). Pour les dépressions plus sévères, selon certaines méta analyses les tricycli-ques seraient supérieurs aux ISRS, en particulier dans les dépressions mélancoliques (1). En ce qui concerne les IRSNA, la duloxétine s’est montrée supérieure au pla-cebo et comparable aux ISRS (paroxétine et fl uoxétine) tant dans le pourcentage de répondeurs que dans le ni-veau de rémission (6).

Les IRSNA (venlafaxine, minalcipran) présenteraient, d’après certaines études, un taux de réponse et un ni-veau de rémission dans la dépression supérieurs à ce qui est observé avec les ISRS. La venlafaxine aurait la parti-cularité, d’après certaines études, d’être en partie dose dépendante (18).

L’anxiété

Certains ISRS (paroxétine), ont montré leur effi cacité dans le TAG. La paroxétine semble avoir une effi cacité comparable à la venlafaxine à libération prolongée (12). Sur le trouble panique, la fl uoxétine, la paroxétine et

Apport des ISRS et IRSNA dans l’anxiodépression

B. MILLET (1)

(1) Service hospitalo-universitaire de psychiatrie, 108, avenue du Général-Leclerc, 35011 Rennes cedex.

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d’autres ISRS ont montré leur effi cacité. La venlafaxine, dans deux études randomisées, s’est avérée supérieure au placebo. Dans le cadre des phobies sociales comme dans le TOC, les ISRS ont montré leur effi cacité (14). En ce qui concerne les IRSNA, la venlafaxine a présen-té trois études contre placebo menées sur 8 semaines et 2 autres études contre placebo menées sur 6 mois, montrant l’effi cacité supérieure de ce produit (9). Sur les phobies sociales, la venlafaxine bénéfi cie aussi de quatre études contrôlées montrant sa supériorité contre placebo et d’une étude montrant sa supériorité sur la paroxétine (13). Dans le PTSD, l’apport des ISRS et des IRSNA ap-paraît également favorable (5).

L’anxiodépression

Il existe peu d’études dans cette indication précise, mais il semble que les inhibiteurs mixtes soient légère-ment supérieurs à la fl uoxétine et au placebo à partir de la deuxième semaine (17).

Qu’en est-il de l’escitalopram (SEROPLEX) ?

Dans la dépression, l’escitalopram 20 mg montre des résultats comparables à la venlafaxine à libération pro-longée sur une durée de 8 semaines avec un effet qui semble se renforcer dans le temps. Une deuxième étude dans les dépressions sévères montre une effi cacité com-parable avec la paroxétine. Une méta-analyse, escitalo-pram versus ISRS confi rme l’effi cacité de l’escitalopram dans les dépressions y compris sévères et chez les pa-tients hospitalisés (2).

Dans l’anxiété, les études avec l’escitalopram mon-trent des résultats en faveur de ce produit dans le TAG (4). D’autres études en voie de publication semblent montrer l’intérêt de ce produit sur les phobies sociales, le trouble panique et les TOC.

CONCLUSION

Trop peu d’études sont menées sur le syndrome an-xiodépressif, ce qui ne permet pas distinguer clairement l’effet des ISRS et des IRSNA sur chacune de ces dimen-sions.

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B. Millet L’Encéphale, 2007 ; 33 : 699-700, cahier 3