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Revue critique Apports des antileucotriènes dans le contrôle de l’asthme Usefulness of anti-leukotrienes in controlling asthma P. Demoly Service de pneumologie et allergologie, Inserm U657, maladies respiratoires, hôpital Arnaud-de-Villeneuve, CHU de Montpellier, 255, avenue du Doyen-G.-Giraud, 34295 Montpellier cedex 5, France Reçu le 13 février 2010 ; accepté le 13 fe ´vrier 2010 Disponible sur Internet le 25 mars 2010 Résumé Le traitement de l’asthme repose sur la maîtrise de l’inflammation bronchique, clé de voûte de la physiopathologie de la maladie. Il a bénéficié ces 20 dernières années de nouveautés thérapeutiques (corticoïdes inhalés, bêta-2-mimétiques de longue durée d’action, antileucotriènes, anti-IgE, nouveau système d’inhalation, nouvelles associations thérapeutiques) et surtout d’un effort de standardisation des pratiques avec la diffusion de recommandations internationales. Malgré ces avancées, l’asthme est encore associé, dans la plupart des pays, à une mortalité et une morbidité importantes. C’est pourquoi, dans ses dernières recommandations de 2006, le GINA a proposé d’abandonner la notion de sévérité au profit du concept de contrôle de la maladie asthmatique. Dans ce contexte quel peut être l’apport des antileucotriènes ? # 2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Mots clés : Asthme ; Inflammation bronchique ; Corticoïdes inhalés ; Bêta-2-mimétiques de longue durée d’action ; Antileucotriènes ; Montelukast Abstract The treatment of asthma relies on control of bronchial inflammation, the key to the pathophysiology of the disease. Over the past 20 years it has benefitted from new therapies (inhaled steroids, long-acting beta2 agonists, anti-leukotrienes, anti-IgE, new inhalation systems, and new drug associations) and better standardization of the practice with the diffusion of international recommendations. In spite of these advances, asthma is still associated with mortality and morbidity in a majority of countries. This is why, in its last recommendations, in 2006, GINA proposed to abandon the concept of severity and substituted it with the concept of control of the asthmatic disease. In this context, what can be the contribution of anti-leukotrienes? # 2010 Elsevier Masson SAS. All rights reserved. Keywords: Asthma; Bronchial inflammation; Therapy; Anti-leukotrienes; Inhaled steroids; Long-acting beta2-agonists L’asthme et les maladies allergiques constituent dans le monde entier l’une des pathologies chroniques les plus fréquentes [1]. Sa prévalence varie considérablement selon les pays et il est difficile de déterminer avec précision le nombre d’asthmatiques dans le monde. Le Global INitiative for Asthma (GINA) et l’OMS estiment que l’asthme atteint environ 200 millions de personnes, que sa fréquence augmente régulièrement depuis 20 ans et que sa mortalité reste inquiétante (avec plus de 180 000 morts par an dans le monde) [1,2]. Une grande variabilité a été mise en évidence sur le plan mondial mais aussi une très grande variabilité à l’intérieur même de certains pays. Un gradient Est-Ouest (avec des prévalences plus basses à l’Est) et un gradient Nord-Sud (avec des prévalences plus basses au Sud) sont retrouvés dans les études (chez l’enfant étude International Study of Asthma and Allergies in Childhood (ISAAC), et chez l’adulte étude European Community Respiratory Health Survey (ECRHS) [1,3,4]. Trente-cinq à 50 pour cent des asthmes ne sont pas diagnostiqués [3,4]. Pour un patient donné, l’incitation à consulter dépend en fait de son niveau de perception des symptômes, de la facilité d’accès aux soins et de sa volonté à consulter. Poser un diagnostic d’asthme dépend aussi de l’aptitude du médecin traitant à rechercher et à reconnaître les symptômes équivalents des crises. Combiné à la mauvaise évaluation de la sévérité des asthmes diagnostiqués et à leur sous-traitement, le Revue française d’allergologie 50 (2010) 368374 Adresse e-mail : [email protected]. 1877-0320/$ see front matter # 2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.reval.2010.02.018

Apports des antileucotriènes dans le contrôle de l’asthme

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Revue critique

Apports des antileucotriènes dans le contrôle de l’asthme

Usefulness of anti-leukotrienes in controlling asthma

P. DemolyService de pneumologie et allergologie, Inserm U657, maladies respiratoires, hôpital Arnaud-de-Villeneuve,

CHU de Montpellier, 255, avenue du Doyen-G.-Giraud, 34295 Montpellier cedex 5, France

Reçu le 13 février 2010 ; accepté le 13 fevrier 2010

Disponible sur Internet le 25 mars 2010

Résumé

Le traitement de l’asthme repose sur la maîtrise de l’inflammation bronchique, clé de voûte de la physiopathologie de la maladie. Il a bénéficiéces 20 dernières années de nouveautés thérapeutiques (corticoïdes inhalés, bêta-2-mimétiques de longue durée d’action, antileucotriènes, anti-IgE,nouveau système d’inhalation, nouvelles associations thérapeutiques) et surtout d’un effort de standardisation des pratiques avec la diffusion derecommandations internationales. Malgré ces avancées, l’asthme est encore associé, dans la plupart des pays, à une mortalité et une morbiditéimportantes. C’est pourquoi, dans ses dernières recommandations de 2006, le GINA a proposé d’abandonner la notion de sévérité au profit duconcept de contrôle de la maladie asthmatique. Dans ce contexte quel peut être l’apport des antileucotriènes ?# 2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Asthme ; Inflammation bronchique ; Corticoïdes inhalés ; Bêta-2-mimétiques de longue durée d’action ; Antileucotriènes ; Montelukast

Abstract

The treatment of asthma relies on control of bronchial inflammation, the key to the pathophysiology of the disease. Over the past 20 years it hasbenefitted from new therapies (inhaled steroids, long-acting beta2 agonists, anti-leukotrienes, anti-IgE, new inhalation systems, and new drugassociations) and better standardization of the practice with the diffusion of international recommendations. In spite of these advances, asthma isstill associated with mortality and morbidity in a majority of countries. This is why, in its last recommendations, in 2006, GINA proposed toabandon the concept of severity and substituted it with the concept of control of the asthmatic disease. In this context, what can be the contributionof anti-leukotrienes?# 2010 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

Keywords: Asthma; Bronchial inflammation; Therapy; Anti-leukotrienes; Inhaled steroids; Long-acting beta2-agonists

Revue française d’allergologie 50 (2010) 368–374

L’asthme et les maladies allergiques constituent dans lemonde entier l’une des pathologies chroniques les plusfréquentes [1]. Sa prévalence varie considérablement selonles pays et il est difficile de déterminer avec précision le nombred’asthmatiques dans le monde. Le Global INitiative for Asthma(GINA) et l’OMS estiment que l’asthme atteint environ200 millions de personnes, que sa fréquence augmenterégulièrement depuis 20 ans et que sa mortalité resteinquiétante (avec plus de 180 000 morts par an dans le monde)[1,2].

Une grande variabilité a été mise en évidence sur le planmondial mais aussi une très grande variabilité à l’intérieur

Adresse e-mail : [email protected].

1877-0320/$ – see front matter # 2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservdoi:10.1016/j.reval.2010.02.018

même de certains pays. Un gradient Est-Ouest (avec desprévalences plus basses à l’Est) et un gradient Nord-Sud (avecdes prévalences plus basses au Sud) sont retrouvés dans lesétudes (chez l’enfant étude International Study of Asthma andAllergies in Childhood (ISAAC), et chez l’adulte étudeEuropean Community Respiratory Health Survey (ECRHS)[1,3,4]. Trente-cinq à 50 pour cent des asthmes ne sont pasdiagnostiqués [3,4].

Pour un patient donné, l’incitation à consulter dépend en faitde son niveau de perception des symptômes, de la facilitéd’accès aux soins et de sa volonté à consulter. Poser undiagnostic d’asthme dépend aussi de l’aptitude du médecintraitant à rechercher et à reconnaître les symptômes équivalentsdes crises. Combiné à la mauvaise évaluation de la sévéritédes asthmes diagnostiqués et à leur sous-traitement, le

és.

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P. Demoly / Revue française d’allergologie 50 (2010) 368–374 369

sous-diagnostic participe vraisemblablement à l’augmentationde la sévérité et au coût majeur de cette maladie pour la société.

À la fin des années 1960, la mortalité a augmenté dansplusieurs pays, intéressant toutes les tranches d’âges, et mêmesi les patients de plus de 65 ans constituent l’essentiel des décès(en raison des facteurs de comorbidité), c’est dans le groupe des5–34 ans que les chiffres sont les plus fiables. En France, lenombre de morts par asthme, longtemps stable (1800 à2000 morts par an) a commencé de baisser à partir des années2000 chez les plus de 35 ans [1,5].

Il existe des données épidémiologiques solides pour direque, aussi bien pour le patient que pour la collectivité, si le coûtdu traitement de l’asthme paraît élevé, l’absence de traitementcoûte encore plus cher. Or il existe actuellement des preuvessuffisantes pour dire que l’asthme (symptômes, troubles dusommeil, limitation des activités quotidiennes, atteinte de lafonction pulmonaire, utilisation des médicaments de recours)peut être contrôlé par un traitement approprié [6].

1. Faut-il évaluer la sévérité ou le contrôle de l’asthme ?

Le GINA insiste depuis 2006 [2] sur la notion de contrôle del’asthme et introduit le « concept d’asthme difficile » – à traiter.À la place de la classification précédente en quatre stades selonles niveaux de sévérité (asthme intermittent, léger persistant,modéré persistant, sévère persistant), le GINA recommandeune nouvelle classification par niveau de contrôle : « contrôlé »,« partiellement contrôlé », « non contrôlé ». Cette nouvelleclassification signifie que la sévérité de l’asthme n’est passeulement liée de façon intrinsèque à la maladie, mais aussi à laréponse au traitement. Celle-ci n’est pas une donnée invariable,mais peut évoluer au cours des mois ou même des années ; lebut du traitement de l’asthme est donc d’obtenir un contrôleoptimal et de le maintenir. Le GINA insiste sur le fait quel’utilisation accrue des médicaments de secours, en particulierquotidienne, constitue un avertissement indiquant unedétérioration du contrôle de l’asthme et nécessite uneréévaluation du traitement de fond [6].

Toujours d’après le GINA 2006, six asthmatiques sur dix ontun asthme insuffisamment contrôlé. Le risque d’être insuffi-samment contrôlé augmente avec l’âge (plus de 40 ans), lesurpoids et l’obésité, le tabac, un faible revenu et une famillemonoparentale. Au regard du contrôle insuffisant, on peut sedemander si les traitements prescrits sont suffisammentefficaces et s’ils sont bien pris. En effet, près de troisasthmatiques mal contrôlés sur dix ne prennent qu’untraitement à la demande, alors que leurs symptômesjustifieraient un traitement de fond. Parmi les asthmatiquestotalement non contrôlés, 24 % n’ont pas de traitement de fondalors qu’il est indiqué dans tous ces cas [7].

En ce qui concerne l’observance des traitements, la revuesystématique de Cochrane [8] a identifié dix études ayantmesuré l’observance de la corticothérapie inhalée par desdispositifs électroniques intégrés aux systèmes d’inhalation.Selon ces études, l’observance était parfaite pour 20 à 73 % surle plan du rapport entre le nombre de doses prises et le nombrede doses prescrites par jour. Cette variabilité de la fréquence de

l’observance a été retrouvée dans l’ECRSH, où elle variait de40 à 78 % [9]. Le nombre de prises par jour influencel’observance : une ou deux prises seraient préférables à trois ouquatre. La voie orale recueillerait la préférence des malades parrapport à la voie inhalée et pourrait ainsi favoriser l’observance.Dans une étude rétrospective de 343 malades, l’observanced’un traitement oral (montelukast) était meilleure que celled’un traitement inhalé (fluticasone) [10]. Le nombre detraitements ne semble pas être un déterminant notable. Enparticulier, l’adjonction d’un bêta-2 agoniste de longue duréed’action à une corticothérapie inhalée améliorait l’observancedans l’étude d’une base de données portant sur 15 760 malades(l’association se faisait dans des dispositifs séparés et noncombinés) [11].

2. L’inflammation toujours et même en dehors descrises

L’un des points clés de la physiopathologie de l’asthme est laprésence, y compris entre les crises et pour les formes les pluslégères, d’une inflammation persistante des voies aériennes,mal perçue par les patients. Cette inflammation chronique estresponsable d’une aggravation de l’hyperréactivité bronchiquenon spécifique (HRNNS) particulière à l’asthme et le plussouvent d’une obstruction bronchique persistante en périodeinter-critique. Les variations du calibre bronchique peuvent êtresymptomatiques (toux, sensation d’oppression thoracique,sibilances, crises d’asthme) mais aussi assez souvent infra-cliniques, non perçues par le patient. Elles peuvent souvent êtrerévélées par la mesure régulière du débit expiratoire de pointe.Cela justifie que le traitement de fond de la maladieasthmatique (dont la base reste l’administration régulièred’une corticothérapie inhalée) doit être maintenu. Ainsi, en unetrentaine d’années, notre conception de l’asthme a radicalementchangé. Autrefois considérée comme une maladie aiguë traitéeexclusivement par les médicaments bronchodilatateurs –

théophylline, puis bêta-2-mimétiques de courte durée action– l’asthme est devenu une maladie inflammatoire chronique desbronches dont la prise en charge a bénéficié de l’apportsuccessif des corticoïdes inhalés, des bêta-2-mimétiques longuedurée d’action, des antileucotriènes et récemment des anti-IgE[12].

3. Glucocorticoïdes et antileucotriènes : alternative oucombinaison synergique ?

Deux grandes classes de médicaments anti-inflammatoiressont actuellement disponibles, les glucocorticoïdes et lesantileucotriènes. Les mécanismes d’action de ces deux types demédicaments sont complètement différents et permettent decomprendre les possibilités d’effets synergiques entre agonistesbêta-2 et glucocorticoïdes et d’effets additifs entre antileuco-triènes et glucocorticoïdes [12].

Les glucocorticoïdes sont les médicaments anti-inflamma-toires de référence dans le traitement de l’asthme. Leurefficacité anti-inflammatoire repose sur leur capacité d’actionsur la majeure partie des cellules impliquées dans la réaction

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P. Demoly / Revue française d’allergologie 50 (2010) 368–374370

inflammatoire, notamment allergique, et sur les cellules destructure de la bronche. Leurs propriétés anti-inflammatoiresglucocorticoïdes résultent essentiellement de l’inhibition de lasynthèse de nombreuses protéines pro-inflammatoires (cyto-kines, chimiokines, molécules d’adhésion, cyclo-oxygénase detype 2. . .) importantes dans la physiopathologie de l’inflamma-tion bronchique [12].

Les leucotriènes (LT) qui ont un rôle important dans laphysiopathologie de l’asthme sont les LT cystéinés (LT C4-D4-E4). Ces LT synthétisées au cours de la réaction inflammatoirebronchique sont des médiateurs bronchoconstricteurs 100 à1000 fois plus puissants que l’histamine. Ils provoquent laformation d’un œdème de la paroi bronchique, induisent unafflux de polynucléaires– en grande majorité des éosinophiles–

et stimulent la sécrétion de mucus. Chez l’homme, trois typesde récepteurs spécifiques des LT cystéinés (CysLT1, CysLT2,CysLT3) ont été identifiés. Les effets bronchoconstricteurs etinflammatoires des LT cystéinés sont médiés par les récepteursCysLT1 expliquant l’intérêt et l’efficacité clinique du blocagede ces récepteurs par des antagonistes sélectifs (montelukast,zafirlukast, pranlukast), d’autant que les glucocorticoïdes necontrôlent pas directement la synthèse des LT [12]. Le MK-571 a été le premier antileucotriènes ayant la même affinité queles LT pour le récepteur CysLT1 ; Le MK-571 cependant, sefixe aussi sur d’autres récepteurs des LT, présents uniquementsur le noyau des hépatocytes, les PPAR. Les PPAR sont desrécepteurs nucléaires stimulés par le LTB4 en particulier, quiinduisent la prolifération des péroxysomes chez la souris, etdonc présentent un risque de toxicité hépatique. Le MK-476,lui, est un composé dérivé du MK-571. Il présente l’avantaged’avoir une affinité supérieure pour le CysLT 1 et une absenced’effet sur la prolifération des péroxysomes. C’est cettemolécule qui finalement a été retenue sous le nom demontelukast [13].

Il est établi que les glucocorticoïdes inhibent la synthèse desprostanoïdes et bien sûr des cytokines. En revanche, denombreux arguments expérimentaux suggèrent que les gluco-corticoïdes ne seraient pas des inhibiteurs efficaces de lasynthèse des LT. Les antagonistes des récepteursCysLT1 des LT ou les inhibiteurs de la synthèse des LT ont

Fig. 1. Place des antileucotriènes dans la prise en charge de l’asthme selon GINA

un effet anti-inflammatoire complémentaire de celui descorticoïdes et donc des effets cliniques additifs, récemmentmontrés dans différentes études cliniques [12].

4. Place des antileucotriènes dans le contrôle del’asthme

Quel peut être l’intérêt de l’adjonction d’un antileucotrièneen une prise orale quotidienne à un traitement de fond à base decorticostéroïdes inhalés, avec ou sans bêta-2-mimétiques delongue durée d’action pour optimiser le contrôle de l’asthme ?

Des études ont cherché à mettre en évidence l’intérêt dumontelukast, antagoniste des récepteurs des LT, autorisé pour letraitement de l’asthme et de la rhinite allergique chezl’asthmatique dans cette situation d’asthme non contrôlé parun traitement de fond inhalé. Ces études ont permis dereconnaître la place de ces médicaments dans la prise en chargede l’asthme et l’adaptation des guides internationaux [14].

Les recommandations et les guidelines sont en effetélaborées à partir de l’analyse de la littérature scientifique.Ne peuvent être pris en compte dans ces travaux que les essaiscliniques dont la méthodologie rigoureuse conduit à un niveaude preuve élevé. Dans le GINA 2006 par exemple, la place desantileucotriènes a été déterminée comme suit au vu des résultatsdes essais cliniques (Fig. 1).

En adjonction aux corticostéroïdes inhalés (CSI) à faiblesdoses, le montelukast a démontré une amélioration desfonctions pulmonaires, une diminution des épisodes d’exacer-bation, une diminution des prises de CSI, et une améliorationdes symptômes [14]. Plusieurs études se sont penchées surl’amélioration de la qualité de vie sous montelukast et ontretrouvé une amélioration significative versus placebo.L’efficacité du montelukast est attribuée à une réduction del’inflammation bronchique. D’autres essais ont cherché àregarder si le montelukast pouvait être utilisé en adjonction auxCSI à la place des bêta-2-mimétiques de longue durée d’actionchez ces patients. L’adjonction de montelukast aux CSIaméliore le contrôle de l’asthme léger à modéré versus lesCSI seuls avec un profil similaire de tolérance. Dans les essaisrandomisés contrôlés le montelukast en association aux CSI

[2]. Utilisation des paliers thérapeutiques en fonction du contrôle de l’asthme.

Page 4: Apports des antileucotriènes dans le contrôle de l’asthme

Encadre 1. Etude observationnelle retrospective [15]

Objectifs

Evaluer le controle de l’asthme par l’adjonction de

montelukast chez des patients souffrant d’asthme mal

controle et de rhinite allergique, malgre un traitement

par association fixe de corticosteroıdes inhales et de

beta-2-mimetique de longue duree d’action.

Criteres d’efficacite

Incidence des exacerbations de l’asthme defini par les

consultations aux urgences, les hospitalisations ou la

prise d’une corticotherapie orale.

Patients et methodes

Etude observationnelle retrospective multicentrique,

d’une duree de 24 mois couvrant les periodes avant

et apres la mise en route du traitement par montelukast.

Patients ages de 15 a 55 ans souffrant d’un asthme

persistant leger a modere selon les recommandations

GINA, et d’une rhinite allergique saisonniere ou peran-

nuelle avec exacerbations saisonnieres selon les recom-

mandations ARIA.

Addition de 10 mg en prise par jour de montelukast au

traitement de fond par corticoıdes inhales ou associa-

tions de corticoıdes inhales plus beta-2-mimetique de

longue duree d’action.

Huit cent quatre-vingt onze dossiers ont ete examines et

696 ont ete retenus.

Resultats

Les resultats sont presentes sur la Fig. 2.

Encadre 2. Etude STAR [16]

Objectifs

Evaluer l’efficacite de l’adjonction de montelukast pour

ameliorer le controle de l’asthme chez des patients

symptomatiques malgre un traitement par association

fixe de corticosteroıdes inhales a dose moyenne et de

beta-2-mimetique de longue duree d’action.

Criteres d’efficacite

Le controle de l’asthme ete evalue sur les moyennes

obtenues au questionnaire standardise Juniper ACQ. Ce

questionnaire evalue six items : reveils nocturnes dus a

l’asthme, symptomes d’asthme au reveil le matin, limi-

tation des activites quotidiennes, essoufflement, siffle-

ments, utilisation d’un beta-2-mimetique de courte

duree d’action.

Patients et methodes

Cent trente et un medecins ont participe a l’etude.

Trois cent soixante-neuf patients ont ete inclus et

313 dossiers furent eligibles pour l’analyse. Tous les

patients etaient sous traitement fixe associant corticos-

teroıdes inhales et beta-2-mimetique de longue duree

d’action a dose stable depuis au moins six semaines

avant le debut de l’etude.

Dix milligrammes per os par jour de montelukast ont ete

ajoutes pendant une periode de deux mois.

Les scores ACQ ont ete evalues a la visite d’inclusion et a

la visite de fin d’etude.

Resultats

Le score moyen ACQ a diminue de facon statistique-

ment significative sous montelukast passant de

13,9 � 5,1 a 7,4 � 4,7, p < 0,001. Ainsi, 78,6 % des

patients ont declare une amelioration de leur asthme.

La meme proportion d’amelioration a ete observee lors

de l’evaluation globale realisee par les medecins (Fig. 3).

P. Demoly / Revue française d’allergologie 50 (2010) 368–374 371

était non inférieur à l’association CSI + bêta-2-mimétiques[14]. Enfin, il n’y a pas d’essais randomisés contrôléscomparant l’efficacité sur le contrôle de l’asthme entre CSI+ bêta-2-mimétiques vs CSI + bêta-2-mimétiques+ montelu-kast [14].

Les essais cliniques randomisés constituent la normereconnue pour démontrer la tolérance et l’efficacité desmédicaments, dans des conditions strictes imposées par le

Fig. 2. Pourcentage de patients concernés par tout événement définissant une criconsultation non prévue chez le médecin) pendant l’année précédant (avant) et l’anntraitement initial de l’asthme. *p < 0,01, **p < 0,001 pour la comparaison avant-

protocole. Il est clair que les asthmatiques inclus dans les essaiscliniques en double insu contre placebo de l’asthme nereprésentent qu’une toute petite partie de l’ensemble desasthmatiques. À l’inverse, les études observationnelles,

se sévère (consultation aux urgences, hospitalisation ou corticothérapie orale,ée suivant (après) la mise en route du traitement par montelukast en addition auaprès.

Page 5: Apports des antileucotriènes dans le contrôle de l’asthme

Encadre 3. Etude MARS [17]

Objectif

Evaluer l’efficacite de l’adjonction de montelukast sur le

controle des symptomes d’un asthme et de rhinite

allergique chez des patients toujours symptomatiques

malgre un traitement chronique a base de corticoste-

roıdes inhales et de beta-2-mimetiques de longue duree

d’action.

Criteres d’efficacite

Le controle de l’asthme etait evalue par le score au

questionnaire ACQ comprenant six items lors de la base

d’inclusion et apres deux mois de traitement avec le

montelukast. Il y eu aussi une evaluation globale de

l’evolution de l’asthme par les patients. Parallelement,

les symptomes de rhinite allergique ont ete evalues

selon la perception des patients.

Patients et methodes

Etude ouverte multicentrique, observationnelle, en situ-

ation de pratique quotidienne d’une duree de deux

mois. Quatre cent quatre-vingt dix-neuf medecins gene-

ralistes belges ont participe a cette etude.

Cinq mille sept cent soixante-neuf patients ont ete eligi-

bles pour l’analyse. Les patients non controles malgre

une association fixe de corticosteroıdes inhales et de

beta-2-mimetiques de longue duree d’action recurent

un traitement oral de montelukast a 4, 5, 10 mg par jour

selon la posologie recommandee en fonction de l’age.

Resultats

L’adjonction de montelukast s’est traduite par une dimi-

nution statistiquement significative de la moyenne du

score ACQ (1,97 a l’inclusion et 1,05 apres deux mois de

traitement, p < 0,001).

Quatre-vingt neuf pour cent des patients ont declare une

amelioration globale de leur asthme. Quatre-vingt onze

pour cent des 2442 patients presentant aussi des symp-

tomes de rhinite allergique ont declare une amelioration

de leurs symptomes d’asthme et 82 % de leurs symp-

tomes de rhinite (Fig. 4).

Fig. 3. Moyenne des scores individuels de symptômes au questionnaire ACQchez des patients avant traitement par montelukast et après adjonction demontelukast à une association fixe de corticostéroïdes inhalés et bêta-2-mimétiquede longue durée d’action. Le traitement avec montelukast s’est traduit par uneamélioration statistiquement significative de tous les items du questionnaire ACQ.

P. Demoly / Revue française d’allergologie 50 (2010) 368–374372

permettent d’évaluer l’efficacité de traitements dans le « monderéel » et pourraient être plus généralisables à des populations depatients hétérogènes. Les résultats de ces deux types d’étudessont donc complémentaires. De telles études se sont penchéessur la question du bénéfice à adjoindre le montelukast à untraitement de fond à base de corticostéroïdes inhalés et de bêta-2-mimétique de longue durée d’action chez des patientsinsuffisamment contrôlés. Quelles soient rétrospectives ouobservationnelles avec de plus ou moins longues duréesd’observation, tous ces travaux rapportent des résultatscohérents et en faveur de l’adjonction du montelukast pourmieux contrôler l’asthme. Les critères mesurés sont à la foisquantitatifs et qualitatifs.

Ainsi, une étude observationnelle rétrospective multicen-trique, d’une durée de 24 mois couvrant les périodes avant etaprès la mise en route du traitement, a examiné les dossiers depatients sous traitement par CSI, seuls ou associés à des bêta-2-agonistes de longue durée d’action, qui avaient reçu pendant12 mois consécutifs un traitement additif par le montelukast(Encadré 1). Quatre autres études observationnelles prospec-tives ont été conduites sur des périodes de suivis plus ou moinslongues et ont, elles aussi, mis en évidences une améliorationdu contrôle de l’asthme par adjonction de montelukast chez despatients insuffisamment contrôlés par un traitement de fond(Encadrés 2–5).

Ces études de cohortes avant-après ont tenté de couvrir cequi se passe en clinique dans la vie réelle, où les médecins

Encadre 4. Etude MONICA [18]

Objectifs

Obtenir des informations apres une longue periode de

traitement (un an) sur l’amelioration du controle de

l’asthme, de la qualite de vie, et sur la tolerance du

montelukast 10 mg chez des patients adultes souffrant

d’un asthme leger a modere non controle par un trai-

tement a base de corticosteroıdes inhales ou d’associa-

tion fixe de corticosteroıdes inhales et beta-2-

mimetiques de longue duree d’action.

Patients et methodes

Deux cent quatre-vingt dix medecins allemands ont

enrole 1665 patients adultes dans cette etude ouverte

et observationnelle d’une duree d’un an.

Les visites ont ete effectuees a trois, six, neuf et 12 mois.

Au cours de ces visites ont ete evalues : les scores ACT

et mini AQLQ, la spirometrie, la satisfaction des

patients, les effets indesirables documentes

Resultats

L’adjonction de montelukast a un traitement chronique

a base de corticosteroıdes inhales ou d’associations

corticosteroıdes inhales et beta-2-mimetiques de lon-

gue duree d’action a ameliore de maniere statistique-

ment significative le controle de l’asthme, la qualite de

vie, la fonction pulmonaire evaluee a la spirometrie

(Fig. 5). Le traitement a ete considere generalement

comme etant bien tolere.

Page 6: Apports des antileucotriènes dans le contrôle de l’asthme

Encadre 5. Etude RADAR [19]

Objectifs

Evaluer l’efficacite du montelukast comme traitement

d’appoint dans la prise en charge extrahospitaliere des

patients ayant recu un diagnostic d’asthme et de rhinite

allergique concomitante, qui sont demeures sympto-

matiques malgre le traitement avec des corticoıdes en

inhalation seuls (CSI) ou une association de corticoste-

roıdes en inhalation et de beta-2 agonistes a longue

duree d’action (CSI/BALA).

Patients et methodes

Etude multicentrique ouverte d’observation d’une

duree de huit semaines. Mille quatre patients ages

Fig. 4. Évolution de la moyenne des scores ACQ selon les sous-groupes avec ou sans symptômes de rhinite allergique avant et après traitement avec montelukast.

de 15 ans et plus presentant une rhinite allergique et

des symptomes d’asthme non maıtrises, determines

par une reponse positive a au moins deux criteres

de maıtrise de l’asthme defini par la conference

canadienne consensus sur l’asthme ont ete inclus.

Trois cent dix-neuf patients ont accepte la phase de

traitement et 301 ont complete l’evaluation a huit

semaines.

Critere principal

Le principal parametre d’evaluation etait le pourcentage

de patients presentant des symptomes d’asthme maı-

trise apres huit semaines de traitement avec le monte-

lukast a 10 mg une fois par jour comme traitement

d’appoint aux CSI ou aux CSI/BALA.

Resultats

A huit semaines 76,1 % des patients presentaient des

symptomes d’asthme maıtrises selon la definition de la

conference de consensus canadienne et 54,7 % des

patients presentaient des symptomes d’asthme bien

maıtrises selon le questionnaire ACQ. Une reduction

significative sur le plan statistique et clinique a ete notee

quant au score obtenu sur le mini questionnaire Rhinitis

Quality of Life Questionnaire (RQLQ) demontrant une

amelioration de la qualite de vie. Par ailleurs, le degre de

satisfaction des patients et des medecins a l’egard du

traitement d’appoint avec le montelukast etaient signi-

ficativement superieurs au degre de satisfaction a ceux

rapportes avec les traitements initiaux.

Fig. 5. Adjonction de montelukast à des corticostéroïdes inhalés ou associa-tions corticostéroïdes inhalés bêta-2-mimétiques de longue durée.

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réagissent à la variation des symptômes en modifiant leurtraitement. Il faut cependant signaler que le caractèreobservationnel de ces études doit inciter à une interprétationprudente des résultats. En effet une étude avant - après souffrede problèmes méthodologiques liés à l’absence d’un groupetémoin apparié pour les comparaisons. Cependant la longuedurée de certaines périodes d’observation et le grand nombre depatients inclus et dans les études réduisent le risque d’uneévaluation non correcte. De plus, leurs résultats vont dans le

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sens de ceux obtenus par le montelukast dans des essaiscliniques randomisés contrôlés, chez des patients souffrantd’asthme et de rhinite allergique saisonnières [14].

5. Conclusion

Si le contrôle de l’asthme est aujourd’hui l’objectifthérapeutique que nous nous fixons, il semble logiqued’adjoindre un antileucotriène per os en une prise par jourchez des patients insuffisamment contrôlés par un traitement defond à base de corticoïdes inhalés avec ou sans bêta-2-mimétiques de longue durée d’action. Cette démarche résulte àla fois de la compréhension du mécanisme d’action de cettefamille d’anti-inflammatoire et de l’analyse des résultatscliniques obtenus dans plusieurs essais cliniques.

Conflits d’intérêts

Aucun.

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