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Revue de chirurgie orthopédique © Masson, Paris, 2005 2005, 91, 124-131 MÉMOIRE Arthroplastie de hanche pour séquelle de fracture de l’acétabulum P.-Y. Glas *, J. Béjui-Hugues **, J.-P. Carret ** * Service d’Orthopédie et de Traumatologie, Hôpital Saint Joseph-Saint Luc, 20, quai Claude-Bernard, 69007 Lyon. ** Service d’Orthopédie et de Traumatologie (Pavillon T), Hôpital Edouard Herriot, 5, place d’Arsonval, 69003 Lyon. ABSTRACT Purpose of the study The aim of this retrospective analysis was to examine complications and technical difficulties observed during implantation of total hip arthroplasty (THA) after treatment of an acetabular fracture. Material and methods Forty patients (thirty men and ten women), mean age 50 years, were included in the study. The acetabular fracture had been treated surgically in 23 and orthpedically in 17. Mean time from initial trauma to implantation of the THA was eleven years. Hydroxyapatite-coated cups were inserted without cement in 32 patients. Cemented cups in eight (with two Kerboull cross, one Müller ring, and five simple polyethylene). Five femoral stems were cemented. Preoperative planning was designed to restore the center of the initial hip rotation to avoid excessive cup medialisation. Acetabular defects found intra- operatively were significantly greater in the group of patients treated orthopedically than in those treated surgically (p = 0.02). Autografts were thus used more frequently in the former (65%). Results One patient presented an intraoperative complication. The postoperative complications included phlebitis (n = 1), infection (n = 1), fibular nerve paralysis (n = 2), dislocation (n = 4), and heterotopic ossification (n = 7). The rate of postoperative com- plications was significantly higher in the group of patients treated surgically (52.2% versus 17.6%, p < 0.02). At last follow- up, mean 52 months, the mean Postel-Merle-d’Aubigné function score was 16.7. The rate of acetabular revision was 15% with four cemented cups being replaced at more than ten years due to aseptic loosening. Two press-fit cups were replaced early for infection in one patient and disassembly in another. Discussion Despite the high rate of complications, the mid-term results were good, encouraging us to continue this procedure as the first intention treatment using either a press fit cup with or without an autograft, or a cemented cup with a metal ring (Kerboull or Burch-Schneider). Key words: Hip arthroplasty, fracture, acetabulum. RÉSUMÉ L’objectif de cette étude rétrospective était d’analyser les complications et les difficultés techniques rencontrées lors de la mise en place d’une prothèse totale de hanche pour les séquelles de fractures de l’acétabulum. Quarante patients ont eu une prothèse totale de hanche après fracture de l’acétabulum. Vingt-trois de ces patients avaient initialement été traités chi- rurgicalement et dix-sept orthopédiquement. Trente-deux cupules sans ciment recouvertes d’hydroxyapatite et huit cupules scellées ont été mises en place. Cinq pivots fémoraux ont été scellés. La planification préopératoire devait restaurer le cen- tre de rotation de hanche initial afin d’éviter, une médialisation excessive de la cupule. Un seul patient a présenté une com- plication peropératoire. Parmi les complications postopératoires, on dénombrait une phlébite, une infection, deux paralysies du nerf fibulaire commun, quatre luxations et sept ossifications hétérotopiques. Le taux de complications postopératoires était statistiquement plus élevé dans le groupe de patients traités initialement chirurgicalement (52,2 % versus 17,6 % : Total hip arthroplasty after treatment of acetabular fracture Tirés à part : P.-Y. GLAS, à l’adresse ci-dessus. Acceptation définitive le : 5 octobre 2004

Arthroplastie de hanche pour séquelle de fracture de l’acétabulum

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Page 1: Arthroplastie de hanche pour séquelle de fracture de l’acétabulum

Revue de chirurgie orthopédique © Masson, Paris, 20052005, 91, 124-131

MÉMOIRE

Arthroplastie de hanche pour séquelle de fracture de l’acétabulum

P.-Y. Glas *, J. Béjui-Hugues **, J.-P. Carret **

* Service d’Orthopédie et de Traumatologie, Hôpital Saint Joseph-Saint Luc, 20, quai Claude-Bernard, 69007 Lyon.** Service d’Orthopédie et de Traumatologie (Pavillon T), Hôpital Edouard Herriot, 5, place d’Arsonval, 69003 Lyon.

ABSTRACT

Purpose of the studyThe aim of this retrospective analysis was to examine complications and technical difficulties observed during implantation

of total hip arthroplasty (THA) after treatment of an acetabular fracture.

Material and methodsForty patients (thirty men and ten women), mean age 50 years, were included in the study. The acetabular fracture had

been treated surgically in 23 and orthpedically in 17. Mean time from initial trauma to implantation of the THA was elevenyears. Hydroxyapatite-coated cups were inserted without cement in 32 patients. Cemented cups in eight (with two Kerboullcross, one Müller ring, and five simple polyethylene). Five femoral stems were cemented. Preoperative planning wasdesigned to restore the center of the initial hip rotation to avoid excessive cup medialisation. Acetabular defects found intra-operatively were significantly greater in the group of patients treated orthopedically than in those treated surgically(p = 0.02). Autografts were thus used more frequently in the former (65%).

ResultsOne patient presented an intraoperative complication. The postoperative complications included phlebitis (n = 1), infection

(n = 1), fibular nerve paralysis (n = 2), dislocation (n = 4), and heterotopic ossification (n = 7). The rate of postoperative com-plications was significantly higher in the group of patients treated surgically (52.2% versus 17.6%, p < 0.02). At last follow-up, mean 52 months, the mean Postel-Merle-d’Aubigné function score was 16.7. The rate of acetabular revision was 15%with four cemented cups being replaced at more than ten years due to aseptic loosening. Two press-fit cups were replacedearly for infection in one patient and disassembly in another.

DiscussionDespite the high rate of complications, the mid-term results were good, encouraging us to continue this procedure as the

first intention treatment using either a press fit cup with or without an autograft, or a cemented cup with a metal ring (Kerboullor Burch-Schneider).

Key words: Hip arthroplasty, fracture, acetabulum.

RÉSUMÉ

L’objectif de cette étude rétrospective était d’analyser les complications et les difficultés techniques rencontrées lors de lamise en place d’une prothèse totale de hanche pour les séquelles de fractures de l’acétabulum. Quarante patients ont euune prothèse totale de hanche après fracture de l’acétabulum. Vingt-trois de ces patients avaient initialement été traités chi-rurgicalement et dix-sept orthopédiquement. Trente-deux cupules sans ciment recouvertes d’hydroxyapatite et huit cupulesscellées ont été mises en place. Cinq pivots fémoraux ont été scellés. La planification préopératoire devait restaurer le cen-tre de rotation de hanche initial afin d’éviter, une médialisation excessive de la cupule. Un seul patient a présenté une com-plication peropératoire. Parmi les complications postopératoires, on dénombrait une phlébite, une infection, deux paralysiesdu nerf fibulaire commun, quatre luxations et sept ossifications hétérotopiques. Le taux de complications postopératoiresétait statistiquement plus élevé dans le groupe de patients traités initialement chirurgicalement (52,2 % versus 17,6 % :

Total hip arthroplasty after treatment of acetabular fracture

Tirés à part : P.-Y. GLAS, à l’adresse ci-dessus.

Acceptation définitive le : 5 octobre 2004

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p = 0,02). À la révision, au recul moyen de cinquante mois, le score fonctionnel de Merle d’Aubigné était en moyenne de16,7. Le taux de révision acétabulaire était de 15 % avec quatre cupules scellées qui ont été reprises à plus de dix ans pourdescellement aseptique et deux cupules sans ciment qui ont été reprises précocement, pour infection dans un cas et pourdémontage dans l’autre cas. Malgré un taux élevé de complications, les résultats à moyen terme sont bons et nous encoura-gent à utiliser en première intention, soit une cupule impactée plus ou moins associée à une autogreffe, soit une cupule scel-lée dans une armature métallique de type Kerboull ou Burch-Schneider.

Mots clés : Hanche, prothèse, fracture, acétabulum.

INTRODUCTION

La mise en place d’une prothèse totale de hanche, aprèsfracture de l’acétabulum, reste une indication peu courantedans la chirurgie de la hanche. La plupart des séries de lalittérature rapporte d’excellents résultats sur le plan fonc-tionnel [Boardman et Charnley (1), Pritchett et Bortel (2)]mais le taux de complications postopératoires demeureélevé [Bellabarba et al. (3)] et le devenir à long terme de cesprothèses reste incertain en raison d’un taux élevé de des-cellement [Romness et Lewallen (4)]. Sur le plan épidémio-logique, la population est bien différente de celle descoxarthoses primitives puisqu’on retrouve majoritairementdes hommes jeunes et actifs, pour lesquels les risques sur ladurée de vie de la prothèse sont identifiés. Le choix del’implant et du couple de friction devra tenir compte decette donnée épidémiologique.

Le but de cette étude était d’analyser les difficultés tech-niques et les complications que l’on peut rencontrer dans cetype de chirurgie.

PATIENTS ET MÉTHODES

Il s’agit d’une étude rétrospective, non continue, portantsur quarante prothèses totales de hanche, chez quarantepatients qui avaient présenté une fracture de l’acétabulum.Dix-sept patients avaient préalablement été traités orthopé-diquement (groupe ortho.) et vingt-trois chirurgicalement(groupe chir.). Les prothèses totales de hanche ont été misesen place, à l’hôpital Edouard Herriot, entre 1987 et 2001,chez trente hommes et dix femmes. L’âge moyen, aumoment de la mise en place de la prothèse totale de hanche,était de cinquante ans. Le délai moyen entre la mise enplace de la prothèse et le traumatisme était de onze ans (dixans pour le groupe de patients traités chirurgicalement ettreize ans pour le groupe de patients traités orthopédique-ment), avec des extrêmes allant de un à quarante trois ans.Dans le groupe de patients traités initialement chirurgicale-ment, il s’agissait dans 50 % des cas, d’échecs du traite-ment chirurgical (dont 70 % d’ostéonécrose aseptique de latête fémorale) avec mise en place de la PTH dans un délaiinférieur à trois ans. Pour ce même groupe de patients,l’ostéosynthèse de l’acétabulum avait été effectuée par voied’abord postéro-latérale dans quinze cas, par voie ilio-fémorale élargie dans six cas et par voie triradiée dans deuxcas. Sur le plan radiologique, le type d’arthrose en préopé-

ratoire était bien différent entre les deux groupes depatients : on retrouvait une majorité de coxarthroses protru-sives (76,5 %) dues aux cals vicieux résiduels dans legroupe des patients traités initialement orthopédiquement,alors que dans le groupe des patients traités initialementchirurgicalement, on rapportait essentiellement descoxarthroses polaires supérieures ou extrusives (70 %), leplus souvent associées à une nécrose de la tête fémorale oudu toit de l’acétabulum.

Lors de la mise en place de la PTH, la voie d’abord pos-téro-latérale a été utilisée dans vingt-neuf cas, la voieantéro-latérale dans dix cas et la voie trans-trochantériennedans un seul cas. Une arthrolyse a été nécessaire chez unpatient pour la résection d’ossifications hétérotopiques destade IV de Brooker et al. (5). Les implants acétabulairescomprenaient trente deux cupules impactées recouvertesd’hydroxyapatite dont une cupule double mobilité, cinqcupules en polyéthylène scellées, deux cupules en polyé-thylène scellées dans une croix de Kerboull [Kerboull et al.(6)] et une cupule scellée dans un anneau de Müller. Pourles cupules impactées, le diamètre moyen était de 54 avecdes extrêmes allant de 48 à 64. Le composant fémoral étaitscellé dans cinq cas. Parmi les vingt-trois patients préala-blement opérés, le matériel d’ostéosynthèse a été retiré entotalité dans sept cas, partiellement dans sept cas et laissé enplace dans neuf cas. Le matériel était enlevé lorsqu’il gênaitle fraisage de l’acétabulum ou le bon positionnement de lacupule. Les défects osseux acétabulaires étaient démembrésen peropératoire selon la classification de la SOFCOT[Vives (7)] (60 % de stade I, 37,5 % de stade II et 2,5 % destade III). Il existait une différence statistiquement signifi-cative entre les deux groupes de patients (patients traitésinitialement orthopédiquement et patients traités initiale-ment chirurgicalement) en terme de défect acétabulaire(fig. 1a). Une autogreffe a été utilisée chez dix-neufpatients, le plus souvent à partir de la tête fémorale (17 cassur 19), ou, à défaut, au moyen de la crête iliaque posté-rieure. La fréquence de l’utilisation de l’autogreffe pourreconstruire l’acétabulum était importante dans le groupedes patients traités initialement orthopédiquement (fig. 1b).En effet, dans ce groupe, une autogreffe de l’acetabulum aété nécessaire dans 65 % des cas alors que dans le groupede patients traité chirurgicalement, l’autogreffe a été utiliséedans seulement 35 % des cas (p = 0,06). Un seul patient,aux antécédents d’ossifications de stade III, a eu un traite-ment prophylactique par Indocid® lors de la pose de la pro-

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thèse. Tous les patients ont été revus et le recul moyen de lasérie à la révision était de cinquante mois (6-150). L’évalua-tion clinique a été faite selon le score fonctionnel de Merled’Aubigné (8). L’analyse radiologique des cupules scelléesa été faite selon les critères décrits par Hodgkinson et al.(9). Pour les cupules sans ciment, l’analyse radiologiquereposait sur la technique de mesure de Martell et al. (10).L’analyse statistique (logiciel SPSS® pour Windows® ) a étéeffectuée selon le test du Khi 2, avec un degré de significa-tion retenu pour p < 0,05.

RÉSULTATS

La durée opératoire moyenne était de 119 minutes et lespertes sanguines moyennes de 1160 cc, sans différence sta-tistiquement significative entre le groupe des patients traitésinitialement chirurgicalement et le groupe de patient traitéinitialement orthopédiquement. On dénombrait une seulecomplication peropératoire : il s’agissait d’une plaie vési-cale sous-péritonéale due au fraisage de l’acétabulum chezun patient porteur d’une coxarthrose protrusive, secondaireà une fracture bicolonne traitée orthopédiquement (fig. 2).Les complications postopératoires étaient nombreuses(tableau I) : une phlébite (2,5 %), une infection (2,5 %),quatre luxations (10 %), deux paralysies transitoires du nerffibulaire commun (5 %), six ossifications de stade I et uneossification de stade III (17,5 %). Concernant les ossifica-tions, elles étaient préexistantes à la mise en place de laPTH dans quatre cas (trois ossifications préexistantes ettrois nouveaux cas pour le groupe chir., une ossificationpréexistante et aucun nouveau cas pour le groupe ortho.) Letaux global de complications postopératoires (tableau I)était significativement plus élevé dans le groupe despatients traités initialement chirurgicalement (52,2 % ver-sus 17,6 % ; p = 0,02). Les résultats fonctionnels étaient

41%53%

6%

74%

26%

0%

20%

40%

60%

80%

100%

GROUPE ORTHO GROUPE CHIR

stade I

stade II

stade III

65%

35% 35%

65%

0%10%20%30%40%50%60%70%80%90%

100%

GROUPE ORTHO GROUPE CHIR

autogreffe

sans autogreffe

FIG. 1. – a) Défect acétabulaire peropératoire selon les stades de la SOFCOT [Vives (7)] en fonction du traitement initial (p = 0,02).b) Utilisation d’une autogreffe en fonction du type de traitement initial (p = 0,06).

TABLEAU I. – Complications postopératoires en fonction dutraitement initial (p = 0,02).

Complicationspostopératoires

Groupe ortho.

Groupechir.

Total

Luxations 1 3 4

Thrombophlébite 1 0 1

Ossifications 1 6 7

Infection 0 1 1

Paralysie du nerf fibulaire commun

0 2 2

Total 3 (17,6 %) 12 (52,2 %) 15 (37,5 %)

TABLEAU II. – Causes d’échec (n = 6) des PTH sur séquelles defracture de l’acétabulum.

Types d’implants Traitement initial

Étiologies Recul

Polyéthylène scellé (n = 3)

Chirurgical(n = 6)

Descellement aseptique

6, 11, 13 ans

Cupule impactée (n = 2)

Luxation + démontage

6 mois

Infection 1 an

Anneau de Müller (n = 1)

Erreurtechnique

(fixation par deux vis)

11 ans

ba

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ARTHROPLASTIE DE HANCHE POUR SÉQUELLE DE FRACTURE DE L’ACÉTABULUM 127

bons avec un score de Merle d’Aubigné (8) moyen de 16,7,sans différence statistiquement significative entre le groupedes patients traités initialement orthopédiquement (PMAmoyen à 16,45) et le groupe des patients traités initialementchirurgicalement (PMA moyen à 17).

Dans notre série, six échecs (15 %) sont dénombrés, tousparmi le groupe de patients traités initialement chirurgicale-ment (tableau II). Sur les trente deux cupules impactéesrevues, deux (6,25 %) ont été reprises dans la premièreannée : une pour démontage précoce et une pour infection.Les trente autres cupules impactées ne présentaient pas deliseré. Sur les huit cupules scellées, quatre (50 %) ont étéreprises pour descellement aseptique à plus de cinq ans de

recul. Il s’agissait de trois descellements aseptiques decupules en polyéthylène scellé et d’une migration d’unanneau de Müller (fig. 3c) due à une erreur technique (seu-lement 2 vis de fixation utilisées et un contact imparfaitavec l’os coxal).

DISCUSSION

Au regard des principales séries de la littérature [Board-man et Charnley (1), Romness et Lewallen (4), Weber et al.(11), Rogan et al. (12)], le pronostic à long terme des PTHaprès fracture de l’acétabulum est moins bon, notamment

FIG. 2. – a) Cystographie rétrograde postopératoire révélant une plaie vésicale sous-péritonéale après mise en place d’une cupuleimpactée. b) Cystographie de contrôle au 5e jour postopératoire montrant la cicatrisation spontanée de la plaie vésicale.

ba

FIG. 3. – Perte de substance osseuse après traitement chirurgical. a) Nécrose du toit et de la paroi postérieure de l’acétabulum aprèséchec de l’ostéosynthèse. b) Mise en place d’une PTH scellée avec un anneau de Müller maintenu par seulement deux vis. c)Descellement aseptique de l’anneau de Müller à 11 ans de recul. d) Reprise de l’anneau de Müller par une cupule à double mobilitéscellée dans une cage de Burch-Schneider associée à une allogreffe (radio de contrôle postopératoire).

a b c d

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en terme de descellement acétabulaire. En effet, Romness etLewallen (4) rapportent sur une série de 55 PTH un tauxquatre à cinq fois plus élevé de révision acétabulaire à7,5 ans de recul. De plus, pour certains auteurs [Weber et al.(11), Rogan et al. (12), Karpik et al. (13)] le taux de com-plications peropératoires et postopératoires est plus élevéque lors d’une chirurgie conventionnelle sur coxarthroseprimitive. Concernant le type d’implant acétabulaire, la plu-part des séries rapporte les résultats des cupules scellées :Boardman et Charnley (1) obtiennent une majorité de bonsrésultats cliniques à moyen terme avec la prothèse Charnleytandis que Romness et Lewallen (4) rapportent un taux de13,7 % de reprise acetabulaire à 10 ans. Bellabarba et al.(3), ainsi que Berry et Halasy (14), font état de séries com-prenant exclusivement des cupules impactées, avec desrésultats encourageants, à moyen terme sur le plan radiolo-gique [97 % de survie à 10 ans pour Bellabarba et al. (3)].

Pour le groupe de patients traités initialement orthopédi-quement, le problème vient de la déformation résiduelle dubassin ainsi que de la perte du stock osseux. En effet, lesrepères anatomiques (arrière-fond acétabulaire, colonnepostérieure, colonne antérieure et toit) sont perturbés etvont rendre plus difficile le positionnement de la cupule. Ledéficit du stock osseux va faire appel aux techniques dereconstruction de la chirurgie de reprise des PTH. La straté-gie chirurgicale a pour but de retrouver un centre de rotationde la hanche satisfaisant, impliquant pour cela une planifi-cation préopératoire rigoureuse. Dans la plupart des cas,l’acétabulum se trouve médialisé (ligne ilio-ischiatiquedéjetée en dedans) du fait du cal vicieux, ce qui donne unaspect de coxartrose protrusive. En outre, l’acétabulum estsouvent ovalisé avec augmentation de son diamètre antéro-postérieur. L’implant acétabulaire doit alors être latéraliséen greffant l’arrière fond acétabulaire, à l’aide d’une auto-greffe morcelée ou structurale (fig. 4). Dans notre série, la

cupule impactée associée ou non à une autogreffe, permetdans la majorité des cas de reconstruire l’acétabulum. Danscertains cas difficiles (pseudarthrose d’une paroi ou del’arrière-fond avec perte de substance importante), nouspréférons sceller une cupule dans une armature métalliquede soutien type Kerboull [Kerboull et al. (6)]. Il existe desalternatives dérivées de la chirurgie de reprise pour les casdifficiles de reconstruction. Mears et Velyvis (15) proposentd’utiliser soit des cages de type Burch-Schneider [Peters etal. (16)], soit des anneaux de Müller (17) appuyés sur desgreffes (auto ou allogreffe) avec une cupule cimentée.Quelle que soit la technique utilisée, la stabilité du montageest une condition indispensable du bon résultat à moyenterme. Enfin, on peut être amené à réaliser une ostéosyn-thèse de l’acétabulum (plaque sur la colonne postérieure,longue vis dans la colonne antérieure), en particulier dansles cas de pseudarthrose des deux colonnes, afin d’obtenirune excellente stabilité primaire. À ce propos, Mears et Shi-rahama (18) ont décrit une technique d’ostéosynthèse parcâble métallique permettant de stabiliser la lame quadrila-tère au toit et aux deux colonnes. Cette technique moinsinvasive pour la vascularisation de l’acétabulum est intéres-sante dans les cas de pseudarthrose de fracture transversechez les sujets âgés dont l’os est ostéoporotique.

Enfin, l’utilisation de greffons osseux est fréquente pource groupe de patients. En effet, dans notre série, nous avonsutilisé dans plus de 65 % des cas une autogreffe. Bellabarbaet al. (3) rapportent, eux aussi, un taux de 50 % d’auto-greffe lors de la mise en place de la PTH après traitementorthopédique.

Pour le groupe des patients traités initialement chirurgi-calement, les principes de technique chirurgicale sontsuperposables à ceux étudiés précédemment. Mais il fautprendre en compte les facteurs spécifiques dus au traite-ment chirurgical antérieur, tels la voie d’abord, le matériel

FIG. 4. – Importance du cal vicieux après traitement orthopédique. a) Coxarthrose protusive après fracture transversale traitéeorthopédiquement, associée à un cal vicieux de l’extrémité supérieure du fémur. b) Radiographie de contrôle postopératoire : cupuleimpactée associée à une autogreffe structurale et tige fémorale impactée associée à une ostéotomie de dérotation fémorale.

ba

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ARTHROPLASTIE DE HANCHE POUR SÉQUELLE DE FRACTURE DE L’ACÉTABULUM 129

d’ostéosynthèse et la présence d’ossifications hétérotopi-ques. Si l’on exclut les cas de démontage ou de mauvaiseréduction (fig. 3a), l’anatomie acétabulaire est relativementbien conservée par l’ostéosynthèse et on peut espérer mettreen place une cupule dans de bonnes conditions. Le déficitdu stock osseux provient le plus souvent d’une nécrose dela paroi postérieure ou du toit. Cette nécrose est favoriséepar les voies d’abord élargies et par le matériel d’ostéosyn-thèse mis en place lors de la première intervention. On peutparfois se trouver devant des défects osseux qui nécessitentune autogreffe structurale (fig. 5). Dans notre série, l’auto-greffe a été utilisée dans seulement 35 % des cas.

Le choix de la voie d’abord est affaire d’école, mais lavoie postéro-latérale semble la plus confortable, surtout sil’on doit retirer du matériel sur la colonne postérieure. Il estalors indispensable d’avoir un bon contrôle du nerf sciati-que qui est souvent engainé dans le tissu fibreux au contactdu matériel. À ce propos, il faut être très vigilant chez lespatients qui présentent des séquelles de paralysie sciatiqueaprès ostéosynthèse. En effet, lors d’une réintervention, lasusceptibilité du nerf sciatique est accrue et le risque dedévelopper une paralysie sciatique complète est important.C’est Osterman (19), qui a décrit en 1988 cette susceptibi-lité du nerf sciatique sous le terme de « double crushsyndrome ». En ce qui concerne le matériel d’ostéosyn-thèse, celui-ci est retiré uniquement lorsqu’il fait obstacleau bon positionnement de la cupule (fig. 6). Dans le cascontraire, nous pensons tout comme Berry (20) qu’il fautlaisser le matériel en place afin de réduire le temps opéra-toire et les risques hémorragiques. Au sujet des ossifica-tions hétérotopiques, il est rare d’être dans l’obligation de

les réséquer. Seules les ossifications symptomatiques (stadeIII et IV de Brooker) sont réséquées. Parmi les moyens deprophylaxie des récidives d’ossification, la radiothérapiepostopératoire semble donner les meilleurs résultats,comme l’ont bien montré Haas et al. (21). Mais, comptetenu des difficultés d’organisation pour la mise en place dece type de traitement, l’Indocid® reste la prophylaxie la pluscouramment utilisée bien qu’elle n’ait été prescrite quechez un seul patient de la série. Au sujet de la durée opéra-toire et des pertes sanguines, nous ne retrouvons pas de dif-férence significative avec le groupe des patients traitésorthopédiquement. Ceci vient du fait que nous avons retirépeu de matériel et peu d’ossifications.

Parmi les complications postopératoires à redouter chezles patients traités initialement chirurgicalement, onretrouve le risque neurologique (deux cas de paralysieincomplète du nerf fibulaire commun) et l’instabilité prothé-tique (trois cas de luxation). Pour le risque neurologique, oninsiste encore sur la vigilance qu’il faut avoir vis à vis dunerf sciatique lors de la reprise de la voie d’abord et lors del’ablation du matériel. En ce qui concerne les luxations, lerisque semble majoré par une grande voie d’abord élargie(voies iliofémorale élargie et triradiée), surtout si la récupé-ration du moyen fessier reste incomplète. Dans ces circons-tances, le choix de l’implant acétabulaire peut faire appel àune cupule double mobilité permettant ainsi de minimiser lerisque de luxation. Enfin, il faut toujours avoir à l’esprit lerisque infectieux chez ces patients traités initialement chi-rurgicalement, et réaliser en préopératoire les examens com-plémentaires adéquats en fonction des données cliniques etradiologiques (VS, CRP, ponction de hanche, scintigraphie).

FIG. 5. – a) Ostéonécrose de la tête fémorale et du toit de l’acétabulum après traitement chirurgical par voie d’abord iliofémoraleélargie d’une fracture transversale associée à une paroi postérieure. b) Radiographie de contrôle à 2 ans d’une cupule impactéeassociée à une autogreffe du toit de l’acétabulum.

ba

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130 P.-Y. GLAS, J. BÉJUI-HUGUES, J.-P. CARRET

En résumé, le risque de complications postopératoires(infection, instabilité, paralysie) paraît plus importantaprès un traitement initial par ostéosynthèse [Karposet al. (22)].

CONCLUSION

La mise en place d’une prothèse totale de hanche, aprèsfracture de l’acétabulum, demeure une chirurgie peu cou-rante. La stratégie opératoire dépend de facteurs directe-ment liés à la qualité et au type de traitement initial. Quelque soit le type de traitement initial, la planification préopé-ratoire doit être rigoureuse et faire appel, le cas échéant, à latomodensitométrie. Après un traitement orthopédique ini-tial, la principale difficulté opératoire vient de l’importancedu cal vicieux résiduel et du défect osseux. Dans notresérie, l’acétabulum était alors le plus souvent médialisé etovalisé avec une perte de substance prédominant à sa partiemédiale. C’est pourquoi la greffe osseuse est souvent utileau bon positionnement de la cupule. Après traitement chi-rurgical initial, on retrouve le plus souvent un acétabulumaux repères anatomiques conservés. S’il existe une perte desubstance osseuse, elle est due à une nécrose du toit oud’une paroi, et dans ce cas, l’autogreffe structurale est utili-sée pour la reconstruction de l’acétabulum. Les ossifica-tions hétérotopiques sont réséquées s’il existe une véritablegêne fonctionnelle et le matériel d’ostéosynthèse est retiréuniquement s’il entrave le bon positionnement de la cupule,afin de réduire la durée opératoire, les pertes sanguines et lerisque neurologique. Un traitement prophylactique des ossi-fications hétérotopiques nous semble indispensable chez les

patients traités initialement chirurgicalement. Enfin, laquestion du bimétallisme peut être évoquée sur un planpurement théorique, mais à ce jour, aucune publication surles prothèses, après fracture de l’acétabulum, ne rapporte decomplications à ce sujet. Nous utilisons préférentiellementun implant acétabulaire sans ciment, avec un couple de fric-tion céramique/céramique pour cette population jeune etessentiellement masculine. Lorsque la stabilité primaire nepeut être obtenue par un implant sans ciment, la reconstruc-tion doit être armée (croix de Kerboull, cage de Burch-Sch-neider) avec une cupule scellée.

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FIG. 6. – Difficultés liées au matériel et à la nécrose de la tête fémorale. a) Ostéonécrose de la tête fémorale et du toit de l’acétabulumaprès traitement chirurgical par voie d’abord iliofémorale élargie d’une fracture bicolonne. b) Radiographie de contrôle à 4 ansd’une cupule impactée.

ba

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ARTHROPLASTIE DE HANCHE POUR SÉQUELLE DE FRACTURE DE L’ACÉTABULUM 131

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