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Coplas, reliure d’Annie Boige Les reliures proposées par la bibliothèque de Riom Communauté racontent toutes une histoire, éclairent un livre, son contenu, son auteur et aussi son relieur. Celle réalisée par Annie Boige pour l’ouvrage « Coplas » est un bel exemple. Ce recueil rassemble des « coplas », petits couplets populaires andalous, tristes et mélancoliques, caractérisés par leurs références fréquentes à la mort. Les poèmes en espagnols font face à leur traduction française pour raconter un amour déçu ou une jeunesse trop vite envolée. Ils sont accompagnés de huit gravures originales de Christiane Veille. Annie Boige protège et embellit l’ouvrage avec une chemise en chèvre noire poncée sur laquelle se déploient des mosaïques de lézard, aux formes et aux aspects variés fermant par un lien en cuir. L’étui qui préserve le livre prend la forme d’un éventail déplié, subtil rappel des origines espagnoles du « coplas », de couleur noire faisant écho à la tristesse des poèmes. L’écriture délicate et dure à la fois est mise en valeur par l’éditeur et typographe François Da Ros. Utilisant les caractères en plomb mobile, il « entre » dans le texte et en propose une mise en scène élégante. Le travail du typographe est ardu, il s’agit de s’approprier les mots tout en respectant l’essence du poème. Annie Boige est entrée tardivement dans le métier, elle apprend la technique à l’Ecole Estienne et se perfectionne aux Ateliers des arts appliqués. Depuis l’installation de son atelier de reliure et restauration en 1985, elle a de nombreuses fois exprimé son talent, plusieurs expositions en France et à l’étranger lui ont été consacrées. Son travail est caractérisé par une rigueur quasi scientifique ajoutée à l’irrationalité de l’art. Elle accepte le côté exigent de la technique s’il lui permet d’étendre ses moyens de création et ne devient pas une contrainte. L’objectif à atteindre reste le décor, donner du sens à un ouvrage et proposer sa vision de l’œuvre. Pour Annie Boige comme pour de nombreux relieurs le support dépasse sa vocation première pour servir d’ornement. Les couleurs utilisées ne sont jamais trop vives, toujours dans la nuance et les demi-teintes. Partager ses connaissances, ses expériences, toujours en quête d’échanges et en perpétuel apprentissage, l’artiste milite pour une reliure sans frontière, sans hiérarchie, une reliure de haute qualité, dite « soignée », dont les genres et les styles se complètent en harmonie.

Article 4 Annie Boige

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Coplas, reliure d’Annie Boige

Les reliures proposées par la bibliothèque de Riom Communauté racontent toutes

une histoire, éclairent un livre, son contenu, son auteur et aussi son relieur. Celle

réalisée par Annie Boige pour l’ouvrage « Coplas » est un bel exemple.

Ce recueil rassemble des « coplas »,

petits couplets populaires andalous,

tristes et mélancoliques, caractérisés

par leurs références fréquentes à la

mort. Les poèmes en espagnols font

face à leur traduction française pour

raconter un amour déçu ou une

jeunesse trop vite envolée. Ils sont

accompagnés de huit gravures

originales de Christiane Veille.

Annie Boige protège et embellit

l’ouvrage avec une chemise en

chèvre noire poncée sur laquelle se

déploient des mosaïques de lézard,

aux formes et aux aspects variés

fermant par un lien en cuir. L’étui qui

préserve le livre prend la forme d’un

éventail déplié, subtil rappel des

origines espagnoles du « coplas », de

couleur noire faisant écho à la tristesse

des poèmes. L’écriture délicate et dure

à la fois est mise en valeur par l’éditeur

et typographe François Da Ros.

Utilisant les caractères en plomb

mobile, il « entre » dans le texte et en

propose une mise en scène élégante.

Le travail du typographe est ardu, il

s’agit de s’approprier les mots tout en

respectant l’essence du poème.

Annie Boige est entrée tardivement

dans le métier, elle apprend la

technique à l’Ecole Estienne et se

perfectionne aux Ateliers des arts

appliqués. Depuis l’installation de son

atelier de reliure et restauration en

1985, elle a de nombreuses fois

exprimé son talent, plusieurs

expositions en France et à l’étranger lui

ont été consacrées. Son travail est

caractérisé par une rigueur quasi

scientifique ajoutée à l’irrationalité de

l’art. Elle accepte le côté exigent de la

technique s’il lui permet d’étendre ses

moyens de création et ne devient pas

une contrainte. L’objectif à atteindre

reste le décor, donner du sens à un

ouvrage et proposer sa vision de

l’œuvre. Pour Annie Boige comme

pour de nombreux relieurs le support

dépasse sa vocation première pour

servir d’ornement. Les couleurs utilisées

ne sont jamais trop vives, toujours dans

la nuance et les demi-teintes.

Partager ses connaissances, ses

expériences, toujours en quête

d’échanges et en perpétuel

apprentissage, l’artiste milite pour une

reliure sans frontière, sans hiérarchie,

une reliure de haute qualité, dite

« soignée », dont les genres et les

styles se complètent en harmonie.