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    Martin Jugie

    Un thologien grec du XVIe sicle : Gabriel Svre et les

    divergences entre les deux glisesIn: chos d'Orient, tome 16, N99, 1913. pp. 97-108.

    Citer ce document / Cite this document :

    Jugie Martin. Un thologien grec du XVIe sicle : Gabriel Svre et les divergences entre les deux glises. In: chos d'Orient,tome 16, N99, 1913. pp. 97-108.

    doi : 10.3406/rebyz.1913.4037

    http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rebyz_1146-9447_1913_num_16_99_4037

    http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/author/auteur_rebyz_138http://dx.doi.org/10.3406/rebyz.1913.4037http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rebyz_1146-9447_1913_num_16_99_4037http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rebyz_1146-9447_1913_num_16_99_4037http://dx.doi.org/10.3406/rebyz.1913.4037http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/author/auteur_rebyz_138
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    UN

    THOLOGIEN

    GREC DU

    XVIe

    SICLE

    GABRIEL SVRE

    ET LES

    DIVERGENCES

    ENTRE LES

    DEUX GLISES

    (I)

    Gabriel Svre (,

    )

    naquit Monembasie,

    en

    1 54 1 .

    Des

    trente premires annes

    de

    sa vie on sait seulement que, comme

    beau

    coup de Grecs de

    son

    poque,

    il

    suivit

    les

    cours de l Universit de

    Padoue,

    fut ensuite

    ordonn

    prtre et, aprs

    un

    sjour dans

    l le de Crte, vint

    s tablir Venise en 1572. Le

    29 juin de

    l anne suivante, la

    commun

    aut recque de cette ville l lut cur de l glise Saint-Georges.

    Il

    s acquitta de sa fonction

    la

    satisfaction gnrale,

    et

    quand, sur

    la

    fin

    de 1575,

    il se

    rendit Constantinople,

    sa rputation

    de

    pasteur

    instruit et zl comme aussi des protections puissantes,

    entre

    autres

    celle

    du

    riche Cretois Loninos, lui valurent d tre nomm par le

    patriarche

    cumnique Jrmie

    II

    au sige mtropolitain de

    Philadelphie

    de

    Lydie.

    Ce

    fut Jrmie II en personne,

    assist des

    mtropolites

    de

    Larissa,

    de

    Berrhe,

    de

    Didymotichos

    et

    de

    Midia,

    qui

    consacra

    le

    nouveau prlat le 18 juillet 1

    577.

    Etienne Gerlach, chapelain de

    l ambassade

    allemande Constantinople,

    assista

    la crmonie, et

    comme

    il

    n en

    avait

    jamais

    vu de

    pareille, il la dcrit minutieusement

    dans

    son Trkisches Tagebuch

    (2).

    Il

    n est pas rare

    d entendre

    des Grecs critiquer

    assez svrement

    l inst

    itution latine

    des

    vchs

    in partions

    infidelium.

    Or, l on

    trouve chez

    eux

    quelque chose d approchant: des vques qui ne mettent

    jamais

    le

    (1}

    Sur la

    vie

    et

    les

    uvres

    de

    Gabriel Svre,

    on peut

    consulter

    les

    ouvrages

    suivants :

    E.

    Legrand, Bibliographie hellnique

    des xve

    et

    xvi

    sicles,

    t. II,

    p. xxviii

    sq.,

    142-151,

    422; du xvne sicle, t.

    Ier, p. 38-40,

    239; t. II,

    p. 142,

    242; t.

    III,

    p. 2-3, 181 ; Ph. Meyer, Die theologische

    Litteratur

    der griechischen Kirche im xvi

    Jahrhundert. Leipzig,

    1899,

    p. 78-85,

    i32,

    174; Richard

    Simon, Fides

    Ecclesice

    orien-

    talis seu

    Gabrielis

    metropolitce Philadelphiensis opuscula. Paris, 1671; Martin

    Grusius, Turcogrcia. Bale, 1584, p. 206, 207, 220, 275, 522, 525, 533, 534; S. Gerlach,

    Trkisches

    Tagebuch, Francfort,

    1674,

    p. 366-367; Fabricius-Harls, Bibliotheca

    grca, t. XI,

    p.

    525;

    Jean Vloudos,

    , 2e

    edit.

    Venise, i8g3, p.

    68-75; Zaviras,

    . Athnes, 1872, p. 216-218; Sathas,

    . Athnes, 1868, p. 218-219; A. Demetrakopoulos,

    . .

    . Leipzig,

    1871, . 32-33; J. Lami, Delici erudi-

    torum, t.

    XIII; Gabrielis Severi et

    al.

    Grcorum recent, epistol.

    Florence,

    1744,

    p.

    i-i3i.

    (2)

    P.

    366-367.

    Echos d'Orient.

    16

    anne.

    N 99.

    Mars

    1913.

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    98 CHOS

    D ORIENT

    pied

    dans le diocse

    dont

    ils portent le

    titre.

    Ce

    fut

    le cas de Gabriel

    Svre,

    mtropolite de Philadelphie.

    Il n eut rien

    de

    plus press, aprs

    sa

    conscration,

    que

    de

    retourner

    Venise,

    o

    ses paroissiens

    lui

    firent un accueil enthousiaste. Malgr

    la

    nouvelle dignit dont il tait

    revtu,

    il ne

    ddaigna

    pas

    de

    reprendre

    ses

    modestes fonctions

    de

    cur

    de

    Saint-Georges, estimant sans doute qu une

    bonne

    cure avec des

    revenus

    vaut mieux

    qu un

    diocse sans ressources. Pour lui tmoigner

    la

    confiance illimite

    qu elle

    avait

    en

    lui,

    la

    communaut orthodoxe

    lui abandonna toute l administration

    spirituelle de

    la colonie et lui

    cda

    en particulier

    son droit de

    nommer la cure Saint-Georges. La

    Rpu

    blique de Venise

    se

    montra aussi fort aimable pour lui,

    lui

    octroya

    une pension mensuelle de

    six

    sequins et

    lui

    fit

    plusieurs

    fois

    l honneur

    de l inviter

    siger au Snat (1).

    Cette bienveillance

    ne se

    dmentit

    qu une

    fois.

    En

    1588,

    la

    Seigneurie le fit mettre en prison comme

    coupable de

    haute

    trahison,

    la suite d une

    fausse accusation lance

    par un

    prtre

    constantinopolitain de ses ennemis

    (2).

    Cependant,

    les

    fidles de Philadelphie

    attendaient

    toujours

    la visite

    de

    leur pasteur. Ils

    attendirent

    douze

    ans,

    au bout desquels

    leur

    patience

    finit

    par se lasser. Ils envoyrent alors une deputation au

    patriarche

    cumnique pour

    demander

    que Gabriel ft

    mis

    en demeure

    d observer

    la

    loi canonique de

    la

    rsidence. Jrmie

    If, qui

    n avait

    pas

    attendu

    ce moment

    pour s apercevoir

    de

    la

    situation irrgulire

    du

    prlat se dcida

    un

    peu

    contre-cur

    rappeler

    au pasteur ngligent

    ses obligations envers ses ouailles. Une

    lettre

    synodale de novembre

    1590

    somma Gabriel

    de

    rsider ou

    de

    se dmettre. Celui-ci ne fit ni

    l un ni l autre. Soutenu

    la fois

    par ses paroissiens de

    Saint-Georges

    et par

    la Rpublique

    Srnissime, il manuvra si bien qu il obtint pour

    le titulaire de

    Philadelphie,

    diocse

    trs

    pauvre incapable d entretenir

    son

    vque, le

    droit de

    rsider dsormais Venise avec en

    plus

    le

    titre d exarque

    du

    patriarcat cumniqne pour tous les

    orthodoxes de

    Vntie

    et

    de

    Dalmatie.

    Jrmie

    II

    tendait

    ainsi

    sa

    juridiction

    en

    Italie

    et se

    consolait de

    l chec qu il

    avait

    subi en 1579, poque o il

    avait

    voulu s adjuger le monastre Saint-Georges

    en

    le dclarant

    stavrop-

    giaque

    et s tait heurt au veto de

    la

    communaut

    (3).

    Ainsi au comble de ses vux, le mtropolite de Philadelphie

    s occupa

    avec

    zle du troupeau

    de son

    choix ; il fit des

    rformes

    utiles et pros-

    (1) M. Crusius, op. cit., p. 206-2.07,

    525.

    (2) Legrand, op,

    cit., XVI

    sicle, t.

    II,

    p.

    422.

    (3) Voir la rponse de Gabriel Jrmie II dans Lami, Delici eruditorum, t. XIII,

    p.

    ii3-ii5.

    Elle

    est

    date

    du

    12

    janvier

    1

    5g

    1

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    UN

    THOLOGIEN

    GREC

    DU XVIe SICLE

    99

    crivit en particulier l introduction

    de

    la musique italienne dans les

    offices ecclsiastiques.

    Certains

    novateurs avaient tent en

    effet

    de

    supprimer

    le

    plain-chant

    byzantin,

    que

    les

    Italiens

    traitaient

    irrvre

    ncieusement

    de musique de

    minarets (1). Gabriel se

    distingua aussi

    par

    son hostilit

    envers l glise

    catholique,

    dont

    il

    connaissait assez mai

    la

    doctrine,

    malgr

    ses tudes l Universit de

    Padoue.

    Son corel

    igionnaire et

    ami,

    Maxime Margounios, ayant approfondi dans ua

    ouvrage la question

    de

    la procession du Saint-Esprit et

    tant

    arriv

    des conclusions favorables une entente avec les Latins,

    fut

    par

    lui

    vivement pris partie,

    dnonc,

    perscut, avec une ardeur o devait

    se

    mler

    autre chose que le

    pur

    zle

    de l orthodoxie

    (2). Le

    Grec

    con

    vertit

    Jean

    Drnisianos,

    fut aussi

    en

    butte

    ses

    vexations,

    et Pierre

    Arcudius se vit un jour expuls par lui de l glise Saint-Georges ettrait

    d apostat

    (3).

    Si cette intolrance lui valut

    l amiti et les

    loges des

    schismatiques

    de

    l poque,

    tels

    Mlce Pigas,

    Jean

    Nathanael, Jean Bona-

    feus, Manuel Glynzounios, elle lui attira par contre les sarcasmes

    de

    Jean Mathieu

    Caryophille,

    vque uni d iconium, qui le traite de

    (cervelle embrouille)

    en jouant

    sur son nom de .

    Gabriel Svre mourut le 21 octobre 1616, dans le monastre

    de

    Sainte-Parascv,

    Lsina,

    en

    Dalmatie,

    au cours d une tourne pastor

    ale

    on corps

    fut

    transport

    Venise dans

    l glise

    Saint-Georges,

    o

    ses

    compatriotes lui levrent

    un

    monument en marbre, qui se voit

    encore,

    portant

    en

    lettres

    d or une epitaphe logieuse compose par le

    Chypriote Alexandre

    Syncliticos.

    (4)

    L hritage

    littraire du mtropolite

    de

    Philadelphie comprend, outre

    un

    certain nombre

    de lettres

    publies, les

    unes

    dans la

    Turcogrcia de

    Martin

    Crusius,

    qui fut l un

    de

    ses

    correspondants,

    les autres par

    J. Lami (t. XIII des

    Dzlicice

    eruditorum), plusieurs crits

    thologiques et

    polmiques, qui

    montrent

    en lui

    un thologien

    d assez petite enver

    gure, d rudition plutt

    courte,

    ayant subi dans une certaine mesure

    l influence de

    la

    scolastique

    latine

    mais n en restant pas

    moins dfen

    seur

    opinitre

    et

    souvent maladroit,

    pour ne pas

    dire

    dloyal,

    des

    doc

    trines

    du

    schisme

    grec. Signalons parmi ces crits : i un Trait sur

    (1) Jean Vloodos, op. cit., p. 73.

    (2) Legrand, op. et loc.

    cit.,

    p. xxvm, xli sq.

    Maxime

    Margounios

    est

    un

    des

    nom

    breux Grecs qui se sont

    aperus, au coars des

    sicles, du bien fond de la doctrine

    catholique

    sur la procession du Sainl-Esprit.

    (3) Legrand, op. cit., XVII sicle, III, 181;

    Vloudos,

    p.,j3.

    (4)

    Voir

    cette epitaphe dans

    Legrand,

    op. cit.,

    XVIe

    sicle, II,

    p.

    149* Voir

    aussi

    la

    reproduction

    du

    portrait

    de

    Gabriel conserv

    dans

    la

    Scoletta

    de

    la

    colonie grecque

    Venise.

    Ibid.,

    p.

    lxxix.

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    100

    ECHOS D ORIENT

    les sacrements*, dit Venise en

    1600,

    et dont Richard

    Simon

    et

    Morin

    reproduisirent des extraits

    (1);

    20

    trois

    opuscules liturgico-dogmatiques

    sur

    la

    signification de

    la

    crmonie

    de

    la

    Grande

    Entre

    (2),

    sur

    les

    par

    celles de

    la

    Messe,

    , et

    sur

    les

    colybes

    (3); 30 une

    trilogie

    apolo

    gtique et

    polmique

    dirige contre les Latins et spcialement

    contre

    les Jsuites Bellarmin et Possevin, qui avaient trait les Grecs

    de

    schis-

    matiques

    et

    d hrtiques

    (4).

    La premire partie examine

    les

    princi

    pales divergences

    entre l glise

    orientale et

    l glise romaine;

    dans la

    seconde, l auteur

    tablit

    quelle est la vritable Eglise sainte, catholique

    et

    apostolique; la

    troisime a pour but de rfuter directement les

    accu

    sations de schisme

    et d hrsie portes contre

    l glise orientale.

    En

    parcourant

    le

    sur

    les

    sacrements

    et

    aussi

    la

    premire

    partie de

    la

    trilogie

    susdite, la

    seule publie et

    la

    seule qui nous ait

    t accessible,

    (5) nous

    avons

    fait quelques

    constatations intressantes

    qui

    montrent

    que le

    thologien

    orthodoxe

    du

    xvie sicle s carte assez

    nettement

    sur

    plusieurs points,

    de

    la doctrine aujourd hui

    gnralement

    reue dans

    l orthodoxie grco-russe.

    Ces constatations se rfrent

    au

    nombre

    des divergences entre

    les

    deux glises, au caractre indlbile

    de

    la Confirmation et

    de

    l Ordre,

    aux

    formes des

    sacrements de Confir

    mation,

    de

    Pnitence et

    de

    Mariage,

    la

    satisfaction

    pnitentielle,. au

    Purgatoire

    et

    la

    batitude des

    saints.

    Elles sont

    une preuve,

    entre

    ()

    . Venise, 1600; 2e dit.

    Venise

    en

    1691.

    Chrysinthe

    de Jrusalem

    reproduisit cet ouvrage

    en lui

    faisant subir

    quelques

    modifications

    dans son

    ,

    etc.,

    Tergovist,

    1715.

    Venise,

    1778,

    p. 5

    -'. Richard Simon

    fit

    entrer

    dans sa

    Fides

    Ecclesi orientalis

    seu

    Gabrielis mtropolites

    Philadelphiensis opuscula, Paris, 1671, deux morceaux

    du trait,

    savoir

    l'introduction sur les

    sacrements

    en

    gnral et ce qui

    regarde

    l'Eucharistie.

    Morin insra

    le

    dans son

    Commentarius

    historicus

    de

    disciplina

    in adminisiratione

    sacramenti

    Pnitenti, et le .

    dans le

    Commentarius

    de

    sacris

    Ecclesi

    ordinationibus.

    (2) La grande entre,

    ,

    est la crmonie par laquelle,

    la messe

    grecque, le prtre et le diacre portent processionnellement de l'autel de la

    prothse

    au

    matre-autel

    le

    pain et

    le

    vin

    du sacrifice,

    pendant que

    l'on

    chante

    au chur le

    chroubicon

    (Offertoire).

    (3)

    Voir

    le titre

    de

    ces

    opuscules dans Legrand,

    op. cit., XVII sicle, I,

    p.

    38-40.

    Richard Simon, op. cit., les reproduit et les commente. Gabriel affirme

    trs clairement

    dans

    les deux

    premiers la

    prsence

    relle et la

    transsubstantiation.

    (4) * ,

    :

    ,

    ,

    Legrand, ibid, p.

    242.

    (5) Cette premire partie, intitule :

    ,

    ,

    '],

    fut publie

    Constantinople, en

    1627,

    unie

    d'autres

    crits

    de

    Mlce

    PJgs, de

    Georges

    Coressios, de. Nil de

    Thessalonique,

    de Barlaam, et

    un

    trait

    anonyme sur

    le

    feu du Purgatoire. La

    deuxime partie

    a

    pour

    titre;

    ; et la troisime :

    . , ,

    , . L'ouvrage

    entier

    se

    trouve dans

    les

    codd,

    1616, 2137

    et

    2791 du

    Mont Athos, d'aprs

    le

    catalogue

    de

    Lambros.

  • 7/25/2019 article_rebyz_1146-9447_1913_num_16_99_4037

    6/13

    UN

    THOLOGIEN GREC DU XVIe SICLE

    mille

    autres, que

    ce qu on appelle la doctrine orthodoxe, dans ce

    qu elle

    renferme d oppos au catholicisme, est quelque chose d excessivement

    mobile

    et

    changeant

    suivant

    les

    poques

    et

    les

    individus.

    Le nombre

    des divergences

    entre

    les glises

    Le nombre des divergences entre l glise orthodoxe et l glise catho

    lique

    est

    indfini.

    Les polmistes

    schismatques,

    qu il

    s agisse desimpies

    thologiens ou de prlats

    parlant officiellement

    au nom des Eglises

    autocphales,

    en produisent

    tantt

    plus et

    tantt

    moins, et

    cette

    manuvre

    dure depuis

    les

    origines du schisme. Gabriel Svre

    est

    relativement

    modr.

    Ecartant

    dlibrment

    dans

    son

    introduction

    certains points secondaires, comme la question du calendrier, qui tait

    tout fait actuelle de son temps, le

    jene du

    samedi,

    la

    gnuflexion

    du

    dimanche, il ne

    s arrte qu aux

    divergences

    qu il

    appelle gnrales

    et principales

    (i)

    et qui ne sont

    autres que

    les cinq discutes au concile

    de Florence,

    savoir

    :

    la procession du

    Saint-Esprit,

    la

    primaut

    du

    Pape,

    l usage

    du pain

    azyme comme

    matire de

    l Eucharistie, le feu du

    Purgatoire,

    la

    batitude des saints.

    Il

    est digne

    de

    remarque que notre

    thologien ne fait

    aucune

    mention

    ni

    du

    baptme par infusion, ni de

    la

    question de

    l piclse,

    ni de

    la communion

    sous

    les

    deux espces,

    ni de

    la peine temporelle due au

    pch

    pardonn,

    ni de

    l indissolubilit

    du

    mariage.

    Et cependant

    sur

    tous ces points

    la

    doctrine et

    la

    pratique

    de

    l glise catholique au xvie sicle taient ce qu elles sont

    aujourd hui.

    Qui expliquera pourquoi les

    polmistes

    de

    nos jours se montrent plus

    svres que Gabriel

    Svre

    ?

    Le

    caractre indlbile de la

    Confirmation

    et de l Ordre

    La doctrine du caractre indlbile imprim par certains sacrements

    est

    aujourd hui

    trs

    peu

    en faveur

    dans

    la

    thologie

    orthodoxe.

    Gnralement

    admise

    encore

    pour le Baptme, elle est

    de

    plus en plus abandonne pour

    l Ordre

    et nie pour la Confirmation. On lit

    bien

    dans le texte original

    de

    la

    Confession

    de

    Dosithe que l Ordre

    imprime

    un

    caractre

    ineffaable,

    mais,

    de leur

    propre

    autorit,

    les

    Russes

    ont biff ce passage, et

    leurs

    thologiens

    et canonistes dclarent

    que

    la

    dposition enlve

    tout pouvoir

    sacerdotal et

    ramne le

    clerc dichu l'tat laque. Quant la

    Confir

    mation, il y a beau temps que

    dans

    l glise orientale on reconfirme les

    (i)

    -u

    -.

    :;

  • 7/25/2019 article_rebyz_1146-9447_1913_num_16_99_4037

    7/13

    102

    ECHOS D ORIENT

    apostats.

    Bien

    que cette dernire pratique

    ft

    en vigueur avant Gabriel

    Svre,

    celui-ci

    n en

    considre

    pas

    moins

    comme une doctrine

    pieuse

    et

    vraie

    l opinion

    de

    ceux qui disent

    que

    imprime un carac

    tre

    neffaable tout comme le Baptme et

    l Ordre (i). Ceux

    qui

    ont

    reu

    ce

    sacrement sont distingus des autres qui n ont pas t

    marqus de

    son

    empreinte

    (2).

    Pour

    ce

    qui

    est du

    caractre

    sacerdotal, il est,

    d aprs

    Gabriel, tout

    fait inamissible, et, au

    cas

    o

    un

    prtre mort reviendrait

    la vie, on n aurait pas le rordonner

    (3).

    Je

    sais des thologiens

    actuels qui vont

    dire que

    le

    mtropolite de

    Philadelphie

    tait un latino-

    phrone frott

    de scolastique. Je n'y contredirai

    pas,

    mais

    comment

    se

    fait-il que

    ce

    latinophronisme

    tait

    au xvie sicle, parfaitement conciliable

    avec

    la

    plus

    stricte

    orthodoxie

    et

    qu il

    y

    rpugne

    aujourd hui?

    Y

    aurait-

    il

    eu par hasard,

    depuis,

    un nouveau

    concile

    cumnique, ou Vortho-

    doxie varierait-elle avec le temps?

    Formes de la Confirmation,

    de

    la Pnitence et

    du

    Mariage

    Gabriel

    de

    Philadelphie adopte sans scrupule la terminologie

    sacra-

    mentaire des

    scolastiques.

    11

    trouve

    dans

    chaque

    sacrement une

    matire

    et une forme,

    ,

    tout comme il fait

    sien

    le terme

    de

    transsubstantiation,

    , si critiqu de nos jours par certains

    thologiens

    orientaux. Contrairement

    l opinion gnralement

    reue,

    qui voit la forme

    de

    la

    Confirmation

    dans les paroles : Sceau du don du

    Saint-Esprit, , prononces au moment

    o se font les onctions

    du

    Chrme, Gabriel dcouvre cette forme

    dans

    la

    force des paroles de

    l vque

    bnissant et informant le Saint-

    Chrme

    (4).

    Les thologiens latins

    ont

    beaucoup

    discut sur

    la

    valeur

    des fo

    rmules dprcatives

    d absolution contenues

    dans

    l Eucologe grec. On

    n est

    pas peu

    surpris de

    voir

    Gabriel

    Svre

    donner

    comme

    forme

    du

    sacrement

    de Pnitence

    une

    formule

    dclarative, qui ne se lit dans

    {1)

    Toc

    :. Richard Simon,

    op.

    cit.,

    p.

    5i.

    (2) (

    )

    .

    Chrysanthe, op. cit., dit. de Tergovist, p. '.

    (3)

    , '

    ,

    ,

    ,

    -

    . Richard

    Simon, p. 5i-52.

    (4)

    Tb

    ' ,

    ': .

    Chrysanthe,

    p.

    '.

  • 7/25/2019 article_rebyz_1146-9447_1913_num_16_99_4037

    8/13

    UN THOLOGIEN GREC DU XVIe SICLE IO3

    aucun

    euchologe. Cette

    formule est ainsi conue

    : fH

    ta

    -^

    :

    La

    grce

    du Saint-Esprit

    te

    dclare

    par

    mon

    humilit pardonn

    M

    absous.

    Voil,

    affirme

    notre thologien,

    ce que disent les

    ministres

    lgitimes

    de

    la

    sainte

    confession au

    pnitent

    qui vient

    eux.

    (1)

    Consults

    par le cardinal

    de

    Guise, les Grecs

    de

    Venise avaient

    livr

    une formule indicative : Humilitas mea habet te condonatum, galement

    inconnue

    du rituel.

    De

    son

    ct, Arcudius prtend

    que beaucoup

    de

    prtres grecs

    de

    son temps avaient l habitude de dire : -

    ou

    ^,

    qui

    est

    bien l quivalent

    de

    notre Ego te

    absolvo (2).

    Que conclure de l,

    sinon

    que les Grecs ont, pour absoudre,

    leur

    disposition

    la

    fois

    des

    formes

    dprcatives,

    des

    formes

    dclara

    tivest des formes indicatives. Souhaitons

    qu avec

    tant

    de ressources

    ils

    se

    confessent un

    peu

    plus souvent.

    Les

    thologiens

    orthodoxes

    ont

    gnralement* admis et admettent

    encore

    que

    la forme du sacrement

    de

    Mariage est constitue par la

    bndiction donne

    par le

    prtre.

    Gabriel Svre n est pas

    de leur

    avis.

    Pour lui, comme

    pour

    l ensemble des thologiens catholiques, le sacre

    ment n est pas separable

    du

    contrat,

    et la

    forme

    n est pas autre chose

    que

    l expression mme

    du consentement

    mutuel des

    poux

    (3).

    La

    peine

    temporelle

    due

    au

    pch aprs l absolution

    Sous l influence

    de

    la thologie protestante, les

    polmistes antilatins

    d Orient et

    de

    Russie nient

    communment

    qu il puisse rester, aprs

    l absolution, une dette

    payer

    la

    justice divine, soit

    en ce

    monde, soit

    en l autre, pour les pchs

    pardonnes. La pnitence ou pitimie

    impose

    par le confesseur n a,

    disent-ils,

    qu une

    valeur mdicinale; ce n est

    pas une satisfaction, au sens propre

    du

    mot,

    car

    Jsus-Christ a suffisam

    ment

    atisfait

    pour nous.

    Il

    est

    curieux

    de constater

    que

    Gabriel Svre

    entendait

    l'orthodoxie

    d une

    autre

    faon. Pour

    lui,

    l existence de

    la

    peine temporelle satisfactoire ne fait pas l ombre d un doute. 11 l'affirme

    plusieurs

    reprises, soit dans son trait des

    sacrements,

    soit

    en parlant

    du feu

    du

    Purgatoire.

    Tout

    d abord,

    il distingue dans le sacrement

    de

    Pnitence

    trois par-

    (1) Chrysanthe, op. cit.,

    p.

    -\

    (2) P.

    Arcudius,

    De Concordia Ecclesi occidentalis et orientalis in septem sacra-

    mentorum administratione. Paris, 1672, p. 430.

    (3)

    Tb

    ,

    .

    ,

    ;

    .

    .

    Chrysanthe,

    p. '.

  • 7/25/2019 article_rebyz_1146-9447_1913_num_16_99_4037

    9/13

    IO4

    ECHOS D

    ORIENT

    ties

    : la

    contrition,

    la confession et la satisfaction

    .

    Cette

    est

    dfinie par lui l accomplissement intgral

    du

    canon

    (pnitence) impos

    au

    pcheur

    pour

    ses

    pchs

    par

    le

    confesseur,

    qui

    en a le pouvoir, selon

    la

    tradition

    de

    la Sainte

    glise et

    la

    lgislation

    pnitentielle des saints

    canons

    . La ncessit de cette satisfaction

    est

    enseigne

    non

    seulement par

    les divins docteurs

    de l Eglise catholique,

    mais encore par l criture

    Sainte

    elle-mme, comme on le voit par

    l exemple de Marie, sur de Mose,

    et

    par celui de l incestueux de

    Corinthe. Aussi les

    saints

    Pres

    ont-ils

    fix

    selon

    la

    quantit

    et la

    qual

    it des pchs la

    satisfaction

    convenable. Celui qui ne veut pas

    se

    con

    former leurs

    prescriptions

    doit

    de

    toute ncessit paratre devant les

    assises

    d'outre-tombe

    pour

    rendre

    compte

    de

    ses

    iniquits,

    puisqu il

    a

    mpris

    la lgislation

    de

    la

    sainte glise

    (1).

    Cette

    dernire phrase

    indique clairement

    que

    le mtropolite

    de

    Philadelphie reconnat

    l exi

    stence d une peine

    temporelle

    satisfactoire, tant pour ce inonde que pour

    l autre.

    La

    peine

    temporelle d outre-tombe est

    d ailleurs expressment

    affirme

    dans

    ce passage

    tir

    du

    trait

    sur

    la

    quatrime divergence, c est--dire

    sur le feu

    du

    Purgatoire.

    Par le

    baptme, Dieu nous dlivre du

    pch originel

    et

    de tout autre

    pch; par

    la

    pnitence et

    la

    contrition

    du

    cur, il

    nous

    accorde

    la rmis

    sion

    es pchs commis aprs le

    baptme;

    par

    les saints

    mystres

    et

    aussi

    par les prires et les aumnes, // fait grce aux chrtiens orthodoxes

    dfunts des

    chtiments

    dus

    aux pchs ; reoivent cette

    dlivrance seules

    les

    mes qui

    en

    sont dignes

    (2).

    Le dogme

    du

    Purgatoire,

    dans ce

    qu il a de

    dfini, est dj

    tout entier

    dans ces lignes. Nous allons voir

    que

    Gabriel Svre s approche encore

    de

    plus prs

    des positions de

    la

    thologie catholique.

    Le Purgatoire

    On

    peut dire que

    la

    discussion entre Grecs

    et

    Latins sur le Purgat

    oire fut, ds les origines, trs mal engage. Les Latins voulurent

    dfendre mordicus

    une position trs secondaire, qui ne touche en

    rien

    la

    substance

    du dogme.

    Ils portrent presque uniquement

    les

    () ,

    ,

    ',

    ,

    .

    .

    Chrysanthe,

    .

    '/

    (2)

    ;

    .

  • 7/25/2019 article_rebyz_1146-9447_1913_num_16_99_4037

    10/13

    UN

    THOLOGIEN GREC DU XVIe SICLE

    dbats

    sur

    la

    question

    du

    feu, au

    lieu

    d appuyer sur l existence

    d un

    tat intermdiaire

    entre

    l'tat

    de

    flicit et l'tat

    de damnation.

    On vit

    bien, au

    concile

    de

    Florence,

    les

    inconvnients

    de

    cette

    tactique;

    aussi

    le

    dcret d union

    se

    contenta-t-il d enseigner que

    les

    mes de ceux qui

    meurent dans le repentir et

    l amour de Dieu,

    avant d avoir,

    par de

    dignes fruits

    de

    pnitence, satisfait pour

    leurs

    pchs et leurs ngli

    gences, sont purifies par des peines purificatrices, et que, pour tre

    dlivres de

    ces

    peines,

    ces

    mes

    reoivent

    du

    secours

    des suffrages

    des fidles vivants

    (1).

    Le

    concile se

    tut sur

    la

    nature des peines et

    mme sur

    l existence d un

    troisime lieu

    distinct de l enfer. Le concile

    de

    Trente

    observa

    la mme

    rserve

    (2).

    Si

    les

    thologiens catholiques

    s en

    taient tenus,

    ds

    le

    dbut,

    ces

    points

    essentiels

    et

    srs,

    ils

    auraient

    pargn aux Grecs bien des dissertations inutiles sur le

    feu

    et le lieu

    du

    Purgatoire,

    et

    l on aurait

    sans doute compt une

    divergence de moins

    entre

    les deux glises. Pousss par

    l esprit de

    contention qui les

    dis

    tingue

    les

    Grecs ont toujours refus d admettre le mot

    purgatoire

    le

    feu et un troisime lieu

    distinct de l Hads

    et

    du ciel. 11

    est

    remarquable

    que

    Gabriel

    Svre s carte sur

    ces points

    de

    ses

    coreligionnaires d une

    manire sensible.

    Tout

    d abord,

    pour ce

    qui

    regarde

    le mot et le lieu, le mtropolite

    de

    Philadelphie nie sans doute

    l existence

    d un endroit spcial

    appel

    Purgatoire, en tant

    que cet

    endroit

    serait tout

    fait

    distinct de

    l Hads

    scripturaire,

    mais il reconnat

    bien

    volontiers que l Hads peut avoir

    plusieurs

    compartiments,

    plusieurs demeures :

    II

    n'y a

    qu un seul endroit, et non plusieurs, dit-il, o les mes sont

    chties; mais cet endroit

    a

    plusieurs rsidences diffrentes et plusieurs

    sortes de

    tourments, suivant la nature

    des

    pchs Les mes

    des

    pcheurs sont

    envoyes

    ces

    diffrentes

    sortes de tourments, aussi bien

    les mes des

    impies

    et des

    hrtiques

    que celles des chrtiens

    impnitents,

    et celles des chrtiens qui

    ont l esprance d'tre

    soulags et dlivrs

    de

    ces

    supplices

    par

    la sainte

    liturgie,

    les

    aumnes

    et

    les

    prires

    offertes

    pour eux Ces

    endroits

    dans

    lesquels

    sont envoyes les mes pour

    y

    subir le

    chtiment

    que mritent leurs

    pchs,

    je

    ne les appelle pas pur

    gatoire,

    -.,

    pour

    qu on

    ne pense pas que nous sommes de l avis

    de Platon, qui dit

    dans

    le Phdon que

    les

    mes des

    pcheurs

    sont puri-

    (1)

    Item, si vere

    pnitentes

    in caritate Dei

    decesserint,

    antequam dignis

    pnitenti

    f?-uctibus de commissis

    satisfecerint

    et omissis, eorum animas

    pnis

    purgatoriis

    post

    mortem purgari,

    et ut

    a pnis

    hujusmodi rjleventur, prodesse eis vivorum

    suffragia.

    (2) Purgatorium

    esse

    (l'tat, et

    non

    pas

    directement le lieu

    comme tel)

    animasque

    ibi

    detentas fidelium

    suffragiis

    juvari.

  • 7/25/2019 article_rebyz_1146-9447_1913_num_16_99_4037

    11/13

    io6 chos d orient

    fies,

    ; mais je

    nomme ces endroits lieux satisfactoires,

    ,

    c est--dire endroits dans lesquels les mes sont chties, dans

    la

    mesure o elles

    sont

    dignes

    de

    chtiments

    et

    dans

    la

    mesure o

    le

    voudra

    la misricorde

    de

    Dieu (i).

    Si

    c est pour ne pas tre accus

    de

    platonisme que Gabriel Svre

    vite d employer le mot purgatoire et prfre le mot saiisfactoire pour

    dsigner la

    rsidence o

    vont les

    mes qui ont

    l esprance

    d'tre dli

    vres,

    un thologien

    catholique aurait, je

    crois,

    mauvaise grce lui cher

    cher noise.

    Mais

    le mtropolite

    de Philadelphie

    va encore plus loin

    dans

    la voie

    des concessions : chose inoue chez un thologien grec,

    il ne

    rpugne pas

    absolument

    au feu

    du Purgatoire

    :

    Elle

    me

    sourit,

    continue-t-il,

    cette

    opinion

    de

    certains

    docteurs

    de

    l glise occidentale qui disent que le. feu ternel

    est

    celui-l

    mme

    dans

    lequel vont

    les

    mes qui sont

    chties

    pour un temps. Sans doute

    ce

    feu,

    tel

    que

    Dieu l a cr, est

    de sa

    nature ternel; mais on

    le

    dit temporaire

    cause des mes qui en sont dlivres, non en vertu

    de

    sa nature. Par

    ailleurs,

    ce feu est dit ternel et perptuel

    cause des

    mes de ceux

    qui

    y sont

    chtis

    ternellement. Ainsi le diable

    est

    puni

    l ternellement;

    ainsi

    l me

    du malheureux

    Judas et celle

    de

    Pharaon, et les mes des

    impies^ des

    hrtiques

    et des impnitents (2).

    On

    le

    voit, Gabriel est vraiment

    de

    bonne composition

    sur

    cette ques

    tion

    du Purgatoire. Sur

    un

    point

    cependant,

    il

    se

    montre

    intraitable.

    Se figurant, on

    ne

    sait trop pourquoi,

    que les

    Latins accordent au Pape

    une vritable juridiction

    sur

    les

    morts,

    en vertu

    de

    laquelle

    celui-ci

    pourrait

    son

    gr ouvrir ou

    fermer

    les

    portes du

    Purgatoire,

    il

    dclare

    solennellement qu aucun homme n a

    le

    pouvoir

    de dlivrer par lui-

    mme

    des chtiments de l Hads

    les

    mes des pcheurs

    (3).

    Seul, le

    Roi des rois et le Seigneur des

    seigneurs, notre grand

    prtre et

    igneur Jsus-Christ, a ce

    privilge.

    La

    batitude des

    saints

    Sur la batitude des

    mes

    saintes aprs la mort, il

    y a

    eu

    de tout

    temps

    chez

    les Grecs deux

    opinions

    divergentes.

    Suivant

    la premire, les

    ()

    ,

    '

    '

    ,

    .

    (2) ;

    ,

    '

    / . '

    '

    ,

    ,

    . *

    ,

    '.

    (3)

    .-

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    12/13

    UN

    THOLOGIEN GREC DU XVIe SICLE

    IO7

    mes des

    saints ne sont pas

    admises

    la vision

    de

    Dieu

    avant

    le juge

    ment dernier; elles vont

    dans

    un

    endroit

    de

    rafrachissement et

    de

    repos,

    qu un

    thologien

    rcent

    a

    qualifi

    de

    paradis d en bas,

    6

    ,

    par opposition au

    vrai paradis,

    au paradis

    d en haut, et qu on

    peut comparer

    ce

    que

    nous appelons le limbe

    des

    Pres avec

    un

    peu

    plus

    de

    confortable. 11 est vident que, d aprs cette

    opinion,

    la batitude

    des mes

    saintes

    est

    vraiment incomplte.

    Cette

    manire

    de

    voir

    heurte

    de front

    le

    dogme

    catholique

    de

    la

    rtribution

    immdiate aprs la

    mort.

    La seconde opinion, au contraire, qui a pour

    elle, entre

    autres autorits,

    la

    Confession de Dosithe,

    ne

    diffre en

    rien

    de ce

    qu enseigne

    l glise

    catholique. La batitude des saints peut tre dite

    la

    fois complte

    et

    incomplte, complte

    si

    on

    ne

    regarde

    que

    l me, incomplte

    si

    l on

    considre tout

    le compos humain, puisque le corps n est pas encore

    associ

    la flicit

    de

    l me.

    C est cette

    dernire

    conception

    que se range

    Gabriel Svre.

    Il

    crit :

    Voici

    quel

    est mon avis

    sur

    cette question : Les mes des saints et des

    bienheureux

    voient,

    en

    tant qu mes,

    .,

    la

    batitude

    et la gloire

    de Dieu,

    suivant la parole

    de lcriture

    : Les mes des justes sont dans

    la main

    de Dieu,

    et comme

    le grand

    Basile l a

    dit dans le passage cit

    plus

    haut;

    mais en tant

    que

    l me

    et le

    corps

    doivent recevoir

    un

    jour

    la

    parfaite

    jouissance

    de

    la divine

    batitude je dis

    que les

    saints

    n ont

    pas encore une pleine

    flicit,

    qui existera lorsque le Christ jugera

    toute

    la terre et rendra

    chacun

    selon

    ses

    uvres (1).

    N est-il pas vrai

    que

    Gabriel

    aurait

    pu supprimer

    sa

    cinquime

    diver

    gence et en profiter pour

    examiner

    d un peu plus prs les autres, dont

    il nous faut

    dire un

    mot en terminant?

    Les

    autres

    divergences

    La

    question

    de

    la

    procession

    du

    Saint-Esprit

    est

    une

    de

    celles qui

    sont le

    plus

    misrablement

    traites

    par notre

    thologien.

    11

    se

    tient

    dans

    l ornire

    de

    la polmique moyengeuse. Pour

    lui,

    le fondement

    de

    la

    doctrine catholique

    du

    Filioque

    serait

    dans l identification

    que

    feraient

    les thologiens latins entre

    la

    personne

    du

    Saint-Esprit

    et

    l opration.

    . C'est, sans doute, la

    doctrine mal comprise de

    l'application des

    indulgences

    aux

    dfunts qui

    a fait

    croire

    Gabriel que

    le

    Pape

    pouvait

    ouvrir son

    gr les portes

    de l'Hads.

    ()

    '

    , sei

    , , ,

    ,

    ,

    .

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    13/13

    io8 chos d orient

    ,

    commune toute

    la

    Trinit. Lui-mme distingue si bien l

    ssence

    divine de

    son opration qu il

    parat ctoyer le

    palamisme:

    Autre

    chose,

    dit-il,

    est la

    divine

    nergie,

    autre

    chose

    l essence

    divine,

    .

    .

    Il

    exprime

    en ces termes

    sa con

    ception de

    la

    procession

    du

    Saint-Esprit

    :

    De

    mme

    que ces

    deux

    choses

    :

    le

    fleuve et l eau, sortent ensemble

    d une

    mme

    source,

    ainsi

    le Fils

    et

    le

    Saint-Esprit

    sortent

    ensemble

    de

    l hypostase

    du Pre,

    ,

    .

    C est bien

    la conception photienne du

    mystre divin. Nous savons du

    reste par la polmique

    de

    Gabriel avec Maxime

    Margounios

    que

    la

    signi

    fication

    au

    per Filiufn

    des

    Pres

    grecs

    lui a

    totalement

    chapp.

    Pour

    la

    manire de

    traiter les

    textes patristiques,

    il ne

    s carte pas

    en effet

    de

    la mthode qui fut

    toujours chre aux thologiens

    du

    schisme

    : apporter

    en

    faveur de

    la procession a Ptre solo tout texte qui affirme

    simple

    ment a

    procession

    du

    Saint-Esprit a Ptre; interprter de

    la

    mission

    temporelle

    tout

    texte

    affirmant

    la

    procession a Ptre

    Filioque

    ou a Ptre

    per

    Filium.

    Avec

    cette exgse, il arrive mettre

    de son

    ct tous les

    Pres, mme saint Ambroise, mme saint Augustin, mme saint Epi-

    phane et saint Cyrille d Alexandrie. C est exasprant.

    Parlant

    de

    la

    primaut

    du

    Pape,

    notre

    thologien

    cherche

    tablir

    les deux thses suivantes :

    i

    Pierre n a reu qu une

    primaut d hon

    neur

    ur

    les autres aptres et

    non

    une primaut

    de pouvoir

    et

    de

    domin

    ation,

    ; 2 les vques

    de

    Rome,

    successeurs

    de

    Pierre (Gabriel ne songe pas contester

    ce point),

    ont

    obtenu

    la primaut

    du rang,

    , dans l ancienne

    Eglise de

    la part des

    conciles,

    en

    considration

    du rang

    de

    capitale que

    possdait

    la

    ville

    de

    Rome.

    Relativement la

    question des azymes, Gabriel admet que Jsus-Christ

    a

    mang

    la

    pque

    lgale au jour voulu, mais non au

    moment

    voulu,

    . Au soir

    du Jeudi-Saint, alors que

    le jour

    de

    la

    Pque tait

    son commencement,

    on avait

    la

    fois

    du

    pain

    ferment et du

    pain azyme.

    Jsus-Christ institua l Eucharistie avec du

    pain ferment.

    Tout compte

    fait,

    Gabriel Svre tait bien

    un

    Orthodoxe, mais

    un

    Orthodoxe

    du

    xvie sicle,

    qui

    ne ressemblait pas

    compltement aux

    Orthodoxes

    du

    xxe.

    Que

    conclure de l, sinon

    que ce qu on

    appelle

    l Orthodoxie n chappe pas une

    certaine volution?

    M. Jugie.

    Constantinople.