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EMBRYON HUMAIN PRÉIMPLANTATOIRE 1 Aspects scientifiques et considérations bioéthiques PRESENTATION L'Académie Pontificale pour la Vie a organisé, les 27 et 28 février 2006, à l'occasion de sa XII° Assemblée, un Congrès Scientifique ayant pour titre "L'embryon humain dans la phase de préimplantation", avec la participation d'embryologistes, de philosophes, d'éthiciens et de juristes, pour mettre en lumière l'identité et la valeur anthropologique de l'être humain dans la phase toute initiale de son existence. L'intérêt et l'actualité d'un tel sujet, déjà présents depuis plusieurs années dans le cadre du débat sur le statut de l'embryon humain, se sont encore accrus ce derniers temps à cause des problèmes soulevés par la possibilité de congeler l'ovule fécondé (qui est en fait l'embryon dans les toutes premières phases de son développement), à cause du désir de certains scientifiques de pouvoir expérimenter sur l'embryon humain lui-même, à cause de l'utilisation de la dite "pilule du jour d'après", et, de plus, à cause de la diffusion du diagnostic préimplantatoire. Les Actes du Congrès, comme à l'accoutumé, rapporteront intégralement toutes les relations présentées, avec la documentation adéquate. Nous avons, toutefois, considéré qu'il était utile de publier une synthèse sur le thème traité, dans un langage abordable par tous, pour servir à ceux qui ont besoin d'en retenir les éléments essentiels, et aussi pour répondre au devoir d'information du public. Cette synthèse pourra ainsi conserver une actualité par delà les circonstances spécifiques qui l'ont motivée, et contribuer à une information plus exacte sur les thèmes essentiels qui touchent la vie, pénétrant toujours davantage dans le débat politique comme aussi dans la catéchèse de l'Eglise. Cité du Vatican, le 8 juin 2006. +Mons.Elio Sgreccia Président Mons.Ignacio Carrasco De Paula Chancelier 1 Dans le présent exposé se trouve résumé ce qui est apparu comme plus significatif lors du congrès international "L'embryon humain dans la phase préimplantatoire. Aspects scientifiques et considérations bioéthiques"(Cité du Vatican, 27-28 février 2006), promus par l'Académie Pontificale pour la Vie, à l'occasion de sa XII° Assemblée Générale. Pour une connaissance plus approfondie des thèmes traités lors de ce Congrès on pourra se rapporter aux Actes de la XII°Assemblée de la PAV (E.Sgreccia e I.Carrasco De Paula eds., Libreria Editrice Vaticana, Cité du Vatican, 2006), dans les quels est présentée l'intégralité des textes des différentes conférences délivrées durant ce Congrès. On peut aussi consulter les textes provisoires de certaines des conférences sur le site de la PAV: http://www.academiavita.org/italiano/AssembleaGenerala/2006/relaz/index.html.

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EMBRYON HUMAIN PRÉIMPLANTATOIRE1 Aspects scientifiques et considérations bioéthiques

PRESENTATION L'Académie Pontificale pour la Vie a organisé, les 27 et 28 février 2006, à l'occasion de sa XII° Assemblée, un Congrès Scientifique ayant pour titre "L'embryon humain dans la phase de préimplantation", avec la participation d'embryologistes, de philosophes, d'éthiciens et de juristes, pour mettre en lumière l'identité et la valeur anthropologique de l'être humain dans la phase toute initiale de son existence. L'intérêt et l'actualité d'un tel sujet, déjà présents depuis plusieurs années dans le cadre du débat sur le statut de l'embryon humain, se sont encore accrus ce derniers temps à cause des problèmes soulevés par la possibilité de congeler l'ovule fécondé (qui est en fait l'embryon dans les toutes premières phases de son développement), à cause du désir de certains scientifiques de pouvoir expérimenter sur l'embryon humain lui-même, à cause de l'utilisation de la dite "pilule du jour d'après", et, de plus, à cause de la diffusion du diagnostic préimplantatoire. Les Actes du Congrès, comme à l'accoutumé, rapporteront intégralement toutes les relations présentées, avec la documentation adéquate. Nous avons, toutefois, considéré qu'il était utile de publier une synthèse sur le thème traité, dans un langage abordable par tous, pour servir à ceux qui ont besoin d'en retenir les éléments essentiels, et aussi pour répondre au devoir d'information du public. Cette synthèse pourra ainsi conserver une actualité par delà les circonstances spécifiques qui l'ont motivée, et contribuer à une information plus exacte sur les thèmes essentiels qui touchent la vie, pénétrant toujours davantage dans le débat politique comme aussi dans la catéchèse de l'Eglise. Cité du Vatican, le 8 juin 2006. +Mons.Elio Sgreccia Président Mons.Ignacio Carrasco De Paula Chancelier 1 Dans le présent exposé se trouve résumé ce qui est apparu comme plus significatif lors du congrès international "L'embryon humain dans la phase préimplantatoire. Aspects scientifiques et considérations bioéthiques"(Cité du Vatican, 27-28 février 2006), promus par l'Académie Pontificale pour la Vie, à l'occasion de sa XII° Assemblée Générale. Pour une connaissance plus approfondie des thèmes traités lors de ce Congrès on pourra se rapporter aux Actes de la XII°Assemblée de la PAV (E.Sgreccia e I.Carrasco De Paula eds., Libreria Editrice Vaticana, Cité du Vatican, 2006), dans les quels est présentée l'intégralité des textes des différentes conférences délivrées durant ce Congrès. On peut aussi consulter les textes provisoires de certaines des conférences sur le site de la PAV: http://www.academiavita.org/italiano/AssembleaGenerala/2006/relaz/index.html.

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2 Introduction La question de la vie humaine prénatale a été et est toujours un des sujets plus discutés dans le cadre scientifique et dans le débat éthique, politique et juridique. Parmi les périodes qui ont été plus vivaces à ce point de vue, il convient de rappeler les débats relatifs aux campagnes en faveur de la légalisation de l'avortement dans les années 70; les débats qui ont accompagné les débuts des fécondations artificielles à partir des années 80; et, plus récemment, les débats suscités par les possibilités offertes par l'utilisation des cellules souches embryonnaires humaines dans une perspective thérapeutique, et par celles de l'obtention de nouvelles vies humaines en passant par des alternatives à la fécondation telles que le clonage. Ces différentes périodes ont déterminé un changement culturel profond dans la perception de la vie prénatale et mis en lumière la possibilité d'utiliser l'embryon humain au stade préimplantatoire comme un précieux instrument technologique.

EMBRYON HUMAIN PRÉIMPLANTATOIRE2 Aspects scientifiques et considérations bioéthiques LES ASPECTS SCIENTIFIQUES3 A.L'EMBRYON HUMAIN DANS LA PHASE PRÉIMPLANTATOIRE Le terme d'"embryon préimplantatoire"4 se réfère à l'embryon en développement du stade de 2 Dans le présent exposé se trouve résumé ce qui est apparu comme plus significatif lors du congrès international "L'embryon humain dans la phase préimplantatoire. Aspects scientifiques et considérations bioéthiques"(Cité du Vatican, 27-28 février 2006), promus par l'Académie Pontificale pour la Vie, à l'occasion de sa XII° Assemblée Générale. Pour une connaissance plus approfondie des thèmes traités lors de ce Congrès on pourra se rapporter aux Actes de la XII°Assemblée de la PAV (E.Sgreccia e I.Carrasco De Paula eds., Libreria Editrice Vaticana, Cité du Vatican, 2006), dans les quels est présentée l'intégralité des textes des différentes conférences délivrées durant ce Congrès. On peut aussi consulter les textes provisoires de certaines des conférences sur le site de la PAV: http://www.academiavita.org/italiano/AssembleaGenerala/2006/relaz/index.html.

3 Pour la bibliographie sur ce thème on peut se référer aux textes des différentes conférences, d'où est tiré le présent exposé, et à la bibliographie qu'ils renferment.

4 Le terme d'embryon préimplantatoire, descriptif, ne doit pas être confondu avec le terme de "préembryon", qualitatif. Ce dernier a été employé pour la première fois par Clifford Grobstein, dans un article de la revue "Scientific American", en 1979, pour dénier à l'embryon humain des premiers jours son caractère individuel. .C.Grobstein, External Human Fertilization, Scientific American, June 1979, vol.240, n°6, pp.33-43. Voir en particulier p.42.

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3zygote (résultat immédiat de la fécondation) jusqu'au moment de son implantation dans l'utérus maternel - où l'embryon est appelé blastocyste -. Pendant cette période, qui inclut d'importantes étapes de développement et de différenciation cellulaire, l'embryon parcourt les voies génitales féminines avant de s'implanter dans l'utérus, en établissant avec le milieu maternel un intense "dialogue moléculaire". Fig. 1 - Le développement de l'"embryon humain preimplantatoire": la cellule oeuf relâchée par l'ovaire est "capturée" dans la trompe où advient la fécondation avec la constitution du zygote (l'embryon au stade d'une cellule). Pendant que l'embryon commence à se diviser il parcourt la trompe jusqu'à atteindre l'utérus où, au stade dit de blastocyste, commence le processus de l'implantation (de K.L. Moore, T.V.N. Persaud, Lo sviluppo prenatale dell'uomo. Embriologia ad orientamento medico, EdiSES, Naples, 2003, p. 46, fig. 2-24. 1) Le processus de la fécondation5 Les connaissances scientifiques actuelles sur le début de la vie humaine et sur les premières phases de son développement embryonnaire sont le fruit des acquisitions fournies par la biologie du développement, qui intègrent les connaissances embryologiques, physiologiques et anatomiques avec les données plus récentes fournies par les recherches de biologie du développement ( moléculaire, cellulaire et immunologique). - Les protagonistes du processus de la fécondation: le spermatozoïde et l'ovocyte La fécondation chez les mammifères est un processus complexe et hautement réglé dont le parcours est fait de différentes étapes qui se succèdent selon un ordre obligatoire. Les protagonistes du processus de fécondation sont les gamètes masculins et féminins mûres, qui possèdent la moitié de l'équipement chromosomique complet; ils se fusionnent pour donner origine à un nouvel individu qui possède un équipement génétique complet (46 chromosomes), provenant de chacun des deux parents. Chez l'homme les gamètes masculins et féminins mûres, respectivement spermatozoïdes et ovocytes, dérivent d'éléments précurseurs, les cellules germinative primordiales, qui subissent un processus complexe de maturation et de différentiation appelé gamétogénèse. Au cours de cette maturation se produit la réduction de moitié du patrimoine chromosomique des cellules germinatives au travers d'un processus spécial de division nucléaire appelé méiose suivi de la maturation morphologique des gamètes. Tandis que chez le sujet mâle les divisions méiotiques commencent à la puberté, chez la fille la maturation des gamètes commence déjà pendant la vie foetale. Le spermatozoïde mûr de mammifère est une cellule épithéliale hautement spécialisée, de forme allongée, dont la structure et l'organisation définitives le rendront spermatozoïde compétent pour pénétrer la cellule oeuf. Dans le spermatozoïde mûr se différencient deux parties différentes: la tête qui renferme le noyau encapuchonné par une vésicule appelée l'acrosome et la queue qui est dotée des structures permettant les mouvements. La longueur du spermatozoïde humain, queue comprise, est d'environ 50 µm; la distance que les spermatozoïdes doivent parcourir des testicules aux trompes pour rejoindre l'ovule est de plus 5 Les événements du processus de la fécondation sont décrits au niveau moléculaire dans la relation, "Dalla gametogenesi alla fecondazione", du prof. R.Colombo.

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4de sept mètres, soit plus de 100.000 fois leur propre longueur. Durant ce long parcours au travers des voies génitales mâles puis féminines (vagin, utérus et oviducte), le spermatozoïde subit des processus fondamentaux de maturation et de sélection pour pouvoir féconder avec efficacité et spécificité l'ovocyte. Particulièrement important est le processus dit de capacitation qui consiste dans l'enlèvement d'une glycoprotéine dite acrosome-stabilizing factor de la membrane la plus externe du spermatozoïde. La capacitation donne l'envoi aux processus d'activation du spermatozoïde qui permettent la rencontre et le contact avec l'ovocyte. Le mouvement des spermatozoïdes le long des voies génitales féminines est associé à des stimuli tant physiques que chimiques qui lui permettent d'être dirigé jusqu'à l'ovocyte sans déviations de parcours. Si la fécondation ne se produit pas, la survie du spermatozoïde dans les voies génitales féminines est de quelques jours. Les ovocytes mûrs sont de très grandes cellule par comparaison non seulement aux spermatozoïdes mais aussi aux différents types de cellules somatiques; chez l'homme un ovocyte peut atteindre les 150 µm. Dans l'ovocyte est accumulé tout le matériel nécessaire pour le début de l'accroissement et du développement de l'embryon (acides aminés et protéines, ribosomes et ARN de transport, facteurs morphogénétiques etc.). Dans cette volumineuse masse cytoplasmique se trouve le noyau qui ne complète sa maturation méiotique que si le spermatozoïde pénètre dans l'ovocyte. La cellule oeuf est revêtue d'une membrane épaisse glycoprotéique appelée zone pellucide, (ZP), essentielle pour le lien espèce-spécifique du spermatozoïde (les spermatozoïdes de l'espèce humaine ne reconnaissent, au travers de la ZP, que les ovocytes de leur espèce) et pour les premières étapes de développement et de la différentiation de l'embryon préimplantatoire pendant lesquelles celui-ci subit des changements biochimiques et structuraux. Au moment de son expulsion de l'ovaire, l'ovocyte des mammifères est entouré d'une couche de cellules folliculaires, appelée corona radiata. L'ovocyte libéré par l'ovaire est capturé dans le canal de la trompe (appelé aussi oviducte), où il attend une possible rencontre avec un spermatozoïde. - Les étapes du procès de fécondation La fécondation est l'événement fondamental qui débute le développement d'un nouvel organisme et implique une série hautement coordonnée d'événements et d'interactions cellulaires qui permettent la rencontre entre le spermatozoïde et l'ovocyte pour former une nouvelle cellule activée, le zygote ou embryon unicellulaire (one-cell embryo): celui-ci est un nouvel organisme de l'espèce humaine. Si la fécondation ne se fait pas, le spermatozoïde et l'ovocyte se dégradent rapidement, car ces deux cellules hautement différenciées ne peuvent pas vivre longtemps isolées. Dans la description des événements qui caractérisent le processus de fécondation on peut faire une distinction entre les étapes qui précèdent la fusion des gamètes et les modifications qui la suivent immédiatement et qui préparent l'embryon à la première division cellulaire. Les événements du processus de fécondation peuvent donc se regrouper en trois étapes principales: 1) la réaction acrosomiale qui permet la traversée par le spermatozoïde des couches qui entourent l'ovocyte et son attachement à la zone pellucide; 2) la fusion des gamètes ou syngamie, qui détermine l'activation du métabolisme de l'ovocyte fécondée avec le début du développement embryonnaire et la réaction corticale pour la régulation de l'entrée du spermatozoïde dans l'ovocyte; 3) la formation des pronuclei masculins et féminins et le début du premier processus mitotique de segmentation.

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5 Des études expérimentales récentes ont permis d'individualiser la complexe interaction moléculaire entre le spermatozoïde et la cellule oeuf en mettant en évidence la précision et l'élégance de ces mécanismes. 1) La réaction acrosomiale consiste dans la libération, par la vésicule acrosomiale du spermatozoïde, d'enzymes lytiques capables de disperser les cellules de la corona radiata; parmi ces enzymes l'hyaluronidase (PH-20) digère l'acide hyaluronique présent dans la matrice extracellulaire qui entoure les cellules, et l'enzyme de dispersion de la couronne détruit les contacts entre les cellules. Ces enzymes permettent au spermatozoïde de s'ouvrir une voie jusqu'à atteindre la zone pellucide (ZP). A la surface de la ZP sont présentes des protéines spéciales auxquelles se lient des récepteurs spécifiques situés sur la surface du spermatozoïde. Le lien spermatozoïde-ZP induit l'activation et la libération d'une autre enzyme acrosomiale, l'acrosine, qui facilite la pénétration du spermatozoïde au travers de la zone pellucide, avec le creusement dans cette zone d'un canal qui lui permet d'atteindre la membrane plasmatique qui délimite l'ovocyte. Le premier spermatozoïde qui atteint l'étroit espace périvitellinique, situé entre la zona pellucida et la membrane plasmatique de l'ovocyte voit sa membrane se fusionner avec celle-ci, ce qui aboutit immédiatement à la syngamie: le segment équatorial de la tête du spermatozoïde s'attache à la surface de l'ovocyte grâce à un mécanisme ligand-récepteur, et seule la tête du spermatozoïde est englobée dans la cellule oeuf. Le noyau et le centriole6 du spermatozoïde sont incorporés dans l'ovocyte7. Fig. 2 - (A) Les spermatozoïdes dépassent la couche de cellules de la corona radiata (en violet) pour rejoindre la zone pellucide (en bleu); (B) réaction acrosomiale et traversée de la zone pellucide; (C) fusion des gamètes (de P. Primakoff, D.G.Myles, Penetration, adhesion and fusion in mammalian sperm-egg interaction, Science, 21 June 2002, vol.296, n°5576, pp.2183-2185, fig.1). 2) La fusion des gamètes est un processus irréversible qui marque le début d'un nouvel organisme: le zygote ou embryon unicellulaire. La première conséquence de la fusion des gamètes est la variation de la composition ionique de l'ovocyte fécondée et en particulier l'augmentation soudaine et transitoire de la concentration intracellulaire de Ca2+, sous forme d'une onde ionique dite onde calcique (calcium wave)8: celle-ci marque le début de l'activation du zygote et du développement embryonnaire, en abolissant les phénomènes inhibiteurs qui avaient déterminé une activité métabolique réduite de l'ovocyte après son expulsion de l'ovaire. Le métabolisme de l'ovocyte, en effet, s'affaiblit jusqu'à ce qu'advienne la mort de cette cellule si, dans les 12-24 heures suivant l'ovulation, la fécondation n'a pas lieu. 6 Le centriole est une petite organelle de forme cylindrique qui a un rôle important dans la formation du fuseau mitotique sur l'équateur duquel s'alignent les chromosomes lors de la première division cellulaire.

7 Il a été montré récemment qu'au moment de la fécondation se trouvent aussi incorporées dans l'ovocyte des molécules d'ARN messager contenues dans le spermatozoïde, et donc d'origine paternelle, qui pourraient avoir un rôle dans les phases initiales du développement embryonnaire.

8 Ces processus sont amorcés par une cascade de réactions enzymatiques. On a isolé il y a déjà quelque temps certaines protéines présentes dans le spermatozoïde et impliquées dans l'induction de la propagation de l'onde calcique.

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6 C'est ainsi que débute le développement d'un nouvel individu qui présente le profil génétique et moléculaire de l'espèce humaine. L'augmentation de la concentration du Ca2+ cytoplasmique induit la réaction corticale qui, au travers du durcissement de la zone pellucide et de l'inactivation des molécules réceptrices pour les spermatozoïdes, empêche l'adhésion et l'entrée d'autres spermatozoïdes (polyspermie), et vient protéger le nouvel individu qui commence son cycle vital. La détermination du sexe du nouvel individu se fait lors de la pénétration du spermatozoïde dans l'ovocyte: le zygote sera de sexe masculin si le spermatozoïde fécondant est porteur du chromosome sexuel Y, et sera de sexe féminin s'il est porteur des deux chromosomes sexuels X. 3) Au même temps on assiste à la formation des pronuclei. Peu d'heures après la pénétration du spermatozoïde, le noyau d'origine féminine complète sa maturation pour devenir le pronucleus féminin. Entre temps, le noyau masculin, qui, au moment de son introduction dans l'ovocyte, était silencieux, c'est-à-dire insensible aux mécanismes de transcription qui permettent de lire et de traduire l'information génétique contenue dans le noyau, se transforme en un noyau fonctionnellement actif, le pronucleus masculin, au travers de profondes modifications biochimiques et structurelles qui préparent l'interaction avec les éléments moléculaires d'origine maternelle. Pendant cette phase, dite "phase pronucléaire", les deux pronuclei se rapprochent du centre de la cellule et, pendant qu'ils se déplacent l'un vers l'autre, leur information génétique est lue afin de guider le développement. Chez l'homme on a reconnu dès ce stade initial embryonnaire l'activité de nombreux gènes du nouveau génome, dont certains ont un rôle-clé dans le développement consécutif de l'embryon. L'information du nouveau génome guide donc, depuis le stade unicellulaire, le développement embryonnaire. Aux alentours de la 15° heure suivant la fécondation les deux pronuclei se rencontrent et perdent leur membrane, ce qui amène le mélange des chromosomes paternels et maternels, et porte l'embryon unicellulaire à la première division cellulaire. Fig. 3 - Rapprochement des pronuclei (en bleu) pendant la fécondation humaine. (A) Ovocyte avant la fécondation; (B) pénétration du spermatozoïde: le pronucleus masculin est sur le côté gauche et le pronucleus féminin (qui complète sa maturation) est en haut à droite; (C) rapprochement et apposition des pronuclei; préparation à la première division cellulaire: (D) prophase et (E) métaphase de la première division mitotique. Les microtubules sont marqués en vert et l'ADN est en bleu (de S. F. Gilbert, Developmental Biology, Sixth ed., Sinauer, Sunderland (MA) 2000, p. 212, fig. 7-32). Il est important de souligner que, ainsi qu'il vient d'être décrit, l'activation coordonnée du nouveau génome précède et ne dépend pas de la rencontre des pronuclei et de l'apposition des chromosomes. À ce moment le centrosome d'origine paternelle se divise et le fuseau mitotique s'organise à partir des pronuclei; les chromosomes masculins et féminins, dupliqués, se condensent et s'orientent sur l'équateur du fuseau mitotique commun, se préparant pour la première division cellulaire. À la fin de cette première division cellulaire se forment deux cellules, chaque douée d'une copie du génome entier, qui restent unies l'une à l'autre formant l'embryon à deux cellules (two-cell embryo). Chez les mammifères le génome diploïde est recouvert pour la première fois par une enveloppe nucléaire propre à ce stade de deux cellules. - Considérations de conclusion

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7 Depuis le moment de la fusion des gamètes les éléments d'origine paternelle et maternelle contribuent, grâce à une transformation complète et coordonnée, à l'activité du nouvel organisme au stade unicellulaire: il y a là un travail intense d'auto-organisation du nouveau système pour commencer dans la juste direction tout le développement successif. 2) La constitution des axes du développement de l'embryon 9 Il a été montré récemment, au travers d'expériences complexes et délicates d'embryologie que les axes du développement embryonnaire se trouvent déterminés peu après la fusion des gamètes. Ces constatations sont d'importance car on en était venu, à la suite des premières manipulations d'embryons humains contemporaines du début des fécondations artificielles, à considérer que ces embryons précoces n'étaient guère plus qu'un "groupement indistinct de cellules" jusqu'à ce l'implantation intra-utérine amène la gastrulation et qu'apparaisse le disque embryonnaire, structure à partir de laquelle s'organise le plan général du corps et dans laquelle se différentient les tissus du futur fetus. Cette conviction était supportée par différents faits: en premier lieu, les ovocytes de mammifère, contrairement à ce que l'on constate dans de nombreuses autres espèces animales, ne présentent pas une polarité claire à partir de laquelle s'organiserait le plan du développement corporel. Par ailleurs, les cellules qui constituent l'embryon de mammifère dans les premiers stades de division sont totipotentes, c'est-à-dire que ce sont des cellules indifférenciées qui ont la capacité de se développer en l'un quelconque des divers types cellulaires du futur fetus, embryonnaires et extraembryonaires, donnant à cet embryon une impressionnante capacité de compensation aux dommages infligés expérimentalement (avec la possibilité pour des blastomères isolés artificiellement d'un embryon au stade de deux, quatre ou huit cellules de pouvoir se développer de façon autonome pour donner un nouvel embryon). Enfin, seul 15% des cellules dans le blastocyste, celles qui sont situées dans la masse cellulaire interne, contribuent à la formation du corps du futur fétus (et donc à l'organisation du plan du corps) tandis que les autres cellules sont impliquées dans la formation des annexe extraembryonnaires. Des expérimentations récentes sur les mammifères semblent révolutionner cette façon de voir en montrant que la position du second globule polaire, ou le point d'entrée du spermatozoïde dans l'ovocyte et la forme de l'ovocyte fécondé sont des éléments clefs dans la détermination de l'orientation de l'axe selon lequel advient la première division cellulaire. A son tour, cet axe permet de prévoir la structuration et la polarisation du futur blastocyste. Il a été en outre montré que l'orientation de la seconde division cellulaire peut influer le destin des cellules qui en dérivent: d'un des blastomèeres dériveraient de façon majoritaire les cellules précurseurs du futur embryon proprement dit, tandis que de l'autre dériveraient surtout les précurseurs des cellules qui contribuent à la formation des annexes embryonnaires (dont la partie fétale du placenta). Fig. 4 - (A) Embryon au stade de deux cellules marquées de manière différentielle pour suivre la destinée des cellules qui en dérivent. (B) Blastocyste, pôle embryonnaire - en haut -, pôle "abembryonnaire" - en bas -, (de H. Pearson, Your destiny, from day one, Nature, 4 July 2002, vol.418, n°6893, pp.14-15). Finalement, des études sur des chimères de rat ont montré que les blastomères peuvent se 9 Ce sujet est traité dans le rapport, "Genetica ed epigenetica nello sviluppo dell'embrione preimpiantatorio" du Professeur M.Zernicka-Goetz qui y décrit les résultats d'importantes expériences effectuées dans son laboratoire.

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8différencier déjà entre eux au stade embryonnaire de quatre cellules, et qu'ils perdraient donc déjà à ce stade leur totipotence. À la lumière de ces résultats on a pu dire que, si les axes du développement embryonnaire et la destinée cellulaire commencent à être définis aussi précocement, il n'est plus possible de laisser place au présupposé selon lequel les embryons précoces n'auraient été qu'un "tas indistinct de cellule"10. - Considérations conclusives Ces résultats pourraient sembler en désaccord avec la totipotence cellulaire et la plasticité du développement qui caractérisent l'embryon précoce; en fait, ces dernières propriétés n'impliquent pas une indétermination dans la croissance mais mettent en lumière la possibilité qu'a cet embryon de compenser pour d'éventuels dommages ou erreurs dans le programme d'évolution embryonnaire. L'embryon humain précoce est un système harmonieux dans lequel toutes les parties potentiellement indépendantes fonctionnent ensemble pour former un organisme unique. Les constatations récentes sur la détermination précoce des axes du développement embryonnaire et de la destinée cellulaire mettent aussi en lumière combien les interventions sur l'embryon précoce peuvent être potentiellement nuisibles pour le développement ultérieur de l'embryon. On peut par exemple se poser des questions sur l'opportunité de certaines techniques de reproduction assistée ( comme par exemple l'ICSI, IntraCytoplasmic Sperm Injection), qui pourraient perturber les processus délicats qui régissent l'établissement des axes corporels. Les tests génétiques effectués sur l'embryon avant son implantation (diagnostic génétique préimplantatoire) dans lesquels deux cellules sont enlevées de l'embryon au stade de seulement huit cellules, sont également préoccupants11. 3) Le développement de l'embryon avant l'implantation dans l'utérus maternel12. À partir de la constitution du zygote, durant une période d'environ 5 jours, l'embryon est le siège d'une série de divisions cellulaires placées sous le contrôle d'un grand nombre de gènes. Cette période de multiplication cellulaire est appelée période des "divisions de segmentation". Pendant que l'embryon se divise il parcourt la trompe et entre dans l'utérus poussé par les cils tubaires. Les divisions de segmentation ne sont pas accompagnées d'accroissement cellulaire et subdivisent donc le zygote en un nombre croissant de cellules filles plus petites appelées blastomères: l'embryon dans son ensemble ne change pas de dimensions et reste renfermé dans la zone pellucide qui le protège et qui l'empêche de s'accoler aux parois de la trompe. Chez le rat le rythme de la segmentation est contrôlé par le gène Ped (preimplantation embryo development gene), qui a son homologue chez l'homme.

10 "What is clear is that developmental biologists will no longer dismiss early mammalian embryos as featureless bundles of cells", H.Pearson, Your destiny, from day one, Nature, 4 July 2002, vol.418, n°6893, pp.14-15, voir p.15.

11 H.Pearson, Your destiny from day one, 4 July 2002, vol.418, n°6893, pp.14-15. Voir p.15.

12 Le sujet est développé dans le rapport:"Lo sviluppo dell'embrione preimpiantatorio" du Prof.G.Sica.

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9 Le résultat de ces divisions est la formation de la morula ( du latin "morum" qui signifie "mûre") ainsi appelée à cause de son aspect semblable à celui d'une mûre. L'embryon est alors fait de cellules lâchement unies entre elle. Au stade de 8-16 cellules la morula subit le processus dit de la "compaction": à l'improviste, les cellules se serrent entre elles pour venir former une sphère compacte, en subissant de profonds changements métaboliques et structuraux. Fig. 5 - Embryon de rat au stade de 8 cellules avant (A) et après (B) la compaction. (Images prises en microscopie électronique, de S. F. Gilbert, Developmental Biology, Sixth ed., Sinauer, Sunderland (MA), 2000, p.357, fig. 11-23. La disposition très compacte de l'embryon est renforcée par l'établissement des jonctions serrées (tight junctions) qui se forment entre les cellules de la partie périphérique de la morula, tandis que les cellules plus internes communiquent entre elles au travers de structures spéciales appelées jonctions lacunaires (gap junction), qui permettent l'échange de substances et de molécules pour régler et coordonner les divisions cellulaires au cours de cette phase du développement. Les cellules qui constituent la couche la plus extérieure de l'embryon sont destinées à former le trophoblaste qui constituera les tissus du chorion, la partie embryonnaire du placenta; cependant que le plus internes sont destinées à former la masse cellulaire interne (ICM, Internal Cell Mass) qui donnera origine aux cellules de l'embryon proprement dit et aux tissus extraembryonnaires qui lui sont associés (sac vitellin, amnios et allantoïde). La morula initiale n'a pas de cavité interne, bien que la majorité des cellules s'y trouvent dans la partie périphérique et que peu soient à l'intérieur. Au quatrième jour de développement la morula se transforme en blastocyste; celui-ci présente une grande cavité appelée blastocèle, et la masse cellulaire interne apparaît comme un groupe compact de cellules, pelotonnées sur un côté de la cavité et adhérentes aux cellules du trophoblaste (qui s'organisent pour former un fin épithélium monostratifié)13. La formation de la cavité du blastocyste et l'apparition de la polarité cellulaire sont guidées par l'expression de complexes de gènes spécifiques qui comprennent la tight junction gène family, la Na/K-ATPase gene family et l'aquaporin gene family. Fig.6 - Phases du développement de l'"embryon préimplantatoire": stade à 2 cellules (A); 4 cellules (B); morula à 8 cellules avant (C) et après le compaction (D,E); blastocyste (F). (-Embryon de rat, développement in vitro - de S. F. Gilbert, Developmental Biology, Sixth ed., Sinauer, Sunderland (MA) 2000, p. 356, fig. 11-22). Les importants changements morphologiques et différentiatifs qui se produisent dans cette période sont associés à des variations métaboliques et énergétiques. Les substances qui fournissent son énergie à l'embryon en développement changent en fonction des différentes phases de cette période, réfléchissant les différentes nécessités énergétiques de l'organisme. Durant le développement de l'embryon préimplantatoire on peut aussi observer des phénomènes d'apoptose, c'est-à-dire de mort cellulaire programmée, nécessaires pour enlever les cellules génétiquement anormales ou mutées et pour accomplir un rôle protecteur. Le taux d'apoptose (particulièrement élevé au stade de blastocyste) ne peut pas dépasser un certain niveau car cela amènerait autrement la rupture de l'homéostasie embryonnaire avec pour 13 Les cellules externes ont une pompe sodium/potassium (NaK-ATPase) qui transporte les ions sodium à l'intérieur de la cavité centrale du blastocyste, appelée "blastocèle". Cette accumulation d'ions sodium provoque un passage d'eau qui s'accumule dans la cavité du blastocèle, en en augmentant le volume.

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10conséquence l'arrêt du développement. Facteurs de croissance, hormones, aminoacides, hydrates de carbone et protéines sont produits par l'embryon préimplantatoire et règlent son développement, ce qui souligne le fait que l'embryon lui-même exerce un rôle de protagoniste dans la conduite de sa croissance. Un exemple important d'autorégulation embryonnaire est donné par le facteur PAF (platelet activating factor), un facteur soluble synthétisé immédiatement après la fécondation qui persiste jusqu'à la phase de l'implantation dans toutes les espèce de mammifères étudiées à ce point de vue jusqu'à aujourd'hui. La production de PAF par l'embryon joue un rôle notable dans la stimulation du métabolisme embryonnaire, dans la progression du cycle cellulaire et dans la migration embryonnaire en induisant aussi, comme on le spécifiera par la suite, d'importantes modifications dans le milieu maternel. Pendant la période préimplantatoire l'embryon se trouve transporté par la trompe, dite aussi oviducte, jusqu'à l'utérus. Au septième jour après la fécondation le blastocyste s'implante dans la muqueuse utérine. 4) Le dialogue mère-embryon et la préparation à l'implantation14 La trompe est le lieu de rencontre entre les gamètes mûres et a un rôle actif dans la maturation des spermatozoïdes, dans le processus de fécondation, dans le développement de l'embryon précoce et dans son transport vers l'utérus. L'oviducte n'est pas donc pas qu'un simple canal de passage mais un organe reproductif dont l'activité sécrétoire et de transport est nécessaire pour les événements reproductifs précoces; avec l'épithélium de l'utérus elle fournit une série de molécules nécessaires pour constituer le milieu le plus adéquat pour le développement embryonnaire. L'embryon, à son tour, produit des hormones et autres molécules importantes dans l'interaction avec le milieu maternel. Cette "communication moléculaire" entre la mère et l'embryon préimplantatoire a été appelé "dialogue croisé" ("cross talk"). Parce que l'embryon est revêtu de la membrane pellucide jusqu'au moment de son implantation, tous les signaux maternaux-embryonnaires doivent passer à travers cette membrane épaisse glycoprotéique: tandis que le développement embryonnaire se déroule, les protéines secrétées par l'oviducte et par l'utérus, tout comme celles venant de l'embryon, sont incorporées dans la zone pellucide dont elles changeant les propriétés morphologiques et biochimiques. La zone pellucide devient comme une sorte de "boîte postale" qui reçoit et sélectionne ces messages: en fonction des propriétés biochimiques des protéines qu'elle capte, celles-ci seront incorporées dans la zone pellucide, la traverseront ou seront repoussées par elle. L'épithélium de la trompe fournit protéines, cytokines et facteurs de croissance dans un transsudat fait de sérum et d'autres fluides, au travers d'une intense activité biosynthétique réglée par les estrogènes. Une des protéines synthétisées de novo dans la trompe est la glycoprotéine OSP, (oviductal secretory glycoprotein), une protéine très "conservée" parmi les différentes espèces de mammifère. Cette protéine semble jouer un rôle important dans l'amélioration de la capacitation et de l'efficacité de l'accolement et de la pénétration du spermatozoïde dans l'ovocyte, et dans le développement embryonnaire qu'elle influe. Des inhibiteurs de protéases sont aussi secrétés, qui ont le rôle de protéger l'intégrité d'abord de l'ovocyte puis de l'embryon, et de promouvoir le développement embryonnaire en améliorant, par exemple, le rythme de la segmentation et en prévenant la dégradation de l'embryon. L'épithélium de l'utérus maternel produit aussi quelques facteurs nécessaires au développement embryonnaire, comme par exemple le Granulocyte-Macrophage Colony 14 Cette partie est développée dans la relation "Il dialogo materno-embrionale e la preparazione all'impianto", du pr.G.Sica.

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11Stimulating Factor qui, stimulé par les oestrogènes, semble contrôler le nombre des cellules de la masse cellulaire interne. Cet intense échange biochimique qui s'établit avec la mère prépare l'embryon à l'implantation. Le blastocyste atteint l'utérus entre le troisième et le quatrième jour de développement, et au cinquième jour sort de la zone pellucide qui l'avait protégé et l'avait empêché d'adhérer aux parois de la trompe; ce processus est appelé "hatching". Le blastocyste peut alors librement s'accoler à la muqueuse utérine, habituellement dans la partie supérieure de la paroi postérieur de l'utérus, et y commencer le "processus d'implantation." Celui-ci est soumis à une régulation endocrine de la part des oestrogènes et de la progestérone produites par l'ovaire. Les hormones ovariennes, qui contrôlent chez l'homme le cycle menstruel, préparent l'utérus à l'installation du blastocyste, au travers d'une série de processus morphologiques et biochimiques. La muqueuse utérine (l'endomètre) est rendue réceptive par ces hormones à l'arrivée de l'embryon, mais pour un temps limité qu'on appelle "fenêtre d'implantation". Passé ce temps, l'endomètre n'est plus capable de recevoir l'embryon et pourrait même lui être hostile. L'utérus est préparé pour l'implantation par la synthèse de protéines sensibles aux stéroïdes; et par des enzymes comme les peptidases, les glycosidases et les estérases qui servent à la désagrégation de la zone pellucide et à la modification de l'endomètre et du trophoblaste pour faciliter l'implantation; d'autres protéines sont engagées dans la protection du foetus vis-à-vis de la réponse immunitaire de la mère (tolérance immunitaire), et dans la régulation du développement embryonnaire, en particulier les facteurs de croissance (EGF, TGF-α, IGF, FGF), le facteur d'inhibition de la leucémie (LIF, leukemia inhibitory factor), et l'hormone CRH (corticotropinn releasing hormone) dont l'expression est induite par des facteurs d'origine embryonnaire. L'embryon, de son côté, immédiatement après son implantation, ou très vraisemblablement avant déjà d'être implanté, sécrète des hormones, des cytokines, des facteurs de croissance, des facteurs angiogéniques, des facteurs d'apoptose et des molécules d'adhésion qui jouent le rôle de signaux de reconnaissance vis-à-vis de la mère et servent à une préparation précise de l'implantation. Il produit, en outre, de la gonadotrophine chorionique humaine (HCG)(human chorionic gonadotrophin) qui agit sur l'organisme maternel et est exprimée à un haut niveau durant la fenêtre d'implantation; et le facteur PAF (platelet activating factor) impliqué dans l'immunosuppression maternelle. Un autre facteur important qui peut conditionner le transport embryonnaire dans la trompe et son implantation dans l'utérus est représenté par la contractilité utérine sous le contrôle des hormones ovariennes. - Considérations conclusives L'implantation commence avec l'apposition des microvilli de l'épithélium utérin et de ceux du trophoblaste qui s'imbriquent. L'interaction entre le trophoblaste et l'épithélium utérin demande une réorganisation cellulaire dans laquelle interviennent la famille de récepteurs transmembranaire intégrines, exprimés et par la mère et par l'embryon. Les phases d'apposition et d'adhésion sont caractérisées par un dialogue biochimique complexe entre l'embryon et l'utérus qui se fait par échange de chémokines, d'interleukine, de molécules d'adhésion (intégrines, sélectines), de facteurs chimiotactiques et de facteurs d'activation lymphocytaire. Cette interaction mère-embryon intense et complexe est extrêmement importante pour un développement correct de l'embryon préimplantatoire: la relation mère-enfant qui a commencé au moment de la fécondation continuera tout le long de la grossesse, .le long de tout le cours de la grossesse, par communication biochimique, hormonale et immunologique. Cette relation non

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12résoluble va marquer le développement successif de l'individu, et il en restera une "mémoire" biologique du contact et des voies de communication qui existaient pendant la grossesse. B. LE DIAGNOSTIC PRÉNATAL ET LE DIAGNOSTIC PRÉIMPLANTATOIRE 15 Le diagnostic prénatal au sens large du terme comprend toutes les méthodes de diagnostic mises en jeu avant la naissance pour évaluer l'état du fetus et en identifier les éventuelles pathologies; à ce titre rentrent dans le tableau du diagnostic prénatal toutes le techniques qui permettent de déterminer des maladies dues à des anomalies chromosomiques, à des mutations d'un gène unique ou de plusieurs gènes (syndromes polygéniques) à des maladies ou à des malformations congénitales d'origine infectieuse ou déterminées par des agents tératogènes; l'indication principale du recours aux techniques de diagnostic prénatal est, toutefois, l'individuation de maladies génétiques. Les différentes techniques sont classifiées en fonction du type d'information diagnostique qu'elles fournissent, ou en fonction du degré de leur caractère invasif. Parallèlement au développement du diagnostic prénatal les progrès de la médecine foetale ont ouvert un nouveau domaine d'enquête extrêmement prometteur, en vue d'une thérapie foetale qui a rendu possible la résolution d'un certain nombre d'affections, en traitant l'embryon de la même façon que l'on traite un patient déjà né ou adulte. Malheureusement, une grande partie des maladies qui peuvent être diagnostiquées sont encore sans thérapeutique, ce qui crée un déséquilibre entre le pouvoir diagnostic et les possibilités thérapeutiques effectives. Cette limite a soulevé des interrogations sur la finalité du recours au diagnostic prénatal, tenant compte aussi des risques qui lui sont associés. - Le diagnostic prénatal invasif Les techniques invasives visent à prélever des cellules foetales pour les analyser; parmi les méthodes désormais bien assises se placent la ponction des villosités choriales (villocentèse), effectuée entre la 10ème et la 14ème semaine de la grossesse et celle du liquide amniotique, effectuée entre la 15ème et la 16ème semaine de la grossesse. Parmi les méthodes moins communes sont à mentionner la ponction du cordon ombilical (cordocentèse), normalement effectuée après la 18ème semaine de grossesse, et l'amniocentèse précoce effectuée entre le 11ième et la 14ième semaine de gestation. L'invasivité de ces techniques de prélèvement de cellules foetales est responsable d'un risque de perte foetale (pour la villocentèse il est de 1-3% et pour l'amniocentèse de 0.5-1%) et d'un pourcentage non négligeable d'accouchements prématurés. Les diagnostics plus précoces sont associés à un risque majoré d'avortements spontanés, pendant que les plus tardifs ont le désavantage de ne fournir un résultat que 10 à 14 jours après le prélèvement, à un stade déjà plus avancé de développement fétal. Aux Etats Unis environ 190.000 aminiocentèses sont effectuées par an, pour 80.000 en France, et 100.000 en Italie, pour la seule année 2003. Considérant le risque d'avortement lié à 15 Les aspects scientifiques et certaines considérations éthiques concernant le thème du diagnostic prénatal et du diagnostic préimplantatoire sont développés dans deux rapports: "Diagnosi preimpiantatoria e prenatale" du prof.C.Bellieni, et "Considerazioni bio-mediche ed etiche sulla diagnosi preimpiantatoria" du prof.K.Fitzgerald.

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13l'invasivité de la technique, on peut estimer qu'en Italie, en un an, environ 500 à 1000 grossesses se sont terminées par un avortement du à la mise en jeu de ces techniques. Ces données ne peuvent être négligées, considérant en particulier le fait que le recours à un diagnostic prénatal toujours plus précoce (et donc plus risqué) tend à entrer dans la pratique normale de la surveillance de la grossesse, et ce en absence d'une claire indication médicale. Il a été montré récemment que l'invasivité de ces tests diagnostiques est cause de stress notable et de souffrance foetale; le prélèvement du liquide amniotique ou d'un échantillon de sang foetal change la composition du liquide lui même et l'ultrasonographie montre que le foetus "se rétracte" et que son rythme cardiaque s'accélère au moment du prélèvement. - Le diagnostic prénatal non invasif Pour éliminer la part de risques liée à l'invasivité des techniques de diagnostic prénatal, on a cherché à développer des approches non invasives passant par l'examen du sang maternel (dans lequel il est possible d'isoler des cellules ou de l'ADN embryonnaire/fetal libre en utilisant des marqueurs spécifiques de membrane ou de cytoplasme). Les cellules embryonnaires/fétales présentes dans le sang maternel sont isolées et on peut fait l'examen cytogénétique de ces cellules à la recherche d'éventuelles anomalies chromosomiques. On peut aussi effectuer un examen moléculaire de l'ADN extrait de ces cellules à la recherche d'une mutation génétique, ce qui permet de faire un diagnostic et parfois même de porter un pronostic. Le facteur limitant dans ces techniques est la rareté des cellules embryonnaires/fétales dans l'échantillon de sang maternel prélevé, et aussi la possibilité de contamination avec les cellules maternelles qui pourrait donner de faux résultats. Parmi les méthodes non invasives on compte aussi les techniques échographiques (échographie ou sonographie ou ultrasonographie) qui, pratiquées par des opérateurs expérimentés, permettent de mettre en évidence les malformations les plus discrètes. L'introduction des techniques diagnostiques non invasives, qui peuvent être mises en jeu très précocement (8ème à la 10ème semaine de grossesse) a éliminé le risque des méthodes invasives pour la santé ou la vie du foetus. Cependant, d'un autre côté, et précisément à cause de la très grande simplicité de l'examen et de son caractère non invasif, la diffusion de ces méthodes pourrait augmenter la demande de diagnostic, avec un contrôle moins attentif d'une indication médicale réelle, et porter à une exagération non justifiée du risque d'anomalie fétale de la part des parents, poussant à une multiplication des demandes d'avortement provoqué considéré comme seul moyen de répondre à ce risque. - Le diagnostic préimplantatoire Le recours à la reproduction artificielle extracorporelle a amené le développement du diagnostic préimplantatoire, mis au point précisément pour accroître l"efficacité" des techniques de fécondation in vitro, en permettant la sélection des embryons humains plus aptes au transfert dans l'utérus et l'élimination de ceux porteurs d'anomalies génétiques ou chromosomiques, ou, de toutes façons, l'élimination de ces embryons qui ne paraissent pas avoir un haut "potentiel d'implantation." Le diagnostic génétique préimplantatoire (PGD) (preimplantation genetic diagnosis) consiste dans l'analyse génétique de cellules prélevées sur l'embryon environ trois jours après la fécondation in vitro, ou dans l'analyse du globule polaire prélevé sur l'ovocyte maternel. Le but de ces techniques est de déterminer les éventuelles altérations portant sur un gène particulier (maladies héréditaires monogéniques) ou les anomalies chromosomiques qui pourraient pas la suite amener l'apparition de graves maladies ou syndromes héréditaires/congénitaux.

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14 Les techniques de PGD, qui tirent partie du développement de la biologie moléculaire en ce qui concerne l'analyse génétique, permettent aujourd'hui de mettre en évidence plus de 40 maladies héréditaires monogéniques - telles que la drépanocytose ou la mucoviscidose -, certaines aneuploidies chromosomiques liées à des syndromes connus, comme le syndrome de Down (trisomie 21) ou celui de Turner (monosomie X) ou d'autres anomalies qui peuvent causer des avortements spontanés ou des échecs de la fécondation in vitro. La pratique des dépistages chromosomiques permet aujourd'hui de déterminer les personnes qui courent le risque de transmettre certaines anomalies héréditaires. Certains diagnostics préimplantatoires sont aussi faits dans le but de diagnostiquer la seule possibilité de développer une maladie déterminée, comme le syndrome d'Alzheimer, la chorée de Huntington, ou le cancer du sein lié à une mutation particulière du gène BRCA. Le diagnostic génétique préimplantatoire n'est pas sans poser de graves problèmes tant techniques qu'éthiques. Le premier problème est technique, et préoccupant. Il concerne le taux élevé (5 à 10% selon les centres) d'erreurs de diagnostic qui amènent l'élimination d'un nombre élevé d'embryons sains. Le second problème concerne le caractère invasif de cette méthode de diagnostic qui requiert l'extraction d'au moins un blastomère sur les huit que possèede l'embryon à ce stade et fait courir de ce fait, à cet embryon, des risques élevés de perturbation des processus délicats du développement (dont l'établissement correct du plan corporel); la nature de ces risques est encore aujourd'hui mal précisée par défaut d'études en suivi des embryons biopsiés et réimplantés. En dépit des risques liés à la PGD et de ses coûts élevés (aux Etats Unis ils tournent entre 1500 et 3500 dollars selon le test effectué, étant exclu de ce prix le coût de la fécondation in vitro associée) le recours au diagnostic préimplantatoire devient toujours plus courant, et cette "industrie" est en pleine expansion. Par delà la question des risques que la PGD fait courir au développement de l'embryon biopsié puis transféré in utero, la finalité de ces techniques soulève de sérieuses questions éthiques. Le diagnostic préimplantatoire est en effet utilisé aujourd'hui soit pour sélectionner les embryons de "meilleure qualité" (et est en ce cas considérée comme une "alternative" à l'avortement lorsque les embryons éliminés sont porteurs d'un défaut génétique ou chromosomique), soit pour la "sélection sociale du sexe" du futur enfant, soit pour trouver des embryons immunologiquement aptes à devenir, après développement, donneurs de tissus ou d'organes pour un frère/soeur affecté(e) d'une pathologie grave dont le traitement requiert une greffe de tissu (moelle osseuse) immunocompatible ( HLA compatible). La destruction programmée d'embryons humains selon une mentalité eugénique et sélective représente un abus évident de l'embryon humain, sélectionné, laissé mourir ou supprimé pour répondre à des paramètres déterminés qualitatifs ou "pseudo-thérapeutiques". - Considérations conclusives Un risque commun aux différentes techniques de diagnostic prénatal ci dessus décrites est, certainement, le "risque psychologique" de la recherche d'un "enfant parfait", chargé de trop d'attentes de la part des parents; selon certaines études récentes, pendant l'attente du résultat du test, surviendrait une véritable "interruption" de la relation affective entre la mère et l'enfant, et même la nouvelle de la plus légère anomalie chez l'enfant amènerait chez la mère une angoisse et un sentiment de refus sans proportion à la gravité réelle de la situation. Il a été montré que les émotions maternelles (joie, souffrance etc.) ont une certaine influence sur le développement embryonnaire, autant que le support nutritionnel et la qualité de l'échange entre le foetus et le placenta. Ces mécanismes psychologiques pourraient laisser des traces indélébiles chez l'enfant

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15même si celui-ci s'avère en définitive sain16. Finalement il faut mentionner le risque de la perte de l'"intimité prénatale": la prise de connaissance anticipée d'informations relatives au sexe ou à la santé de l'embryon, et concernant aussi la prédisposition à des maladies qui pourraient se manifester à un âge tardif, peut conduire à une sélection eugénique, à une discrimination et peut aller contre le droit de "ne pas savoir" du sujet. Les raisons qui poussent aujourd'hui à une demande toujours plus importante de diagnostic génétique prénatal sont souvent de caractère plus culturel que médical. Il s'agit de la recherche d'un enfant disposant des conditions physiques les meilleures pour son bien-être. Ceci est la conséquence d'un changement qui est survenu dans la façon dont est perçue la grossesse. Celle-ci n'est plus désormais considérée sous l'angle de l'événement, mais sous celui de l'"aboutissement du choix", une forme d'"autoréalisation" du couple. LES CONSIDÉRATIONS BIOÉTHIQUES La clarification des aspects biologiques concernant le moment où commence la vie humaine et les caractéristiques du développement embryonnaire précoce, si elles ne peuvent par elles mêmes suffire à donner une réponse d'ordre ontologique sur la nature de l'être humain dans les phases initiales de son développement, sont toutefois certainement nécessaires pour pouvoir aborder avec objectivité le complexe débat bioéthique sur la nature et la dignité de la vie humaine dans les débuts de son existence. A. LE DÉBAT BIOÉTHIQUE SUR L'EMBRYON HUMAIN17 Au coeur des discussions bioéthiques sur le thème de la vie humaine naissante se trouve la question concernant la valeur et la dignité à attribuer à l'être humain à l'aube de son existence. De la réponse à cette question découlent les considérations sur les modalités et les degrés du respect et de la protection qui lui sont dus. Les différentes théories qui sont venues s'inscrire dans le débat actuel se contredisent mutuellement car elles reflètent la pluralité des orientations anthropologiques qui caractérisent le panorama culturel contemporain. Selon les différents points de vue théoriques sur la question, on a lié la dignité de la personne humaine à différents paramètres et à différents moments dans le développement de l'embryon en se basant sur différents "critères" de référence. - Les "critères extrinsèques" 16 Sur ce point, outre le rapport du prof.C.Bellieni, on peut consulter l'article de M.Vial, A.Benoit, Z.Schneider, J.Soubbaramayer, Maltraitance du foetus et du nouveau-né, Annales de Pédiatrie, 1996, vol.43, pp.446-455.

17 Le débat bioiéthique et philosophique sur le début de la vie humaine est développé dans les rapports suivants: "I criteri dell'individualità organica e lo statuto bio-antropologico dell'embrione preimpiantatorio" de S.E.Mgr.W.J.Eijk; "Il pensiero classico e medievale (San Tommaso) riguardo all'embrione umano" du prof.M.Pangallo, "Le teorie sull'embrione umano "non ancora" uomo" du Rev.Pr Ide. Certains aspects de nature ontologique sont de plus traités dans le rapport; "L'embrione preimpiantatorio tra biologia e filosofia: l'individuo", du prof.A.Gil Lopes: "L'embrione preimpiantatorio tra natura e persona", de Mgr-Prof.I.Carrasco de Paula; "Può un individuo umano non essere persona?", du prof.R.Spaemann.

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16 Les "critères extrinsèques" se basent sur des facteurs externes à l'embryon humain. Certains auteurs indiquent la "reconnaissance de la part des autres" comme paramètre fondamental pour l'attribution de la dignité de personne: l'être personne est un "statut social" conféré par les autres; il a un caractère relationnel parce qu'une entité est "personne" seulement lorsqu'elle est reconnue comme telle par les autres individus humains. Il y a, en outre, qui subordonnent l'attribution de la qualité de personne à l'embryon à l'"intention procréatrice" des parents au moment où ils posaient les présupposés de la conception; par suite, un embryon non désiré ou conçu à la suite d'une violence sexuelle ne devrait pas être considéré comme personne humaine. Dans la critique de ces positions, il a été dit qu'elles portaient à ce paradoxe qu'un être humain pourrait être "personne" si, par exemple, son père le considère et l'estime comme tel; et en même temps cet être pourrait ne pas être "personne" si un autre individu, par exemple sa mère, se refuse à le considérer comme tel. Selon d'autres points de vue, l'embryon deviendrait un individu "pleinement humain" seulement lorsqu'il serait reconnu comme tel par la loi positive; le statut de l'embryon devrait donc être défini au travers du consensus démocratique. Ces critères et d'autres considérations extrinsèques ne sont pas adéquats pour l'attribution d'un statut ontologique et moral à l'embryon humain, à partir du moment où tout jugement possible se base sur des éléments totalement conventionnels et arbitraires. - Les "critères intrinsèques" Les "critères intrinsèques" se réfèrent, par contre, à des étapes déterminées dans le développement, avec l'acquisition de caractéristiques définies par l'embryon lui-même, caractéristiques considérées significatives pour l'attribution de la dignité de personne. Certaines de ces thèses se sont centrées sur le concept d'individualité et mettent l'accent sur les événements qui détermineraient l'origine de l'individualité biologique humaine parce qu'avec elle serait aussi attribué, implicitement ou explicitement, le statut ontologique et moral de personne. En l'absence d'une existence individuelle reconnue il ne pourrait y avoir une existence personnelle et, de ce fait, il ne pourrait y avoir pleine dignité humaine et pleine reconnaissance des droits humains. Le nouvel sujet humain aurait une dignité qui devrait être respectée et protégée à partir du moment où il acquerrait une "individualité biologique stable." Le concept d'individualité est rapporté par certains à la conception classique selon laquelle l'individu est le "subsistens distinctum" ou "indivisum en si, divisum a quolibet alio", en indiquant la double caractéristique d'"unité interne" et de "diversité" par rapport aux autres individus, d'"unité" et d'"unicité"18; d'autres auteurs restreignent par contre le concept d'individualité, en l'interprétant de manière purement analytique en terme d'"indivisibilité" et "séparabilité". On trouve ce second point de vue par exemple à propos des questions de totipotence cellulaire. Jusqu'au stade de l'embryon à huit cellules, les cellules (ou blastomères) de cet embryon sont dites "totipotentes", c'est-à-dire qu'elles ont la capacité de se développer en quelque élément cellulaire embryonnaire ou extraembryonnaire que ce soit parce que l'information contenue dans leur code génétique est encore complètement accessible; si ces cellules sont séparées expérimentalement de l'embryon à ce stade très précoce, elles peuvent parfois, dans des conditions favorables, se multiplier pour donner origine à un nouvel embryon. Ces faits ne permettraient pas de dire, selon certains auteurs, que l'on se trouve en présence d'un individu pleinement constitué. Une réflection similaire peut se faire à propos de la gémellarité monozygote: il peut arriver, au tout début du développement de l'embryon, que certaines cellules de l'individu en 18 Le concept d'individualité n'exclut bien sûr pas la possibilité de la génération.

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17voie de développement se séparent de l'embryon et aillent former en se multipliant un autre embryon. Le phénomène, certes très rare, peut se rencontrer depuis le stade à deux cellules jusqu'aux environs du 14°jour du développement, et, dans des cas très rares, au delà de ce seuil (jumeaux conjoints ou siamois); on en a déduit qu'on ne pouvait reconnaître dans l'embryon humain en développement la présence d'un individu tant que cet embryon avait la capacité de donner origine à un autre embryon, donc de devenir deux individus ou plus. A cet argument on a répondu avant tout qu'il s'agissait là d'événements très rares; on a aussi répondu que l'individu embryon, déjà constitué en tant que tel au moment de la fécondation, donnait origine dans de tels cas à un autre individu qui commençait un processus vital indépendant avec un patrimoine génétique identique. L'analyse correcte des données scientifiques montre par ailleurs que le destin de l'organisme est déterminé depuis la fécondation: la plasticité cellulaire et la malléabilité du développement embryonnaire précoce n'ôtent rien à l'individualité de l'embryon, établie à la fusion des gamètes. En fait elles soulignent le rôle essentiel de cette individualité dans le contrôle du développement du nouvel organisme, puisque, grâce à son individualité, l'embryon est capable de compenser pour des dommages ou des erreurs survenues dans le programme de l'évolution embryonnaire. D'autres argumentations se basent sur la présence d'un développement proportionné des organes nécessaires pour l'exercice de la raison: parce que ce qui distingue l'être humain des autres animaux est la raison, il est possible d'affirmer la présence d'une personne humaine seulement lorsqu'elle a assuré un certain degré de développement des organes impliqués dans le développement de la fonction intellective. Le degré de développement minimum de ces organes qui permettrait de reconnaître la personnalité à l'être humain est encore objet de profond débat. En partant de la constatation de la réalité biologique il faut, toutefois, souligner le fait que le développement cérébral, de même que l'apparition du monde sensoriel, commence à se faire au travers d'une progression ininterrompue d'événements qui débute à la fusion des gamètes: depuis la formation du zygote, au moment où se fusionnent les gamètes, c'est en effet le même individu humain biologique qui évolue dans le temps jusqu'à la conclusion de son cycle vital. Certains auteurs qui épousent le courant de pensée thomiste, basent leur argumentation sur la théorie de "l'animation successive". Ils se sont interrogés sur le moment où le corps devenait suffisamment organisé pour pouvoir recevoir "l'âme rationnelle". Selon cette théorie, une âme rationnelle ne peut être présente que dans un corps prêt à se plier aux activités spirituelles. La condition nécessaire pour exercer cette fonction serait, selon certains, la présence d'un cortex cérébral. De ce fait, l'organisme biologique formé lors de la fécondation (capable seulement d'actions biologiques et non d'activités rationnelles) ne pourrait être prêt à accueillir un âme rationnelle. Cette position a été critiquée par certains courants thomistes. Selon ces derniers, la théorie de l'animation retardée, soutenue par Aristote puis par St Thomas, ne serait pas une conséquence logique de la théorie hylémorphique, mais dépendrait essentiellement des connaissance biologiques limitées qui étaient disponible au temps où ces auteurs écrivaient. Une application adéquate des principes, tenant compte des connaissance scientifiques actuelles, porterait au contraire à soutenir la théorie de l'"animation immédiate" et à affirmer en conséquence la pleine humanité de l'être humain néoformé. - La vision "substantialiste" Selon l'interprétation du concept de personne du type "substantialiste", c'est-à-dire rapportée à la nature humaine en tant que telle, la personne se manifeste au travers de ses capacités et s'exprime dans ses comportements, mais ne s'épuise pas en eux, et encore moins se réduit à eux. En conséquence le fait que des caractères ou comportements déterminés ne soient pas encore présents dans les manifestations de la personne (ce qui est inévitable dans le cas de la

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18vie humaine prénatale), n'équivaut pas à l'absence de la personne. La personne existe avant et au-delà de la manifestation de ses capacités et de ses comportements. Dans le contexte du "substantialisme" s'insère aussi la théorie hylémorphique classique selon laquelle l'âme intellective est la forme substantielle du corps et le principe de son organisation. Grâce à la présence de l'âme intellective le corps se détermine, s'organise et se différencie; elle est en outre la condition ontologique pour l'exercice des activités humaines aussi bien inférieures que supérieures, tout en ne se résolvant pas en elles. La présence d'un fondement ontologique garantit l'unité interne et la continuité dans le temps de l'être humain personnel depuis le moment de sa constitution comme organisme. Selon cette perspective il n'y a pas de vie humaine "anonyme", dépourvue de sujet, et il ne peut pas y avoir une transition continue et graduelle de "quelle que chose" à "quelqu'un". On ne peut pas penser à une vie humaine sans penser à la vie d'un être humain spécifique. A l'appuis de cette position, il faut observer que la théorie de l'animation immédiate, appliquée à chaque être humain qui vient à l'existence, se montre pleinement cohérente avec la réalité biologique. Dans l'embryon humain existe dès le premier moment une disposition de la matière telle qu'elle peut guider graduellement la différentiation selon le programme de l'espèce humaine - si le processus s'interrompt ou est perturbé cela dépend de causes accidentelles qui peuvent être génétiques ou dériver d'agents extérieurs -. Cette perspective ne contredit pas, entre autres, les principes fondamentaux de la métaphysique de Saint Thomas. - Considérations conclusives La possibilité de superposer les concepts d'être humain et de personne mène à une position claire en ce qui concerne le début de la vie humaine: depuis le moment où l'on observe une individualité biologique humaine on a affaire à une personne; quand il y a l'être humain, en tant qu'organisme biologique vivant de l'espèce humaine, il y a la personne. La formation d'un nouvel organisme humain détermine le saut qualitatif au niveau biologique et aussi au niveau ontologique qui demeure jusqu'à la fin de son cycle vital. A chaque stade de son développement c'est toujours la même individualité humaine, avec son unité interne depuis le premier moment de sa constitution, qui est apte à diriger de manière autosuffisante son propre développement (même si elle dépend, dans les premières phases de sa croissance, de la relation avec la mère et avec le milieu extérieur), à être donc une "substance", c'est-à-dire un sujet subsistant, et donc "existant pour soi." Une substance dont la caractéristique structurelle et spécifique est la rationalité, abstraction faite de la capacité actuelle de l'exercer. B. CONSIDÉRATIONS ÉTHIQUES ET JURIDIQUES19 1) Les aspects éthiques Les aspects éthiques concernant l'embryon humain préimplantatoire (soit à un point de vue général, soit au niveau de considérations plus concrètes, relatives, par exemple, aux discussions concernant la possibilité de l'utiliser pour l'expérimentation ou comme donneur de cellules et de tissus) sont étroitement liés à la question ontologique, c'est-à-dire à l'identification

19 Les aspects éthiques et juridiques ont été examinés au cours d'une table ronde où ont été présentés les rapports suivants: "L'embrione preimpiantatorio tra biologia e filosofia: l'individuo" du prof.A.Gil Lopes; "L'embrione preimpiantatorio tra natura e persona" du prof.I.Carrasco De Paula; "Può un individuo umano non essere persona?", du prof.R.Spaemann; "Perchè il dovere della tutela giuridica dell'embrione?" du Dr Jean-Marie Le Mené.

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19de la vraie nature de l'embryon humain. En fait, entre la question éthique et le questionnement ontologique il y a une relation étroite parce que le respect dû à une entité dépend de sa valeur. Avec le terme "valeur" il ne faut pas entendre le prix de marché mais la valeur objective qui, dans le cas de l'homme, vient du fait d'avoir une nature rationnelle. Le terme "dignité" a été formulé précisément pour indiquer la valeur spécifique de l'homme; "persona significat id quod est perfectissimum in tota natura, scilicet subsistens in rationali natura", St. Thomas d'Aquin, Summa Theologiae, I, q.29, a.3. La dignité de la personne trouve là un fort appuis ontologique: qui est parfait ne peut pas ne pas être reconnu et respecté inconditionnellement dans sa vie et dans son intégrité. Dans cette perspective la dignité de l'homme assume une valeur inconditionnelle et ontologiquement fondée. Il faut souligner cependant que la question morale ne dépend pas seulement de l'ontologie, ainsi qu'il apparaît nettement dans l'instruction Donum Vitae. Dans ce document on affirme que chaque être humain doit être respecté comme personne depuis sa conception, en basant cette assertion sur trois arguments qui n'ont pas de rapport avec le thème de l'identité personnelle de l'embryon humain. Ceux-ci s'appuient par contre sur trois points différents: 1, l'argumentation biologique: les données fournies aujourd'hui par l'embryologie et la génétique nous permettent d'affirmer que depuis les premiers stades du développement embryonnaire on se trouve en présence d'une individualité biologique humaine; 2, l'argumentation biographique: il est évident que détruire un embryon humain signifie empêcher la naissance d'un être humain; 3, l'argumentation éthique: un principe général de la morale affirme qu'il n'est jamais permis d'agir avec une conscience douteuse. Si l'on doute, devant un embryon humain, de se trouver ou non en présence d'une personne humaine, il est nécessaire de respecter l'embryon humain comme s'il l'était; autrement on accepterait le risque de commettre un homicide. Du point de vue moral, donc, le fait simple d'être en présence d'un être humain exige à son égard le plein respect de son intégrité et de sa dignité: tout comportement qui d'une façon ou d'une autres pourrait représenter une menace ou une offense vis-à-vis de ses droits fondamentaux, en premier lieu le droit à la vie, doit être considéré comme gravement immoral. 2) Les considérations juridiques De cette perspective où l'on reconnaît l'être et la dignité de l'embryon humain comme valeurs absolues, découle le plein respect de son inviolabilité et le devoir de protéger son expression libre, avant tout sur le versant des droits humains; ce respect exige que l'on recherche toujours le bien véritable et entier de la personne; que l'on défende l'autonomie et la liberté de chaque être humain et que l'on évite toute forme de manipulation et de discrimination contre lui. Reconnaître que l'embryon est un être humain depuis le début de son cycle vital signifie aussi constater son extrême vulnérabilité, et cette vulnérabilité exige l'engagement pour la défense de celui qui est faible. Cette attention doit être garantie par une conduite éthique de la part des scientifiques et des médecins, et par une législation nationale et internationale en proportion. Les tentatives de dénier l'individualité, et donc les droits de l'embryon auxquelles aujourd'hui on assiste dans le domaine médical et biologiques se répercutent à leur tour sur la société toute entière, amenant une sous-évaluation de l'individu humain en particulier lorsqu'il est plus fragile et dans défense: si on ne garantit pas une protection réelle à l'homme dans ces circonstances, en particulier dans les situations de faiblesse majeure où il peut venir à se trouver, comment pourrait être protégé tout être humain, en toutes circonstances?

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INDEX

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21 Présentation............................... Introduction............................... Les aspects scientifiques.................. Les considérations bioéthiques............. Les considérations éthiques et juridiques..