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L’événement Fuir l’horreur Employés et clients du cinq- étoiles tentent de s’échapper par les fenêtres de l’hôtel dans la nuit du 26 novembre, trois heures après le début des attentats. Alors que les terroristes retiennent toujours leurs otages, l’édifice continue de brûler. Attentats à Bombay 174 morts, plus de 300 blessés, des hôtels de luxe attaqués et une vingtaine d’étrangers tués Le témoignage déchirant de deux Suissesses prises au piège Minute par minute, le scénario d’une opération d’une violence totale Parmi les victimes, des industriels connus et un rabbin. Leurs portraits L’analyse des causes de la tragédie Dans l’enfer du Taj Mahal L’ILLUSTRÉ 49/08 15 Photos: Lorenzo Tugnoli/AFP et A. Datta/Reuters

Attentats à Bombay l’enfer Dans - Quan Ly · L’analyse des causes de la tragédie ... par Claude depuis sa cachette à ... mon amie. On s’est retrouvés sur une grande place

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L’événement Fuir l’horreurEmployés et clients du cinq-étoiles tentent de s’échapper par les fenêtres de l’hôtel dans la nuit du 26 novembre, trois heures après le début des attentats. Alors que les terroristes retiennent toujours leurs otages, l’édifice continue de brûler.

Attentats à Bombay● 174 morts, plus de 300 blessés, des hôtels de luxe attaqués et une vingtaine d’étrangers tués● Le témoignage déchirant de deux Suissesses prises au piège● Minute par minute, le scénario d’une opération d’une violence totale● Parmi les victimes, des industriels connus et un rabbin. Leurs portraits● L’analyse des causes de la tragédie

Dans l’enfer du Taj Mahal

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Bombay, 26 novembreDes SMS à sa fille: «On tient le coup, merci d’être là»

La délivrance, enfin. Les visages sont hagards, marqués par la tension extrême des dernières heures. Claude (cerclée) envoie un ultime SMS pour rassurer sa fille. A ses côtés, un Français, qui était lui aussi dans le local, et son amie Arlette.

Enfin libresLa photo est emblématique. Les deux Genevoises sont libres, après s’être cachées pendant sept heures dans un local à bagages. Claude (cerclée) soutient son amie Arlette. Cette dernière, traumatisée, se repose chez elle, à Genève.

En vert, les messages envoyés par Claude depuis sa cachette à sa fille: «Je prie pour qu’on s’en sorte.» En gris, les réponses de cette dernière depuis la Suisse: «Surtout ne bougez pas. Il y a des otages de votre hôtel sur le toit.»

Le récit de deux Genev oises miraculées du Taj Mahal Genève, 1er décembre«On s’attendait à mourir à tout moment»Deux Genevoises, avec quatre autres personnes, se sont réfugiées dans un local à bagages durant sept heures pour échapper à la mort. Témoignage de l’une des deux rescapées.

Texte: Quan LyPhotos: François Grobet

«Quelle chance nous avons d’être au Taj.» Claude Pezet, 67 ans, et son amie Arlette Degenève,

deux Franco-Suis-ses, étaient si heureuses d’être dans ce somptueux palace que leur ami genevois Azim Abdulla leur avait recommandé. «C’était un endroit idyllique», se remémore aujourd’hui Claude, si heureuse d’être en vie. Avant de prendre leur

avion du retour, elles avaient mangé au restaurant de l’hôtel, au bord de la piscine. Le léger bruit des cou-verts et le murmure des voix, la lumière tamisée, les effluves du repas. Le calme avant la tempête. Qui s’est déchaînée à 22 heures, heure locale.

Des rafales de mitraillettes vers le lobby, des cris dans le hall d’ac-cueil. «Cela faisait trois semaines qu’on était en Inde, et on avait l’habitude d’entendre des pétards pour une fête locale. Mais, là, on a tout de suite compris que c’était différent.» Les gens se sont immé-

diatement levés de table pour se précipiter à l’étage. «Arlette a eu la bonne intuition de ne pas les suivre. On est allées tout droit et on s’est retrouvées devant un local à baga-ges en consignation, avec un Fran-çais et trois jeunes employés du Taj.» Six personnes entassées dans une pièce de 3 mètres sur 2, avec une trentaine de bagages. «Nous nous sommes cachées derrière des valises. On se tenait la main, et on parlait peu pour ne pas attirer l’at-tention sur nous.» Il faisait 45 degrés dans cet espace étriqué. Les deux femmes n’étaient pas

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TémoignageClaude Pezet, dans son appartement à Genève: «Le pire, c’étaient les hurlements. J’avais l’impression que la guerre était déclarée.»

L’événement

Un directeur en deuilDix de ses employés sont morts.

Encoresouslechoc,RaymondBickson,directeurgénéraldela

chaînehôtelièreTajàBombay,areprisletravaillecœurlourd,lundi.Pasmoinsdedixemployés,âgésde22à54ans,yontperdulavie.LafemmeetlesdeuxenfantsdesondirecteurgénéraldeBombay,KarimbirKang,ontététuésdurantlapremièrenuitparlesterroristes.«Cesprochainsjours,toutlepersonnelvavivreenpenséeavecceuxquiontlaisséleurvie.»Onzeautresemployésontétéblesséslorsdel’attaquedececinq-étoilesquicompteparmilesplusbeauxpalacesd’Asie,celuiquiaccueillaitlesrich and famous.Desterroristesont-ilstravailléauparavantauseindel’établissement,notammentdanslescuisines,commelesmédiasindiensl’ontrapporté?«Nouscollaboronsétroitementaveclesenquêteursetrienn’indiquequecesoitlecas.»NéàHawaii,RaymondBicksonconnaîtbienLausanne,oùilaobtenusondiplômedel’EcolehôtelièredeLausanne(EHL)en1979,etlaRivieralémanique,oùilatravailléauMontreuxPalaceavantdeprendrelechemindeBombayen2003.AveclechefbâloisAntonMosimannetseizeautresleadershôteliers,ilestl’undes18membresduComitéconsultatifinternationaldel’Ecolehôtelière.NulnesaitquandrouvriraleTajdeBombay.Sonaccèsestfermépourdesraisonsdesécurité,lefeuayantravagésesétagesaprèsl’assautdesforcesdesécurité.

Olivier Grivat

Patron du Taj Mahal, Raymond Bickson a aussi travaillé en Suisse.

habillées légèrement, puisqu’elles allaient rentrer en Suisse: «On ruisselait à grosses gouttes.» Ils resteront près de sept heures dans ce cagibi. Ce qui aurait pu devenir leur tombeau leur a au contraire sauvé la vie.

Les employés ont eu le réflexe de faire un mur de valises afin de bloquer la porte. «Je ne sais pas si c’était efficace, mais de les voir s’activer, cela m’a rassurée, raconte Claude. On a entendu des rafales et des explosions de grenades. J’avais l’impression que la guerre avait été déclarée. Mais ce qui va rester gravé dans ma mémoire, c’est les cris aigus d’un homme ou d’une femme. Je comprends mal l’anglais, mais on sentait à travers sa voix l’horreur, la panique face à ces hommes qui hurlaient sur cette personne. Une déflagration, et puis plus rien. Je ne sais pas si cette personne a été tuée, mais on ima-gine tout ce qu’on veut dans ces moments-là. C’était horrible d’en-tendre ces cris. La mort était là, autour de nous. On s’attendait à mourir à tout moment.» «On est en plein milieu; ils sont juste à côté», subodo-rait le Fran-çais.

«On a vécu la terreur, le cau-chemar. Vous êtes figés dans une peur perma-nente, mais quand vous êtes dans l’événement, vous la dépassez. On a des ressour-ces énormes dans le moment présent. Aucun d’entre nous n’est parti en vrille; on est restés stoïques.» Et, pour tenir le coup, ils ont tous parlé à leurs proches avec leur portable. Claude communiquait avec son ami Azim Abdulla et sa fille Karen Le Drian. Depuis Genève, ils suivaient avec angoisse les événements tragiques qui défi-laient sur CNN et sur l’internet. Ils ont été les yeux de Claude, le lien avec l’extérieur. «J’étais sur place, mais je ne voyais rien.» Ils se sont échangé une quinzaine de SMS et se sont rassurés mutuellement. Claude: «Je suis calme et prie pour

qu’on s’en sorte.» Eux: «80 morts, 250 blessés, des otages: NE BOUGEZ PAS! Les autorités sont au courant

de votre pré-sence; elles vont

venir vous chercher.» Karen et Azim, qui connaissait très bien le Taj, ont contacté les autori-tés françaises et suisses pour leur indiquer où les six personnes se trouvaient exactement. En atten-dant les secours, ces dernières savaient qu’il y avait aussi le feu à l’étage. Angoisse supplémentaire. «J’essayais de sentir s’il y avait de la fumée au rez-de-chaussée. Mais rien.»

Un moment, il leur semble qu’on frappe à la porte et qu’on crie: «Police!» Les employés

indiens, par prudence, n’ont pas ouvert. «Bien leur en a pris car, cinq minutes après, une grenade a été lancée dans le couloir et a endommagé le haut de la porte de notre local. Du coup, on a éteint.» Plongés dans l’obscurité, tout juste éclairés par la lumière de leur portable. «On a remis les valises devant la porte, mais on se sentait moins protégés.» Il y avait de grands moments de silence. Et, au moment on la tension baissait, les rafales et les explosions repar-taient de plus belle. «Je ne savais pas si on allait s’en sortir ou pas», reconnaît Claude.

Enfin évacuésCe sont les pompiers qui les ont sauvés. A trois ou quatres mètres du local, ils ont brisé la vitre d’une fenêtre pour les évacuer de l’hôtel et les faire pénétrer dans un camion. A l’extérieur, il y avait des hommes du feu qui s’activaient et un cordon militaire. «Le Français est sorti du camion, Arlette l’a suivi et j’ai suivi mon amie. On s’est retrouvés sur une grande place avec un mouve-ment de foule qui hurlait. C’est là où j’ai eu le plus peur.» Ils ont erré pendant une heure, livrés à eux-mêmes, sans que personne ne les prenne en charge.

Les rescapés ont été finalement évacués dans un bâtiment voisin avec d’autres touristes. Des bois-sons chaudes, des couvertures les attendaient. «Les gens étaient cal-mes, mais prostrés.» Un ami d’Azim, qui habitait à cinq minu-tes du Taj, est venu chercher les deux femmes et le Français pour les loger dans son appartement. «On n’était plus dans l’urgence, et c’est à ce moment que je me suis sentie vraiment en sécurité.»

Les consulats suisse et français l’ont contactée, se sont assurés qu’elle avait son passeport, de l’ar-gent et son billet d’avion: «Les Français m’ont demandé si j’avais le livret de famille avec moi… Aberrant. Sachant qu’on n’allait pas récupérer nos affaires, on a décidé de partir le plus vite possible.» L’agence de voyages Helvetic Tour les a pris en charge pour le retour, le samedi 29 novembre.

Et dire que Claude était partie avec Arlette pour un séjour d’un mois dans une clinique ayurvédi-que de remise en forme, de bien-être… Q. L. J

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Claude chez elle. Ci-contre, sur son iPhone, une photo d’Arlette, amie qu’elle connaît depuis quarante ans, prise au Taj, quelques heures avant l’attaque.

L’événement

LesitedelacélèbremarquedelingeriefémininePrincessetam.tamindiquesimplement:«LoumiaHiridjeeetMouradAmarsynousontquittés.Nouslesaimionstant.»Agéede46ans,lafondatricedecettesociétédînaitmercredisoiravecsonmaridanslerestaurantdel’hôtelOberoi.Ilsontétéfauchésparlesballesducommandoterroriste.Unefincruellepouruneétonnantesuccess story.Ilsn’avaientpas22ansquandilsfondèrentcetteentrepriseparisienne,espiègleetdécomplexée.Avecunsuccèsfulgurant.Managerdel’année1994,Prixdelafemmed’affaires1996,prochedelaministreRachidaDati,Loumia

Hiridjeeavaitgrandidansunefamilledemarchandsmusulmanspartisd’Indepours’installeràMadagascar.Ilyauneannée,elleavaitquittélaFranceavecsonmarietleurstroisenfants.IlsavaientvoulurevenirenInde,làoùlafamilledeLoumiaavaitsesracines.Ellesouhaitaitaiderlesfemmesindiennesàs’ouvriraumonde.Lefanatismel’auraprécédée.

Cen’étaitpasn’importequi,commesouventlesclientsdegrandshôtels.L’hommed’affairesanglaisAndreasLiveras(73ans)dirigeaitunesociétépropriétairedeyachtsluxueux.VenuàBombaypourunboatshow,ilapujoindreunjournalistedelaBBCjusteavantdetrouverlamort.«Ilsnousontamenésdanslacuisineet,delà,dansunecave,avantdenousremonterdansunsalonoùnoussommesmaintenant,décrivait-il.Ildoityavoirplusde1000personnes.Nousnesommespascachés,noussommesenfermés,personnenenousditrien.Pourlemoment,c’estcalme.Ladernièrebombeaexploséilyaquarante-cinqminutes,ellea

faittremblertoutl’hôtel.Personnen’entreetpersonnenesort.Noussommestoussurlesnerfs.»Cefurentsesdernièresparoles.D’aprèssonassistant,lesterroristesontalorsséparéAnglaisetAméricainsdesautresotages.Ilsenontexécutésixausous-sol,dontLiveras.Tragiqueironie,cedoublenationalpossédaitunpasseportchypriote.Maisilneleportaitjamaissurlui.

LerabbinGabrielHoltzberg(29ans)etsonépouse,Rivka(28ans),dirigeaientdepuiscinqanslecentreBeithHabad,siègedumouvementorthodoxejuifLoubavitch.Ilsn’ontpassurvécuàlaviolenteprised’otagesdontleurbâtimentaétélacibleetquiaégalementcoûtélavieàsixautresjuifsouIsraéliens.Lejeudimatin,lagouvernanteindienneSandraSamuelapucourageusements’enfuiretsauverleurfilsde2ans,Moshé.«C’étaithorribleàl’intérieur,a-t-elleraconté.Ilyavaitdesexplosionspartout.J’aivulerabbinetsafemmeallongés,inconscients.Chaquesoir,c’étaitsamèrequimettaitMoshéaulit.Aprésent,ilest

totalementperdu,ilnecomprendpascequisepasse.»L’enfantseraconfiéàsesgrands-parents,enIsraël.Doublesnationauxisraéliensetaméricains,RivkaetGabrielHoltzbergavaientgrandiàBrooklyn.Ilsseconsacraientaux1500juifsindiensdeBombay.Lecentreconstitueaussiunlieud’accueilimportantpourlestouristesisraéliens.M. D.

Ex-trésorierdupartipolitiqueCSUàMunich,ex-vice-présidentduclubdefootballdeMunich1860,RalphBurkei(51ans)passaitdeuxsemainesenIndeavecsacompagneUte,unestewardessavecquiilvivaitdepuistroisans.Paniqués,entendantcoupsdefeuetdéflagrations,ilsonttentédedescendredeleurchambre,situéeausixièmeétageduTajMahal.Ilssonttombés.Aterre,l’hommeaencoreeulaforcedetélé-phoneràunamienAllemagne:«Jesuisgrièvementblessé,toutbrûle,celatiredepartout,jenepeuxplusbouger.Jemesuisaumoinscassélebassin.Jenesaispassijepourrairemarcherunjour.Siquelqu’unnevient

pasvite,jevaismourir!»Auxabois,sonamiaalorsappelédésespérémentdusecours.Delonguesminutesplustard,c’estUtequiluiarépondu.«Noussommesàl’hôpitaletRalphnedonneplussignedevie.Jecroisqu’ilestmort.»Puis,plustard:«Noussommeslesdeuxdanslachambre,j’ailedosbrisé(deuxvertèbreslombairesfracturées).»EtRalph?«Ralphestmort.»

Mercredi 26 novembre21 h Une dizaine d’hommes accostent dans le port de Bombay (Gateway of India). Ils débarquent de canots pneu-matiques après avoir tué l’équipage d’un bateau de pêche indien, le «Kuber». Ils portent de gros sacs sur leur dos. Quand un des responsables du port leur demande ce qu’ils transportent, ils répondent par un sec «Laissez-nous tranquilles!»

21 h 20 Deux hommes sur une moto lancent une grenade sur une station-service dans le sud de la ville. Ils courent ensuite en direction de la Nariman House, siège d’un mouvement juif orthodoxe. Ils prennent notamment en otages le rabbin Gabriel Holtzberg et sa famille. On suspecte la présence d’au moins quatre terroristes dans le bâtiment.

21 h 25 Cinq hommes armés surgissent dans le populaire Leopold Cafe et ouvrent le feu.

21 h 45 Une poignée d’hommes armés, dont ceux qui ont attaqué le Leopold Cafe, pénètrent dans le hall de l’hôtel Taj Mahal et enferment les convives attablés dans des pièces. A ce moment-là, environ 450 personnes logent dans cet établissement, qui comprend 565 chambres.

21 h 45 Un autre groupe de terroristes surgit dans l’hôtel Oberoi, un autre cinq-étoiles, et tire sur les clients. Plus d’une centaine d’hôtes sont pris en otages. Cet établissement de 337 chambres héberge environ 380 personnes.

22 h Une bombe explose dans un taxi à Vile Parle, tuant son chauffeur. Une autre bombe explose quarante-cinq minutes plus tard à Wadi Bandar. Le chauffeur trouve aussi la mort.

22 h 15 Deux terroristes sur un scooter se déplacent jusqu’à l’hôpital Cama et y ouvrent le feu. Deux officiers de police se trouvent parmi les victimes.

22 h 30 Quatre hommes entrent dans la gare de Chhatrapati. Deux d’entre eux mitraillent la foule pendant que les deux autres se dirigent vers le complexe de cinéma voisin (Cinema Metro). Au moins 50 personnes sont tuées dans la gare.

22 h 35 Coups de feu à l’hôpital Gokuldas Tepjal.

Minuit L’étage supérieur du Taj Mahal prend feu après l’explosion d’une bombe.

Jeudi 27 novembre2 h Le chef indien de la police antiterroriste est tué dans un combat. Deux autres importants responsables de la police trouvent aussi la mort.

8 h Les forces de sécurité commencent à pénétrer à l’intérieur des hôtels. Des tirs sporadiques ont lieu.

12 h 45 Des commandos de la police pénètrent dans l’hôtel Oberoi.

14 h 30 Le directeur général de la police annonce qu’il n’y a plus d’otages dans le Taj Mahal.

17 h 30 Des flammes sortent d’une fenêtre du Taj Mahal et des coups de feu résonnent dans l’Oberoi. Les forces de sécurité se préparent pour l’assaut final.

22 h 30 Le premier ministre indien Manmohan Singh arrive à Bombay.

Vendredi 28 novembre 2 h 30 D’énormes explosions résonnent dans la Nariman House.

5 h Une troisième grosse explosion secoue la Nariman House. Des comman-dos sont aéroportés sur le toit.

14 h 45 La police reprend le contrôle de l’hôtel Oberoi. Près d’une centaine d’otages peuvent quitter l’établis-sement. Parmi eux, un équipage d’Air France, ainsi que 20 autres Français. On découvre officiellement 24 corps dans l’hôtel.

21 h Des tirs sont toujours entendus dans l’hôtel Taj Mahal.

Samedi 29 novembre3 h 50 Nouveaux et intenses échanges de coups de feu au premier étage de l’hôtel Taj Mahal.

8 h 20 «L’opération Taj est terminée. Les deux dernières poches de terroristes sont tombées», annonce le chef de la police indienne.

12 h Confirmation que trois militants islamistes ont été abattus au Taj Mahal.

Dimanche 30 novembre 8 h Démission du ministre indien de l’Intérieur, Shivraj Patil. Il déclare devoir assumer «la responsabilité morale» des événements après les attaques meurtrières. Son conseiller à la sécurité nationale l’imite, ainsi que le chef des gardes-côtes de Bombay, qui «a décidé de partir à la retraite», selon l’agence de presse Trust of India.

Le Leopold Cafe ouvre de nouveau ses portes. Des centaines de personnes manifestent dans la rue pour condamner l’échec du gouvernement.

Ralph Burkei(Allemagne)

Tombé en s’enfuyantRivka et Gabriel Holtzberg(Israël-USA)

Tués devant leur fils

Fauchée à sa tableLoumia Hiridjee(France)

Exécuté au sous-solAndreas Liveras(GB)

Hôtel Taj Mahal

Gateway of IndiaLeopold Cafe

Nariman House

Hôtel Oberoi

Cinema Metro

Hôpital Cama

Hôpital Gokuldas Tepjal

Gare de Chhatrapati

Le drame, minute par minute

Bombay, ville en guerreDes personnalités étrangères en vue figurent parmi les victimes des attentats. Elles n’ont pas eu l’ombre d’une chance.

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Déchirure Quand les Britan-niques lâchent la plus grosse perle de leur empire, une élite musul-mane, qui redoute l’océan hindou, impose dans le sang et l’exode la création du Pakistan. C’est une construction artificielle, en deux moignons: à l’ouest autour de Karachi, à l’est autour de Dacca. L’Inde interdit un référendum au Cachemire, qui aurait été favora-ble au nouvel Etat. En 1971, le Pakistan perd sa partie orientale, qui devient le Bangladesh.

Fusils Ce qui reste du Pakistan est très fragile: il n’y a pas de lien fort entre les nations qui le com-posent: Panjab, Sind, Baloutchis à l’ouest et Pashtouns au nord-ouest. Le seul ciment, c’est une armée à poigne et des services secrets hypertrophiés (ISI). Les généraux ont deux obsessions: récupérer le Cachemire en y entre-tenant une guérilla; étendre leur influence sur l’Afghanistan où les Pashtouns, minoritaires au Pakis-tan, sont la majorité.

Djihad L’invasion de l’Afghanis-tan par les Soviétiques est une aubaine pour les militaires pakis-tanais. Les pétrodollars saoudiens et les armes américaines déferlent sur le pays, devenu base arrière de cet épisode de la guerre froide rebaptisé djihad. L’armée rouge doit battre en retraite. Les moud-jahidin prennent Kaboul mais commencent très vite à s’entre-tuer. L’ISI et les généraux lèvent alors une nouvelle vague de dji-hadistes: les talibans.

Al-Qaida Le 11 septembre 2001 est aussi un traumatisme pour le Pakistan. Le général Pervez Mu- sharraf est sommé par George Bush de choisir son camp: l’Amé-rique ou les talibans, protecteurs d’al-Qaida. Il cède au plus fort, mais sans jamais renoncer à l’ob-session de son armée: le Cache-mire et l’influence jusqu’à Kaboul. Les djihadistes restent maîtres du réduit montagneux dans le nord-ouest pakistanais, avec Oussama Ben Laden dans une grotte.

Obama Le président élu des Etats-Unis a un plan. Envoyer des renforts en Afghanistan contre les talibans ne suffit pas. Il faut, lui soufflent ses conseillers, encou-rager un rapprochement ébauché entre l’Inde et le Pakistan, faire baisser la tension au Cachemire et reprendre le contrôle des zones tribales pashtouns. Les civils qui ont chassé Musharraf sont inté-ressés: ils ferment les yeux sur les frappes américaines dans le réduit

pashtoun, et ils ont démantelé, trois jours avant l’assaut contre Mumbai, la structure politique de l’ISI qui menait le double jeu avec les djihadistes.

Massacre La tuerie de Bombay est donc une réponse anticipée à Barack Obama. Le commando a frappé au moment même où les Cachemiris sont appelés à parti-ciper à des élections que la guérilla condamne. La tension entre le

Pakistan et l’Inde est d’un coup remontée au rouge. Les généraux d’Islamabad parlent déjà de retirer des troupes du réduit pashtoun, à la frontière afghane, pour les déployer sur la frontière indienne. Pour le nouveau président amé-ricain, le jeu se complique déjà. Seule lueur d’espoir: la faiblesse de l’islam radical en Inde et aussi, quoi qu’on en pense, au Pakistan lui-même.

Alain Campiotti

L’événement

Comprendre les attentatsLe commando qui a semé la terreur à Bombay était une machine à tuer parfaitement huilée. Par qui et pour quoi? La réponse n’est pas dans l’Inde inégalitaire des castes et des classes. Pour comprendre, il faut partir d’une date: 1947.

Très jeunes Selon des témoins, les terroristes étaient jeunes, propres sur eux, cheveux bien coupés et visages rasés de près.

Arsenal de mort Leurs sacs à dos étaient chargés d’armes, dont des AK-47, pistolets, grenades et autres explosifs, des GPS et téléphones satellite. Un seul package contenait 400 chargeurs. Selon la police, ils possédaient assez de munitions pour tuer 5000 personnes.

De la nourriture pour plusieurs jours La police a affirmé que les terroristes avaient emporté de nombreux vivres, surtout des fruits secs, laissant supposer qu’ils étaient prêts à une lutte prolongée ou à tenir un siège. Ils auront tenu pendant trois jours de bataille.

Tenue de combat Vêtus à l’occidentale, ils portaient des habits confortables, multi-poches, discrets, T-shirts bien coupés ou vestes en jean ordinaires.

Ils n’auraient été que dix, tous très jeunes, ultraentraînés, équipés avec des armes sophistiquées. Le seul assaillant ayant survécu, Azam Amir Kassav, 21 ans, résident du Pakistan, affirmera «ne rien regretter».

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