2
Lettre a ` la re ´daction Attention, les corticoı ¨des par inhalation doivent e ˆtre prescrits a ` doses suffisantes et de fac ¸on re ´pe ´te ´e au cours des premie `res heures de la crise d’asthme ! Caution corticoids by inhalation must be prescribed to sufficient doses and repeated during the first hours of the asthma attack Il n’est pas rare que des médecins prescrivent des corticoïdes inhalés (CI) aux doses usuelles celles que préconisent les recommandations du traitement de fond dans le traitement de la crise d’asthme [1] au lieu d’utiliser des corticoïdes oraux comme le recommande le Global Initiative for Asthma (GINA) [2]. Dans le supplément n o 1 du volume 50 (avril 2010) de la Revue Française d’Allergologie [3] consacré aux points forts de l’American Academy of Allergy Asthma and Immunology (AAAAI), nous avons signalé l’étude de Chaudry et al. [4], une revue systématique comportant dix études qui comparait 388 enfants recevant des CI, 337 enfants prenant des corticoïdes per os (CPO) et 298 un placebo. Les conclusions étaient à l’avantage des CI puisque, en substance, « pour éviter une hospitalisation, il fallait traiter cinq enfants avec les CI et huit enfants avec les CPO ». Toutefois, les doses de CI préconisées n’étaient pas explicitement indiquées. Or, dans la pratique, lorsque les CI sont utilisés, les doses sont le plus souvent celles du traitement de fond, très rarement supérieures et/ou répétées à intervalles rapprochés au cours des premières heures de la crise [1]. Une telle attitude n’est pas recommandée ! Il nous a donc paru utile de rappeler la méta-analyse de Rodrigo [5] qui, pour évaluer l’intérêt clinique des CI au cours de l’asthme aigu aux urgences, les compare aux CPO et à un placebo. L’auteur a retenu 17 études parues entre 1996 et 2006, concernant 470 adultes et 663 enfants ou adolescents. Bien que différents, les protocoles utilisés durant les deux à quatre premières heures avaient en commun de faire appel à des doses de CI fortes et répétées. Bien évidemment, tous les patients recevaient des bêta 2-stimulants d’action rapide et courte (B2-CA). Cette méta-analyse montre, au bout de quatre heures, une forte réduction du risque d’hospitalisation, en particulier contre le placebo (OR 0,30 [IC 95 % 0,160,55]). De plus, l’améliora- tion des symptômes cliniques était plus rapide avec les CI qu’avec les CPO ou le placebo ainsi que le retour à domicile (OR 4,70 [IC 95 % 2,977,42]). De plus, la supériorité des CI utilisés à doses répétées se traduisait par une amélioration des scores cliniques ( p < 0,0001) et des paramètres d’exploration fonctionnelle respiratoire (surtout au bout de 120, 180 et 240 minutes) [5]. En conclusion, la méta-analyse de Rodrigo [5] indique que les CI peuvent être recommandés au cours du traitement de l’asthme aigu en association avec les B2-CA. Les CI (fluticasone ou budésonide) peuvent être administrées par chambre d’inhalation ou nébuliseur, toutes les dix à 30 minutes. Les doses minimales de fluticasone ou de budésonide nébulisées sont respectivement de 500 microgrammes toutes les 15 minutes et de 800 microgrammes toutes les 30 minutes. L’utilisation de 400 microgrammes de budésonide toutes les 30 minutes via une chambre d’inhalation est également efficace. L’étude suggère également que 500 microgrammes de fluticasone par chambre d’inhalation toutes les dix minutes sont plus efficaces. En tout cas, le traitement par CI doit durer au minimum 90 minutes, mais il peut être prolongé avec bénéfice [5]. En pratique, les publications ayant servi à la réalisation de ces méta-analyses ayant utilisé des protocoles plutôt hétérogènes, des travaux complémentaires nous semblent indispensables. De plus, l’utilisation des CI, si elle était validée, ne pourrait s’appliquer qu’à des situations où la surveillance du patient est assurée pendant plusieurs heures, aux urgences hospitalière, et non en ambulatoire où elle est difficile, sinon impossible. En pratique courante, il faut donc rappeler avec insistance que les CI donnés à la posologie de l’AMM du traitement de fond de l’asthme n’ont pas leur place au cours du traitement de la crise d’asthme. Si les CPO sont utilisés, la posologie, en une seule prise orale, est de 1 à 2 mg/kg pour la prednisone ou la prednisolone, pour une durée qui peut aller jusqu’à cinq jours [6]. La voie veineuse n’est pas supérieure à la voie orale, sauf en cas d’intolérance gastrique ou de vomissements. Conflit d’intérêt Invité comme intervenant au cours de congrès médicaux d’allergologie (en particulier CFA) par diverses firmes au cours des trois dernières années (ALK Abello, Therabel-Lucien- Pharma, Bouchara). Références [1] Bidat E. Communication personnelle. [2] Global initiative for asthma. http://www.ginasthma.com/, consulté le 26 mai 2010. Revue française d’allergologie 50 (2010) 473474 1877-0320/$ see front matter # 2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.reval.2010.06.004

Attention, les corticoïdes par inhalation doivent être prescrits à doses suffisantes et de façon répétée au cours des premières heures de la crise d’asthme !

  • Upload
    g-dutau

  • View
    216

  • Download
    2

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: Attention, les corticoïdes par inhalation doivent être prescrits à doses suffisantes et de façon répétée au cours des premières heures de la crise d’asthme !

Lettre a la redaction

Revue française d’allergologie 50 (2010) 473–474

Attention, les corticoıdes par inhalation doivent etreprescrits a doses suffisantes et de facon repetee au cours

des premieres heures de la crise d’asthme !

Caution corticoids by inhalation must be prescribed tosufficient doses and repeated during the first hours of theasthma attack

Il n’est pas rare que des médecins prescrivent des corticoïdesinhalés (CI) aux doses usuelles – celles que préconisent lesrecommandations du traitement de fond – dans le traitement de lacrise d’asthme [1] au lieu d’utiliser des corticoïdes oraux commele recommande le Global Initiative for Asthma (GINA) [2].

Dans le supplément no 1 du volume 50 (avril 2010) de laRevue Française d’Allergologie [3] consacré aux points forts del’American Academy of Allergy Asthma and Immunology(AAAAI), nous avons signalé l’étude de Chaudry et al. [4], unerevue systématique comportant dix études qui comparait388 enfants recevant des CI, 337 enfants prenant des corticoïdesper os (CPO) et 298 un placebo. Les conclusions étaient àl’avantage des CI puisque, en substance, « pour éviter unehospitalisation, il fallait traiter cinq enfants avec les CI et huitenfants avec les CPO ». Toutefois, les doses de CI préconiséesn’étaient pas explicitement indiquées. Or, dans la pratique,lorsque les CI sont utilisés, les doses sont le plus souvent cellesdu traitement de fond, très rarement supérieures et/ou répétées àintervalles rapprochés au cours des premières heures de la crise[1]. Une telle attitude n’est pas recommandée !

Il nous a donc paru utile de rappeler la méta-analyse deRodrigo [5] qui, pour évaluer l’intérêt clinique des CI au coursde l’asthme aigu aux urgences, les compare aux CPO et à unplacebo. L’auteur a retenu 17 études parues entre 1996 et 2006,concernant 470 adultes et 663 enfants ou adolescents. Bien quedifférents, les protocoles utilisés durant les deux à quatrepremières heures avaient en commun de faire appel à des dosesde CI fortes et répétées. Bien évidemment, tous les patientsrecevaient des bêta 2-stimulants d’action rapide et courte(B2-CA).

Cette méta-analyse montre, au bout de quatre heures, uneforte réduction du risque d’hospitalisation, en particulier contrele placebo (OR 0,30 [IC95 % 0,16–0,55]). De plus, l’améliora-tion des symptômes cliniques était plus rapide avec les CIqu’avec les CPO ou le placebo ainsi que le retour à domicile(OR 4,70 [IC95 % 2,97–7,42]). De plus, la supériorité des CIutilisés à doses répétées se traduisait par une amélioration desscores cliniques ( p < 0,0001) et des paramètres d’exploration

1877-0320/$ – see front matter # 2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservdoi:10.1016/j.reval.2010.06.004

fonctionnelle respiratoire (surtout au bout de 120, 180 et240 minutes) [5].

En conclusion, la méta-analyse de Rodrigo [5] indique queles CI peuvent être recommandés au cours du traitement del’asthme aigu en association avec les B2-CA. Les CI(fluticasone ou budésonide) peuvent être administrées parchambre d’inhalation ou nébuliseur, toutes les dix à 30 minutes.Les doses minimales de fluticasone ou de budésonidenébulisées sont respectivement de 500 microgrammes toutesles 15 minutes et de 800 microgrammes toutes les 30 minutes.L’utilisation de 400 microgrammes de budésonide toutes les30 minutes via une chambre d’inhalation est égalementefficace. L’étude suggère également que 500 microgrammesde fluticasone par chambre d’inhalation toutes les dix minutessont plus efficaces. En tout cas, le traitement par CI doit durerau minimum 90 minutes, mais il peut être prolongé avecbénéfice [5].

En pratique, les publications ayant servi à la réalisation deces méta-analyses ayant utilisé des protocoles plutôthétérogènes, des travaux complémentaires nous semblentindispensables. De plus, l’utilisation des CI, si elle étaitvalidée, ne pourrait s’appliquer qu’à des situations où lasurveillance du patient est assurée pendant plusieurs heures,aux urgences hospitalière, et non en ambulatoire où elle estdifficile, sinon impossible.

En pratique courante, il faut donc rappeler avec insistanceque les CI donnés à la posologie de l’AMM du traitement defond de l’asthme n’ont pas leur place au cours du traitement dela crise d’asthme. Si les CPO sont utilisés, la posologie, en uneseule prise orale, est de 1 à 2 mg/kg pour la prednisone ou laprednisolone, pour une durée qui peut aller jusqu’à cinq jours[6]. La voie veineuse n’est pas supérieure à la voie orale, sauf encas d’intolérance gastrique ou de vomissements.

Conflit d’intérêt

Invité comme intervenant au cours de congrès médicauxd’allergologie (en particulier CFA) par diverses firmes au coursdes trois dernières années (ALK Abello, Therabel-Lucien-Pharma, Bouchara).

Références

[1] Bidat E. Communication personnelle.[2] Global initiative for asthma. http://www.ginasthma.com/, consulté le

26 mai 2010.

és.

Page 2: Attention, les corticoïdes par inhalation doivent être prescrits à doses suffisantes et de façon répétée au cours des premières heures de la crise d’asthme !

Lettre à la rédaction / Revue française d’allergologie 50 (2010) 473–474474

[3] Dutau G. Congrès de l’American Academy of Allergy Asthma & Immu-nology (AAAAI 20˚10). Rev Fr Allergol 2010;50(Suppl. 1):S4.

[4] Chaudhry RQ, Weinstein ME, Petrova A. Efficacy of inhaled compared tooral corticosteroids for acute asthma exacerbation in children. J AllergyClin Immunol 2010;125(Suppl. 1):AB69 [Abs. 271].

[5] Rodrigo GJ. Rapid effects of inhaled corticosteroids in acute asthma. Anevidence-based evaluation. Chest 2006;130:1301–11.

[6] de Blic J. Asthme de l’enfant et du nourrisson. In: de Blic et J, Delacourt C,editors. Pneumologie pédiatrique. Paris: Flammarion Médecine-Sciences;2009. p. 123–39.

G. Dutau

9, rue Maurice-Alet, 31400 Toulouse, FranceAdresse e-mail : [email protected]

Recu le 20 mai 2010

Accepte le 27 mai 2010

Disponible sur Internet le 14 juillet 2010