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Douleurs, 2004, 5, 1 5 ÉDITORIAL Attentions et intentions face au malade douloureux chronique Charles Joussellin (photo) (1) , Claudie Helsens (2) , Annie Pétrognani (3) , Comment se fait-il que des patients disent parfois en fin de consultation : « Merci, c’est la première fois que l’on m’écoute… » ou « Au moins vous, vous croyez que j’ai mal… » ? Comment se fait-il qu’à la suite d’une première consultation, qui n’a donné lieu à aucune prescription ou modification de traitement en cours, les patients ressentent un net soulagement de leur douleur chronique ? À l’inverse, comment se fait-il que de savantes prescriptions réputées efficaces ne le soient parfois pas du tout ? La réponse se trouve dans la nature des acteurs en cause lors de la consultation d’un malade douloureux chronique : ce sont des Hommes. Cinq étapes préliminaires à toute prescription me semblent alors indispensables. Quelle que soit la prescription dans ce cadre là. ACCUEILLIR ET RECUEILLIR La capacité du patient à transmettre le vécu de ses douleurs et ses conséquences socio-familiales dépend en grande partie de l’accueil reçu. Un Homme, prati- cien, ne reçoit pas un symptôme, il reçoit un autre Homme, souffrant. PRENDRE EN COMPTE LA DOULEUR Ce ne sont pas des mots, il ne s’agit pas de croire à la douleur de l’autre. Si la douleur est énoncée, aucun doute n’est possible, le patient souffre. Les simula- teurs de la douleur n’existent pas. Face à un patient douloureux chronique, une telle attention est un gage d’amélioration. ÉVOQUER LE CHANGEMENT Une douleur chronique envahit toute la vie du sujet, à chaque instant, tous les jours. En s’estompant, cette douleur apportera des modifications dans tout l’espace socio-familial du patient. Un travail psychique d’adaptation s’avère indispensable avant tout changement. Le praticien doit évoquer ces modifica- tions possibles et laisser du temps pour la réflexion consciente et/ou inconsciente. 1. Praticien Hospitalier, Responsable Équipe Mobile de Soins Palliatifs et Consultations Soins Palliatifs et Douleur, Centre Hospitalier de Seclin, Avenue des marronniers, 59113 Seclin. 2. Médecin Généraliste, 95000 Cergy. 3. Infirmière Clinicienne, Équipe Mobile de Soins Palliatifs et Consultations Soins Palliatifs et Douleur, Service du Dr A. Baulon, Médecin coordinateur Dr J.-M. Gomas, Hôpital Sainte-Périne, 75016 Paris. Tirés à part : Ch. JOUSSELLIN, Équipe Mobile de Soins Palliatifs, Centre Hospitalier, Avenue des Maronniers, 59113 Seclin. e-mail : [email protected]

Attentions et intentions face au malade douloureux chronique

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Page 1: Attentions et intentions face au malade douloureux chronique

Douleurs, 2004, 5, 1

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É D I T O R I A L

Attentions et intentions face au malade douloureux chronique

Charles

Joussellin (photo)

(1)

,

Claudie

Helsens

(2)

,

Annie

Pétrognani

(3)

,

Comment se fait-il que des patients disent parfois en fin de consultation :

« Merci, c’est la première fois que l’on m’écoute… » ou « Au moins vous, vous

croyez que j’ai mal… » ?

Comment se fait-il qu’à la suite d’une première consultation, qui n’a donné lieu à

aucune prescription ou modification de traitement en cours, les patients ressentent

un net soulagement de leur douleur chronique ? À l’inverse, comment se fait-il que

de savantes prescriptions réputées efficaces ne le soient parfois pas du tout ?

La réponse se trouve dans la nature des acteurs en cause lors de la consultation

d’un malade douloureux chronique : ce sont des Hommes.

Cinq étapes préliminaires à toute prescription me semblent alors indispensables.

Quelle que soit la prescription dans ce cadre là.

ACCUEILLIR ET RECUEILLIR

La capacité du patient à transmettre le vécu de ses douleurs et ses conséquences

socio-familiales dépend en grande partie de l’accueil reçu. Un Homme, prati-

cien, ne reçoit pas un symptôme, il reçoit un autre Homme, souffrant.

PRENDRE EN COMPTE LA DOULEUR

Ce ne sont pas des mots, il ne s’agit pas de croire à la douleur de l’autre. Si la

douleur est énoncée, aucun doute n’est possible, le patient souffre. Les simula-

teurs de la douleur n’existent pas. Face à un patient douloureux chronique,

une telle attention est un gage d’amélioration.

ÉVOQUER LE CHANGEMENT

Une douleur chronique envahit toute la vie du sujet, à chaque instant, tous les

jours. En s’estompant, cette douleur apportera des modifications dans tout

l’espace socio-familial du patient. Un travail psychique d’adaptation s’avère

indispensable avant tout changement. Le praticien doit évoquer ces modifica-

tions possibles et laisser du temps pour la réflexion consciente et/ou inconsciente.

1. Praticien Hospitalier, Responsable Équipe Mobile de Soins Palliatifs et Consultations SoinsPalliatifs et Douleur, Centre Hospitalier de Seclin, Avenue des marronniers, 59113 Seclin.2. Médecin Généraliste, 95000 Cergy.3. Infirmière Clinicienne, Équipe Mobile de Soins Palliatifs et Consultations Soins Palliatifset Douleur, Service du Dr A. Baulon, Médecin coordinateur Dr J.-M. Gomas, HôpitalSainte-Périne, 75016 Paris.

Tirés à part : Ch. JOUSSELLIN, Équipe Mobile de Soins Palliatifs,Centre Hospitalier, Avenue des Maronniers,59113 Seclin.e-mail : [email protected]

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Douleurs, 2004, 5, 1

6DÉTERMINER UN OBJECTIF MODESTE ET RÉALISTE

C’est en collaboration avec le patient que sera déterminé un objectif modeste

et réaliste. Cet objectif doit être nommé clairement. Modeste, il pourra plus faci-

lement être atteint. Réaliste, il évitera les illusions qui déçoivent…

OBTENIR L’ADHÉSION DU PATIENT AVANT DE PRESCRIRE

L’adhésion du patient à un traitement est un préalable indispensable : attendre

un acquiescement, verbal ou non verbal, avant de prescrire. Ne pas se précipiter

afin de respecter le rythme du patient.

En conclusion, observons-nous et écoutons-nous pour apprendre à accueillir, à

nommer, à prendre en compte et à respecter. Restons modestes et au besoin ne

prescrivons pas si ce n’est pas encore le moment.