Autisme : Une Perception Différente

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    MassagerVol. 25 no 3 | Novembre 2008

    REVUE DE LA FDRATION QUBCOISE DE S MASSOTHRAPEUTES

    Le

    DOSSIER

    AUTISME :une perceptiondiffrente

    PRATIQUELaccompagnementau massage

    LECTURESLe syndrome dAspergerLes maladiescardiovasculaires

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    MassagerVol. 25 no 3 | Novembre 2008

    Le

    C H R O N I Q U E S

    P R A T I Q U E SLaccompagnement au massageMichel Lorrain

    L E C T U R E S Les maladies cardiovasculaires

    Le syndrome dAsperger

    Martine Boudot

    LE MASSAGER NOVEMBRE 2008 3

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    D O S S I E R

    AUTISME:UNE PERCEPTIONDIFFRENTEMichle Gurin, Patricia Marini, Suzanne Martel

    Le spectre de lautisme

    Une autre faon de percevoirBriser le silence

    Laccueil et la tendresse

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    DOSS I ER

    Puisque le massage est, quasi pardfinition, le lieu des sensations,nous avons choisi de traiter lautismesous langle de la perception.Notre collgue Patricia Marininous donne, dans son article Briserle silence, des pistes pour mieuxcommuniquer avec lenfant autiste.

    Suzanne Martel partage avec nousson exprience de massage de jeu-nes atteints du syndrome dAspergerdans Laccueil et la tendresse.Nous remercions galement madameJo-Ann Lauzon, de la Fdrationqubcoise de lautisme et desautres troubles envahissants dudveloppement, pour la clart deses informations et pour la rvisiondu texte Le spectre de lautisme.

    Nous vous invitons consulter lesouvrages cits la rubriqueRessourcespour compltervos informations sur ceproblme vaste, complexe,nuanc et infini-ment vari.

    une perception diffrentAUTISME

    Michle Gurin a coordonn le dossier.Patricia Marini enseigne au primaire;

    elle accueille rgulirement, dans ses classes,des enfants autistes. Elle est aussi orthopda-gogue et massothrapeute agre.Suzanne Martel a enseign au primaire. Elleest aussi massothrapeute agre, formatriceen yoga, en gestion du stress et en crativit(corps en mouvement). Elle a fond avec sonconjoint la Ferme thrapeutique Le bel Agneau,dans les Cantons de lEst, o elle accueille des

    jeunes autistes avec leurs intervenants, en col-laboration avec le Centre de sant McGill etlHpital pour enfants de Montral.

    Photo: Viorika Prikhodko, iStockph

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    DOSS IER

    Le spectre

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    Les causes probables des TEDLes causes de lautisme nont pas encore

    t identifies avec certitude, mais larecherche se mne sur plusieurs pistes: laprdisposition gntique est celle qui prvautprsentement. Dautres hypothses ont aussit avances, quoique controverses oumme abandonnes, entre autres le ds-quilibre mtabolique ainsi que les facteursenvironnementaux, dont une intoxication

    aux mtaux lourds durant la gestation ou lespremiers mois du nourrisson.Cette dernire hypothse a conduit

    souponner certains vaccins, dont la basecontenait du mercure. 1 Lhypothse a t in-firme : la dsintoxication des mtaux lourdsnayant pas apport de rsultats significatifset surtout durables. 2

    La piste psychanalytique a aussi volu.Au milieu du sicle dernier, on attribuait sou-vent lautisme un manque dattachement,d par exemple une mre froide et distante.

    Aujourdhui, on explique que lenfant pour-rait, en ce qui concerne le dveloppementpsychique, tre n prmaturment. Leconcept de peau psychique ou moi-peau,rapport tant par Buten que par Lemay, 3 sus-cite aussi lintrt. Ce moi-peau serait unesurface qui relie entre elles les diffrentessensations. Trs tt il aide lenfant endveloppement sidentifier son corps et le diffrencier du monde environnant et delautre : je, moi (je suis... je veux...) est dif-

    frent de tu et toi. Les enfants autistesnarriveraient pas se constituer une peaupsychique autonome.

    Lautisme et les TED, pour la majoritdes auteurs consults, ne sont que rarementrelis des problmes psychologiques, desabus ou de la ngligence. Si ces dernierssont prsents, il sagit de situations associes,non de la cause de lautisme (Lemay).

    par Michle Gurin

    Si longue et dtaille

    que soit la liste descritres de diagnostic de

    lautisme infantile, elle

    prouve seulement quon

    peut dcrire une

    pathologie, mais que

    cette description nest

    jamais celle dun tre

    humain dans sa totalit.

    () Employer le terme

    autiste en premier

    nous aide fort peu

    imaginer la personne

    en question.

    Howard Buten

    d e l a utis m eLautisme fait partie de la famille des

    troubles envahissants du dveloppement(TED), un ventail ou spectre qui re-groupe plusieurs syndromes apparents etplus ou moins svres, en particulier:lautisme (ou trouble autistique), le syn-drome dAsperger, le syndrome de Rett, ledsordre dsintgratif de lenfance et lesautres TED non spcifis.

    Selon les rcentes statistiques, le taux

    des personnes TED serait de 60 70 sur10 000. Plus de garons que de fillesseraient touchs par lautisme.

    Les TED ne sont pas des maladiesmentales. Ils rsultent daltrations dans lesmodes de perception et de traitement delinformation dans le cerveau mme, quientranent des dficits plus ou moinssvres et envahissant du dveloppement,principalement dans les sphres de la com-munication verbale et non verbale, des in-teractions sociales et des fonctions

    cognitives : intgration du schma corporel,apprentissage, etc.

    Ces problmes varient dun enfant lautre, tant dans leur intensit que dansleurs manifestations, entre autres selon sonstade de dveloppement et le type dat-teinte, et tout au long de lexistence. Cer-taines personnes enfants ou adultes arrivent fonctionner et mme performeren socit, alors que dautres ont besoin desupervision constante.

    Ph

    oto:

    DonBayley,iStockphoto

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    DOSS IER

    Autisme et AspergerPour les diffrents TED et leurs ca-

    ractristiques souvent trs semblables, voirle tableau ci-contre. Voici tout de mme

    un aperu des plus frquents. Nous insis-tons encore une fois: chaque enfant estdiffrent et toutes les personnes autistes neprsentent pas lensemble des manifesta-tions numres ici.

    LautismeLes anomalies sensorielles compren-

    nent lhypersensibilit sonore et des trou-bles de la sensibilit tactile. Face un tropplein de stimuli, la personne autiste

    cherche contrler ou isoler un seulstimulus. Elle tendra occuper le mmeterritoire, reproduire les mmes compor-tements, trouver refuge dans des activitsstrotypes: mouvements giratoires, re-production du mme trajet, du mmedessin, etc. Ces manirismes, irrgu-liers, apparatraient surtout lorsque lenfantest excit ou au contraire, inoccup.

    Quand lenfant arrive exprimer sesbesoins, les actes dautomutilation sontplus rares. Les stimuli trop forts, les mou-

    vements de groupe, les ruptures dans laroutine provoquent lanxit et des com-portements dfensifs comme le repli ou lacolre. La socialisation avec des adultes estplus facile quavec des compagnons,mme sil est difficile de maintenir uneconversation rciproque: il faut rappelerrgulirement au jeune de maintenir sonregard vers linterlocuteur.

    Chez les enfants souffrant dautismeprofond, les approches visuelles, les rac-tions aux bruits et la sensibilit tactileseraient rgulirement perturbs et la

    motricit parfois dfectueuse. Lenfant au-rait tendance se rfugier dans un espacerestreint. Les changements dactivit peu-vent faire monter lanxit et mener desactes dagression ou dautomutilation.

    Le langage se limite quelques mots.Lagitation et les troubles du sommeilseraient frquents; des troubles pilep-tiques peuvent apparatre dans 25% descas.

    Le syndrome dAspergerLes enfants et les adultes Asperger

    ont en gnral un Q.I. allant de normal suprieur, une excellente mmoire et lacapacit de dvelopper des talents remar-quables. Pensons au compositeur BelaBartok et au pianiste Glenn Gould qui,bien que non diagnostiqus, prsentaient,selon les experts actuels, de nombreusescaractristiques des personnes atteintes dusyndrome dAsperger.

    Ces jeunes et ces adultes utilisent

    souvent un vocabulaire tendu, mais ellesont tout de mme des difficults dans cequon appelle la pragmatique du langage(cest--dire lutilisation rciproque et ledcodage du langage verbal et non ver-bal): ils ne saisissent pas les jeux de mots,les sous-entendus, les notions abstraites.Ils interprtent les consignes au pied de lalettre. Ils peuvent sexprimer sur un tonmonocorde, avec une prononciation par-ticulire, voire prcieuse. Plusieurs ont

    dvelopp une mmoire phnomnalepour tout ce qui touche leur dada.

    Les symptmes physiquesChez les enfants autistes, dont la sen-

    sibilit peut tre exacerbe, qui ne rus-sissent pas toujours identifier et

    verbaliser leur inconfort, les malaises,mme bnins, peuvent entraner beau-coup danxit et des troubles comporte-mentaux (retraits, crises, etc.).

    Aussi est-il important de les ensoulager rapidement.

    Parmi ces problmes physiques quipourraient tre prsents chez certains,soulignons: des atteintes du systme digestif: cons-

    tipation et diarrhe; parasites intesti-

    naux et Candida albicans ; intolranceset allergies alimentaires; des dficiences vitaminiques ou enzy-

    matiques.

    Les traitementsPuisque la cause est inconnue et que

    les TED ne sont pas une maladie, maisun handicap, il ny a pas de traitement cu-ratif proprement dit. Ce qui ne veut pasdire que cest sans espoir. La combinaisondes principales approches donne souvent

    de bons rsultats, selon le degr dat-teinte: Les thrapies cognitives et les appro-

    ches ducatives, bien structures, maisadaptes chaque personne. Parmielles, on trouve lICI (Interventioncomportementale intensive), une ap-proche reconnue pour tous les enfantsde 0-5 ans au Qubec, lABA (AppliedBehavioral Analysis ou analyse com-portementale applique) ; le TEACCH

    (Treatment and Education of Childrenwith Autism and Related Communica-tion Handicapped Children); pour lesenfants qui ne parviennent pas ver-baliser, le PECS : un systme de com-munication par change dimagespermettant lenfant de sexprimer endonnant limage correspondant cequil dsire.

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    Lorthophonie pour la communicationverbale; lergothrapie pour lintgra-tion sensori-motrice afin de dvelopperou daffiner la psychomotricit et lin-tgration sensorielle.

    Les approches nutritionnelles : les ditessans gluten, sans lactose et sans casine(produits laitiers et bovins); la vita-

    minothrapie. Les approches sensori-motrices visent: faire ressentir, aider ragir, mo-duler les stimulations, accompagner lebain sensoriel dun bain verbal, (...)largir les premires initiatives autantparla valorisation, la tendresse, que pardes renforateurs concrets , expliqueMichel Lemay.

    Plus le diagnostic est prcoce, plus leprogramme dintervention sera efficace.Il est spcifique chaque enfant et doitfaire lobjet dune valuation. Il enrletoujours les parents.

    Lorsque lon intervient avec ces en-fants, il faut, insiste Lemay, accepterdtre un professionnel parmi tant

    dautres, dont il faut connatre et respecterles fonctions : ducateurs, orthophonistes,ergothrapeutes, travailleurs sociaux,mdecins.

    S O U R C E S

    LEMAY, Michel. Lautisme aujourdhui, OdileJacob, Paris, 2004.FDRATION QUBCOISE DE LAUTISM E ETDES AUTRES TROUBLES ENVAHISSANTS DUDVELOPPEMENT. Les troubles envahissants dudveloppement, Dpliant lusage des profession-nels de la sant, 2008.

    N O T E S

    1 Autisme-Montral. Les troubles envahissants dudveloppement. www.autisme-montreal.com/freepage.php?page=48.21

    2 LEMAY, Michel. Lautisme aujourdhui, OdileJacob, Paris, 2004.

    3 BUTEN, Howard. Il y a quelquun l-dedans.Des autismes, Odile Jacob, Paris, 2003.

    Autisme ou trouble autistique

    Troubles de la communication difficults comprendre les situations

    sociales et les attentes de lentourage troubles sensoriels comportements strotyps ou rptitifs apparition avant lge de 30 mois

    Syndrome dAsperger

    Difficults comprendre les situationssociales et les attentes de lentourage

    mergence normale de la parole avecdifficult de communication

    intrts souvent obsessionnels intelligence normale ou suprieure

    Syndrome de RETT

    Affection touchant presque exclusive-ment les filles

    manifestations avant lge de 30 mois dveloppement normal suivi dune perte

    de la communication et du contrle mo-teur

    difficults comprendre les situationssociales et les attentes de lentourage

    cause connue: mutation du gneMeCP2 sur le bras long du chromosome

    X, rgion Xq28

    Dsordre dsintgratif de lenfance

    Mmes caractristiques que lautisme,apparition entre lge de 3 et 10 ans

    trs rare dveloppement normal suivi dune r-

    gression de la motricit, du langage etdes habilets sociales

    difficults comprendre les situationssociales et les attentes de lentourage

    TED non spcifi (TED-NS)

    Plusieurs caractristiques associes lun des TED, qui ne se retrouvent pasen nombre suffisant pour permettre deposer un diagnostic selon les protocolestablis.

    M

    Il faut noter que lon pose de plus en plus un diagnostic de troubles dans le spectreautistique , plutt que dutiliser les catgories numres.

    Reproduit avec laimable autorisation de la Fdration qubcoise de lautisme et des autres troubles envahissants du dveloppement.

    Caractristiques associes aux TEDselon les catgories actuelles

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    par Michle Gurin

    Une autrefaonde percevoir

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    DOSS IER

    Ltre humain se btit travers

    ce quil ressent, peroit et as-

    simile partir de ses sens etdes zones crbrales qui

    reoivent et traitent ces infor-

    mations. Cest ainsi quil la-

    bore limage quil a de

    lui-mme, celle du monde et

    de la place quil y occupe,

    autrement dit, quil construit

    son identit. Dune exprience

    lautre, depuis lenfance, ildveloppe souplesse, solidit,

    cohrence et sentiment de

    scurit, une sorte de colonne

    vertbrale psychique , dit

    Buten. Or, lautisme et ses

    troubles apparents comptent

    parmi les plus svres atteintes

    lidentit.

    Selon les plus rcentes recherches enneuropsychologie, lautisme serait li des anomalies de perception dans lecerveau. Cest pourquoi on ne parle plusaujourdhui de lautisme comme dunemaladie, mais comme dun handicap. Lespersonnes atteintes dautisme auraientune faon diffrente dobserver, de traiter

    linformation et de lui donner un sens. Etparce quelles observent et interprtent lemonde diffremment, elles se comportentaussi diffremment.

    Comment la personne autiste en-fant ou adulte peut-elle se sentir en scu-rit lorsquelle narrive pas situer leslimites entre elle et lautre, et lorsquelle aune perception fragmentaire, ou simple-ment diffrente (amplifie ou assourdie)dune situation? Les pisodes de retrait,de crises, les strotypies (gestes et mou-vements rptitifs) et dautres comporte-ments associs lautisme seraient alorsdes mcanismes dadaptation ou dedfense en raction ces perceptions. 1

    Une perceptionfragmentaire

    Les personnes autistes accrochentsouvent des dtails dont elles arrivent dif-ficilement se dtacher. Lorsquun sti-mulus est capt, dit Michel Lemay, son

    effacement apparat si lent (...) quil nepermet plus louverture sur dautres ven-tualits. Il leur est donc difficile de voirlensemble dun objet, dune situation oudune personne y compris elle-mme et ne peuvent les situer dans un contexte.Lemay 2 cite lexemple de nombreux en-fants autistes, superchampions des casse-tte quils russissent en un temps record.Ils ne procdent pas comme les autres,plaant dabord les pices du pourtour,puis celles qui sagencent pour reproduire

    une image. Ce quils saisissent, ce sont lesformes et juste ces formes qui peuvent sejuxtaposer et sencastrer. Ils ne portent au-cune attention limage et le casse-ttetermin ne les intresse pas.

    Lenfant autiste ne va pas toujours seconstruire une reprsentation du mondeidentique la ntre. Ses faons parti-culires de percevoir, mme si elles sat-tnuent et se modifient avec lge, vontentraner un retard de dveloppement en

    cascade dans diffrentes sphres.Dans la sphre relationnelle, elle en-tranera une difficult, voire une incapa-cit reconnatre et comprendre sespropres tats physiques et mentaux ainsique ceux des autres ; dans les fonctions ditesexcutives, il y aura dficit dans le change-ment dattention, la planification, lvalua-tion et la rsolution des problmes. 3Illu

    stration:

    LoganDance,iStockpho

    to

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    Le fonctionnementsensoriel

    Chez les personnes atteintes dautis-me ou de troubles apparents, il existeune hypersensibilit pour certains stimuliet une hyposensibilit pour dautres, dansles domaines auditif, visuel, olfactif, gus-tatif, labyrinthique et tactile. Ces hypo ethypersensibilits voluent gnralementvers une meilleure intgration, mais elleschangent aussi selon le moment.

    Sur le plan auditif4, tout se passecomme si lenfant entendait parfois trop,

    parfois pas du tout, mme si son acuit au-ditive est excellente : il entend mme cer-tains bruits quune oreille normale necapterait pas. Cette sensibilit peut lemener fuir certains sons, certainesmlodies ou, au contraire, les recher-cher de faon rptitive.

    Sur le plan visuel, on entendfrquemment que le contact visuel directest difficile tablir avec un enfantautiste. Mais cela ne concerne pas seule-ment les personnes, cela vaut aussi pour

    les objets: il les approche de lui de faonlatrale, les regarde de ct ou peut enfixer la zone la plus basse, qui devient

    ainsi sa zone prfre. Cette faon de fairene lui permet pas de percevoir sa formeglobale. Le regard fuit parfois trs claire-ment, ce que certains enfants capables de

    sexprimer expliquent par un trop grandapport de variations motives: Te re-garder, cest recevoir des centaines din-dices la fois. Cest tellement fatigant queje prfre tourner la tte indique Ghys-lain, 13 ans. Il ajoute tre capable dereprer les moindres mouvements la p-riphrie de sa vision, sans avoir les re-garder; mais leur sens et leur intention nelintressent pas.

    Quelques stimuli visuels ont parti-

    culirement la cote : la lumire, les trous,les fissures du mur, les objets ronds, ceuxqui tournent, leau qui coule. Lenfantpeut les fixer pendant trs longtemps, ab-sent tout le reste. Cest pourquoi Butenprfre interagir avec ses patients dans despices neutres, sans ornement.

    Il se pourrait que certains autistesnarrivent pas dcoder sourires et gri-maces, rires et sanglots: enfant ou adulte,il serait alors incapable, neurologique-ment, de lire les sentiments dautrui et

    entrave la communication rciproque.Quels moyens lui reste-t-il pour sedfendre contre langoisse du vide cr

    par son incapacit ressentir ces chosesqui donnent un sens la vie ? demandeencore Buten.

    Sur le plan olfactif, bien que plus

    rarement, certaines personnes autistessemblent avoir dvelopp une hypersen-sibilit olfactive: elles dtectent certainesodeurs, reconnaissent les parfums et ar-rivent mme identifier leurs com-posants; elles peuvent tout autant sesentir agresses par dautres ou les crain-dre, sans que lon puisse expliquerpourquoi. Lapprivoisement aux odeurspeut tre prsent comme un jeu avantdutiliser une huile essentielle pour le

    massage.Sur le plan labyrinthique, plusieursenfants arrivent tourner sur eux-mmespendant de longues priodes, sans souffrirdtourdissements ou de vertiges. Que sepasse-t-il dans loreille interne ou le sys-tme nerveux qui leur permette de pro-longer sans malaise ce mouvement detoupie? Se pourrait-il, demande Buten,que les mouvements inlassablementrpts des autistes (les strotypies) finis-sent par librer des endorphines dans leur

    systme, comme cela est reconnu chez lesmarathoniens, et leur apporte apaisementet satisfaction?

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    Sur le plan gustatif, le refus de nour-riture pourrait aussi tre li aux sensationstactiles, lenfant refusant tout alimentprsentant une texture particulire: cer-

    tains nacceptent viandes et lgumes quesils sont broys et les faire manger devientpuisant pour toute la famille. Le got estaussi hautement li lodorat.

    Sur le plan tactileLa qute et la rception des sensations

    demeurent plus ou moins restreintes.Longtemps lenfant pourra refuser de met-tre la plante des pieds au sol, lors de lamarche. Il pourra explorer les objets avec

    le dessus de la main plutt quavec lapaume. Il choisira un jouet, non pour cequil reprsente, mais pour sa texture, deprfrence ronde, dure, facile manipuler.Lide de lapprivoiser avec une poupemoelleuse, une doudou, une peluchesavre peu efficace et souvent dsastreuse.La sensation de douceur peut tre rejeteet demande alors tre apprivoise. Ellepeut lui tre si intolrable quelle provoqueune crise de refus ou danxit.

    On a longtemps cru que les person-

    nes autistes naimaient pas tre touches.Ce nest bien sr pas le cas de tous et leurrefus pourrait sexpliquer par un sens tac-

    tile hors du commun. Les stimulationstactiles peuvent provoquer des rponsesparadoxales, et cela souvent ds les pre-miers mois du nourrisson. Le bb ne se

    colle pas au corps de sa mre et rsiste ltreinte par une hypertonie du tronc etdes membres. Les caresses lgres et lemassage provoquent un retrait.

    Si le parent le prend dans ses bras enle serrant bien, et mme en accentuant lapression assez pour atteindre la sensibilitprofonde du dos et des membres, il sa-bandonne, comme si, soulignent plusieursauteurs il percevait alors plus aismentlexistence mme de son corps, ce qui

    contribuerait le rassurer.A loppos des prcdents, certainspetits ragissent trs peu : ils sont mous, hy-potoniques, do limportance des mas-sages, des bains, du brossage et desenveloppements pour les aider ressentirleur corps, souligne encore Michel Lemay.

    Face la douleur, les comportementsde la personne autiste enfant ou adulte peuvent tre confondants pour le masso-thrapeute. Elle peut ragir dune faonqui peut nous paratre exagre un sti-

    mulus bnin: gratignure, effleurage, parexemple, mais ne pas exprimer de souf-france en cas de douleur relle (otite, carie

    dentaire, pression trop forte, Triggerpoint...).

    La plupart des approches thrapeu-tiques aujourdhui visent aider les en-

    fants, les adolescents et les adultes autistes bien que ces derniers soient les grandsoublis du systme explorer en toutescurit de nouvelles sensations, tabliret intgrer des liens rassurants et en-richissants avec leur entourage.

    Sil est un domaine o la sensation etla perception prvalent, cest bien la mas-sothrapie. Bien encadr, profondmentacceptant et respectueux de la personneautiste dans ses diffrences, le massagepourrait, dans beaucoup de cas, sinscriredans une approche pluridisciplinaire. Ilpeut se faire par un massothrapeute qua-lifi, qui aura pris le temps dtablir unlien de confiance avec la personne autiste,mais aussi par les parents. M

    N O T E S

    1 BUTEN, Howard. Il y a quelquun l-dedans.Des autismes, Odile Jacob, Paris, 2003.

    2 LEMAY, Michel. Lautisme aujourdhui, OdileJacob, Paris, 2004.

    3 Le Centre de Communication Concrte en Bel-gique 2005 Autisme Centraal CCCl'Autisme.mht inhttp://www.autismecentraal.be

    4 LEMAY, Michel. Op. cit.

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    Briser le silence

    Comme professeure dcole primaire,jai t confronte ce phnomne de

    lautisme. Jai appris quil existait des va-riantes dans cette pathologie. Les enfantsqui sont intgrs lcole sont des enfants haut niveau, avec un syndrome dAsper-ger ou un autisme atypique. Ils possdentun vocabulaire assez avanc pour com-muniquer, mais dautres caractristiquesles empchent de comprendre et dap-prendre. Parfois, lincapacit dexprimer

    leur besoin ou de comprendre une situa-tion cause des frustrations qui se traduisent

    par des comportements inadquats,comme des crises.

    Lautisme est une pathologie assezcomplexe. La communication chez len-fant autiste peut tre simple comme ellepeut devenir complique. Tout dpend dela svrit de latteinte. La communicationcomprend du verbal et du non verbal.Cest ici quon peut rencontrer des diffi-

    cults, car la communication impliquedes gestes, lexpression faciale et lexpres-

    sion verbale. Cela devient important, carleurs perceptions et leurs comportementsempchent souvent les interactions.

    Parmi dautres aspects, on trouve dansle spectre du TED (Trouble Envahissantdu Dveloppement) la sensibilit auditive,visuelle et des difficults moduler les in-flux sensoriels.

    DOSS IER

    S i t u m e p a r l e s t r o p v i t e e n m m e t e m p sq u e t u m e d e m a n de s d e f i x e r u n e i m a g e ,c e s t c o m m e s i t u v o u l a i s b o u r r e r u n s a cb i e n t r o p p e t i t p o u r t o u t c o n t en i r. a d b o r d e e t a f a i t m a l .

    Michael, 13 ans. 1

    par PatriciaMarini

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    Pour aider lenfantLe but est de diminuer les crises, de

    leur faire apprendre comment choisir desmots pour sexprimer et de se calmer afin

    quils puissent commencer se faire desamis, jouer ensemble et communiquer.Il est important de leur donner un envi-ronnement trs structur mais souple (ilfaut marcher avec eux dans la situation) etsans trop de stimuli visuels ou auditifs.

    Lenfant autiste vit difficilement lestransitions et les changements. Il est im-portant de lui expliquer le programme desvnements qui vont se drouler: quoi,quand et combien de temps. Il sattend ce qui va arriver, il ny a pas de surprise etcela rduit lanxit et galement lescrises; de ce fait, lcoute et la communi-cation augmentent.

    Pour les aider comprendre les inter-actions sociales, on peut utiliser des petiteshistoires avec des situations dinteractions,ou encore des jeux sociaux. Pour les re-joindre et les encourager participer, ilfaut dcouvrir leurs intrts et sappuyersur leurs forces, en proposant de petites ac-tivits quils aiment ou dans lesquelles ils

    sont laise. Cela est important, car ilsveulent communiquer et avoir des amis,mais ne comprennent pas comment syprendre. Ils sont hypersensibles tous!

    Quand il est confront un projet in-connu, comme sinstaller sur une chaiseou une table de massage, il est certain quelenfant le voit comme une norme tche.

    Alors, il faut le lui prsenter en petites sec-tions afin quil ne se sente pas envahi.

    Il faut souvent le rassurer quant aux

    expressions faciales. Leurs perceptionspeuvent en tre trs primitives . Un psy-chologue nous la dmontr en dcrivantcette situation, lors dune confrence surlautisme: une cliente est entre la clini-que trs effraye parce que tout le mondelui montrait les dents. Elle navait pascompris que ctait des sourires. Elle a in-terprt ce geste comme de la colre. Elle

    a expliqu que lorsquun animal est encolre, il montre ses dents; alors, quandon montre nos dents, a signifie la colre.Il a fallu lui faire comprendre que cette ex-

    pression tait un sourire, donc une formedacceptation et non de rejet.

    Lenfant qui ne parle pasCela nous amne vers les enfants qui

    ne sont pas intgrs dans les colespubliques. Ces enfants ont des capacitsintellectuelles en de de la normale (ilssont dits de bas niveau) diagnostiqus avecun syndrome de Rett ou un autisme clas-sique. Ils nont pas (ou trs peu) de com-munication verbale et ont aussi les autressymptmes de lautisme. Tout a est trsdbordant pour lenfant et la famille, maisil ne faut pas se dcourager, car il y a desmoyens pour avancer! Un programmedvelopp au Delaware Autistic Program,le PECS (Picture Exchange Communi-cation System), semble prometteur. Cestun systme visuel par change dimagesqui permet de communiquer ce que lonveut, comme un objet ou une activit.

    Certains enfants ont des problmes

    assimiler simultanment les stimuli visuelset auditifs. On doit donc utiliser lun oulautre des moyens de communication.

    Les enfants autistes ont tendance rpter les derniers mots quils viennentdentendre, ou rpter une question:cest ce quon appelle lcholalie. Danscertains cas, cest parce quils nont pas lesmots pour rpondre la question: on faitune demande et lenfant la rpte au lieude rpondre. Une approche appele

    echolia utilise lcholalie, une destechniques qui permettent de freiner lescomportements rptitifs tout en sap-puyant sur eux pour permettre dautres ex-priences. 2 Lorsque lenfant rpte laquestion, il faut lui rpondre par unephrase affirmative, en utilisant des gestespour lui faire comprendre. Par exemple,si lenfant connat dj le massage, je

    touche la chaise ou la table et je lui de-mande: Est-ce que tu veux un mas-sage? Lenfant rpte la question. Larponse affirmative, simplifie est: Oui.

    Massage. Si lenfant en veut un, ilrptera: Oui, massage. Sil nen veutpas, en gnral, il ne rpond pas. Pourvrifier, je dis: Massage, non en enle-vant la main de la table ou de la chaise.Pour linciter choisir. ce moment, len-fant commence comprendre les motsqui correspondent aux gestes et tablirun vocabulaire.

    Ce sont quelques exemples dinter-ventions en communications pour ces en-fants autistiques de bas niveau. Il en existedautres: LOVASS, TEACCH, Greenspan.

    Je ne vous ai expos quune petiteparcelle de ce phnomne de lautisme.La pathologie est norme et chaque indi-vidu est diffrent. Il faut avoir beaucoupdespoir, de patience et une quantit il-limite damour offrir ces enfants et lesaccepter tels quils sont.

    R F R E N C E SAutism and Communic ation

    http://www.medicinenet.com/autism_and_com-munication/article.htm

    AUTISM SOCIETY OF CANADAhttp://www.autismsocietycanada.caGRANDIN, Temple, Ph.D.: Calming Effects of Deep Touch Pressure in Pa-

    tients with Autistic Disorder, College Students,and Animals,http://www.grandin.com/inc/squeeze.html

    My Experiences with Visual Thinking SensoryProblems and Communication Difficulties,Center for the Study of Autism,

    www.AutismResearchInstitute.com Thinking In Pictures : and Other Reports from

    My Life with Autism, Random House Inc,New York, 1995.

    LEMAY, Michel. Lautisme aujourdhui, OdileJacob, Paris, 2004.

    N O T E S

    1 LEMAY, Michel. Lautisme aujourdhui,Odile Jacob, Paris, 2004.

    2 LEMAY, Michel. Op. cit.

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    DOSS IER

    Laccueil et

    Entrevue, recherche, rdaction: Michle Gurin

    Une rencontre avec SuzanneMartel

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    Masser la personne autiste

    dans le plus grand des respectsOn a longtemps cru que les person-

    nes autistes naiment pas tre touches. Lepsychologue amricain Howard Buten 1

    souligne que ce nest sans doute pas letoucher en soi, mais la manire dont ontouche la personne qui provoque diversesractions de refus. Il ne sagit pas l decaprices. On se rappellera que les autistes

    peroivent autrement les sensations, ol-factives, tactiles ou autres. Dans Ma viedautiste 2, rapporte-t-il, le Dr TempleGranden, elle-mme atteinte du syn-drome dAsperger, raconte son besoin d-sespr dtre touche et son incapacit y parvenir: lorsque ses parents aimants laprenaient dans leurs bras, la sensationphysique tait pour elle intolrable.

    A lpoque, elle navait pas les motspour expliquer son besoin dtre toucheavec une force prcise, ni trop ni trop

    peu, et en appuyant seulement sur cer-

    tains points prcis de son corps et pas surdautres. Ce besoin est demeur si grandquelle a finalement invent une machinequi, encore aujourdhui, la masse deuxfois par jour, ce qui lapaise et lui rend saconcentration.

    Les recherches 3Deux recherches scientifiques, me-

    nes sous les auspices du Touch Re-search Institute (TRI), ont dmontr quele massage men en complment dautresactions thrapeutiques, peut rduire lin-cidence de certains comportements carac-tristiques de lautisme.

    En 1997 4, ltude portait sur le mas-sage dun groupe denfants denviron 5ans, en classe. Les enfants du groupe de

    contrle taient, quant eux, invits

    sasseoir sur les genoux dun chercheurtout en sintressant diffrents jouets deleur choix. Les deux groupes montraient, la fin de la recherche, une nette diminu-tion de laversion au toucher. Les cher-cheurs attribuent ce rsultat dune part lattention unique et particulire porte chaque enfant et, dautre part, au fait que

    le contact se faisait un moment prvu,avec une personne connue, ce qui nestpas le cas des contacts sociaux, fortuitsquand eux.

    Devant les rsultats positifs sur la ca-pacit de concentration des enfants et leurmeilleure acceptation du contact phy-sique, le Tri a dvelopp un second projetde recherche, qui invitait les parents, for-ms dabord par un massothrapeute, masser leur enfant chaque soir juste avantle coucher, selon le mme protocole que

    prcdemment.5

    la tendresse

    Il faut faire de son regard une maisonconue exprs pour eux, la porte grande ouverte,peinte leurs couleurs, meuble leur got .

    Howard Buten

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    On pourrait souponner les parentsmasseurs trop enthousiastes davoir bonifiles rsultats. Mais une tude prcdenteportant sur le massage denfants dpressifs,

    qui utilisait cette fois la vido plutt que lejournal de bord, corroborait cette nettediminution des caprices et de lagitation,des pleurs, des strotypies (comporte-ments rptitifs) et du nombre de fois olenfant se relevait. De plus, les professeursont not une plus grande attention latche, une meilleure concentration et unediminution des strotypies, tant dans laclasse quau terrain de jeu.

    Ltude mene au Royaume-Uni en2002 6 rapporte les mmes rsultats. Deplus, les parents se sentaient heureux durapprochement avec leur enfant, commesi le massage, rapportaient-ils, avait ouvertune voie de communication avec lui.

    Un enseignant amricain, JonathanClark 7, a aussi utilis le massage en classe avec laccord des parents et de la direc-tion. Il rapporte lhistoire dun garon de11 ans ayant de svres troubles de com-munication et qui ne peut se concentrersur une tche de plus de deux ou trois

    minutes conscutives. Les jours de mas-sage, ses pisodes agits, qui pouvaientdurer auparavant toute une heure, se cal-maient en 10 minutes. La capacit dat-tention de son lve est passe de 2 10minutes; il tait plus centr et ses com-portements autistiques diminuaient defaon significative en frquence et en in-tensit.

    Les objectifs desthrapies manuelles

    Le massage devient psychothra-peutique lorsquil s'agit dentrer en rela-

    tion avec lenfant autiste, de crer uncontact avec nos mains grce nosmoyens thrapeutiques si spcifiques :nous pouvons offrir ces enfants un bainde stimulations cutanes positives quipourra gnrer et favoriser une perceptionglobale de leur enveloppe corporelle in-dique le massokinsithrapeute franaisP. Carette. 8

    Les diffrentes thrapies dintgrationsensorielle (au sens large et non spcifiquedu terme), ont les mmes objectifs: ru-nifier le corps en reliant les diffrentes par-ties entre elles; favoriser la perceptionglobale de l'enveloppe corporelle ; veillerle mouvement par une stimulation pro-prioceptive progressive et faciliter unemeilleure coordination des mouve-ments. 9

    Plus important encore, il sagit de fa-voriser les contacts et lattachement encrant des sensations et des motionsgnratrices dchanges, de regards, de

    sourires, de mots. Un enfant apais,plus dtendu, adoptera moins de com-portements strotyps et sera moins sujet des crises.

    tablir dabord le liende confiance

    Notre collgue Suzanne Martel offredes sjours la ferme spcialement

    conus pour le dveloppement des ado-lescents touchs par le syndromedAsperger. Entre autres activits elle leurpropose des sances de massage.

    Avant tout massage, dit-elle, il fautdabord dvelopper un lien de confianceavec lenfant. Comme le fait Clark avec satable, Suzanne installe sa chaise de mas-sage lavance, ds le dbut des camps.Les enfants ont ainsi le temps de shabi-tuer cette nouveaut dans le dcor, quifinit mme par susciter leur curiosit etleurs questions. Suzanne peut alors expli-quer ce quelle fait en massage et proposerau jeune den faire lexprience: Cesttoi qui choisis le moment, cest toi qui saisquand tu es prt . Tu me le demandes, sije peux ce moment l, a me fera plaisirde te masser. Il se peut aussi que je nepuisse pas ce moment-l, mais on va es-sayer de sarranger . Le jeune apprendainsi dune part demander, mais aussi accepter le refus.

    DOSS IER

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    Reste avec moi Suzanne a deux leitmotiv qui d-

    coulent de laccueil et de la tendressequelle porte aux jeunes quelle reoit,

    deux mots-cls sur lesquels elle fonde touteson intervention: respect et prsence.

    Elle insiste constamment sur le res-pect du rythme et des choix du jeunequelle va masser. Cest avec beaucoup desollicitude quelle lui demande rgulire-ment: Est-ce que tu te sens prt ... ceque je commence masser ton dos... jemasse tes paules... je masse ta tte... ? Silse sent laise avec les effleurages, elle vri-fie sil est toujours daccord avant de passerau ptrissage, ou encore daccentuer lapression ou de masser une autre rgion. Tu sais que tu as le droit de refuser, dedire non. Nattends pas davoir une im-pression dsagrable, lui conseille-t-elle;si tu ne veux pas quelque chose, dis-lemoi; si tu veux quelque chose, demande-le moi.

    Chacune de ses questions est une in-vitation faite au jeune rester prsent cequil ressent, lui permet dapprivoiser lin-connu, lui apprend faire ses choix. Il est

    essentiel, souligne-t-elle, de toujoursramener lenfant ce quil ressent, cequil fait, tre prsent la tche quilaccomplit, au massage quil reoit, cequi se passe entre eux, la relation. Si len-fant tend sabsenter dans sa bulle, ellelinvite plus expressment encore: Resteavec moi. (...) tu nes pas oblig de me re-garder dans les yeux, tu nes pas obligdaccepter que je masse ton dos, ta tte, oude faire telle chose, mais reste avec moi.

    Si tu restes avec moi, on peut aller o tuveux aller, mais reste avec moi.

    Suzanne utilise aussi le reflet pourramener le jeune lui-mme. Il fautdvelopper beaucoup de prsence lautre, de sensibilit, dit-elle pour remar-

    quer tous ces mouvements, petits ougrands, qui parlent pour lenfant. Cesmouvements ont-ils un sens? Est-ce unmessage? Elle peut demander : Je voisque ton pied bouge beaucoup; est-ce quele mouvement que je fais te dplat? ouEst-ce que cest trop long? ou encoreEst-ce que tu veux que je change demouvement, que jarrte le massage,etc.? La rponse peut tout aussi bientre : Continue. Je ne savais pas que monpied bougeait.

    Cette qualit de prsence est aussi es-sentielle pour le thrapeute: prsence soi, honntet envers soi et envers les en-fants sont essentielles au lien de confiancemutuel. Elles favorisent le contact et lat-tachement.

    Les massages de Suzanne durent unedizaine de minutes. Elle pratique des ef-fleurages (appuys pour que lenfant sentebien son corps) et des ptrissages sur ledos, les paules, les bras. Elle termine avec

    la tte et le cou. Selon son exprience, lesenfants autistes ont un grand besoin quonleur masse la tte. Cela les dtend telle-ment, quils me disent merci en me re-gardant dans les yeux. Ce regard, yeuxdans les yeux, cela fait ma semaine !

    Jonathan Clarke favorisait plutt lathrapie crnio-sacre de pair avecquelques manuvres de compression etdautres manuvres de base comme des

    effleurages assez appuys et des ptrissagesdu cou, des paules, du dos, des mains etdes doigts en sessions de 15 minutes. Lerocking savre particulirement ap-prci et relaxant, souligne-t-il. Ses jeunestolraient de plus en plus longuement lessessions de massage : pour certains dentreeux, en neuf jours de sessions, Clark estpass dun massage du visage et de la tte une heure de massage. Cest une ques-tion de patience, dit-il; daccueil, dadap-tation et damour, ajoutent tous lesintervenants consults.

    Le protocole du Tri proposait aussiun massage de 15 minutes, en classe, deuxfois la semaine durant 4 semaines, avecmanuvres relativement douces et pres-sions modres sur la tte, le cou, les braset les mains, le torse, les jambes et lespieds. Les parents procdaient de la mmefaon, tous les soirs au coucher. Larecherche britannique utilisait sensible-ment le mme protocole, mais sur 8 se-

    maines.

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    Les manuvresde compression

    Le psychologue Howard Buten et sonquipe, sinspirant de la machine

    clins (Squeezing Machine) de TempleGraden, ont dvelopp un type de mas-sage quatre mains, base de compres-sions, pour quelques enfants de leur unit.

    Lenfant tant assis sur une chaise, lesdeux thrapeutes commencent simul-tanment et en parallle serrer dansleurs mains pendant une dizaine de se-condes puis en relchant trs graduelle-ment dabord les orteils, puis la plantedes pieds, les talons, les chevilles, les mol-lets, remontant, une largeur de main lafois, jusquau haut des cuisses. Ils passentensuite aux membres suprieurs, en com-menant par les doigts. Pour le torse dos,paules, poitrine, taille lun se place de-vant, lautre derrire ; enfin, la pressionsexerce sur les cts de la cage thoracique,des paules la taille. Puis, ils reprennentle rituel lenvers, jusquaux orteils.

    Buten qui, dans une autre vie, estaussi le clbre clown Buffo, utilise les fi-celles de cet autre mtier pour prsenter

    lenfant le massage comme un jeu derle, interactif, qui rejoint ses intrts par-ticuliers.

    Laquamassage ou WatsuPuisque les enfants autistes sont si

    bien dans leau, laquamassage est tout in-diqu pour nombre dentre eux, comme

    le rapporte Karrie Osborne 10. En piscine,bien sr, ou dans un bain tourbillon ; maislenfant se dtend galement dans un bainet plusieurs approches utilisant les jeuxdeau massages, bains moussants,brossage semblent lapaiser et lui per-mettre de sortir de sa bulle autistique, cequi favorise les changes avec lui. 11

    Une conclusionqui joue louverture

    Jonathan Clark est sorti de son expri-ence convaincu que le massage a sa placedans la panoplie de traitements propossaux enfants autistes et leurs familles. Ilpeut avoir, dit-il, une influence positive surle dveloppement social et acadmique desenfants. Cependant, il faut souligner unpoint essentiel. Tous les massothrapeutescits plus haut sont en contact quasi quoti-

    dien avec les enfants, pour des priodesplus ou moins prolonges. Le lien de con-fiance est dj tabli avec eux avant dini-tier les massages et, de plus, toussinscrivent dans une quipe multidisci-plinaire de soins. Les enfants ont t pr-alablement valus, et les modesthrapeutiques choisis et adapts pour cha-cun deux avant de passer au massage maisaussi et surtout durant le massage, qui sedroule en obtenant leur accord chaque

    changement de site ou de manuvre.Howard Buten se dit constamment etprofondment touch par limmense soli-tude intrieure des personnes autistes. Quest-ce qui constitue le contraire de lasouffrance? demande-t-il.

    Et si, en fin de compte, ctait lepartage, lapprentissage, la dcouverte, lou-verture de lhorizon? Lvolution ?

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    N O T E S

    1 BUTEN, Howard. Il y a quelquun l-dedans.Des autismes, Odile Jacob, Paris, 2003.

    2 GRADEN, Dr Temple. Ma vie dautiste,d. Odile Jacob, Paris, 1998.

    3 TRI : Le Touch Research Institute est ratta-ch la Facult de mdecine de lUniversitde Miami en Floride.

    4 VANDERBILT, Shirley. Massage Therapyfor Autistic Children , Touch Research Insti-tute in Massage & Bodywork Magazine,February/March, 2003.

    5 ESCALONA, A., FIELD, T., SINGER-STRUNCK, R., CULLEN, C. etHARTSHORN, K. Brief Report : Improve-ments in the Behavior of Children With

    Autism Following Massage Therapy,Journal of Autism and Development al

    Disorders, 31, 5 (2001).6 CULLEN, L. et BARLOW, J. Kiss, cuddle,squeeze: The experiences and meaning oftouch among parents of children withautism attending a Touch Therapy Pro-gramme , Journal of Child Health Care 6, 3(Sept. 2002).

    7 VANDERBILT, Shirley. Calming The InnerStorm. Easing Autistics Behaviors withMassage Therapy , Massage & BodyworkMagazine, February/March 2003.

    8 CARETTE, P. Introduire le massage en p-dopsychiatrie, Annales de kinsithrapie,1999 ; 26: 329, Masson, Paris, 1999.

    9 CARETTE, P. Op. cit.10 OSBORN, Karrie. Sea of Calm. Watsu

    Water Therapy Touches Young Spirits in Massage & Bodywork Magazine,February/March 2003.

    11 LEMAY, Michel. Lautisme aujourdhui,Odile Jacob, Paris, 2004.

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    DOSS IER

    RES

    SOURCES

    RESSOURCES COMMUNAUTAIRES

    ET FORMATION

    Autisme et troubles envahissants dudveloppement Montral : ATEDM

    regroupe deux grands secteurs: larevendication et la dfense des droitsainsi que les services directs.514-524-6114http://www.autisme-montreal.com

    La Fdration qubcoise del'autisme et autres troubles en-

    vahissants du dveloppement.Regroupement provincial dorganismesqui ont en commun les intrts de la

    personne et ceux de sa famille et de sesproches. Organisme rfrence enautisme au Qubec.514-270-7386 ou 1 888 8FQATEDhttp://www.autisme.qc.ca/

    La Ferme Thrapeutique Le BelAgneau. Sjours spcialiss pour en-fants et adolescents aux prises avecdes TED (Asperger, autiste de hautniveau), des dficiences neurologiqueset intellectuelles lgres ou d'autrestroubles du comportement.Groupes homognes de 8 10 jeunespralablement valus et accompagnsde leurs intervenants, provenant decentres hospitaliers, de centres jeu-nesse, ou dautres institutions.450-539-0939http://www.lebelagneau.com/

    cole Aquavie Mouvance : Aquamas-sage et Mthode Mouvance en Eau

    (approche aquatique de conscience ducorps). Adapts pour des clientles etbesoins varis.Carole Veechi Dion: [email protected]

    DOCUMENTATION

    BUTEN, Howard. Il y a quelquun l-dedans. Des autismes, Odile Jacob,Paris, 2003.GRANDIN, Dr Temple. Ma vie dautiste(1998) et Penser en images(1997),d. Odile Jacob, Paris.LEMAY, Michel. Lautisme aujourdhui.Odile Jacob, Paris 2004.Un livre essentiel pour comprendre lesmodes de perception impliqus danslautisme.VERMEULEN, Peter. Comment penseune personne autiste ?Dunod, diteur,Collection Action Sociale, Louvain 2005.

    Par InternetAutisme : les signes dalerte: TerreAdlia : http://www.terre-adelia.org/Autisme et syndrome dAsperger :http://autisme.asperger.free.fr/CARETTE P. Introduire le massageen pdopsychiatrie in Annales dekinsithrapie, 1999, vol. 26, no 7,p. 329-333, Masson, Paris, France.http://www.em-consulte.com/article/74068

    FilmographieElle sappelle Sabine(2007). LactriceSandrine Bonnaire filme le pass et lequotidien de sa sur Sabine, uneautiste de 38 ans. Un aperu des mo-tions, des comportements, des diffi-cults de communication de Sabine etde quelques-uns de ses co-rsidents.Lcoute active des intervenants aideles personnes en crise, qui crient ou quitapent, prendre conscience de ce qui

    ne leur convient pas et le nommer.Rain Mande Barry Levinson (1988).Dustin Hoffman y incarne un person-nage inspir du savant autiste KimPeek. Le film illustre bien les types decommunication et les troubles pragma-tiques du langage frquents chez lespersonnes autistes: rptitions, expres-sions prises au pied de la lettre, etc.

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    Tony Attwood est docteur en psy-chologie de lUniversit de Londres. Cest Brisbane, en Australie, quil dirige un ta-blissement pour diagnostiquer et traiter lesenfants et adultes atteints du syndromedAsperger. Il nous livre ici plus de 25 an-nes de recherches et de travaux faitsauprs de ces personnes.

    Bernadette Rog, qui a crit la prface

    de ce livre, est professeur de psychologieet psychologue responsable dvaluation delautisme Toulouse, en France. Elle nousexplique les points communs entre le syn-drome dAsperger et lautisme de Kanner,pathologies voisines qui rsident dans lexis-tence de problmes dinteraction sociale, decommunication et dans la prsence din-trts restreints et de comportement par-ticuliers.

    Selon lauteur, le syndrome dAspergerse caractrise par des anomalies qualitatives

    de ladaptation au monde physique et so-cial qui apparaissent ds lenfance.

    Les autistes prsentent des dficits lisau fonctionnement de lhmisphre gauche.Les autistes de haut niveau ont des atteintesneurophysiologiques diffrentes comparesaux autistes dficitaires. En ce qui concerneles personnes ayant le syndrome dAs-perger, cest sur le terrain des thrapies co-gnitives et comportementales que sedveloppent les instruments de travail les

    plus performants.Hans Asperger, clinicien et pdopsy-

    chiatre viennois a identifi, il y a plus decinquante ans, un profil constant de capa-cits et de comportements que lonretrouve plus frquemment chez les garonset dont il numre les caractristiques. Cesyndrome est devenu au cours des annesun sous-groupe lintrieur du continuum

    autistique mais il est plus frquent quelautisme classique et peut tre diagnos-tiqu chez des enfants qui nont jamais tconsidrs comme autistes auparavant.

    Tony Attwood dcrit les 2 tapes delvaluation du syndrome dAsperger. laide dexemples, il numre les critres dediagnostic sur les comportements sociauxet le langage particulier denfants et adultes

    atteints du syndrome. Il donne des outilsaux parents comme aux professeurs pourlacquisition de comportements sociaux ap-propris et suggrent des groupes de ru-nion pour adolescents.

    A la fin de chaque chapitre, lauteur faitun abrg des mthodes applicables aucomportement social, au langage, aux in-trts et routines, la coordination motrice, lamlioration de la comprhension et lasensibilit sensorielle, quelle soit auditive,visuelle, tactile, gustative ou olfactive.

    Le dernier chapitre porte sur les ques-tions et problmes que peuvent se poserles parents ayant des enfants diagnostiqusavec le syndrome dAsperger. Il numre lescauses du syndrome, donne les moyens deprvenir lanxit et la dpression qui y sontlis et parlent des recours ncessaires ainsique de lavenir des enfants.

    Je dois dire que ce livre est prcieuxpar ses descriptions dtailles, ses explica-tions simples et ses tmoignages concrets.

    Ce livre ma beaucoup touch. En le lisant,je me suis aperue que javais dj rencon-tr des enfants et des adultes ayant lescomportements dcrits par lauteur. Je neles ai pas compris et nai pas eu lempathieni la patience dapprendre les dcouvrir.

    Je sais qu lavenir, je serais plus ouverte. Ladiffrence fait peur et gne, je pense main-tenant quil faut lapprivoiser.

    Apprivoiserla diffrence

    LE SYNDROMEDASPERGERET LAUTISMEDE HAUT NIVEAU

    Par Tony Attwood

    dition DUNOD, Paris, 2003

    182 pages

    M

    Vos commentaires et suggestionssont les bienvenus:[email protected]

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    La seule revue de massothrapieen franais en Amrique du Nord.

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