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Médecine des maladies Métaboliques - Octobre 2010 - Vol. 4 - N°5 604 Brèves Diabète Sommeil et diabète Des études épidémiologiques suggèrent que la restriction en sommeil favorise l’al- tération de l’équilibre glycémique. Pour mieux étudier les relations entre sommeil et glycémie, OM. Buxton et al. ont inclus 10 sujets sains (âge : 20-35 ans) dont le métabolisme glucidique a été étudié durant une phase de 8 nuits où le sommeil durait 10 h, et une période de 7 nuits où le sommeil ne durait que 5 heures Cette dernière altérait la sensibilité à l’insuline (mesurée par un clamp euglycémique hyperinsulinémique) et la tolérance au glu- cose, sans affecter la sécrétion d’insuline. Ces altérations n’étaient pas corrélées avec les changements de cortisol salivaire ou de catécholamines urinaires induites par la restriction en sommeil. Ainsi, une restriction en sommeil de courte durée est suffisante pour altérer l’homéostasie glucidique chez le sujet sain. F.A. Buxton OM, Pavlova M, Reid EW, et al. Sleep restric- tion for 1 week reduces insulin sensitivity in healthy men. Diabetes 2010;59:2126-33. Insulinorésistance et mitochondries De nombreux travaux ont suggéré que les patients insulinorésistants présen- tent une dysfonction mitochondriale (en terme de fonction ou de nombre) qui participe directement à la physiopatho- logie de l’insulinorésistance. En effet, en provoquant une réduction des capacités oxydatives des substrats, l’atteinte mito- chondriale favoriserait de nombreuses anomalies comme un stockage anormal de lipides dans les tissus (lipides ectopi- ques). Néanmoins, des données récen- tes remettent en question ce concept. Joris Hoeks et al. ont testé l’hypothèse que l’atteinte mitochondriale est plutôt secondaire à l’insulinorésistance et non pas sa cause. Pour cela, les auteurs ont employé le modèle de restriction calorique qui induit, chez le sujet sain, le développement d’une insulinorésis- tance au fur et à mesure de l’élévation des acides gras libres (AGL) circulants et de leur oxydation. Des sujets sains ont été randomisés en traitement croisé (cross-over) pour être étudiés soit après 60 heures de jeûne, soit après 60 heures d’alimentation normale. Un clamp eugly- cémique hyperinsulinémique a été réalisé lors de chacune de ces conditions, ainsi que l’étude de la fonctionnalité des mito- chondries. Lors de la période de jeûne, l’installation de l’insulinorésistance s’est accompagnée d’une altération de la fonctionnalité des mitochondries, alors que l’oxydation lipidique totale mesurée par calorimétrie était augmentée. Comme les sujets n’étaient ni hyperglycémiques ni insulinorésistants au préalable, les auteurs suggèrent que c’est l’élévation des AGL circulants (et/ou l’accumula- tion de lipides dans le muscle squelet- tique) qui a contribué à la dysfonction mitochondriale (et non l’inverse) lors de l’induction de l’insulinorésistance. F.A. Hoeks J, van Herpen NA, Mensink M, et al. Prolonged fasting identifies skeletal muscle mito- chondrial dysfunction as consequence rather than cause of human insulin resistance. Diabetes 2010;59:2117-25. Auto-immunité et diabète de type 2 La classification des diabètes chez l’en- fant est parfois difficile. En témoigne le travail de GJ. Klingensmith et al. qui se sont intéressés à la présence d’une auto- immunité chez des enfants présentant un diabète compatible cliniquement avec un diabète de type 2. Ainsi, 1 206 patients, âgés de 10 à 17 ans, et atteints d’un dia- bète considéré comme un diabète de type 2 ont bénéficié d’un dosage des anticorps anti-GAD-65 et anti-IA-2. Les résultats montrent que 71 d’entre eux (soit 5,9 %) présentaient un ou l’autre des deux anti- corps et 47 d’entre eux (soit 3,9 %) présen- taient les deux anticorps simultanément. Les anticorps étaient plus fréquents chez les sujets caucasiens et de sexe masculin chez lesquels les éléments suggérant un syndrome métabolique étaient plus rare- ment présents. Par contre, la pression artérielle, le C-peptide à jeun et les para- mètres lipidiques ne différaient pas entre les patients avec ou sans auto-immunité. En l’absence de marqueur clinico-biolo- gique discriminant, les auteurs suggèrent que l’auto-immunité doit être recherchée chez des enfants présentant un diabète de type 2. F.A. Klingensmith GJ, Pyle L, Arslanian S, et al; TODAY Study Group. The presence of GAD and IA-2 anti- bodies in youth with a type 2 diabetes phenotype: Results from the TODAY study. Diabetes Care 2010;33:1970-5. Os et insulinosécrétion Grâce aux travaux de Gérard Karsenty et de son équipe, il a pu être établi depuis peu les rôles de l’os dans l’homéostasie glucidique. L’os en effet participe, via de nombreux mécanismes, à la régula- tion de la glycémie. Récemment, cette équipe a démontré que les ostéoblastes fabriquent une hormone, l’ostéocalcine, qui augmente l’insulinosécrétion. Pour approfondir le rôle de l’ostéocalcine sur le pancréas endocrine, les auteurs ont créé un modèle murin invalidé pour le récepteur de l’insuline spécifiquement dans les ostéoblastes. Dans ce modèle, il existe très clairement une intolérance au glucose démontrant que l’os est nécessaire au contrôle de la glycémie. Par quel mécanisme ? L’insuline agit sur les ostéoblastes en inhibant la synthèse de l’ostéoprotégérine qui inhibe physio- logiquement la fonction des ostéoclastes. Les ostéoclastes n’étant plus inhibés, une résorption osseuse est stimulée. Celle-ci, par des modifications de pH, décarboxyle l’ostéocalcine qui devient alors active. L’ostéocalcine est alors libérée dans la cir- culation, ce qui augmente l’insulinosécré- tion. Par ce biais, l’os agit favorablement

Auto-immunité et diabète de type 2

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Médecine des maladies Métaboliques - Octobre 2010 - Vol. 4 - N°5

604 Brèves

Diabète

Sommeil et diabète

Des études épidémiologiques suggèrent que la restriction en sommeil favorise l’al-tération de l’équilibre glycémique. Pour mieux étudier les relations entre sommeil et glycémie, OM. Buxton et al. ont inclus 10 sujets sains (âge : 20-35 ans) dont le métabolisme glucidique a été étudié durant une phase de 8 nuits où le sommeil durait 10 h, et une période de 7 nuits où le sommeil ne durait que 5 heures Cette dernière altérait la sensibilité à l’insuline (mesurée par un clamp euglycémique hyperinsulinémique) et la tolérance au glu-cose, sans affecter la sécrétion d’insuline. Ces altérations n’étaient pas corrélées avec les changements de cortisol salivaire ou de catécholamines urinaires induites par la restriction en sommeil. Ainsi, une restriction en sommeil de courte durée est suffisante pour altérer l’homéostasie glucidique chez le sujet sain.

F.A.

Buxton OM, Pavlova M, Reid EW, et al. Sleep restric-tion for 1 week reduces insulin sensitivity in healthy men. Diabetes 2010;59:2126-33.

Insulinorésistance et mitochondries

De nombreux travaux ont suggéré que les patients insulinorésistants présen-tent une dysfonction mitochondriale (en terme de fonction ou de nombre) qui participe directement à la physiopatho-logie de l’insulinorésistance. En effet, en provoquant une réduction des capacités oxydatives des substrats, l’atteinte mito-chondriale favoriserait de nombreuses anomalies comme un stockage anormal de lipides dans les tissus (lipides ectopi-ques). Néanmoins, des données récen-tes remettent en question ce concept. Joris Hoeks et al. ont testé l’hypothèse que l’atteinte mitochondriale est plutôt secondaire à l’insulinorésistance et non pas sa cause. Pour cela, les auteurs

ont employé le modèle de restriction calorique qui induit, chez le sujet sain, le développement d’une insulinorésis-tance au fur et à mesure de l’élévation des acides gras libres (AGL) circulants et de leur oxydation. Des sujets sains ont été randomisés en traitement croisé (cross-over) pour être étudiés soit après 60 heures de jeûne, soit après 60 heures d’alimentation normale. Un clamp eugly-cémique hyperinsulinémique a été réalisé lors de chacune de ces conditions, ainsi que l’étude de la fonctionnalité des mito-chondries. Lors de la période de jeûne, l’installation de l’insulinorésistance s’est accompagnée d’une altération de la fonctionnalité des mitochondries, alors que l’oxydation lipidique totale mesurée par calorimétrie était augmentée. Comme les sujets n’étaient ni hyperglycémiques ni insulinorésistants au préalable, les auteurs suggèrent que c’est l’élévation des AGL circulants (et/ou l’accumula-tion de lipides dans le muscle squelet-tique) qui a contribué à la dysfonction mitochondriale (et non l’inverse) lors de l’induction de l’insulinorésistance.

F.A.

Hoeks J, van Herpen NA, Mensink M, et al. Prolonged fasting identifies skeletal muscle mito-chondrial dysfunction as consequence rather than cause of human insulin resistance. Diabetes 2010;59:2117-25.

Auto-immunité et diabète de type 2

La classification des diabètes chez l’en-fant est parfois difficile. En témoigne le travail de GJ. Klingensmith et al. qui se sont intéressés à la présence d’une auto-immunité chez des enfants présentant un diabète compatible cliniquement avec un diabète de type 2. Ainsi, 1 206 patients, âgés de 10 à 17 ans, et atteints d’un dia-bète considéré comme un diabète de type 2 ont bénéficié d’un dosage des anticorps anti-GAD-65 et anti-IA-2. Les résultats montrent que 71 d’entre eux (soit 5,9 %) présentaient un ou l’autre des deux anti-corps et 47 d’entre eux (soit 3,9 %) présen-

taient les deux anticorps simultanément. Les anticorps étaient plus fréquents chez les sujets caucasiens et de sexe masculin chez lesquels les éléments suggérant un syndrome métabolique étaient plus rare-ment présents. Par contre, la pression artérielle, le C-peptide à jeun et les para-mètres lipidiques ne différaient pas entre les patients avec ou sans auto-immunité. En l’absence de marqueur clinico-biolo-gique discriminant, les auteurs suggèrent que l’auto-immunité doit être recherchée chez des enfants présentant un diabète de type 2.

F.A.

Klingensmith GJ, Pyle L, Arslanian S, et al; TODAY Study Group. The presence of GAD and IA-2 anti-bodies in youth with a type 2 diabetes phenotype: Results from the TODAY study. Diabetes Care 2010;33:1970-5.

Os et insulinosécrétion

Grâce aux travaux de Gérard Karsenty et de son équipe, il a pu être établi depuis peu les rôles de l’os dans l’homéostasie glucidique. L’os en effet participe, via de nombreux mécanismes, à la régula-tion de la glycémie. Récemment, cette équipe a démontré que les ostéoblastes fabriquent une hormone, l’ostéocalcine, qui augmente l’insulinosécrétion. Pour approfondir le rôle de l’ostéocalcine sur le pancréas endocrine, les auteurs ont créé un modèle murin invalidé pour le récepteur de l’insuline spécifiquement dans les ostéoblastes. Dans ce modèle, il existe très clairement une intolérance au glucose démontrant que l’os est nécessaire au contrôle de la glycémie. Par quel mécanisme ? L’insuline agit sur les ostéoblastes en inhibant la synthèse de l’ostéoprotégérine qui inhibe physio-logiquement la fonction des ostéoclastes. Les ostéoclastes n’étant plus inhibés, une résorption osseuse est stimulée. Celle-ci, par des modifications de pH, décarboxyle l’ostéocalcine qui devient alors active. L’ostéocalcine est alors libérée dans la cir-culation, ce qui augmente l’insulinosécré-tion. Par ce biais, l’os agit favorablement