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1945·1947 Le Centre d'études et de documentation ISSN 01 50-4428 Co. parit. : 62187 3e Trimestre 2002 N. 0 50 - Prix 5,40 Autour du ·comte de Paris Étude Samedi-Revue et la <<Jeunesse royaliste>>

Autour du ·comte de Paris - Archives royalistes

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Page 1: Autour du ·comte de Paris - Archives royalistes

1945·1947 Le Centre

d'études et de documentation

ISSN 01 50-4428 Corn. parit. : 621 87

3e Trimestre 2002 N.0 50 - Prix 5,40 €

Autour

du

··comte

de

Paris

Étude Samedi-Revue et

la <<Jeunesse royaliste>>

Page 2: Autour du ·comte de Paris - Archives royalistes

SOMMAIRE + Éditorial . . . . .... . .......... . .. . . . . p.3 + Document : Fédéralisme et monarchie ..... ... .. ........... . .... p.4 + Le Centre d'études et de documentation) (1945-1947) ............................................ p.5 + L a m ort d'un P r i n c e de France .. ... .. . .. .. ... ... ... .... ..... p.10. + Bruno Goyet : Le comte de Paris (conférence et débat) .

........................................... p.11

+ Hommage à Honoré d'Es-tienne d'Orves . ... .. .. .. .. . ... p.19 + Le château d'Agimont ...... . .......................................... p.20 + Monarchistes italiens ........ . .......................................... p.22

· + Samedi-revue et la "Jeunesse royaliste" .......................................... p.24 + La leçon d'Histoire d'une Princesse ... . ...... ...... . .... .. p.26 Encarté dans ce numéro le fac-similé de la brochure Une institution, un homme. Le bulletin d'abonnement est en page 21 et la liste des nu­méros encore disponi bles en page 28.

Lys • Rouge "'. Aew"'e tr mestr1ell@ i"

17, rue des Petits-Champs, 75001 Paris

Courriel : Revue Lys [email protected]

Rédacteur en chef : Jean-Philippe Chauvin

Directeur de la publication : Yvan Aumont

Imprimé par nos soins

page 2

Sur les tablettes du libraire On trouvera ici une liste (non exhaustive) d'ouvrages parus au

cours des derniers mois et concernant le royalisme et son histoire.

A tout seigneur tout honneur .. commençons par signaler les livres publiés par des

membres de la Famille de France :

• H enri, comte de Par i s - La France à bout de bras - Éd. Ségu ier, j u i n 2002 - album d e 120 p . - pri x franco : 27,50 €.

Recueil d'aphorismes, de réflexions, de pensées, très joliment illustré par des aquarelles du Prince.

• Isabel l e, comtesse de Pari s - L'album de ma vie - en col laboration avec Cyr i l l e Boulay, préface· de Frédéric M itterrand - Perrin, janvier 2002 - album de J J 2 p. - prix francô : 25 €.

La comtesse de Paris raconte sa vie en images à l'aide de ses albums photos personnels.

le défunt comte de Paris a suscité divers ouvrages de valeur inégale :

• Bruno G,oyet - Henri d'Orléans, comte de Paris ( 1908-1999), le Prince impossible - Ed. Odile J acob, j anvier 2001 - avec i ndex, 364 p. - prix fra!JCO : 25,60 €.

Loin d'être une. biographie classique, cet ouvrage est une approche sociologique de la vie et de l'action du Prince. Comme telle, elle conduit à des analyses parfois très contestables. Mais la richesse des recherches faites dans les archives rend ce travail précieux par la foule de renseignements apportés.

·

• Françoi s Broche - Le comte de Paris, l'ultime prétendant - Éd . Perr in, j anvier 200 l - 274 p. - prix franco : 22,40 €.

Voici un livre, écrit d'une plume malveillante, qui ne fait que reprendre les calomnies et ragots bien connus qui traînent depuis cinquante ans dans la presse d'extrême droite. Sans intérêt.

� Xavier Walter - Un roi pour la France, comte de Paris (1908-1999) -Ed. François-Xavier de Guibert, j u i n 2002 - avec i ndex, 990 p. - prix franco : 45 €.

Cet imposant travail est la suite des quelques entretiens que l'auteur a eus avec le Prince pendant la dernière année de sa vie, complétés par une longue analyse de ses écrits. On peut ne pas partager les jugements portés parfois par l'auteur, mais l'abondance des textes cités, provenant en partie d'archives privées fait de ce livre une mine -précieuse. Un regret : l'index très lacunaire ne permet pas de s'y retrouver dans la masse d'informations.

Quelques ouvrages sur ou autour de l'Action française

• Jacques Prévotat - Les catholiques et l'Action française, h i stoire d'une condamnation - préface de René Rémond - Fayard, 2001 - avec i ndex, 742 p. - prix franco : 32 €.

Voici un travail considérable (mené pendant plus de dix ans) fait sur le sujet. Mais il ne s'agit pas d'un ouvrage neutre, l'auteur a ses choix et ses partis pris et il convient de le savoir pour prendre le recul nécessaire avant d'aborder cette querelle aux problématiques complexes.

• Alain de Benoist - Charles Maurras et l'Action Française -- Éd. BCM, février 2002 - 220 p. - prix franco : 22 €.

Nouvelle bibliographie de l'œuvre de Charles Maurras.

• Yves G uchet - Georges Valois - L'Harmattan, j u i l let 2001, 324 p. - prix franco : 24, 70 €.

Réédition complétée et mise à jour de la biographie de celui qui fut le théoricien économique de l'Action française avant de fonder Le Faisceau puis de mourir en déportation.

• Jean-Paul Gautier - La Restauration Nationale, un mouvement royaliste sous la V République - Syl lepse, mai 2002 - 372 p. - prix franco : 22 €.

Ce livre, tiré d'une thèse universitaire, est une étude sans complaisance mais bien documentée sur les héritiers de l'Action française.

Enfin, des biographies de !zéros royalistes :

• Etienne de Montéty - Honoré d'Estienne d'Orves - Perrin, 2001, 308 p. - prix franco : 20,60 €. • G uy Perr i er - Rémy, l'agent secret numéro 1 de la France Libre -Perrin, 2001, 298 p. - pri x franco : 20,50 €.

LYS ROUGE 50 - 3e trimestre 2002

Page 3: Autour du ·comte de Paris - Archives royalistes

Éditorial Quelques

excuses ... 111 • .+a -

C'est encore par des excuses q ue je dois commencer cet éditorial. . . Excuses pour

le long retard avec lequel paraît c ette l ivraison. Remerciements aussi pour la patience exemplaire dont font preuve les abonnés du Lys Rouge. Bien s û r, i ls savent qu' ils n e seront pas lésés et que leur abonnement est valable pour qua.tre numéros, quel que soit le délai entre deux parutions, mais tout de même quelle patience !

Venons-en à ce numéro. Il est consacré en grande partie à des sujets tournant autour du défunt comte de Paris et de la famille de France. Tout d'abord une étude de Jean-Philippe Chauvin sur le Centre d'Études et de Documen­tation créé par le Prince en 1945, dans le but évident de créer un pôle d'attraction pour l ' ensemble des royalistes et servir de noyau s o l i d e p o u r la r e c o n s tr u c t i o n d ' u n mouvement monarchiste. C ette é t u d e est a c c om p a g n é e d'une reproduction e n fac-similé de la brochure Une institution, un homme éditée par l 'organisme en question.

E ns u ite vous trouve rez la re­transcription d ' u n e c o nférence

LYS ROUGE 50 - 3e trimestre 2002

où Bruno Goyet expose la genèse de son livre sur le comte de Paris et la méthode de travail qui a été la sienne, nous y avons j oint éga­lement une partie du débat qui a suivi, car il p récise les critiques q u e nous avon s émises sur s o n ouvrage e t explique aussi la na­ture des rapports de la NAR avec le Prince.

Touj o u r s s u r la Fam i l l e d e France, une évocation d e la mort du prince François en Algérie en 1960, un écho s u r la château d'Agimont qui fut la résidence du comte et

·de la comtesse de Paris

e t u n d o c u m e n t t o ta l e m e n t inédit: la leçon d'Histoire qu'a donnée la princesse Chantal aux élèves du Lycée français de Tu­nis . . .

L a pagination plus réduite que d'habitude (en raiso n de la bro­chu re incluse dans ce numéro) nous a contraints à restreindre u n peu la part consacrée à nos autres rubriques. Vous trouverez n éanmoins des compléments sur les monarch i s tes i tal iens, u n e étu d e s u r Samedi-Revue et la "Jeunesse royaliste" à la fin du x1x• siècle et u n compte-rendu de l ' h o mm a g e r e n d u par l e s royalistes à Honoré d ' E stienne d ' O rves pour le soixantième an­niversaire de son exécution par les Allemands.

Bonne lecture et à très bientôt, j ' espè re , p o u r le p rochain nu­méro du Lys Rouge ...

Yvan AUMONT

page 3

Page 4: Autour du ·comte de Paris - Archives royalistes

Document Article, paru dans Ici France n° 6 du 25 janvier 1947, qui illustre bien la réflexion sur le fédéralisme que mène, à l'époque, l'équipe du Centre d'études et de documentation (C.E.D.)

Fédéralisme et Monarchie « La monarchie, a écrit d<ins ces co­

lonnes \L Schaeffer, n'est pas incompa­tible avec le socialisme de Libertés. >>

Les exemples mêmes, qui ont accom­pagné cette déclaration ont permis aux lecteurs de se rendre compte que bien plus, un tel socialisme ne trouvait son épanouissement total que dans la i\Ionarchie.

>:ous pensons bien corn.me \I. Schaef­fer et, s ' i l en était autrement, son arguinentatton, nous auran con,·a111cus. .\ious croyons cependant de,·oir com­pléter sa pensée en ajoutant que la .\Io­narchie et le Socialisme ne trom-ent leur expression véritable que dans le Fédéra­lisme qui, d'ailleurs, pour être équilibré et d u r a b l e , postule lui-même la .\Ionarchie.

Le Fédéralisme est, par excellence, le régime des libertés. Il a en effet pour principe essentiel de donner à chaque homme, à chaque groupe, non seule­ment toutes les libertés dont ils pem·enr user, mais encore leur confier, sous leur propre responsabilité, et dans le respect des règles générales édictées par les communautés supérieures, la gestion de ce qui est à leur portée. La liberté se trouve donc ici équilibrée et complétée par son corollaire : !a responsabilité.

II est normal, dans ces conditions, qu'un tel régime favorise le développe­ment des libres institutions assurant, dans le respect des diversités nécessaires, une unité profonde de la nation. La conception d'une société composée d'un Etat rour-puissant et d'indi,·idus dé:.;armés. est une vue de l'esprit. Un constate en effet que lors­q�1'il s'empare de tous les pouvoirs, l'Etat parvient à supprimer le:; liberté,; mais qu'il les remplace par le sy:_;tème de la fraude (seule défense contre son empris e). De plus, il devient ,-ire incapable, non seulement d'exercer les pouvoirs qu'il s'est arrogés, mais m.ême ceux qui lm reviennent de droit. ( )n s'achemine ainsi vers l'anarchie où, seuls, les plus forts peuvent faire entendre leur VOiX.

_-\i n s i v o i t-o n se constituer des associations, des groupes de défense, qui n'ont pas pour but de régler eux-mêmes les problèmes qui les concernen l et qu'ils connaissent, mais d'intervenir

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auprès de l'État-i\Iaître Jacques, de faire pression sur lui, afin de faire pencher la balance en faveur des intérêts particu­liers qu'ils d.éfendent ou sont censés défendre. L'Etat n'est en aucune facon l'arbitre, mais l'esclave ou le conte�p­teur des groupes de défense qui se sont constitués : leur esclave lorsqu'ils sont puissants ; leur contempteur dans le cas contraire.

Les groupes eux-mêmes, afin de peser davantage sur les décisions de l'Etat, cherchent à s'emparer du pouvoir cen­tral grâce aux partis politiques qui, pour cette conquête, emploient tous les moyens et cherchent à se concilier les grai�des forces du pays. C )n assiste alors à cette courtisanerie généralisée, qui cor­rompt à l'heure actuelle tous les esprits et n'est pas un des spectacles les moms affligeants de notre époque.

_-\u contraire, en contraignant chaque corrununauté, dotée mais aussi responsa­ble de ses libertés, à régler, parce qu'ils sont de sa compétence, les problèmes qui la sollicitent, au besoin en s'enten­dant avec les communautés voisines, le Fédéralisme favorise les contacts humains, les regroupements fraternels, générateurs de compréhension et d'entente. Examinons par exemple sous cet angle, l'une de nos plus petites com­munautés : la Commune. Rendons-la responsable de tous les problèmes qui se posent en son sein. Exigeons que son Conseil se compose des. représentants des divers groupes vivant sur son sol (syndicats, associations familiales, amica­les ou associations diverses, etc.). Nous constaterons que l'égoïsme naturel des di,·ers groupes se neutralisera et que le Conseil éclairé par ceux qui connaissent, par leur position même, les problèmes qui intéressent ces groupes, pourra, sans difficulté le plus souvent, jouer son rôle d'arbitre et de coordinateur.

;\Jous constatons ici que le Fédéralisme est seul capable de s'intéresser à tous les hommes, à ceux de la majorité comme à ceux de la minorité, et à l'homme tout entier, dans toute sa diversité, donc de réaliser le vrai social isme dont Proud'hon a été l'infatigable, apôtre.

J\'ous voyons aussi qu'il réclame une société fortement hiérarchisée où les éli­tes jouent pleinement leur rôle. i\Iais surtout, le Fédéralisme suppose à tous

LYS ROUGE 50 - 3e trimestre 2002

les échelons, et singuliêrement au gou­vernement fédéral de la collectivité nationale, l'existence d'une autorité forte, durable, incontestée dans ses origines, dans son impartialité et dans son indépendance. seule capable d'arbi­trer les conflits, de juger le� différends, d'animer l 'action de c h a q u e communauté ... E n est-il d e meilleure que le Roi, qui, dês lors, est vraiment le « Roi des Républiques françaises » ;

De plus en plus, l'opinion publique se rend compte que le problème colonial trouve sa clé da.ns le fédéralisme, seul s\·stème assez souple pour harmoniser les désirs normaux d'émancipation et la nécessité d'un ordre. Elle comprendra bien vire aussi que seule une �.Ionarchie et une i\Ionarchie que son caractère hautement national place au-dessus de tout s·oupço11, pourra a\·oir en ce do­maine l ' impartial ité et l 'audace necessaires.

Sur l e plan international enfin, le Fédéralisme suppose l'existence, dans chaque commw1auté fédérale, d'un gou­vernement non seulement absolument Indépendant, mais encore dont l'indé­pendance .ne puisse jamais être suspec­tée : donc un gouvernement profondé­ment national. Les partis, dans une Ré­publique parlementaire, ne peuvent avoir cette indépendance incontestable. Le Roi, au contraire, descendant d'une lignée profondément enracinée dans le s o l français, pourra, m i e u x q u e quiconque, jouer c e rôle de Fédérateur et grâce à son caractère essentiellement et indiscutablement national, pourra même, le cas éçhéant, se dessaisir de quelque élément de sa souveraineté sans risquer de compromettre ni l'unité ni l'indépendance du Pays.

_-\insi, le Fédéralisme, tout en laissant aux autres civilisations la possibilité de s'exprimer, permettra à la civilisation européenne, d'essence chrétienne, de se perpétuer et de prospérer, alors que nous la voyons à l'heure présente étouf­fer sous la pression de deux « blocs » hostiles. Le Fédéralisme permettrait en même temps à la France, sous l'impul­sion de son chef légitime, de reprendre clans le \fonde sa place, celle de guide vers la justice et la fraternité.

L SAIGNY

Page 5: Autour du ·comte de Paris - Archives royalistes

Histoire du royalisme

Le Centre d'études et de d oc u m entation

(1945-1947)

Au sort i r de l a seconde guerre mond i a l e, le comte de Paris se trouve dans une s ituat ion

d é licate : l'échec de sa tentat ive de p rise d e p o u vo i r à A l g e r e n 1942,

s c e l l ée p a r l'as sas s i n at d e Dar l a n (imputé à tort au Prince) et p a r l e s p re s s i o n s a l l i é e s ( m a i s a u s s i françaises . . . ) , a mis u n term e prov i­s o i re à ses activ ités po litiques. Ce la n'a pas empêché les rumeurs, souvent malve i l lantes, de c i rcu ler et de prêter au comte de Paris de n o i rs desse i ns . P o u rtant, s o n i m age, avant-guerre, était p l utôt positive dans l ' opin i o n p u b l i q u e, s a n s d o u t e g r â c e à s o n charme personnel e t à s a situat ion d e j eune prince exilé contre son gré loin de sa terre natale (ce qui l ui confère u n e a u r a « ro m a n e s q u e », sin o n romantique . . . ), mais aussi à cause de sa rupture avec les milieux mau rras­s i e n s j u g é s e x t r é m i s te s . M a i s l a guerre, les « louvoiements » stratégi­q u e s du P r i n c e e t les posit i o n s des royal i stes métropol i tains de l 'Action fra n ç ai s e , o n t b ro u i l l é l'i m a g e d u comte d e Paris et, a u regard de son audacieuse opération de 1942, ont at­t i s é ha i n e s e t ran cceurs d e s e s opposants.

A i n si, en 1945, i l s'agit pour l u i de tout reconstru i re, autant ses re lais dans l'op inion, son appareil polit ique q ue son image, qu'il s 'agit de rendre à nouveau « présentable » . Pour ce la, i l l u i faut exp l i q u e r ses posit i o n s et s e s a c t io n s d u ra n t l a g u e r r e , e t

formu l er, parfois d i fféremment d e l a période d ' avant-guerre (car les situa­tio n s et l e s p o sitio n s , n a t i o n a l e s comme international es, s e sont forte­ment modifiées), ses propres idées, en part ic u l ier sur la nature profonde de la monarchie, dont i l s ' affirme le seul habilité à en parler, déniant ce d ro i t aux maurrassiens comme aux « soc ia-1 i s t e s - m o n a rc h i s t e s » d u M . S . M . (Mouvement Socialiste Monarchique) (cf l ' étude « Les trois Lys » in n° 49

du Lys rouge, 3e tr imestre 2001).

S e s m oye n s sont d é so r m a i s très l im i t é s , e t ses a n c ie n s r é s e a u x d u Courrier royal, d e l a Propagande Monarchiste et d u Centre d 'Études A1onarchistes Univers itaire, s o n t sin i strés, exsangues . Néan m o i ns, l e c o m t e de Par i s n e se décourage pas et, ass isté de son secréta i re et repré­sentant en France, Pierre Delongraye­Montier, il décide de re lancer les acti­vités monarchi stes dans ce pays dont il est toujours ten u é l oigné par la loi d'exil de 1886 . Sous sa « l o intain e » impu lsion (i l vit en Espagne en 1945,

avant de s' i n sta l l e r au P o rtug a l e n 1946), le Centre Études et de docu­mentation ( C . E . D. ) prend le re l ais de ses défunts groupes d ' avant-guerre.

Asso c iat i o n d é c l a r é e officie l l e­ment le 28 mars 1 94 5 , a l ors q ue l a g u e r r e n ' e s t pas fi n i e, l e C . E . D . a p o u r r ô l e de fo r m e r d e s c a d re s et m i l itants royalistes, mais aussi de re­l ayer l e s pos i tion s du Prince dans l e

LYS ROUG E 50 - 3 e trimestre 2002

pays : ce Centre doit être le noyau des organ isations monarchistes à veni r et, dans un premier temps, cherche à les regrouper, alors que l a confusion, le désenchantement et souvent l'amer­t u m e règn e n t p a r m i l e s roy a l i s t e s français. Le C . E . D. s e veut, avec l ' ac­cord du Prince et sous le contrôle de D e l o n graye-M on t i e r, la « v oix du P rince » en France, sans pour autant l'engager. En cette année 194 5 , c ' est une tâche d i ffici le, car l e s nouveaux maîtres du pouvoir, issus des rangs de la Rés istance et souvent très pol itisés, n ' o n t guère de s y m p athie p o u r l a Monarchie, q u ' i l s confondent, sou­vent à dessein et pour « d iscréditer » c e l le-ci et son incarnat i o n présente, avec l'Action française et son princi­pal théoricien, Maurras, condamné en j an v i e r 1 9 4 5 , à l a r é c l u s i o n à p e r p ét u i t é . L e p re m i e r t r a v ai l d u C . E . D. va être de démontrer que l e comte d e Par is n ' a pas trahi n i fail li, mais q u'il n ' a agi q u ' e n fonct ion de la France et de son i ntérêt : les pre­miers « feuil lets » du C . E . D . , parus ( s a n s date) s a n s d o u t e d a n s l'été 1945, consacrent la maj eure partie de l e u rs co l onnes à t raite r de l a vie et des déclarations du comte de Paris de 193 8 à 1945 : de l a dénon c i at ion de M unich par le Prince en octobre 193 8

aux (fau sses) r u m e u rs s u r l e ret o u r c l a n d e st i n d u c o m te d e P a ris e n France à l'automne 1944, en passant p a r l ' e ngagem e n t d a n s l a L égio n étrangère, les déc l arat ions du Pri nce

page 5

Page 6: Autour du ·comte de Paris - Archives royalistes

(Appel aux jeunes français, printemps 1941 ; Appel de septembre 1941 ... ), le voyage à Vichy en aoüt 194:2, puis la rencontre avec le pape en septem­bre 1942, l'affaire d' A Iger, mais aussi les naissances et les baptêmes dans la Famille de France, il s'agit d'infor-

vraisons suivantes du C.E.D. s'ajou­tent d'autres noms comme celui du comte Amalric, de Rambuteau, mort en déportation, tandis que les rédac­teurs des feuillets évoquent plus lon­guement le souvenir des disparus déjà cités dans le feui Ilet n° 1 comme Jean

Résistance. En même temps, le C.E.D. souligne que « les représen­tants officiels du comte de Paris ( . .) ont vigoureusement tenu la position d 'indépendanc? nationale prescrite par le Prince . Deux d 'entre eux, seulement, ont cru devoir faire du

mer directement les royalistes des ac- Marcel, « un royaliste français vic- collaborationnisme : ils ont été chas­sés de nos organisations (. .. ) >>

(C. E. D . , feuille 3). La répétition régulière durant toute l'année 1945 des nécrologies de royalistes tués par l'occupant nazi participe de la stratégie de distanciation à l'égard de l'attitude maurrassienne, distanciation qui, surtout, se signale par l'absence totale de référence, dans toutes les feuilles du C. E . D . , de 1945 à 1 947

tivités princières (ce qui n'a pu se lime du national-socialisme>> faire librement depuis 1940, de par l'occupation du territoire et les censu-

T �e:,����;·��: =��;�c�e:ses de cette

, / 1JBS E . ·:::.--les rassurer en dé- �WT'Jl'V DJTU r �T1011f ···�-mentant les rumeurs c JJ rJJIJffl 11 _

et les calomnies ve- f ''}/JJlf JJ -��"eo�_ •. .-

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� � �";';';.� � .--:.�.�__.. _roa. ...... e-,w.�__,,., ..... J'l�àir;O.�� t"t ' t �;-��---=�� ::.:-;:::;-� A .. �.-:..:�� �1�"',-:-;!,.�;11.�\·----:..�\'·� que ce 1 re n es encore le comte de Paris sait que "';;;-.:��"'::. ... � ....-,::::,-... . � 11 ;::.. . ....... e,.... ... - ""'-'""'""'' 1 · d // · · ';;:'.;.:;;�;:-.. .-::� _"'.::·�=-�,.;:.;-.';,1 •;;:: .. ':::, .... .. ;:::::-:�· que ce u1 u Bu etzn zn-son _image a été gravement :::. · �;'�·.? -.;-"·;..;:::.. ... .-- -.:;;::::;:; - ' ,,.':" .... -

'h bd :..;:.�.:..::.-� �;.:-��.�:.:,��� ,_. térieur du C. E. D. et non 1 e oma-déformée, au point de faire � ... ��-:.:'-:..�·.:: � ... ·,.::-��- . . , , , r-::r� ... . � ... ;;.- _ ��- Monroe et da1re de 1947), a Maurras et a 1 Ac-douter - non pas de la Mo- - -:;;;.-: .. � -narchie mais du Prince lui- :..::�� • ..-;.

. Pierre Mulsant. Le tion française. Le seul nom issu de

même _ un fidèle comme .. .

C. E. D. choisit de ne citer que les 1' A. F. que l'on trouve dans les colon-d a t·c,·pant aux nes de C.E.D. , c'est celui de Jacques Georges Bernanos (dans un article de noms es personnes P r 1

«services du Prince», c'est-à-dire Bainville, qui n'a pas été ostracisé novembre 1944).

Pour étayer cette reconstruction, le C.E.D. rappelle, dès les premières li­gnes de ses premiers feuil lets (de grandes feuilles volantes recto-verso aux articles denses, sans i 11 ustration les premiers mois, et aux caractères de petite taille ... ) que « les royalistes de 1939 à 19-15, ont pris leur part des sacrifices communs >> : les rubriques nécrologiques, qui tiennent une grande place dans les premiers feuillets (simplement intitulés Centre d 'Études et de Documentation . . . ), inaugurent même ceux-ci, ce qui n'est évidemment pas anodin. Sous le titre « Hommage à nos morts e t à nos déportés )) , on trouve Émile Ménè�, fondateur et animateur du Centre d 'E-tudes lvfonarchistes Universitaire, tué en mai 1940 ou encore Lucien Frémont, maire de Lasson et délégué du comte de Paris pour le Calvados, fusillé par les Allemands en mars 1 942 au Mont Valérien. Dans les li-

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chargées de responsabilités dans l'or- après-guerre et qui reste une ganigramme de ses organisations d'a- «référence honorable » du royalisme vant-guerre: aussi ne faut-il pas s'é- d' A. F., en tant que « libéral » (au tonner de ne pas trouver les noms de sens ancien du terme), mais aussi royalistes « connus » par leur rôle et parce que, décédé en 1936, il échappe dans la littérature d'après-guerre sur aux clivages de 1940-1944 ... Même les résistants, comme Honoré d'Es- si les feuilles du C.E.D. sont critiques tienne d'Orves, Jacques Renouvin ou à l'égard de l'épuration, on n'y trouve encore Raymond Toublanc. Une autre pas d'évocation du procès Maurras, ni explication peut être avancée qui sou- d'appel à la révision de celui-ci ou à ligne que de nombreux royalistes en- la libération du vieux maître de l' A.F. trés en résistance sont avant tout des Le comte de Paris se démarque ainsi membres ou des dissid.ents des orga- de ceux qui, jusque là, imprimaient nisations maurrassiennes, certes presque totalement leur marque au fidèles au Prince, mais sans avoir for- royalisme français ... Il sait aussi, cément suivi celui-ci dans ses choix comme le souligne Bruno Goyet d'après-1937, c'est-à-dire après la (dans son livre sur le comte de Paris, rupture, brutale mais inévitable, avec page 277) que « l'idéologie de fa l'Action française.

Révolution nationale doit trop aux

Néanmoins, évoquer les royalistes thèses d 'A. F pour que la préten­

déportés ou tués par les nazis permet dance puisse être épargnée» et qu'il de se défendre des accusations de lui est ainsi reproché des attitudes «collaboration» ou d'« attentisme» qu'il n'a pas eu mais que d'autres ont formulées par les partis issus de la eu, qui se réclamaient de son principe

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en avançant la formule « sauvegarder l'héritage» ...

l 'ensemble, quelle sécurité supplé­mentaire pour la nation et pour la liberté représenterait l'existence d 'un

Néanmoins, si le C.E.D . et ses roi fédérateur et constructeur, de tra­articles apparaissent comme une dition chrétienne et human iste »

«justification», comme une sorte de (C.E. D . , feuille 12). Le C.E.D. n'est «mémoire en défense», ce n'est pas pas un parti et l'idée même d'un parti que cela, loin de là. Le Centre d'étu- royaliste est récusée, sans doute pour des et de documentation se veut un éviter des dérives et surtout les échecs lien entre tous les royalistes fidèles, des tentatives (électorales ou non) qu'il s'agit de regrouper après les précédentes: le M.S.M. (Mouvement avoir rassuré, puis de mettre en ordre Socialiste Monarchiste) est d'ailleurs de bataille, pour préparer« l'appel au rappelé à l'ordre par les services du roi». Mais le C. E.D. précise le rôle Prince qui y voient une initiative des royalistes, soulignant son refus du vaine, voire compromettante pour dogmatisme et de « l'endoctrine- l'image de ]a Monarchie:«( . . . ) dans

Corn ités Monarchistes à la suite de la dissolution des divers mouvements. dont le M.S.M., par exemple: <1 1Vo­tre but, avec de modestes moyens initiaux, trop modestes, hélas ! c'est de faire la Monarchie 1 De la faire, pas de la rêver .1 C 'est-à-dire de se battre ! Comme la Monarchie se jèru avec l 'accord des Français ou ne se fera pas. toute notre action, toute no­tre tac.tique. do ivent être orientées vers cet objectif numéro un : la pro­pagande » (Ici France, n° 1, 1 5 octo­bre 1946). Il soutient aussi la fonda­tion de l'Union des Protestants Mo­narchistes (C.E.D. , feuille n° 41 ), en cette même année 1946. ment », visant en cela les groupes les circonstances actuelles, l 'exis­

maurrassiens qui, par la force des tence d 'un parti monarchiste serait choses, se font alors plus discrets, particulièrement inopportune( . . . )» Pour agir, le C. E. D. dispose des libérant un espace politique pour les (C. E. D . , feuille 8); «Il ne saurait feuillets évoqués précédemment, qui initiatives du Prince. Il s'agit d'habi- donc y avoir de parti royaliste au paraissent à peu près tous les mois au tuer les monarchistes à soutenir sens où il y a un parti radical ou un nombre de 2 ou 3, et te jusqu'à I' Héritier, quelles que soient leurs op- l'automne 1946, avant de se transfor-t ions d octr in a 1 es�----------------,,..------------------, mer en un bu! let in passées, sans arrière­pe n sée : « Les Mo­narchistes ont moins à faire la Monarchie qu 'à ne pas s'y op­p oser » ( C. E. D, feuille 8); « 11 ré­sulte de là que nos amis ont à se mani­fes t e r de deux façons : !") Hors des partis : pour faire c o n n aître les

ff;J'J'/11 fffTl/UtS cr Ut OUff/1'/f;ff;#T/O!Y 11.n<>eilllio·n a.ôef•r•" I• :.lS ..... ,..... t'.l4S c:nlorm�m•nt l I& !O• <M !!;'01 9, Rve d'Artoi,. PARIS !81 Tél.; É!y:ii•• S0-16 · C.C'. P Pu·;• .i.sa<J 61

"'lll ,\liiu1on ossen11elle o!u PQv�oir ètSI de r<ffldre les hor.imes heureux · HENRI. Cor.:ti!- à: Pons.

LE CtNTRE IYtrUDES fi 01 DOCUMENTATION A POUR BUT

"de mettre à même 9oCI adhitreni. d'apporter oao relè•ement d11 la fr;uice leur e�tier ·concours en étud.J•nl le développement dn div11u problèmff d'actualité pour e?I cherchoer Ja meifü11ire solution;" "de leur parmettro de suivre ce relêvement pu lll réunion d'une documen­talion sur :outes le1 questio� d'ordre potitique, économique ot 30cial". A CET EFFIT, li CINTRI O'trUDlS n Dli DOCUMENTATION

. aqiasant aou• �.. propre re.rponabillté et a•ec 1u1e e11tiàn amonor::iia &dminist1'tiH &I lhlancièn; . reconnu comme org;u1i�e chargé dos quntion9 de fo.rmation, d'infor­tru1tion 6( do propagande p4l' le Secrita.n.t de Monseigneur le Comte de Pan.. . publ!e des fouilla. d'information et de doeumentaition "paniaslmt <luasi llOU"ent que \'actualit6 l'u;îge" (en moyenne demi; envoi& de demi; feuillu par moi•) adritaé• à .!H adhérent.; - m•I sur pied d .. cadre• (déléqué• et correspondante), départemenlall% et locau:r;

p en S é e S , / e S Q lf - - demande à c .. .:adr�11 do roqrouper !es adhêrenlll du Centre d'ttude• et de Oocumen::ation. et en �nin.l lu royetistet ancion.t et nouTQll.UX, lidé­V rage S, les directives le• .i la france 41 au Prim�o. �acception de personne ou de tendan�. au moyen . de ro11conuea de tranil 41 d'amili.,.

du Prince ; pour ex- - :: ���en.• :�;.��:::ida, p lique r in lassa b le - . de �:::::���l\l:�:

n::�que et de campagne, ;>.:rm11nenle9

n7 en I /a V a feu r t O li- � p::��:: 0::;:,:e=�a�:::::0-l::::':1 ::;;:r::�: ':��q::= Il d l

cel docll:lnale.s et d'établir des équlpM da ;:irop.lgandistee �·kia\i:\és (tel. jours QCflfe e U seu �Paris, la Cen1u1 Royaliste de Forma.lion i'oUtiqua).

régime qui ait réussi . . à la Fr an ce ; p 0 u r • Un tract de presentatJon dn C.E.D.

rapprocher l es

LI CrNTRE D'tTUDES n Dl! DOCU'44ENTATION

. � une uaociation régie par li. loi de 1901 et diriqëe par un bur�u élu; - cette u:sociation est compoa<i"' d'adhérents qtti !orment �n cadres, :1"1: milit1tt1t1,etc..

CiH 4dhérents acini répartia dan!! la trois catégories SDiT&Jlt� : · mcmbr .. &ou..c:ipteun (cotiN.tion an:1uelle de 300 !ni).. · mombroe H•ocié• (colisation a.nnueUe do 1000 fr:s), • membres dot1eteur:s (coti.M.tion &nnuelle de 5000 rra et plu).

Le Contre a beaoin de œ. cot•tion.s pour rine, mai9 il accepte

poa.rniertt s'en :.cquitter entièrement. Le. !idhésiol'\11 !tOnt reçue• :

• pu 1 .. d.41égult• et c:or.eirpondu1t1 du Centra. · &u cou� de toute• Jea rêWLiomi orqaru.éea par lui. - au sië9e social 9 rue d'Anoia, Paria. s•. en es�, par tM.n­

d&t, par chèque bancaire oo. pa.r ch6que poat&l (C. C. P. Paria 4$60.61).

intérieur intitulé Ici France qui comptera treize numéros, jusqu'à mai 1 947, publié deux fois par mois sur quatre pa­ges et présentant souvent en première page la photo d'un membre de la Fa­mille de France (en g énéral, l'un ou l'autre des enfants du comte de Paris), comme pour rappeler le caractère profon­dément humain et fa­m i 1 ial de la Monar­chie française (l'affectif, l'attache­

ment sentimental,

Français les uns des autres, atténuer leurs différends, montrer les ravages de / 'e.1,prit partisan et les avantages de cet esprit de concorde qui découle tout naturellement d 'une notion juste de la Monarchie française. 2") A l 'in­térieur des partis : pour montrer aux h o m mes dont les tendances économiques, sociales. politiques et civiques leur ont paru bonnes dans

parti communiste » (C. E. D . , feuille 12). Ce n'est pas pour autant une incitation à ne rien faire: « nos amis p e uv e n t el do iven t former des groupes, des cercles, des mouvements à base régionale ou professionnelle, intellectuelle ou morale, dont /'idée royaliste serait à la fois le moteur et le terme »(C.E.D., feuille 12). Ainsi, le centre soutient-il la création des

restent des composantes fortes de la «

mythologie monarchique»). D'autre part, le C.E.D. diffuse des photos de la Famille de France et, plus impor­tant (politiquement parlant), des bro­chures (comme Monarchie et Démo­cratie de Jérôme Paturot, reproduite dans le Lys rouge, n° 30, mai-juin­j u il let 1986, ou comme une Ins titution, un Homme, reproduite dans ce numéro du Lys rouge) et des

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livres de Saint-Thomas d'Aquin, de Bossuet, mais aussi de La Pradelle sur la Monarchie, livre publié dès 1944.

Au-delà de la simple diffusion des i dées royalistes. il s ' agit d ' élargir l'espace politique des royalistes, par­delà les frontières idéologiques habi­tuelles et de rompre avec une « cer­taine image » : « ( . . . ) la ques tion monarchique n 'est pas liquidée. Il ne s 'agit pas de savoir s 'il n 'y a plus dans l 'éventail électoral une extrême­droite qui se qual[fze de royaliste . . . Il s 'agit du fait qu 'il y a maintenant des royalistes à gauche et non plus seule­ment à droite. Il y en a dans tous les groupes( . . . )» (C. E.D., n° 10). Pierre Schaeffer, qui se définit comme so­cialiste-monarchiste tente une appro­che de la S F IO, en s'appuyant sur quelques citations de Léon Blum et sur l'exemple des monarchies nordi­ques dont les gouvernements sont socialistes, avant de conclure à la complémentarité entre idées socialis­tes et institution monarchique : « La Monarchie s 'adapte aux structures de la Société qu 'elle devra couronner ; la thèse démocratique du socialisme quant aux libertés individuelles n 'est p as e n c o n tradict ion avec la Monarchie. ( . . . ) La conquête légale du gouvernemelll, la révolution socia­l i s t e s o n t donc poss ib les en A1onarchie, pour les socialistes. On a vu - et nous le voyons tous les jours en Suède comme en Angleterre avec les socialistes de la II' Internationale - que la Monarchie peut allier les formes les plus sûres du progrès avec le sens de la tradition nationale . »

(Ici France, n° 2, novembre 1946). Cela étant, le C.E.D., tous en s'adres­sant aussi aux communistes reste électoralement anticommuniste, sui ­vant les indications du secrétaire du comte de Paris : « L es monarchistes devront voter en s 'impirant d 'une es­sentielle préoccupation : faire obsta­

cle au communisme. ( . .) La nécessité impérative de ne pas diviser sur un trop grand nombre de listes les votes anticommunistes, interdisent la pré-

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• Bulletin intérieur du C.E.D. d'octobre 1 946 à mai 1947, Ici friJJ/ce n'est pas · encore l'hebdomadaire grand public qu'il

deviendra ensuite.

sentarion de listes monarchis tes » (C.E.D., feuillet n° 28).

Les feuillets du C.E. D. consacrent une grande part de leurs colonnes à la définition de la Monarchie, dans la 1 ignée des idées (et de la stratégie) du comte d e P ar i s : i 1 s ' agit d ' une

« Monarchie chrétienne, héréditaire, tempérée et sociale ( . . . ), monarchie traditionnelle et révolutionnaire »

(C.E.D., feuille n° 18). Chaque livrai­son du C.E. D. est un véritable argu­mentaire pour la Monarchie, suscepti­ble de fournir, par l'écrit, une vérita­ble formation politique à ses lecteurs et de répondre aux objections des contradicteurs : des textes très doctrinaux, très théoriques, s'appuient sur les livres et les déclarations du comte de Paris.

Désormais , monarchie et démocratie, au contraire des théories maurrassiennes, qui les opposaient, sont consi d érées comme complémentaires, et le C. E. D. insiste sur le fait que la juste démocratie ne peut vraiment s'épanouir que sous la Monarchie, et grâce à elle : « Si la démocratie est le régime des sociétés organisées de telle sorte que tous les membres, individus et collectivités,

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soient représentés, chacim selon sa nature, son rôle et son importance au regard de l 'ensemble, si la démocra­tie est le régime qui permet à tous d'être entendus et à tous de consentir l ' imp ô t alors n ous s o mm e s démocrates. (. . . ) Il restera à la cou­ronner pour la garantir, la défendre e t la perpétuer, pour lui donner ce caractère sacré sans lequel zoutes les constitutions ne sont que des chiffons de papier » .(C. E. D . , feuille n° 1 4). Mais la définition de la démocratie par le C. E.D. reste restrictive, à une époque où le terme est employé par tous les partis (même les moins

« démocratiques» . . . ), souvent de façon abusive : « si la démocratie est le régime où toute chose peut tou­jours être remise en question par la « volonté générale » censément expri­mée par le vote à travers partis et comités, et d'où doit se dégager une majorité, si la démocratie est fondée sur la concurrence des opinions, des forces qu 'elles mettent en mouvement, et des propagandes fussent-e lles déloyales , s i la démocrat ie n e reconnaît pas de lo i q u i lu i so i t supérieure, alors nous ne sommes pas démocrates. » (C.E.D. , feuille n° 14). Un long commentaire est consacré

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par les feu i l lets du C. E. D. au message p o n t i fi c a l d u pape P i e X I I de N oë l 1 944 OLI c e l u i - c i évoq u e l e probl ème des i nstitutions pol i t iques et de la dé­moc rat i è : san s doute faut- i l dater de là l e véritable « ra l l i ement » d u comte d e P a r i s e t de s e s fi d è 1 es ( p o u r 1 a p l u p a r t c a t h o l i q u e s ) a u p r i n c i p e démocratique. en tout cas au mot, et à l a d é fi n i t i o n d o n n é e p a r ! " a u t o r i t é suprê111e de l ' Égl ise. ( feu i l les n ° 6 e t 7 d u C. E. D . ) : l a c o n d a m n at i o n d u rousseau i s m e e t d e l a « d é m o c ra t i e i n o rga n i q u e » r e s t e n t e ffi c i e n t e s . co111me « la doctrine q u i fait reposer dans le peuple Io source un ique du pouvoir )) (C. E. D. , fe u i l l e n° 7), m a i s p a r contre. l e C . E . D . met en avant, à l a s u ite d u Pape, l e s p r i n c i pes d ' u n e « sa i n e d é moc rat i e » : « L e premier est certainement que le régime démo­cratique ne porte pas atteinte à ! 'exis­tence d "une autorité responsable el maÎtress e de ses décis ions qui s o it effectivement o b éie . (. . . ) Il n ·y a donc de saine démocratie que celle qui reconnaît une autorité qui décide et commande. (. . . ) Ce qu 'il .fàut et ce q u i S l(/fit, dans le vocab ulaire de Pie Xll, pour qu ·un régime mérite d 'être appelé démocratie. c 'est s im­plement q u 'il ass ure à tous les ci­toyens deux droits essentiels qu 'il dé­

finit ainsi : « Exprimer son opinion personnelle sur les sacrifices qui lui sont imposés, ne pas être contraint à obéir sans avoir été entendu. ( . . .) )) (C. E. D., feu i l le n° 7). Les monarch i s­tes y trouvent a i sément l e u r com pte, fidè les q u ' i l s se veu lent à une Monar­c h i e rep rése n tat i v e , d é c e n t ra l i s é e , v o i re fédéra le , résumée d a n s l a fo r­m u l e « l ' autorité au s o m m et, l e s l i ­be1iés à l a base » .

U n e autre idée forte avancée p a r l e Centre, c ' est le fédéra l isme : mais. u n fédéra l i sme « double », s ' appl iq uant à l a fo i s à l a nation française ( reprenant en c e l a l e s c o n c e p t i o n s du fé l i b r e Maurras, pourtant tota lement occu lté d a n s l e s é c r i t s d u C . E . D . ) et à l ' Europe. voire au monde. Le co111bat séc u l a i re des monarch i stes contre l a « c e n t ra l i s a t i o n r é p u b l i c a i n e » e s t d o n c i c i p o u r s u i v i , t h é o r i q u e m e n t

c o m m e p ra t i q ue m ent, et c e l a a u tant pour l a 111étropole q u e pour les terr i ­t o i r e s d ' o u t re - m e r e t d e l ' U n i o n fra n ç a i s e : « l a centralisation est / "arme des révolutionnaires e t le

fédéralisme. la condition et la sauve­garde de la l i b e r r é )) r é s u m e Ic i France ( n ° 5 , janvier 1947) , q u i con­sacre un grand art i c l e s u r « Fédéra­lisme et /l!Jonarchie )) dan s son édit ion d u 25 j a n v i e r s u i v an t : « L e fédéra­lisme est, par excellence, le régime des libertés. Il a en effet pour prin­c ipe essentiel de donner à chaque homme, à chaque groupe, non seule­ment toutes les libertés dont ils peu­vent user, mais encore leur confier, s o us leur propre responsab ilité. et dans le respect des règles générales édic t é e s p a r l e s c o m m u n a u t é s supérieures, la gestion de c e qui est à leur portée )) . Le pri n c i pe de subsid ia­r i t é a i n s i ap p l i q ué à l a F r a n c e n ' est pourta11t pas le d é n i de l ' u n i té ( et de l ' i n d é p e n d a n c e ) fra n ç a i se : « Sur le plan international, le fédéralisme sup­pose 1 'existence, dans chaque commu­nauté fédérale d 'un gouvernement ( . . . ) profondément national. ( . . . ) L e Roi ( . . . ) descendant d 'une lignée pro­

fo n dé m e n t enracin é e dans le s o l fra n ç a i s , p o u r r a , m ie ux q u e q uiconque, jouer c e rôle de fédéra­teur et grâce à son caractère essen­t i e 11 e m e n t e t i n di s c u t a b l e m e n t n a t i o n a l , p o urra m ê m e , le cas échéant, se dessaisir de quelque élé­ment de sa souveraineté sans risquer de compromettre ni l 'unité ni l 'indé­pendance du Pays )). A i n s i l a fédéra­t i o n fra n ç a i s e d o i t- e l l e t r o u v e r s a p l ace dans une « organ isat ion fédérale du monde » , te l l e q ue l a s o u h a ite le comte de Par is et « L a Fédérat i o n » ( « C e n t re d . É t u d e s I n s t i t ut i o n n e l l e s p o u r ! ' O rga n i s at i o n d e l a S o c i é t é Française »), groupe de réflexion dans lequel on trouve de nombreux royal i s­t e s f id è l e s à l a M a i s o n d e F r a n c e ( G u st a v e T h i b o n , G a b r i e l M ar c e l , T h ierry Mau l n i er, L o u i s S a l l e ron, . . . ) et d ' anc iens « non-conform i stes » des a n n ée s 30 ( Robert A ro n , A l ex a n d re M a rc . . . ) . D a n s l e s g r.a n d e s é t u d e s c o n s a c r é e s p a r l e C . E . D . a u x p ro b l èm e s i n st i t u t i on n e l s, c ette con-

cept ion d'un tëdéra l i s m e mond i a l re­v i ent fréq uem ment. tout en i n s i stant sur la nécessité de l ' e x i stence de for­tes ident i tés nat i o n a l e s et état i q u e s : « li faut à tout prix une multipliciti! d 'États divers réalisant l 'urgunisulion polit ique q u i con v ie n t à c h o q u e peuple, selon son sol, son climat. ses aptitudes. ses tradirions. Il est imli.1 -pensable de maintenir les États divers qui résultent de la géogrnphie et de ! 'histoire avec une suffisante indépen­dance au sein de / "organisation inter­nationale (. . . ) L 'État ne se s uicide pas en entrant ·dans l 'organ isation internationale, il y assure mieux. au contraire, sa vie propre et son propre développement. ( . . . ) Il n �V a de solu­tion que dans une conception fédéra­liste qui adm e tte une s ouveraineté hiérarèhisée", c 'est-à-dire répartie à des étages divers : ! 'organisation in­ternationale ne saurait être q u 'une .fë dé rat ion des États )) ( C. E. D . , feu i l let n° 30).

Le Cen tre est un véritab le labora­to i re de réflexion po l it iq ue, s ' essayant à d éfi n ir les é l éments d ' une « Consti­tution Monarc h i q ue », à l ' heure où se succèdent les consultatiorn; é lectorales et les référendums const itut ionnels. et à p ré c i ser l e s poss i b i l ités i n st itut ion­n e l l e s de la M onarc h i e . Les fe u i l l ets du C. E. D . et le b u l l et i n !ci-France, re s t e n t, a uj ou r <l ' h u i e n c o r e , les t é ­m o i n s i n tére s sants d e s réfl e x i o n s e t d e s recherc hes théori q ues d e s mon ar­c h i stes de l ' après-guerre.

Au printemps 1 94 7, le Centre cl· É­t u d e s et de d o c u m e n t a t i o n s ' e ffac e d é fi n i t i v e m e n t d e v a n t l e s C o m i t é s M onarch i stes e t l a Soc iété d ' éd i t ions e t de d o c u m e n t a t i o n n a t i o n a l e s ( S . E . D . N . ) , tan d i s q u ' !ci- France de­v i ent u n hebdomad a i re gra nd p u b l i c d e s t i n é à re l ay e r l e s p o s i t i o n s d u Prétendant. M a i s tout c e l a d i sparaîtra dès ! ' automne 1 94 7, le comte de Par is ayant déc i d é de c hanger d e stratég i e p o u r « préte n d re » ( au s e n s fo rt d u terme) p l us efficacement.

Jean-Philippe CHAUVIN

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Famil le de France

La m o rt d ' u n P rince de F ra n ce Dans notre dernier numéro (Lys rouge n° 49) Danièle Bonini avait rassemblé les souvenirs q u ' el le avait d u p rince F rançois d ' O r­léans lorsq u ' i l était m i l itaire à Mont-de-Marsan. A la demande de plusieurs lecteurs nous évo­quons aujourd'hui la figure de ce Prince de F rance, mort au com­bat pendant la guerre d'Algérie.

Le 1 1 octobre 1 960. la nouve l le qu i t o m b e s u r l e s t é l é s c r i p t e u rs d e l'Agence France Presse. v a faire l a

U n e d e s j o u r n a u x du l e n d e m a i n . L e prince François de France, deuxième fi l s du comte de Paris a trouvé la mort dans une embuscade à Taouri11-A l i-ou-Nasseur près de Fort-National en Grande Kaby l ie .

Né le 1 5 août l 935 , au Manoir d'Anjou, en B e l g i q u e , i l aura e u u n e e n fa n c e itinérante au gré des rés idences d'ex i l de ses parents : l e M aroc, l ' E spagn e . l e P o rt u ga l . I l e n t re e n fi n e n 1 9 4 9 au c o l l ège Sa i nt-M art in de Ponto ise où i l term i n e ra se s é tudes s e c on d a i re s . I l intègre ensuite, en 1 95 5 , l ' I nstitut agricole de Beauvais dont i l sort en 1 958 avec le d ip lôme d' ingén ieur agronome. En sep-

Télégramme du généra l de G a u l l e

C'est avec la plus vive émotion que j e prends part, Monseigneur, au très grand et très noble chagrin qui vous fra p p e , et q u e j e v o u s d e m a n d e d ' agréer le témoignage de ma pro­fonde sympathie.

Le s a c r i fi c e du j e u n e p r i n c e François, mort glorieusement pour la France, ajoute un s e rvice exem­p l a i r e à tous c e u x q u e sa race a r e n d u s à la p a t r i e , et q u i s o n t l a trame d e notre histoire.

Q u e D i e u , maintenant, l ' ai t en s a garde.

Ma femme et moi-même prions M a­dame la comtesse de Paris d'agréer l'hommage de nos s e ntiments très respectueux et très attristés.

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l=Rt\Nçols oi·FRA.Nëi .. c_oEe�i�-;��: E ST T U Ê EN ALG É R I E

Rentré de permission depuis dem: jours, il est mort en patrouille

tembre 1 958 , i l est incorporé à Mont-de­Marsan. C'est là qu' i l fait ses c lasses. De là on l 'envo ie à Pau, puis à Bordeaux où i l fai t un stage de parachutiste. En mars 1 959, i l part à l 'école d'élèves officiers de Cherc h e l l dont i l sort comme aspi rant (promotion A l l aire) le 24 août 1 95 9 . Af­fecté au 7" batai l lon de chasseurs alp ins, i l est promu sous- l ieutenant e t part ic ipe à tous les combats, toujours volontaire pour les m issions dangereuses, ce qui l u i vaut le 1 5 mars 1 960 une c itat ion à l 'ordre de la brigade avec attribution de la Croix de la Valeur m i l itaire avec éto i l e de bronze. 1 1 . effectue en septembre 1 960 un stage à ! 'Ecole de Haute-Montagne de Chamonix. pu i s regagne son u n ité . Quarante- h u i t heures plus tard c'est l e drame . . .

Yvan A U M ONT

LYS ROUGE 50 - 3e tri mestre 2002

15 mars 1960 - Citation à l'ordre de la brigade

comportant l'attribution de la Croi.x de la valeur militaire avec étoile de bronze.

Chef de section ardent et dynamique au combat. \'ient de se distinguer à plu­sieurs reprises par son courage e t son sang- froid au cours d'accrochages suc­cessifs en Grande Kabylie.

Le 3 o c tobre 1 9 5 9 , dans l ' I r z e r Tizi "'Kouilai, le 12 octobre 1 959 dans l'Ir­zer Ouakour, le 22 janvier 1 960 dans la région d'.\ït Frah et enfin le 29 janvier 1 960 dans le douar Beni :-Ienguellet. _\u cours de ces actions, a mis quatre rebelles hors de c o m b a t, récupérant q u a t r e a r m e s , d e s g r e n'a d e s , d e s munitions, des documents e t détruisant p l u s i e u r s c a c h e s , d e s r e fu g e s 1mporrants.

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Conférence de Bruno Goyet

Le comte de Paris Le livre de Bruno Goyet, « Henri d'Orléans, comte de Paris (1908-1 999), le prince impossible » ( 1 ), aussi c ritiq ué

soit-i l par les roya l istes (2), a a u moins eu le m é rite, p a r son a p p ro c h e sociolog i q u e o riginale, d ' o uvrir de nouvelles pistes de recherche et de réflexion sur la stratégie et l ' action d u comte de Paris, avant, pendant et après la Seconde Guerre mondiale (même si cette dernière partie apparaît comme la moins approfondie dans ce livre, alors q u ' elle est peut-être la plus intéressante et la plus inventive).

Le texte qui suit est la retranscription d ' u n Mercredi de la NAR du p rintemps 2001 où B runo Goyet est venu p résenter son travail (3). Nous avons éga lement retranscrit une partie du débat q u i a suivi cette conférence. Débat q u i a porté s u r les rappo rts e n t re la N A F- N A R et le comte de Paris, m a is q u i a aussi permis d ' évoq u e r la constructiOn de l ' identité de la N A R dans laquelle la figure du Prétendant, décédé en 1 999, apparaît centrale. A ce titre aussi, ce texte nous semble une contribution importante à une mei l leure connaissance de l ' h isroire du roya lisme français.

B ru no Goyet : Ces pages critiques, dans Royaliste, q ue vous venez d 'évoquer m ' ont perm is de mieux

cadrer mon propos parce qu 'on se de ­mande ce q u ' un h i stor ien sér ieux peut ven i r faire dans une réun ion m i l itante ? Après tout, pas grand-chose, si ce n ' est en réa l i té rencontrer des gens q u i font l ' h i st o i re e t qui , pour cette ra ison me pass ionnent et qu i me passionnent d ' au­tant p l u s que ces deux pages (que par a i l leurs je trouve assez malve i l lantes - la crit ique quant à el le ne me gêne pas, mais l a malve i l lance plus), que ces pages donc m'ont conforté dans l ' idée que je partage avec tous l e s h istor iens contempora ins qu' i l est très diffici le de faire une h istoi re rée l le, sc ientifique, sans que ce la heurte les témoins, pour une simple raison, c 'est q u' i l est beaucoup p l u s i n supportab l e pour un m i l itant, d e que lque bord q u ' i l s o i t d ' a i l l eurs, d ' avo i r un l i vre q u i ne prend pas part i p l utôt q u ' un l i vre q u i prend parti contre l 'objet que l ' on vénère, tout s imp lement parce que quand on a affa i re à que lqu 'un qu i n i e ce que l ' on vénère, on peut argumenter, on peut se mettre à ce n iveau-là, et i l y a touj ours

(/) B r u n o G oy e t. Henri d 'Orléans, comte de Paris (1 908- 1 999), le prince imp ossible, Odile Ja c o b, 2 0 0 I (p r ix

franco : 25, 60 f). (2) cf l 'article « Une biographie ji-ag­mentaire » par Yvan A umont dans Roya­l iste n" 767 du 5 mars 2001 . (3) l a confërence a eu lieu le 25 avril 2001. le texte est donné ici tel quel, sans avoir été relu par Bruno Goyet.

(4) Philippe de Saint Robert, Les septen­nats interrompus, Rober! L aff'ont, 1 9 7 7. Repris pour l 'essenliel dans Le secret des

jours, J. -C L anès, 1 995 (prix franco ·

25, 25 f).

m i 1 l e r a i s o n s p o u r t ro u v e r q u e l a personne , n ' a r ien compr is , a exagéré, etc . , tan d i s que le regard d i stanc i é de que l q u ' u n qu i essaye sc ient ifiquement d 'analyser ce la comme une sorte de petit insecte b izarre dont on va vo i r tous les é lytres, c ' est beaucoup p l u s d i ffic i l e à supporter. Cela m'avait déjà frappé à pro­pos de que lqu 'un qu i avait trava i l l é sur les fus i l lés de la Grande Guerre et, là, la charge émotionne l le était tel l e que c 'était très gênant pour l u i d 'avoir affaire à ces m i l i tants pac i fi stes d ' auj o u rd ' h u i q u i comprenaient m a l son analyse distanciée. En réa l ité, cela m ' i ntéresse énormément comme réaction parce q ue cela montre quand même que quand la sc ientificité est là, e l l e p rovoque o b l igat o i rement des réactions.

Je p e n se q ue ce q u ' i l m e fau t vous exposer - ce qu i peut vous intéresser - ce n'est pas tant le déta i l de la v ie du comte de Par i s q u e v o u s devez é v i d e m ment connaître, c ' est p lutôt l a façon dont ce l i vre s 'est construit. D 'abord, j e voudrais vous d i re que lque c hose q u i est tout à mon honneur vis-à-vis de vous : c'est que travai l ler sur le comte de Paris dans l ' uni­vers i té française, c ' est être pr is pour un zou lou ! J 'ai eu beaucoup de mal à faire comprendre que c ' était un suj et sér ieux. Peut-être, du coup, mon l ivre a renchéri dans l ' aspect sc ient ifi q uement ennuyeux pour b ien prouver q ue c ' était sérieux . . . C e n ' est pas spéc ia lement parce q ue l ' U ­n iversité est d e gauche, les gens d e droite m ' ont auss i ma l accue i l l i q ue ceux de gauche, ce n ' est pas une question de gau­che ou de droite, c ' est q ue le comte de P a r i s n ' e s t pas u n s uj et s c i e n t i fi q u e h i stor i q u e . D o n c i l m e fa l l a i t d ' abord prouver q u ' i l pouva i t l ' être . Et pour le prouver, j 'ai été aidé par des hasards.

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La première chose que je voudrais vous exposer c'est l ' i ncroyable intérêt que j ' ai trouvé aux arch ives de l a Maison d ite de France. C 'est cela qui m'a complètement mené parce que, une fois que l 'on a dit à son professeur : « je vais travailler sur le comte de Paris », i l faut lu i dire qu ' i l y a des archives. J ' avais d it cela un petit peu en l 'a i r à la suite du l ivre de Ph i l ippe de Saint Robert, Les Septennats in1erru111-pus (4) dans leque l i l avait cette phrase malheureuse « il faudra qu 'un jour un historien sérieux s 'intéresse à la vie du c o m t e de P a r is » . J ' av a i s d i t : « pourquoi pas ? c 'est amusant ». Mais i l faut ensuite se débroui l ler avec ça. Donc les arch ives que j ' ai dû a l l e r vo i r . par de l à l e s j o urnaux, par d e l à un cert a i n n o m b re d e s o u r c e s d e p o l i c e , l e s arch ives, ce fonds invraisemblable de la M aison de France, invraisemblable parce q u ' i l est d ' une r ichesse i ncroyab l e pour les temps anciens et plus on se rapproche des temps modernes, sans par ler même du comte de Paris, mais déjà du duc de Gu ise, (· : les s 'appauvrissent énormément parce qu 'e l les sont expurgées de tout ce q u i peut être sens ib le . Ces arch ives qu i ont é té volontairement ou invo lontai re­m e n t e x p u rg é e s , é t a i e n t au M a n o i r d ' Anj ou, puis furent confisq uées par les A l l emands pu is par les Russes et e l les ont été retro uvées à Moscou . Ce sont ces arch ives auxquel les j ' ai eu affaire lorsque je me suis adressé au comte de Paris, qu i a v a i t e u l ' am ab i l i t é d e m e les o u v r i r (mais je comprends très b ien pourquo i ) . ce son t des arc h i ves où i l ' n 'y a r i en a prior i , c 'est-à-d ire r ien de sens ib le, r ien d ' i ntéressant pour un h i stor ien qui vou­drait faire une h istoire positiviste et c las­s ique du comte de Paris . Mais vra iment r ien . Pour l e duc de Guise, presque r ien . Le duc d' Orléans, c 'est déjà p lus fourni .

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encore que l 'on voit très b ien ce qui a été expurgé. Donc, ou bien j 'arrêtais ou bien j 'essayais de continuer. Et c 'est là que j e m e s u i s rendu compte q u ' e n fai t ces ar­ch ives q u i étaient muettes (des l i stes de chéquiers, des l istes d' invités, le prix des repas au Manoir d ' Anjou, enfin des dé l i ­res de l a vie de tous les jours, des choses sans intérêt te l les que l les), s i on essayait de les étudier avec cette interrogation qui était derrière : les actes sont une chose, m a i s l e s structures q u i exp l iquent l e s actes , c ' est-à-d i re en quo i un homme l orsqu ' i l ag i t va avo i r derrière l u i des générations précédentes, va avoir à côté de l u i tout un m onde q u i fa i t q u e ses actes, même s i c 'est l u i qui les veut, qu i les fait, ne sont pas complètement purs de toute i n fl uence, je me rendais compte q u ' une analyse socio logique et p l us en­core une analyse ethnologique, quas iment anthropo l og ique , de cette F am i l l e de France devenait passionnante.

Le p re m i er p o i n t pour e x p l i q uer c e l i v r e , c e s o n t d e s arc h i v e s t r è s particul ières avec lesquel les i l a fal lu que je me débrou i l l e parce que, bien entendu, j ' a i fa i t l e t rav a i l d a n s l e s arc h i v e s p u b l i ques , notamment l e s arc h i ves d e po l ice, q u i sont beaucoup p l us connues . Sur l ' Act ion fran ça ise , ce la a été très exp l o ité, re-exp lo ité autant qu' i 1 le faut. Tout ce qui concernait le comte de Paris, d 'abord c 'est peu de choses, et en général c ' éta i t un pet i t peu gommé, parce que c ' e s t le fo l k l ore . Tout l e monde sa i t combien, déjà chez Eugen Weber (5), on d i t : Maurras est un royal iste pour qu i l e c o m t e d e P a r i s n ' a p a s g r a n d e importance, l a personnification d u Princi­pe . . . Ce genre d ' idée faisait qu'on négli­geait un peu tout ce qui concernait pro­prement le Prétendant (duc de G uise ou comte de Paris) . Mais ce qui est étonnant, c ' est q u ' o n trouve pas mal de traces du comte de Paris dans des cartons qu i à nouveau n 'ont aucun intérêt, dans les fa­meux cartons « Questions dynastiques », que le quai d 'Orsay a pour tous les pays, c 'est-à-dire des cartons qui datent d ' une vie i l l e conception de la diplomatie d ' An­c ien régime qui fait que tout ce qui était questions dynastiques était l ' essent ie l des r e l a t i o n s d i p l o m a t i q u e s et p u i s , év idemment, avec l e rétrécissement de l ' E urope dynastique et avec le rétréci sse­m e n t d e l ' i m p o r t a n c e m ê m e d e s dynasties, d u rô le des dynasties dans l ' or­ganisation et la vie pol itiques, ces cartons se sont réduits en peau de chagrin. Mais, selon les habitudes de l ' administration, i l était hors d e question, dans les années 30,

(5)Eugen Weber, L 'Action française, Stock, 1 964. Réédité Fayard, 1985 et Ha­chette Pluriel, 1990

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• Une des nombreuses cartes postales de propagande. Celle-ci a été éditée ( 1934 ?) par le Comité royaliste de la Seine.

40, 5 0 , de faire d i sparaître l es cartons « Questions dynastiques ». A lors, dedans, vous avez des dépêches qui évidemment deviennent de p lus en p l us « fo l kl or i ­ques » (au sens de choses qu i , vis-à-vis de la grande po l it ique, n ' on t pas grand intérêt) mais pour l ' h istorien q u i s ' est d i t : i l y a à chercher en quoi l ' image d ' un Prince, qui nous semble total ement déca lée par la réal ité du j o ur, en quo i cette image est encore opérante pour cer­t a i ns m i l i e u x , i l y ava i t un trésor . A chaque fois , ce qu i m ' a passionné dans mon travai l , c ' était ces arch ives-là, qu i étaient muettes e t en même temps extra­ordinairement parlantes, mais à condition de l e u r d o n n er u n e b o n n e c l é . A l ors , que l le bonne c lé ?

Mon deuxième point sera cette idée que j_'ai reprise de la soc iologie de N orbert E l ias, qui est une sociologie très s imple, c ' est cette idée qu 'en h istoire, l ' ind iv idu agit, la société reçoit son action, certains h i storiens d isent que toute l ' exp l icat ion de l ' h i s t o i re est d a n s l e s i n d i v i d u s , d 'autres d isent que c e sont l e s structures sociales qui s ' imposent à l ' ind ividu, et on se rend compte que les deux ont un peu raison. Et N orbert Él ias dit en réalité pour résoudre cette contradict ion i l faut voir comment l ' ind iv idu est constru i t par la société et comment l a soc iété est cons­truite par les individus qui l a constituent.

l i n'y a pas deux entités qui s'opposent, ma i s un processus d ' ac t i o n e ntre l e s deux. Ces cartons me permettaient d e l e voir, c 'est-à-dire que, u n e socio logie en­tourait par la force des choses cet homme

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qui n aît P r i nce dans une fam i l l e très part i c u l i è re q u i part i c i p e · de l a haute aristocratie, qu i en a donc tous les « t ics » (terme employé sans volonté péjorative). qui effectivement fait que cet enfant est é l ev é s e l o n l e s modè l e s de l a haute aristocratie. I l y a un ensemble de choses de ce genre, le fait q u ' i l y a autour de la Maison de France des mi l l iers de person­n es qu i tous l e s ans vont déposer l eur carte de v i s ite à ! ' Hôte l , c ' est un fai t soc iologique avant que d 'être pol itique, et même essent ie l lement sociologique, parce que la p lupart de ces gens n ' auront pas d'engagement. royal i ste, ou en auront un très faible, ou en auront un réel lement. l i n e s ' agissait pas, pour moi , d e prendre c e s l i s tes de s i gnata i re s p o u r argent comptant, ce n e sont pas des gens qu i font a l légeance au princ ipe, ce sont des gens qui partièi pent à une soc iété, à des rites, et dans ses rites (comme dans tous l e s r i tes ) i l y a u n e d i v in i t é , c ' es t l a Fami l l e d e France, avec son i ncarnat ion du j our , le comte de Par is , le duc de Guise auparavant, etc.

Là aussi, ce que j 'a i énormément aimé trouver dans ce travai l , c 'était, peu à peu, comment un homme va avo ir un capital, parce qu' i l est ce qu ' i l est, et que donc il est l ' obj et , non d ' une vénération (terme trop fort) mais d ' un e révérence envers certains m i l ieux, et comment cet homme, m a lgré tout, va essayer de sort i r de ce mi 1 i eu pour actua l i ser cette révérence, c ' est-à-dire pour en faire quelque chose, parce qu' i l veut agir. Donc, toute la diffi­c u lt é sera effect ivement de vo i r si un Prince peut rée l lement agir, c 'est-à-dire à partir d"e que l· moment, quand i l va agir, c erta ines personnes vont d i re « on ne vous suit pas, Majesté, Monseigneur (ou quel le que soit l ' appel lation qu'on voudra l ui donner ».

Ceci était ma deuxième étape, le pro­cessus d 'action, c 'est-à-dire comment à part i r d ' u n certai n nombre de données pour l esquel les, pour l e coup, le comte de Par is n ' es t que l e récepte u r, i l n e les invente pas, comment i l va les avoir dans l e s ma ins pour ag ir . Ces cjonnées sont premièrement : les données du Monde, de l ' é l i te aristocrat ique dont l e Prince fait partie malgré qu' i l en ait ; deuxièmement, parce qu' i l a en face de l u i que lqu 'un de très gênant en la personne de Maurras, gênant pour la qua l ité de sa pensée, par l ' é ne rg i e de sa propre act ion dans un premier temps, par ce l l e de ses troupes e n s u i t e . C e l a pose un pro b l ème à ce prince qui n ' a pas la chance comme l es princes a l l emands ou comme les princes ital iens d'être seul face à son peuple. l i a, e nt re s.o n p e u p l e et l u i , c e t h o m m e , Maurras, qui fui apporte des troupes, très bien, mais quel l e est l 'a l l égeance de ces

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troupes ? Est-ce q u ' e l le est au Pr inc ipe, est-ce q u ' e l l e est à M a u rras ? Ça se d iscute, c ' est d i ffic i l e e t donc i l y a des conc urrences . l i n ' y a pas un i quement dans ce processus d'action un prince face à « son peuple » . I l y a auss i le fait q u ' i l y a u n homme q u i a réussi à donner des troupes à ce prince, mais des troupes qui , en réal i té, sont extrêmement gênantes pour ce prince.

M o n tro i s i è me p o in t , c ' e s t q u e , d u coup, i l v a y avo ir des enjeux très forts, parce que , effect ivement, s ' i l y a des r i tes, comme les funérai ! les des princes, comme les messes du 2 1 j anvier, en la mémoire du roi Louis XVI , du roi-martyr, s ' i l y a des rites comme cela, ces vis ites, s ' i l y a des salons dans lesquels le prince étant pr ince, q u ' i l so i t présent ou b ien que ce soit la reine Amél ie du Portugal (évidemment alors le prince n'est plus en France, mais i l l ' est j usqu'en 1 926), la présence de ces princes est importante, donc il y a des salons pour lesque l les i l est important, i l y a l ' Académie française, où i l y a le « part i des ducs », où i l y a des gens comme M ade l i n , qu i ont une certaine tendresse pour ce m i l ieu-là. 1 1 y a t o u t e l a p r e s s e c o n s e r v a t r i c e . E ffect ivement , l e d u c d e G u i s e e t l e comte d e Paris voient bien qu' i l y a l à des armes possib les pour agi r, mais c 'est un enjeu en ce sens que le Prince n'est pas le seu l à les vou lo i r, i l n 'est pas le seu l à pouvoir les maîtriser. Donc, peu à peu, le P r i nce v a devo i r se battre contre des concurrents, p lus que contre des adversai­res : les adversaires, c ' est c la ir , i l s sont loin, i ls sont nets . . . Mais en revanche les concurrents sont beaucoup p l us dange­reux parce qu 'év idemment i ls vont es­sayer de récupérer à leur propre profit ces réseaux, ces moyens d 'action.

Dans ces concurrents, év idemment i l y a M aurras au p remier chef, en fai t l e s m aurrass iens dans l eu r ensemb le (pas u n i q uement l e doct r ina i re de 1 ' A ct i on française), mais aussi d ' autres personna­oes dans ce m i l ieu qui essayent d 'ut i l iser le Prince plus que le Prince ne les ut i l ise. Et pu i s i l y a tout l e problème de l ' e x i l qu i fa i t que l ' on a u n homme q u i parfois est un petit peu dépassé parce q u ' i l y a des gens ou p lus act i fs ou p lus présents ou p lu s proches de certa i nes réa l i tés françaises qu i vont menacer ses positions. Un exem p l e cé l èbre en la personne de François Coty et du Figaro dont l ' aventu­r i e r s ' e m pa re : c e l a pose un é n o r m e problème à la fam i l le d e France parce que Le Figaro était tout de même un journal qui était favorab le au message de l a Fa­m i l le de France.

Mon dern i e r po int , q u i est le mo ins s c i e n t i fi q u e , c · é ta i t d e ren t re r d a n s l ' action. C 'était de s e dire selon la phrase

de Lév i -Strauss que j e c i te à p l us ieurs reprises, que lorsque l 'on fait des analy­ses comme ça, q uand on ana lyse la vie d 'un homme. sauf à faire de la biographie c lassique qui n 'apporte aucune inte l l igibi­l i té à l ' h isto ire, c ' éta i t cette idée q ue, dans la v ie d ' un homme, ce qu i est im­prévisible parce qu' i l est hors de question de pouvo ir prévoir la vie d ' un homme, i l est tout d e même m aître d e ses actes , même s ' i ls sont un petit peu formés avant l u i ( c o m m e j e p e n s e l ' av o i r m o nt ré précédemment). ma i s ce qu i est i mposé n 'est j amais a léatoire, c ' est-à-dire q u ' i l y a quand même des logiques. Mon dern ier point était de voir , de raisonner l ' action du comte de Paris en termes d ' art icula­t ions : à partir du moment où cet homme m aj e u r va a g i r , sa v o l o nt é va ê t re présente, et i l va être prisonnier, p lus ou moins, de tout ce que l ' on a vu au départ. Évidemment, cela voudra d ire qu' i l pourra s ' e n é c h apper, i l p o u rra ne p as s ' e n échapper, e t même quand i l s'en échappe, en réal i té , i l su i t des procédés que ses prédécesseurs ont s u i v i s . « Le Pr ince rouge » : tous les prétendants sont des « pr inces rouges » dans l eur j e unesse, tous rompent avec ce qu 'on leur enseigne. Tous ont cette tendance à vou lo i r flatter le peup le , parce q u ' i l faut trouver des troupes, parce q u ' i l faut b ien fai re com­prendre que la monarc h i e n ' est pas l a dro i te . . . M ême quand le comte d e Pari s rompt - modestement - avec son m i l ieu, i l reste tout à fait i nscr i t dans les prati ­q ues de son m i l ieu , et c ' est tout à fai t intéressant. Le princ ipe de l ' art icu lation, c ' éta i t de vo i r com ment on peut fa i re servir le capital qu 'on a, socia l , financier aussi, comment on peut le faire serv i r à son act ion. Art icu lat ion, ce l a veut d ire : « Est-ce que je peux a l l er très l o i n ? Je

• Affiche publicitaire (1936) pour l e "Coumer Koyal ". De taille imposante (lmZOxlm80) cette affiche était tricolore.

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veux m'é lo igner du maurrassisme, je vais al ler voir les démocrates-chrétiens . . . ». ça va fonctionner encore. « Je vais a l ler voir les radicaux », ça commence à coincer parce que l ' articu lation devient d iffici le, une sorte d ' arthrose soc ia le . Ce ne sera plus tel lement · poss ible dans la mesure oli l ' on s ' él o igne beaucoup trop du champ de départ. Et donc l ' art icu l at ion permet de voir que l le est la l imite poss ible du jeu de l ' acteur à partir de ses bases de dépan. A lors, les ruptures absolues sont évidem­ment poss ib les . On peut complètement envoyer en l ' a i r toutes ces cartes de départ, mais ce n ' est jamais très souhaita­ble et le comte de Paris ne l ' a pas fait. en tout cas pas dans l ' époque que j ' étudie. Ça voudra d ire que les deux dern ières parties de mon l ivre sont le moment oli le comte de Paris va actual iser tout cela : en part i c u 1 i e r à part i r de 1 94 0 , pour des raisons qu i lu i échappent b ien entendu mais qui sont cel les de la guerre, i l est un petit peu placé face à l ' action brutale, lu i q u i , par trad i t i o n o r l é an i ste, par son é d u c a t i o n , n ' a i m e p a s trop l ' ac t i o n brutale, l e choix trop c la ir ( i l vaut m ieux l ouvoyer), par d i spos i t ion personne l l e peut-être aussi . l i faut savoir être prêt à p rendre l e pouvo ir , donc surtout ne se couper d ' aucune ressource pol i t ique, et donc là . i l ne peut pas continuer parce que les choix sont c lai rs et nets (en tout cas, i ls apparaissent comme te l s pour nous auj o urd ' h u i) . Du coup, toute l a façade extrêmement l i sse, extrêmement pol icée. se craque l le, parce que, là , i l va fal lo i r poser l e s actes , même s i l ' o n h é s i t e beaucoup.

Je voudrai d ire une dernière chose pour mettre les choses complètement au point : je pense, qu 'à moins d' être malve i l l ant à l ' égard de mon trava i l , on ne peut pas d i re q u ' à un seu l instant i l y ait dans ce travai l de parti pris envers le Pr ince ; i 1 m ' indiffère comp lètement, totalement. Je n 'avais pas du tout d'a priori sur ce qu' i 1 aura i t p u fai re , pen dant l a guerre en part i cu l ier . Ce q ue j 'a i découvert, c ' est dans les arch ives, c ' est a ins i , mais i l ne me semble j amais l ' avo ir même présenté de façon qui porte j ugement, i l me sem­ble que c 'est au lecteur de le porter, dans le sens qu' i l veut. Le jugement ne m ' in­téresse pas . Mon j ugement, i l est fa it, bien entendu, mais je ne voyais pas grand intérêt de le faire partager à mes lecteurs. Ce travai l n ' avait qu' une ambition, ce l le d 'être un travai l scientifique.

Bertrand Renouvin : Je vais s ituer un petit peu l e débat. Nous sommes quel­q ues-uns ic i à avo i r connu le comte de Paris, ce qui ne nous donne pas d 'a i l leurs l a vérité. J e vais commencer par là, en contestant votre premier po int, c ' est-à­d i re l ' o p p o s i t i o n « v é n é ra t i o n

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m i l itante/scientific ité ». Je ne conteste pas votre scientificité, je conteste le mot vénération, en ce qui nous concerne.

Pourquoi ? Parce que, en trente ans, les murs de cette pièce, où se tiennent égale­ment les réunions du Comité directeur de notre mouvement, ont entendu beaucoup de choses sur le comte de Paris, propos qui ne relevaient absolument pas de la v é n é r at i o n . J e v e u x d i re q u e , d ' u n e man ière générale, plus o n s e rapproche du pouvoir moins on a de révérence pour l u i , c ' est vrai aussi pour les m i l itants roya l i s tes e n vers la p e r s o n n e q u ' i l s s e r v e n t , a v e c p as s i o·n ( c ' e s t incontestable), parfois avec affection, ce q u i pour n o us étaient p l utôt le cas à l ' égard du défunt comte de Paris.

Les j ugements les plus durs (en dehors des polémiques pot itiques, des luttes en­tre les courants), les plus cruels, les plus luc ides, p ortés sur les hommes d ' Etat, sont ceux des premiers serviteurs de ces hommes d' État. Regardez la 1 ittérature royaliste du x1xe siècle, par exemple, et ce que disent les royal istes, y compris les légit imistes, du comte de Chambord (et pourtant, là, on peut parler de véritab le mystique autour du comte de Chambord : les chevau- légers sont des gens qui ont une vision mystique de la monarchie, qui n 'est pas la nôtre), eux-mêmes l 'appellent « Mons ieur de trop » . . . C ' e st extraordinaire, l ' humour, l ' ironie mor­dante du x 1 xe siècle grand sty le, la mé­c hanceté aussi , mais qui nous fait rire parce qu'on retrouve ça quand on parle de temps en temps des problèmes q ue nous pouvons avoir. Donc, les critiques que vous faites dans votre l ivre, elles ne nous b lessent pas. Simplement, le débat se porte ail leurs, sur la pertinence plus ou moins grande de vos critiques. li faut que vous sachiez que, tous les mercredis soir, nous accuei l lons ic i un certain nombre d'h istoriens, de chercheurs de différentes trad it ions , en général qu i ne sont pas royalistes, et que, au contraire, nous som­mes très demandeurs de points de vue complètement extérieurs sur l ' h istoire de la monarchie . En général, les h i storiens qui viennent ici nous parler des ro is de France ne sont pas royalistes ou rarement. Nous sommes très demandeurs de ce la, j ustement pour ne pas se laisse entraîner

(6) François Broche, Le comte de Paris, l'ultime préten<lant, Éd. Perrin, 200 I (prix franco: 22, 40 €)

(7) Henri comte de Paris, Mémoires d 'exil et d e c ombat, A telier Marcel Jullian, 1979 (prix franco : 22 €). (8) François Huguenin, A l'école de l'Ac­tion française, J. -C. Lauès, 1 998 (prix franco : 2 7, 70 €).

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par des pass ions naïves e t finalement ridicules, comme au temps de l 'Action française où il y avait cette espèce de culte sans nuance du passé. On a rompu avec tout ça. Donc on est plutôt favorable à ce q u e s ' é c r i v e n t d e s l i vr e s complètement froids, d 'une scientificité, d' une rigueur qui soient totales. Après, on se mesure à ça, on voit ce qu' i l en est. On n ' est pas b lessé. Yvan Aumont et d'autres qui ont lu votre l ivre n'ont abso­lument pas été blessés. Les duretés, les critiques m ises en cause, on les aurait faites autrement, sans doute pour des rai­s o n s q u i t o u c h e n t à n o tre l o g i q u e m i l itante . E n même temps, i l y a des choses qui sont tout à fait passionnantes dans votre regard qui nous font beaucoup réfléch ir. Vous ne parlez pas devant des gens qui auraient la mystique du comte ·

de Paris, n i le défunt n i encore moins l ' actuel ; s implement le comte de Paris est pour nous quelqu 'un qui est en train d' entrer dans l 'h istoire et votre l ivre en témoigne ; il sort des polémiques que nous avons pu avo ir dans le passé, que nous aurons aussi parfois avec des faux historiens qui font des pamphlets comme François Broche (6). On a eu des polémi­ques sur Alger en 1 942, sur V ichy, sur des tas de choses : c 'étaient des polémi­ques pol itiques, qu'on a menées avec le comte de Paris, pour sa défense mi litante. On a fa it la c am pagne des « Mém o i­res » (7) du Prince, où tout est ressorti : l ' affaire Darlan, les relat ions avec de Gaulle, etc . , on a mené des polémiques très dures, en produisant des témo ins, peut-être en en raj outant un petit peu, mais i l s 'agissait pour nous d'un enjeu pol itique. Maintenant, on a p lus de dis­tance (tout en gardant notre passion) et on voudrait effectivement que l ' h i sto ire soit faite et qu'el le soit faite par d'autres que nous. J 'ai refusé deux fois de faire une biographie du comte de Paris. Com­ment voulez-vous q u ' on dise , Régine Judic is , Yvan Aumont, m oi-même, et quelques autres ic i , la vérité sur le comte de Paris ? D'abord, on ne la sait pas, on n'a pas vu les archives ou pas toutes, on l e s a fe u i l l e t é e s , c o m m e ç a , t r è s rap i d e m e n t . I l e s t b o n q u e d e s s c i e n t i fi q u e s , d e s h i s t o r i e n s , d e s socio logues, fassent cela. A partir d e là, effectivement, s i vous êtes d 'accord, on peut discuter sur votre thèse.

B ru n o Goyet : Mais tout ce que vous venez de me dire me montre effective­ment la vénération m i l itante ! Je veux d i re que vous n e voulez pas q u ' o n y oppose la scientific ité, parce que même la critique, la rumeur, le ragot, la méchan­ceté envers le Prince, est une forme de révérence, et qu'un comll)uniste n ' ira pas dire du mal du comte de Paris, parce qu' i l

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s'en moque. Un royaliste, ça l ' intéressera parce q·u ' i l n 'y a pas p ire mauvaise lan­gue que les royalistes envers le Prince. Je c ite une lettre de Wladimir d 'Ormesson qui n 'est pas royaliste, mais qui fait allu­sion à des ragots sur la naissance hypo­thétique du comte de Paris qui laissent panto is. I ls en sont tout à fait capables, mais cela fait partie de la révérence. Les m i l i tants ont beso i n de refro id i r cette révérence pour eux c ' est une façon de « mettre à distance ».

B e r t r a n d R e n o u v i n : D 'autre p art, n o u s s o m m e s d ' u n e é p o q u e b i e n particul ière, d'une époque post-soixante­huitarde : il y a une méfiance de principe à l ' égard de toute adhés ion à une per­sonne et du culte de l 'autorité, même si le concept d' autorité, de souveraineté a ic i été travai l lé . I l y a quand même eu, en tout cas pendant 20-25 ans, une prudence, voire même un soupçon, à l ' égard de tout acte d'al légeance à une personne. Ce qui explique notre façon de regarder les gens qui parlent de nous ou du comte de Paris, de la F.am i l ly de Fran c e . Ce soupçon n ' existait pas avant-guerre où le culte du grand homme était aussi développé à l 'Action française (on appe lait Maurras « Maître ») que chez Stal ine o u chez M usso l i n i . . . I l y a q uand même une grosse différence de relation aux person­nes symboliques.

B ru n o Goyet : En fai t q uand j 'ai lu l 'article, j 'ai essayé de comprendre pour­quoi il y avait ce type de critique que j 'ai trouvé très malveil lante venant de la part de gens desquels je ne m'y attendais pas. Quand j 'ai reçu des coups de bâton de la vraie Action française, cela ne m'étonnait pas p lus que cela. Là, j ' ai été étonné et je me suis dit très méchamment « au fond, ce n 'est pas étonnant que ces gens réa­gissent si violemment à mon travail sur le comte de Paris parce que ce sont, si je le vois bien, des maurrassiens qui ne sont plus maurrassiens, qui n 'ont plus comme seule attache idéologique qu 'un prince, et donc y toucher, ça les fait bondir, parce que ce m aurrassisme-là est tellement évaneseent, to1alement coupé de tout vis­à-vis de Maurras, et de l 'autorité, et de l 'antisémitisme ; alors il leur reste le Prince ; j 'ai touché à ça . . . ». Vous allez dire que j 'ai faux sur toute la l igne.

Bertran d Renouvin : En effet ! Quand on a reçu ic i , i l y a deux ans, un jeune universitaire qui avait fait un travai l sur l e s p r e m i è re s a n n é e s de l ' A c t i o n française (8), nous étions deux ou trois présents a avo i r aussi travai l lé comme historiens sur le sujet. J 'ai demandé à la salle : « qui a lu Maurras ? » . Et bien i l n 'y avait que les deux ou trois h istoriens qu i l ' avaient lu . . . la tradition maurras-

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sienne ici a disparu. Il y a d'ail leurs eu un travai l universitaire sur notre mouvement qu i porte dans son titre : « Naissance d 'un mouvement, gestion et évacuation des paradigm es maurrassiens » ( 9 ) . L 'évacuation a e u l ieu i l y a u n quart de s iècle . A partir de là et sans trop nous vanter, je pense qu'on a reconstruit une pensée sur la monarchie, sur l ' institution, sur la symbol ique, sur le sacré, sur le pol itique en tant que te l , qui n 'a absolu­ment rien à voir avec le maurrassisme, mais qui s 'est faite grâce aux gens qui sont venus parler ici . On a redécouvert la tradition de la monarchie (que Maurras méconnaissait très largement) avec des historiens (Goubert, Le Goff, Weber . . . ) . On a retrouvé la tradition des légistes avec B landine Kriegel, qui est venue plu­s ie urs fo is nous en parler . Donc nos références intel lectue lles sont absolument h ors du champ maurrassien. La plupart des gens ic i n ' ont pas lu une l igne de Maurras ou i l l ' ont oublié. Il y a certes quelques amis parmi les plus anciens qui ont été à l ' Action française mais vous verrez que Royaliste est un journal où i l n'y a pas de référence à Maurras, i l n'y a pas non p lus de polém ique contre les maurrassiens : cela nous est égal, c'est un autre monde.

P h i loso p h i q uement c o m m e re l i ­g i e u s e m ent , l es références s o n t i c i extrêmement d iverses : vous avez des h é gé l i e n s , d e s ar i s to té l i c i e n s , d e s thomistes, des chrétiens, des ju ifs, des musulmans. C'est un mouvement qui est rigoureusement laïque et qui travaille sur la raison po l i t ique . Les d ialogues que nous avons avec les mi l ieux intel lectuels sont fréquents. On accuei l le souvent des s o c i o l og u e s de l ' é c o l e de P i e rre Bourdieu, même si on n 'est pas toujours d 'accord avec Bourdieu lu i-même. Mais i l y a des méthodes qui , en ce qu i me concerne, m'ont été enseignées par Moni­que Pinçon-Charlot et Michel Pinçon qui v iennent ic i très régul ièrement. Nous ne s o m m e s d o n c pas des ma urras s i e n s orphel ins. O n a pu l'être i l y a vingt-cinq ans et, lorsqu 'on a trouvé le comte de Paris, on était assez content de trouver une référence en sortant d'un mil ieu idéo­log ique extrêmement g lac ia l et o ù l e P r i n c e é t a i t un p u r c o n c e p t d e l 'entendement. Mais après, on a aussi d é c o u v e rt le P r i n c e en tant q u e t e l , comme personne vivante, agissante. Nous avons connu les conflits à l ' intérieur de la Maison de France auxque ls nous avons été amenés à part ic iper de façon très proche, tout cela nous a donné à la fois u n e c o n n ai ssance de ce m i l i eu a i n s i qu'une lucidité sans indulgence. Nos criti­ques ont pu être sévères et nous les avons parfois exprimées dans les colonnes de R oyaliste à q u e l q u e s re p r i s e s

• 1951 : Une famille unie - Le comte et la comtesse de Paris entourés de leurs onze enfants.

part i cu l ièrement so lenne l l es . Nous ne nous concevons pas comme des orphelins de quoi que ce soit.

N otre p r o b l è m e e s t un p r o b l è m e pol itique, c ' est que, auj ourd'hui , l a fa­mi l le royale est très faibfoment représen­tée par l 'actuel comte de Paris. Ce qui nous pose nature l l ement un problème, parce que des royalistes qui n'ont pas une incarnation de leur principe sont des roya-1 istes à qu i i ls manquent quelque chose. Quand i ls veulent parler à une population, et q u ' i l s évoquent l e c o m te de Par is actue l, c ' est la perplexité. Au temps du comte de Paris défunt (de « votre » comte de Paris à vous), c 'était beaucoup plus faci le, parce qu' i l avait une vie politique, des positions que l 'on pouvait défendre. C'était un homme politique profondément impliqué, quoi qu'on puisse en penser par a i l leurs . Et ça, vous le montrez b ien . Alors, voilà le problème que nous avons, et i l n ' est pas tel lement affectif. Vous seriez venu à l ' enterrement du comte de Paris, vous ne nous auriez pas vu pleurer. J e n ' ai jamais vu un enterrement aussi glacial, sauf peut-être pour une ou deux personnes. Je n 'a i ressenti aucune émo­tion parce que tout le passé m'est revenu ce jour-là, tout le passé des difficultés, des combats, des déceptions . . .

Lorsque j ' al lais voir l e Président de la Républ ique (François M itterrand), i l y avait touj ours un quart d 'heure sur la Famil le de France, un quart d'heure sur la politique et un quart d'heure sur la NAR. Un jour, j 'arrive dans son bureau, et i l me dit « expliquez-moi pourquoi cette grande

famille, que j 'ai connue si unie et si

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populaire en 1950, quand ils sont revenus d 'exil, est dans un état aussi lamenta­ble » . Je lu i ai donné une expl icat ion sympathique et mi l itante, mais comme i l était un peu crue l et narquois, i l a énu­méré une par une les personnes de la famille me demandant mon opinion. Heu­reusement j 'a i pu l u i d i re les rapports d ' affect ion et de profond respect que nous avons à l ' égard de la comtesse de Paris. Mais j 'a i tout de même passé un mauvais quart d'heure !

Pour le comte de Paris, nous avions aussi effectivement du respect, parce que c ' était un homme qu i en imposait, qu i avait ufl charme considérable, et qui la « faisait » aussi au charme, comme M it­terrand d'ailleurs. Mais il n'y avait pas de « vénération » pour le comte de Paris.

P a t r i c k Louis : I l faut quand même rappeler les choses . C ' est vrai que ce m o u ve m e n t était m aurrass i e n à s e s débuts, c ' est vrai q u ' i 1 y a encore des gens dans ·ce mouvement qui sont sous une certaine influence maurrassienne ou de l ' école d' Action française. C 'est vrai qu'après l 'évacuation d'un certain nom­bre de thèmes maurrassiens, le comte de Paris est devenu, d'une certaine manière, un substitut. La NAR a publié un l ivre

(9) François Backman, La conception de la c itoyenneté de la Nouve l le Act ion F ran ç a i s e , p u i s N o u v e l l e A c t i o n Royal iste. Naissance d 'un mouvement, gest ion et évacuation des parad igmes maurrassi ens ( 1 97 1 - 1 99 1 ) - DEA de so­ciologie politique - Université de Paris /­Panthéon-Sorbonne, septembre 1991.

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• La maison de Larache au Maroc espagnol où la duchesse de Guise s'installe à la fin de 19 18. C'est dans cette maison qu'elle mourra en 1961.

sur l e comte de Pari s ( 1 0), on a com­mencé à le rel i re. On n ' imagine pas de royal isme sans un rapport affectif. Ce qui a toujours été le royal i sme, c 'est aussi un l ien affectif à ! " égard du Prince.

B r u n o G o y e t : Que lqu ' un a fa i t u n para l lè le entre l ' attitude d u comte d e Pa­ris pendant la guerre et cel le de François M itterrand. Le comte de Paris se pense dépositaire des ambitions polit iques de la Ma ison de France et, en tant que te L i l agit d i fféremment d e Mitterrand, qu i ne représente que lui à ce moment-là. Donc, les actes du comte de Paris sont beaucoup p l us lourds, beaucoup p lus engageants, parce qu' i l se sent obl igé d 'agir. Et donc, il va très lo in .

Pour la période postérieure à 1 940, le comte de Paris n 'a pas vou lu me commu­n iquer ses papiers. Cependant mon édi­teur m 'a demandé, pour des raisons évi­dentes d ' édition, de faire quand même un tra v a i l après 1 940 parce que c e l a i n ­téresse les Français. J ' a i fa it ce travai 1 honnêtement, mais avec un travai l de se­conde sour.ce, et avec un iquement des archives d' Etat.

Bertrand Renouvin : Nous avons ef­fect ivement cr i t iqué cette présentat ion ma i s votre thèse porte essen t i e l l ement j usqu 'en 1 940 : c ' est déj à une grande chose. Pour la suite i l doit v avoir soixan­te-d ix cartons d ' arch ives qu i ont été dé­posées tardivement aux Archives nationa­les et qu i ne sont peut-être pas encore c lassées . I 1 y a des choses que j 'ai rap ide­ment feu i l l etées à une époque et qui vont dans votre sens, en les complétant, quant à la sociologie, aux relations du comte de

(J O) Philippe Vimeux - Le comte de Pa­ris ou la passion du p résent, Centre d'études de ! 'Agora, 1975 (prix franco : 1 1 €).

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Paris avec certaines c lasses soc ia les . Ce que vous dites pourrait être vérifié surtout après son retour d ' ex i l , parce que, là, i l rentre - sans trop y rentrer mais i l rentre tout de même - dans un certa in m i l i eu m o nd a i n . I l est en re l a t i o n avec De l Duca, avec des gens comme ça, des hom­mes de presse, des gens de la Haute . . . 1 1 reçoit régu l ièrement à Louveciennes, j 'ai souven i r de déjeuners au R itz où i l y a effectivement des noms comme ça, qu i sont cons ignés dans de grands cahiers. Son secrétaire Delongraye-Montier mar­quait dans ces cah iers tout ce q u ' i l fai ­s a i t : p o u r u n s o c i o l o g u e , p o u r u n h i storien, c 'est formidable, parce que l 'on sait avec qui, à que l le heure, i l a déjeuné. Effectivement, on voi t q u ' i l va chasser avec un tel ou un tel . . . Là, effectivement, il reprend, ou il prend, des relations avec le Monde avec un grand M, comme vous l e d i tes dans votre l ivre . Je pense , en revanche, que c 'est beaucoup p lus contes­tab l e dans la part i e q u e vous étu d i ez, pendant l a guerre et, dans une certa ine mesure, en ex i l en Espagne. Parce q u ' i l v i t , au M aroc , c o m m e u n p ay s a n , à L a ra c h e , d a n s u n e fe r m e . O ù e s t l e Monde, là ?

B ru n o G oy e t : C ' est de l a l égende pure . 1 1 vi t à Larache comme toute per­sonne de ce M onde-là. Avant l 'ex i l , pour des raisons financières i ls ne peuvent p lus vivre au Nouvion-en-Th iérache, i ls vivent à Larache s ix mois de l ' année mais les s ix autres mois de l ' année, ce n ' est pas Larache, c 'est Paris, c 'est l e château de la grand-mère C hartres, c ' est C hamon ix , etc . . Évidemment, i l y a deux choses qu i font q u ' i l n ' est pas i nscr i t totalement dans le Monde, c ' est d ' abord une gêne financière énorme, comme les cadets des fam i l les pr inc ières. I l s ne peuvent pas tenir leur train de v ie, c 'est pour ça qu ' i l s vont à Larache. La deuxième raison, c'est

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que le duc de G u ise , son père, est un homme qui n 'est pas un mondain du tout et qui est heureux à Larache. Bien sûr, l e petit comte de Paris ne v i t pas dans I 'om­bre : i l ne vit à Larache que six mois de l ' année, parce qu' i l a des responsabi l ités, parce que c'est obl igatoire, parce qu ' i l va chez l a reine Amél ie du Portugal, parce qu ' i l est quand même un prince, donc i l n e peut pas y échapper, c 'est normal . Du coup, cela s ' inscrit complètement dans la mythologie royale, le fait qu' i l est près de l a terre, l e fait que c 'est un homme du peuple , de la réal i té . . . L ' h istorien ne va pas d i re que c 'est faux, i l y une part de vérité, mais l ' h i storien est intéressé par le fait qu'en faisant cela, i l ne s 'é lo igne pas du m i l ieu : au contraire, i l est exactement dans la mythologie du Prince qu i doit être aussi un bon paysan, qu i doit être aussi un homme prêt à comprendre.

B e r t r a n d R e n o u v i n : M a i s, à cette époque, i l n'est pas encore prince héritier. I l ne le deviendra que fort tard ivement, en 1 926, à la mort du duc d'Orléans.

B ru no Goyet : Non. Dès 1 9 1 0, le duc d ' Or l éans d i t à l a duchesse de G u i se ( c ' est une l ettre que je c i te dans mon 1 ivre) « ton fils ne peut pas être camelot du roi, parce que tu sais très bien que ce sera lui l 'héritier » . Tout le monde l e sait, parce que l e duc d 'Orléans, séparé d'avec sa femme, ne peut pas avoir d 'en­fant et M ontpen s ier, qu i est son frère cadet, �st héroïnomane au dern ier degré, a la santé dél abrée, et a fait un mariage non-dynastique . Tout le monde sait très b ien q u ' i l y a une chance énorme, c ' est même quasiment certa in , que le duc de G u ise va hériter, et donc l e comte de Paris.

Bertrand Renouvin : Le comte 'de Pa­ris n 'a pas vécu son enfance comme cel le d ' un prince· héritier. Ce que vous dites est vrai pour son fi l s , le comte de C lermont, dont tout le m onde sava i t q u ' i l é ta i t prince hérit ier. J I a été reçu comme ça : son mariage est le mariage d ' un pr ince hér i t i er . On a tenté de l u i donner une éducat i o n de pr ince hér i t ier, avec des éco les à Bordeaux, des précepteurs . . . Ce qu i est frappant dans le comte de Paris, c ' e s t q u e c ' e s t q u e l q u ' u n de t r è s atyp ique, même s i c e q ue vous d i tes est vrai. et son parcours est atypique, notam­ment dans le fait que, petit garçon, il ne reçoit aucune éducation sco laire sérieuse. Quand il arrive en Belgique, il est quas i ­ment incu lte. Par rapport à l ' aristocrat ie, i l n 'a pas fait les bonnes éco les, i l n 'a pas de précepteur sérieux. Le comte de Paris, est q uand même, ma lgré ses re la t ions fam i l i ales, un homme qu i n 'a pas reçu l ' éducation d 'un prince et certainement pas l ' éducation de ce que vous appelez un aristocrate.

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B r u n o Goyet : Je ne su is qu 'à moit ié d ' accord. I l y a l a réa l ité de cette gène fi nanc i ère , de cet é l o ignement forcé , même avant l'ex i l , ma is i l n 'empêche que tous les tics de ! ' éducation aristocratique sont là, même s ' i l est vra i qu ' i l est mal instruit, i l a quatre préceptrices, une A lsa­c ienne pour lu i apprendre l ' a l lemand, sa maman lu i apprend l ' anglais, évidemment dans une sorte d " amb iance p l us « brico­lée » , p l u s rura le et agri co l e . M ai s , à l ' époque. on vo it l a même chose, dans un autre sty le, pour le fi l s du Kronprinz.

On d i t dans toutes les hagiograph ies : « le comte de Paris a eu comme con­férenciers privés Lavisse, Nolhac conser­vateur de Versailles . . . ». Cela veut d i re en réal ité qu' i l les a vu une fois . Mais i l faut dire, parce que cela fa i t part ie d e l a norme de l'éducation du prince, qu' i l a eu comme professeur et Lavisse et No lhac . L 'hagiographie, c'est montrer qu' i l y a un modèle , qui est fixé, et comment ce la fonct ionne à part i r de l a réa l i té , avec moins de moyens, avec une France qu i n ' est p lus la même . Donc, i l faut brico­ler : c ' est d ' a i l leurs à leur honneur, car ces hommes se sentent malgré tout inves­tis de quelque chose qui les dépasse, et i l ne faut pas déchoir. Donc i l s vont essayer de s ' adapter à cette mytho logie, à tous ces gestes q u i l eur sont i mposés, ma i s a lors avec des d ifficu ltés. Par rapport au premier comte de Paris (ce l u i du X I Xe s iècle), celui- là n'a pas de frère, or le duc de Chartres déchargeait le premier comte de Paris de l 'aspect m i l itaire. Le second comte de Par is va, l u i , porter toute l a charge sur ses épaules.

D étermi n isme pol i t ique, détermi n isme soc ia l : notre comte de Par is s ' appe l l e c o m t e d e Par i s e t i l é p o u s e I sabe l l e d 'Orléans, comme l e premier comte de Paris s'appelait comte de Paris et épousait auss i une I sabe l le d'Orléans ! I m aginez­v o u s c e q u e c e l a v e u t d i re psycho logiquement. I l reçoit cela, i l faut b i e n q u ' i l ag i s se avec . C ' est l o urd à porter.

Bertrand Renouvin : Je su is presque complètement d'accord avec ce que vous d ites pour tous les princes d'Orléans, sauf pour le comte de Paris. C 'était le cas pour P h i l i ppe, duc d ' Orléans, qu i n ' a jamais rien fait de sa v ie et de sa prétendance, et q u i appelait son père « le patron » . . . I l disait « j 'en ai marre du patron et je vais dém issionner » , i l p référa i t cour i r les fi l les. Pour le comte de Paris, pas du tout. I l s 'entend bien avec son père.

Bruno Goyet : « Sid i Poteau », comme l ' appelait les Arabes, parce que le duc de G uise était grand et imposant. . .

B e rt r a n d R e n o u v i n : C e qu i nous a aussi séduit chez Je comte de Paris, c ' est

un homme qu i est atyp i que, y compris dans un certain nombre de ses prises de position.

Pas c o m m ode de se d é b arrasser de ! ' Action française qui est une force assez considérable à l 'époque. Mais il le fait en accord avec son père, contre l ' avis de la fam i l l e et notamment de l a duchesse de Guise. l i ne supporte plus l ' A.F . alors que le duc d ' Orléans, en 1 9 1 1 avec l ' affaire Larègle , avai t cédé i m m é d i atement et trah i ses conse i l lers qu i s'étaient engagés pour lu i , sur ses ordres, et donné raison à Maurras parce q u ' i l a ras- le-bol de tout ce la . Là, avec le comte de Paris, i l y a une résistance à l a soc io log ie roya l i ste, sociologie que vous analysez d 'a i l leurs de façon très intéressante, comme on ne l ' a j am ais fa i t auparavant. Le comte d e Paris rompt avec tout ça, et c 'est quan d même un côté assez aventureux.

Bruno Goyet : Cette analyse socio logi­que qu i , d ' après l ' art i c l e de Royaliste, d isait que j 'opposais trop le Monde au Peuple et qu ' i l y a un peup le d 'Action française et que l ' Act ion frança ise, ce n ' est pas le M onde . D ' abord, ça c ' est d i scutable, mais ce n 'est pas question de les opposer. D ' abord, on n ' a pas les fi ­ch iers de l ' Action française et on ne les a u r a j am a i s , d o n c o n ne p e u t p a s c o n n aî tre l a s o c i o l o g i e r é e l l e d u mouvement. O n est obl igé d e trouver des moyens de « bricoler » .

Surtout i l ne faut pas prendre au sérieux les l i stes de funéra i l les : les gens qui vont aux funéra i l l es ou à la messe ne sont pas obl igatoirement des royalistes et pas obl i­gat o i re m e nt d e s roy a l i s t e s d ' A c t i on française . C a peut être d 'autres raisons qui les font veni r. De l a même façon que les gens q u i « v i s i tent ». Donc i l faut manier ces 1 i stes - intéressantes - avec beaucoup de précautions . Ce qu i m ' a en revanche in téressé, c ' es t de repérer le peup l e quand i l es t l à : ce n ' est pas la question d'opposer le Peuple au M onde, parce q ue les gens sont dans la même fusion de révérence envers leur Prince. Le Peuple que l 'on trouve nous expl ique que quand le comte de Paris et quand M aurras parlent du Peuple, i l s ne parlent pas de n ' importe quel Peuple : i l parle d 'un Peu­p le qu i n ' est pas pro l étarien, mais p l us d " un Peup le de petits art i sans, de petites bou t i ques , p l us de gens q u i son t des beaux quartiers, c 'est-à-dire que l ' on a , en fait, un v ie i l héritage (qui évidemment est en train de mourir) de ce « bon peup le » qu i est amené par le château, c 'est-à-dire que des gens qui sont dans la dépendance d irecte des Grands, p arce q u ' i l s vivent dans le quartier, p arce qu' i l s sont dans l ' hôte l part i c u l i er, p arce q u ' i l s y sont domestiques, et vont venir. Ce n 'est pas à

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cent pour cent vra i , mais la p lus grande partie des gens que je peux « piéger ». ce sont so i t des gens comme ça, so i t très rarement des traces d' Action française . Q u a n d les g e n s v i e n n e n t d u X V I 1 1 ' arrond i ssement, q u i a la seu le sect ion d ' A . F . i m po rtante dans l es q u art i e rs populai res, on peut penser qu ' i l y a là . vra isem b lab l ement , une trace de l ' i n ­fl uencè d e l 'Act ion frança i se dans l a révérence au Prince. C e en quoi ces tra­ces sont i ntéressantes, c ' est qu 'on voit que c ' es t le drame d u P r i n c e : i l ne connaît pas le Peup le , l e vra i pe u p l e . Q uand i l va à l a m ine, p a r exemp l e , i l termine e n d isant « comment rentrer dans le cœur du peuple ? » . C ' es t un vra i problème : même le Peup le qu'on lu i sert. c e n ' e s t p a s l e P e u p l e d u X X e arron d i s s e m e n t , n i ce l u i d ' I s sy - l e s ­Moul ineaux. I l ne connaît pas Je Peuple. parce que c ' est imposs ib le; sauf à fa i re une révolution qu' i l ne fait pas. B ien sür, il y a un Peup l e royal i ste, mais ce n ' est pas le prolétariat.

B e r t r a n d R e n o u v i n : L ' A c t i o n fra n ç a i s e i dé a l i s e c o m p l è t e m e n t un « pays rée l » dont e l l e sera i t l ' avant­garde, exactement comme le PCF et le pro l étariat ; c ' est l e même schéma qu i fonctionne pour deux types de popula­t i o n s d i fférent e s . J ' ap p a r t i e n s à une génération qu i a un peu connu les anc iens de l ' Action française, ceux de l ' avant­guerre. Je pense que ce que vous dites est j uste, que pas mal de gens dans le roya­l isme étaient amenés par le château (sans d o ut e m o i ns en t re l e s d e u x g u e rres q u ' auparavant), ma i s i l y a un pub l i c m aurrass ien très spéc ifi q ue q u i est, en fai t , l e p ub l ic d u peup l e n at i o na l i ste. constitué des c lasses moyennes, des pro­fe s s i o n s l i b é r a l e s , d e s e m p l oy é s d e bureau, quelques ouvriers . . .

B r u n o Goyet : Maurras sait très b ien que s ' i l veut fai re sa révo l ut i o n , i l a besoin du peuple, donc i 1 est à l a recher­che du peuple, comme le comte de Paris. « pr ince rouge ». C ' est un p rob lème , parce que cela « embraye » très diffici le­ment pour des raisons évidentes.

B e r t r a n d R e ri o u v i n : La cr i se re l i ­g ieuse entre l ' A . F . e t l e Vat i can, en 1 926, c 'est l a rupture totale avec les pu­blics tradit ionnels du royal isme français . c'est-à-dire l ' armée, les officiers qui sont cathol iques, et les paysans, qu i sont aussi catholiques. Les masses paysannes déser­tent l ' Act ion . frança ise, e l l e s vont à l a « Démocrati e chrétienne » e t p lus tard vers le gau l l i sme . Les éd it ions agricoles de ! 'A ction française d isparaissent. Res­tent justement le cœur du m ouvement. qui est nat iona l i ste maurrass ien et q u i connaît mal les princes, q u i a une re lation

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très théorique avec eux. Ce que l'on vous a reproché, c'est de reporter sur le publ ic royal iste et m i l itant de l'entre-deux-guer­res une sociologie qui n'est p lus .

Dans les sections de Camelots du Roi , i l y a un « amalgame » comme dans l ' année, et comme dans beaucoup de mi­l i eux m i l i tants, les d i fférences socia les tendent à s ' e ffac er re lat ivement, p l us chez les Came lots d u ro i que dans l a L igue d' Action française o u dans la 1 iste des signataires de la messe Louis XVI . l i y a une étude soc io logique sur les l i stes de souscripteurs à l ' Action française qu i n 'a pas encore été faite.

Un intervena n t : Dans votre l ivre vous avez parlé du C E M U (Cerc l e d ' études monarchistes universitaires), c'est quoi ?

B r u n o Goy et : Cela a duré une pet ite année seulement, car créé en 1 93 9 . Le prob lème d u comte de Paris , c ' est q ue tout ce q u ' i l a créé, c ' est en général en 1 9 3 8 o u 1 9 3 9 , et l a g u e rre a t o u t interrompu. L e C E M U c 'est u n essai de conc urrencer l e s étu d i ants roya l i stes d ' A . F . . Le seu l cerc le . en dehors de Paris, qu i ex iste vraiment, et pour lequel on a des sources, c ' est c e l u i de Lyon. C ' est l à où i l y a l a fameuse khâgne m o n a rc h i s t e d e L y o n avec P i e rre Boutang, Serge Chambri l l on, Georges Parrain et Louis A lthusser. Aux arch ives départementales du Rhône, il y a c inq ou s ix rapports de pol ice qui traînent : ce qu i est intéressant, c'est que c 'est la dernière organ isat ion qu ' i l met sur p ied avant la guerre, et c ' est cel le où il va le p lus lo in dans sa tentat ive de se rapprocher des m i l i eux démocrates -ch ré t i ens . L ' am ­biance des Cahiers, que pub l ie l e C E M U , est très démocrate-chrét ienne. Gabr ie l M arcel , dès avant-guerre, en est l e grand phi losophe. Ce sont des étudiants essen­t ie l lement chrétiens et cela montre que le comte de Par i s a déc idé de s ' adresser p lu tôt au p u b l i c de l a nouve l le dro i te chrétienne, e t pas du tout au publ ic de la nouv e l l e d ro ite fasc i sante . On trouve comme cela quelques feu i l les comme La Voix du Nord en 1 939 : c ' est une feu i l le

très brève des organ isations du comte de Pari s dans le Nord, feu i l l e recto-verso, mais il n'y a aucun rapport avec La Voix du Nord né durant la Résistance. I l y a eu deux numéros et cela s ' arrêta à cause de la guerre.

Un intervenant : Dans votre l ivre vous évoquez la posit ion des Anglais en 1 94 1 v is-à-vis du comte de Paris . . .

Bruno Goyet : Là , le comte de Paris a raté la Restaurat ion, parce qu 'en 1 94 1 , les Angla is se d isent « pourquoi pas la carte du comte de Paris, s 'il tient l 'Afri­que du Nord ? » . E n Esp agne, i l s tra­vai l lent pour renverser Franco et le rem­p 1 ac er p a r D o n J uan ( p ère de J u an Carlos). I l y a des rapports qu i remontent j usqu ' à Church i l l . Et p u i s, i l s sont au courant des contacts que le comte de Par is a eu à V ichy, m a i s le comte de Paris, pour des raisons peut-être tout à fait nobles, refuse de s ' engager v is-à-vis des Anglais car, à l'époque, i l mène indé­n iab lement un double jeu et sa posit ion est l ouvoyante . Ma i s l à, i l manque de lucidité. Comme beaucoup de Français, i l n ' analyse pas la s ituation . Seulement, le problème, comme i l a une ambition pol i­t ique et les dest i nées de l a M aison de Fra n c e dans ses m a i n s , i l l ' a o b é rée complètement par cette att itude.

B e r t r a n d R e n o u v i n : l i y a un louvoiement, parce que le comte de Paris entre 1 940 et 1 942 est un homme qui est seu l : i l l u i manque, à ce m o ment- l à, quelq u ' un q u i s ' appe l le P ierre De lon­graye-M ontier, qu i est le conse i l ler qui accompagne le Prince à partir de 1 93 9 . l i s n e s e v o i e n t p l us a u d é b u t d e l a guerre. 1 1 sera l ' homme, ensuite, qu i fera toutes l es relations entre de Gau l l e et l e comte de Paris à l ' époque de 1 958 .

B r u n o G oyet : A cette époque, i l a comme conse i l l er que lqu ' un d ' u n peu dangereux, j ' ai l ' impression, c 'est Pierre de La Rocque. Les conse i l s de ce dernier, vus à travers les mémoires de l ' ambassa­deur Charbonnière (qu i l ' a connu à ce moment-là), l 'ont poussé vers V ichy.

Un intervenant : M ais quel est le rô le de ces conse i llers ?

B r u n o G oy e t : U n rô l e i mp o rtant . Parce q ue l e P r i n ce , comme tous l es pri nces, n 'agit pas d i rectement, n ' écr it pas lui-même - et c'est norn1al - mais i 1 a son bur.eau pql i t ique. I l se pense Prince, d o n c i l a s e s m i n i s t re s , s o n b u re a u po l i t ique . Quand on l i t s e s œuvres, o n reconnaît des styles d ifférents, o n voit ses différentes mains.

Bertrand Renouvin : La structure de s o n b u re a u p o l i t i q ue r e p o s e s u r un homme fort : c 'est P ierre de La Rocque, c ' est De longraye-Montier, pu is , vers la fin des années so ixante-d ix , ce sera la NAR . . .

Néanmoins, en 1 940, l e comte de Paris est tout seu l , à Larache, dans un monde effectivement complètement bou leversé, et i l va vo i r p ar l u i -même sur le terrain (ce qui est touj ours dangereux), il prend des contacts, il provoque, il parle, il peut d ire des bêtises,, ma i s le moment où i l agit, c 'est à A lger, en 1 942, et c 'est tout. Quant à l 'affaire de l'exécution de Darlan, je term inerai par un souven i r personne l . Lorsque j 'a i emmené Roger Pannequ in ( 1 l ), à Chanti l ly, rencontrer l e comte de Paris , l 'ancien FTP l u i a exp l iqué com­ment l <l Prince était devenu p o p u l a i re dans certains m i l i eux de l a Rés istance parce que la rumeur avait couru, en 1 942, q ue c ' était l u i q u i avait fai t descendre Darlan. « Maintenant, Monseigneur, vous dites que ce n'est pas vrai, quel domma­ge . . . »

(1 1) Roger Pannequin, ancien responsa­ble FTP, adhéra au Parti communiste en 1 945, fit partie de son Comité central et

fut exclu du Parti en 1 954. Il est l 'auteur de deux passionnants livres de souvenirs, parus en 1 9 76 : Ami si tu tombes et Adieu camarades. Seul le premier a été réédité en 2000 (prix franco : 9 €). Il est décédé en octobre 2001 et nous lui avons rendu hommage dans Royal iste n" 780.

Bibl iog raphie : quelques o uvrages anciens s u r la Fam i l le de France

• AN DRAU. Marianne, 1 959, L a famille royale à l a mode d e France - France-Empire, 29 1 p.

• ARBELLOT. Simon, 1 936, Le comte de Paris, prince révolutionnaire - Denoël, 47 p.

• BARR I E RE. Marcel, 1 933 , Les Princes d'Orléans - Gall imard, 284 p.

• BROMBERGER, Merry. 1 956, Le comte de Paris et la Maison de France - Pion, 1 23 p .

• C ERBELAU D-SALAGNAC, Georges, 1 947, Quatre règnes e n exil, d'Henri V à Jean Ill - France-Empire, 380 P .

• GAUDY Georges, 1 935 , L a France cherche un !tomme - (Euvres françaises, 1 25 p.

• MARCHOU, Gaston, 1 937, Le comte de Paris et la famille de France - Pion, 89 p . .

• MONNE RON Jean, 1 933 , L e duc de Guise et la Maison de France - Nimes, 8 2 p.

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H om m age à H onoré d ' Estien ne d 'O rves

En cette fin d'après-midi du mois d ' août 2001, que pouvait bien faire la quarantaine de personne rassemblée devant le petit j ardin

à l 'angle du boulevard Raspail et de la rue du C herche-Midi ?

C' é t a i t c e u x q u i , ré p o n d a n t à l 'appel de la Compagn ie d'Ar­tagnan et P lanchet ( 1 ), étaient

v e n u s c o m m é m o re r le s o i xan t i è me a n n i ve r sa i re de l 'exé c u t i o n p a r les A l lemands, le 29 aoüt 1941, d u capi­t a i n e de frégate H o n oré d ' E st i e n n e d ' O r v e s . L a N o u v e l l e A c t i o n royal i ste, représentée - entre autres -par Yvan Aumont et Bertrand Renou­v i n s ' é t a i t a s s o c i é e à c e tt e manifestation.

A cett e occas i o n , F ran ço i s- M ar i n F l eutot ( 2 ) , prés i d e n t de l a C o m pa­gn i e d 'Artagnan et P l an chet. a p ro­noncé une al locut ion dont nous don­nons ic i le texte intégra l .

" Chers Amis

" Nous nous retrouvons ici, ce soir, 2 9 a o û t 2 0 0 1 , devant ces deux plaques. / 'une commémorant l 'incar­cération des manifestants du 1 1 no­vembre 1 9-10 er / 'autre celle du capi­taine de frégate Honoré d 'Estienne d 'Orves.

souhaitions rallumer des guerres, mais parce qu 'aucune repentance n 'est admissible pour ce genre de trahison. Aucune repentance et sur­tout aucun oubli . . . Qu 'il y ait eu des Français pour se comp laire dans cette trahison, pour trahir la France de cette façon-là est une honte pour le peuple français.

insoumis à l 'ordre nouveau républi­cain - que le combat pour la liber!é, que le combat pour son pays pas ­saient nécessairement par ce refus.

" Il a choisi de déserter la marine de Darlan. Pour un homme de tradition et de devo ir, il n 'est jamais s imple d 'agir de la sorte. Il a fait ce que b ien peu ont osé faire, face à l 'afli­tude des autorités républicaines.

" Décidé à poursuivre le combat pour libérer son pays, d 'Es tienne d'Orves rejoint le général de Gaulle.

" Ic i , e n tre 1 9 4 0 e t 1 9 -1 -1 , des Français résistants, hommes et fem­mes de courage, furent internés tant par les autorités françaises que par les autorités occupantes. Car. il faut le dire et le redire encore, alors que la France était meurtrie dans sa souveraineré. des Français ont choisi, au nom d 'idéaux pacifis tes pour certains, au nom d'idéaux européistes pour d'autres, de collaborer avec les Allemands. Et pas n 'importe quels Al­lemands : ceux qui s 'étaient donnés pour chef Adolphe Hitler.

• Bernard Lit ôte dépose la gerbe de roses et de fleurs de lys devant la plaque commémorative. (Photo Bernard Javault).

" Si nous nous sou venons de ces temps troubles, ce n 'est pas que nous

" li y a soixante ans, le capitaine de frégate Honoré d'Estienne d'Orves ne fut pas de ceux- là. Il a choisi de déserter son poste. Il a choisi rinsou­mission à l 'ordre établi. Non pour sati.sfaire un quelconque désir mala­dif de rébellion, mais parce qu 'il fut auss itôt convaincu - pour son pays, pour sa famille, pour ses amis, et en mémoire de ses aïeuls A utichamps et Suzanne/, qui furent, eux aussi, des

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Engagé volontaire dans les Forces Françaises Libres, il vit comme tous ses nouveaux compagnons dans la clandestinité, ne donnant plus de nou­velles ni à sa famille, ni à ses amis. Le combat pour la France L ibre. à cette période, est un combat quasi­solitaire.

" En décembre 1 940, il est de retour sur la terre de France qu 'il chérif

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tant. Immédiatement avec quelques Bretons, quelques Nantais, quelques Parisiens, il construit son réseau de renseignement, le réseau Nemrod.

" Arrêté dans la nuit du 2 1 azt 22

janvier 1 94 1 , cet homme de 40 ans connaÎt la prison, l 'enfermement . Derniers instants d'une vie jusqu 'a­lors passée s ur to utes les mers du globe. Il connaÎt dès lors la prison : d'abord à Berlin, puis, pendant toute la durée de son procès, du mois d 'a­vril au mois de juin 1 941, à la prison militaire réservée aux femmes de la rue du Cherche-Midi. Aussi n 'aura-t­il comme compagnons de captivité que des femmes résistantes, dont beaucoup seront déportées dans les camps de concentration nazis. Con­damnés à mort , ses compagnons Maurice Barlier et Yan Doornick se­ront alors embastillés avec lui à Fresnes d 'où, à l 'aube du 29 août, accompagnés de l 'abbé Stock, tous tro is partiront au Mont Valérien. C'est là qu'ils seront fusillés.

" Si n o us n o us s o u v e n o ns a uj o urd'h u i du sacr ific e de c e t homme e t de ses compagnons - cin­quante sept ans après la libération de Paris par les Parisiens et le Maréchal Leclerc - c 'est qu 'aujourd'hui, d'une autre manière, la France prend le chemin de sa propre dissolution, de son anéantissement délibéré, cette fois-ci non à la suite d'une défaite militaire mais par la démission de tous ses politiques.

" Je vous demanderai quelques ins­tants de silence, pendant que Bernard L hôte , a n c i e n c o m b attan t d 'Indochine, déposera la gerbe de 60

roses et 6 lys blanc que les amis de la Compagnie d 'A rtagnan et Planche! ont décidé de déposer devant la pla­que commémorant l 'incarcération du cap ita ine de frégate d 'Es t ienne d 'Orves. " (3)

( ! ) La Compagnie d'Artagnan et P lan­chet - B .P . 2 89, 75228 Paris cedex 0 1 .

(2) Rappel : François-Marin Fleutot est l'auteur du l i vre de référence "Des roya­listes dans la Résistance " (pr ix franco 23 E) .

(3) U ne p laq uette de 3 2 pages a été éditée à l 'occasion de cette commémora­tion (prix franco 6 €).

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Ag i m ont

Ce n'est sans doute pas sans un petit pincement au cœur que la comtesse de Paris aura appris

que, l e 29 août 2001 , le château d'Agi mont avai t été la pro ie des f lammes. Cet imposant bâtiment de sty l e néo-cl assique, édif ié en 1880 par la fami l le Puissant - des Maîtres de forge de Charleroi -; fut acheté en 1931 par le duc de Guise et par dom Pedro d'Orléans et Bragance qui en firent présent à leurs enfants, le comte et l a comtesse de Paris, pour l eur mariage. Ces derniers l'habitèrent jus­qu'en 1939.

" Mon beau-père et mon père nous o n t fa it un cade a u de mar iage magnifique. Ils nous ont acheté, aux confins des Ardennes belges, au des­s us de G i v et , dans le v illage d'Agimont, un petit château entouré de vingt hectares de terre. Il était bâti tout en granite bleu, au sommet d'un piton rocheux, sur les ruines d'un an­cien château-fort et pour y accéder, il fallait prendre un chemin qui tirebou­chonnait longuement ; de la-haut, la vue portait à trente kilomètres sur la terre de France. C 'était là no tre

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pren1 1 ere m a is o n b ien à n o us . " ( Isabe l l e comtesse de Paris - Tout m 'e s t b o n heur - Robert Laffont 1978) .

De l a te rrasse de ce n id d'ai g l e belge, le comte de Paris, .soumis à la loi d'exi l qui lui interdisait l e terri­toire français, pouvait contempler son pays dont la frontière était à moins d'un ki lomètre à vol d'oiseau ...

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Page 21: Autour du ·comte de Paris - Archives royalistes

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Les Ita l iens s u r la Toi le

Au gré d e nos pérégrinations sur la Toile nous avons relevé un certain nombre de sites monarchistes italiens et

vous donnons ici le résultat de ces découvertes. Si vous connaissez d ' autres sites, merci de nous les indiq uer.

f.HÎtuliolh.' { .\fon:trc!'lic:.i �f

t:"iIOl\E i\IONARCHICA JTALTANA + L' Istituto Nazionale per la Guardia d ' O no re aile Reali Tombe del

Pantheon À. 5 � -� Club �c:ili ?�

d'lt;:ilia http://www. g u a rd iedo nore. it/

+ Movimento Monarchico Italiano (M.M.I.) Sroria

�abaud� t He 1.Jmbcrto JI e R�in:1 M11rilil .Jose http://monarchici .org

+ U nione Monarchica ltaliana i l f, Rcfl!rcndum :::

d.:I 1946 •:-http://www. monarchia. it

+ Alleanza Monarchica (site national) http://www. a l leanza-monarch ica . com

1 Lys ,,. Rouge " Revue trimestrielle "'""

+ Alleanza Monarchica (site de la Fédération régionale de Ligurie) http://utenti. lycos. it/l iguriamonarch ica

+ Alleanza Monarchica (site de la Fédération régionale de Campanie)

http://utenti . lycos. it/napol imonarchica

+ Alleanza Monarchica (site de la Fédération régionale des Pouilles et de Basilicate)

http://utenti. lycos. it/tarantomonarch ica

+ ltalia Reale http://italia-rea le.al leanza-monarchica . com

• Ci-contre quelques pages d'accueil des sites italiens

Et maintenant que le Lys refleurit : abonnez-vous !

NOM/Prénoms : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Adresse : . . .

Adresse électronique (courriel) : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

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• Règ lement à l 'ordre de "Royaliste", 1 7 , rue des Petits-Champs, 7500 1 Paris

LYS ROU G E 50 - 3e trimestre 2002 page 21

Page 22: Autour du ·comte de Paris - Archives royalistes

Monarchistes étrangers

ltalia sempre . . . Les lecteurs les plus anciens du Lys rouge savent combien

nous avons touj ours été attentifs aux activités des monarchis­tes italiens. Mais l 'histoire de ces derniers est compliquée ... Le

résumé que nous publions ici a été trouvé sur le site internet de l 'Alliance monarchiste. C' est sans doute une vue un peu partiale, mais elle sera néanmoins utile à nos lecteurs pour

mieux comprendre.

Brève histoire des monarchistes ital iens dans l'après-guerre ( 1 ) A la vei l le du référendum i nstitutionnel d ivers groupes monarch istes étaient nés dans

toute l ' Ital ie s'associant dans l 'Union monarchiste i ta l ienne ( Unione Monarchica ltaliana) ( U . M . I . ) , association indépendante des partis pol it iques, engagée dans la défense de l ' institution monarchique.

Dans la même période se constituait le Parti démocratique ital ien (Partito Democratico ltaliano) (P. D . I . ) seul parti se déclarant monarchiste.

Après le référendum (2/3 j u i n 1 946) , alors que l 'U . M . I . continuait à ag i r s'efforçant de rassembler sous sa bannière tous les éléments monarchistes des d ivers partis, le P . D . I . disparaît fondant, avec l e Parti libéral ital ien (Partita Liberale ltaliano) et à s a place, le Parti national monarchiste (Partita Nazionale Monarchico) (P .N .M . ) . avec Alfredo Covelli comme secrétaire national et d 'autres éminents représentants de la pensée monarchiste.

Le P . N . M . part ic ipe a lors à toutes les élections mun ic ipales ou pol i t iques, obtenant même des succès éclatants. En 1 952, i l conquiert Naples et cinq autres chefs-lieux de province. En 1 957, i l arrive à son apogée, conquérant 56 sièges de parlementaires.

La réaction du régime ne se fit pas attendre, la Démocratie chrétienne - qui cependant avait bénéficié en diverses occasions du soutien des monarchistes - réussit à provoquer une scission ( 1 954) de laquelle naquit le Parti monarchiste populaire (Partita Monarchico Popolare) ( P . M . P . ) , d i rigé par l 'armateur napo l itain Ach i l le Lauro . Commence alors le décl in électoral des monarchistes lesquels ne réussirent pas à y porter remède en dépit d ' u n e réun if icat ion tard ive d a n s un P a rt i d é mocrat i q u e i ta l ien ( P . D . I ) reconst i tué , dénomination transformée en celle de Parti démocratique i ta l ien de l 'un i té monarchiste (Partita Oemocratico ltaliano du Unità Monarchica) (P .D . l .U .M . ) .

E n 1 972 , ce q u i reste d u P . D . 1 . U . M . se rapproche d u Mouvement soc ia l i ta l i en (Movimento Sociale ltaliano) ( M . S . I . ) , le part i hérit ier d u fascisme de l a Républ ique socia le i ta l ienne créée par Musso l in i - sous l 'ég ide du IW Reich - dans la dernière période de son histoire.

Une proportion importante du parti refusa cette opération la jugeant compromettante pour la cause monarch iste et constitu a ! 'A l l iance monarch iste (Alleanza Monarchica) (A M.) pour continuer la lutte pour la monarchie en totale indépendance.

Depuis la mort en exil du roi Humbert I l ( 1 983) le mouvement monarchiste italien a traversé une grave crise, se fractionnant en une myriade de groupuscules. Tenant bon , !'Alliance monarchiste dispose de son propre organe de presse et a des groupes assez organisés dans différentes vi l les d' Ital ie.

Depuis ces évènements tourmentés, durant lesquels de nombreux groupes ont d isparu ou se sont réd uits à de s imples s ig les sans rien derrière, en févr ier 1 993, ! 'A l l iance monarchiste, le groupe FERT (2) , et une partie de ce qu i restait de l 'Union monarchiste i ta l ienne ( U . M J ) se sont un ifiés dans une A l l iance nat ionale monarch iste (Al/eanza Nazionale Monarchica) (A. N . M . ) .

( 1 ) Texte trouvé sur l e site internet d e ! 'All iance monarchiste (http://www.alleanza-monarchica.com) et traduit par nos soins.

(2) Fert était l a devise personnel le d'Amédée VI de Savoie. C'est u n acronyme de Fortitudo Ejus Rhodum Tenuit (note de la rédaction du Lys rouge).

page 22 LYS ROU G E 50 - 3e trimestre 2002

Municipales Les royal i stes i tal i e n s éta i e n t pré­

sents aux élections munic ipales du 1 3 mai 2001, parfois aux côtés d u « Pole des l i bertés », a l l i an c e m e n é e par B e r l u s co n i . A Nap l es , la l i ste A l ­l i an c e m o n a rc h i st e p o p u l a i re (A lleanzd Monarchica Popolare), 1 iste entièrement royal i ste, s'est s igna­lée par une campagne d'affiches et de réun ions particul ièrement dynamique.

• Le logo de la liste de !'Alliance monarchiste populaire de Naples. Sons l'interjection JUeccoci ! (Nous revoilà !) la cocarde· tricolore .aux couleurs de l'Italie frappée de la couronne des Savoie.

Contre le GS A l 'occas ion du sommet d u G 8 , e n j u i l let 2001, la fédération d e Gênes de ! 'A l l i ance monarch i ste ava i t appe lé les Génois à man i fester contre la glo­bal i sat i o n et l a l o g i q u e économ i q ue u ltra- l i bérale a i n s i q u e .« contre le capitalisme effréné qu i anéantit l'identité des individus et des peuples [ . . . ] Plutôt qu'effacer la dette des pays pauvres, il faudrait abolir ce méca­nisme infernal qui provoque le nouvel esclavage » . La presse i t a l i e n n e a donné un large écho de cette part ic i ­pat ion des roya l i stes aux mani festa­tions contre le G8 .

Page 23: Autour du ·comte de Paris - Archives royalistes

_ NUMERO SPECIALE PER L ' ATIENTATO ALLE TORRI 01 NEW YORK E PER LA GUERRr\ CONTRO 1 TERRORISTI !

PER IL RIMPATRIO DEI RESTI MORTALI DEI REAL! o'ITALIA -ORA IL PARLAMENTO ElJROPEO HA CHIESTO LA FINE l>ELL'ESILIO ()f.J MASClll SAVOIA

ATTENDIAMO, CllE I L GOVEHNO

l.lOPO LA VOTAZIONE DELL' AS·

SEMBLEA Dl STRASBURGO, Dl·

SPONGA PER IL RIENTRO IMMEDIA·

TO; TOCCA AL SENATO IL COMPI·

TO l>I ABOI.IRE l.A INCIVILE \JA NORMA "TRANSITORIA" IN VIGO· RE, ()A 55 ANNI! ! !

INDl PE N DENTE CULTURALE Dl OPPOSIZIONE POLlTJCO ISTITUZlONALE 1 MONARClllCI E GLI ITALIANI

AMANT! DELLA STORIA PATRIA, CHIEDONO li. RIETRO IN ITALIA

DEI.LE SALME DEI DEFUNT! SOVRANI

D'ITALIA, AL PANTHEON IN ROMA.

Rifondatore e Direttore responsabile : C. Antonio del Papa

�ttobre 200 1 - Anno. V- serie IV XLVI dalla fondazione (Napoli, gennaio 1 955) Sped. abb. post.: Comma 20/c art.2,L.662/96 -Fl-NA " ., ,, 'Giuseppe Bah.ana DESIDERO FARE IL PRIMO PASSO ITALIANO NELLA MIA AMATA NAPOLl LE BELVE SONO TRA NO/

VITTORIO EMANUELE CONFIDA NEL GOVERNO Da qualche tempo ho iniziato un'auto del valore di solo un

Napoli , attende con ansia Io sbarco del suo "Priocipino", che, ne! maggio del 1 946 ad appena 9 anni lascio Napoli e tutto cio che l 'ltalia rappre­sentava per lui.

Da a l lora una legge "ta­lebana" gli vieta_l' ingresso in

Febbraio 1 937 fu salutato con 2 1 salve di cannone da! Forte di Sant' Elmo e dalla gioia del Popolo napoletano che fe­steggio la nascita del l 'eredc. Partito ne! 1 946, con la ma­dre Maria José e le tre sore Ile (a causa di un referendurn

queste riflessioni sui sempre più milione! Ma, quello che rende ffequenti tragici, sconvolgenti, più agghiacciante il delitto èche,

Politica si batte per questo inspiegabili � di .c�cainc.ui nell'autocon la qualequesti due rientro assolutamente consi- sono comvolt1 dei mmorenm e balordi si erano recati sui luogo derato secondo giustizia. che t:urbano profondamente la del delitto, assisteva, impoten-

. . 1 . d h coscienzadell 'uomo della stra- te e, forse, impaurito per Io Perc10 vog 1amo cre ere c e d p · 1 t d. d 1 · 1 · d li · da ·1 1 . . 1 . . . a. ero, a momen o 1 ar 1 svo gers1 e a v1cen , 1 oro tu, .tt1 1 po Ill.c i man. tengano alla stampa, ecco assurgere alla fi 1· 1 d. 1 t: 1g 10 etto 1 appena quattro

.• mpegno d1 . avonre questo cronaca w111uovo, a�1iaccian- amJ.i! n.entro, tard1vo .0�tre ogn i te fatto di sangue e d1 111orte, an- Dice. v?.· �em,brav. � che si era dire. anche oerche e la Nuo- ---- _ : .·. · - - · , _ • - , - : . . . . . _ _ , _ _ .

Dans notre précédente livraison du Lys rouge (n° 49) nous avions brossé un tableau du « Paysage royaliste italien ». Nous le

complétons ici par une présentation de Tribuna Politica que nous n'avions que brièvement cité.

Tribuna Politica est l ' une des p l u s anc iennes p u b l icat i o n s monarch i stes d ' I t a l i e , fo n d é e en 1 9 5 1 à N a p l e s , suspendue e n 1 959, p u i s réapparue et paraissant depui s 1 962 sous d i verses formes.

Son t itre même est une référence à sa v i l l e natale : Tribu na poli tica . . .

Tribuna politica se présente comme un journal grand format de quatre ou s i x pages, à l ' é c r i tu r e d e n s e . I l se défi n it comme un « périodique indé­p e n d a n t d ' o p p o s i t i o n i n s t i t u t i o n ­n e l le » et d ispose d e correspondants

dans toute l ' Ital ie . C 'est aussi un véri­table centre de publ ication et de d iffu­s i o n d e b ro ch ur e s , l e p l u s s o u v e n t d o c tr i n a l e s o u t h é o r i q ue s , c o m m e Perché siamo monarchici ( « Pourquoi nous sommes monarch.i stes ? ») et Il federalismo, o u e nc o re h i stor iq ues , c o m m e Giugno 1946 : la républica nasce ne! sangue ( « J u i n 1 94 6 : l a r é p u b l i q u e n é e d a n s l e s a n g » ) . C . A n to n i o d e l Papa, son d i recteur, prépare la prochaine publ icat ion d ' un ouvrage consacré à la v i e de Tribuna Politica i n t i t u l é 50 anni di fedelta monarchica ( « 50 années de fidél i tés

monarc h i q u e » ) , dont n o u s reparle­rons u l térieurement.

Dans son n um é ro d ' octobre 200 1 ,

Tribuna Politica évoqu e la déc is ion d ' A medée, duc d ' Aoste, de lancer un « mouvement patriotique pour unir les citoyens », ce q u i d é m o n tre l a vo lonté de p l u s e n p l u s affirmée d u d u c d ' Aoste d e j ou e r dêso r m a i s u n rôle pol it ique p l u s marqu é dans la v ie publ ique ital ienne. I l semble q u ' i l ap­p a ra i s s e d é s o rm a i s à d e n o mb r e u x monarc h istes ital i e n s c o m m e l e vrai recours royal . . . .

J.-P. C.

Tri b u n a P o l i t i c a : Case l post 4 1 1 0 -

V iale Col l i Aminei , 80 1 3 1 Napo l i .

Courriel : tribunapo l it ico@iol . it

Vers la fi n de l 'exi l ?

B ann i s par la Const i tut ion ital ienne, entrée en v igueur en juin 1 94 7, q u i stipu le que « Aux ex­rois de la Nlaison de Savoie, à leurs conjoints

et à leurs descendants mâles, il est interdit l'entrée et le séjour sur le territoire national », l e prince V ictor­Emmanu e l de Savoie et son fi l s Emmanue l -Ph i l i bert vont vraisemb lablement voir ven ir la fin de leur long exi l . En effet, le processus pour abroger cette d isposi­t ion anachronique et contraire aux Droits de l'homme arrive presque à son terme. La rév i sion const i tu tion­nel le nécessite en effet q uatre votes positifs successifs

(deux au S énat et deux par les députés) pour pouvo i r abouti r . Ces votes ont e u 1 ieu : 5 février 2002 au Sénat (23 5 pour, 1 9 contre, 1 5 abstentions), 1 0 avri l 2002 à la Chambre des députés (3 7 5 pour, 54 contre, 48 abstentions), 1 5 mai 2 002 au Sénat ( 1 8 7 p o u r, 2 7 c o ntre , 1 3 abste n t i o n s ) , 7 j u i l l et 2 0 0 2 à la C h am b re (347 pour, 69 contre, 44 abste n t i o n s ) . C ependant l 'absenté i s m e des s é n ateurs l ors du vote du 1 5 m a i , o ù l e q uo r u m n ' a pas été atte i nt, ouvre u n e v o i e hypothé t i q u e de recours aux opposants qui d isposent de troi s mois pour provo­q uer un référendum à la condit ion q u ' i l soit demandé soit par u n c i nq u ième des membres d 'une cham bre, so i t par 5 00 000 é l ec te u rs, s o i t par c i n q c o n s e i l s rég i on au x . Hypothèse peu vraisemb l ab le, mais néanmoins le suspense demeure j usqu'au 1 5 octobre 2002.

LYS ROU G E 50 - 3e trimestre 2002 page 23

Page 24: Autour du ·comte de Paris - Archives royalistes

Histoire du royalisme

Une revue et u n mouvement

Samedi-Revue et la « Jeu nesse Roya l iste »

La fréquentation des bouquinistes et de leurs étals

réserve touj ours quelques surprises.

Ai ns i cette découverte d'un vo­l ume i n-4 de 200 pages i nt i ­t u l é : « Un Royaliste Roger

Lambelin (185 7- 1 929) » éd ité, sans nom d'auteur, par les « Éd itions Bos­sard » en 1 93 0 .

L'ouvrage comporte une p ré face d e T o n y C at t a e t o n ze i l l u st r at i o n s d' intérêt varié et inégal .

Au fi l de la lecture, nous pouvo n s découvrir, après l e réc it d e la jeunesse et de la c ar r i è re m i l i t a i re de Roger Lambel in - i l part i c i pa à la conquête du Tonkin de 1885 à 1887 - ce l u i de son action royal iste.

Cel le-ci débute en 1888 par la créa­t ion d 'une revue hebdomadai re i nt i ­tu l é e Samedi-Revue d o n t L a m be l i n e s t à l a fo i s l e c o m m an d i ta i re , l e d i recteur, l e rédacteur princ i pal et le metteur en page . . .

L e s l e c t e u r s d u p re m i e r n um é ro , daté d u 4 février 1888, pouvaient l i re la déc laration d'intention suivante :

« S am e d i - Revue est un journal indépendant. Il n 'est inféodé à aucun groupe politique et n 'appar­tient à aucun syndicat financier. « Tous les sujets à l'ordre dujour, tant en France qu'à l 'étranger, se­ront traités par des collaborateurs spé c iaux et s o us leur responsab ilité. Une large part sera faite aux questions sociales et économiques qui prennent de jour en jour une importance nouvelle . . . « Quant à notre attitude politique. elle ne donnera prise à aucune

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équivoque. Nous estimons que les réformes sociales, financières, administratives, dont dépend le relèvement de la patrie, ne peu­vent être réalisées que par la mo­narchie historique don t M. le comte de Paris est le représentant, m o n arch ie o uver te à t o us , oublieuse des querelles du passé, forte et libérale, ardente à la re­cherche du progrès, mais fidèle aussi aux traditions sans lesquel-1 es un p e up le n e p e ut être n i grand, n i respecté >>.

Chaque n uméro comporte 1 6 pages q u i se r é p a rt i s s e n t s u r p l u s i e u r s rubriques.

« La Semaine pol it ique » est réd i­gée par Édouard Hervé, d irecteu r du Soleil p u i s par Charles Dupuy, de La Gazette de France. Des art i c l e s l it­téraires sont s ignés de V ictor du B led, Xavier Marmier, etc ; la partie écono-

Curiosité Les recherches sur l'internet pro­c u r e n t p a r fo i s d e c u r i e u s e s surprises. En quête de renseigne­me nts sur Roger Lambelin, fo n­dateur de Samedi-Revue et de la Jeunesse royaliste, nous avons dé­c o uvert q u' e n 1890 l a ve uve de J o s e p h S c hw a rt z , c é l è b r e r o ­s i é ri s t e d e l a région lyo n n a i s e , avait d o n n é le nom d e « Roger Lambelin » à une variété de rose hybride q u'elle avait créée. Cette variété de roses existe toujours et figure au c a t alogue de t o u s les grands h o rti c u lteurs m o nd i aux. On ignore pourquoi cet hommage fut rendu à Roger Lambelin.

LYS ROUGE 50 - 3e trimestre 2002

m i q ue et soc i a l e est assurée, e nt re a u t r e s , p a r C h ar l e s L a C o u r Grand maison.

Des art i c l e s sous forme de l ettres e nvoyées d e d i ffé rents p ay s e u ro­péens donnent un caractère i nternatio­nal à la revue.

Au total, ce sont plus de 80 col labo­rateurs qu i fourn iront des articles pen­dant les deux années d'extstence de la revue.

Parm i ces co l laborateurs, nous rele­vons le nom d'un j eune roya l i ste âgé de 2 1 a n s et d o n t le nom n'est pas encore célèbre : Charles M aurras q u i s i gne deux art ic les dans l e s n u méros des 9 et 1 6 novembre 1 889, consacrés l'un à Maurice Barrès, l'autre à Joseph Roumani l le.

Roger Lambel in , lui, assure la revue d e l a p r e s s e , fra n ç a i se , a n g l a i s e , a l l e m a n d e , espagno l e . . . C e q u i n e l'empêche pas d e rédi ger, d e s art ic les m i l i ta ires et soc iologiques sous d ivers p s e u d o n y m e s , a i n s i q u e d e s nouvel les.

Samedi-Revue prône l 'é d i fi c at i o n d'un ordre soc ial nouveau. Rej etant le p a r l e m e n t ar i s m e , la rev u e d é fe n d l ' idée d'une représentation constituée par des assemblées provinciales et des chambres professionnel les.

F a c e a u x é v é n e m e n t s c o n t e m ­porai ns, l a revue prend des posit ions c l a i res , c o n t re l e b o u l an g i sm e p a r exemple. E l le s e bat pour l 'un ion des d i fférentes formes royal istes trop sou­vent d ispersées.

Part icul ièrement, la rnvue se démar­q u e des royal i stes q u i se p laça i e n t sous « la ban n ière d e la démocratie » .

Page 25: Autour du ·comte de Paris - Archives royalistes

Samedi-Revue cesse sa parution à la fi n de 1 8 8 9, fu s i o n n a n L n o u s d i t l 'auteur d u l i v re. avec « la Revue de France » .

Para l lè l e m e n t , sous l ' i mpu l s i on de L a m b e l i n , é ta i t né un m o u v e m e n t , « L a J e u n esse Roya l i ste » ( e n j u i n 1 8 8 9 ) . L e c o m i t é d e l a J e u n e s s e R o y a l i s t e d e P a r i s , o u t r e R o g e r L a m be l i n , était composé d e E ugène G o d e fr o i d , R . de F a ra m o n d d e Lavajole , P . Merve i l leux d u V i gnaux et G . de L a u r e n s de l a B a r r e , Président.

I l sem b l e q u 'à part i r de c e c o m ité par i s i e n , des sect i o n s n a i ssent dan s p l u s i e u rs r é g i o n s . E n t é m o i g n e l a Saint-Ph i l i ppe d u 8 mai 1 893 - rappe­lons-nous q ue le d u c d 'Orléans, fi l s d u prétendant, portait c e prénom - q u i réu n it un m i l l ie r d e royal i stes venus de Par i s mais auss i de Bordeaux, de Tou louse, de M arse i l le, de Sète et de Montpe l l ier . Le P rés ident de la jour­née est le général de Charette.

C e l u i - c i , d a n s son al l o c u t i o n , met l ' a c c e n t s u r la f i d é l i t é au p a p e Léon XIII mais e n gardant une l i berté d'action sur le plan pol it ique v i s-à-v is d u ral l i ement prôné par Rome.

P a r a i l l e u rs , l a p e n sée soc i a l e d u comte d e Par i s est m i se e n avant et des délégués à cette journée représen­tent des groupes ouvr iers des 1 2e et 1 3 e arrond issements de Paris.

l i serait long de conter par le menu l ' a c t i o n d u m o u v e m e n t c ré é p a r

Lambel i n , j usqu'à l a créat ion d e l 'Ac­t i o n F ra n ç a i se à l a q u e l l e i l s e m b l e q u' i l s e ra l l ia. l i faut s implement sou­l igner les progrès constants q u i furent les s iens ; en 1 897, tous les arrondis­sements de Par is étaient représentés a i n s i q ue 25 d é parte m e n t s . I l fa u t éga l e m e n t n o t e r q ue l e m o u ve m e n t e n t ret i e nt des rapport s permanents avec le prétendant, le comte de Par is puis le duc d'Orléans .

l i est également i ntéressant de re l e­ver l 'action é lectorale de Roger Lam­bel in q u i fut é l u conse i l le r mun i c i pal de Paris, dans le 7e arrondissement, de 1 894 à 1 9 1 2 . Sans omettre également q u ' i l prés ida le B u reau p o l i t i q u e d u d u c d ' O r l é a n s e n 1 909 e t e n 1 9 1 2 ,

année de sa démission .

Pour revenir à la na issance de l 'Ac­t ion F rançaise, i l faut se rappeler les rapport s souvent d i ffi c i l e s , pour ne pas d i re tumultueux, entre le nouveau mouvement et ceux existants.

Roger Lambe l i n , a u sein du B ureau p o l i t i q u e du p rétendant, fit tout son poss i b l e pour atté n uer l a d iscorde et év i ter les confl its .

I l ne le put qu'en partie et sa démis­s i on d u B u re a u po l i t i q ue , après 1 8

m o i s d e s e rv i c e s re n d u s , e st s a n s aucun doute 1 iée à cet échec .

Avant de c lore notre propos, et pour être compl et et honnête, i l serait mal venu de passer sous s i l ence un aspect de l 'action et de la pensée de Roger Lamb e l i n : son antisémitisme q u i n'a

r i e n à e n v i e r à ce l u i d'un Drumont . C itons s i m p l ement à l 'ap p u i de n o s d i res l a préface q u ' i l d o n n a à u n e édition des « Protocoles des Sages de Sion », cautionnant a ins i .ce q u i a été r e c o n n u d e p u i s c o m m e u n fa u x man ifeste.

Sa fin, en mai 1 929, fut marquée par l ' é v é n e m e n t d o u l o u re u x p o u r l e s royal i stes cathol iques q u e fu t l a con­damnation de l 'Action F rançaise . Le clergé de sa paroi sse exigea, pour l u i donner l'extrême-onction, « sa rétrac" tian devant deux témoins » . E l le l u i fut refusée après qu ' i l e u t d i cté ces quelqu�s mots : « Dites que je ne fais pas partie des dirigeants de l 'Action Française je meurs fidèle à mon Roi. comme je meurs fidèle à mon Dieu » .

L 'Ég l ise se m o ntra i n trai tab l e j us­q u'au bout et e l l e refusa sa part ic ipa­t i o n aux obsèques auss i b ien à Paris où i l mourut q u'à Laval, la v i l le où i l éta it n é l e 1 3 octobre 1 8 5 7 , e t où i l fut inhumé.

René CHAMINAD E

Piste bibl iographique • Eugène Godefroy - " Quelques années de politique royaliste. Du Ralliement à la Haute Cour (1892-1899) " - Librairie nationale, 1 900. • " La Jeunesse royaliste, préfigura­tion de l'Action française", a�ticle de François Callais dans Histoire, Economie et S oâété, octobre 1 99 1 .

Œuvres de Roger LAMBELIN selon l e catalog ue d e l a Bibliothèque Nationale

• Le Général Gordon (sous le pseudonyme de Raoul Loky) - Extrait de la « Revue du Monde catholique », \r. Palmé, 1 885. • Fils de chouan, roman contemporain (sous le pseudonyme de Raoul Loky), Pion, 1 894. • La Sicile, notes et souvenirs (sous le pseudonyme de Raoul Loky), Desclée de Brouwer, 1 894. • Notre marine marchande, sa décadence, sa législarion, son avenir (sous le pseudonyme de Raoul Loky), Challamel, 1 898. • L'entente nationale - L'armée et le franc-maçonnerie (sous le pseudonyme de Raoul Loky) - recueil de discours de divers orateurs, Bourges, 1 905. • L'expansion maritime de l'Allemagne : le cinquantenaire du Norddeutscher Lloyd (sous le pseudonyme de Raoul I,oky) -Extrair du « Cormpondant », de Soye, 1 907. • Rapport au nom de la sous-commission du budget sur le budget de 1 909, Imp. municipale, 1 908. • Sous le soleil d'Egypte. Un cœur d'homme, roman (sous le pseudonyme de Raoul Loky), �ouvelle Librairie ,'\Jationale, 1 9 1 4. • Le péril juif - Le règne d'Israël chez les Anglos-saxons (sous le pseudonyme de Raoul Loky), Grasset, 1 92 1 . • Protocols des Sages d e Sion - Introduction p a r Roger Lambelin, Grasset, 1 92 1 . • L'Egypte e t l'Angleterre vers l'indépendance : de :-Iohammed _\li a u roi Fouad (sous le pseudonyme d e Raoul Loky), G rasse t , 1 922. • Le péril juif - L'impérialisme d'Israël, Grasset, 1 92.:J.. • Le péril juif - Les victoires d'Israël, Grasset, 1 928.

LYS ROUGE 50 - 3e trim estre 2002 page 25

Page 26: Autour du ·comte de Paris - Archives royalistes

Document

La leçon d ' H isto i re d ' u ne P ri ncesse

En j anvier 1993, la princesse Chantal de France était l'hôte officiel du gouvernement tunisien. Au �ours de son séjour, elle fut invitée à rencontrer les élèves du Lycée français de Tunis et à leur

faire un cours d'histoire. Le texte de son intervention n'a j amais été publié. Les lecteurs du Lys rouge en ont donc la p rimeur . . .

Monsieur le professeur,

C h ers é l è ve s du Lycée fran ç a i s d e Tunis,

Je suis très touchée par la genti l lesse de votre accuei 1 et c'est avec grand p la is i r q ue je viens évoquer avec vous quelques pages de l'h istoire de France.

Vous a l lez sourire : ces pages concer­n e n t l a n a i s s an c e d e l a T ro i s i è m e Républ ique, et par conséquent l'effondre­ment progressif des espoirs des deux pré­tendants à la couronne de France et de leurs partisans. Nous al lons revenir sur la fameuse affai re du drapeau b lanc , que vous connaissez certainement, et sur l'exi l de ma fam i l le, qui est un épisode moins connu.

C h e m i n fa i sant, vous verrez le bon usage que l'on peut faire de l'histoire. On p e u r b i e n s û r regarder le passé avec nostalgie, parler du "bon v ieux temps" , q u i es t touj o urs enj o l ivé. On peut aussi chercher dans le passé des raisons de se venger du tort qu'on a fait à votre fami l le, à votre pays, à votre rel igion. C'est ce qui se passe aujourd'hu i dans la malheureuse Yougoslavie, et nous voyons bien que la vengeance n'est jamais une solution : on tue son voisin parce que son grand père a tué le vôtre, pu is c'est le frère du vois in qu i vient tuer votre enfant - et ainsi de suite . . .

Dans la vie d'un pays, l 'esprit de ven­geance est le p l u s grand des dangers, parce q u ' i l prépare ses hab itants à la g u e rre c i v i l e . En France , c o m m e en Yougos lavie, nous avons autant de rai­sons

� de nous détester les uns les autres

q ue de nous aimer : les prot�stants n'ont pas oublié la révocation de !'Edit de Nan­tes et les D ragonnades ; les royal i stes n ' o n t p a s o u b l i é l ' e x é c u t i o n d e Louis X V I , n i l es guerres d e Vendée qu i ont aussi entraîné, i l faut s'en souven ir, le massacre de très nombreux républ icains . . .

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On peut a ins i mult ip l ier les exemples, on peut se lamenter, s ' indigner, et créer peu à peu de nouve l l e s occas ions de confl its. Pour moi, au contraire, l 'histoire doit être d'abord la matière d'une étude a u s s i s c i e n t i fi q u e q ue p o ss i b l e . E l l e donne auss i l'occasion de réfléchir sur les erreurs comm ises, ce qu i permet parfo is de ne pas les recom mencer . E l le peut enfin serv i r la cause de l a pa ix c i v i le , lorsqu'e l le nous permet de dégager de la confusion des événements des princ ipes d'unité.

Chercher la vérité. Réfléchir sur les er­reurs commises. Travai l ler à l'apaisement. Tels sont mes trois premiers soucis, lors­que je regarde l 'h istoire de France - tant monarchique que républicaine - et notam­ment la période dont je veux auj ourd'hui vous parler.

Vous connaissez les grands événements qui marquent la France après la défaite de l'armée française en 1 870 :

La Républ ique est proclamée à Paris le 4 septembre 1 870, mais sans que le Se­cond Empire soit remplacé par un nou­veau régime pol itique. I l se crée un gou­vernement prov iso ire composé de répu­b l ica ins - J u les Ferry, Gambetta - q u i signe l'armistice avec Bismarck e t q u i , à j uste t itre, s 'empresse d'organ iser des é lections générales. Ces élections ont l ieu de 8 février 1 8 7 1 : e l ies amènent à l a Chambre une majorité de 400 monarchis­tes ( i l s occupent les deux-tiers des 645 s ièges) q u i sont d iv isés en or léan istes (entre 2 1 0 et 220) partisans du comte de Paris, et légitim istes part isans du comte de Chambord . A l 'exception d 'un petit groupe de bonapartistes, les autres é lus sont républ icains modérés ou radicaux. Vous savez que Thiers, anc ien orléaniste devenu républ icain, est désigné par cette as s e m b l é e c o m m e " c h e f d u p o u v o i r exécutif' de l a Répub l ique : c'est lu i qu i

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fera la paix avec l 'Al lemagne et qui répri­mera la C o m m une de Par i s avec une implacable férocité.

A u lendemain de la défaite m i l itaire et de la guerre civi le qui fait couler des flots de sang à Paris, la situation pol itique est étrange : la Répub l ique a bien été pro­clamée à ! 'Hôtel de V i l le, une Assemblée a bien été é lue démocratiquement, mais la France _vi t encore dans un régime provi­soire : i l n'y a· pas encore de Constitution et la question des institutions reste posée puisqu ' i l n 'y a pas eu de choix défin it if entre l a Répub l i q u e et l a m on arch i e . C o m m e n t va - t - o n e n a r r ive r à l a Tro isième République et pourquoi ? Ces deux questions concernent à la fois l 'h is­toire de France et celle de ma fami l le.

Rappelons rapidement les faits :

- le 3 1 août 1 87 1 , l 'Assemblée vote la lo i Rivet qu i transforme le chef du pou­voir exécutif en président de la Répub l i­que p lacé sous l 'autorité de l 'Assemb lée nationale.

- la L o i du 1 3 mars 1 873 défi n it les rapports entre l'Assemblée et le président de la Républ ique ainsi que les conditions d ' e x e r c i c e d e. l a r e s p o n s a b i l i t é min istériel le.

- Th iers reste président j usqu'au 24 mai 1 873, date à laquel le i l est renversé par une forte maj orité conservatrice. L'As­semblée porte à la présidence le maréchal de M ac Mahon, q u i appe l l e le duc de Brogl ie·, orléaniste, à prendre la tête du gouvernement.

- Le septennat est institué le 20 novem­bre 1 873 .

- le 30 j anvier 1 875, l'amendement Wal­lon énonce les conditions dans lesquel les sera é lu le président de la Républ ique et le fait qu ' i.I so i t adopté (à une vo ix de majorité) revient à choisir la Républ ique.

- e n fi n i l y a le vote des tro i s l o i s constitutionnelles d u 24 février 1 875 (sur le Sénat), du 25 février (sur l'organisation des pouvoirs publics), et du 1 6 ju i l let (sur les rapports des pouvoirs publ ics) q u i achève de donner sa forme au rég ime politique de la France.

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Ainsi, une Assemblée nationale dont les députés sont monarchistes aux deux tiers e n e s t v e n u e à fo n d e r l a T ro i s i è m e Répub lique. C'est l à u n premier paradoxe, qu ' i l faut faire su ivre d'une seconde ob­servat ion tout aussi paradoxale : cette Républ ique fondée par des royal istes a été j usqu 'à présent l a p l us d urab le de toutes puisqu'el le n 'a d isparu qu'en 1 940, à l a su ite de l ' invasion du pays et de la prise du pouvoir par le Maréchal Pétain.

Quelles sont les raisons de cette évolu­tion aussi surprenante que rapide ?

- il y a sans aucun doute les progrès du parti républ icain : i ls se manifestent lors des é lections partiel les de 1 872 et 1 873 , qu i entraînent l a v icto i re de nombreux candidats républicains à la députation (3 1 sur les 3 8 s ièges en compétit ion) ; ces progrès sont également très nets aux élec­tions cantonales d'octobre 1 872 pu isque, s u r 2 8 3 0 é l u s , l e s d e u x t i e rs s o n t républicains.

- i l faut aussi soul igner que les progrès é lectoraux du parti républ icain s'accom­pagnent d'une poussée des rad icaux, qu i sont cons idérés à l ' époque comme de dangereux révolut ionnaires : la peur du radical isme entraînera de nombreux dépu­tés monarch istes à se rapprocher des ré­pub l i ca ins modérés. Cette conj o nct ion des c e n tr e s , d i c t é e par l ' e s p r i t conservateur, a favorisé le compromis sur le régime républ icain.

- n'oublions pas non plus la divis ion des roy a l i s tes . Les uns sont l ég i t im is tes , fidè les au comte de Chambord et nostal­giques de l'Anc ien régime, mais en même temps soucieux de la m isère ouvrière et hostiles au capitalisme l ibéral . Les autres sont orléanistes, fidèles au comte de Paris et à La m onarc h i e par lementa ire s e l on Louis-Ph i l ippe : ce sont des l ibéraux en po l i t ique, en économie comme sur les q u e s t i o n s re l i g i e u s e s . D e m a n i è re schématique, on peut d ire que les légiti­m i stes r e p r é s e n t e n t l a F r a n c e trad it ionnel le , ul tra-catho l ique e t rurale, e t l e s o r l é a n i stes la France moderne , industrie l le, financière.

Mais ces trois premiers facteurs ne sont pas décisifs. D'une part, les monarchistes conservent une forte maj orité à l 'Assem­blée nationale et reflètent les sentiments d'une grande partie du pays ; d'autre part, le comte de Paris rend v isite au comte de C hambord en Autriche le 5 août 1 873 et prend ainsi l ' in itiative d'une réconci l iation fa m i l ia le qui est acq uise à la fin de la rencontre - même si les différences d'atti­tudes po l i t iq ues restent très marquées. Quant à l 'al l iance des modérés, e l le aurait pu se faire à l'avantage des monarchistes, pu isque la p l upart des députés recher­cha ient avan.t tout la p a i x c i v i le e t l a stab i l ité d u régime.

- en fait, vous le savez, c'est le comte de Chambord qui fut l 'obstac le pr incipal et décisif à la restauration de la monarchie . Ce petit-fi ls de Charles X est un homme de princ ipes, un cathol ique intransigeant, un prétendant au trône attaché aux fonnes les p lus archaïques de la m on arch ie, un pr ince qui n 'accepte pas, à la d ifférence de son cous i n de comte de Par i s , l e s acquis d e l a Révolution française. Telles sont les c o n v i c t i o n s que le comte de Chambord résume dans son attachement obst iné au drapeau b lanc - d'autant p lus étrange que la monarch ie d 'avant 1 789 n 'avait pas de drapeau nat iona l et que L o u i s X V I a v a i t a c c e p t é le d rapeau tricolore. Au contraire, Chambord affirme dès son manifeste du 5 j u i l let 1 87 1 son refus des troi s couleurs et i l n'en démor­dra pas m algré les efforts des députés royalistes et de ses proches.

A ins i , en 1 873 , la réconc i l iat ion entre les deux branches dynast iques et l 'é lec­t ion d u marécha l d e Mac M ahon à la prés idence de ia Républ ique créent une s ituation très favorab le à la restauration. Les députés royalistes se mettent d'accord sur un projet de monarchie parlementaire et sur un texte qui prévoit le maintien du drapeau tricolore. Ce projet est présenté au comte de Chambord, qui semble ac­cepter un compromis sur la quest ion d u drapeau. Mais i l publie le 27 octobre une lettre par laquel le i l réaffinne sa fidél ité à l a couleur blanche. Le prétendant croit q u e c e t te l e t t re n e c o m p r o m e t p as l 'aven ir. En fait , e l l e ruine l a poss ib i l ité d'un retour rapide à la monarchie.

Somme toute, le comte de C hambord n ' a p a s c o m p r i s q ue l a F r a n c e a v a i t changé, et que l a monarchie n'avait d'ave­nir que dans la mesure où el le changerait au même rythme que le pays comme el le avait su le faire j usqu'au XVI I° siècle . Le C omte de Chambord n'a pas non p l u s compris que la trad ition dont i l s e réc la­mait impl iquait le mouvement, et que la conception rigide qu ' i l avait de son hon­neur al lait finalement à l'encontre du ser­v i ce de l 'État, auquel les princes et les ro is sont destinés - quoi qu ' i l puisse leur en coûter.

Le dern ier hérit ier de la branche aînée des Bourbons meurt en 1 883 , après avoi r reconnu le comte de Par i s , chef de l a maison d'Orléans, comme son successeur légit ime. La fus ion entre les deux p art is royalistes se réal ise sans difficultés. Mais les chances de la monarchie ne s'en trou­vent pas renforcées durablement. Certes, le comte de Par i s , d e v e n u c h e f de l a Maison de France, unifie l e parti royal iste autour de sa personne et l e s é lec t ions l ég i s l at i ves de 1 8 8 5 se trad u isent par l 'é lection de 1 3 0 députés roya l istes. Le danger es t s i v ivement ressenti par les républ icains que ceux-ci obtiennent, le 6 mars 1 886, le vote d'une loi qui exi le les c h e fs des fam i l l e s ayant régné s u r l a

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France et leurs héritiers directs. Ce départ forcé annonce l a fin du royal i sme parle­mentaire l ibéral et favorise la montée du popul i sme · et de l 'extrém isme : certains royal istes su ivent le général Bou langer dans son aventure sans lendemain, et les é lections légis latives de 1 8 89 sont mar­quées par un grave recu l des royal istes ( 1 1 1 é lus seulement) dont beaucoup se rall ieront à la République lorsque le Pape le leur demandera. La dis location du parti royaliste au Parlement ouvrira la voie aux extrém i stes de l 'Act ion française , q u i créeront pendant l 'affa ire Dreyfus u n mouvement violemment antidémocratique et antisémite. Mon père condamnera l'Ac­t ion française, en 1 93 7 , mais e l le avait déjà abouti , par ses fautes pol it iques, ses v iolences et ses provocations, à découra­ger de t r è s n o m b r e u s e s fi d é l i t é s royalistes.

Pour mo i , cette page de l ' h i sto ire de France est un peu triste à rel i re mais j e n ' en t i re n i a m e r t u m e n i d é s i r d e vengeance. Hier comme aujourd'hu i , i l n'est pas d e pire ennemi e n pol itique que soi-même et l'échec de la cause royale t i e n t e s s e nt i e l l e m e n t à s e s propres serviteurs.

I l reste que, même dans son échec, le roya l i sme l i béral a rendu serv ice à l a France :

- ce sont les députés royalistes qui insti­tuent le régime parlementaire auque l se ral l ie le parti républicain ;

- ce sont les députés royal istes qui don­nent à la Trois ième Répub l ique sa forme défin it ive : nous leur devons l ' institut ion du président de la Républ ique, le choix en faveur du septennat, et l a création du Sénat. Autrement dit, toute l'architecture du régime pol it ique français depuis p lus de cent ans prov ient de l a trad it ion l i ­bérale qui fut d e conviction monarch ique avant que le refus du comte de Chambord ne le décourage.

Je ne � ite pas ces faits et ces évolutions pour glorifier une tradit ion pol itique qui est chère à mon cœur. Le rôle majeur des roya l i s t e s d a n s l a fo n d a t i o n de l a Trois ième Répub l ique sou l igne l 'un ité profonde de l ' h i sto i re de l a France, à travers les confl its des person nes et des groupes.

J 'y v o i·s p o u r l ' a v e n i r un m o t i f d'espérance.

Mons ieur le professeur, chers élèves du Lycée français de Tunis, je vous remercie de m'avoir écouté.

[ L a p r i n cesse C h a n ta l d e F r a n c e avait, moins d'un a n a u pa rava n t, fai t une i n ter­v e n t i o n p u b l i q u e t rès r e m a r q u é e ( l e 2 1 fév r i e r 1 99 2 ) , c o n d a m n a n t l e r a c i s m e, l ' ex c l usion, défendant le d roit d u sol. Ces prises de position avaient reçu u n écho très favorable en Tun isie.!

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LYS ROUGE - Liste des n u méros encore d is po n i bles • Numéro 4 - Mai 1 979 (poly. �O p.) : Enquête sur le logement - Étude sur l'enseignement - Vers une nouvelle politique industrielle ? .

Prix franco 1 , 50 € • Numéro 5 - Septembre 1 979 (poly. 3 1 p.) : L'aménagement industriel, agricole et touristique du territoire - Dossier énergie : Les sources possibles - Pourquoi le nucléaire ? - Projet pour une réforme des études médicales. Prix franco 1 , 20 € • Numéro 6 - Décembre 1 979 (poly. 36 p. ) . La Francophonie - Le système monétaire européen - La France est un royaume (Luc de Goustine). Prix franco 1 , 20 € • Numéro 8 - Février 1 98 1 (brochure 35 p. ) : Rapport sur la Sécurité sociale - Enquête sur le logement (suite). Prix franco 1 ,20 € • Numéro 1 5 - Janvier 1 983 (brochure 34 p. ) : Lettre sur l'avenir du royalisme - Débat sur la politique économique socialiste - Dossier historique sur !e royalisme à Lyon dans les années 1 830. Prix franco 1 ,80 € • Numéro 23 - Avril 1 985 (revue 28 p . ) : La France de l'ouverture, débat sur la France et ses immigrés - Qu�lle tradition ? (suite) le mariage du Prince - Document : « Socialisme monarchique » un texte de Jean-Marc Bourquin en 1 947 - Jeanne de France - Débats et polémiques. Prix franco 2 € • Numéro 25 - 30 avril 1 985 Uournal 8 p. ) : Quand Mitterrand imite Montand - Dixiéme anniversaire de la chute de Saigon - Le voyage de Reagan en RFA - L'Afghanistan dans la presse occidentale - Patrons et journalistes. Prix franco 1 € • Numéro 27 - Août 1 985 (revue 34 p.) : Engagez vous 1 Faites de la politique ! - Les royalistes et I ' Église : l'Action Française en Gironde de 1 91 9 à 1 939 - Une mauvaise biographie de Louis XVI - Sur le bagne de Nouvelle Calédonie - Les dangers de la pollution automobile. Prix franco 2 € • Numéro 37 - Février 1 988 (revue 56 p.) : Inquiétude sur une enquête sur le royalisme - Documents pour préparer le congrés de la N A R (Protection sociale, Europe) - Questions/réponses sur minitel - La mort du roi du Laos - Revue de presse des Princes et des monarchies - Hommage à Amédée d'Yvignac - Auguste Comte E3t le royalisme. Prix franco 3 ;80 € • Numéro 38 - Mai 1 988 (revue 38 p.) : Faillite de ta politique - Un étrange Burke - Sans-culottes et Nazis - Gustave Thibon : paroles écrites - Les Daudet - Revue de presse : Le roi d'Afghanistan - De Gaulle et le comte de Paris - La NAR inventorie ses archives : la presse royali�te de 1 971 à 1 988 - Une nouvelle de Marc Desaubliaux : « Le Messager » ( 1 ére partie) . Prix franco 3,80 € • Numéro 39 - Décembre 1 988 (revue 32 p.) : Révolutionner ta Commémoration - Revue de presse : le procés du comte de Clermont contre le duc de Cadix - Pitié pour Scorsese - Polémique sur Gustave Thibon - Histoire du royalisme : te congrès de 1 94 7 -Document : le bulletin des Comités monarchistes de juin à août 1 947 - Suite et fin de ta nouvelle « Le Messager » . Prix franco 3,80 € • Numéro 40 - 1 er trimestre 1 990 (revue 36 p. ) : Renaissance du Lys Rouge ! - Enquête : Le « New Age » - Entretien avec Gervais Briot . - A l'Est le retour des rois - Petite histoire de la dynastie roumaine - Revue de presse sur Michel de Roumanie - Institutions : Burke et les monarchiens. Prix franco 3,80 € • Numéro 4 1 - 2e trimestre 1 990 (revue 36 p. ) : Dormez-vous ? - Enquête : L'Albanie sera-t-elle un royaume ? - H istoire et espoirs du « Pays des Aigles )) - Entretien avec Skender Zogu : la résistance albanaise - Albanie : documents et revue de presse - Rois et médias - Les Politiques : leur combat face à quatre siècles d'histoire ( 1 ere partie). Prix franco 3,80 € e Numéro 42 - 1 er trimestre 1 99 1 (revue 36 p.) : Le temps qui passe - Heurs et malheurs des travaux sur le royalisme français post-1 945 - La Syldavie, royaume méconnu . - Dossier Monarch ies orientales : Hommage à S. M. Sri Savang Vatthana, roi du Lane Xang -Thallande, un roi demi-dieu - L'empereur du Japon - Document : Souvenirs d'un collaborateur du comte de Paris - Les politiques : leur combat face à quatre siécles d'h istoire (2• partie) . Prix franco 3,80 € • Numéro 43 - 2• trimestre 1 991 (revue 32 p.) : Des rois à l 'Est ? - Entretien avec Alexandre de Yougoslavie - La princesse Marie­Louise à Sofia (revue de presse) - Russie : le culte du Tsar (revue de presse) - Les politiques : leur combat face à quatre siècles d'histoire (3• et dernière partie) . Prix franco 3,80 € • Numéro 44 - 3" trimestre 1 991 (revue 36 p. ) : Libre opinion d'un royalécolo : La ronde de la Terre - Dossier : Yougoslavie et le retour d'Alexandre - Le retour triomphal - A travers la presse de Belgrade - Entretien avec le Prince héritier - Petite histoire. de la Yougoslavie - Plaidoyer pour la Yougoslavie unie (Duc de Saint Bar) - Fac-similé : «Jours Nouveaux )) bulletin du Centre d'Etudes socialiste-monarch iste - La presse monarchiste européenne - Débat : à propos de la catholicité. Prix franco 3,80 € • Numéro 45 - 2• trimestre 1 992 (revue 32 p . ) : Éditorial : La bêtise - Italie : L'union des monarchistes ? - La presse royaliste italienrie - Portugal : L'avenir du P .P .M . - Nouvelle : Tintin royaliste - Débat : De la souveraineté partagée - Société et cinéma contemporain -Revue de presse - Courrier des lecteurs. Prix franco 3,80 € • Numéro 46 - 3• trimestre 1 992 (revue 32 p.) : Éditorial : Lys Rouge ? - Dossier Belgique : Statut et attributions du Roi des Belges -Les méandres de ta succession - Discours du Roi sur la Belgique et l'Europe - Revue de presse sur les monarchies étrangères (Roumanie, Yougoslavie) - Révolution et religion : une civil isation ne s'autodétruit pas - Uchronie : Varennes, le roi est libre ! - Anarchisme : Vive le son d'l'explosion 1 - Symbolique de la création de l'Ordre du Saint-Esprit. Prix franco 3,80 € • Numéro 47 - 3e trimestre 1 993 (revue 32 p. ) : Éditorial : Peut-on frayer avec Marianne ? - Vive Henri IV ! - Dossier Institutions : Le problème constitutionnel en France par Olivier Duhamel - Débat avec Olivier Duhamel - Japon : un mariage princier - Débat : de la souvernineté partagée - De la découverte de l'Amérique à la naissance du droit international - Un roi à Washington - Travaux universitaires sur le royalisme.

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• Numéro 48 - 3• trimestre 1 994 (revue 32 p.) : Éditorial : Critiques et auto-critique - Sur les tablettes du l ibraire - .Dépêches - Dossier : Débat pour une stratégie royaliste - CAPétiens OO OO ne répond plus ? - Pour un mouvement à deux niveaux . . . - Quelle monarchie ? -L'impasse - La véritable impasse - Auctoritas et Potestas - Faut-il dépolitiser la fonction royale ? - Royaliste donc res-publicain - De Gaulle et la tradition capétienne - Le tumultueux roi Carol li - Roumanie : anniversaire. Prix franco : 5,40 € • Numéro 49 - 3e trimestre 2001 (revue 32 p . ) : Éditorial : Lilium et tricitum repens - Témoigr.age sur François d'Orléans - Lecture : Des royalistes dans la Résistance - Les trois lys (étude sur les Lys rouge) : le Lys rouge de Jean-Marc Bourquin, le Lys rouge de Christian Masson, " Les" Lys rouge de la· NouveUe Action Royaliste - Hommage au défunt comte de Paris - Revue de presse : Maroc et Jordanie, la transmission - Les monarchistes i taliens - La Corse : débat avec un militant autonomiste. Prix franco : 5,40 €

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page 28 LYS ROUGE 50 - 3e tri mestre 2002

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