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Aux origines du Parc national des C´ evenn es. Des pr´ ecurse urs ` a la r´ eali sati on (l e 2 sept embre 1970) Karine-Larissa Basset To cite this version: Karine- Larissa Basset. Aux origines du Parc national des C´ evenn es. Des pr´ ecurseurs ` a la ealisation (le 2 septembre 1970). Parc national des even nes, pp.247, 2010, 2-913757-18-9. <halshs-00519627> HAL Id: halshs-00519627 https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-0051962 7 Submitted on 15 Jul 2013 HAL  is a multi-disciplinary ope n ac cess archive for the deposit and dissemination of sci- entic research documents, whether they are pub- lished or not. The doc umen ts may come from tea ching and resear ch institutio ns in F ran ce or abroad, or from public or private research centers. L’archive ouverte pluridisciplinaire  HAL, est de st in´ ee au ep ˆ ot et ` a la diusion de documents scientiques de niveau recherc he, publi´ es ou non, ´ emanant des ´ etablis sements d’ensei gnement et de recherc he fran¸ cais ou ´ etrangers, des laboratoires public s ou priv´ es.

Aux origines du parc National des Cévennes

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Aux origines du Parc national des Cevennes. Desprecurseurs a la realisation (le 2 septembre 1970)

Karine-Larissa Basset

To cite this version:

Karine-Larissa Basset. Aux origines du Parc national des Cevennes. Des precurseurs a larealisation (le 2 septembre 1970). Parc national des Cevennes, pp.247, 2010, 2-913757-18-9.<halshs-00519627>

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Aux originesdu Parc nat iona l des Cévennes

Des précurseursà la créat ion

(Le 2 septem bre 1970)

Karine-Larissa BASSET

Par c n a t i o n a l d es Céve n n es – Asso c i a t i o n C la i r d e t e r r e - GA RAE

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Remerciements

Ce livre est l’ about issement d' un t ravail de recherche qui a bénéficié de nom breuses collabo-rations.

Mes premiers remerciements vont à toutes les personnes qui ont bien voulu me recevoir etme confier leur témoignage 1. Je remercie tou t p articulièrem ent Sylvie Richard po ur la conf iance,l’aide et l 'am itié dont elle m’a t émoigné tout au long de m a recherche, en m’o uvrant notam mentune part ie des archives fam iliales et en m 'in trod uisant aup rès de plusieurs personn es prochesde Font Vive. Je dois beaucoup également à Daniel Travier, qui a fait preuve d' une g rande d is-poni bilit é à tout es les étapes de ce travail, et que j'ai sollicité autant à tit re de tém oin qu e de« ressource » de prem ier plan sur l 'hi stoire des Cévennes et d u Parc. M erci encore à Pierre deM ont aignac, qui, malgré son goût pour la d iscrétion, s'est prêté de bonn e grâce et à deuxreprises au jeu de l’ entreti en et au pasteur Paul Bastian p our son accueil chaleureux à Lutry.

Je remercie les m emb res du com ité de pi lot age qui o nt bien vo ulu suivre les avancées de cetravail, notam ment Jean-Noël Pelen qui eut l ' initiat ive de ce program m e de recherche, ChristianJacquel in q ui lu i a app ort é un sout ien con stant , ain si que Dani el Travier, Jean-Paul Chassagn y,[feu] François Girard, Ad el Selmi . Le t exte a bénéficié des relectu res attent ives de Jean-No ëlPelen, Daniel Travier, Raphaël Larrère et Isabelle Mauz : leurs remarques toujours pertinenteset leurs apports m 'ont été extrêmement précieux.

J'ai trouvé au Parc national des Cévennes le « climat » le plus favorable pour mener à biencett e étud e. Qu' i l m e soit p ermis t out d’abo rd d e remercier les directeurs successifs, LouisOlivier et Jacques M erl in, ainsi que l e conseil scientif ique du Parc, pour l ' in térêt q u' i ls ont

accordé à ce travail depu is ses débuts en 20 05. J'ai reçu le meilleur accueil et u ne aide p récieusedans mes recherches docum entaires au centre de docum entat ion et à l’ antenn e du Pnc à Gé-nol hac: merci à Pauli ne Roux, à M art ine Fabrèges et à Grégory Ang lio. Enf in, Capucine Crosnierpuis Richard Scherrer, du service cultu re, ont suivi to ut es les phases de l'élabo ratio n d e cet ou-vrage.

La réalisation mat érielle de l'ouvrage a bénéficié d'une m ême im plication et at tention collective.Je remercie en part iculier Daniel Travier et Richard Scherrer qui n’ ont pas ménag é leur tem pspour la recherche iconog raphiq ue, tan t d ans les m éandres des archives du Parc qu' auprès despersonnes privées. Les phot ograph ies qui il lustrent le livre (hors docum ents d' archives) ont été

confi ées par : le M usée des vallées cévenol es, le Pnc, les fam illes Richard, Pellet , Sabo uli nBollena et Font ayne, Paul Bastian , Emm anuelle Gau tran d, Olivier Poujo l, Francis M ath ieu, Pierrede M ont aignac, René Roux, le Centre de do cument atio n des Vans, l 'associatio n Lien des cher-cheurs cévenols. La maquet te et l ' im pression d u livre sont due à Guy Grégoire, qui a su tirerle meilleur p arti d e mes exigences et d ’un m atériau d ifficile. Les corrections et le « n etto yage »du t exte ont été effectués par Catherine Schapira.

M es remerciement s vont enfin à l ' associatio n Clair de de terre et à l’ethno pôle GARAE qui on tbien vou lu prendre en charge la gestion f inancière de cette étu de, ainsi qu' à la DRAC Langu e-doc-Roussillon p our son im port ant concou rs.

L’accom plissement d’un tel t ravail doit toujou rs beaucoup à ceux qui ent ourent leur aut eur.Merci à Nicole, Baptiste, Émilie, Mathilde et Adèle pour les moments chaleureux passés lorsde m es séjours lozériens. Et u n t endre m erci à Léna, qui sait si bien « f aire survivre » sa m am andurant ses longues périodes de labeur !

1 - La liste des personnes rencontrées fi gure à la f in de l 'ouvrage dans la rubrique « les sources ».

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S o m m a i r e

Avant-proposJacques M erlin, Directeur du Parc national des Cévennes

Didier Descham p, Directeur région al des Affaires culturelles Languedo c-Roussillon

Préfacepar Isabelle M auz, sociologue, Cemagref

Introduction

Liste d es sigl es

P r e m i è r e p a r t i eLes prémices

découverte, invention et façonnement de s Cévennes avant 19 50

C h a p i t r e u nProtection des paysages et promotion de l’économie touristique en Cévennes

La découverte d es Cévennes : naissance d'un e sensibilit é paysagèreLa concept ion f rançaise des parcs nat iona ux vers 1900 et la p rot ection d es sites

« pi tt oresques » des Cévennes

C h a p i t r e d e u xL’épopée forestière en Cévennes

La restaurat ion des terrains en mont agne (1830-193 0) :une œuvre « écologique » et patriot ique

Une allia nce exempl aire : Georges Fabre, Charles Flahau lt et la renaissance de l’Aigo ual

Entre aménagem ent et natu ral i té, un parc nat ional p our le mo nt Lozère

C h a p i t r e t r o i sÉdification d’un parc litté raire : « La Cévenne des Cévenne s »

[texte écrit en collaboration avec J.N. Pelen]

D e u x i è m e p a r t i eNa issance d'un désir de Parc en Cévenne s (19 55 -19 60 )

Les Cévenn es en cri se

C h a p i t r e u n

La ma turat ion d’un projet en Lozère (19 55 -195 7)Le parc forestier d e Charles Bieau

Les relais lozériensLes sociétés d’aménagement et d’économie locales

Le relais admin istratif et polit iqu e : vœu d u conseil général de la Lozère,24 novembre 1956

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Les Hauts Pays Cévenols.Présentat ion du terri toire et « manifeste » du Parc

La journée du 3 février 196 1 à ParisUn événement « catastroph e »: le décret d'ap pl icat ion

de la loi sur les Parcs nat iona ux (31 o ctobre 1 961 )

Naissance de l'association Font ViveDeux associatio ns et deu x revues pour la réalisation du Parc des Cévennes

C h a p i t r e t r o i sVisions d’avenir p our le s Cévenne s

Reboisement et t ouri sme : la préférence des élites lozériennesModernisation et pluriactivité agricole : des expériences microlocales

au « Plan cévenol » d'A ndré Schenk » (1962 )

Aménagement et protect ion

L’aménag ement des Haut s Pays cévenols selon Alain Gau tran d, archit ecte urbanistePour une po l i t ique d' aménagem ent de « l ’arrière-pays » langu edocien :

une init iat ive gardoise (1964)Vers une n ouvelle u nit é cévenole : la Fédératio n d es associatio ns cévenoles

(14 août 1965)

Un parc en zone de mon tagne hab itée : un choix d’État ?Le grou pe de pro spective « 1 985 » et la reconversion des « déserts français »

Un Parc natio nal ou un Parc natu rel régiona l pou r les Cévennes ?(janvier - novembre 196 6)

Q u a t r i è m e p a r t i eLe te mps de la mission (1966 -197 0)

C h a p i t r e u nL’ém ergence d’un dé bat public autour d u Parc des Cévenne s

L’étude d’o pportu nité de la Direct ion départem entale de l ’Agriculture (novembre 1966 )Naissance d’une opposit ion (autom ne-hiver 1967-1968)

Une contre-campagn e d' inform ation d' ini t iat ive cévenole: l ’engagement de Lou Païs 

Les mo tifs de l ’ inquiétud eC h a p i t r e d e u x

M issionnaires et chantiers (19 67 -196 9)Informer et convaincre

Un tan dem eff icace : Georges M azenot et Pierre de M ontaig nacVisites aux élus et réunio ns publiques d’ inform ation

Le contenu d e l ’ informat ionÉtudier et dialoguer : les formes de la concertation

La part ic ipat ion organisée par l ’adm inistrat ionDes comités de travail thématiques

La recherche de médiateurs pour le « déblocage des philosophies»Construire le territ oire Parc

L’équipe de la mission d ’étude

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Borner et dél imiter

Études, inventaires et p rojets d’aménagem ent et d’anim ationEn m arge de la mission d ’étude, les mil i tant s de l ’act ion culturel le

C h a p i t r e t r o i sL’élaborat ion d’une do ctrine du Parc national d es Cévenne s

L’esprit du PNC

L’avant-projet de réglement at ion du Parc nat ional des CévennesLes activités ag ricoles, pastorales et forestières

La constructi on

La chasse et la pêcheLes activit és industrielles et comm erciales

La gestion de l’Établissement public

Une att ent ion part icul ière à la spécif ici té du contexte cévenol

C h a p i t r e q u a t r eLa concrétisat ion du projet (été 19 68 -été 1 970 )

En Lozère, l ’appropriation locale du projet de parcLa visite du Parc nat iona l de la Vanoi se (23-26 aoû t 19 68)

Un comit é d’act ion p our la créat ion du Parc nat ional des Cévennes (14 septem bre 1968)La frond e du Gard

L’enquête prél imin aire (octobre 19 68-m ars 1969)

L’avis positif des assem blées départem ental esL’avis officieux des organ ismes intéressés par le proj et

L’avis contra stés des mun icipalitésDerrière les adhésions et les résistances au parc : la di versité d es identit és spat iales

Terre cévenole et les pôl es de résistan ce de la Can d e l’Hospitalet et de l’ Aig oual

Le Causse et le nord du m ont Lozère où l’o n ne se « sent » pas cévenolsLa nostalgie de la Cévenne

Les Cévennes ouvrières : oubliées du Parc des Cévennes

De l ’enquête publ ique à la prom ulgat ion du décret const i tut i f d u PNC :la longue attent e (juin 1969 - septembre 1970 )

L’enquête publiqu e (21 juin-11 jui l let 1969)

Le débat se pou rsuit sur le plan localLe Parc nati onal des Cévennes et « l’aff aire de la Vanoise » :

où la nature réapparaît comm e problème

Le décret constit ut if du Parc natio nal d es Cévennes

ÉpilogueRepères chronologique s

Les SourcesBibliographie

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A v a n t - p r o p o s

Avec la loi du 22 juillet 1960 sur les parcs nationaux, la France ouvrait la voie à la prot ectiond’espaces naturels de grande q ualité, et perm ettait ainsi de concrétiser des projets engestation depuis plusieurs années, voire depuis des décennies pour certains. Après laVanoise et Port -Cros en 1963 , les Pyrénées en 1 967 , ce fut le to ur d es Cévennes le 2 sep-

tembre 1970.Le projet cévenol, considéré com m e « révolut ionnaire » à l ’époque, était en d ébat depuisles années 1950 , et doit b eaucoup à l’engagem ent de fort es personnalit és com m e CharlesBieau, Jean Pellet ou Pierre Richard, pour n’en citer qu e quelqu es-uns parm i ceux qu is’étaient f ortem ent engagés pour un « parc national cultu rel des Cévennes ».

Le travail d’ histo ire réalisé par Karine Basset sur les orig ines de la création d u Parc nat ion aldes Cévennes, fruit d’un travail de recherche remarqu able, nous permet de m ieux com -prendre cette époque de bouil lonn ement in tel lectuel.

Entre les aspirations des acteurs cévenols relayées par l’administration, les inquiétudesdu m onde paysan à une période de grandes mu tat ions techniques et économ iques, et unmo uvement nat ional et local de prot ect ion de la natu re et des paysages cul turels, lesdébats furent riches et p arfois mou vement és.

En cette année 2010, soit qu arante ans après la création du parc nation al, la lecture decet ouvrage devrait no us donner l’occasion d’ un t emp s de réflexion sur le chemin p arcouruet sur nos fondam entaux, alors que s’ouvre devant nou s une large concertation avec le

territoire dans le cadre de la charte. Jacques Merlin

Directeur du Parc nati onal des Cévennes

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Il est rare qu e les chercheurs s' int éressent au pr ocessus d' instit ut ion d e la cultu re. Cetterecherche exemplai re com ble ce vide en proposant l ' ethn o-histo ire des origin es d' une ins-ti t utio n vouée par définit ion à la p réservation de la nat ure, mais ancrée dans un t erritoirehautem ent cultu rel. I l a fal lu près d'un demi-siècle pour avoir le tem ps de recul nécessairepour prod uire un regard distancié et légitime sur cet objet pat rim onial d' un genre nouveau,la genèse d'un parc natio nal habit é. Interroger les acteurs, confron ter les mém oires auxdocum ents de t out e nat ure : archives, textes adm inistratif s, correspondances, fonds priv és,articles de presse, tel a été le travail à la fois historique et ethnographique de Karine

Basset, accompagnée dans sa démarche de recherche par un comité de pilotage éruditet to ujours à l 'écoute.

Dès le départ, la Drac Languedo c-Roussillon, part enaire de lo ngu e dat e du Parc, s'est as-sociée à ce projet dans le cadre d'une Convention de développement culturel signée en2007, portant essentiel lement sur une polit ique patrimoniale du territoire et proposantégalement d' autres axes d'int ervention qu e ce soit dans le dom aine de l 'archéologie, dupatrim oine écrit, ou des musées… L'o uvrage qui sort aujourd' hui est un des résultat s tan-gibles de ce partenariat cult urel ; il est aussi une clef pour la com préhension de ce territoire

identit aire que sont les CévennesDidier Deschamp

Drac Languedo c-Roussillon

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P r é f a c e

C e livre est un voyag e aux sou rces du p arc nat ional des Cévennes. Les Cévennes nesont pas un p arc national com m e les autres, a-t-on coutum e de dire. De par sa sin-gularit é mêm e, son histoire permet de m ieux cerner comm ent s’est pro gressivem ent

forgée, en France, la conception des parcs nationaux, à partir d’origines multiples.

Karine-Larissa Basset nous montre donc comment le parc a vu le jour. C’est une longue

histoire, com m encée dans les années 1950 et qui n’abou tit à la création of f iciel le du p arcqu’en septemb re 1970, après bien des péripéties et des atermoiem ents. C’est aussi unehistoire particulièrem ent com plexe. L’aut eure l ’a débrouil lée soigneusement, met tant au

 jo ur les nom breu x f il s qu i se sont noués, et par fo is dén oués. Lo in d ’êt re li néa ire, la t ram equi se dessine présent e des bifurcat ions, des coups d’arrêt et d es reto urs en arrière.

Cett e tram e est p leine d’acteurs. Ce n’est pas là une histoire qu i en reste aux grand esfigures tut élaires, systémat iquem ent évoquées, à juste t itre d’ailleurs, m ais dont l’ im portancetend à occult er celle, plus discrète m ais réelle, des artisans de second pl an. Le travail deKarine Basset rend à ces hom m es leur pl ace. La capacit é des principales figures, d’un PierreRichard o u d’ un Charles Bieau, pou r ne citer qu ’eux, à tisser des réseaux, à être des « en-trepreneurs de collectifs », n’en est d’ailleurs que plus visible.

I l faut souligner le long et diff ici le travail d’enquêt e sur lequel repose un tel ou vrage. Lesarchiv es, dispersées aux quat re coins des Cévennes mai s aussi à Paris, on t été pat iem m entdépou illées. Les tém oins, eux au ssi d ispersés, ont été rencon trés et leurs prop os tran scrits.L’in térêt de recourir à la fo is à des sources écrites et à d es sources orales est clairem entpercept ib le. Car s’ i l y a bien des convergences entre les archives et les témo ignagesrecueillis, il y a aussi des dissonances. Le recours aux archives perm et en out re, parfo is,

de pall ier les oubl is, délibérés ou inv olon taires, des personnes enquêt ées.

Karine Basset a écrit ce livre dans un entre-deux temporel. La plupart des personnagesclefs des années 1950 ont déjà disparu mais nom bre d’acteurs et de tém oins directs dela décennie suivante sont là. C’est une chance car i ls ont beaucoup à nous app rendre.Chacun d ’eux port e une chose comp lexe, fragile et éphém ère, qu’i l est le seul à cult iver :une mém oire. M ais ce peut être sim ultaném ent une contraint e, tou t ne pouvant être écrit,aujourd' hui, de ce qu’i ls disent. I l n’est pas de prod uction d’histoire qui ne soit nécessai-rement datée, vouée à évoluer avec l’apparit ion et la disparitio n des matériaux d isponibles

et explo ita bles. Av ec, aussi, le déplacem ent d e nos cent res d’in térêt et des questio ns quinous travaillent. Un peu curieusement peut-être, le passé, ou plutôt la connaissance quenou s en avon s, est destiné à changer.

C’est également la rig ueur et l ’h onnêtet é du t ravail qu’ i l faut saluer. L’enquête n’ a pasto ut éclairci et Karine Basset ne tent e pas de le cam ouf ler. Au con trair e, elle signale quecertaines archives n’ont pas été retrouvées, que certains aspects pourraient être appro fond is.

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Elle poin te les incertitu des, les zones d’om bre et les interrog ati ons qui subsistent. Il s’agi tbien d’une démarche de recherche, qui interroge les récits établis et ne prend rien pouracquis, s’efforçant d’ap prof ond ir, de préciser, de nuan cer les port rait s des hom m es et desmouvement s, qui avaient pu êt re simplif iés, voire caricatu rés au fil des années. Ils retrouventici la richesse, les hésitat ions, les mou vem ents de l’existen ce. C’est po urqu oi l’ histoi re quenou s lisons diffère de celles jusqu’ ici retenues : plus to uff ue, plu s incarnée, plus sensible,el le rend com pte de la plu rali té et de la com plexité des homm es et des courant s, com m ede leur évolution. Elle nous aide à saisir combien le sens et les connotations mêmes desm ots ont changé, depuis les années 1950, à mieux com prendre, notam m ent, ce que l ’onentendait, alors, par parc national « culturel ».

Aut re grande qualité de ce travail : l ’histoire du parc n’est pas isolée de l ’histoire plusvaste des parcs nat ionau x et de la prot ection de la nat ure au cours de la période considérée.Elle n’est pas traitée com m e une entit é autono m e, m ais comm e un élément d ’un ensemble

qui l ’ in fluence et auquel el le contribue. La réflexion se nourrit de la lecture d’ ouvragesfrançais et anglo-saxons, cont ribuant à lui donner u ne dim ension supplém entaire. KarineBasset p arvient ainsi à restit uer une histo ire singu lière sans perdre de vue le tableau d ’en-semble et leurs interrelations.

Pour toutes ces raisons, son livre constitue une pièce majeure de la connaissance et del’analyse de la création des parcs nationaux en France et plus largement de l’histoire dela protectio n de la nature dans la seconde moit ié du vingt ième siècle. Des point s comm unset des particularit és sont dégagés entre les origines du parc natio nal des Cévennes etcelles d’aut res parcs nat ionau x. Parm i les point s comm uns, on retrouv e dans les Cévennes,comm e par exemp le en Vanoise, une diversité de courant s, qui ne sont pas exactem entles mêmes. Cette diversité constitue simultan ément une f orce, des réseaux distinct s appelantà la créati on d’ un par c natio nal, et une faiblesse, les diff érents courant s se révélant dif fi-cilement conciliables, à des degrés d’ailleurs variables selon les moments. On retrouveaussi la mult iplicit é des personnes impliq uées, – f orestiers, scient ifiq ues, écrivains, hom m espolitiques, hauts fonctionnaires, etc. – et la présence de collectifs inégalement étendus,solides et dura bles, anim és par des leaders charism ati ques. L’imp ort ance du fait relig ieuxfait bien sûr part ie des singularit és, qui a part icipé de la diff iculté de personnes, par ailleursd’accord pour réclamer la création d’ un p arc national, à s’entendre et à coopérer. M ais

les singularit és tienn ent aussi aux Cévennes elles-m êmes. Leur étendu e com pt e : éloignésdans leurs conceptions et dans leurs projets, les promoteurs du parc le sont aussi dansl’espace. Les paysages sont p ar aill eurs très variés et do tés d’i dent it és fort es. Les Cévennesne sont p as loin, alors, d’ap paraître com m e une série de personnages à part ent ière, dotésde leurs haut s-l ieux respectifs, dont l ’A igou al ou le bois de Païolive, auxquels certainsacteurs et certains événements sont particulièrement att achés.

Au final, l ’ouv rage éclaire plusieurs question s qui ne recevront p as de réponse sim ple,com m e le rôle des forestiers et des nat uralistes dans la protect ion d e la natur e en France,

le rapport à la m odernité chez les concepteurs des premiers parcs nation aux, ou encorela place de la spirit ualit é dans leur dém arche. Avec le livre de Karine Basset, nous som m esm ieux équipés pour fo rmu ler et penser de tel les questions. Il off re aussi une aide p our lacompréhension des rapport s que dif férentes catégories de personnes entretiennent, au-

 jo urd 'hui m êm e, avec le p ar c. Ainsi, sans p ré ten dre que le p assé dét erm inerai t le p résen t ,on p eut p enser, par exemple, que les présentat ions qui ont été fait es du parc avant sacréation, les engagements pris par certains de ses promoteurs et leurs réactions lors de

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l ’espace du Parc, en p articu lier aux usages relatifs à l a chasse (Vourc’h et Pelosse, 1988 )et à l’agriculture. D'autres travaux encore, de sociologie ou d'histoire, sans lui consacrerune étu de spécifiq ue, ont situé le Parc nati onal d es Cévennes dans un e perspectiv e pluslarge : celle de l 'h istoire de la gestion des espaces m ont agnards ou de l 'évolut ion de lasociété rurale dans la région d u M assif central, en don nant parfois une interprétatio n dusens de sa création (Cornu, 200 3). Enfin , récemm ent, un t ravail de m aster d’histo ire aporté sur la « genèse » du PNC, en prenant pour d ate de départ 1913 (Toussaint, 2004).

M ais tou tes ces études présentent , du po int de vue de la période où le parc a été « im aginé »avant d 'êt re créé, les aspects com m uns à l ’h istor iographie d es parcs nat ionau x. Si laconstruction institut ionnelle est relativem ent bien abo rdée, la connaissance précise ducontexte et surtout l 'analyse du rôle des acteurs locaux, fondées essentiellement sur dessources de second e ma in ou sur des observatio ns parcellaires, restent souvent insatisfai-santes. Elles ne parviennent pas à rendre com pte de la com plexité des enjeux et de la

densité de l ' aventure hu m aine qui p résidèrent à l ' invention du Parc des Cévennes.

Un peu parad oxalem ent, c’est grâce au récit produit par les acteurs mêm e de cett e histo ireque l ’o n p eut approcher le m ieux la réalit é locale. Le Parc natio nal d es Cévennes a eneffet, dès l ’ém ergence des projets locaux qui le préfigurent , élaboré sa propre histoire,son pro pre récit d es origines. Ce récit est po lypho niqu e, œuvre d es acteurs associati fs, desfonctionnaires territoriaux (préfets, sous-préfets), puis des administrateurs et agents del’in stit ut ion . Ain si, ces dernières années, l’h istoire du PNC a-t-elle été prise part iculièrem enten charge par Olivier Poujo l, memb re d’une fam ille anciennem ent engagée pour sa création .Il convenait tou tefois d’appréhender cette productio n sans perdre de vue son dou ble stat utde ressource pour la con naissance et l ' analyse des fait s, et de po int de vue situé, « part ieprenante » dans ce « récit des origines », malgré ses qualités objectives incontestables.Entre un regard trop éloign é et un regard d e « l ' intérieur », i l y avait encore place pourun autre angle d’approche, qui pouvait naître de l 'examen approfondi des nombreusesarchives constit uées par les dif férent s acteu rs. J' ai ainsi dépo uillé de m anière assez exhaus-tiv e, aux Archiv es départem enta les de la Lozère, les archives de Charles Bieau et de l' As-sociation pour un Parc national culturel des Cévennes (dites « fonds Bieau »), ainsi quecelles de la m ission d' étud e, déposées par le PNC au début des années 2000. J'ai égalementexploité les nom breux do cument s d'époq ue et archives associatives et privées rassem blées

au centre de documentation du Parc des Cévennes à Génolhac. Un ensemble d'archivesrelatives au PNC, constituées par le service du commandant Beaugé à la DATAR, a étéconsulté au Cent re des archives contem porain es (Archives nat io nales). Enf in , j 'a i puexam iner certains docum ents et papiers chez les personnes qui m' ont reçue, en particul ierla famil le de Pierre Richard et le pasteur Paul Bastian 4. La collecte d es tém oign ages,réalisée en 2005, puis entre 2008 et 2010, est venue complét er, dire parfois ce que les ar-chives ne sauraient révéler, des int enti ons et d es « ressentis » de ceux, en part iculier, pourlesquels l 'avent ure de la création du parc fut souvent u n engagement profon d 5.

Toutes les archives n'ont toutefois pas été trouvées et dépouil lées ni tous les témoinsvisités. Sur le plan g éograph ique, le départem ent de la Lozère est beaucoup p lus « couvert »que les départements du Gard et de l 'Ardèche. I l ne m'a ainsi pas été possible d'avoir

4 - Je présente ces différent s fonds à la fin de l'ouvrage. Dans le texte, les références des archives util isées sont indiquées en notesentre crochets. Elles indi quent la l ocalisati on de l’archive et sa cote. Ex. [AD, fonds Bieau, 21J6 ].

5 - J’ai également utilisé les transcriptions d’entretiens réalisés au début des années 1980 par Pierre Gaudin et Claire Reverchon àla demande d’ Émil e Leynaud, qui f ut direct eur du PNC de 1974 à 1979.

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accès à d' éventu elles archives concernan t le PNC aux archiv es départ em ental es du Gard(en cours de « reclassem ent » ). M ais cett e « surreprésent atio n » d e la Lozère correspon daussi à la réalité d'un engagement po lit ique et adm inistratif qui y fut in déniablement plusimp ortant . Beaucoup reste à faire aussi du côté d' associations com m e Font Vive, dont lesarchives resten t d ispersées, ou encore sur le plan des parcours indiv iduels, extrêm em entriches, divers et no m breux dan s l'histoire de « l'in ventio n » du Parc nation al des Cévennes.En s'at tachant à la genèse du parc dans sa com plexité et sa profo ndeur t empo relle, celivre voudrait t enter de répondre à une question centrale, qui en constitue la « colonnevertébrale » : com m ent au t ravers de la diversité des désirs, la vision nat ionale d' un parcen Cévennes s'est-elle finalem ent élabo rée, en lien av ec la situ ation économ ique et socialede l ' espace cévenol d 'u ne part , avec les représentatio ns et id entit és cultu rel les histori-quement construi tes autour de cet espace d'autre part ?

Cett e élaboration m e semble pou voir être décrite en distinguant quat re périodes, qui ne

sont pas égales en d urée et peuven t m ême, sur cert ains aspects, se chevaucher. Ellesconstit ueront les quatre parties du l ivre.

La prem ière est celle des « prémi ces », que l'o n peut déceler d'un e part dan s l' émerg ence,vers la f in d u 19 e siècle, d' un d ésir de pro tectio n et d e valorisation des sites et du p aysage,d'autre part dans la construction plus ancienne d'un récit de l ' identité cévenole à fortedimension paysagère.

La décennie 1950-1960 constitue les débuts de la période fondatrice proprement dite,celle de l'émergence des idées et des revendications locales de création d'un parc.

1960, année de l ' élaboration de la législation f rançaise sur les parcs nationaux, marqu eune rupt ure, en inaugu rant l 'ent rée de l 'État sur la scène locale et régionale. On verra enparticulier quelles conséquences a eues la définit ion désormais off icielle des parcs nationauxsur le mouvem ent régional de promo tion d' un parc, et comm ent l 'ensemble des acteurséconom iques, polit iques et cult urels s’est posit ionné, incluant le parc dans une plu rali téde vision s possibles de l' avenir d es Cévennes.

Enfin le temp s de la mission d' étude et d e sa préparation, de 1967 à 1970 , est une étape

(la dernière) où tou t se densifie et s'accélère. C’est tou t le t ravail de terrain eff ectué durantces années de la m ission qu’ il s’agit alors d’o bserver, les stratég ies déployées par les re-présentants de l’État, ainsi que les débats qui, alors, peuvent véritablement fleurir. Carc'est le v isage de la fu ture instit utio n Parc qui se mod èle, dans le travail d’ajustement ré-ciproque des conceptions et des attentes des fonctionnaires et des acteurs locaux.

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Liste des Sigles

AD : Archives départementalesAN : Archives nationalesAPN CC : Association pour un Parc national culturel des CévennesAPPCA : Assemblée perm anente d es présidents de cham bres d’agriculture

CAC : Centre des archives contemporainesCAF : Club alpin françaisCEE : Comité d’expansion économiqueCETA : Centre d’études techniques agricolesCFD : Chem in de fer département alCFTC : Confédération française des travailleurs chrétiensCNPI : Centre n ational des indépendant s et paysansCNPN : Conseil national de la prot ection de la natureDATAR : Délégation à l ’am énagement du t erritoire et à l ’action régionaleDDA : Direction départementale de l ’Agriculture

FAC : Fédératio n d es association s cévenol esFFN : Fonds forestier nationalFNSEA : Fédération nation ale des syndicats d’exploit ants agricolesIPAS : Indépendants et paysans d’action socialeJAC : Jeunesse agricole cath oliq ueJOC : Jeunesse ou vrière chrét ienneM RP : M ouvement républ icain populaireON F : Office national des forêtsPNC : Parc nat ion al d es Cévennes

RPF : Rassem blement du peuple françaisRTM : Restaurat ion des terrains en m ont agneSAFER : Société d’am énagement foncier et d’établissement ruralSICA : Société d’ in térêt collectif agricoleTCF : Touring Club de FranceUICN : Union int ernationale pour la conservation de la natureUNR : Union po ur la nouvelle République

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P r e m i è r e p a r t i e

Les prémices :

découverte, invent ionet façonnem entdes Cévennes avant 1950

L

es travaux relatifs à l’histoi re de la prot ectio n de la natu re en France avant la SecondeGuerre m ondiale identif ient l ’ém ergence, à partir du 19 e siècle, d’u n t riple discours,forestier, naturaliste et touristique, conduisant à l’ élaboratio n prog ressive d’un appareil

législati f approprié : loi du 21 avri l 1906 « o rganisant la protection des sites et m onum entsnaturels à caractère art ist iques », lo i du 2 mai 1930 de « protect ion des monumentsnat urels et des sites de caractères arti stiqu e, légenda ire ou scientif iqu e ». Cett e dernièreconstit uerait la base juridiq ue sur laquelle on t ét é élaborées les lois de 1960 sur les Parcsnatio naux, de 1967 sur les Parcs régionaux et de 19 76 sur la pro tection de la nat ure (Selmi,2009).

On retrouv e bien ces trois catégories d’acteurs à l ’origine des idées de protection o u d evalorisation d’espaces naturels en Cévennes, formulées à partir des années 1890. Il est

ainsi un passage ob ligé des écrits relatifs à l’h istoire du Parc nati onal des Cévennes (PNC),selon lequel celui-ci serait l ’abou tissement quasi « n aturel » d’un e succession d e projetsportés par des figures pionnières : le géologue Édouard-A lfred M artel, l ’écrivain to uriste(au sens d’alors) Robert Louis Stevenson, le naturaliste Charles Flahault, les forestiersGeorges Fabre et M ax N ègre. Ain si, selon Jean Capiaux , l’ idée d’u n Parc nat iona l des Cé-vennes aurait été form ulée « pour la première fois » en 1897 (malheureusem ent i l n’enprécise pas les circonstances) et « il s’agissait à ce mo m ent d ’étab lir un e vaste réserve à

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vocation essentiel lem ent scientif iqu e dans une région que l ’ou vrage du roman cier anglaisStevenson venait d e populariser » (Capiaux, 1979 : 62). Édouard-A lfred M artel est uneautre f ig ure d’ancêtre à laquelle l ’historiographie cévenole, com m e les gestion naires del’ institut ion PNC, demeurent très attachés 1. Enfin, c’est la continu ité entre l ’œ uvre desforestiers sur l ’ Aigo ual et le Parc natio nal d es Cévennes que l ’historien cévenol OlivierPoujol aff irm e de façon assez volont ariste dans un article publié en 1991 :

« Il n’y a certes pas de fil iation directe entre M ax Nègre et l ’actu el Parc des Cévennes. [… ] M aison peut voir aussi dans le Parc des Cévennes, l ’aboutissement de l ’act ion d’une l ignée deforestiers et de savants dans des efforts persévérants pour faire reconnaître l’ importance desrichesses natu relles de la régi on, po ur les valoriser, et aussi pour faire accepter la nécessité demi eux les protég er. » (Poujo l, 1991 : 51)

Cette contin uité, com m e tout e f i l iation revendiquée, doit être questionnée en premier l ieu

dans les faits, mais peut-être plu s encore pou r la signif ication qu’el le confère au récit d esorigi nes du Parc nat ion al des Cévennes.

1 - Voir les di verses contributions au coll oque que le Parc national des Cévennes lui a consacré en mai 1997 : Sur les t races d’Édouard- Alfred M artel. Quelle nouvelle polit ique pour les espaces protégés ? , Florac, PNC, 1998.

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C h a p i t r e u n

Pro t e ct io n d e s p a ysa g e se t p ro mo t io n d e l’é co n o mie

t o urist iq ue en Céven ne s

Le cont exte général d ’ém ergence de l’ idée de pro tecti on d es paysages en France, à part irde la f in du 19 e siècle, est aujou rd’h ui bi en connu . Je m e content e dans les l ignes quisuivent d’ en résum er les grands aspects, pou r m ’int éresser plus spécifiquem ent à la situat iondes Cévennes dans ce context e. Le lecteur est renv oyé, pour p lus de dévelo ppem ents, àla bibl iog raphie et, en particulier, aux travaux d ’Adel Selmi (2004 et 2009).

En France, la protection de la nature est f i l le de la volonté de protection de paysagesauxquels est attribu ée une valeur mon um entale, principalement la forêt et la mo ntagn e.Parallèlement , l’essor du t ourisme et de l’associationnism e de nature, qui est un m ouvem enteurop éen, prom eut d e nouv elles prat iques de loisir dans ces espaces. Le Club alpi n fran çais(le CAF), fondé en 1874 et reconnu d ’ut i l i té pub lique en 188 2, « associe à la fois des ap-proches sportives, touri stiques ou de loisir, des approches cult urelles et des actions d’ am é-nagement » (Selmi, 2004 : 12). À la différence du Club alpin, au caractère franchementélita ire, le Tour ing Club de France (TCF), fondé en 18 90, veut agir en faveur de la prom ot iondu t ourisme vers un public popu laire et sur to ut le t erritoire nation al. Ces deux associations(qui se compo rtent souvent comm e des groupes de pression) jouent donc un rôle fo nda-m ental en l iant aux dem andes de protection de paysages des actions d’équipem ent. AdelSelmi a bien explicit é le systèm e de valeurs porté par les sociétés d’alpinism e et de t ourisme,articulé sur le tr ip tyque  pat ri ot ism e (les sites naturels com m e monu m ents du patrim oine

natio nal, à l’ in star des édifices historiq ues), esthét isme (sélection, invent aire et classem entdes sites en fonction d u « pit toresque » et du « beau » ) et économ ie (le site natu rel com m ecapital, susceptible d’ exploitat ion et source de profit ). L’articulation de ces valeurs fondele système de légitim atio n des associatio ns, don t l’ in tervent ion dans le domai ne de la pro-tection et de la valorisation d es paysages est reconnue d’ut i l i té nat ionale. Ainsi s’aff irm e,

 ju squ’au x années 1930, « l ’ inf lu ence acquise par le TCF e t les associat ions du touri sm een général dans tous les rouages du disposit i f institut ionnel de p rotection des paysages »(Selmi, 2004 :14). Il faut retenir enfin de cette idéologie des associations touristiques, labrutal i t é avec laquelle la protection des sites est souvent im posée aux « auto chtones ».

La dé couve rt e des Céve nnes : naissance d’une sensibilit é paysagère

En 18 79, dans un article publié p ar le Club alpin français 2, un « p rom eneur » parisien, Al-phon se Lequeutre, attire l’ att ention sur les merveilles des gorges du Tarn. Quelques années

2 - « Les Gorges du Tarn », Annuaire du CAF , 1879.

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plus tard, le Toulousain Louis de Malafosse fait de même en décrivant sa découverte deMontpel l ier- le-Vieux 3. Mais c’est au spéléologue Édouard-Alfred Martel qu’ i l revientd’av oir f avorisé la conna issance des Cévennes auprès du pu blic, à travers une série d’o u-vrages : Les Cévenn es et la régio n d es Causses (1890) ; Les Abîm es (1894) ; le fameux La France ignorée (1923), et enfin Les Causses majeu rs (1936 ). L’appel pu blic de ces person-nalités en faveur de la découverte des Cévennes comp orte chaque fois deux volets : l ’ex-ploration scientif ique du paysage et son exploitat ion économ ique.

Édouard-Alfred M artel a abondamm ent dé-veloppé cette idée, en encourageant no-t am m en t l a c réa t i on d ’ une assoc i a t i ondestinée à promouvoir un développementéconom ique des Cévennes et des Caussesfondé sur le tourisme. En 18 95 est ainsi créé

officiellement le Club Cévenol, sur le m odèleexplicite du Club alpin. L’init iative en revientau pasteur Paul Arnal (18 71-195 0). Né àFlorac, passionné d e spéléolog ie, ce derniera rencontré Édouard-Alfred M artel en 1892,au cours de l’une de ses campagnes de pros-pect ion sur les Causses. Le Club Cévenol estsubvent ionn é par la Société de spéléolog iefrançaise, en partenariat avec les conseilsgénéraux de la Lozère et du Gard. Son o bjetest essentiel lement de prom ouvoir les ex-plorat ions spéléologiqu es et les excursions,le recensement des « richesses et curiosi-tés » régionales, et surtout , com m e le pré-cisent ses statut s, d’« att irer l’att entio n desC o m p a g n i e s d e c h e m i n d e f e r e t d e s

Ag ences de voyages sur les sites merveilleu x d es Cévennes et des Causses 4 ». Le mo dèlede l’am énagem ent des Alpes suisses, pays pionnier en la m atière, est constamment in voqu é.Ainsi Henri Boland, rédacteur aux Guides Joann e et au Dictionnaire géographiqu e , mem bre

du CAF, prom et-il pou r les Cévennes un e vil légiature famil iale d’été sur ce mo dèle 5.

Le Club Cévenol est donc créé pour répon dre à un retard d e « développem ent » , dont lesCévenols eux-mêm es sont tenus pour responsables. Édouard-A lfred M artel se mo ntre surce point particulièrement virulent, lorsqu’i l int erpelle les Lozériens dès le premier num érodu bulletin d u Club Cévenol (qui s’ int i tulera ultérieurement Causses et Cévennes ) :

« I l en coûte d’ avouer que le retard, le frein, en quelque sorte, mis à l ’extension q u’aurait dûprendre, en Lozère, l ’ « indu strie tou rist iqu e » est im put able aux habitan ts eux-m êmes [… ]

igno rant s com m ent les Suisses, les Belges, les Italiens et les Norw égiens [sic] o nt su faire d e“ l ’exploitat ion des touristes” une industrie nat ionale, i ls se sont trouvés hors d’état d e les imi-ter 6. »

3 - « Les Gorges du Tarn entre les Grands Causses », Bulletin de la Société de géographie de Toulouse, 1883.4 - Bulletin du Club Cévenol, n°1, 1896.5 - « La mise en valeur des Cévennes », Bulletin du Club Cévenol, n°4, 1896.6 - Édouard-Alf red M artel, « Lettre aux Lozériens », Bulletin du Club Cévenol, n°1, 1896, p. 9-10.

    C   o    l .    D .    T .

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ciologique du Club Cévenol explique d’ ai l leurs le rôle impo rtant que joueront certains deses mem bres dans les années 1960 pour favoriser la m ise en place du parc nation al.

Cependan t, on ne peut s’en tenir aux seuls propos tenus dans la revue Causses et Cévenn es ,« vit r ine » de l ’association, pour évaluer l ’ intérêt port é par ses memb res à la dim ensionculturelle des Cévennes, et plus précisément à sa part relative à l’histoire religieuse, quin’est t out de m êm e pas la m oind re des singulari tés de ce pays. Car si les pub licatio ns duClub fon t p reuve d’u n déficit récurrent sur ces th èmes, certains de ses m emb res, et en p ar-t iculier son p résident-fon dateur, déploient par ai l leurs une grande activité pou r m ainteniret valoriser la m émoire de l ’h istoire prot estant e en Cévennes. Ainsi Paul Arnal, en t antque pasteu r, organise-t-il d e grand es assemb lées du cult e sur les lieux m êm es où se sonttenues les assemblées du Désert (Baume Dolente, L’Hospitalet… ) au t emps des persécutionsreligieuses. Par ailleurs, le Club Cévenol a pesé de toute son influence pour favoriser la

création du musée du Désert, inauguré en

1911 et qui const i tue le l ieu de mémoirepar excellence de cette h istoire cévenole.Aussi le si lence relatif de Causses et Cé- vennes sur ces thèmes peut-i l égalementêtre interprété com m e le signe d’une vo-lont é délibérée de ne pas paraître uti l iserla revue à des fins de pro sélyti sme, le pas-teur Arnal et ses amis étant par ai l leurs ex-trêmem ent at tachés au caractère laïque deleur association 10 . Il existe donc bien unesensibilité locale relative à ce que l’on ap-pel le aujourd’hui le « paysage cul turel »,qui s’exprim e d’ailleurs en Cévennes de m a-nière particulièrement fort e et précoce (Tra-vier, 2002), comme nous le développeronsplus loin en abordant la question de l ’ex-pression l i t t éraire d’une ident ité cévenole.M ais au début du 20 e siècle, cett e sensibil it épaysagère n’est pas encore valorisée au ni-

veau national et elle ne le sera pas avantle développement de l ’ idée d’un parc na-tional, dans les années 1960.

La concept ion française de s parcs nat ionaux vers 19 00 et la prot ection dessites « pitt oresques » d es Cévennes

La croissance fort e de l’exploit ation des ressources naturelles pour alim enter la prod uction

industriel le com m ence à provoquer quelques inquiétudes au tournant du 19e

siècle. C’estainsi, en réaction à la d étériorat ion d e deux sites « pi tt oresques » (la Source et les gorgesde la Loue) par les entreprises d’extraction d e houil le, que deux déput és du départem entdu Doub s (mem bres du Club alpin f rançais) se mo bil isent et parviennent à faire int roduiredans la loi de finances de 1913 des proposit ions tendant à la création de parcs nationaux

10 - Je remercie Daniel Travier pour ses informations et ses remarques qui sont à l’origine du développement qui précède.

    C   o    l .    D .    T .

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S’ i l paraît nécessaire de nuancer fortement l ’ idée qu’Édouard-Alfred Martel serai t le« p ère » ou le « précurseur » du Parc nati onal d es Cévennes, c’est pou r deux raison s prin-cipales. Tout d’abord , la définit io n qu’ i l donn e de la notio n de « parc national » diffèregrandement de celle (el le-même pluriel le) qui s’ imposera en France après la SecondeGuerre mondiale, about issant à la création instit ution nelle du parc. M artel, fasciné par lem odèle américain, défend une conception « intégraliste » de la protection d e la nature,nécessitant des sanct ions sévères et, le cas échéant , le recours à l’exprop riat ion , un m odèleque les promot eurs d’un parc nation al en Cévennes refusent un anim ement dans les années1950. Ensuite, les sites qu’ il a retenus pour constit uer des zones de prot ection « int égrales »appartiennent essentiel lement à des form ations paysagères périphériques au fut ur Parcnation al des Cévennes. Com m e le note Olivier Poujol :

« Les propositions de Martel portent essentiellement sur des sites des hautes terres calcairesdu sud du Massif central, parfois sur des sites granitiques, mais elles ne portent pas sur des

sites des paysages du schiste, ceux p roprem ent cévenols, paysages il est vrai p lus construit s parl’ho m me qu e “ nat urels” . Hautes terres calcaires qu’ il a célébrées dans ses écrits et qu’ il se doitde défend re à présent. Les haut es terres gran itiq ues sont jusqu’ alors infinim ent m oin s courueset m enacées, mis à part le site très fréquenté du p anoram a de l ’Observatoire du m ont Aigo ual,ma is les forestiers y veillent. » (Poujo l, 1998 : 19)

Chaos deNîmes le Vieux

    G   u   y    G   r    é   g   o    i   r   e

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C h a p i t r e d e u x

L’épo pé e f o rest ière

en Céven ne s

Un second ancrage très fort en France de l’ idée de protection de la nature se situe, eneffet, dans l’administration forestière. Celle-ci a acquis depuis Colbert une prééminencehistorique sur la gestion de la forêt française, prééminence qui s’étend, à partir de laseconde m oitié du 19e siècle, à la gestion de la m ont agne. Cett e aff irm ation du p ouvoirforestier, qui accom pagne l ’h istoire de l ’ in sertion de la forêt dans l ’espace mon tagnard,a été fort bien retracée (Corvol, 1987 ; Brun, Kalaora et ali i  , 198 1 ; Fesquet , 200 8). On es-quissera seulement – à grands trait s – la m anière dont cette histoire s’est inscrite sur unhaut l ieu cévenol : le massif de l ’Aigoual.

La restauration des terrains en mo ntagne (18 30 -193 0) : une œuvre « écolo-gique » et patriot ique

L’éveil d’une v éritable « conscience forestière » en m atière de prot ection se situe ent rela fin de l’A ncien Régim e et les années 1860, période à laquelle débute le « grand œuv re »de la restau ratio n des terrains en mo nt agne (RTM ). Les m ot ivatio ns en sont connu es. Ellessont énoncées à la fois en term es « écologiques » (combat tre le phénom ène de torrentialité,responsable de graves inondation s en plain e, par la lutt e contre le surpâturage et p ar lereboisement) et m oraux : le déboisement va de pair avec le déclin de la nation . I l s’agit

donc de substit uer à la gestion « irresponsable » du sol par les m ont agnards, l’ int erventionéclairée de l ’État . De la M onarchie de Juil let (soumission d es com m unaux au régim e fo-restier) au Second Empire (définit ion des prem iers périm ètres de reboisements), les modal itésde cett e intervention se sont im posées d’une m anière particulièrement auto ritaire, pro-voqu ant sur l’A igou al, com m e ailleurs dans le M assif central, la résistan ce des populat ionslocales (Cornu, 2003 ; Fesquet, 1997, 2001 ; Pourcher, 1984 ; Nougarède, 1985).

Un véritab le courant d ’opin ion ém erge, au début de la Troisièm e République, auto ur dela question f orestière tandis qu’est dévol ue aux forestiers, par la loi de 188 2, une vocation

de gestion g lobale de l ’espace mont agnard. Les forestiers déploient alors une stratégiede propagand e active en faveur du reboisement, en faisant alliance et en pratiqu ant « l’en-trism e » dans les associat ion s de t ouri sme n ati onal es (TCF, CAF) et régio nales. Le ClubCévenol, dont la revue est à cette époque véritablement à la gloire des forestiers, en estun bel exem ple. Dans le m êm e tem ps, une part ie du corps forestier s’est m ont rée sensibleà une approche m oin s aut orit aire, plu s soucieuse des condi tio ns sociales et économ iqu esde la vie en m ont agne, approche t héorisée dans les années 1850 par le sociologue Frédéric

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Le Play (Kalaora, Savoye, 1988). Selon d es travaux récents, ces deux ori entat ion s – l’ uneautor i t a i re et l ’ autre « sociale » – n’au raient pas const i tué, com m e on l ’a pensé, descourants distincts et opposés au sein de l ' adm inistration forestière, mais se seraient plusou moins mêlées, parfois chez un même individu (Fesquet, 2009). Ainsi Georges Fabre,l ’un des grands artisans de la restaurat ion d es terrains en mo ntagn e, aurait-i l durant sacarrière, oscillé entre l es deux concept ions (Fesquet , 1988 : 68 et 139 ).

Georges Fabre (184 4-19 11), ingénieu r des Eaux et Forêt s originair e de La Canourg ue enLozère, voulut entreprendre la restaurat ion du massif de l ’A igoual, anciennement nom m éHort us Dei en raison de la beau té de sa flore m ais désorm ais raviné, et déserté par la po -pulat ion. Il s’est associé pour cela à un bot aniste de renom , Charles Flahau lt (18 52-1 935 ),professeur à la faculté de M ont pellier. Flahault s’inscrit dans le mouv ement dit d ’ant hropo -géographie, qui, né en Allem agne en 1840, théori sa, not am m ent avec Karl Ritt er et FriedrichRatzel, la not ion d’ « économ ie de pil lage » (Raubwirtschaft ). Selon Patrick M atagne :

« L’ idée fondam entale de Ratzel est q ue l ’hom me est étroitem ent l ié au sol sur lequel i l v i t , àla fois pour ses besoins alimentaires et pour l’habitation. Il en découle pour le professeur deM ont pel l ier Charles Flahault , qui rend h om mag e à Ratzel, de l ’urgent e nécessité de “ lut t ercontre la Raubw irtschaft au no m de l ’ordre de la nature ” . Un ordre que l ’exploitat ion cupidea perturb é et do nt la restaurat io n p asse par le respect des trois vocat ions fond ament ales d’unsol : pastorale, agricole et forestière. » (M atag ne, 200 2 : 25.)

Ces notions sont im portan tes car on les re-trou vera réinvesties par certain s acteurs dumouvement cévenol pour la création d’unparc nat ion al dan s les années 1950 . Fabreet Flahault souhaitaient m ettre en applica-tion ces principes en créant l ’arboretum etle jardin botan ique de l ’Hort d e Dieu. À laréussite scientifique de l’expérience (« En1909, selon M atagne, 245 espèces ligneusesprospèrent à l ’Hort d e Dieu qui va devenir

un m odè le m ond ia l emen t cé l è -bre ») s’ajouterait la réussite so-

ciale d’un reboisement et d’ une étatisationdu sol « à visage humain » qui a f inalementemporté l’adhésion des élites puis des po-pu lat ion s locales. Plus encore, les foresti ers

de l’Aig oual au raient ét é, selon certains so-ciologues, « les pionniers d’une sorte d ’am é-nagement du terr i to i re [… ] puisqu’ i ls vontaussi bien jusqu’ à prévoir les infrastructu resnécessaires à la fréquent ation to uristiquede la forêt fut ure » (Larrère, Nougarède,Poup ardin , 198 5 : 40).

Pépinière etarboretum de

Puechagut

CharlesFlahault etsa fi l lePaquerettelors d’unesortie surl’Aigoual,le 25septembre1904.

    C   o    l .    F    l   a    h

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Une a lliance e xemp laire : George s Fabre, Charles Flahault et la rena issancede l ’Aigoual

Cependant , ces précurseurs n’étaient alors soutenus ni par la v olont é natio nale, ni m êmepar la vision d’ une adm inistratio n t out entière. Dans une intéressante analyse, Olivier Nou -garède, Raphaël Larrère et Denis Poup ardin o nt m ont ré comm ent Georg es Fabre est p ro-gressivement devenu une figu re héroïque de la p opulation locale, puis de l ’administrationforestière (qui l’érige en « archétype du forestier ») et enfin de l’ institu tion du Parc nationaldes Cévennes. Ainsi est int errogée la significatio n d u t andem héroïque Fabre-Flahault dansles récits conjoin ts de l’Of fice nat iona l des Forêt s (ONF) et d u Parc nati onal des Cévennes(Larrère et ali i  , 1985 : 24-40).

Georges Fabre, en effet , ne représenta it p as l’ort hod oxie f orestière. En 19 08, il fut relevéde ses fon ction s sur l’ Aig oual p our d es raisons bien exp licitées par les aut eurs, et son h é-

roïsation locale découlerait d e cett e sanction. On soulignera simplem ent qu e l ’att i tude del’adm inistration f orestière envers lui semble préfigurer la t enue du Congrès forestier de1913, qui ratifie la victoire d' une conceptio n « int égraliste » au détrim ent d' une conceptio nvisant à in tégrer davantage la forêt à l ’économ ie et à l ’aménagem ent. La valorisation ré-tro spective de l’œu vre comm une du forestier Fabre et du natu raliste Flahault sur l’Aigou alapparaît donc com m e une préfiguration de l’alliance – et du part age des tâches – nécessaireentre les forestiers et le parc national :

« Le duo Fabre-Flahault est exemplaire. L’un est le précurseur prestigieux, quoique turbulent,des forestiers, l ’aut re le précurseur to ut aussi prestigieu x, quoiq ue rig oriste, des écolo gues. Ilsont montré la voie à suivre par leur entente, leur influence réciproque. Successeur légitime etincont estab le de Fabre, l ’ONF suggère au Parc de se satisfaire de l’ hérita ge de Flahault et decollabo rer à une œuvre com mu ne comm e jadis le firent l eurs chefs tutélai res. » (Larrère et ali i  ,1985 : 39)

M ais le couple Fabre-Flahault sem ble off rir d’aut res possibi l i tés m étaphoriqu es qui m éri-teraient d’êt re explorées, com m e l’allian ce des appartenances religieuses (Fabre, le forestier

prot estant , Flahau lt, le natu raliste catho liqu e). Les qualit és incarnées par cesdeux personnages ainsi que le l ieu qu’i ls choisirent p our l ’ édif ication de leur

œuvre comm une expliquent sans doute lestatut d'ancêtres du Parc national des Cé-vennes que ce couple acquiert au ssi bienaux yeu x des précurseurs des années 1950que pou r les fonctionnaires chargés d’établirle parc dans les décennies 1960 et 1970.De mêm e, l ’on pou rrait suivre la construc-tion d’ un véritable l ieu de m émoire sur l ’Ai-goual par l ’administrat ion forest ière puis

par l ’adm inistrat ion du Parc nat ional desCévennes. Il suf fit d’ ind iquer ici ces quelquesélém ents : Alexis M onjauze, premier direc-teur du PNC, acquiert pour le parc le châ-t e a u d e R o q u e d o l s ( v e r s M e y r u e i s ) ,ancienne propriété de l ’administration fo-restière. Dans les années 1930, M ax N ègre,

Château deRoquedols

    A    D

     4    8

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inspecteur gén éral des Eaux et Forêts, avait eu le pro jet d ’y in staller un m usée caussenardet cévenol 1. Puis, à la fin des années 1950 , Charles Bieau am bitio nne d’ acquérir le châteaupour y créer la pépinière du parc natio nal forestier qu’i l p rojette. En 19 77, le PNC m et enplace à Roquedols un « centre d’ int erprétation de l ’A igoual » et u ne Épopée de l ’A igoual y est m ise en scène par Jean Rouvet 2.

Les dimensions rel igieuses et polit iques de l ’histoire de l ’A igoual sont, bien entendu, ab-sentes de cette épopée adm inistrative. Néanm oins, on peut l ire sur un e plaquett e de dé-couverte des sentiers réalisée par le PNC que la réussite du forestier Georges Fabre arésidé dans sa capacité « à faire croire » aux p aysans cévenols qu' ils allaient retro uver lepaysage de leurs ancêtres camisards… C’est que l ’Aig oual est de longue dat e un hautlieu de l’ ident ité narrat ive cévenole, un m ot if central dan s le récit, qui allie à la fascinationdu lieu géog raphi que l' épop ée des Camisards et tout es les résistan ces qui suivirent . L'Ai-goual semble b ien incarner à la fois le t emps et l ' espace cévenols dans leurs qualités fon-

dat rices prem ières. L’épopée forestière et scienti fiq ue, et, plus largement , l’ap prop riat ionde l ’Aigoual dans le cadre d’un récit de la protection de la nature et de la valorisationpaysagère ne font qu’ajou ter une dim ension à cett e capacité de concrétion narrative p os-sédée par ce lieu. Au ssi n’est-ce sans dou te pas un h asard si c'est au to ur de l’A igou al quesem blent se cristalliser les débat s au m om ent de la créati on du Parc natio nal des Cévennes.Selon Olivier Poujol, ce serait m ême « vers l ’Aigoual q ue se joua l ’acceptat ion ou le refusdu parc » (Poujol 19 91 : 144). L’Aigo ual devient alors un ob jet d’app ropriations contra-dictoires, à la fois lieu valorisé par le récit des origines de la création du parc, et lieu dela plus forte résistance à cette création.

Entre am énagem ent et nat uralité, un parc national pour le mont Lozère ?

Dans les années 1930 , le m ont Lozère, second d es tro is principau x som m ets de l'espacecévenol, sur sa frange nord, susci te à son to ur des idées d'am énagement. Un Com itéd’am énagement du m ont Lozère est créé en 192 9 sous l’ im pulsion du Syndicat d’ init iat ived’A lès (ESSI) et placé sous la présidence de Charles Pom aret, dépu té de Florac. On y t rouveégalemen t M ax Nègre, ingéni eur forestier, directeur de la Conservation d e Nîmes, qui rêved’une « route f orestière des Cévennes ». M ax Nègre – souvent présenté com m e le conti-nuateur de l ’œu vre de Georges Fabre – est une t roisièm e figure t utélaire de l ’épopée fo-

restière en Cévennes. Selon les sociologu es Denis Poup ardin et Rapha ël Larrère, il au raiten effet propo sé, avec cett e « rout e forestière », la création d’ un parc nat ional 3. On saitpeu de choses du cont enu de ce projet, horm is qu’il semble avoir été conçu surtout comm eune réserve forestière, com m e le souligne Olivier Poujol :

« Il n’ y a certes pas de fil iation directe ent re M ax Nègre et l ’ actuel Parc des Cévennes. [… ] Cen’est pas cependant u n parc nat ion al au sens d’aujourd’ hui , mais une magn i f ique réserveforest ière [… ]. Il raisonnait en forest ier et devait avoir en tête l ’ancien et exemplaire mo dèlede conservation d u Parc du Pelvoux (1913 ), en fait vaste parc dom anial installé par l’ad min istration

des forêts dans ce massif alpin. » (Pouj ol, 1991 : 51)

1 - Voir Causses et Cévennes , n°1, 1946.2 - Causses et Cévennes , n°3, 1977. Voir aussi le l ong discours prononcé à Roquedols en 1976 par Yves Bétolaud sur « L’épopée de

l’A igoual », reproduit dans « L’Aigoual par Roquedols », Cévennes , revue du Parc national, n° 8, p. 2-8.3 - Denis Poupardin et Raphaël Larrère (1987) établi ssent ce fait à parti r d’archives de l’administ ration f orestière dont il s ne donnent

pas la référence et la localisation.

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On peut alors se demand er en quoi ce projet an ticiperait « dès les années trente sur lesprojet s des années cinquan te, en ém ett ant , dans des rappo rts adressés à ses supérieursdes Eaux et Forêts des propositions qui l’ établissent aujourd’ hui com m e un des précurseursde l’ idée de parc dans les Cévennes et autour de l’Aigoual » (Poujol, ib id.). Quoiqu’ i l ensoit, les idées de M ax Nègre n’on t pas rencont ré l’approb atio n de son adm inistrat ion. L’onpeut not er cepend ant q ue six « réserves » on t ét é créées en forêt d om aniale dan s les Cé-vennes par décision d u m inistère de l ’Agriculture, le 13 nov embre 193 3.

À la m ême époq ue, on ret rouve l’ id ée d’un Parc nation al en Cévennes chez les naturalistes.En 1933, le M uséum nat ional d’Histoire nat urelle se voit confier la direction d ’un e enqu êtesur la protection de la natu re et sur les diff érentes expériences internatio nales en la matière.Le rapport en est publié en 1937, dans un numéro spécial de la revue de la Société debiog éograp hie. Des prop ositio ns pour la créatio n de Parcs nat ion aux en France sont alorsémi ses. Trois régions sont concernées : le Dauphi né (auquel on souhait e accorder la pré-

émin ence), les Pyrénées (un p arc devrait alors être coupl é avec le parc espagn ol d ’Ordesa)et le mont Lozère.

« Un e troisième réal isat ion pourrait peut-être être conçue dans les Cévennes autou r du mo ntLozère à cheval sur des zones d’influ ence océaniqu e et méd iterranéenn e et avec des form atio nsvégétales pou vant évoluer soit vers la pelouse soit vers des forêt s à types assez différenciés 4. »

C’est au cours de cett e décennie qu e les nat uralistes élaborent leu r doctri ne du dispositi fde prot ection de la nature, qui consacre une distinctio n stricte entre parcs nationaux etréserves natur elles. Les premiers sont « créés pou r pro téger d es sanctu aires de la nat ure,mais aussi des sites esthétiques et répondre à des aspirations morales et sportives 5 » .Les secondes ont un o bjectif plus précis : une protection rigoureuse cont re les activitéshum aines jugées destru ctrices. Les réserves deviennent le cham p d’ action exclusif des na-tu ralistes qui cont estent , en ce qui con cerne les espaces protégés, aussi bien les concept ionsdes forestiers qu e celles des sociétés de chasse et de to urism e (Leynaud , 1980 : 24). Parail leurs, les naturalistes considèrent que la protection de la nat ure doit être une polit iqued’État . Celui-ci est don c fortem ent in cité à renforcer les mesures nationales de protection.De leur côté, les forestiers expérimen tent la réalisation des parcs nat ion aux en terrain co-lonial (Leynaud, 1985 ; Ford, 2004 ; Selmi, 2009), mais i ls se désintéressent de la qu estion

pour ce qui concerne la métropole 6. Dans la France de l’ entre-d eux-gu erres, la tend ancede l ’administration forestière est à un uti l i tarisme économique (on abandonne donc lanot ion de prot ection) qui abo ut it après la Seconde Guerre m ond iale à la création d u Fondsforestier nat ional, dont nous reparlerons plus loin. De m ême, dans un contexte d e criseéconomique nationale, voit-on apparaître, dans les années 1935-1936, dans des revuesassociatives comme Causses et Cévennes , le thème de l ’uti l i té proprement économiquede la forêt , laquelle devien t source d’em ploi s grâce à la créati on des chanti ers de chôm eurs.L’id ée développée après-guerre en Lozère d’un Parc nati onal d es Cévennes à vocatio n fo -restière sera directement tr ibut aire de cette conception.

4 - André Joubert , « Constit ution et choix de Réserves naturelles », dans Contribut ion à l’étude des Réserves naturelles et des Parcs nationaux , M émoires de la Société bi ogéographique, Paris, 1937 (cité par A . Selmi, 2004 : 31).

5 - Id., ibid.6 - Les raisons de ce désintérêt sont certainement plurielles. Isabelle Mauz évoque en particulier la difficulté d’acquérir des terrains

suffisamment vastes, dans des régions où la pression agropastorale est encore forte (Mauz, 2003 : 71). L’échec de l’expérienceréalisée en collaboration avec les associations de tourisme du « Parc national du Pelvoux », dans le massif de l’Oisans (Isère),pourrait également expliquer la prudence de l’administrat ion forestière vis-à-vis des projets ultéri eurs de parcs nationaux en France(Selmi, 2009 : 49-50).

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Nou s venons d’évoq uer, à travers les figu res de géologu es, de natural istes et d e forestiers,trois sources de l ’ idée d’un parc en Cévennes en tant que forme d’aménagement de

l’espace, fondé sur la pro tection et la valo risation de sites paysagers et sur le développem entde la forêt. Il faut évoquer un dernier enracinement essentiel de l’ inv ention du Parc nationaldes Cévennes auquel nous conduit cet autre ancêtre revendiqué qu’est l’écrivain RobertLouis Stevenson. I l s’agit de ce que l ’on po urrait dénom m er « parc l i t t éraire », autou r dela notion de « Cévenne des Cévennes ». Le patrimoine l i t téraire des Cévennes, définicomm e l ’écriture édif iant la représentatio n ou tém oignant de l ’ identité d’un t erritoire re-connu com m e « pays », est à l ’évidence extrêmem ent riche 1. Il n’y a pas lieu ici de le dé-velopper dans son détail, mais d’en souligner les grandes lignes et de reconnaître celles

qui on t fait sens et on t été retenues de façon privi-

légiée dans la construction d’un territoire « parc »dans les années 1950 et 1960.

Ce patrim oine concerne d’abord une représentatio ndes Cévennes fondée sur l’histo ire et sur la culture 2,au d éficit des Cévennes dit es géograph iques. Pour-tan t, ces dernières, app réhendées depu is le 18e siècleselon la théorie des bassins fluv iaux, connurent unelongue vo gue dans les sciences de l ’hom m e et de lanature jusqu’aux années 1950. Définies comme lachaîne de mont agne portant la l igne de partage deseaux entre At lant iqu e et M éditerranée, s’étendantsur quelque 500 k i lom ètres depuis le seuil de Nau-

rouze jusqu’au mont Gerbier de Joncs,elles donn èrent lieu à de no m breusesdescriptions savantes, géographiquessurtout, brouillant quelque peu les re-présentat ions ordin aires. Les écolierscévenols apprirent sur les cartes mu -

C h a p i t r e t r o i s

Éd if ica t io n d ’un pa rc lit t éra ire :

La «Céven n e d es Céven n es »*

* Chapitre rédigé avec la forte collaboration de Jean-Noël Pelen, que je remercie.

1 - Voir, entre aut res, Jean Susini, Histoire littéraire des Cévennes , Alès, 1949 ; André-Georges Fabre, Au cœur de la Cévenne avec ses écrivains , Anduze, Az Offset, 1979. La limite de ces ouvrages pour notre propos est d’être fondés sur une conception trèsclassique de la littérature. Voir, plus ouverts à une pluralité de récits : Collectif, Dire les Cévennes. M ille ans de témoignages ,Montpellier-Alès, Presses du Languedoc-Club Cévenol, 1994 ; Jean-Luc Bonniol (dir.), Dire les Causses. M émoire des pierres,mémoire des textes , Millau-Alès, Éditions du Beffroi-Club Cévenol, 2003.

2 - Celles-ci sont bien représentées par l’ouvrage dirigé par Philippe Joutard, Les Cévennes. De la montagne à l’homme , Toulouse,Privat, 1979.

Voyage à travers les Cévennes , de

Stevenson, édit ionétablie dans les

années 1960 parPierre Richard etGilbert Lhomme    F

   a   m

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rales de géographie physique que leur pays était b ien grand et chantèrent en chœur laChanson des Cévennes de Bouchor, qui établissait p our eux u ne identit é relative à unelarge part du M assif central 3. C’est cont re cett e concept ion qu e réagit le voyageur RobertLoui s Stevenson dans son Travels Wi th a Don key in t he Cévennes , paru à Édim bourg en187 9, quand , parvenu au Pic de Finiels sur le m ont Lozère il étend son regar d vers le sudet écr it :« Au sens large, j ’étais dans les Cévennes au M onastier et durant tou t mo n voyage, m aisil y a un sens restreint et local dans lequel seulement ce pays désordon né et bro ussailleuxà m es pieds a droit au no m , et c’est en ce sens que les paysans l’emp loient . Ce sont là lesCévennes au sens plein : les Cévennes des Cévennes 4. »

Ce sont alors les Cévennes historiques et cult urelles proprem ent dit es, auxquelles Stevensonreconnaît av ec finesse la justesse d’un e appellat ion con férée par les paysans eux-m êmes.Ainsi, du fa it qu e Stevenson a em port é dans son voyage comm e unique ressource livresque,

l ’Histoire des pasteurs du Désert  de Napo léon Peyrat, paru en 1842 5, on peut aff irmerque l ’érection de ces Cévennes comm e « province l i t t éraire » fu t d ’abord et à plus d’untit re le fait d u prot estant isme. Cett e prédom inance s’ instaure dès la seconde m oitié du16e siècle, par un e sort e de choix de cult ure qu’ opère un e très large majo rité de Cévenols,dans to ut e l’épaisseur du cham p social, en adh érant aux id ées de la Réform e. Dès lors, etpour longtemps, le récit cévenol fut avant tout protestant ou, à l ’opposé mais de façonm inori tai re, catho liqu e ; soit, dans tous les cas, religieux et spirit uel. Chez les réform és,cela engendra u ne tr ès fort e présence de la lecture de la Bibl e, en fra nçais, du chant despsaumes et cantiques puis des « complaint es » du Désert 6, dans la mêm e langu e. Ce quiconféra plus largement aux Cévenols, sur la lo ngue du rée, une m aîtrise et un e pratiqu eprécoces de la langue nat ionale – ici langue de la religiosité –, de l’écriture – à un m oind redegré –, ainsi que du li vre et de la lectu re. Cela leur conf éra aussi une cult ure spiritu elletrès marquée, dont la « liberté de conscience » f ut le fleuron prim ordial, revendiqué jusqu’ànos jours, de même que l ’ in stitut ion d’ un paysage mém oriel, tou jours l isible, habité à lafois par l ’« Esprit » (on l ’a souvent énoncé comm e paysage bibl ique) et par une mult i tud ede souvenirs épiques ou com m émorat ifs.

Depuis le premier quart du 1 8e siècle, les « jo urnaux cam isards » 7, les écrits sur la « guerredes Cévennes », tant du côté pro testant qu e catholique 8, l ’érudit ion historique aux 19 e

et 20e siècles (dont Napo léon Peyrat fut un m arqueur im port ant) et les nombreuses créationslittéraires en français – part iculièrement au 20 e siècle, avec les figures de pro ue de stat urenation ale que f urent And ré Chamson, puis Jean-Pierre Chabrol (postérieurement à 195 0,quan t à lu i) –, se sont relayés pou r att ester de cett e inscript ion d es Cévennes dans le récitprotestant.

Le regard extérieur aux Cévennes a égalem ent t rès tô t spécifié celles-ci com m e pays pro-testant et insoumis « de natu re ». La guerre des Camisards, que l ’on f ait d ébuter en 170 2

3 - M aurice Bouchor, Chants populaires pour les écoles , Paris, Hachette, 1902.

4 - Robert Louis Stevenson, Journal de route en Cévennes , traduct ion de Jacques Blondel, Toulouse, Privat-Club Cévenol, 1978.5 - Napol éon Peyrat, Histoire des pasteurs du Désert depuis la révocation de l’Édit de Nantes jusqu’à la Révolution française , 1685-1789, Valence, 2 vol., 1842.

6- Voir Daniel Travier et Jean-N oël Pelen, « Chants reli gieux », dans Le Temp s cévenol , t. III, vol. 1, Nîmes, Sedilan, 1982, p. 316-372.7 - Journaux camisards (1700-1715), textes établi s et présent és par Philippe J outard, Paris, UGE, 1965.8 - Le premier récit historique élaboré est celui de l’abbé Jean-Baptiste Louvreleul, sous le titre Le Fanatism e renouvelé ou Hist oire 

des sacrilèges, des incendies, des meurtres et autres att entat s que les calvinist es révoltés ont commis dans les Cévennes et des châtiments qu’on leur a faict , Avignon, 3 vol., 1704 ; le second, protestant, relevant le récit des résistants du Désert est celui deM aximil ien M isson, Le Théâtre sacré des Cévennes ou Récit des diverses merveill es nouvellement opérées dans cette part ie des la province du Languedoc , Londres, Roger, 1707.

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par l’assassinat de l’ abbé du Chayla, est ap pelée par les cont emp orain s « g uerre des Cé-vennes ». Le Dictionnaire de La Martinière livre des Cévennes cette description, dont onpourrait m ultipl ier les exemples en substance :

« [ … ] ces m ont agnes sont de dif f iciles accès et cependan t t rès peup lées. Les peup les en sontfort remuan ts, c’était la retrait e des hugu enot s dans les siècles précédents, aussi la p lupart sont-ils calvinistes dans le cœu r 9. »

L’histoire prot estant e a été également écrite par des historiens « coreligionnaires » n onorigi naires. Il en est de m êm e de mu ltip les création s littéraires exaltan t d es Cévennes ins-pirées (ainsi de Pierre Dévolu y et d e sa trilog ie sur La Cévenne em brasée , ouverte en 1923par Le Psaum e sou s les éto iles ). Le récit des Cévennes fut ai nsi d’abo rd m arqué pa r le re-ligieux – avant que d’être cévenol –, ne s’élargissant que plus tard à la mém oire historiqueet enfin à la « cévenolité » .

En datat ion com me en import ance, le second courant de création litt éraire et plus largementécrite des Cévennes est celui de l’érud itio n dit e « locale », qui t enta à t ravers la constructio nd’un savoir référencé de tém oigner de la cultu re quotid ienne d’un pays concret. La figureinaugurante de cette intention d’écriture est sans conteste l’abbé Boissier de Sauvages(1710-17 95) avec, dès 1756 , son Dictionn aire Languedo cien-Français , enrichi dans sesédit ions ul tér ieures de 1785 et 1820 10 . Boissier de Sauvages nou rrit m éticuleu sem ent etavant la lett re une identit é cévenole par sa valorisation de la langue occitane (le « dialectelanguedocien ») et de la culture m atériel le et folk lorique (recueil de p roverbes). I l n’estpas indifférent d e not er, eu égard au pro testantisme précédemm ent évoq ué, que Boissierde Sauvages fut catho lique, comm e beaucoup de ceux q ui s’att achèrent au parler des Cé-vennes. L’attention au patrimoine de la langue se perpétua chez divers érudits, parmilesquels nous pouvons citer Maximin D’Hombres et Gratien Charvet (Dictionnaire Lan- guedocien-Français , Alais, Brugueiro lle, 1884), et t ardivement au 20e siècle Charles Camprouxavec son Essai de géographie ling uistiq ue du Gévaud an (Paris, 196 2). Dans le mêm e esprit ,durant tout le 19e siècle, une attent ion f ut spécif iquement port ée à la culture m atériel le,à l ’exemp le de l ’œ uvre du Baron d’Hom bres-Firmas. Au 20 e siècle, ce ne sera seulementà partir des années 1950 q ue cette pratiq ue d’écriture, que l ’o n po urra appeler dès lors« et hno grap hiqu e », sera reprise. Les travaux d ’A drienn e Durand-Tullo u sur le causse de

Blandas 11 ou ceux de Daniel Travier avec la constit ut ion du m usée des Vallées cévenolesà Saint -Jean-du-Gard (196 4) en sont les plus signif icatifs : ils tém oign ent du désir d’éleverà la cultu re quot idienn e des Cévennes, prise dans tout es ses dimension s, une œ uvre m o-numentaire 12 .

La constructio n cette fois spécifiquement litt éraire d’un pays cévenol, d’abord occitanophone – « lan gued ocien » , « céven ol » ou « patoisant » , sel on les t erm es d ’alo rs – dans une ex-pression poétique extrêmem ent m arquée par une f orm e de présence au caractère concretdu lieu, a été également très forte et multiple. Le marquis de La Fare-Alais (1791-1846),

avec son recueil au ti tre signif icatif de Las Castagnados (« les châtaignaisons », Alais,Veirun, 1844), en est pro bablement le plus fameux représentant . M ais cette tradit ion fu t

9 - Bruzen de La Mart inière, Le Grand Dictionnaire géographique, historique et critique , Paris, Libraires associés, 1768.10 - Pour cette dernière : Alès, Martin, 2 vol., 1820-1821.11 - Sa thèse inaugura une nouvelle ethnographie en Cévennes : Un milieu de civilisation traditionnelle  : le causse de Blandas ,

M ontpell ier, Faculté des Lettres, 1959 (éditée aux Éditi ons du Beffroi en 2003).12 - Voir, très représentatif de cette intention, Jean-Noël Pelen, Daniel Travier, André Nicolas, Jean-Paul Bonnecaze, Le Temps cévenol .

La conscience d’une t erre , 4 vol., Nîmes-Saint-Hi ppolyte-du-Fort, Sedilan-Espace-Écrits, 1980-1988.

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poursuivie par de nom breux aut eurs, certes de mo indre envergure, en particulier à t raversla longue produ ction des Armanac (publ icatio ns annuelles de poésies et d’h istoriet tes ourécits typisants, presque tou jou rs en occitan). Une revue com m e Lou Païs , créée en 1953 ,att este ju squ’à no s jours de ce désir d’ enracinement dans la localit é. Les référents culturelset don c territoriaux de cette l i t térature sont variables. M ais des constantes s’ouvrent dansl’hommage au quotidien et au paysage comme support de la mémoire et de la rêverie,voire de la nostalgie. Les odes au châtaignier comme arbre tutélaire sur la longue durée,arbre de l ’histo ire, de la v ie et d e la m ort , les odes aux vers à soie, aux div erses rivières,aux ban cèls (m urett es de cultu re), aux visages des anciens… sont légio ns dans ces écritsancrés dans la beauté de l ’ascendance et d’un quot idien disparu ou désuet. Ce fut là uncourant nett emen t m arqué et port é par le catho licisme, nous l’avo ns dit, m ais les escrivaïrescévenols – petits écrivains de terroir sans nuance péjorative (ils se revendiquaient sousce terme) – furent myriades 13 , et des figures protestantes s’y élèvent, comm e celle deMarthe Boissier (1877-1964), écrivant en français.

Il faudrait adjoindre au récit prot estant ainsiqu’ à celui des écrivains de terro ir, le flux dela tradit ion o rale. Le récit p rotestant f ut en

effet largement accom pagné, et pro bablement soutenu, par une forte transmission orale,histori que et légend aire sur la guerre des Cam isards, envahissant to utes les représent atio nsde l’h istoire et, nou s l’avons dit , du paysage (Jout ard, 1977). Les Cévennes conn urent éga-lement une littératu re orale tou t à fait digne de ce nom , longt emps niée par l’historiograph ie,

pourt ant assez spécifique dans ses int ention s, littératu re de chansons et surto ut de contes.Tout efois, ces trad iti ons orales restèrent lon gt emp s inscrites dans le sein com m unau tair eet ne furent révélées que par des travaux tardifs, largement postérieurs aux ann ées 1950.Ils met tent cependant l ’accent sur une dim ension d e la culture cévenole parfaitement per-t inent e à l ’époque où s’ inaugurent les projets de parc culturel.

« On connaît par quelle industrie les Cévenols savent converti r en ter-rasses fertiles les fl ancs décharnés des montagnes et combler les ra-vins, en retenant les terres par des murail les en pierre sèche. »(D’Hombre Firmas, 1819)

13. Voir « L’occitan notre l angue », Causses et Cévennes , n°2, 1981.

    F   o   n    d

   s    A   n    d   r    é    N    i   c   o    l   a   s

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L’un des derniers courants à prendre en considération est celui d’u ne valorisation par unregard ext érieur de l’ i dent ité cévenole o u d es richesses de ce pays. Ce regard p rend, d’un ecertaine manière, la place de celui des administrateurs et des géographes qui ne virentsouvent dans les Cévennes que « mont agnes affreuses » et « pays coupé » . M ais concernantce domaine, il y eut aussi à partir du dernier quart du 19 e siècle une app roche plus voyageuse,découvreuse et désireuse de con naître et part ager ce pays. Les figu res les plu s représen-tat ives, ou en t out cas le plus fréquem ment évoquées, sont ici celles – d’apparence éloignéesm ais com plém entaires pour not re point d e vue – de Robert Louis Stevenson et d’Édouard-Alf red M artel, déjà signalées. Com m e l’écrit André-Georges Fabre, on p eut d ire du p remierqu’i l f i t « la première propagand e touristique po ur les Cévennes, tout en les élevant à ladignit é l i t t éraire » (Fabre : 14). Ce voyageur anglais, protestant et francoph ile, est créditéd’avo ir, à travers le récit d e son vo yage dans les Cévennes, été l’un des premiers à d égagerla personnalit é de celles-ci. Si cette iden tif icatio n du p ays cévenol repo se en prem ier lieusur la reconnaissance de l’épopée des Camisards, elle y adjoint la très forte conscience

d’un paysage hum anisé, et ce d’un point de vue très global, la form e de la nature s’al l iantaux travaux et à l ’âm e des hom m es. Édouard-A lfred M artel, nous l ’avons vu, peut être re-connu qu ant à lui com m e le véritable inventeur, au niveau nat ional, des sites naturels, no-tamment pour ce qui nous concerne caussenards et cévenols. Toutefois, si ces écrivainsnon originaires des Cévennes gagnèrent – immédiatement pour Martel, plus lentementpour Stevenson dont la traduction française de son Voyage ne parut qu’en 1910 – unegrande renommée de découvreurs puis de référents de l’âme et des sites, cela cache untravail local de construction d e l ’ identité cévenole qui leur est largement cont empo rain,si ce n’est an térieur.

L’invention des Cévennes comme « pays » revient en premier lieu aux Cévenols. Cela sefit dans l ’entrelacement des divers courant s l i t téraires précédemm ent cités, ancrant suc-cessivement ou simu ltaném ent l’ id entité cévenole dans le fait religieux, puis dans la langueoccitane et , enfin, dans l ’histoire, rappelée en d e grands m om ents comm émorat ifs. Le faitl i t t éraire a ici une valeur d’acte créateur o u de tém oignage d e sensibi l i té. C’est pour lerassemblement de Saint-Roman-de-Tousque en 1885, que Ruben Saillens créé le chantde La Cévenole, promu à un grand succès. Significativement, La Cévenole fait témoin del’histo ire le pays to ut entier, le paysage intim e. C’est p robab lem ent le prem ier appel réussià la cévenolité, par cett e conjon ction de l ’histoire et du paysage :

Salut montagnes bien-aimées,Pays sacré de no s aïeux. [… ]Élevez vos têtes chenuesEspérou, Boug ès, Aig oual , [… ]Redites-nous grottes profondes,L’écho de leurs chants d’autrefois ; [… ]Ô vétérans de nos vallées,Vieux châtaigniers aux bras tordus,

Les cris des mères désolées,Vous seuls les avez entend us. [… ]

Cette construction des Cévennes comm e pays se poursuit durant tou te la f in du 19 e siècle,puis tout au long du 20 e. Dans un pays économiq uement déclinant et en hém orragie dé-m ographiqu e depuis le m il ieu du 19e siècle, l’ id enti té de pays devient f ort e, port ée par lesdivers mou vement s déjà cités. L’œu vre d’A ndré Chamson y occupe une place centrale,

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qui d écline les divers mot ifs de la cévenolit é dans une écriture à la fois simple et som p-tueuse : l’âpreté et la m ystiqu e du lieu, la résistance pour la liberté de conscience, l’ouverturedu monde, la chute des temps anciens. Le succès de Roux le ban dit   (1925), suivi desHom m es de la route (1927) et p lus tard des Quatre Élément s (1935) ainsi que de touteune œuv re, fait date 14 . C’est b ien parce qu’i l a su dresser ce monum ent à un t erritoire(dont le cœur est l ’Aigoual 15 ) qu’André Chamson sera systématiquement soll icité pour

occuper la place d’honneur au sein des mou-vements de promotion d’un parc cévenol,lui qu i, en 1957 , dans une revue précisémentconsacrée aux espaces protégés, avou e qu’i la « conscience d’avoir, par son œ uvre, édifiéquelque chose comme un parc imaginairedes Cévennes 16 » .

Il faut également retenir dans cette pers-pect i ve l ’œuvre fon dam enta le de Jean-Pierre Chabro l. Ap rès le succès des Fous deDieu en 1961, évocat ion romancée d’uneguerre d es Cam isards intério risée, la sérieLes Rebell es (1965-19 68) dont la lecture enCévennes fu t au ssi t rès popu la i re eut la

vertu de t émoign er d’une culture à la fois rurale et p ropre au pays mi-nier. Celle-ci était jusqu’al ors peu reconnu e littérairem ent, malg ré desœuvres import antes com me celle de M athieu Lacroix (1819-186 4), le

« m açon de la Grand’Combe » et son Paouro Martino (1853) 17 . À partir de la f in des an-nées 1960, Jean-Pierre Chabrol popu larisa de m anière extraordin airele pays cévenol par ses nombreuses pres-tat ions, souvent télévisuelles, de racont eurd’un p ays au quot idien haut en couleur ettou jours inspiré.

De ce tour d’ho rizon du patrim oine littérairecévenol, d’ap parence hétérogène, il fau t re-

tenir l ’élaboration d’un très fort « récit del’ intérieur » qu i énonce la singularité d’un epartie du territoire géographique – aux l i-m ites d’ailleurs flo ues –, désigné classique-m ent sous le terme « Cévennes » ; d ’oùl’invention d ’appellation qui spécifient cette

L’Aigoual ,d’André Chamson,

édition originale de 1930

    J .  -

    N .

    P .

14 - A ndré-Georges Fabre témoigne de l’ impact qu’ eut ce romansur la conscience de la cévenolité : « Je retrouve aisémentnos impressions d’adolescents devant l’apparition fulgurantede ce roman, comme si un projecteur avait inondé de lumière

nos montagnes jusque-là inconnues et soudain élevées à ladignité littéraire. Ainsi, des événements locaux, réels etpourtant presque légendaires, qu’on nous avait aussi contésà la veillée, prenaient une ampleur universelle », dans Joutard(dir.), 1979, p. 400-401.

15 - L’Aigoual , Paris, Grasset, 1930.16 - Rivières et f orêts, n° 8, 1957, p. 73.17 - Voir l’œuvre tardive mais très signifi cative d’une identité

mini ère cévenole : Les Quatre Temps ou La Vie d’un m ineurcévenol de Georges Fontane (1971).

Carte postale ancienne.

    C   o    l .    M

   u   s    é   e    d   e   s   v   a    l    l    é   e   s   c    é   v   e   n   o

    l   e   s .

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singularit é : « Cévennes des Cévennes », les « v raies Cévennes », « la Cévenne » . Et cen’est pas là un m oindre paradoxe, comm e l ’écrit Olivier Poujol, que « ce fragm ent de t erred’Oc, peuplé jadis de “ rebel les” et de “ fanat iques” , s’est im posé comm e un “ pays” , sansexistence légale mais reconnu d e fait 18 » .

On verra que l’ idée d’un Parc national des Cévennes n’est pas précisément ancrée danscett e « cévenolité » . Ainsi les f igures « écrivantes », dont l ’héritage est revendiqué de m a-nière récurrente p ar les différents prom oteurs d’u n Parc des Cévennes à partir d es an-nées 1950 – au détrim ent d e bien d’aut res sources que nou s avons évoquées –, sont soitextérieures à cett e localité, soit d’u ne intériorit é distanciée. Édouard-A lfred M artel to utd’abord – q ue certains, vers 1960, créditent d’avoir exprim é la « prem ière vision d’ un t elparc dans un article de la revue du Club alpin français en 19 13 19 » – invente les paysagesnat urels et « pit to resques », sans grande référence à leur hum anit é. Steven son, dans sonfam eux ouvrage auq uel selon les mêm es promot eurs « les Cévennes doivent pou r ainsi

dire leur existence 20 », porte le regard de l ’« étranger ». Chacun d ’entre eux désigne et ju st if ie, depuis l ’ex tér ieur, la légit im it é du d ésir port é par le m ouvem ent pour la co nst it ut io nd’un parc. Et si André Cham son porte, quant à lui, une parole de « l ’ int érieur » , sa staturenationale (académicien, directeur des Archives de France) lui confère une autorité, doncune distance sociale, qui s’allie à l’autorité incontestée de son verbe. Or les principauxprom oteurs de l ’ idée de parc – dont plusieurs sont non orig inaires et/ou no n nat ifs – setrouvent bien souvent eux-mêmes dans une posit ion de distance par rapport au sentim entde la localité cévenole. Le choix des référents littéraires de l’ idée de parc, comme la dé-signat ion des l imit es géographiques de celui-ci, reflètent ainsi leurs propres projectionsd’u n t errito ire qui n e coïncide gu ère avec celui de « la Cévenne ». Reste à vo ir, à trav ersl’hi stoire de cette nou velle constructio n désignée sous le term e de « Parc natio nal des Cé-vennes », comment ces différentes perceptions territoriales ont pu réussir à s’agencer.

18 - Olivier et A nnie Poujol, Aspect physique et historique , dans Pelen, Travier, Nicolas, Bonnecaze, 1988, p. 91.19 - Charles Bieau, texte t apuscrit, non daté [AD, f onds Bieau, 21J13].20 - Id., ibid.

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D e u x i è m e p a r t i e

Naissance d’un désirde Parc en Cévennes(1955-1960)

Les Céve nne s en crise

A u sortir de la Seconde Guerre mondiale, les régions sud du Massif central, et enpart iculier les Cévennes (vivaraises et lo zériennes) se vivent com m e des terres encrise et sont , de mêm e qu’ au déb ut du 20e siècle, perçues depui s Paris tels les ter-

ritoires « perdus » (aux sens d’ignorés, oubliés, abandonn és, lointains) de la N ation . « L’Ar-dèche ? Oh, je pense que c’est un pays d’Afrique », entend vers 1959 Huguette Nicolas,prom otrice d’u ne expérience de « rénovation rurale » dans le village de Thines, alors qu’elleprésente des objets d’artisanat ardéchois à la Vente des Nations organisée par l’Unescoà Pari s 1.

La vision du départ ement de la Lozère, telle que présentée dans un grand q uot idien nat ionalest éloquente et bien représentative d u discours journalistiqu e de cette période :

« C’est tou jours la m ême surprise lorsqu’ on parcourt la Lozère, reculée et loint aine, laisséepresque à l’aband on au fond de ses vallées diff icilement accessibles, com me u ne parent e pauvreoub liée du reste de la fami lle. On ouv re des yeux éton nés. [… ] On était tou jours en France, iciet là ! I l nous a suff i de q uelques tours de roues pour p asser de la ham mada saharienne audésert groenla ndais et, f inalem ent, pou r débo ucher sur les mo nta gnes Rocheuses, en plein Co-

lorad o. Une joie vo isine de l’enth ousiasme s’empare du voyageur. Ne croit-i l p as avoir sous lesyeux l’ image de la nature primitive, telle qu’elle devait s’épanouir, l ibre, sauvage et solitaire,avant que l ’hom me parût 2 ? »

1 - Huguette Nicolas, entretien, Arles, 12 juillet 2005. Henriette Nicolas est la fondatrice à Thines de l’association Les Compagnonsdu Gerboul, dont l’histoire a été étudiée par le sociologue André Micoud. Voir. A. Micoud, « L’invention de l’artisanat d’art ruralou les néo-ruraux avant la l ettre », dans A. Cadoret (dir.), 1985, p. 124-137.

2 - Jean Couvreur, « Dépeuplée et déshéritée, mais riche de beautés naturelles, la Lozère pourrait recevoir le grand parc nationalfrançais », Le M onde , 25 février 1957.

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Des terres grand ioses et désertiqu es, de vastes espaces propices à l’im plant atio n du prem ierYellowstone français 3. Tel est l’arg um ent aire dévelop pé par le jour naliste Jean Couvreur,pou r relayer l’ idée lancée en Lozère de créer le « gran d parc nat ion al cultu rel français quimanquait encore à notre pays » (ibid.). Il est question, donc, de territoires périphériques,voire « étrang ers », que le stat ut de parc national, conçu comm e sanctuaire de la nature,permettra de réintégrer au cœur de la Nation, dont i ls feront – renversement de l ’His-toire – enfin la f ierté. M ais l ’art icle invite également le lecteur à s’émo uvoir de l ’ init iativede ces Lozériens de l’arrondissement de Florac, reflétan t « l’ état d ’esprit de ces communau tésdispersées, prises ent re la volo nté de se main tenir et la peur de disparaître » (ibid.). I lserait d onc aussi questio n, dans ce projet d e parc natio nal, de gens, habi tan ts ou usagers,qui souhait ent con tinu er à vivre sur ces terres perdues et tent ent d e faire face à la « crise »dans le « grand désert cévenol » .

Crise il y a, en effet, dans ces hautes Cévennes, depuis quelques décennies déjà. Les his-

toriens, s’appuyant sur la m émoire collective (Jout ard, 1979 : 28), situent en 1914 la rupt urevécue d’avec un t emps de relat ive prospéri té, lorsque le départ des homm es au fro ntrévèle, au sens photographique, l’effond rement démographique. Les difficultés de l’économ ieagricole – dont l ’élevage du ver à soie et la cultu re du châtaignier constituaient au trefoisles principales sources de richesses – se sont aggravées entre les deux gu erres. L’ém igrat ionvers les vallées industrielles et les cent res urbains s’accélère jusqu’à l’exod e. M ais auto urdes haut es terres, le déclin est égal em ent p erceptible : ruin e des filatu res, crise du t extil e,crise des industries extractives (charbon, minerais) et métallurgiques.

Pourt ant , si dans ces années 1950, en Cévennes comm e en d’aut res régions rurales, dominele sentim ent de fin d’ un m onde, la période est également m arquée par un désir de « re-naissance » 4, qui s’articule avec le fort récitcollectif de la reconstruction nati onale. C’estdans ce contexte am bivalent que certainsrevendiquent en Cévennes un statu t de pro-tect ion pou r les haut es terres. Di f férent sprojets de parc national sont ainsi form ulés,port eurs chacun d’u ne concepti on singu lière de la renaissance à faire adv enir. Ces projet s,curieusement , sont d’ abord i nit iés et por tés par des « no n nat ifs », des Cévenols d’ascen-

dance ou seulement d ’ado pt ion, avant de tro uver, dans la décennie suivante, de véritablesrelais locaux.

La not ion de « m ouvem ent cévenol » pour la création d’u n parc national, souvent reprisedans l’histori ograp hie, m érite ainsi d’être fort ement nuan cée et précisée, car elle imp liqueune vision faussement hom ogène et unit aire de cette histoire. Ce « m ouvem ent » fut enréalité pluriel, comp osé d’orientation s parfois complém entaires, souvent contradictoireset con flict uelles. En revanche, 0livier Poujo l a raison d e soulign er le fait que les Cévennes,de mêm e que d’autres « arrière-pays » ruraux, furent un « laboratoire où bo uil lonnaient

les idées et les interrogations sur l ’avenir [… ]. Sans le mouvem ent m il i tant des années1955 -1965 , dans les Alpes et dan s les Cévennes, on peut se demander si on aurait suinscrire, com m e il fut f ait, des Parcs nat ionau x dans l’am énagem ent du t erritoi re » (Poujo l,199 2 : 139).

3 - Yellow stone, premier parc nati onal au monde, a été créé aux État s-Unis en 1872.4 - En témoi gne cet arti cle paru dans Le M onde vers 1956 : M ichel-P. Hamelet , « La Lozère ne veut pas mourir ! » [AD, fonds Bieau].

    [     A    D ,

    f   o   n    d   s    B    i   e   a   u    ] 

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C h a p i t r e u n

La ma t u ra t io n d ’u n p ro je te n Lo z è re (1956-1960)

Le Parc national des Cévennes est souvent considéré comme un parc lozérien. Non passeulement parce que sa zone centrale s’étend p rincipalement sur le départem ent d e la

Lozère, mais parce que sa création m ême aurait été originellement conçue et m enée àbien p ar les Lozériens. Si cett e affirm ati on m érite d’ être nu ancée, la Lozère a été, en eff et,le second d épartem ent f rançais, après celui de la Savoie en 19 55, à form uler pub liquem entle vœu de recevoir sur son territoire un parc nation al. Ce vœu résulte d e la conjonctionentre un projet d e développement économ ique port é par Charles Bieau, avoué à Florac,et la volon té d’u n sous-préfet engagé dans les problèm es d’am énagement des zonesrurales, Jean Corbillé.

Le parc forestier de Charles Bieau

Charles Bieau (1925 -199 3) est n é à Saint -Gilles-du-Gard, près de Nîm es, d’u ne fam ille ca-tholique, mais avec quelques ascendances protestantes du côté de Florac, où il s’établitcomm e avoué en 1948, avant d’ouv rir son cabinet d’ avocat. Il évoque pour la prem ièrefois l’idée d’un parc nat ional en Cévennes en 1956 , dans deux art icles parus respectivem entdans le M idi Libre 1 et la Revue de l ’économ ie méridionale 2. Il faut cependant , se report er

à la thèse de doctorat de droit qu ’ i l a sout enue à M ont pell ier en 1955, pour com-prendre la nature du parc projeté.

L’objectif d e la thèse, int itu lée L’Équili- bre agro-sylvo-pastoral dans l’arrond is- sement de Florac , est clair et annoncé

1 - « Florac, Parc national », M idi L ibre , 2 juin 1956.2 - Charles Bieau, « Le reboisement », Revue de l’économie 

méridionale , Montpellier, juillet-septembre 1956, t. IV,n° 15, p. 273-294.

La soutenance de thèse de M e Bieauannoncée par le M idi Libre (22 mai 1956)

    F   r   a   n   c    i   s    M

   a    t    h    i   e   u

    C    R    P    F

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     4    8    ] 

Charles Bieau

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dès l ’ introduct ion. I l s’agit de d éfendre l ’ idée de la vo cation f orestière et, secondairem enttou ristique, de l ’arrondissement de Florac, soit de la « basse Lozère » :

« Il est dans not re intentio n de met tre en relief dans l’arron dissement de Florac, l’œu vre accompliepar le Fonds forestier nat iona l, depuis sa création . Le reboisement est seul capabl e, dan s cettepart ie incontestablem ent la plus pauvre de la Lozère, de rétablir l ’équ ilibre agro-sylvo-pasto ralet prom ouvoir u ne renaissance, non p as seulement de l ’agriculture m ais encore de l ’ensemb ledes activités économ iques de la basse Lozère 3. »

Créé en 1946 par un vot e de l’Assem blée nationale constit uante, le Fonds forestier national(FFN) est un out i l confié à l ’ adm inistration des Eaux et Forêts pour t enter de rem édier aum anqu e de bois nécessaire à la reconstru ction . Il édicte un ensemb le de mesures incit antles propriét aires privés à mener des opératio ns de reboisement , to ut en conf iant la gestionde leurs terres à l’État. Selon Charles Bieau, cet instrum ent d oit égalem ent servir le déve-

loppement régional par le reboisement spéculatif. Passant sous silence l’histoire longuedes lutt es locales pour la maîtrise de « l ’arbre », face not amm ent à l ’adm inistration fo -restière, Charles Bieau se fait l ’ acteur d’ une pro pagan de – do nt sa th èse n’est qu e la pre-mière pierre – pour vaincre « l’ ignorance » des Cévenols, responsable selon lui de leurhosti l i té p ersistante vis-à-vis du reboisement.

La not ion d ’« équil ibre agro-sylvo-pastoral », centrale dans la th èse, est une no tion à lagénéalogie com plexe, que l’ on retrouve aussi bien chez les forestiers que chez les biolog istes(Nougarède, 1994). El le évoque l ’ idée d’une harmonisat ion spat ia le des product ionsagricoles et forestières. Selon Charles Bieau, cet équ ilibre po urrait être obt enu dan s l’ar-rondissement de Florac par l’association de trois unités paysagères ayant chacune une« vocatio n propre » : les gorges du Tarn seraient dédiées au to urisme et au m araîchage ;les Causses au pasto ralisme, avec un reboisem ent p arti el ; tan dis que les Cévennes lozé-riennes, au sol pau vre et faib lem ent p euplées, seraient enti èrement vou ées à la forêt . Làserait con stitu ée une « vaste réserve forestière » sur le modèle des parcs nationaux anglai s,où « la forêt est gérée en vue de la production du bo is, m ais am énagée pour le tourisme » 4.De « m agnifiq ues réserves de chasse » seraient env isagées, « où le cerf et le m ouflo npourraient être sûrement réintroduit s », de mêm e que des « réserves de pisciculture ».Enfin, dans ces « zones de reboisement intensif », l ’État devrait prendre en charge « la

subsistance des populations », car « le tou rism e apporte aut ant à l ’économ ie généraleque locale ».

La terminologie, les limites et le statut assignés au parc apparaissent très flous dans ceprojet : on ne com prend pas très bien, en fin de compt e, si le parc national désigne l ’ar-rond issem ent d e Florac ou les seules « Cévennes histor iques » d évolues à la fo rêt. Cett eimp récision est une caractéristique comm une à l ’ensem ble des textes relatifs aux parcsnationaux publiés en France durant cette période, où les référents juridiques n’existentguère et où tou t est à inventer. M ais un défaut de clarté apparaît surtout dans les motivat ions

de Charles Bieau, notam m ent lorsqu’i l défend de m anière contradictoire le « to ut reboi-sement » et l ’équi l ibre social . D’une part , la forêt est considérée comme un élément« d ’équil ibre social indispensable », el le serait « repeuplante » par les revenus qu’el leserait susceptible de procurer, mais dans le m ême t emps, l ’ im m igration des agriculteurs

3 - Charles Bieau, L’Équilibre agro-sylvo-pastoral dans l’arrondissement de Florac , thèse de doctorat de droit, M ontpellier, 1955.Consultée au cent re de documentati on de Génolhac.

4 - Revue de l’économie méridionale , 1956, p. 294. Les citat ions qui suivent sont i ssues de cet article.

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cévenols est clairement encourag ée. Charles Bieau approu ve ainsi la poli tiq ue du déput éPomaret 5, visant à « reclasser des agriculteu rs cévenols dans le M idi » .

Dans la pensée de Charles Bieau, la notion de rentabilité semble primer sur le souci deprot éger la natu re ou de préserver les paysages. Ainsi défend-il, à l’instar d e l’adm inistrat ionforestière, la plant atio n de résineux, qui fait po urtan t alors débat. Quant à l’aspect cultureldu projet de parc, il se réduit aux pot entialit és tou ristiques d’un e mise en valeur de « l’épo-pée des Camisards » (Charles Bieau est secrétaire général du Syndicat d’ init iative deFlorac). L’avoué ap paraît ainsi comm e un continuat eur de l ’ id éologie élaborée depuis laf in du 19 e siècle par le tourisme de nature, les forestiers et un certain régionalisme, telque celui du Club Cévenol. Dans cett e concept ion d’ un parc nat ional d estin é à développ erl ’œuvre de reboisement, s’entrem êlent l ’adhésion au récit du progrès, qui condam ne l ’an-cienne ag riculture, et les int érêts personnels d’un propriétaire t errien. M aître Bieau, eneffet, a expérimenté sur son domaine lozérien du Puechauzier, à Saint-Julien-d’Arpaon,

les difficult és du reboisement f ace aux raisons du pastoralisme : sa propriété nouvellementplantée grâce aux subventions du Fonds forestier national a ét é détruite par u n écobuage« in considéré ».

Une lett re adressée à Pierre Ritt e en 1958 éclaire le rôle décisif que cet événem ent a jo uédans la longue m obil isation de Charles Bieau en faveur d’ un p arc national 6. Dans cett elettre, Bieau évoque to ut d ’abord u n int érêt précoce pour l ’agriculture (i l semble qu’ i l aiteu une vocation contrariée pour la viticulture), qui l’amène, arrivé à Florac à s’intéresserspécialem ent à la forêt, qu’ i l considère « com m e la seule activité économ ique possibledans ce pays, tout au m oins à t i t re de base ». Il décide alors de « don ner l ’exemple » , enachetant un terrain de 70 h ectares qu’ il s’em ploie à planter, en incitant d’aut res propriétairesde ses clients à reboiser, et en se faisant no mm er, en 1953, expert du Fond forestier nat ional.Lorsque sa plant ation brûle entièrement (f in 1955 ou début 1956), Bieau se persuade del’ imp ossibi l i té du reboisement « tant qu’une o rganisation d’ensemble de l ’arrondissementou bien ent endu des Cévennes ne m ettra p as fin à la produ ction des feux de landes oufeux pastoraux, par éducation d es bergers ou leurs transform ation en exploitant s du tou-risme 7 ». Par ailleurs, l’ in cendie de sa prop riété – espace « tém oin » de l’œ uvre de reboi-sem ent – semble avo ir exacerbé chez lui une sensibilit é paysagère (émail lée de référenceà l’humanisme de Jean-Jacques Rousseau ou de Jules Michelet) fondée sur l’amour de

l’arbre et do nt l e coroll aire est la « h aine de la lande », le rejet des milieux ouvert s, assim ilésau désert et à la sauvagerie. Le geste du p lanteur d’arbres est chez lui com parable augeste hautem ent civilisateur du paysan. Cett e dim ension sensible incite à ne pas voir dansce projet de parc forestier que la défense d’u n int érêt catégoriel. Selon le tém oign age d’unancien instituteur p rotestant , correspondant au M idi Libre dans cett e période, les écobuagesexagérés responsables de violents incendies étaient une réalité face à laquelle « on nepouvait q u’être pour le parc » à cette époque 8. Cet institu teur m et en cause – selon unereprésentatio n répandu e – l ’ identit é pastorale des Cévenols, qui, de ce fait, « n ’aim aientpas la forêt » . Par leurs travaux, les sociologu es ont beaucoup nuan cé cett e lectu re « an-

5 - Charles Pomaret (1897-1984), député socialiste de la Lozère (1928-1942), fut sous-secrétaire d’État à l ’Instruction publique du gou-vernement Laval en 1931, ministre du Travail en 1938, ministre de l’Intérieur puis du Travail du premier cabinet Pétain en 1940.Voir Gilles Le Béguec, « Charles Pomaret et l a jeunesse polit ique de son t emps », dans La Vie politique en Lozère entre 1815 et 1939 , M ende, conseil général de l a Lozère, 1992, p. 33-40.

6 - Brouillon, non daté [AD, fonds Bieau, 21J5]. Pierre Ritte est alors délégué régional à l’Assemblée permanente des présidents dechambres d’agriculture (APPCA).

7 - Ibid.8 - Témoignage de M . Bourdon, recueilli par Pierre Gaudin et Claire Reverchon, dans M émoires du Parc national des Cévennes , rapport

de recherche, 1983 [CD].

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thropologique » du rapport des éleveurs à la forêt, en mont rant not amm ent que l’oppositiondes sociétés locales à l’œ uvre forestière de reboisement tena it davan tag e à la cohérencedes systèmes agraires montagnards qu’à une host i l i té montagnarde fondamentale àl ’égard de la fo rêt (Larrère et al i i , 1981). M ais l ’ intérêt de ce témo ignage est de révélerl’existence, dans ces années 1950, d’une différence de perception et de sensibilité entreles paysans éleveurs et un e parti e des élites, chez laquelle a émerg é un « sentim ent d e lanature » dont l ’arbre, même plant é de la main de l ’hom m e, est le symb ole par excellence.

De Charles Bieau, on peut d ire f inalement, qu’i l est un hom m e qui adhère à son tem ps.At taché à la t erre de ses ancêtres mais saisissant parfait ement l ’évolut ion sociologiquecévenole, il ne cherche pas à la com bat tre, mais à l’an ticip er. Il ne s’ad resse pas tant auxpaysans – qu ’i l pense condam nés par l ’histoire, à moin s d’une reconversion d ans la fo-resterie – q u’aux propriétaires fonciers non résidents et à u ne catégorie émergente de« no uveaux Cévenols » : les résident s secondai res.

Les relais lozérie ns

Les sociét és d’am énage me nt et d’économie localesM aître Bieau diffuse son pro jet d’abo rd par le canal des groupem ents économ iques ré-gionaux et départem entaux, dont certains dir igeants auront un rôle essent ie l dans lesoutien au projet de parc national jusqu’en 1970.

On peut citer tout d’abord le Centre régional de la produ ctivité et des études économ iquesà M ont pellier, présidé par l’ économ iste Jules M ilhau, qui a dirigé la t hèse de Charles Bieau.Par son int erm édiaire, Bieau entre en cont act avec Philip pe Lam our, directeur d e la Com -pagnie d’am énagement d u Bas-Rhône-Languedoc, et lui présente son projet :

« J’ai l ’ho nneur de vous comm uniquer m a th èse en do ctorat en droit . M . le Professeur JulesM ilhau m ’a dem andé de vous adresser cet ou vrage, ce que je fais d’autant plus volont iers quemo i-mêm e Saint-Gil lois et ayant t oute ma famil le dan s la région où vous êtes, je considère queles prob lèmes d’am énagem ent d es zones forestières où je suis et des zones irrigab les qui sontvotre préoccupation, sont liés 9. »

Le Centre région al de la p roduct ivi t é est également patron né par l ’ab bé Fél ix Vial let ,déput é de la Lozère, lequel préside une Com mission fo restière au sein du Com ité d’expansionéconomique de la Lozère, dont François Brager est le secrétaire. Ce Lozérien d’origine,ancien mi litan t de la Jeunesse agricole cath oliqu e (JAC) s’entho usiasm e pour le program m ede reboisement et le projet d e parc national, qu’ i l vo it sans doute dans la perspective dela m odernisation du m onde rural, et à la réalisation duquel i l ne cessera d’œ uvrer.

François Brager (1924-2001)François Brager est né à Ispagnac (Lozère) le 25 mars 1924, dans une famille paysanne

de six enfants. Dans les années 1950, il s’engage dans la Jeunesse agricole catholique(JAC) où il ren contre sa fu tu re épouse, Janine, avec qui il part age les mêm es passions pourla Lozère et son monde agricole. Il siège ou dirige de nombreuses structures au traversdesquelles il part icipe intensém ent au soutien et à la m odernisation de la Lozère rurale.Fon dat eur av ec Paul Flayo l de la SAFER Lozère (la prem ière en France et la seule d e com -

9 - Correspondance Bieau-Lamour, 26 janvier 1955 [AD, f onds Bieau, 21J5].

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pétence départem entale), il la dirige de1961 à 1 985. Il est adm inistrateur duCentre national pour l ’amélioration desstructu res agricoles (CNA SEA) d e 197 0à 198 0. Il préside également le syndicatrégional d’émigrat ion rurale et est encharge à ce ti tre du reclassement desrapatriés d’Af rique du N ord en Langue-doc-Roussillon . Enfi n, il préside duran t37 ans les organism es HLM de la Lozère,faisant construire plus de 1 800 loge-ments.À partir de 1970 , François Brager occupede nom breux m andats électifs, gravis-

sant les échelons de la représentationrégionale. M aire d’Ispagnac, de 1971 à2001, il entre au conseil général de laLozère en 19 82, dont i l devient le pre-m ier vice-président de 1985 à 1994 p uisle président de 1994 à 1998. Désignéreprésentant de la Lozère au Conseil ré-g i ona l du Languedoc-Roussi l l on de1973 à 1986 , il y est élu en 1986 et vice-

président aux côtés de Jacques Blanc jusqu’en 2001.Sa carrière et ses action s reconnu es lui on t valu p lusieurs distinct ions nat ional es. [Source :Dani el Travi er.« I l ét ait ce qu’o n po urrait app eler un pur pro duit de JAC. La JAC était t rès imp ortant e,en ce tem ps-là, la Jeunesse agricole chrétienne. C’était chrétien et c’était ce qui a fait fairele passage de l ’agriculture et de la vie d’aut refois. C’était presque un peu une révolut ion,ça a amené les gens à vouloir évoluer [… ], à passer d’un certain stade à un aut re. [… ]Ce qui v eut d ire que, pou r nou s, presque to ut ce qu’on a fait après – y com pris la SAFERpour François, y compris m oi à la coopérat ive d es art isans – a t oujou rs été rel ié à cequ’ avait ét é pour no us la JAC. On peut dire que cela a été un peu no tre base de réflexio ns,

d’act ions. » (Janin e Brager, entr etien, 26 jui llet 2 005 )

Il faut m entionner enfin, parmi les groupement s qui apportent leur soutien à m aître Bieau,les Sociétés civi les forestières, que Bieau vou drait voir se m ult ipl ier. I l a parti cipé à lacréation de l’une d’entre elles, la Société civile du Bougès qui est administrée par PierreMeynadier, officier à la retraite et actif Cévenol à Paris et qui sera, jusqu’en 1960, l’unede ses principales « ressources » po ur l’ava ncée du proj et de par c.

Le rela is adm inistrat if et politique : vœu du conseil géné ral de la Lozère, 24 no-

vembre 195 6Le projet de m aître Bieau a surtout la chance de rencontrer l ’appui d’ un représentant del’État dont on a beaucoup souligné la personnalité, Jean Corbil lé, nomm é sous-préfet àFlorac de 195 5 à 195 8. Ce dernier était sans dout e disposé à prêter à ce projet un e oreilleatt entive, puisqu’il était alors mem bre de la Départem entale, l’ancienne Directio n généraledes collectiv ités locales, qui tra vaillait en liaison av ec l’Association des maires de Franceet l’A ssociation des présidents de conseils généraux aut our des problèmes de dépopulat ion

Françoi s BRAGER    P    N    C

     (    L    i   v   r   e    d   e

    F   r   a   n   ç   o    i   s    B   r   a   g   e   r   s   u   r    I   s   p   a   g   n   a   c    )

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rurale 10 . Charles Bieau, qui se présente à lui avec sa thèse et sa documentation sur lesparcs nation aux euro péens, sait le convaincre. Jean Corbillé ne se cont ente alo rs pas d’ap-puyer le projet de Parc nation al des Cévennes, mais il s’en emp are véritablem ent. Il obt ientd’abord un vœ u du conseil général de la Lozère, puis coordonne l ’élaboratio n du rapportà remett re au préfet et sa publication en 19 57 sous la forme d’un e brochure, m obil isantses réseaux, veil lant m ême – an onym ement – au contenu des inform ations diffu sées parvoie d e presse :

« Cher am i, après avoir lu vo tre art icle ce mat in et relu celui de Lozère républi caine, j ’ai pen séque vou s n’avez pas répondu exactement à to utes les objections qui se manifestent actuellementà l’encontre d e notre p rojet. Aussi ai-je préparé un p rojet d’ article que vous pourriez faire publiersi vous étiez d’accord, mais pas sous mo n no m ! 11 »

Au-delà de la personnalité de cet homme, se dessine l’ importance, dans l’après-guerre,

des agents préfectoraux dans les projets de développement rural. Ce n’est ainsi proba-blement pas tout à fait un h asard si, à la m ême époqu e, dans le département des Basses-A l p e s , u n a u t r e s o u s - p r é f e t , Pi e r r e D e g r a v e, a c co r d e s o n c o n c o u r s a u x p r o j e t sd’am énagement et de développement p roposés par une association, que l ’on retrouverasouvent liée à l’histoire de l’ invention du Parc national des Cévennes : Alpes de Lumière(Basset, 2009). I l semble que nombre de représentants de l ’État conservaient, à cetteépoque, l ’esprit des Com m issaires de la Répub lique de la Libération , dont le rôle étaitavant t out de coordonner l ’ init iat ive régionale. Période où se concil iaient h eureusement,en apparence, la volont é de régionalisation et de d écentral isation et le renforcement ét a-tique.

Grâce à l’appu i du sous-préfet et sans doutede que lqu es-unes des no t ab i l i t és lozé-riennes précédemm ent présent ées, CharlesBieau obtient don c du conseil général de laLozère (sur p ropo sition de son président, P.Monestier), un vœu pour la réalisation deson pro je t , ici désigné sous le term e de« Parc cultu rel département al ».

Vœu d u conseil général de la Lozèrepour un Parc culturel départemental » (24 no-vembre 1956)« - Considérant qu e des étud es ont été entre-prises dan s d’aut res régions de France et d ansdes pays étrang ers en vue de la création de p arcsnationau x culturels,

 – consid ér an t la nécessité de m én ager dan s le

territoire m étropo litain d es zones où les citadin spourro nt retrou ver périodiquement le libre exer-cice de leurs aspiratio ns physiques et m orales,

10 - Jean Corbill é, « Florac 1955-1958 : souvenirs d’ un sous-préfet », Causses et Cévennes , numéro spécial « Pellet , Richard, Bieauet les aut res », t. XVII, n° 1, 1992, p. 132-134. J. Corbillé a également conté son expérience cévenole dans un livre de mémoi res,intitulé Contes préfectoraux , Éditions France Empire, 1989.

11 - Correspondance Corbillé-Bieau, 2 avril 1957 [AD, fonds Bieau, 21J5].

 J ean Corbillé, sous-préfet de Florac, congrès de Club Cévenolau Pompidou, le 8 septembre 1957. Discours à la pose de la

première pierre de la colonie de l’A.G.A.P.

    C    l .    R   o    b   e   r    t    L   a   v   e   s   q   u   e ,

    C   o    l .    M

   u   s    é   e    d   e   s   v   a    l    l    é   e   s   c    é

   v   e   n   o    l   e   s .

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 – consid ér an t qu’une gran de part ie du dép art em en t de la Lozère sem ble part icu l iè rem en t seprêter à la dél imitat io n et à l ’am énagement d ’un t el parc par suite de son dépeuplement, de labeauté de ses sites qui n’ont pas encore été atteints ni par les grands courants touristiques nipar la civil isation industrielle,

 – consid éran t que l e rebo isem en t et le t ouri sm e séd en tai re peu vent seu ls donner à ces hautes

terres un équil ibre économiq ue qui leur permett rait de conserver leur populat ion et de ne plu sêtre à la charge de l’économie nationale,émet le vœu, que la création d’un Parc national culturel soit étudiée par les services compé-tents. »

On reviendra plu s loin sur cette désignati on qu i n’app araît pas dans les arti cles ant érieursde Charles Bieau. De manière générale, on ne p eut q ue not er la t onalité sensiblement dif-férente que ce vœu im prim e au projet de l ’avoué d e Florac : on n’y reconnaît guère sesform ulation s. L’ inspiration est ai l leurs – et l ’o n peut penser que le sous-préfet Corbil lé n’y

est p as étranger – et se réfère explicitement au m ouvem ent d’ opinion en faveur des « Parcsnationaux culturels » que l ’on voit émerger depuis le début des années 1950 (voir plusloin dans la m ême partie, chapitre 3). Cependant, c’est surtou t u n choix économ ique pourla Lozère qu’af firm e ici le conseil général, celui de la forêt et du t ouri sme. Car en 195 7, lereboisement est au cœur des investissements envisagés par le Comité départementald’expansion économique d ans le cadre de l ’avant-programm e de mo dernisation et d’équi-pem ent du b as-Languedo c étab li par le Com m issariat général au Plan 12 . L’an née suivant e,le Program m e d’action régionale Languedoc est appro uvé par la préfecture de la Lozère,qui souligne l’ im port ante et l’urg ence du reboisement en Lozère 13 . Charles Bieau bén éficiedonc d’ un cont exte très favorable pour son projet d e parc forestier.

Les relais médiat iquesIl faut enf in évoqu er, parm i les relais du pro -

 jet de Parc des Cév en nes, l ’appui des m é-dias, que Charles Bieau a immédiatementrecherché. Le quo tidien régional M idi Libre ,not amm ent, n’a cessé d’être soll icité pou rla propagande en faveur du parc. Mais lapresse nat ional e n’est p as négl igée. Dès

1957, les Lozériens obtiennent du patrondu journal Le M onde , Hubert Beuve-Méry,l’envo i du journaliste Jean Couvreur. Beuve-M éry aime p ra t iquer la marche en mon-tag ne et s’int éresse à la questio n des parcsnation aux, dont i l discute notam m ent avecGilbert André, prom oteur d’un parc nationalen Savoie. Côt é lozérien, il est pro che de lafamil le du chanoine Osty (auteur d’une t ra-

duct ion com plète de la Bible qui paraîtraen 19 70) , dont le neveu Jean Osty, p lusconnu sous le nom de Lartéguy, est jo urna -

12- Correspondance Brager-Bieau, 2 avril 1957 [AD, fon ds Bieau,21J5].13 - Le 31 décembre 1958 [AD, 21J5].

Le M onde , 25 février 1957

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l iste 14. Dans les années qui suivent, le « Parc national des Cévennes » fait l ’objet dem ultiples articles dans la presse quotidienne o u p ériodique.

Vers un Parc nat iona l culturel des Céve nnes

L’Associat ion d u Parc nat ional culturel Céve nnes-Lozère(mars-novembre 1957)Une Associat ion p ou r un Parc nat ion al cult urel Cévennes-Lozère (APNCC-Lozère) est crééeau m ois de mars 1957 . Elle regroup e auto ur du p résident Charles Bieau les conseillers gé-néraux du t erritoi re du fut ur parc, le sous-préfet Corbillé et quelqu es not ables de la régionde Florac 15 . Il s’agit de la première associatio n en France dont l’ob jectif est de prom ouvo irla création d’u n parc national 16 . Elle m aintient son existence jusqu’à la création effectivedu PNC et af f irm e, en 196 9, une continuit é idéologique, m ais aussi de buts et de m oyensavec l ’ institut ion en passe d’être créée 17 .

O n v e r r a , e n e x a m i n a n t l ’ h i s t o i r e d el’A PNCC durant ces dou ze années, que cett econtinuit é doit être largement nuancée.Ent re mars et décembre 1957, Charles Bieauparvient à réuni r une cent aine d’adh ésions.Celles-ci proviennent essent iellement d’élusd u d é p a r t e m e n t d e l a Lo z è r e (m a i r e s,conseil lers généraux, sénateurs), puis defonction naires des adm inistrations territo-riales (sous-préfecture, ma iries, Inspectiongénérale de l’Instruction publique, Inspec-tio n des M ines etc.), ainsi que d e not ables lozériens (professions jurid iques, com m erçants,retraités de la fonction p ublique, m ais aussi, préfigurat ion d’ un m ouvem ent à venir, quelquespasteurs). Les archives de m aître Bieau révèlent que ce « recrutement » s’est opéré parf oisde m anière volont ariste : ainsi les conseil lers généraux en exercice ont-i ls été systémati-quem ent soll icités pour la constit utio n de l ’A PNCC.

Le projet de Parc nationa l et sa pré senta tion o fficielle(mai -novembre 19 57)

Un premier document de présentat ion duprojet de parc nat ional est réal isé dès leprintemps 1957, avec le concours de Ray-m ond Prieur, inspecteur de l’ Enseignem entprim aire et d e Pierre Pouj ol, un « Lozérien

14 - Voir « En Cévennes à pied », interview de Hubert Beuve-Méry, Cévennes , revue du Parc national des Cévennes, n°3, dernier trimestre 1974, p. 17. Jean Lartéguy publie en1961 un long article au t itre évocateur sur le projet l ozérien :« Dans les Cévennes qui retournent rapidement au désert,

un petit avocat de Florac décide de créer la pl us belle réservede France », Candide , 6-14 juillet 1961.15 - La direction de l’APNCC est composée comme suit : « Le

Président de cette association est Charles Bieau, avoué plai-dant à Florac ; la vice-présidence en a été confiée à RaymondPrieur, inspecteur de l’Enseignement prim aire de Florac [Raymond Prieur] et au Chef de Distri ct des Eaux et Forêts(M. Lamouroux] ; plusieurs vice-présidents ont été désignés et parmi eux tous les conseillers généraux oùs’étendrait l e futur Parc M M . [M ersadier, M onestier, Jouanen, Dolladill e]. » Statuts de l’A PNC-Lozère [AD, 21J2].

16 - Statut s de l’A PNC-Lozère[AD, 21J2]17 - Cévennes et M ont Lozère , n° 18, 1959.

Pierre Poujolavec sa petite-fil leà Vébron, 1960.

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de Paris », professeur d’ histoire et de g éographie. Ce rapport est présenté en m ai 1957au préfet Louis-Germain Séguy et au Conseil général de la Lozère par Jean Corbillé. Ilassocie au texte de Charles Bieau, déjà présenté, un début d’ inventaire du patrimoinenaturel et cult urel de la région de Florac et contient quelques éléments d’un projet d’ équi-pement éducatif (projet de lycée clim atique, création d’ institu ts universitaires spécialisésdans les sciences de la n atu re). Par ailleu rs, les lim ites du parc précon isé ont été revuespar rapport à 1956. Le Causse, notam m ent, en est exclu :

« Le parc s’étendrait sur tou t le m assif du m ont Lozère, les Haut es Cévennes lozériennes et lapente nord d u m ont Aigou al ; le périmètre a été étudié de m anière à écarter les environs desexploitations minières. » (Parc nat ion al cult urel Cévennes-Lozère , ma i 1957)

Pourquoi un « parc nat ional » ?On peu t se poser la qu estion, car,

tout en préconisant « l ’adopt iond’une form ule de parc nat ionaltrès éloignée de la concept ionaméricaine », l’association reven-diqu e à plu sieurs reprises de nepas innover et de se contenter deréclamer l ’application et la coor-d i na t i on d e m esu res p réex i s -tantes pour l ’aménagement desCévenn es lozériennes. Le t erm ene para î t avo i r é té cho is i quepour la « curiosité » qu’il est sus-ceptible de susciter aup rès du pu-b lic :

« M ais l’aspect le plus nouveaude ce plan est p eut-être son nommême de “ Parc na t ional ” , qui ,par la curiosité qu’i l éveil le dans

le grand public, ne peut qu’ aug-menter l ’att rait de ce public pourles choses de la natu re et sur unplan p lu s prat ique favor iser leto urism e en Lozère. » ( Ibid.)

Un second docum ent, nettem ent plus étoffé, est adressé au préfet Séguyà l’aut om ne 1957. C’est ce second rapport qui constitu era désorm ais le program m e officielde l’A PNCC. L’étude est m ise sous presse avec le concou rs de la Com pagn ie pou r l’am é-

nagement de la région Bas-Rhône-Languedoc (une p etite p articipation financière), sousle t i t re : Le Parc nat ion al cult urel des Cévennes (1958, imprim erie Chaptal, M ende) 18 .

Le contenu docum entaire de l ’étude (la présentation du fu tur t erri toire parc en terme géo-graphiq ue, biolo gique, économ ique et historiq ue) est la part ie la plus travaillée par rapport

Le Parc national culturel des Cévennes , brochure de 1958

18 - Le texte en a ét é republié par Charles Bieau dans Cévennes et M ont Lozère , n°18, 1969, p. 9-31.

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au docum ent p récédent. En effet , d’aut res spécialistes sont venus se joind re à Pierre Pou jolet Raymon d Prieur, don t d eux nat uralistes, le pasteur Duckert d e Florac, ornit holo gue, etM aurice Chauvet, président de la Fédération des Syndicats d’ini tiat ive Languedoc-Rouergue-Roussillon (ESSI). Deux au tres nom s apparaissent parm i les collaborat eurs : Jean Pellet etPierre Richard, tout deux érud its et m édecins généralistes, respectivem ent à Genolhac(Gard) et au Vans (Ardèche). Ent re mars et no vem bre 195 7, il y a eu en effet une rencont reavec ces m il i tant s qui préconisent pour leur part un parc natio nal dans la région orientaledes Cévennes, et qu e nous présenteron s au chapitre suivant . De cett e rencont re et de lafusion des deux projets au sein de l’association présidée par maître Bieau, le rapport denovem bre 1957 cont ient encore peu de traces, hormis l ’ indication q ue les l imit es globalesdu parc seront « revues prochainement » et la suppression, dans le nom de l ’association,de la précision départementale. L’APNCC-Lozère se nomme désormais Association pourun Parc nat iona l cult urel des Cévennes.

En revanche l’expo sé sur l’object if du p arc (le reboisemen t d’ une vaste zone en Cévenneslozériennes) et sur ses m ot ivati ons essentielles dem eure inchang é. Cett e perspectiv e éco-nom ique, long uem ent dét aillée, l’em port e de loin sur les quelques considération s relativesà la prot ection de la f lore et de la faune, auquel s’ajoute, pour le « cult urel », le dévelop-pement d’un argu m entaire à tonalité hygiéniste (les bienfaits de la m ont agne pour la ré-génération du p euple français), qui est un véritable l ieu com mu nde l’époq ue. L’A PNCC se pron once enfin p our la p réservatio n dudroit de chasse (dont la pratiqu e devrait être seulem ent régulée)et pour la création de réserves de chasse avec mesures de re-

peuplement du gibier.Les premières réactions locales au pro jet de m aître Bieau

Maître Bieau a reçu un nombre important de courriers en réaction aux comptes-rendusparus dans la presse locale, région ale et nat iona le du proj et de Parc natio nal cult urel desCévennes. On peu t en évoqu er quelq ues-unes parm i les plus significat ives. Les réaction s

Un extrait de la brochure de l’APNCC,avec photo d’int érieur cévenol(reproduction dans Cévenneset M ont Lozère , 1968)

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sont plu tôt posit ives du côté des élus lozériens, dont beaucoup adhèrent à l ’association.Certains évoquent tou tefois la nécessité d’ élargir le terri toire du p arc à l ’ensemble de laLozère, com me ici Jacques D’Alteroche, conseiller général du canton d’ Aum ont et inspecteurde la Sécurité sociale :

« À mon avis, le territoire inclus n’est peut-être pas suffisamment vaste, et certaines espècesrisquent de ne pas supporter le climat quasi méditerranéen des Cévennes. Une annexe de ceparc ne pourrait -elle se concevoir en Haute-Lozère ? La région M argeride-Palais-du-Roi-Saint -Amour représente un vaste territoire, au climat froid certes, mais pas davantage que celui decertaines régions d’Europe centrale o ù vivent en liberté cerfs, rennes et au tres animaux de climatfroid.

De tou te m anière vot re idée est excellente. La Lozère, et i l faut le souhait er, est ap pelée dan sles ann ées à venir à un reboisement int ensif. La présence d’un p arc nation al ne peut q u’êt re un

attrait supplément aire pour le touriste 19 . »

Les réactio ns d’u sagers et d ’habi tant s sont encore peu nom breuses. Parm i elles, il convientde citer la longu e lettre qu’ Ém ile Servière, maire du Pont -de-M ont vert, au cœur de la Cé-venne pro testant e, adresse à maître Bieau, en réaction à l’art icle de Jean de Bossis intit ulé« Pour un désert vivant, le projet de parc national en Lozère », paru dans L’Auto-Journal du 25 m ai 195 7. Ém ile Servière, sans s’oppo ser au pro jet de Charles Bieau, mani feste soninquiétud e quant à la confusion que l ’art icle du journaliste provoquerait entre le « parcen général et les réserves à l’ intérieur de ce parc ». Il ne s’agirait pas de faire de tout leparc un « sanctuaire de la nat ure », comm e semble l ’ent endre le journaliste, et i l fau draitm ême pren dre soin d’exclu re des quelq ues réserves prévues pou r constit uer de tels sanc-tu aires to us les villag es habi tés ou to ut es les terres privées qui o nt u ne vocati on agr icole.La lettre détail le ensuite les autres raisons qui « m il i tent en faveur du m aintien des po-pulations de ces villages ». Parmi elles, la nécessité de maintenir une population localepour le reboisement et l’entretien des forêts et des chemins vicinaux nécessaires à leurexploitation ultérieure ; pour la production, également, des produits de première nécessitédon t ne voudron t p as m anquer les tou -ristes ; et enfin l ’appauvrissem ent définit i fque p rovoque ra i t pou r t o u te l a r ég i on ,

bou rgs comp ris, la désertion des villages 20 .

M arce l Chap ta l , ag r i cu l teu r e t ma i re deSa in t - Ju l i en -d ’ A rpaon 2 1 ( co m m u n e o ùCharles Bieau possède ses terres), par ail-leurs opposant convaincu des incitatio ns aureboisement menées par le Fond forestiernational, développe quant à lui la vision sin-gulière du parc comm e « zone témoin », où

serait instaurée une sorte d’« économ ie di-r igée », fa isant de la popu lat ion agricoleles salariés de l’État , en échange d es servi-tud es exigées par une polit ique de reboisement ou d e protection de la natu re :19 - Correspondance D’Al teroche-Bieau, 25 février 1957 [f onds Bieau].20 - Correspondance Servière-Bieau, 21 jui n 1957 [fonds Bieau].21 - Sur la personnalité de M arcel Chaptal et son rôle de témoin de l’ histoire et de la vie culturel le des Cévennes, voir Philippe Jout ard,

« Marcel Chaptal, un mainteneur du patrimoine oral cévenol », Causses et Cévennes , n°2, 1988, p. 183-186.

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« Dire à l ’autochton e : “ on vous privera de votre principal revenu, l ’élevage, pour créer la forêt,ma is on vous assurera un revenu équ itab le en tiran t des trait es sur ces boi s. On vou s obligeraà cultiver ceci ou cela pou r nou rrir la fau ne, car le gibier se réfugie bien dan s les bois, mais illui faut des terres cultivées pour y prendre sa nourriture. Vous serez les pourvoyeurs de cesanimaux dont on veut conserver l ’espèce, pour l ’agrément du citadin en vacances. Mais enéchange, on vous assurera votre existence à vous par un salaire modeste, qui sera complétépar le peu d e culture qu e vous laisseront les bêtes peuplan t le parc nat iona l. Vous protégerezcette forêt contre l’ in cendie. [...] Vous entretiend rez les vil lages dans leur état actuel p our f ournirdes havres de repos aux citadins, et pour tous ces services rendus à la communauté, celle-civous dédommagera” 22 . »

Cette idée sera ensuite reprise par Charles Bieau, qui proposera la notion de « contratsocial entre la populat ion aut ochtone et l ’État », qui permett rait aux exploitat ions viables

de se développer et autres exploitants de se maintenir grâce à un revenu de base enéchange de travaux d’aménagem ent du parc 23 .

Quant aux associat ions cult urelles, elles ne s’em pressent pas d’exp rim er leur entho usiasmeenvers le projet de parc national. Ainsi, en dépit de la sollicitation expresse de CharlesBieau qui réclam e un « grand Parc Paul Arnal » 24 , le Club Cévenol, si l ’on en croit l a revueCausses et Cévennes, fait preuve d’une certaine prudence. De franches objections sontm ême ém ises et le cœur du débat est, de man ière inattendue, le reboisement. Alors quele Club Cévenol a, depuis sa création, soutenu incondit ionnellement l ’adm inistration f o-restière dans son « œuvre de reboisement », son secrétaire général Louis Balsan romptavec cette orient ation. Le reboisem ent serait pour lui un facteur responsable du dépeu-plement des Causses 25 . Louis Balsan se mo ntre également hostile à l’entit é département aledans la perspective d’un développement du t ourisme. M algré les efforts persévérants dem aître Bieau pour obt enir le sout ien du Club, celui-ci ne lui offre une tribu ne qu’à part irde 1961, après la prom ulgat ion de la loi et du décret don nant création d es parcs natio nauxfrançais 26 . Par ailleurs, le Club Cévenol n’ accorde aucun écho à l’act ion et au x pro jets éla-borés du côté de l ’Ardèche et du Gard 27 . Charles Bieau a cependant trouvé parmi lesadhérent s du Club qu elques appuis indivi duels, com m e Pierre Poujo l, qui par ticip e à l’éla-borat ion du projet.

De m ême, sur la foi du tém oign age de certains acteu rs, la Société d es Lett res, Sciences etArt s de la Lozère a-t-elle souvent été présentée com m e l’un d es prem iers foyers de sout ienau projet de parc natio nal. Là encore, les archives mon trent une réalité beaucoup p lus

22 - M arcel Chaptal, « Par le tourisme et l a forêt, le Parc national des Cévennes apportera la prospérité aux générations fut ures. M aisfaut-il, pour cela, sacrifier la génération actuelle ? », M idi L ibre , 27 janvier 1958.

23 - « La création du Parc des Cévennes doit êt re précédée d’un cont rat social avec les Cévenols », Cévennes et Mont Lozère , n° 3,1963, p. 5-6.

24 - Revue de l’économie méridionale , 1956.25 - Causses et Cévennes , n° 1, 1956, p. 400-401.

26 - Charles Bieau publie alors dans la revue du Club Cévenol un article intitulé : « Du grand Parc forestier des Cévennes au Parcnational des Cévennes », Causses et Cévennes , t. IX, 3, 1961, p. 382-387. Des photographies de Louis Balsan illustrent l’art icle.27 - Il est difficile de savoir si cette position tient à la seule personnalité de Louis Balsan, ou bien si elle possède des racines plus

profondes dans l’histoi re du Club. Les élément s manquent pour proposer une hypothèse définit ive à cette att itude, d’aut ant quele Club Cévenol est en revanche largement ouvert au projet de Parc national du Carroux, porté dans ces mêmes années par leforestier Jean Prioton. Une hypothèse probable est qu’il y a sans doute là une affaire d’hommes et de leurs engagements dansle Club. Jean Prioton a en eff et été un f orestier très engagé au Club Cévenol (tout comme M ax Nègre avant lui) et il a pu ydévelopper ses idées « de l’int érieur ». Un important carrefour au mili eu de la forêt de l’Espinouse porte aujourd’hui le t oponymede « Rond-point du Club Cévenol » (je remerci e D. Travier pour ces inf ormati ons). Charles Bieau, quant à l ui, ne possède pas cetenracinement dans l’histoire du Club.

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nuancée. La Revue du Gévaudan , pub liée par cett e société et diri gée par Benjam in Bardy,archiviste départemental membre de l ’APNCC, est en effet l ’une des premières à faireécho au projet . M ais là encore, l’eng agem ent d e la Société des Lett res en faveur du p rojetde parc n’est pas allé au-delà de prises de position individuelles 28 .

Enfin, plus surprenante est la prud ence manifestée par l ’adm inistration préfectorale, endehors de la personne du sous-préfet, si l ’on en croit cett e lettre ad ressée par Jean Corbilléà André Prothin, directeur général de l ’Am énagement du t erri to i re :

« L’Administration préfectorale s’est, je dois le dire, montrée très prudente devant unprojet aussi révolutionnaire, aussi s’est-elle contentée de transmettre ce vœu [du conseilgénéral] à vos services et à ceux du ministère de l’Intérieur 29 . »

Redoutant en effet une demande d’« int ervention d’un e législation particulière » pou r la

création du parc, le préfet suggère de commencer par des réalisations concrètes « encréant dans chaque comm une ou dans la plupart des com m unes com prises dans son pé-rimèt re des embryons de parc » où s’appliquerait un e réglement ation de prot ection in té-grale 30 . Par ailleurs, alors que la fu sion des deux grou pes prom ot eurs d’un Parc nati onaldes Cévennes date d e plusieurs m ois, Jean Corbillé in siste, dans la mêm e lett re à AndréProthin, pour dist inguer :

« [… ] les prom oteurs du “ Parc nat ion al culturel Cévennes-Lozère” (qu’ i l ne faut pas confon dreavec le projet de parc cévenol préconisé dans l’Ard èche, notam men t pa r le docteur Richard) 31 . »

Cett e insistance témoigne b ien de la logique départ ementale qu i prévaut dans la penséedes élites administratives et économiques. Ainsi, dès 1956, le directeur du Comité d’ex-pansion économ ique d e la Lozère, François Brager, a-t-i l aff irm é son souti en au projetport é par Charles Bieau, aux dép ens de celui dévelop pé sur la bordu re orient ale des Cé-vennes, dans les term es suivants :

« J’ai assisté à u ne première réunion tenue il y a quelques jours sur l’ init iative du docteur Richarddes Vans pour la const i tut io n d’u n parc nat ional cévenol [… ]. Au cours de cette réunion j ’ ai fai tdes réserves sur la dél im itat ion géographiqu e de ce parc, et in diqué qu ’un projet était à l ’étude

sur le plan strictement lozérien. Une deuxième réunion doit avoir l ieu à Vi l lefort , réunion àlaqu elle je suis charg é de vous inviter : en accord avec la préfecture de la Lozère nous avonsdécidé d’assurer une polit ique de présence vis-à-vis de l’ init iative du docteur Richard tout enpoussant le projet do nt vous êtes l ’ ini t iateur 32 . »

Cett e att i t ude psychologiq ue comm une aux éli tes locales de l ’époque, qui t end, com m el ’a bien montré Pierre Grémion (1976), à considérer le département comme le cadred’action « n aturel », préfigure de la diff icult é, pour les porteurs d’un « désir de parc », à

28 - Correspondance Balardelle-Bieau, octobre 1957 [AD, 21J 5].29 - Correspondance Corbillé-Prothin, sans dat e (1957) [AD, 21J5].30 - Correspondance préfet Séguy-Bieau, 22 oct. 1957 [AD, 21J 5].31 - Correspondance Corbillé-Prothin, ibid .32 - Correspondance Brager–Bieau, 13 décembre 1956 [AD, 21J12].

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des Amis des sources », œuvrant pour le rétablissement de « l’Équilibre », dans ses di-mensions natu relles, sociales et spirituelles. On retrouve, dans cette id ée d’équil ibre orig inel,la conception arcadienne des rapports entre l ’hom m e et la natu re qui est celle qui présidaà l ’ idée (non à la m ise en œuv re) américaine de prot ection de la nat ure (Worster, 2009),mais aussi la not ion « d’économie de pillage » développée par l’école naturaliste allem andeet reprise par Charles Flahau lt.

Au mois de décembre 1956, les Amis des sources seréunissent à Vil lefort po ur définir u ne « charte » d ’ac-tio n com m une. La dém arche est t rès pragm atiq ue. Lestrois conceptions de l ’am énagement régional, baséesrespectivem ent sur le développem ent ind ustriel, le dé-veloppement t ouristique et la protection de la natureet des modes de vie, sont reconnues dans leurs anta-

gonismes. M ais i l s’agit de construire une alternative,en coordonnant ces projets à partir de leurs « p ointsde rencontre », afin « de réaliser sur un e région par-ticulièrement in téressante, un exemp le d’aménagementhum ain respectant l es prin cipes essentiels d’une éco-nomie humaine » 1. Ce terr i to i re d’expériment at ionconstit uera le parc nat ional des Cévennes.

À l ’ int érieur de ce territoire, le principe de deux zonesest retenu . La prem ière est définie com m e une zonede « sérénité et d’ équil ibre », destinée au chercheur (« qu’i l soit art istescientifique, philosophe ou économiste »), où seraient créés les « labo-rato ires nécessaires à chaque d isciplin e, judicieusement répart is au seindu p arc nati onal » . La seconde, serait une zone d’ am énagem ent et de m ise en valeur. Leparc nat ional serait do nc un territ oire dédié à la connaissance, au savoir, m ais qui offr iraitégalement la p ossibi l i té de se maintenir à la p opulat ion. En retrouvant de « m eil leuresconditions d’équil ibre économique », celle-ci regagnerait sa dignité, tout en offrant unasile pour l es « chercheurs ». L’aveni r des Cévennes est d ans sa valeur cultu relle au senslarge (même si le terme n’est pas employé ici), la valeur de l’Esprit 2.

But de la confrérie des Amis des sources« I ls pensent q u’ i l est encore possible [… ] à n otre époqu e qui semble prendre enf in consciencede la fragi l i t é d’un e certaine form e de civi l isat ion exagérément axée sur le progrès matérielexclusif, de tenter de rétabl ir un équil ibre romp u… Équil ibre entre la N ature et les hom mes, etentre les hom m es entre eux d ans leurs activités sociales ou écono m iques, par une juste répartit ionde l’Énergie et des possibilités tant matérielles que spirituelles qui leur sont offertes pour un“ dépassement ” .

Notre projet d’ensemble v ise audacieusement à “ conserver” et à “ rénover” les “ Sources” …les Sources des eaux vives sans lesquelles la vie est imp ossible à la fin d u com pt e… Sourcessans lesqu elles la Nat ure et ses créatu res, végétales, anim ales, hum aines, dépéri ssent … Sou rcessans lesquelles barrages et tu rbines sont sans raison d’ être… Sources sans lesquelles le mo nde

1 - A nonyme (docteur Richard), Protect ion de la nat ure dans les Cévennes-Gévaudan , document ronéotypé, décembre 1956 [archivesde la famille Richard].

2 - Ibid .

Dégradations et risquesnaturels dans la valléedu Chassezac, mont ageréalisé par P. Richard

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est m orne et laid et les esprits à l’ im age du m ond e… Sources qui périssent elles-mêm es sansles arbres et la t erre… Sources qui d ivaguent et dévastent l ’œuvre des hom mes si on ne vei l leà assagir leu r cours… Sources de l’Esprit, dans le silence et le calme d’ un d es plus beaux p aysdu m onde où la Nature aura retrouvé et conservé sa pureté primit ive. [… ]

“ M ise en valeur” donc, mais sans modernisme out rancier, avec l’ idée directrice de retrouverun équil ibre perdu, dans le sens de la Qualité… Tourisme aussi… m ais d’une nature etd’u ne qual ité t out e part iculières. Collab orat ion p ossible enfi n, avec la Techniqu e (EDF parexemple) à la condit ion expresse cependant , que cette technique et ses prom oteurs “ s’hu-m anisent” et veuil lent bien com prendre la nécessité absolue pour eux-m êmes aussi bienque pour les autres, de respecter la Nat ure et de ne plus “ pi l ler” purement et simplementses richesse… de ne plus rom pre l ’Al l iance… 3 »

Pratique s : (re)connaissance du local

Q u i s o n t d o n c c es « A m i s d e ssources », ces équipes de t ravai lœuvrant pour la protect ion de mi-croterritoires entre le Gard et l ’Ar-dèche – le M as de la Barque (sur lemont Lozère), Malons, La Borne,Thin es, La Claysse et Païoli ve ?

Ce sont tous des chercheurs, pro-fessionnels ou am ateurs, réunis au-tou r de deux m édecins généralisteset grand s érudit s : Pierre Richard etJean Pellet. Le prem ier est n é à An -gers, ne p ossède aucune ascen-dance cévenole et s’est installé auVans (Ardèche) au début des an-nées 1950. Il se passion ne en p ar-ticulier pour l’économie sociale, lapréhistoire et l ’ethnologie. Le se-

cond est né dans le Vaucluse, à Bar-bentane où son p ère est m édecin.Il a fait ensuite ses études de mé-decine à Montpellier, mais ses ori-g i n e s t a n t m a t e r n e l l e s q u epat ernelles sont cévenoles, du côtéde Génolhac (Gard) où i l ouvre son cabinet 4. D’une érudit io n ex-trêm emen t vaste, Jean Pellet se consacre, out re son m étier, à destravaux d’ histoire et de géologie locales dont la qualité scientif ique est reconnue 5. Les

deux médecins sont catholiques et leur foi est prof ondém ent m êlée à l ’hum anisme qu’i lsprofessent.

3 - Protect ion de l a nature dans l es Cévennes-Gévaudan, op. cit .4 - Ces informat ions sont ti rées du témoignage de son ami François Girard, récemment décédé, « Hommage à Jean Pellet », transmis

au centre de documentation et d’archives en octobre 2008.5 - Parmi ses multiples travaux, citons seulement, outre de nombreuses monographies historiques sur Génolhac, la réalisation de la

Carte géologique de la Lozère , en tant qu’assistant de la carte géologique de France (IGN). La revue Lien des chercheurs cévenols lui a rendu homm age dans trois numéros, 81, 82 et 83, 1990.

Extrai t de l a « charte » desAmis des sources.

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Jean Pellet (19 24 – 19 90 )« Il sait de qu oi i l pa rle. I l l it to ut . Je me de-man de com ment i l fai t , comm ent i l arrive àbou rrer sa vie sans la précipiter, car il vit àla fo is sur t erre, dessous et dan s le ciel, mo npetit d octeur géologu e, archéologue et sim-plement chrét ien [… ] I l est de plus en plusm aigre, mo n am i le petit do cteur. Son corps

 – paquet d’os e t de ner fs – souff re la m ortde la chère Cévenne et bouillonne d ’enthou -siasm e, en m ême tem ps, c’est tr ès curieux.Et encore, depuis deux o u t rois ans, i l a re-noncé à cette barbe ingrate q ui lui p oussaitlongue et clairsemée, une barbe de vieux

nègre q ui le faisai t ressemb ler, squelet t esouffret eux, à un Christ raté… Jésus s’estm is to ubib au flan c du Lozère, i l nou s rendbien des services. » (Jean- Pierre Chabro l, Le Crève-Cévenne , Paris, Plon, 1972)

On ne conn aît pas la l iste précise des autresm embres de cett e « confrérie » volo ntairem entinform el le et sans statut. M ais l ’on peut ci terAndré M arti, géologue et d’au tres scientif iquesnouvellement instal lés dans la région, commeJacques Cauvin, archéologue préhistor ien etPierre Ducos, eth nozoo logu e 6 ; Constan t Vago,biologiste hongrois, chercheur à l’INRA, fonda-teur en 1957 d’ un laboratoire de cytopatho logieà Saint -Christol-lès-Alès, ou encore le p réhisto-r ien et m uséographe Serge Niki t ine, avec quiPierre Richard conçoi t un p rojet d e musée de laChâtaigne (sorte de préfiguration des « écom u-

sées »), sur la com m une d e Brahic en Ardèche.Il y a aussi quelques « autodidactes » du cru,init iés par l ’un ou l ’autre do cteur, com m e HenriBayle, origin aire des Vans, qui se passionne po urla spéléologie ou Maurice et Gilbert Lhomme,géolog ues et spéléologues. Enfin , du côté de Gé-nolhac, une autre figure im port ant e de ce cercleest l’abbé Jean Roux, curé de Sénéchas (de 195 8à 199 3), ami d e Jean Pellet et lui au ssi gran d

érudit7

.

6 - Grand ami de Pierre Richard, Jacques Cauvin s’est installé en Ardèche dans les années 1950, où il mène ses premiers travauxd’archéologie préhistorique, avant de se spécialiser dans les études Proche-Orientales. En 1966, avec l’ethnozoologue Pierre Ducos,autre proche du docteur Richard, il crée à Saint-André-de-Cruzière (Ardèche), dans les locaux d’une ancienne f ilat ure, un Centrede recherche d’Écologie huma ine et de Préhistoi re (CREP) att aché au CNRS. Voir Olivier Auren che, « Jacques Cauvin et l a préhist oiredu Levant », Paléorient , 2001, vol. 27, n°2, p. 5-11.

7 - Voir Daniel Travier, « L’abbé Jean Roux » ainsi que les di vers hommages rendus à l’ abbé dans Causses et Cévennes , n°3, 1993,p. 339-342 ; « Hommage à l’abbé J ean Roux », M idi L ibre , 29 août 1993.

    F   a   m

    i    l    l   e    P   e    l    l   e    t

Lepréhistorien

JacquesCauvin

à la fin desannées 1950

L’abbéJean Roux

    C   o    l    l .    R    i   c    h   a   r    d

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Le trait d’ union de ces mil i tant s est donc l ’érudit ion de terrain, l ’exploration de la localitésous tout es ses facett es. Là se dessine un prem ier héritag e : la quête de savoirs sur le localde ces passionnés, « l ’am our du pays » qui leur est unanim ement reconnu, rappelle unetradit ion d ite d’ érudit ion locale qui a t rouvé son essor au 19e siècle, avant de se déliterpour d es raisons diverses – parm i lesquelles on peut évoquer le renforcement de la construc-tion nation ale – dans l ’entre-deux-guerres, mais dont l ’ im port ance en Cévennes demeuregrande. Cependant, « locaux », la plupart des memb res de cette confrérie ne le sont pointde naissance ou d’ origine. Ils le deviennent en grande part ie par leurs pratiques d’érudition ,à trav ers ils tissent d es liens inti m es avec « leur » territ oire. Au -delà de la qu estion d e lalocalit é, le savoi r conçu com m e connaissance glob ale, l’un ion d es disciplines, renvoi ent àun hérit age plus ancien, celui de l’h um anism e de la Renaissance pour lequ el « rien de cequi fait la vie n’est étranger à l ’homme 8 ». L’hum ain, notion centrale pour les Am is dessources, notion perdue selon eux dans le mo nde m oderne et qu e seule la redécouvertedu respect de la nat ure permet trait de régénérer.

Une crit ique du monde moderneLe discours tenu par les Am is des sources se situe ainsi clairemen t d ans le prolon gem entd’un e traditio n de critiqu e de « la crise du mo nde m oderne », diversem ent form ulée depuisla fin du 19e siècle. Un second héritage apparaît ici, qui étab lit une autre form e de cont inuit édes idées et des homm es, à travers ce m om ent encore peu exploré de l ’ histoire de la pro-tect ion de la nature que sont les années 1930 et 1940. Un courant d ’op in ion inéd i t aémergé en effet dans ces décennies, al l iant l ’exaltation de la nat ure à une crit iqu e de lam odernité u rbaine et in dustriel le. La vision de l ’ écrivain Georges Duham el qui, dans unrom an pam phlétaire contre la civi l isation industriel le 9, lui op pose la créati on d ’un « Parcnation al du si lence », est f réquemm ent citée par les prom oteurs de parcs nation aux « cul-turels » des années 1950. Voici comm ent l ’auteur, vingt-cinq ans après, en comm ente lecon tenu :

« Cet essai n’était pas isolé, d’autres écrits l ’accompagnaient qui concernaient une éventuelletrêve des inventeur s, les excès de la civil isation m écanique et leu r effet sur la santé d e l’ho m me,la corrupt ion de not re langue m aternel le, les fol ies de la p ubl ic i té, tous sujets qui comm encentde préoccuper les hom mes respon sables 10 . »

L’argumentaire de ce discours appartient à celui tenu par une mouvance intel lectuelledite « anticonfo rmiste » (Dard, 2002), dont les ramif ications se retrouvent après-guerredans de nom breux courants d’idées et instit utio ns. Ce discours critique – largement intégrépar l’ idéologie pétainiste – se nourrit chez certaines personnalités d’expériences de viecommunautaire en pleine nature, telles celles favorisées par le scoutisme (qui constitueune expérience commune de nombre des pionniers de la protection de la nature) ou, àpartir de 194 0, les chantiers de jeunesse, don t l’esprit s’en inspire en part ie (Sirinelli, 2006 :526). Alors âgé d’ une vin gt aine d’an nées, le docteur Pierre Richard, instructeur au chantierde jeunesse de Villemagne sur l’A igoual, y a découvert les Cévennes et vécu une expérience

qu’i l considère comm e fondat rice dans son parcours personnel.Les références hum anistes des Am is des sources – t rès différent es de celles revendiqu éespar Charles Bieau à travers M ichelet ou Rousseau – renvoient également au x m ouvem ents

8 - M ichel W ienin, entretien, 5 septembre 2005.9 - Georges Duhamel, Querelles de famil le , Paris, M ercure de France, 1932.10 - Georges Duhamel, « Le parc national », Le Figar o , 30 novembre 1956.

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comm unaut aires du cath olicism e social qui o nt émergé dans les années 1940. Les term esdu t exte précédemm ent cité évoquan t la création de la confrérie sont , en effet, explicites.I ls désignent l ’adhésion aux p rincipes développés depuis 1941, au sein du m ouvem entÉconom ie et Hum anism e, init ié par le père dom inicain Joseph Lebret. Ses fon dat eurs en-tendaient œ uvrer à l ’avènement d ’un « ordre social chrétien qui concil ierait l ’ id éal com -munautaire et l’organisation corporative des professions » (Pelletier, 1996 : 22), tout enenvisageant le mouvement comme une mission de rénovation de la pensée catholique.Dans l’ordre du polit ique, le trait comm un d es dirigeants d’Économie et Humanisme, nourrispour la plupart du catholicisme intransigeant d’un Jacques M aritain (voir son Antim oderne,paru en 1922), est le refus du libéralisme et du socialisme, comme les deux faces « dum atérial ism e contemp orain qui n ie la transcendance et f init p ar détruire le l ien social »(Pelletier, ibid .) 11 . L’adh ésion d es Am is des sources à Économ ie et Hum anism e n’est pasque de discours : Pierre Richard est m emb re du mou vem ent, dont il arrive que les réunion sse déroulen t à son dom icile mêm e. Les ram ificatio ns d’Économ ie et Hum anism e en France

après la Seconde Guerre mondiale, son influence idéologique sur les différents acteurséconom iques, polit iqu es ou sociaux, sont diff ici les à cerner précisément car extrêmem entdiff uses, malgr é l’étu de app rofo ndi e que lui a con sacrée Denis Pelletier, qui a évoqu é lesnom breux appu is dont le père Lebret et le m ouvem ent o nt pu b énéficier, après-guerre, ausein d u Centre n atio nal d e la recherche scienti fiqu e (Pelletier, 1996 : 329-33 2). Le CNRSparaît en effet fort bien représenté dans le cercle de proches constitué autour de PierreRichard.

Ce cercle, sans cesse élargi au f il des rencont res, est co m posé de personn alit és de mi lieuxscienti fiqu es, litt éraires et artistiq ues extrêm ement divers que l’on n e saurait d onc réduireà une seule tend ance. On peut reconnaître cependan t, parm i les proches (du m oins int el-lectuellement ) des années 1950, un certain n om bre de personnes ayant appart enu à cecourant « ant iconformiste » – q ue les historiens aujourd’hui préfèrent nom mer la « no uvellerelève des années trente » (Dard, 2002) –dans son orien tat ion spirit ualiste. Le phi lo-sophe-paysan ardéchois Gustave Thibo n estle pivot de cet hérit age et d e ce réseau. Co-fondateur d’Économ ie et Humanisme (donti l doit cependant démissionner en 1945 à

cause du soupçon de collaborat ion au ré-gim e de Vichy qu i pèse sur lu i), sa m aisonde Sa in t -M a rce l -d ’ A rd èche est , ap rès -guerre, un l ieu d’accuei l perman ent po urdes int ellectu els en quête de form atio n spi-rituelle. Pierre Richard, comm e d’aut res pro-moteurs de « parcs culturels » (Gilbert André en Savoie, Pierre Marteldans les Alp es de Haut e-Provence ou Jean Priot on d ans l’Hérault ) trou -vent dans la théologie catholique « de l ’ incarnation » professée par

Gustave Thibon (soit une th éologie qui, selon le pasteur Bastian « a faitque les gens sont at tachés au sol et au x t radit ion s 12 »), de quoi fond er spiri tuellementleur action pou r le renouveau des pays de m ont agne. I l faut souligner le fait, qui certai-

11 - On retrouve les mêmes références intellectuelles dans le parcours de l’abbé Martel, porteur d’un projet de parc dans les Alpesde Hautes-Provence, et dont l’action associative inspira très fortement le docteur Richard lorsqu’il créa l’association Font Vive(Basset, 2009 : 24-38).

12 - Paul Bastian, ent retien, Lutry, octobre 2009.

Le philosophe Gustave Thibonà son domicile de Saint-M arcel-d’Ardèche (extraitd’un article de l a presseallemande des années 1950)

    C   o    l    l .    G    i    l    b   e   r    t    A   n    d   r    é

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nement a son im portan ce en Cévennes, que cette t héologie pouvait être partagée par desprotestants. Ainsi, le pasteur Paul Bastian, l ’un d es acteurs du m ouvem ent œ cuméniqueen Cévennes, vou ait- il à Gustave Thibo n, comm e à Pierre Richard, une prof ond e adm ira-t ion.

En m arge de cette m ouvance hum aniste chrétienne, l ’on peut reconnaître dans les textesde Pierre Richard un vocabulaire évoquant la spiritualité de Lanza del Vasto, disciple deGandhi don t il int ègre la pensée au catho licism e et fo ndat eur des comm unaut és de l’Archedont les premières furent im plantées en Languedoc (Gard et Hérault).

Un it inéraire : Pierre Richard (18 juillet 1 91 8-21 novembre 19 68 )

Plural i t é, voire hétérog énéité de ce « réseau » au to ur d’ une idée de parc à l ’est desCévennes, mais le po int de convergen ce en est, à coup sûr, Pierre Richard. Celui- ci possède

une véritable stature de leader, auquel une mo rt p rématu rée en nov embre 196 8 confèreaux yeux de ses proches une destin ée quasi héroïque. No us présent ons seulem ent i ci leséléments les plus saillants de cet itinéraire 13 . Il serait sans dout e nécessaire de scrut erplus précisém ent ce parcours, en exam inant l ’élaboration d’un récit int ime q ui se confon davec le comb at po ur un parc en Cévennes et en le confront ant avec d’autres it inérairesindividuels, com m e ceux de Pierre M artel, de Gilbert André et d’ autres encore, qui présententdes similitu des trou blant es. Ainsi pourrait-o n m ieux comprendre le mou vement d’adh ésionpersistante, au-delà de la Seconde Guerre mond iale, à des valeurs généralem ent caricaturées(antim odernisme, spiri tualism e, réaction etc.), m ais qui sont au fondem ent de p lusieursprojet s de « nouveaux t erritoir es », associant respect de la natu re et renouveau des cult ureslocales 14 .

L’inscription familialePierre Richard est né à Angers le 18 juillet 191 8 et a gra ndi à Paris, où il a f ait ses étud esau lycée Montaigne. Son père, André Richard, professeur d’éducation physique reconnu,a ouvert, au Champ-de-M ars à Paris, la première salle en France de rééducat ionet de cultu re physique. Il a prat iqué également la rééducation respiratoireau M ont -Dore. Il est assisté dans son activitéprofessionnel le par son épouse M ariet te.

Pierre Richard a donc évolué du rant les ving tprem ières années de son existence dans unm ilieu médical, scientifiqu e et hygiéniste 15 .C’est là qu’il viendra en premier lieu cher-cher des appuis pour le parc cévenol.

U n e j e u n e sse p e n d a n t l a S e co n d eGuerre mondialeLes études de m édecine de Pierre Richard

13 - À partir des témoignages de M mes Anne-M arie et Sylvie Richard. Voir également les t émoignages d’André Chamson dans Causses et Cévennes , 1968, et René Levesque et Gilbert Lhomme, « Pierre Richard (1918-1968). L’œuvre de Pierre Richard : idéal isme etréalisme », Études préhistoriques , mai 1971, p. 70-73, [CD] ainsi que la notice d’ Olivier Poujol, « Pierre Richard et son terri toired’adopti on », Liens des chercheurs cévenols , n° 115, 1998.

14 - C’est aussi le projet f ormulé par André M icoud dans son article « Aux origines des parcs naturels français (1930-1960) : ruralisme,naturalisme et spiritualité », Ruralia , n° 20, 2007 [article consulté en li gne sur Hal-Shs].

15 - Ces éléments sont à rapprocher des références hygiénistes de Gilbert André, promot eur d’un Parc national al pin, lié not ammentà Alexis Carrel (Mauz, 2003 : 45-48). Sur l’importance fondatrice du courant hygiéniste dans une forme d’idéologie radicale dela protect ion de la nature, voir Samuel Depraz, 2008 : 90-91.

L’enfance sportivede Pierre Richard (mont agede Sylvie Richard)

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sont int errompu es par la guerre et l ’ occupatio n allem ande. Ses parents se réfugient à Aix-en-Provence, tandis qu’il découvre les Cévennes en conduisant un chantier de jeunessesur l ’Aigou al (i l s’agit de reconstruire les anciens baraquement s de m ine de Vil lem agne).I l y rencontre not amm ent un g arde-chasseoriginaire des Vans, Henri Soulerin, éruditautod idacte, qui deviendra l ’un des Am isdes sources 16 . Cette expérience le m arqu efortem ent, et i l im agine alors un projet dev ie com m unauta i re qu ’ i l nom m e Pie rre -neuve 17 . L’un de ses compagnons d’alors,le docteur Louis Sauvé, décrit aujourd’huicett e association com m e un « observatoirede l ’exode rural et des problèmes d’envi-ronnement l iés à l ’ industrial isation 18 » . À

lire la présentat ion de « Pierreneuve » dansun docum ent de l ’époque, l ’ambit ion paraîtplus vaste et elle est surto ut exp rim ée dansun lan gage plus caractér ist ique de l ’ id éologie rural iste des années1940. Il s’agit en effet d’ une « collaboration entre les éducateurs (Prêtres,Instit ut eurs, M édecins, etc.) [sic.] et les élites paysannes en vue de la création de com m u-nautés rurales chrétiennes (catho liques ou protestantes), devant servir d’exemp le pour larecherche d’un équil ibre humain, paysan et fran-çais 19 » .

Après une dernière année d’étude à Marseil le etson m ariage à Aix-en- Provence, Pierre Richard seréfugie en 1942 à Saint-Junien (Limousin) dans lafam ille de son épouse. Il assiste au m assacre d’Ora-dour-sur-Glane et, selon les tém oignages fam iliaux,entr e au service de la Résistance. En d écembre194 5, il sout ient sa th èse à Paris sur Le Rôle sociald’un médecin de campagne. En 1946, le docteurRichard in stalle son prem ier cabinet à Saint -Céré, dans le Lot. Il y crée une

associat ion d e jeunes, tourn ée vers le social et la nat ure, part icipe à la fo r-mat ion d ’une équipe Économie et Humanisme qu i effectue des enquêtes so-cia les sur le canton, organ ise un hôp i ta l rura l . Ledoct eur Soub iran s’inspire de son exp érience et de sathèse pour écrire le troisièm e tom e de son rom an àsuccès Les Hom m es en blanc, qu’il dédicace ainsi :

« Au docteu r Richard, de Saint-Céré, et à tou s mes ca-marades d’origine citadine, qui ont voulu devenir mé-

decins de cam pag ne, refaire une élit e rurale et sauverles “ vertes val lées” 20 . »

16 - Henri Soulerin a écrit en 1950 une monographie du châtaignier dans son triage et il éditait un Armana de la Veillée . Il écrivaitses mémoires et cell es des anciens, empruntant souvent au patois l ocal, et a lai ssé des archives aux Vans.

17- Tout ceci est relat é dans des carnets tenus à l’époque par Pierre Richard, dont la fi lle, Sylvie, a bien voulu me li re des passages.18 - Témoignage cité par Sylvie Richard dans un document réalisé en hom mage à son père Pierre Richard, août 2008.19 - Archives de la famille Richard.20 - André Soubiran, Les Hommes en blanc , tome III, Le Grand Métier, journal d’un médecin de campagne , Paris, SEGEP, 1951.

L’instruct eur Pierre Richardau chantier de jeunesse deVillemagne

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Les hommes en blanc ,exemplaire dédicacé audocteur Richard

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À Saint-Céré, Pierre Richard fait également une rencontre décisive avec un directeur delycée origi naire des Vans, M . Baconnier, qui lui f ait d écouvrir Thines, un v illage qu asi aban-donn é des Cévenn es vivarai ses. Pris de passion po ur ce pays, Pierre Richard, déjà père decinq enfants, s’ instal le aux Vans en 1951, en formulant le vœu de s’établir un jour surl’éperon ro cheux de Thines pour y m ener une vie détachée, dans le dénuement et l’ inconf ortmatériel.

Un te rritoire intim e et ses hauts lieuxLe parcours de Pierre Richard est alors marqu é par la constructio n d’ une relatio n t rès fort eà un t errito ire, les « Cévennes », et surt out à des lieux. Son récit in tim e valorise en effetun certain n om bre de sites qui m ériteraient chacun une étud e particulière, en ce qu’i ls ré-sonnent également dans l ’h istoire col lect ive. Outre l ’A igoual, l ieu in i t iat ique, on peutrelever dans le pays des Vans :

 – le bois d e Païoli ve : haut l ieu d e la contre-révolu t io n, proje t de réserv e intég ra le en 1913,

site de prédilection, encore actuellement, des naturalistes (une association des Amis dePaïolive est actu ellemen t présidée par un père cistercien, nouveau locat aire de l’ermit agede Saint -Eugène) ;

 – la Com m an der ie de Jal ès : hau t l ieu ég al em en t de la cont re -révo lu t ion 21 , mais aussi del’histoire des Templiers, pour lesquels Pierre Richard éprouve une fascination intime. En198 5, le préhisto rien Jacques Cauvin , qu’ il a rencontr é alors qu’ il était en core étudian t, yinstal le son nouvel Institut de Préhistoire orientale ;

 – Thines : v il lag e perché où l ’Assem blée perm anen te des présiden ts d e cham bres d ’ag ri -culture (APPCA) initie, au milieu des années 1950, une expérience de « rénovation » dela vie en montagne. Une jeune artiste, Huguette Nicolas, s’établit dans ce lieu déserté etengage des actions visant au m aintien de la vie agricole par le développem ent d’ activitésartisanales. Pierre Richard est l’un de ses référents 22 ;

 – i l fau t évoquer, enf in , le bourg des Van s lu i-m êm e qui, dans son ét ym olog ie, évoquaitpour Pierre Richard la « pierre » même, le substrat géologique de la vie terrestre, maisaussi le fond ement sym bolique de la v ie spiri tuelle. I l est t out à fait étonnant m ais certai-nement signif icatif de voir comb ien, dans différents it inéraires individuels, les ouverturesm étaphoriques offertes par un m ême référent (ici la pierre) détermin ent et orientent lesquêt es de sens et les parcours de vie 23 .

La pierre et la source sont les deux référents constan ts de la vie de Pierre Richard et lesassises symboliques de sa construction philosophique, comme en témoigne ici GilbertLh om m e :

« Qui n ’a pas été témo in de son arrêt cont emp latif d evant cette source, la Font Vive, qui couleprès de Grospierres, ne peut comp rendre Pierre Richard et ses mob iles. Cette source, symb olede la Vie qu’ i l faut savoir entretenir, symbole d e sa soif d e Beauté et de Pureté. “ Font Vive” ,c’est au ssi le tit re de la revue qu’ il vient d e fond er et à laqu elle il va se consacrer de tou t soncœur. À la “ civil isatio n de déchet” , extérieure à l’ho m me, Pierre Richard op pose la Cult ure, vé-

ritable style de l’âme, ouverture du cœur et exigence de l’esprit. Réalisant que la significationmétap hysique du progrès scient i f iqu e est p récisément l ’abol i t ion de to ute h um anité, c’est-à-dire suppression des relations entre l’homme et son milieu, i l n’épargne pas ses efforts pour

21 - Voir Valérie Sottocasa, M émoires affrontées. Protestants et catholiques face à l a révolution dans les m ontagnes du Languedoc ,Presses universitaires de Rennes, 2004, p. 87 et suiv.

22 - Huguette Ni colas, entretien, 12 juillet 2005.23 - J’ai décrit les résonances du même mot « pierre » chez l’abbé Pierre Martel, promoteur d’un Parc culturel en Haute-Provence

(Basset, 2009).

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faire enten dre et respecter cet équilib re biolog ique, si nécessaire à l’ho m m e que la civil isatio ntend de plu s en plu s à isoler 24 . »

Tout e la dém arche et l ’œu vre de Pierre Richard s’articulent auto ur de ces trois plans : lesocial, le rapport des homm es à la nature et aux l ieux (qu’i l exprim e notam m ent à travers

la notio n de « symbio se »), le spiri tuel (marqué par un att achement au symbo lism e, quitém oigne, selon René Guénon, « de la nat ure spiri tuelle de tout e chose »). L’att achementde Pierre Richard à la m axim e de Saint Bernard de Clervaux, « On ap prend p lus dans lesbois que dans les livres », évoque également certaines com posant es du t ranscendan talism eam éricain (Henry David Thoreau), cett e philosoph ie qui postu le une correspon dance entrele dom aine de la vérité spiri tu elle et le mo nde des objets m atériels (Catherine Larrère,1997 : 8.)

Le docteur Richard a peu pub lié, m ais beau-

coup écrit. D’innombrables feuillets de sesordonn ances vierges sont em plis de notessur les sujet s variés de ses recherches, etplus encore de réflexio ns sur les sujets quilui t iennent à cœur : le Parc des Cévennes,en prem ier lieu, ma is aussi, par exemp le, leproblèm e de l ’eau et de sa m aîtr ise qu’ i lt ient po ur central dans l ’avenir de l ’hum a-nité. S’ i l entreprend tardivement (à partird e 1 9 6 5 ) u n e l i c e n c e d e Le t t r e s e t d eSciences humaines, Pierre Richard n’est niun hom m e de science à proprement parler(il approfondit peu ses sujets), ni un hom m ede cabinet, mais davantage un hom m e deterrain. Il aim e « arpent er », indissociablement m édecin et ob servateurdes l ieux, qu’i l phot ographie sous tout es leurs facettes. Un fort t émoign age de son atta-chement aux Cévennes est bien l’at tent ion qu’ il portait , à la veille de sa mo rt, à la publicationsous la bannière des édit ions Racines d’Oc, qu’ il venait de créer, de la trad ucti on pa r GilbertLhom me du fameux Voyage à trav ers les Cévennes de Stevenson . Il avait en core dan s ses

carton s, prêt à la réédit ion , Le Théâtr e d’ag ricult ure d’ Olivier d e Serres.

Le docteur Richard a été perçu et décri td’abord comm e un « apôt re de la médecinerurale », à l’ instar d ’un Jean Pellet, dont lanotor ié té n ’a cependant pas dépassé lecadre cévenol. Yves Bétolaud, haut fonc-tionnaire en charge de la protection de lanatu re, en a témo igné : « Le docteur Richard

était un hom m e extraordin aire, un véritableapôtre, passionné p ar le bien q u’i l pouvaitfaire dans cette région. Je l’ai bien connuet je l ’ai énormém ent adm iré 25 . » Pierre Ri-chard dev ien t a in s i une so r t e de f i gu re

24 - René Vesque et Gilbert Lhomme, « L’œuvre du docteur Pierre Richard : idéali sme et réalisme », art. cit .25 - Entretien avec Pierre Gaudin et Claire Reverchon, op. cit .

Les notes de Pierre Richard

Pierre Richard dans les Grads

    C   o    l    l .    R    i   c    h   a   r    d

    C    l .    M

    i   n    i   s    t    è   r   e    d   e    l    ’    A   g   r    i   c   u    l    t   u   r   e    C   o    l    l .    R    i   c    h   a   r    d

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exemplaire (anonym e selon son souhait) lorsque, en 196 0, le m inistère de l ’Agricultu re,désireux d’évoquer la vie d’ un m édecin de camp agne, le choisit p our la réalisation d’undocum entaire int i tulé N uit blanche. Le m édecin des Vans est f i lm é au sein de sa famil le,puis dans ses pérégrinations à travers la mont agne, de jour com m e de nuit et par t ous lestem ps, pour rendre visite aux m alades. À travers les propos que l ’ on f ait t enir au do cteurRichard (et qu e, sem ble-t -il, celui-ci n’a pas to tal emen t reconn us), le film dresse une pro-pagande tout à fait paradoxale aux accents antimo dernes contre « l ’abandon du pays parses enfant s », au m om ent m ême où le gouvernement engage ses grandes réform es agri-coles.Hom m e d’une exigence personnelle et d’u ne intégrité t otales dans ses engagement s etses idéaux – au risque sans doute d’une certaine rigidité –, Pierre Richard est surtout unbâtisseur d’ut opies, dont la parole puissante est reçue par ceux qui l ’approchent comm e« p rophét ique ». I l poursui t un idéal comm unautaire auquel i l n ’a d e cesse de vouloirdonner form e et corps, à partir des cercles d’amit iés qu’il constitue autour de lu i (Pierreneuve,

les Am is des sources, Font Vive). Le Parc cult urel des Cévennes en représent ait certainem entl’about issement à large échelle : l’ut opie réalisée d’une vie rurale rénovée, sous la conduit ed’une p oignée d’hom m es inspirés.

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C h a p i t r e t r o i s

La t en t a t ive d e co nst ruct io n

d ’un pro je t co mm un

(1957-1960)

La rencontre entre l ’A PNCC et les Am is des sources s’est produit e en avri l 1957 à Pont -de-M ont vert. Les deux g roupes ont été m is en contact par Jacques M ichou, professeur aulycée de M ende, m emb re de la Société d es Lett res de Lozère. Si la n écessité d ’un e dém archeunitaire s’est im posée aux différents prom oteurs d’un Parc national des Cévennes pourdonner p lus d’eff icacité à leur action , la diff iculté en est apparue d’ emblée à t ravers lanécessité qu’eu rent l es Cévenols de se positionn er dans le mo uvem ent p our d es Parcs na-tio naux cultu rels alors en plein essor.

Les Cévenols et le m ouvem ent pour des Parcs nationaux culturels

Vers une Associatio n na tio nale des Parcs de FranceLa form ulation de l ’ idée de « parc nation al » en Cévennes doit se rattacher, en effet, à unensemble de projets alternatifs de territoires, dont les promot eurs ont en comm un d’ adopterle concept de « parc culturel » 1. Ce concept , au m om ent o ù le conseil général de Lozèreform ule son vœ u, a été im posé par une personnalit é opiniâtre nouvellement instal lée àBonneval-sur-Arc, Gilbert And ré. Isabelle M auz a bien cont é son h istoire, et on n e la rap-

pellera pas ici 2, sauf à souligner les convergences à la fois idéologiques et de parcourspersonnel (un jeune Parisien issu des milieux aisés prend fait et cause au tout début desannées 1950 p our le genre de vie mont agnard, qu’i l adopt e définit ivement ) avec PierreRichard. I l suff i t de citer cette phrase :

« Rendre la terre et le ciel aux jeunes de nos capitales surtendues, retrouver pour eux lesSOURCES de la Vie, nou s voulon s espérer qu e ce soit la m ission du parc nat ion al 3. »

Cependan t, la célébratio n de la splendeur de la « civilisation p astorale », liée à la convictio n

que la civilisation p réindustrielle était génératrice de « bon heur », les références hygiénistes(Carrel) et alp inistes (Frison-Roche), enfi n, un élit isme social et cultu rel certains, indi quent

1 - J’ai déjà évoqué ce mouvement dans un précédent ouvrage (Basset, 2009 : 109-113), on trouvera cependant ici quelques détail set réfl exions supplémentai res. Lire aussi, sur le même sujet , les pages d’Isabelle M auz (2003 : 45-66).

2 - Sur le parcours de Gilbert André, voir l es travaux d’Isabelle M auz (2003 et 2005), ainsi que la noti ce biographique que nous avonsrédigée en collaborati on, à paraître dans le Dictionnaire biographique et instit utionnel de la protection de la nature , en ligne surle site de l’Association pour l’histoire de la nature et de l ’environnement.

3 - Gilbert André, Pour un Parc national f rançais , 1955.

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qu’i l s’agit peut -être moins pour Gilbert André de promo uvoir la culture propre des gensde mo ntagn e (bien qu’ i l l ’ait lu i-mêm e partagée plusieurs décennies durant ) que de fairede la mo ntagn e le l ieu où l ’on t entera de « restaurer » la culture (occidentale) considéréedans ce qu’el le aurait de plus noble et qui s’opp oserait poin t par p oint à la m odernité. Lam ont agne est le lieu où l ’on peut encore « sauver qu elque chose » : le silence, le respectdes rythm es naturels, la transmission d e l ’héritage cultu rel classique… Cett e conceptionde la culture, dont l ’ inventio n de la not ion de « p arcs culturels » est t r ibutaire, fut indé-niablement partagée par nom bre des prom oteurs de parcs durant cette période. M ais i ln’est pas sûr qu e tous lui ait conféré un éli t isme aussi m arqué. Surtou t, la « culture » estl’une de ces not ions caractérisées par une grand e polysém ie et plasticité : chacun y projett eses propres lignes de sens. Ainsi le term e de « culturel » perm ettait -il également d’af firm erl ’oppo sit ion à la « naturali t é » des parcs américains, lesquels sont systématiqu ement , enFrance, sauf dan s les m ilieux n atu ralistes, posés en « cont re-m odèles ».

Quoiqu’i l en soit, Gilbert And ré a su créer autou r de son projet un v éritable mo uvementd’opinion, qui se traduit d’abord par l ’adhésion des éli tes savoyardes (vœu du conseilgénéral de Savoie en décembre 1 955), par une cam pagne d e presse nationale soutenuepar les intellectuels « anticonformistes » déjà cités (Gustave Thibon, Georges Duhamel,Sam ivel, Lanza del Vasto ) 4, et par l’ in térêt m anifesté par certains min istères, en particuli ercelui de la Reconstruct ion. En 19 55, Gilbert And ré et Vincent Planqu e, directeur d u Centrede l iaison d’activ ités régionales to uristiques et économ iques (Clarté), créent le Comit édes Parcs de France, pat ronn é par le président de la Républiq ue René Coty et com posé del’élite de la République : hom m es polit iques, intellectuels chrétiens catholiques et protestants(And ré Cham son), m ais aussi des indu striels et des aména geurs. On no te, en revanche, lafaible présence à ce Comité des naturalistes – « peu écoutés à l’époque » selon IsabelleM auz – seulement représentés par le professeur Heim 5.

La ré union du 6 octobre 1 95 7 à Lyon : les fondame nta ux des Parcs nat ionaux cul-turelsLes buts et les caractères généraux des parcs nationaux sont définis, les participantsinsistant not amm ent sur le fa i t « qu’ i l n e s’agi t pas de conserver, de transform er desrégions en musées, mais de promouvoir une évolut ion qui soi t fonct ion du caractèrerégional, des données locales 6 ». André Prothin expose par ai l leurs les conclusions de

l’ét ude réalisée par l’archit ecte Denys Pradelle po ur la réalisatio n du Parc de la Vanoi se.Cett e étude distingu e trois zones concentriques sur le t erri toire du f utu r parc, proposantchacune des usages diff érenciés et un e gradat ion d es m esures en faveu r de la protect ionde la nature. Ce principe de zonage est admis par les autres participants, avec toutefoisdes variations sensibles en fonction des territoires. Ainsi Pierre Richard signale-t-il que« cett e concept ion a prévalu d ans les Cévennes, avec cett e différence qu’ét ant d onn ée ladiversité géologique du pays, plusieurs noyaux de réserve intégrale (20 à 300 hectares)ont ét é prévus ».

4 - Daniel -Rops, « Pour un parc nat ional f rançais », Le M onde , 13 septem bre 1955 ; Georges Duhamel, « Le parc nati onal », art. cité ;R.-L. Duret, « Une init iati ve généreuse. La transformati on des hautes vallées de la M aurienne et de la Tarentaise en parc nationalculturel », Le M onde , 8 novembre 1956.

5 - On peut par ailleurs se demander si ce dernier n’appartient pas à un courant marginal au sein du M uséum national d’Histoirenaturelle et de l a communauté scientifi que. À lire le numéro de Rivières et forêts consacré à la question des espaces protégés ennovembre 1957, les choses semblent assez claires. La distinction et le partage des tâches établis dans les années 1930 est confirmé,entre les réserves intégrales, dont s’occupent les scientifiques, et les « parcs culturels », qui seraient plutôt, dès lors, affairesd’aménageurs.

6 - Compte-rendu de la réunion du 6 octobre 1957, archives personnelles de Gilbert André.

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La nécessité d’agir im médiatem ent sur les différents terrains en utilisant les cadres législatifset les instit ut ions (zones témo ins agricoles, zones de lutt e contre l’ incendie, etc.) existant sest aff irmée. La multipl ication des microexpériences locales doit permettre ensuite dedresser le cadre d’u ne actio n générale. Enfin l’on décide de constit uer une Assemb lée na-tio nale des Parcs de France don t l ’ob jectif sera de sout enir les diverses actio ns engagéesaut ou r des mêm es problèm es et avec des principes ident iques, com m e en Cévennes, Corse,Haut e-Provence, Pyrénées, Vano ise, Arden nes.

Un numéro spécial de la revue Rivières et forêts , fondéepar Jean-Pierre M élinott e, accomp agne cette in itiat ive.Le num éro, consacré aux « Réserves, parcs nat urels deFrance », fait dan s une première part ie le tour d es ré-serves na tu re l l e s ex i s t an t es et en consac re unedeuxième aux projets de parcs nat ionaux, avec un

préambu le de Gustave Thibon qui confère aux fu tursparcs nation aux français une singulière vocation m ys-t iq ue :

« Car le sauvetage de la nature s’identif ie avec le sau-vetage de l ’homm e : l ’ê t re dépend du cadre où i l v i tcomme les poumons de l ’atmosphère. En renouant le“ pacte nuptial” avec la création, l’hom me se réconcilieraégalement avec lui-même. Il est bon, il est nécessairequ ’u n hau t l ieu p r iv i lég ié nous of f re le spec tacle e tl’exemple de cette u nité, souvenir d e l’Éden et prom essedu Parad is, où , suivant l a paro le d’Isaië, “ La terre estcomme une épouse et l ’homme comme un f iancé” 7. »

Du reste, l’ensemble de ce num éro, à trav ers les déclarat ion s de nom breuses personnalit és,constit ue un p laido yer pour d es parcs qui soient d es zones de résistances à la civilisati onm oderne : défense de l ’art isanat cont re les « production s standardisées » et le « vertigetechnique » (Pierre Ritt e), défense du silence et d e la lent eur contre l’ accélération im prim éeaux m odes de vie, apolo gie des com m unau tés rurales « vivan tes » etc. Ain si, les Am is des

sources cévenoles appara issent-i ls rien m oins qu’ isolés au regard de ce courant d ’op inio nd’am pleur natio nale à travers lequel se prolonge la crit ique de la m odernité. Enfin, la pré-sentat ion d u « parc culturel cévenol » par le docteur Richard y est p récédée de ce petittexte d’ André Chamson, déjà évoqué, où l ’écrivain emb lématiq ue de la « cévenolité » seprésente com m e le père tutélaire du Parc nation al des Cévennes, tout en conférant à celui-ci sa vocatio n essenti elle.

À propos du projet d e Parc national cévenol« Depuis trente ans, l ivre après livre, j ’ai conscience d’avoir édifié quelque chose comme un

parc im agin aire des Cévennes. Par le seul langag e, j’ai t enté d e conserver dan s son int égrité celam beau de terre où d es m illénaires d’histoire no us impo sent leur p résence. C’est en effet un edes fonction s de la litt ératu re que d’a ssurer la sauvegarde de ces réalités hum aines menacéespar les méta mo rpho ses que nou s imposons à la création . Je n’avais jamais osé espérer que n ousserions assez sages pour essayer de préserver dans la réalité concrète ce que l’écrivain peut

7 - Gustave Thibon, « Parcs nationaux. Préambule », Rivières et forêts , n° 8, 1957, p. 53.

    F   o   n    d   s

    M

   a   r    t   e    l

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essayer de sauver par le lang age et par la poésie. Rien ne s’opp ose à la création d’un e semb lable« réserve de la durée », c’est-à-dire un coin du monde qui ne sera pas entraîné par les trans-form atio ns de ce qui est fugit if. Ces lieux d’en haut , dans le mon de actuel, sont voués à la dé-cadence économ ique. En devenant parcs nation aux, ils reconqu erraient une fo nction à l’ int érieurde la civil isation mo derne. Pour m oi, cette fo nction consisterait essentiellem ent à p ermett re aux

hom mes que nous som mes de nous retrouver avec nous-mêm es pour p ouvoir no us retrouveravec nos semblables. La vie de notre siècle nous fait passer notre temps dans des besognes,dans des travaux, dans des contacts sans profondeur, et elle nous détourne invinciblement dece contact pr imo rdial qu i est celui de la créature avec elle-mêm e. Ce contact lu i-m ême n’a tt eintà sa plénitu de qu e lorsque la créature se sent en conta ct avec la créatio n, c’est-à-dire avec lanature et avec les autres hommes. Du Mont Lozère au Mont Aigoual, dans la succession despâturages, des forêts et des sources, un monde privilégié s’offre à nous. Il ne dépend que denou s de l’emp êcher de disparaître. » (Je souli gne)André Chamson, de l’Académie française 8

La réunion constitutive de l’Association des Parcs de France s’est tenue le 6 novembre195 7 à Paris, sous la présidence de l’écrivain académ icien (et m édecin) Georges Duham el.Cependant , le conseil d’adm inistration de l ’association – qui devait être chargé de la ré-daction d’une « charte des Parcs naturels de France » – ne sera finalement jamais réuni.D’aucuns considèrent que cette Assemblée ne fut qu’un « p aravent », uniquem ent destinéà soutenir le parc alpin. Et en effet, beaucoup pensent que rien ne do it v enir entraver lam arche si bien m enée du fut ur prem ier parc national français. Ainsi Jean Prioton a-t-i l faitpart d e son inquiétude à m aître Bieau, quant à la concurrence que le projet cévenol pourraitfaire au projet d e Parc national de Savoie :

« Par ailleurs, nous voulons espérer que cette tentat ive ne portera aucun dom mag eau p rojet d éjà assez évolu é du Parc natio nal de Savoie, et je pen se que vo us mepardonn erez cette f ranchise to tale 9. »

Les raisons de cett e précoce mise en som m eil de l’A s-sociation des Parcs de France sont prob ablem ent m ul-t iples et com plexes. Gilbert And ré insiste aujo urd’hu isur sa responsabil i té directe, du f ait q u’ i l f ut à partir d e

l’autom ne 1957 ent ièrem ent accaparé par ses fonctionsà Bonneval-sur-Arc (une bonn e partie de la comm unea été détruit e par de graves inondation s) et par l ’ex-pér ience m enée sur cet te com m une qu ’ i l considèrecomm e un « prototype » de son projet de parc cul tu-rel 10. En f ait, la correspondan ce entre lui et les Cévenolsà cette époque m ont re qu’i l ne sem ble plus alors êtrem aître de l’association 11 . Quoiq u’i l en soit , la déceptiondes Cévenols est à la mesure de l’enthousiasme et de

l’espérance qu’ avaient suscités la réunio n d’o ctob re etles débu ts de Parcs de France 12 .

8 - Rivières et f orêts , n°8, 1957.9 - Correspondance Prioton-Bieau, 2 avril 1957 [AD, 21J 5].10 - Gilbert André, entretien, mai 2009.11 - Gilbert A ndré exprime notam ment son inqui étude face au sil ence de son comité directeur « parisien ». Correspondance Richard-

Bieau, 20 mai 1958 [AD, 21J5].12 - Ibid ., 6 octobre 1957 [AD, 21J5].

Publicité pourl’association Parcs de

France, dans Rivière et forêts , n°8, 1957.

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Pour une Fédérat ion des Parcs naturels méd iterrané ens (19 58 )L’inert ie de « Parcs de France » pousse Pierre Richard et Charles Bieau à reprendre l’i nit iat iveen im pulsant la création d ’un e Fédératio n des Parcs nat urels médit erranéens, don t la pre-m ière tâche sera d’élaborer un e charte des Parcs. Une première réun ion a li eu le 16 m ai1958. Ont été conviés Pierre M artel, Jean Prioto n, le professeur M arre, biologiste à M ont -pellier (président de la nouvelle Associati on du Parc natio nal du Caroux), Roger de Vilm orin,directeur de la réserve de Cam argue, et Pierre Ritt e, délégué région al des cham bres d’agri-culture. L’ idée d’une ou verture int ernationale est m ême ém ise et i l semble que l ’o n aitnot amm ent pensé à la Yougo slavie.

À l ’aut om ne de la même année, des inon-dation s provoquent des dégâts considéra-bles dans la basse vallée du Rhône et lesCévennes. Réunis spécialem ent à Nîm es, les

m embres de la Fédération réaffirment, dansune « adresse aux pouv oirs publics », la né-cessité du reboisement, de la restaurationdes sols et du m aint ien des popu latio ns surles pentes cévenoles, com m e seul m oyende prévenir de semb lables catastroph es. Lacréation du Parc nat ion al des Cévennes se

 ju st if ie ai nsi au nom de ce que l ’on ap pel -lerait aujou rd’hu i la « gestion des risques » :

« L’assemblée réunie à Nîmes le 8 novembre 1958 constata la nécessitéde la création du Parc des Cévennes pour m aint enir en Cévennes la popula tio n nécessaire aumaintien des plans d’eau, des terrasses, des boisements etc., opération éminemment payantepour l ’État puisque le sinistre était d e l ’ordre d’un e vingtaine de m il l iards 13 . »

Surt ou t, par cett e adresse, les représent ant s du Parc cultu rel des Cévennes se positio nnentrésolum ent comm e acteurs de l ’am énagement du t erritoire et non com m e simp les « pro-pagandistes » d’un projet don t la réalisation reviendrait ent ièrem ent aux pouvoirs publics.I ls s’aff irment comme des partenaires à part entière dans les prises de décision et les

mesures à mettre en œuvre :

« La Fédération des Parcs nat urels médit er-ranéens [...] insiste po ur q ue cette réalisationsoit faite et cond uit e avec les représentan tsdu Parc cultu rel des Cévennes, par les cham -bres d’agriculture des départements inté-ressés, en liaison avec les services techniquesrégionaux du ministère de l ’Agriculture 14 . »

On voi t là toute l ’ambit ion – et la di f f icul téaussi – du p rojet cévenol qui s’ inscrit d ansune perspective qui va bien au-delà d’un e

Le vieux pont de St Jean du Gard

après les inondations del’automne 1958

13 - Charles Bieau, « Essai sur l’hist orique de la loi française… », Cévennes et M ont Lozère , n°15, 1968, p. 17.14 - Fédération des Parcs médit erranéens, « Adresse aux pouvoirs publics », Nîmes, 26 oct obre 1958 [AD, 21J 5].

« Charte des Parcs médit erranéens »    A    D

     4    8

    C   o    l    l .    P   a   u    l    B   a   s    t    i   a   n

  -    M

    V    C

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sim ple visée conservatrice ou prot ectrice, offrant, comm e le projet alpin d e Gilbert André,un caractère inédit.

L’APNCC ou la construction d ifficile d’un projet com m un

Au cours des années 1957 et 1 958, la fusion ent re les deux grou pes promot eurs d’un Parcnat ional d es Cévennes a été consacrée, une chart e comm une a été rédigée. M ais pour au-tant, l’Association pour un Parc national culturel des Cévennes (APNCC) est-elle vérita-blem ent po rteuse d’un e vision et d ’un e actio n unit aires et coordo nnées ? Les choses, pou rle mo ins, ne von t pa s de soi. Ain si, lorsqu’ il s’agit à l a fin d e la l’ann ée 1957, de désignerun rep résentan t du Parc nat ion al cult urel des Cévenn es à l’A ssemblée des Parcs de France,ni Charles Bieau n i Pierre Richard ne souh aitent céder à l’aut re la préém inence. À plu sieursreprises, Pierre Meynadier doit insister auprès du président de l’APNCC sur la nécessitéde ne pas paraître divisés aux yeux d es pou voirs pub lics 15 . D’autant que de l ’avis général

seul un projet de grand e dim ension et transdépartement al aurait d es chances d’aboutir,ainsi que le souli gne Pierre Richard :

« Nos amis Alpins, Provençaux et Pyrénéens présents à Lyon ont même très vivement insistépour que no us nomm ions tout simplement not re parc “ Parc nat ional cévenol” et non Cévennes-Lozère ou Cévennes-Gévaudan… Étan t eux au ssi à cheval sur plu sieurs départem ents ou régio ns,i ls ne veulent pas être obl igés par certains “ département al istes” de leurs régions de modif ierleurs raisons sociales en “ Alpes-Dauphiné” ou “ Alpes-Savoie” ou “ Provence-Basses-Alpes”etc. Ce qui deviendrait n uisible à l ’ idée du parc nat ional t el qu’ i l do it être conçu pour être clai-remen t exprim é et réalisé. Effo rçons-nous don c de réaliser une un ité qu i semb le en excellentevoie de réal isat ion 16 . »

Or, m algré le changem ent de dénom inat ion de l’A PNCC, l’ im pression de désunion ou d’h é-térog énéité p ersiste. La bro chure Le Parc nat ion al cult urel des Cévennes diffusée au prin-tem ps 1958 ne clarifie pas les choses, car le texte évo que un parc encore exclusivementlozérien. Par ailleurs, la form ulat ion d ’aut res proj ets de parcs sur la bordu re sud du M assifcentral vient encore obscurcir la situation aux yeux des services centraux :

« Je dois ajouter en out re, qu’indépendam m ent du projet d e l ’association p résidée par

M . Biau [sic.], j ’ai eu conn aissance, il y a quelques moi s, d’u n avant -pro jet tr ès somm aireétabli par M . Dupoux, colonel en retrait e, demeurant 1, rue de Bil lon à Clermont -Ferrand.Le parc proj eté devait s’étendre sur la régio n com prise entre Florac, Alès et Génol hac, etinclure notamm ent le versant N ord-Est du M ont-Aigoual 17 . »

Jusqu’en 1965 , l ’ impression d e m ultipl icité et de concurrence des projets est un argum entrégulièrem ent avancé en « h aut l ieu » en la défaveur du projet cévenol.

Déf inir les limite s

Pour les Cévenols, la première priorité est donc de s’accorder sur les limites globales àdon ner au fut ur parc. Sans tou tefo is les préciser très exactement , com m e l’écrit Pierre Ri-chard :

15 - Correspondance M eynadier-Bieau, décembre 1957 [AD, 21J 5].16 -Correspondance Richard-Bieau, 6 octobre 1957 [AD, 21J5].17 - Lettre du directeur général du Tourisme (Boucoiran) au préfet de la Lozère, 19 septembre 1958 [AD, archives du PNC, 1201W1].

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« Puisqu’ i l n e s’agit ab solument p as d’en-tourer un e région de barbelés mais d’aidernotre pays à revivre et mêm e à s’épanouirdans un cadre approprié à sa vocation tra-dit ionnelle 18 . »

Cependant, la m ultip licité des point s de vuequi s’expriment après la publication du p ro-

 jet de l’ APNCC im pose de déf in ir ce cadreferm emen t. La discussion sur les limi tes duparc engage, en déf in i t ive, un débat surl’iden tit é des Cévennes. Ici, trois t endancesse dégagent : une vision « restrictive » ethistorique, défendue notam ment par André

Chamson, l im itant le parc aux « Cévennes entre m ont Lozère et m ont Ai-gou al » ; des visions « ext ensives » et géog raphiq ues ensuit e, élargissantla zone à protéger à l ’ensem ble du M assif central (proposit ion d u colonel Dupoux ) ; enfinune tendan ce « déviation niste » selon le term e de Pierre Richard, déportant les l im itesdu Parc des Cévennes sur ses bords ori entau x (le parc Cévennes-Caroux de Jean Prioto n)ou o ccidentau x (un p arc du Bas-Vivarais serait p ropo sé par Roger Ferlet) 19 .

À l’encontre de ces trois tendances, les limites retenues par l’APNCC correspondent aux« Cévennes définies du bois de Païolive jusqu’aux pentes méridionales de l’Aigoual 20 » .Cette définition ne semble pas répondre à des critères bien précis, ni sur les plans géo-graphique et biophysique, ni sur les plans sociologiqu e ou culturel. Elle reflète plutô t lecomp rom is qui résult e de l’association des différents territo ires de prédilection d es leadersdu Parc des Cévennes. Au ssi, d’un poin t de vu e strictem ent nat uraliste, ces limit es ne se

 ju st if ien t guère 21 .

Le cadre général du parc plus ou m oins défini, i l reste à concevoir une action véritablem entcomm une. M ais les diff icultés sont nom breuses. L’éloignem ent géog raphique en prem ierlieu, empêche les Am is des sources et les Lozériens de se réunir f réquem m ent, m ais il en-traîne aussi une méconnaissance réciproque du terrain d’action de l’autre : la Lozère où

exerce maître Bieau a peu à voir avec les Cévennes gardoises de Jean Pellet, et encorem oin s avec le pays des Vans de Pierre Richard . Ensuit e, la personn alit é des deux pri ncipau xleaders (Richard et Bieau), également dot és d’un tem pérament « ardent », ne facil i te pasl’avan cée de certain es discussions. Enfin , les uns et les autres ont très certainem ent unem anière fort diff érente de concevoir les actions à mener pour l ’ avancée du projet d e parc.Il y a clairement deux, voire trois styles et trois terrains d’action très distincts au sein del’A PNCC, correspondan t à tro is personn alit és : Richard, Bieau, Pellet. Constat ant , à la finde 1958, l ’ impossibi l i té d’une action unitaire, l ’APNCC institutionnalise la disparité encréant un e sort e de stru cture fédérale avec tro is équi pes et t rois secteurs géograph iques.

Le rôle de l’APNCC : « Créer un courant d’opinion favorable » (Charles Bieau)Côté lozérien, m aître Bieau est le seul véritable anim ateu r de l’associat ion. Il conçoi t son

18 - Correspondance Richard-Bieau, 6 mai 1957 [AD, 21J5].19 - Correspondance Richard-Bieau, 14 février 1958 [AD, 21J5].20 - Correspondance Bieau-Gilbert André, 2 décem bre 1957 [AD, 21J5].21- Comme l’expose un bot aniste, le professeur Le Brun, réagissant à l a brochure de l’APNCC, dans une lett re du 22 novembre 1958.

Les limit es du PNC,

Font Vive , n°1, 1960

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action essentiel lement en t erme de « lo bbying » et son cadre d’action est strictement dé-part emen tal. Avec l’app ui d e quelq ues personnes de sa connaissance, issues des réseauxd’ém igrat ion lo zériens, il tent e de constit uer l’A PNCC en gro upe d’i nflu ence classique, sonobjectif étant d’un e part de mob iliser les élites polit iques et économ iques départem entalesen faveur de son pro jet, d’aut re part d’ obt enir une influ ence sur les instances décisionnairesà Paris 22 . Sur ce po int , ses possibilit és semb lent alors assez limi tées et il est lo in d e posséderle carnet d’adresses d’un Gilbert An dré. Ainsi, après les inondatio ns d’octo bre 1958 , maîtreBieau regrette-t-il de n’avoir pas les « moyens matériels de toucher la presse parisienne.Seul un grou pe de Parisiens am is du parc aurait pu le f aire ».

Il s’app uie don c sur qu elques Lozériens de Paris pour ob teni r les info rm atio ns et les « en-trées » adm inistrat ives nécessaires à l’avancée de son p rojet . Jusqu’ en 196 0, l’un d e sesprincip aux « relais » à Paris est Pierre M eynadier, déjà présenté, ancien po lytechni cien etadm inistrat eur de la Société civile forestière du Bougès. M eynadier po ssède des relatio ns

au M uséum natio nal d’Histoire naturelle et surtout ru e Low endal, au m inistère des Eauxet Forêts. Sa fam ille est sem ble-t -il app arent ée à celle de Charles Flahau lt, le fam eux b o-tan iste de l’A igou al. Il collecte pou r Bieau de nom breuses info rmatio ns sur les personnalit éset les instances à toucher en priorité, essentiellement dans les milieux naturalistes et fo-restiers. Voici, à travers un extrait du 26 août 1958 de sa correspondance avec CharlesBieau, une illustration de son rôle à l’APNCC :

« Lundi p rochain, je dois voir M . de Samu cewicz. Dans un annuaire adm inistratif nou s examin eronsquels sont les chefs de service qu’i l faut contact er pour le p arc natio nal. M . de Sam ucew icz, jel’espère, ira en visiter q uelqu es-uns. Pour m a part i l m e restera assez peu de tem ps avant m ondépart en Alsace. Je tâcherai néan m oin s d’en voir qu elques-uns, en part iculier à la rue Low endal :ceux qui ét aient en vacances en aoû t. Pensez à m ’envo yer le plus tôt possible quelques brochu res,

 je va is en m anquer. »

De Thadée de Samucewicz, nom qui revient souvent dans la correspondance de CharlesBieau pour sa capacité à pénétrer les hautes sphères, on ne sait malheureusement rien,horm is qu’i l est l ié au premier grou pe papetier français, Arjom ari 23 . À partir de 1963 , ilsera l’u n des rédacteurs de la revue Cévennes et M ont Lozère, l’o rgane d e l’APNCC créépar Charles Bieau.

Jacques Pinset est u n aut re « inf orm ateur » de Charles Bieau, dont le parcours nousdemeure t otalem ent o bscur. On le voit fréquenter l ’A ssemblée nat ionale avec aisance ets’ inviter dans les min istères. On lui confie la réalisation des com m entaires d’un fi lm surla Lozère, diff usé par Path é. Il rédige égalem ent u n rapp ort p our m aître Bieau sur les pos-sibilités écono m iqu es en Lozère et un art icle sur les « Itinéraires cévenols » po ur la revuedu Tour ing Club de France. Plus ta rd, il écrit que Pierre Randet, du m inist ère de la Constru c-tion, songe à lui confier une mission en Auvergne… Bref, i l paraît être un jeune hom m ehardi, qui rapport e essent iellement d es inform ation s de « couloir » au p résident de l’APNCC,

tou t en o ffrant ses services pour la p ublicité du p rojet.Un quatrième personnage-relais a, lui, beaucoup plus de « poids ». Il s’agit de Pierre deM ont fajon, président de Banques Populaires de France, originaire du Pont -de-M ont vert

22 - Cette action de lobbying est décrite plus en détail dans la troisième partie.23 - En 1954, la fusion de quatre papeteries concurrentes qui produisent des papiers à haute valeur donne naissance au premier

groupe papetier français Arjomari.

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où il passe ses vacances. Il est assez vite contactépar Charles Bieau pour diverses affaires, dont l e pro-

 jet de p arc. Il f igure d’ ai lleurs sur la liste des mem bresdu conseil d’adm inistration (jamais réuni) de Parcsde France, établ ie en décemb re 195 7.

On développera dan s la partie suivante les résultatsde ces diverses tentat ives de mo bil isation des ré-seaux parisiens.

De leur côt é, les Am is des sources n’h ésiten t p as àm obil iser égalem ent l es « réseaux ». Pierre Richardest famil ier de certains mil ieux intel lectuels, poli-t iques et économiques parisiens (i l en fait m ême un

argum ent d ans sa rivalité avec Bieau po ur la représentat ion d u PNC 24).Lui et ses amis obtiennent ainsi une adhésion au projet de PNCC detrois cercles de nature différente.

Tout d’abo rd, les cham bres d’agricult ure, organe de représentat ion des professions agricoles,que Pierre Richard semb le fréquen ter d e près. I l se l ie en par ticuli er avec Pierre Ritt e,dé légué rég ional q u i a eu, se lon Gi lber tAn dré, une certaine influ ence dans l’élabo-ration du projet de Parc de la Vanoise 25.Pierre Ritt e est égalem ent à l’ origine de l’ ex-périence de « rénova tio n rural e » à Thines,précédemment évoquée 26 . En 1958, l’As-sem b lée permanent e des p résiden ts dechambres d ’ag r i cu l tu re fo rm u le un vœupour la création du Parc natio nal d es Cé-vennes. La perspective d u p arc s’inscrit iciclairement dans la thématique du m aintiende la vie en m ont agne et de la valorisationde la paysannerie tradit ionnelle, avec les

accent s agrariens qui sont ceux d es cham -bres d’ag ricultu re de l’époque (Duby et Wal-lon, 1976 : 451-452). En ju in 19 58, le « Parcnational des Cévennes » est représenté àl ’exposit ion d’art isanat ru ral des chambresd’ agr icult ure et des Parcs de France à Paris.

Grâce au bio logiste Constant Vago, le projet cévenol est int roduit dansles m ilieux nat uralistes, en part iculier auprès du pro fesseur Heim (directeur

du Muséum national d’Histoire naturelle et président de l ’Union internationale pour laprotection de la nat ure) et de Clément Bressou (directeur de l ’ École vétérinaire d’Alfort ),qui sera le p remier p résident du Conseil scientif ique d u PNC. Selon Constant Vago, onaurait, en Cévennes, méconnu et sous-estimé l’importance de ses démarches effectuées

24 - Lettre de Pierre Richard, 28 novembre 1957.25 - Gilbert André, entretien, 28 mai 2009.26 - Huguette Ni colas, entretien, 12 juillet 2005.

Les parcs nationaux dans

la revue Crédit populaire de France , dirigée parPierre Montfajon

Huguette Ni colas dansson atelier de t issage,à Thines.

    C   o    l    l .    F   a   m

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médias. Pour ce qui concerne Jean Pellet,seul véritable « militant » du Parc des Cé-vennes dans la région de Génolhac, i l secontente vraisemblablement d’une propa-gande locale, en m ultip liant les conférencesérudites et en t entant de faire partager sapassion pour la connai ssance des merveillesdu pays cévenol.

Le t erritoire d’expérimenta tion et d’ac-tio n de s Am is des sourcesSi, du côt é de m aître Bieau et de la Lozère,les actio ns concrètes au niveau l ocal se li-mitent essentiel lement à la réalisation degroupements forestiers (propagande auprèsdes propriét aires), en revanche, confo rm é-m ent aux principes définis à Lyon en octo -bre 1957, les Amis des sources multiplientles proj ets et les « m icroréalisatio ns » pra-tiques en Ardèche et dans le Gard : délim i-t a t i o n d e r é s e r v e s b o t a n i q u e s e tfaun istiqu es (quat re « réserves » sont p ré-vues en A rdèche à Thin es, Serre d e Barry,

Païolive et Bourbouillet 29 ). Des bâtiments sont achetés, pour abriterles fut urs « laborat oires de recherche » d u Parc nation al (par exemp le,un laborat oire « d’œ cologie » est envisagé dans une m aison située

entre Brahic et Naves). Enfi n, des terrain s susceptibl es de consti tu er des réserves natu rellessont cédés à t i t re gratuit par des particuliers à l ’équipe ardéchoise, et u n « contrat type »

pou r perm ett re la généralisation de telles cessions, est élaboré avec le concours du sénateurMolle.

On imagine également des possibilit és d’ex-périmentation biologique (réserves, jardinsalpestres… ) et d’expérimentat ion culturelle,des actions de relance et d ’anim ation d ansles dom aines de l ’art isanat rural et du fo l-klore. Des inventaires en tout genre sont

entrepris (réalisation de « f ichiers » géolo-giqu es, archéolo giqu es, eth nolo giqu es, bo-tan iques...) ainsi que le bali sage de sent iersde randonn ée (GR4), des actions de prot ec-ti on de sit es, etc. Les activ it és d’i nven tai res,

Joseph Thibon, maire des Vans etPierre Richard, Les Vans, vers 1960

    C   o    l    l .    F   a   m

    i    l    l   e    R    i   c    h   a   r    d

Pierre Richard fait son rapport surles activités du groupe « oriental »

de l’A PNCC (correspondanceRichard-Bieau, 12 janvier 1960)

    A    D    4    8 ,

    f   o   n    d   s    B    i   e   a

   u

29 - Correspondance Richard-Bieau, 12 janvier 1960 [A D, 21J6].

Le Trepadou des Vans, groupe f olklori queanimé par les f illes du docteur Richard.

    C   o    l    l .    F   a   m

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   a   r    d

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de cartograph ie et de délimit ations 30 se m êlent ain si aux actions de type « éducation po-pulaire » (organisation de camps scouts pour venir en aide aux « com m unes du parc »)ou an im ati on cult urelle. La confrérie des Am is des sources ressemb le en cela com m e unesœur à l ’association Alpes de Lum ière animée par Pierre M artel du côt é de la m ont agnede Lure, projet de parc comp ris, mais structuration institut ionnelle en m oins. Cela viendrato ut efois, en 196 1, avec la créatio n de l’ associat ion Font Vive, à trav ers laquelle les Am isdes sources poursuivront leurs réalisations au service du Parc national culturel.

Parler d’une m êm e voix.Font Vive, une revue d’études du Parc national culturel des CévennesJusqu’à 1961, malgré leurs dissemblances, les différentes équipes de l’Association pourun Parc national culturel des Cévennes tent ent de parler d’une seule voix. Aussi l’inform ationcircule-t-elle, entre Pierre Richard et Charles Bieau, concernant la stratégie à mettre enœuvre po ur faire about ir le projet au plan n ation al. Surto ut, ces derniers tent ent d’ élaborer

un discours comm un de présentatio n du projet qui about it, not am m ent, à l ’ init iative desAmis des sources, à la création de la revue Font Vive, en mai 1960. C’est Charles Bieauqui ou vre le premier num éro (après un « lim inaire » signé de Pierre Richard) avec un articlede présentation du « Parc national culturel des Cévennes » (Font Vive, n°1, mai 1960),tan dis que les autres articles sont rédigés par des proches du d octeur Richard. Le parc fo-restier, avec ses réserves, sa zone d ’expl oit atio n ag ro-pa storale et sa zone « d e passage »pleinem ent in tégrées dans une stru cture économ ique classique, sem ble ainsi s’allier à unepensée plus expérimentale, orientée davantage vers l’action sociale et culturelle et l’ex-périment ation scientif ique : en dehors des trois présidents de l ’A ssociation pour un Parcnation al culturel d es Cévennes, quatre scientif iqu es et un universitaire f igu rent au comit éde rédactio n de la revue.

30 - Un accord est même passé avec l’entreprise Végétaline qui « accepte de nous fournir des matières grasses et des panneaux-balises pour des réserves d’oiseaux dans le Parc. » (Correspondance Richard-Bieau, 12 janvier 1960).

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T r o i s i è m e p a r t i e

L’État ent re en scène

Àpart ir du to urnan t des années 196 0, les prom ot eurs du Parc nation al des Cévennesdoivent composer avec un acteur dont i ls réclament l ’ in tervention d epuis plusieursannées : l ’État.

Dans le nou veau cont exte po liti que de la Ve Répub liqu e, l’État, en effet, se veut fo rtem entdirecteur et p rend résolum ent en m ain les grands chantiers qui doiv ent conduire à la m o-dernisatio n de la société fran çaise dans son ensembl e. Les deux prin cipaux chan tiers dela décennie 1960 sont la réforme de l ’agr icul ture et la mise en place d’une véri tablepolit iq ue d’am énagement du t erritoire. C’est dan s ce contexte qu’o n décide d’élaborer lalégislation qui perm ettra la création de p arcs nationaux sur le sol m étropolitain. Nous ver-

rons, dans cette partie, quelles fonctions leur ont alors été assignées et quels ont été lerôle et le posit ionn ement de l ’Association pour u n Parc national culturel des Cévennesdans cette élaboration au niv eau national.

On verra en particulier que, dans le débat nat ional qu i s’ instaure (faiblement ) autou r dela créat ion des parcs nat ionaux , ce n’est pas la protect ion de la n ature m ais plutôt ledevenir des espaces ruraux et des « t erritoires marginaux » qui est en jeu. Il apparaîtraégalem ent qu e les choix effect ués au niveau n atio nal on t en Cévennes des répercussionsprof ond es sur le mou vem ent q ui t ente de pen ser l’aven ir des hautes terres. Car, à côté du

grand am énagement planif ié dont le litt oral languedo cien est devenu une pièce maîtresse,fleurissent les petits plans de sauvetage de l’arrière-pays, dont le parc nat ional est considéré,désormais, par beaucoup, com m e un élément in conto urnable. La période 1960-1 965 p eut-être ainsi caractérisée comm e le tem ps de la désunion p our les premiers promo teurs duparc cévenol, mais aussi com m e celui de la reconfigu rati on d es enjeux et des acteurs, les-quels se mettent en place avant le dernier acte, la réalisation institutionnelle du Parcnat iona l des Cévennes.

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    G   u   y    G

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présente l ’ inconvénient de vo uloir concil ier deux ob jectifs inconcil iable : la rénovation desCévennes et la conservation 4. En août 1958, M . Benda, un haut f onctionn aire du Fondsforestier nat ional, consulté sur le projet p ar le préfet de la Lozère, fait cette réponse :

« La dénom ination du Parc national [ des Cévennes] ne correspond pas exactement au bu tpoursuivi. Un parc nation al est ét abli en vu e de réserves pour la récréation d u pu blic sousle contrôle rigoureux des sanctuaires naturels dont, la faune, la flore et les richesses dusol présentent un intérêt à la fois national, esthétique et éducatif. En fait, sans que cesconsidérations soient absentes, le projet en cause est surtout un plan d’expansion éco-nom ique de la région d e Florac axé sur les questions de l ’am énagement foncier et du dé-veloppement touristique 5. »

Les amé nageursSouhait ant précisément faire concil ier les imp ératifs a priori contradictoires de la conser-

vation, de l ’aménagem ent et du développement , les promo teurs de « Parcs nationaux cul-tu rels », on l’a vu, ont i nscrit la nécessité des parcs dans une perspective d’am énagem entdu territoire. Ce sont des « aménageurs », et non des naturalistes ou des forestiers, quiont accordé leur soutien en 1955 à la constitut ion d’ un Com ité des Parcs nation aux français(Eugène Claud ius-Petit , Jean Villot , André Prothin ). Par ail leurs, on est persuadé en Cévennesque c’est vers le ministère de la Construction q u’i l faut se tou rner pour obt enir, com m e i lfut fait p our la Vanoise, un plan d’am énagement du parc.

Georges Meyer-Heine, qui a contribué à la Libération à la mise en place des services del’urbanisme de l ’ État aux côtés d’An dré Proth in, est alors urbaniste en chef de la régionProvence-Corse. C’est un p roche de Pierre Richard et de Pierre M artel ; il est do nc tou t àfait acquis à la cause des « p arcs cultu rels ». Ap rès une visite des Cévennes à l’ inv ita tio ndes Amis des sources en 1959, il tente d’appuyer de diverses manières le projet de Parcdes Cévenn es.

Le 6 novem bre 1957 , André Prothin avait ann oncé à l ’A ssemblée des Parcs de France lapréparation d’ un projet d e loi (M auz, 2003 : 66). Tout indiquait donc que l ’Am énagementdu territoire en serait le concepteur. En 1958 cependant, alors que rien ne se passe ducôté de Parcs de France, Jacques Pinset évo que des problèmes budgétai res qui ent raveraient

la création des parcs français, ainsi qu’une mésentente entre les services administratifssur l’opportunité de créer un Parc en Cévennes. Certains au ministère de l’Urbanisme luiseraient très favo rables 6, mais le nouveau directeur de l’Am énagement du t erritoire, PierreRandet, paraîtrait f luctuant 7. Plusieurs mo is après la nom inat ion de ce dernier, les chosesn’on t g uère avancé pour le pro jet des Cévennes et jusqu’à la f in de l’an née 1959, personnene semble savoir exactem ent qui aura f inalement pouvo ir de décision sur la création desparcs français.

Un nouvel acte ur : le Haut -Commissariat au Tourisme

Un acteur supplément aire entre dans la course aux parcs nationaux à la f in de l ’année1959 : le Haut-Comm issariat chargé du to urisme. Au m ois de novembre, Pierre de M ontfajoninform e m aître Bieau qu e le comm issaire général au Tourisme, M . de Sainteny, a « reçu

4 - Lettre de l’ ingénieur en chef des Eaux et Forêts de la Lozère à Pierre Richard, novembre 1956 [AD, 21j11].5- « Confident iel. Position des Eaux et Forêts vis-à-vis du Parc national cult urel des Cévennes », note admi nistrat ive, 1958 [AD, 21J5].6 - Correspondance Pinset-Bieau, 17 août 1958 [AD, 21J5].7 - Gilbert André a témoigné également de l’attitude ambiguë de Pierre Randet (Mauz, 2003, et entretien 2009).

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de la natu re, la création d es parcs nation aux eng age clairement en France la question d udevenir global du m onde rural. Ainsi le projet de loi, élaboré en un t emps record par laDirection de la prot ection de la nat ure, est-i l présenté, au printem ps 1960, dans le même« t rain » qu e les grandes lois d’orientat ion qui visent à changer la physionom ie de l ’agri-cultu re française.

La discussion du projet de loi présenté à l’Assem blée nat ionale (ma i 19 60 )

L’Association p our un Parc nation al cultu rel des Cévennes doit d ésorm ais œuvrer sur deuxfront s : la lutt e dans la concurrence pour la création des Parcs nati onaux (qu i ne manq uerapas de s’ouvrir une fois la loi promulg uée) et l ’élaboration du t exte de loi lui-mêm e, donti l faut v eil ler à ce qu’i l « ne dénature pas » le projet dont el le revendique la paternité 12 .Quant au prem ier front , il est nécessaire d’agi r au plus haut n iveau. Des relatio ns person-nelles de Pierre Richard (Jean-M arius Gatheron, inspecteur de l’ Agricult ure et Pierre-M arie

Auzas, inspecteur principal des M onum ents historiques) cont actent François M erveilleuxdu Vignaud, président du Conseil supérieur de la natu re et q ui, croit-on, « d écide du clas-sem ent des Parcs » 13 . Deux mois plus tard, Merveilleux du Vignaux reçoit Pierre Richardet lui confie très off icieusement l ’avant-projet de loi-cadre, afin que l ’ APNCC s’en inspirepou r rédiger sa dema nde off icielle de Parc des Cévennes :

« Très im portan t. Voici la copie de l ’avant -projet de lo i-cadre que m’ a confié M erveil leuxdu V. Il faut s’en inspirer en plein p our rédiger les nouveaux statut s et la dem ande off icielle,sans qu’on puisse penser cependant qu’il y a eu copie servile. Garde-la pour toi et ne lam ont re qu’à d es am is très sûrs car c’est là u n de no s meilleurs ato ut s. Si nou s faisons dèsm aintenant quelque chose de confo rme à l ’ idée de M . du V. nous aurons tout es chancesd’obt enir satisfaction. M ais i l faut f aire très vite 14 . » (soulign é par Pierre Richard)

Tout efois, François M erveilleux du Vignau x considère que le pro jet cévenol n ’est pas suf-f isamm ent about i. I l manqu erait un dossier com plet qui présente l ’ensem ble du projet etqui serve de suppo rt à une dem ande of ficielle qu’il serait u rgent d e form uler. Pierre Richardprend alors la plum e au nom de l ’APNCC pour s’adresser au Prem ier ministre M ichelDeb ré :

« M onsieur le M inistre,

Sachant t out l’in térêt qu e vous portez à la réalisation d es Parcs nat iona ux fran çais, je me perm etsde vou s adresser, au nom de l’A ssociatio n du PNCC don t je suis président d’h onn eur, par l’ in-termédiaire de mon ami Guy Madiot, une documentat ion sommaire qui vous sera complétéeult érieurem ent. Nou s teno ns à vous signa ler, m es am is et m oi, que la réalisation d e not re Parccévenol est en cours (uniqu ement à l ’aide de f onds privés et lo caux jusqu’à présent) depuisprès de quatre ans. Nous avons déjà fait beaucoup dans les domaines de l’artisanat rural, dela recherche scientif iq ue régio nale, de la conservatio n d es sites, des m onu m ents, de la fl ore et

de la faune et la const i tut ion de “ réserves intégrales” par contrat s avec propriétaires. Noussouhait ons évidemm ent la reconnaissance off iciel le rapide de notre œu vre com mu ne et, cecid’aut ant p lus que notre m agnif ique région cévenole subit actuel lement une crise sévère et que

12 - Correspondance Bieau-Viallet, 4 avril 1960 [AD, 21J6].13 - Correspondance Richard-Bieau, 12 janvier 1960 [A D, 21J6].14 - Correspondance Richard-Bieau, 11 mars 1960 [AD, 21J 6].

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notre pro jet de Parc nat ional const i tue un véri table plan de rénovation de la vie dans notre ré-gion.15 » (Je soulign e)

Cett e lett re est rédigée le jour mêm e de la présentat ion du projet de loi devant l’ Assembléenat iona le, en cinqu ièm e séance, le ma rdi 3 m ai 196 0, sous la présidence d’Eugène Clau-

dius-Petit . Le m inistre de l’A gricult ure est Henri Rochereau. Le rappo rteur du projet de loi,au nom de la Commission de la production et des échanges, est Pierre Dumas, jeunedéput é de la Haute-Savoie, dont Isabelle M auz rapport e qu’il s’est p assionné po ur le projetde parc natio nal alpin auquel l ’a int éressé Gilbert André (M auz, 2003 : 77). Avec deuxautres députés savoyards, de bords polit iqu es différents, i ls ont o pté p our la form ule d’unparc out i l d ’am énagement et de développement d es com mu nes mont agnardes. PierreDum as s’est em paré du pro jet de loi élabo ré par les services forestiers et lui a appo rté lesamendem ents qui lui semblent nécessaires pour le rendre compat ible avec cett e vision

L’assemblée générale de l ’APNCC aux Vans (15 mai 19 60 )Le 15 m ai, l’Association pour un Parc national culturel des Cévennes se réunit en assembléegénérale extraordinaire aux Vans pour t ravail ler sur le projet de loi et sur le rapport dePierre Dumas. Cinquante-deux membres sont présents, ainsi que le député de l’ArdècheAlb ert Liogier, chargé de discuter le do ssier à l’A ssemb lée natio nale. Le com pt e-rendu d ela réunio n évoq ue l’alt ernance des craint es et des espoirs suscités par la qu estion d u Parcnational en Cévennes, dans un contexte de crise agricole et industrielle (la reconversiondu bassin m inier) et d e dépopulatio n. « À p eu près tou s les Cévenols – p eut-on l ire – sou-hait eraient devenir des fonct ionn aires du Parc 16 . » Cependan t, en son ét at actu el, le projetde loi est loin de paraître satisfaisant :

« I l n’em pêche cependant q ue l ’espri t du projet de loi sur les parcs nat ionau x doit être modif iépou r que les habita nts des parcs nat ionau x sachent q ue les parcs sont fait s pou r qu’ ils puissentrester au sol et y vivre conform ément à leur tradit ion originale 17 . »

Outre les amendement s proposés par Pierre Dum as qu’el le demande aux parlement airescévenols de reprendre à leur compte, l’APNCC propose trois modifications.

La première port e sur la définit ion du Parc national t el le que proposée par l ’art icle 1 du

pro jet de loi :

« Le territoire de tout ou part ie d’une ou plu sieurs comm unes peut être classé [… .] en “ Parcnat ion al” lorsque la conservatio n de la faun e, de la flore, du sol, du sous-sol, de l’at m osphère,des eaux et , en général d’un mi l ieu nat urel présente un in térêt spécial et qu ’ i l imp orte desoustraire ce milieu à toute intervention artif icielle susceptible d’en altérer l’aspect. »

L’APNCC propo se d’ajou ter : « à tout e dégradation nat urelle ou intervention art ificielle... »Cet am endement, dont l ’ in i t iat ive revient à M ichel Durand, est inspiré par la si tuat ion

propre des Cévennes : l’entretien du sol et la p lantation apparaissant à l’association com m eles seuls remèdes aux dégradations naturelles, par exemple les inondations 18 .

15 - Lettre de Pierre Richard à Michel Debré, le 3 mai 1960 [AD, 21J6]. Ce document est un brouillon, il n’est donc pas certain quecette lettre ait bien été envoyée au Premier ministre.

16 - Font Vive , n°1, 1960, p. 39.17 - Ibid .18 - Cahier de compt e-rendu des réunions de l ’APNCC, 1960-1971 [CD 01241].

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L’article 2 du t exte port e sur la réglement ation du parc nat ional, ainsi que sur d’éventuelleszones de « réserves int égrales » qu i po urron t être défin ies dans son espace. L’A PNCC sou-haite indiqu er que « l ’org anisation du parc prendra en charge le maintien au sol des po-pulat ions », ce qui semble relayer l’ idée visant à rému nérer les habit ants pou r la réalisationdes travaux d’ entretien du parc et d e prot ection de la f orêt. Au sujet des réserves intégrales,l ’associat ion entend faire préciser qu’el les « seront toujours établ ies en fonct ion ducaractère de l ’occupation h um aine et en fon ction des considérations hum anitaires », cequi t émoign e de la grande réserve de ses m embres vis-à-vis d’une polit ique conservatoirede la nat ure.

Enf in, i l est longu ement quest ion, lors de cette réunion , de la pr ior i té à accorder à lacréation du PNC. Ceci est form ulé de m anière assez vive dans la pub lication du comp te-rendu :

« La création du Parc nat ional des Cévennes, par des avantages économ iques et sociauxqu’i l p résente, s’ im pose par priorité, conformém ent aux vœux de l ’Assemblée permanentedes cham bres d’agricult ure. D’ailleu rs, ce serait fai re injure au vœ u exprim é par les repré-sent ants de 15 m illions de paysans français, que de ne pas com m encer par le Parc natio naldes Cévennes 19 . »

Nous allons examiner m aintenant ce qui est advenu des proposit ions de l ’A PNCC dans ledébat à l ’Assemblée nat ionale et les conséquences possibles du text e f inalement adopt é.

La loi sur les Parcs nat ionaux f rançais : son esprit e t le s enje ux du déb atL’ensem ble du texte de lo i est adopt é lors de la séance du 8 juin 1 960. Le débat n ’est pastrès anim é et l’o n sent q u’il n’ entre pas dans les préoccupat ions maj eures de l’Assem blée.Les amendem ents proposés ém anent de Pierre Dumas et des députés cévenols. Ces dernierssont tous polit iquement proches de la droite « agrarienne », qui se veut défenseur dumo nde rural traditionn el et don t le très populaire Ant oine Pinay est le hérault. Appartiennentà ce courant les dirigeant s de la Fédération n atio nale des syndicats d’explo itan ts agricoles(FNSEA) et d es cham bres d’agricult ure qui , écrivent Dub y et Wallon, « pou rsuivent le rêvecorporatiste de leurs pères et demeurent f idèles à une id éologie qui puise toujou rs sesracines dans le cath olicisme social » (Duby, Wallo n, 197 6 : 583 ). Henri Trém olet de Villers,

député de la Lozère, memb re du com ité directeur du Centre national des indépendant set paysans (CNPI), dont A nto ine Pinay fut un tem ps le président, est bien représentatif dece courant . En Lozère, cette d roite t radit ionn elle vit en bonn e entente avec les mem bresde la fam il le gaull iste, à laquelle est ral l ié not amm ent l ’abb é Vial let 20 .

Les député s des Cévennes en 19 60Henri Trém ollet de Villers (1912 Paris–200 1 M ende), député d e la Lozère (1956-1962).Avocat au barreau de M ende.

D’une fam ille catholique d’origine aveyronnaise et breto nne, il s’engage dans le m ouvem entScout s de France à part ir de 1928. Il se lance dans la vie po lit ique duran t le Fron t Populai re,en adhérant aux i dées d’extrêm e droit e défendues par le Parti Popu laire Français de JacquesDorriot. Candidat du PPF, il est élu conseiller d’arrondissement de Mende en 1937, mais

19 - Font Vive , n°1, mai 1960, p. 40.20 - Dans une let tre du 10 décembre 1959, le doct eur Richard indique qu’il pense confier le projet de Parc des Cévennes au CNPI pour

le défendre devant l ’Assembl ée. Correspondance Richard–Bieau, 10 décembre 1959 [AD, 21J5].

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quitt e le PPF en 1941, « déçu par le régime de Vichy et refusant la polit ique de collabo-rat ion ».

Après la guerre, il préside de nom breux organ ismes régionaux , don t le Syndicat d’ init iativede M ende et de l ’Unio n départem entale des Syndicats d’ init iat ive (1945-1952), la Caissedépartement ale d’A llocations fam il iales (1947-1961 ), l’Association lozérienne des Logisde France ou encore la Fédération départ emen tal e de la chasse (1950-1 966 ). Sa carrièrepolit ique locale est marquée par sa rivali té avec la famil le de Chambrun – qui a donnébeaucou p d’ élus en Lozère. Rallié au Centre na tio nal des indép endant s et p aysans, HenriTrémo llet de Villers rem port e le siège de déput é en 1956, grâce à un large apparent em entdes droit es. En 19 58, il est élu conseiller général d u cant on d e M eyrueis. Au Parlem ent, ildevient l ’u n des orateurs les plus en vue du groupe des Indépendants et paysans d’actionsociale (IPAS), présidé par Antoine Pinay. I l s’ intéresse prioritairement aux questionsagricoles et à l ’A lgérie. Il vot e pour l ’ investit ure de de Gaulle le 1er juin 19 58 et pour les

pleins pouvoirs au gouvernement et approuve la révision constitutionnelle du 2 juin. I lperd son siège de déput é en 1962 f ace à Charles de Cham brun (M RP), m ais conserve sonm andat d e conseil ler général du canton de M eyrueis jusqu’en 19 76.

Abbé Félix Vialle t (1912-2005 ). Né à Langogne, d’un e fam il le de m il ieu m odeste. I l futconseiller général du canton de Langogne et député de la Lozère. Sa carrière politiquedébute à partir de 1945 comme conseil ler municipal et se déroule au sein de la famil legau llist e (RPF, pu is Répub licain s sociaux d e l’UN R, pu is UD-Ve Répu bliq ue). À l’A ssem bléeil fut not amm ent m embre de la Comm ission agriculture (1958). « I l intervient assez peuà la t ribune, m ais parmi ses prises de parole impo rtant es figure sa part icipation à la dis-cussion sur le M arché com m un ag ricole où i l expose la posit ion des républicains sociauxsur l’Europe. » En outre, l’abbé Viallet est l’aumônier des Lozériens de Paris. À partir de196 2, avec la Ve Répub liqu e, « le rôle po lit ique de l’ab bé Viallet se limit e à l’échelon localet cela perm et à l’ancien d éputé, to ujou rs enseignant , de se consacrer, en plus de ses man-dants locaux, à des publications d’h istoire locale et d’économ ie régionale ».

Pierre Grasset -M ore l, né à M ont pellier en 1908 . Député de l’Hérault (1958-1962 ), groupedes Indépend ant s et paysans d’action sociale (IPAS). Form ati on à l’Instit ut n atio nal agro -nom ique (192 8) et à l’ École natio nale des Eaux et Forêts (1930 ). Après une carrière à l’Ins-

pect ion de Montpel l ier jusqu’en 1949, i l se consacre ensui te à son domaine vi t icole.Directeur de la Fédération nationale des Syndicats d’exploitants agricoles.

Albert Liogier (1910 Yssingeaux, Haute-Loire). Profession im prim eur. Déput é de l’Ard èche(1959-1962), Groupe UN R.

(Sources : site Internet de l ’Assem blée nationale ; Pourcher, 2002)

En préam bule du t exte de loi, l ’exposé des m otif s donne la to nalité de l ’esprit que le lé-

gislateur a voulu donner à la loi française sur les parcs nationaux. On ne t rouve pas danscet exposé de grandes déclarations patriot iques, mais l ’aff irmat ion d’ une originalit é fran-çaise, sur laquelle insiste part iculièrement le rapporteur :

« Telle est, mes chers collègues, l ’économ ie générale de ce projet don t il con vient de soulign erqu’ il crée une notio n spécifiqu ement française, deux fois française mêm e, par son origin e d’abo rd,puisqu’il s’agit là d’u ne définit ion n ouvelle et diff érente de celle des réserves dans d’aut res pays

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étrangers, et du fait, ensuite, qu’il s’agit d e met tre la natu re à l’échelle hum aine. » (Pierre Dumas,Assemblée nat io nale, première séance du 3 mai 1960 21 )

Les motivations évoquées pour la création des parcs nationaux sont de deux ordres. Lepremier est la p réservation d’u n pat rimo ine naturel (f lore, faune) de plus en plus menacé

par l ’ industrial isation et la récréation d u public urbain. On remarque qu’i l n ’y a rien là detrès différent par rapport à la conception am éricaine originelle. L’originalit é française ré-siderait surtout dans l’int égration de l’être hu main dans ces espaces dédiés à la préservationde la nature. D’où deux dispositions de la loi, inspirées du projet que Denys Pradelle aélaboré pour le Parc de la Vanoise (M auz, 2003 ), qui p révoient u ne structure en d eux zonesprincipales :

« D’u ne part le parc à proprem ent p arler, zone dans laquelle l’a ccent est m is sur la préservationet, par conséquent, sur un certain nom bre d’ interdict ions ; d’autre part la zone dite périphérique

qui ent oure le parc et q ui est la zone de m ise en valeur, d’exploitat ion du parc et de to utes lesact iv i tés auxquelles i l peut d onn er naissance, que ce soit sur le plan tou rist iqu e, sur le p lanagricole ou sur le plan de l ’éducation. »

Bien que l ’exposé du rapporteur évoque une « faune et une flore en voie de disparit ion »,la discussion ne port e quasimen t pa s sur la prot ection d e la natu re en elle-mêm e. Les dis-posit ions relatives aux l ieux du p arc spécif iquement consacrés à la conservation et à l ’ ob-servatio n scient ifiq ue, que sont l es réserves intégrales, fon t d’ ailleurs l’ob jet de correctif sque le m inistre accepte. Ainsi l ’am endement à l ’art icle 2 présenté par les trois déput ésdes Cévennes est-i l ad opté : « Les réserves intégrales seront établies en t enant compt ede l’occupatio n h um aine et de ses caractères. » La réticence unanim e suscitée par la n otio nde « réserve intégrale » incite, en effet, le m inistre de l ’Agricult ure à se mo ntrer rassu-ran t :

« Le gouvernement t ient d’ abord à rassurer les auteurs des amendement s en précisant, d’unepart, que les réserves intégrales ne peuvent être que d’une superficie très limitée par rapportà l’ensemble que pourrait constituer un parc national. J’ajoute qu’elles existent déjà. Elles im-pl iquent l ’ interventio n des Eaux et Forêts et je me réfère à l ’art ic le 8 que j ’ ai rappelé tou t àl’heu re [… ]. I l est bien évid ent qu e les réserves int égrales ne seron t jam ais constitu ées au dé-

triment des habitants. D’ai l leurs el les n’ont jamais provoqué la m oindre réclamation des popu-lations voisines. »

Les termes peuvent laisser penser que, puisque des réserves intégrales existen t déjà, géréespar les Eaux et Forêt s, il ne sera poin t nécessaire d’en créer de n ouv elles dans les parcsnat ionaux.

Toute la discussion repose donc sur l’occupation humaine dans et autour des parcs na-tionau x, sur la prim auté d es intérêts des populat ions locales, auxquels la mission de pro-

tection de la nature ne doit pas nuire. I l n’y a rien là de très surprenant. À l ’aube desannées 1960, il n’existe pas encore dans l’op inio n de « conscience écologiq ue », c’est-à-dire de considération pour la nat ure dans sa valeur int rinsèque. Les alertes de scientif iquescomm e Roger Heim sur les méfaits environnem entaux du d éveloppement ind ustriel et del’occupation h um aine sont peu m édiatisées et dem eurent confidentiel les, en dehors de

21 - J ournal Officiel , année 1960, n°14. Assemblée nationale, débat s parlementaires, compte-rendu int égral des séances, 4 mai 1960.[Consultable en ligne : http:// archives.assemblee-nationale.fr/1/ cri/1959-1960-ordinaire2/005.pdf]

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quelques amateurs « éclairés » (tels le docteur Richard et autres « amis des sources »).Surto ut, com m e l’analyse fort bien M ichael D. Bess (2004), l’une des singularit és cultu rellesprof ond es de la société française est la prégn ance du choc que représente l’eff ond rement ,particulièrement visible après la Seconde Guerre mondiale, de la « France paysanne »,puis la mu tat ion extrêm ement rapide et brut ale des m odes de vie. Ce choc explique enpartie la coloration « vert clair » d e l ’écologie française (soit u ne conceptio n de la nat urequi int ègre la place de l ’homm e en son sein), tel le qu’el le se développe surto ut à partirdes années 197 0. C’est cette réalit é – part iculièrem ent b ien évoqu ée par Jean Ferrat, ar-déchois d’adopt ion, dans la chanson très pop ulaire La M ontagne (1964) – qui est au cœurdu débat polit iq ue en 1960, avec une lutt e des représentant s du mo nde rural encore trèsfort e pour con server leur place dans une civilisation devenue ind ustrielle. Pour eux , la pre-m ière espèce en d anger, c’est le paysan. Une intervention du d éputé de l ’ Hérault exprim ela chose très clairement :

« Je crois devoir ajouter qu’au mo ment de la const i tut io n d’un parc nat ional ou d ’une réserveintégrale, i l est bo n de t enir compte no n seulement de la f lore et de la faun e à protéger, quinous intéressent tous, mais également de ce que j ’appellerai la faune humaine qui vi t danscette zone, et que par conséquent , avant d e savoir l’u tilisatio n qu’ on fera des hum ains, il convientde tenir compt e de leur situat io n et de l ’exploitat ion du sol qu’ i ls peuvent faire pour décider sil ’on créera un parc ou si on ne le créera pas. » (Pierre Grasset-M orel)

Sur ce point, il ne semble pas y avoir de désaccords fondamentaux entre les députés etle gouvernement. Cependant, certains correctifs proposés par les députés cévenols vontplus loin, on l ’a vu, dans la mesure où i ls prétendent conférer aux parcs une fonction d e« prise en charge du m aintien au sol » des habitant s (am endement n°16 à l ’art icle 2). Ici,la discussion qui s’engage avec le m inistre de l ’Ag riculture révèle une divergence fonda-m ental e. Lorsque Albert Liogier, reprenan t les term es de l’A PNCC, défend ainsi l’am ende-m ent : « [les habitant s] doivent savoir que les parcs seront créés pour qu ’ils puissent resterau pays et y vivre conformément à leurs tradit ions originales », la réponse du ministreRochereau est vive :

« Le gouvernem ent est absolum ent opp osé à cet am endement . [… ] I l n’est pas possiblede dire que l ’organisation des parcs natio naux prendra en charge le maint ien au sol des

populations, surtout en ce qui concerne les activités d’origine, normales, traditionnelles.Pour t enter de redonner vie à des régions sous-développées ou in suffisamm ent d éveloppées,nous essayons d’appliquer des formules nouvelles. Il n’est évidemment pas possible deparler d’i ndu strialisatio n dan s ces région s ou d u m oin s nou s ne le savon s pas encore. […] M ais vouloir fig er la populat ion dan s des industries qui sont aujou rd’h ui dépassées, c’estvraiment vouloir la maintenir dans des condit ions de sous-développement ou de déve-loppem ent insuffisant q ui ne m e paraissent pas correspondre avec les objectifs que no usavons ensemble définis dans la loi d’orientat ion agricole. »

Ce passage de la réponse est important, car il révèle le grand hiatus entre la pensée decertains prom oteurs de parcs « cult urels » et l ’ idée du législateur. Les parcs nation auxsont conçus par le ministère de l ’Agriculture comm e un outi l qui accompagn e et com plèteles lois de mo dernisati on ag ricole, dans les espaces ruraux où elles ne peuvent , en prat ique,s’appliquer. Leur création est donc partie intégrante de la volonté modernisatrice (l ’onprotégera la nat ure là où le t racteur ne peut p asser) et n’est en rien pensée comm e à deslieux de « pat rim onialisati on » d es cultu res trad itio nnelles. Celles-ci, aux yeux du m inistre,

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sont vo uées, sinon à disparaît re, du m oins à se tran sform er, et cela ne doit entra îner aucunenostalgie. L’heure n’est pas encore à considérer le lien éventuel entre la disparition despratiques agricoles et pastorales et la dégradation des milieux naturels. Le devenir de lapop ulat ion rura le doit do nc relever d’aut res dispositif s que les espaces nat urels protégés.Le ministre poursui t :

« Souven ez-vous que n ous avo ns vou lu constituer, dans d es zones spéciales, des actions ruralesspécifiqu es tenan t comp te soit du sous-développ ement d e la région , soit d e l’excès de popu latio n.Vous ne pouv ez pas, mon sieur Liogi er, revenir sur la décision qu i a été p rise par de précédentsvotes et demander qu ’en to ut état de cause soient m aintenues sur places des populat ions qu’ i ly a peut -être intérêt, non p as à déplacer – comprenez bien le sens de m es paroles – m ais àdoter d’ act iv i tés qui n e seront p as forcément t radit ionnelles [… ]. Les études qui seront à pou r-suivre dans le cadre de la loi d’orientat ion agricole, en part icul ier dans les zones spécialesd’act ion ru rale, nous permettron t seules de déf inir les interventions à m ener en la m atière. »

Un second p roblème de fo nd cont enu dans le projet de loi réside dans l ’art iculation ent rela zone de protection (à laquelle est réservé le terme de « parc ») et la zone dit e « p éri-phérique », dont la création n’est que facultat ive et qui, de fait, se trouve exclue du parcproprement di t 22 . Les amendements à l’article 3 proposés par Pierre Dumas visent pourl’essentiel à harm oniser les objectifs po ursuivis dans les deux zones, en assurant la présencede représentants des collectivités locales au conseil d’administration du parc, mais éga-lement en intro duisant la possibi l i té, dans le parc com m e dans la zone périphérique, de« réalisations » (et non pas seulement d’améliorations) d’ordre social, économique etculturel « t out en rendant p lus efficace la protection de la nature dans le parc ». Ces amen-dement s sont acceptés. M ais i ls ne suffisent pas à m asquer le fait qu e le texte élaboré parles services du m inistère de l ’Agriculture dénat ure l ’ idée de zonage tel le qu’ el le avait étéconçue par Denys Pradelle et ad opt ée par les prom ot eurs de parcs cultu rels. Selon cett econception , les zones à vocation d ifférenciée (au no m bre de trois en com ptan t les « ré-serves ») étaient constitu tives du parc, ce qui devait perm ettre à celui-ci de mener conjoin-tem ent ses m issions de protection et de développement . Or on voit bien qu e la form ulatio nde la loi, en réduisant le concept de parc à la zone de protection, ouvre la voie (danslaquelle s’engouf frera le décret d’application ) à u ne désarticulation de ces missions 23 .

22 - L’article 3 de la loi stipul e : « Le décret de classement peut déli mit er autour du parc une zone dite périphéri que… »23 - Voir le développement d’ Isabelle M auz sur ce point (2003 : 81-82). Selon les témoi gnages des acteurs et les archives de Denys

Pradelle, la rivalité des ministères s’est poursuivie ici, puisqu’il semble que la Direction de l’Aménagement du territoire n’a pasété conviée aux discussions interministérielles sur le projet de loi.

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Texte de l a loide 1960 sur les

parcs nationaux

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C h a p i t r e d e u x

L’éc la tement

d u mo u ve me n t cé ve n o l

Pour l ’h eure, les Cévenols t iennent à se réjouir de la prom ulgatio n de cette loi qui o uvreenfin l a port e à une possibilité de réalisatio n du Parc des Cévennes. Ils veulent voir d ansla loi la traduction de leur conception d’u n t erritoire global, articulant d e façon harmon ieuseles objectifs de protection de la nat ure, d’aménagem ent d e l ’espace rural et de dévelop-pement économ ique. Le 22 jui l let 196 0 inaugu re donc pour l ’A ssociation du Parc nationalculturel d es Cévennes une période d’ espérance et d’ent housiasme, qui s’achève un anplus tard, lorsque paraît le décret d’app lication d e la loi sur les parcs nationaux français

Une année d’espérance : vers une présentat ion « of ficielle » du Parc natio nalculturel des Cévennes

Cett e période est m arquée par un effort de form alisation du projet d e Parc des Cévennes,qui n ’about it p as cependant à un v éritable plan d’ ensemble, dont l ’APNCC espère la réa-lisation par u n archit ecte. Tout efois, de nom breux art icles et d iscours, ainsi qu ’un docum ent

élaboré sous les auspices du ministère de la Construction et de l’Urbanisme, permettentd’entrevoir un véritable projet de territoire, détail lé dans ses principes et ses objectifs( jusqu’à une prévision de budget pour la réal isat ion des premiers travaux et aména -gements) 1.

Les Ha ut s Pays céve nols.Présentat ion du territoire et « m anifeste » d u ParcEn 19 60, à la suite des déma rches effectu ées auprès des services région aux d u m inistèrede la Construction et de l’Urbanisme, un album intitulé Les Hauts Pays cévenols est en

effet réalisé par ces services2

. Cet album ne présente pas le projet de parc proprem entdi t , mais, plus prudemment, le terr i to i re correspondant à « une part ie des Cévennescentrales et m éridionales », pour lequel un prog ramm e d’am énagement est dem andé. Ceterritoire est présenté ainsi :

1 - Ces documents sont souvent m al ident ifi és, sans mention de dates ni d’aut eurs. On les trouve dans le fonds Bieau [AD, 21J13].2 - Les Hauts Pays cévenols , album de présentation à tirage réduit, ministère de la Construction et de l’Urbanisme, 1960.

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« Cet ensemble d e chaînes, avec les hau tes vallées, qui en sont issues, a conservé jusqu’à m ain-tenan t ses caractères origi nels, tant sur le pla n ph ysiqu e, que sur le plan économ ique et sur leplan hum ain. D’où la persistance d’intérêts com mu ns qui justifient : la recherche d’un e délimitatio nterrit oriale, une ét ude g lobal e et des mesures part iculières. »

Suit une description somm aire des Hauts Pays, d’abord du point de vue « physique et bio-logique » (géologie, végétation, faune), puis du point de vue « hu m ain » (dém ographie,archéolog ie, histo ire), le tou t il lu stré de phot ograp hies et cart es. L’alb um s’achève sur desproposi t ions d’études à entreprendre pour procéder « à un véritable aménagement ré-gional ».

Si cette présentat ion a ét é vraisem blabl ement rédigée avec la collabo ratio n de Jean Pelletet Pierre Richard, les responsables de l’étu de restent extrêm ement prudent s quant à l’ évo-cation d’u n évent uel Parc natio nal des Cévennes. Ils se cont enten t d e renvoyer en annexe

à la présentat io n de deux p rojets – celui de l ’APNCC et du Parc du Caroux – d ont i lslaissent la responsabilité à leurs aut eurs, to ut en af firm ant leur symp athie po ur des action ssusceptib les de s’ int égrer dans un programm e d’aménagem ent plus vaste :

« L’association du Parc national des Cévennes et celle du Parc national du Caroux ont établides program mes d’act ion dans des cadres géographiqu es bien déf inis. Quoique l ’expression“ Parc nat ional” ait désormais une significatio n précise et limitée, nou s croyons utile de reprodu ire,en en laissant à leurs auteurs la responsabil i té, leurs “ man ifestes” qui s’ intègrent parfait ementdans un program me d’am énagement plus général des Hauts Pays cévenols, et peuvent mêm econstitu er certain s élément s fon dam enta ux des étud es et actions qui restent à ent reprendr e. »

Il est d onc clair que les projets de parcs cult urels ne leur semb lent p as correspond re à ladéfinit ion désorm ais off iciel le d’un p arc national. I l est in téressant tou tefois d’examin erle « m anifeste » du p arc cévenol, présenté en annexe de cet album , car i l se distingu e for-tem ent d e la présentatio n de la b rochure éditée par l ’APNCC en 19 58. I l s’agit en réalitéde la reproduction d’un document manuscrit, que l ’on peut reconnaître de l ’écriture dePierre Richard 3. On peut l ire tout d’abord une description rapide des objectifs du Parc desCévennes, lesquels diffèrent très sensiblement de ceux énoncés par la lo i de 19 60 :

« Préserver le plu s possibl e la fau ne, la fl ore, le sol, le sous-sol, l’at m osph ère, les eaux, les sites,les monum ents historiques et les mon um ents préhistoriques, les styles tradit ionnels d’habit atsdans les Cévennes, dans le but :I . D’améliorer les condit ion s de vie des habitan ts par le main t ien et le retour de la “ vie” enmo ntagn e dans les condit ions les plus équi l ibrées du point de vue biolog ique.II. D’offrir aux chercheurs scientif iques un domaine idéal de recherches, d’études et d’expéri-mentation dans le cadre naturel nécessaire, avec l’équipement le plus perfectionné possible.I I I. D’offr ir au x citadins des possibi l i tés “ d’aérat ion” et de repos natu rel aussi complètes quepossible.IV. De lutter avec efficacité cont re les phén om ènes d’éro sion en mo nt agne, facteurs d’ino ndat ionsgraves dans les plaines sous-jacentes du Languedo c. »

3 - On trouve dans les archives de l’APNCC, une version dactylographiée et synthéti sée de ce document, int itulée « La polit iquedominante du Parc national pour l’habitat et les relat ions humaines ». Elle porte la menti on : « topo de présentation M .RU. (Boutières,M eyer-Heine), d’après documents f ournis par PNCC. »

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Des proposition s précises d’équ ipem ents pour la zone II, dit e « d’équ i-libre agro-sylvo-pastorale », sont ensuite f orm ulées de manière sché-m a t i que : des équ ipem en ts à usage sc i en t i f i que ( l abo ra to i r es

d’ob servat ion et d’ étude), éducat i f (mu sées de plein air, cam ps d’étud e de la nat ure,collèges cl imat iques) et, pourrait-on d ire, cont emplat if (des « cellules » ou « hermit ages »[sic] d e silence, de médit ation , voire de création art istique ou litt éraire). Enfin, ce docum entcont ient un e représentat ion carto graph iée précise du parc nat iona l et des réserves en sonsein. C’est Jean Pellet qu i a été chargé par le m inistère de la Constructi on d e délim iter lespérim ètres de « réserves int égrales » envisageab les. Plusieurs réserves de petites dim ensionssont proposées sur l’Aigoual, le Bougès, La Can de l’Hospitalet, Le Liron et le pays desVans ; la plus important e se si tuerai t sur le mont Lozère et couvri rai t au m aximum 13 000hectares 4.

Dans un texte anon yme int itulé « Le malaise paysan »(que l’o n peu t at trib uer à Pierre Richard), ces réservessont présentées aux Cévenols com m e un « sacrifice né-cessaire » des « quelques territoires inhabités et pra-t iquement inut i l i sés [ . . . ] pô les d ’a t t ract ion du Parcnation al, autour desquels seront construit s les labora-toires d’études ou les “ hermitages” de si lence… 5 » .Ce sacrifice serait com pensé par les avantages de dif -

férentes natures offerts par la zone II « d’am énagementagro-sylvo-pastoral » (qui est donc considérée comm ela « zone parc » proprement dite) : amélioration des

Annexe de l’album Les Hauts Pays Cévenols , ministère de

la Construction et del’Urbanisme, 1960

4 - Bulletin d’information de l’associat ion Font Vive, n°1, 1962, p. IX. Ce bulletinà diff usion exclusivement interne ne doit pas être confondu avec la revue Font Vive (voir infra ).

5 - Anonyme, « Le malaise paysan », tapuscrit, sans date [AD, 21J13].     C    A    C

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La Carte des Hauts PaysCévenols, réalisée par JeanPellet, achevée en 1963

    C    l .    A   n   c   e    l    i   n

    C    D

     G    é   n   o    l    h   a   c

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 – des personnal it és scien t if iq ues : Germ aineDieterlein , Georges-Henri Rivière, JacquesNouvel (M uséum ), les responsables du M u-séum d’Histoire naturelle (MM. Tendron,Furon et Heim), etc. ;

 – de nom breux é lu s et responsables d’org a-nism es cévenols.

La Lozère, un f i lm produi t par la socié téPath é, est pro jeté. Se succèdent à la trib une :André Chamson, qui « a di t pou rquoi pourle Cévenol la créat ion d ’un parc nat iona létait u ne idée à la fois belle, encourag eanteet pathét ique 8». Le professeur Heim d’une

part, les représentants des ministères desEaux et Forêts et de la Constru ctio n d’au trepart, exposent le point de vue des scienti-f iques et d es pouvo irs publics ; enfin les dé-t a i l s d u p r o j e t d e p a r c so n t p r é se n t é ssuccessivement par les trois « pion niers »(ainsi nom m és par la p resse) du Parc des Cé-venn es, Jean Pellet , Pierre Richar d et m aîtreBieau.

Comm e à son habit ude, Charles Bieau insiste sur la place prépondéran tede la forêt dans la « zone pilot e agro-sylvo-pastorale » que constituele « t errito ire du Parc nati onal d es Cévennes ». À ce tit re, il préconise

des mesures précises en m atière de reboisement : la l imit ation des droits des individus etdes entreprises à reboiser les bonnes terres ou l’accaparement de ces terres à des finscomm erciales ou ind ustriel les ; le reboisement ou la m ise en pâturage des landes inex-ploit ées, la limit atio n des droit s de passage ou de pât ure dans les zones reboisables, l’abo-l i t ion des concessions m in ières à perpétu i t é (s’oppo sant à la m ise en cu l ture o u aureboisemen t d es terres) etc.

Pierre Richard approfondit la question des réserves à vocation scientifiques qui devrontcom poser la « zone I » du Parc. Ces réserves seront de dif férent e nat ure, et p as seulem ent« intégrales », mais aussi ethnozoologiques, archéologiques, cynégétiques, touristiques.Les prem ières doivent être, en to ut état de cause, de très petit e étendue (inf érieur à 500 h ec-tares). Curieusement , la grand e réserve du m ont Lozère préconisée par Jean Pellet d evientici « un vaste ensemble de réserves to uristiqu es (soit un espace de déam bulat ion p édestreet équestre) qui peut att eindre 20 à 30 000 hectares » : exemple supplémentaire de la di-versité des projection s individuelles au sein mêm e du m ouvem ent cévenol. On retrou ve

également dans cett e com m unication les principaux t hèmes de prédilection du m édecindes Vans : l ’ im portan ce de l ’eau (la notion des Cévennes comm e « château d’eau » ), du« beau » , et la place que l’h um anit é doit accorder à la nature. « Plus de civilisation nécessiteplus de vraie nature sauvage sauvegardée » dit - i l , citant Roger Heim 9.

8 - « Les Gardois et les Lozériens de Paris ont parl é du Parc national culturel des Cévennes », M idi L ibre , 4 février 1961 [AD, 21J7].9 - Préface à l’ouvrage collecti f Derniers refuges. Atl as commenté des réserves naturell es dans le monde , UICN, Elsevier, Am sterdam

et Paris, 1956.

A. Chanson, R. Heime,Ch. Bieau, M idi Libre ,

4 février 1961

    A    D    4    8 ,

    f   o   n    d   s    B    i   e   a   u

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Horm is un regain d ’in térêt da ns la presse natio nale, il est dif ficile de savoir qu elles furen tles retom bées de cett e réunion d ’ inform ation « au somm et », où, pour la prem ière fois,les m ilit ant s cévenols parlèrent d ’un e voix un iqu e du Parc des Cévennes. Ils n’eu rent p as,en effet, le loisir de cult iver cette unit é, que vint définit ivem ent t roubler, quelques m oisplus tard, le règlement d’administration publique de la loi relative aux Parcs nationauxfrançais.

Un événem ent « cat astrop he » : le décret d’app licat ion de la loi sur les Parcsnationaux (31 octobre 19 61 )

Au print emp s 1961, Jean Corbillé, devenu secrétaire général d e la sous-préfectu re de Jura,transmet o ff icieusement à m aître Bieau le projet de règlement d’ adm inistration pu blique,à charge à l’APNCC de le commenter. Les observations ne se font pas attendre, les plus

virulentes émanant des élus ardéchois :

« Je vous retou rne les textes conf iés en m ’associant aux o bservations et réserves form ulées surun texte don t l ’appl icat ion ne m anquerait de provoqu er des incidents rappelant ceux qui ontau début de ce siècle marqué l ’ im plantat ion de la forêt de M alans 10 . »

La législation sur les parcs nationaux sem ble en effet m arquer « le reto ur en fo rce des fo-restiers dans l ’espace mon tagn ard » (Selmi, 2009 : 57), où le souvenir des affrontem entspassés entre les agents administratifs et la population n’est apparemment pas effacé.

Aussi, comme dans les Alpes ou les Pyrénées, régions où la création d’un parc nationalest envisagée, le décret portant règlem ent d’ adm inistration public est-i l unan imem ent cri-t iqué pour son interprétation de la loi dans un sens répressif, renforçant la mission deconservation du parc par une série d’interdictions et de servitudes. Par ailleurs, il paraîttrès restricti f au regard de la m ission d’ aménagement et de développement que beaucoup

    A    D    4    8 ,

    f   o   n    d   s    B    i   e   a   u

Candide , 8-14 juillet 1961

10 - Correspondance Thibon, maire des Vans-Bieau, 8 mai 1960 [AD, 21J6].

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att endaient d’u n parc natio nal, car aucun m oyen précis n’est affecté à la zone périphé-rique.

Sans dout e du f ait d e son caractère fort ement réglement aire, le décret instaure par ailleurs,dans l ’esprit du public, une confusion très durable (on la retrouve encore exprimée en1968) entre la not ion de « réserve » (dont la création n’ est pas obligat oire dans un parcnation al) et celle de « zone de prot ection », qui est la zone prop re du parc. Ainsi, selonJean Pellet, le règlement d’administration publique ne pourrait s’appliquer f inalementqu’aux réserves, c’est-à-dire les créations « d’amplitudes limitées » que préconisent lesprom ot eurs du Parc des Cévennes : « Ces réalisation s limit ées étan t les seules que le rè-glement d’administration publique définisse, et d’une façon inévitablement négative, àdes fins répressives 11 » .

De mêm e, to ut es les craint es alors exprim ées par les élus locaux sont -elles relat ives à la

création de ces « réserves », qu’ils refusent de vo ir instaurer sur leur territoire com m unal 12 .Dans son ensemble, l’écriture de ce décret est donc ressentie comme un acte d’autoritéétatique qui vient désavouer le travail préalable mené par les précurseurs des parcs na-tion aux et leur participat ion à l’élaborat ion de la loi. Dans un texte publié en 1965 , CharlesBieau évoque son sentiment (largem ent partag é) vis-à-vis du décret :

« Assurément le texte de lo i, préparé par des prat iciens et d es hom mes du cru ayant pris pourbases des faits concrets, respectait parfa item ent ces cond itio ns locales et m énageait soigneu-sement la possibilité d’une adaptation à tous les cas particuliers, au moyen de règlements ap-propriés. Or le règlement d’ admin istrat ion publiqu e contredit d’u ne man ière f lagrante l ’espri tet parfois mêm e la lettre de la loi . Il indiqu e par exemple, que l ’o rganisme chargé de la gest iondu Parc sera obl igato irement un Établ issement publ ic, alors que la loi avait p révu qu’ i l pourraitêtre également u ne Société d’économ ie mixt e 13 . Et c’est ainsi qu’à part ir d’ une conception qu is’oppo sait radicalement à cel le de la loi , le règlement d’ad ministrat ion publique a été bât i tou tentier in abstracto, com m e s’il était d estin é à la prot ection de sites vides de tou t occupant per-man ent et appartenant ent ièrement à l ’État 14 ! »

Pour les prom ot eurs du Parc des Cévennes, le coup est don c rude, tan t ce décret con fèreaux parcs nationaux une physionom ie qui s’accorde mal à l ’ esprit (m ême pluriel) du projet

cévenol, lequel pourrait être définit iv ement compro mis par le rejet de la pop ulation . Dansun tel contexte, les positions tendent à se raidir et à se radicaliser de part et d’autre. Etc’est b ien là la conséquence majeure, bien qu ’indirecte, de la publication de ce décret :l’éclatem ent de l’A PNCC, victim e de ses diverg ences de vue sur l’ avenir d es Cévennes.

Na issance d e l’a ssociatio n Font Vive

Au m ois de novem bre 1961, le Président de l ’Association p our un Parc national cultureldes Cévennes fait le poin t sur la situat ion d e l ’association . Il évoqu e des diff icultés de

11 - Bulletin d’information de l’ association Font Vive, n°1, p. VII et suiv.12 - Voir les réactions de MM. Pantel, maire du Pont-de-Montvert et Vielzeuf, maire de Vialas, rapportées par Jean Pellet, dans le

Bulletin d’information de l’ association Font Vive, n°1, p. IX-X.13 - La loi de 1960 dit en réalité : « L’aménagement et la gesti on des parcs nationaux, confiés à un organisme pouvant constit uer un

établi ssement public où sont représentées les collectivit és locales intéressées, ont lieu dans les conditi ons fixées par règlementd’administration publique. »

14 - Charles Bieau, « Pour un premier bil an… », Cévennes et M ont Lozère , n°9, 1965, p. 5-6.

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fonctionnement et d’o rganisation, qu’il at tribue à une « crise de croissance » institut ionnelleet aux diff icultés de coordonner les trois sections départementales du parc 15 . CharlesBieau préconise alors de transform er ces section s en « com m ission s spécialisées (pou r lereboisement, l ’anim ation culturel le etc.), s’occupant du parc dans son ensemble, plutôtque de scinder chaque problèm e en trois, selon u ne vue purem ent adm inistrative un peuétroite ». M ais la possibi l i té d’un destin comm un n ’a f inalement pas été retenue. Le 17 dé-cembre 1 961 les sect ions ardéchoises et gardo ises de l ’A PNCC, réunies à Génolhac,prennent leur indépendance et donnent naissance à l’association Font Vive. Les statutsi nd iquen t :

« L’associat ion a pour buts l ’act ion éducative, l ’animation culturel le, l ’encouragement de la re-cherche scientif i que et l ’étud e de l’am énagem ent h um ain d es Hauts Pays cévenols, dans l’espritde la loi du 25 juillet 1 960 sur les Parcs nat iona ux fran çais. » (Je souli gne)

Ain si, à tra vers la création de Font Vive, ce sont les diverg ences de fo nd sur les obj ectifspriorit aires du p arc qui apparaissent au gran d jou r. Des divergences tim idem ent reconnu espar maître Bieau lorsqu’il distingue, au sein de l’APNCC une section lozérienne qualifiéede « section reboisement » et une section « ardéchoise » qui serait la branche « cultu relle »de l’a ssociat ion. Jean Pellet, élu président de Font Vive, se m ont re, lui, davant age expl icitesur la teneur du débat :

« Les anim ateurs de cette journée énoncent la déf init ion selon laquelle “ le reboisement est unmo yen et non une fin en soi ” . Que sans parler des intérêts de spéculations financières de grandeenvergure dont l ’éventual i té s’aperçoit (peut être m ême bénies très haut), i l ne paraît pas quel ’ intérêt bien compris de la Nat ion, mêm e si l ’on fait ab stract ion d e sa part ie cévenole, soit deconstituer de vastes masses forestières d’un seul tenant. De tels massifs cachent le soleil etchassent les hom m es [...] Place, place ! Place pour la vu e, les gran ds horizons, place pou r nosirremp laçables sites, faits de ro chers ensoleillés, de m aisons jeunes ou vieil les sans parler desdrailles et pistes antiq ues, marqu ées du passage de m ille épop ées. La fo rêt au ra la sienne enson lieu ; elle est u ne des chances, un rem ède, elle n’est pas la Chance. Que resterait-i l d’ ail leursde « culturel » dans un e de ces vastes usines à bo is aux fût s serrés sur des kilom ètres par oùl’on pou rrait t raverser les Cévennes sans les voir [… ] Ici, nos am is de la stricte ob servance tou-ristique ne peu vent p as ne pas épou ser nos vues 16 . » (Souligné par Jean Pellet)

Clarif ions encore les choses : maître Bieau est alors clairement soupçonné de collusionavec l ’ idéologie forestière et « technocrate » q ui viserait à accélérer le dépeuplement duM assif central au profit d es plantat ions 17 . Il est vrai qu ’i l insiste beaucoup sur le fait q ue« la mise en œuvre du PNC et du programme de reboisement complémentaire feraientdu Parc des Cévennes le plus rentab le et le plus ut ile sur le seul plan de la pro duct ion d ebois de pâte à papier 18 ». Ces divergences quant aux objectifs prioritaires du parc sontfon dam ental es, puisqu ’elles condu isent à des conséquences sociales a priori op posées :la défense et le maint ien d’une paysannerie d’un côté, le développement d ’une économ ie

industriel le de l ’autre et d ’une économ ique agricole fondée sur les seules exploitat ions

15 - « Compte-rendu d’ entreti en avec le président de l’A PNCC », 2 novembre 1961 [AD, 21J6].16 - Bulletin d’information de l’associat ion Font Vive, n° 1, p. XI.17 - Témoignage de l ’abbé Roux recueilli par Pierre Gaudin et Claire Reverchon, 1983 [CD].18 - Font Vive , n°1, 1960, p. 41. La « pénurie » française en mat ière de pât e à papier est alors une grande préoccupation nat ionale.

Pierre Dumas lui consacre un long développement à l’Assemblée nationale, le 22 juillet 1960, le jour même où fut votée la loisur les Parcs nationaux f rançais. [Consultable en ligne : htt p:// archives.assemblee-nationale.fr/ 1/cri/ 1959-1960-ordinaire2/067.pdf.

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rentables de l’autre. Elles suffisent certai-nem ent à justif ier la scission de l’A PNCC 19 .

M ais la création de Font Vive apparaît éga-lement com m e une conséquence de la pu-b l i c a t i o n d u d é c re t d e 1 9 6 1 . C a r se sfondat eurs énoncent d’emb lée leur profonddésaccord avec la doctrine désormais offi-cielle des parcs natio naux. Cont re le décret,i ls se donn ent p our t âche de sauver « l ’es-prit » de la loi de 196 0, dont i ls se considè-ren t en pa r t i e l e s au teu rs. La no uve l l eassociation pose ainsi le prob lème du ter-ri toire considéré par le projet d’ aménage-

m ent, au regard de la conception restrictivedes parcs, portée par le règlement d’adm i-nistrat ion pub lique. Font Vive se déclare fa-v o r a b l e à l ’ a m é n a g e m e n t d ’ u n v a st eensemble régional dans l ’espri t de la lo i ,p lutôt qu’à la créat ion d’un seul parc na-tional répressif. Compte tenu de la législa-

tion, celui-ci ne doit être considéré que comme une partie du territoire à aménager, lapartie « conservatoire » 20 . C’est p ourquo i, le mo t « Parc national » étant désorm ais un

« m onopo le d’État » , Font Vive préfère nom m er son projet : am éna-gem ent des Haut s Pays cévenols.

19 - Par la suite, Charles Bieau prendra soin de réaffirmer sans cesse son attachement envers la population aut ochtone, seule garantede la préservation de « cette réserve de valeurs naturelles, morales et matérielles que sont les Cévennes », Cévennes et M ont Lozère , n°3, 1963, p. 5.

20 - Bulletin d’information de l’ association Font Vive, n°1, p. VIII.

Arti cle de M .-A. Rendudans Constellation ,décembre 1963.

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Deux associations et deux revues pour la réalisation du Parc des Cévennes

Jusqu’à la créatio n o fficielle du PNC, les deux associatio ns APNCC et Font Vive se donnen tle mêm e object i f : in former la po pula t ion en Cévennes et ê t re les in ter locut r ices despouvo irs publics, bref continuer à œuvrer po ur la réalisation du Parc national culturel, ens’attribu ant chacune la véritab le légitim ité pou r le faire. Elles se créent égalem ent le m êmeout il, une revue, qui est le parfait reflet du style et de la vision prop res de leurs dirigeant s.

L’association Font Vive reprend la revu e Font Vivedéjà créée, et qu e Pierre Richard dirige jusqu’en1965 21. Ses rédacteurs son t des int ellectu els (scien-tif iqu es, artistes, érudi ts) proches du m édecin desVans. La revue m et l’a ccent sur « l’en quêt e sur lesprob lèmes sociaux, culturels et scientif iques » (ap-

pliq uée essentiellem ent à la régio n des Vans et deGénolhac), en ne négligeant pas l’aspect natu raliste(voir les numéros thématiques sur « les bêtes »,« la fo rêt » ) et écologiq ue. Font Vive est ainsi pro-bablem ent l ’un e des premières revues en France àévoquer (dès 1963 ) la parution de l’ouvrag e de Ra-chel Car lson, Le Pr in temps si lencieux  (Silence Spring ), appelé à devenir l ’un des best-sellers deséco log is tes. Dans l ’ ensemb le , une « v i s ion d umo nde » s’af f i rme fortement dans Fon t Vive , ca-ractér isée, d’une part , par une aspirat ion à uneform e de reconquêt e spiri tuelle dont la m ont agnecévenole serait le l ieu d’ élection (les num éros 3 et 4 consacrés à « la m ont agne » sont dece point de vu e très explicites) et, d’autre part, par un f ort at tachement à la vie rurale tra-dit ion nelle, c’est-à-dire ant érieure à la révolut ion industriel le.

L’APNNC créée la revue trim estrielle Cévennes et M ont Lozère , dont le premier numéro pa-raîtra en m ars 1963 et le dernier en 19 72. Di-

rigée par Charles Bieau, el le se donne pourobjectif de « créer un lien vivant et solide entreles mem bres de not re association, générale-m ent dispersés en dehors de la Lozère 22 ». Soncomit é de rédact ion est composé de : Jean-Noël Pinzut i, Thadée de Sam ucew icz, BenjaminBardy, Henri Sinègre et Raou l Step han . Cent réesur la question du Parc des Cévennes et surl ’actual i té int ernat ionale des parcs naturels

(l ’APNCC est en contact notamment avec laFédératio n des Parcs natu rels alleman ds – Ve-rein Naturschutzpark – créée par le DocteurToepf er, et part icipe à ses rassembl ement s an-

21 - Font Vive publie douze numéros de 1960 à 1966.22 - Cévennes et Mont Lozère , n°1, p. 1.

    C   o    l    l .    D .    T .

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nuels), Cévennes et M ont Lozère se présente pourle reste com m e une revue régio nale classique.Inscr i te dans un cadre lozérien, el le trai te dethèm es relatifs à l’économie (la fo rêt, le tourisme),m ais aussi à l ’histoire et au p atrim oine rural. Larevue est subventionnée par le conseil généralde la Lozère et « spo nsorisée » par les industr ielsdu bois (pap eteries, pépiniéristes).

On peu t suiv re, à travers leurs revues, la vie et l es acti vit és des deux associations,qui p rolong ent celles engagées avant 1960. Ainsi la vocation essentiel le de

l’A PNCC dem eure-t-elle de faire le lien entre les pou voirs pub lics et les pop ulat ions, pou rla réalisation du parc. Comm e l ’écrit Jean-Noël Pinzutt i :

« I l nous a paru plus opport un que jam ais de rappeler ic i avec insistance le rôle volont airementl imité que l ’A PNCC croit pouvo ir jouer : essayer de réunir tou tes les condit ions favorables à undialogu e fructueux entre les Pouvoirs Publics et les popu lation s locales en fourn issant à chacunedes parties prenantes des éléments concrets d’information 23 » .

De la consistance même du rôle de l’APNCC entre les années 1962 et 1970, on ne saitpas grand -chose. Les archives rassem blées dans le fond s Bieau semb lent indi quer q u’il selim ite au tissage de liens avec diff érents org anism es cévenols, qui, dan s ces années, dé-tiennent la réalité de l ’ init iative sur le plan local ou régional 24 . C’est le cas en par ticul ierde la comm ission exécutive de l ’Office du tou rism e de la Lozère et du com ité d’action duClub Cévenol. L’on évoq uera, au chapit re suivant, le rôle d e ces organismes dans l’avancéede la question du p arc national. Sur le plan culturel, la principale réalisation de l ’APNCCest le soutien à la création d’un festival de t héâtre, « Les Nuits du Gévaudan », inspiré dela form ule du Théâtr e natio nal po pul aire. Durant plu sieurs années consécutiv es, des com -pagnies it inérantes – do nt celle de Henri Saigre, mobil isée égalem ent p ar le m ouvem entAlp es de Lumière en Haut e-Provence – v iennent jou er en Lozère des pièces du répert oireclassiqu e. Le « p remi er Festival lozérien de t héât re », conçu p ar Charles Bieau, se dérouleainsi successivement dans la cour du château d e Florac, au château de Roquedo ls et surle parvis de la cathédrale de M ende, où l ’on représente Le Cid de Corneille et La Double 

Inconstance , de M arivaux 25 .

L’association Font Vive présente une p hysionom ie bien d ifférente, et son histoire m ériteraità el le seule toute une étude, que nous ne pouvons mener ici. Olivier Poujol, dans sonart icle consacré au « Mouvement cévenol » en a évoqué les l ignes pr incipales avecbeaucou p de sensibilité (Pouj ol, 1992 ). Contrai rem ent à l’A PNCC, Font Vive présente un evéritable vie associative, riche en rebondissements, animée par plusieurs personnalitéshaut es en cou leur. Nous en av ons présenté pl usieurs dans les chapit res précédent s. Loinde se lim iter à la p rom ot ion d u Parc des Cévennes, les activ ités de l’association et ses réa-

l isations sur le plan local sont nom breuses, quoique se déroulant sur un territoire l im itéaux région s des Vans et de Génolh ac. Elles s’exercent dans les directio ns esquissées à la

M idi Libre ,3 juin 1963

23 - Cévennes et M ont Lozère , n°4, octobre-décembre 1963.24 - Entre 1961 et 1967, la correspondance de Charles Bieau au ti tre de l’ APNCC se tarit presque complètement . Les seules archives

relatives à ces années (encore s’arrêtent-t-elles à 1965) sont rassemblées dans un dossier i ntit ulé « Associations diverses,invitations, comptes-rendus… » [AD, 21J12].

25 - Guy Atger, « En suivant le premi er Festival lozérien de théât re », Cévennes et M ont Lozère , n°1, 1963, p. 5-16.

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de chant iers de jeunes volon taires. Cett e évolut ionne se fait pas sans heurts avec l’an cienne équip e. Larupture est m ême nettement m arquée en 1966 parla parution d’u n num éro 12 de la revue à la couverturerouge (celles des précédents num éros étaient vertes),dans lequel Roland Calcat, après un bi lan critiq ue del’association, présente le program m e d’une réform edestinée à rendre son action plus efficace, not am m entau niveau de ses capacités d’int ervent ion aup rès despouvo irs publics 28 . Font Vive vit dès lors l’évolutionso u v e n t t o u r m e n t é e d u m o u v e m e n t a ss o ci a t i fconfront é aux bou leversem ents sociaux et cultu relsqui entourent m ai 1968 29 . Pierre Richard , qui a v écutrès durem ent ces événem ents, en a laissé une analyse

dans une note inédite :

« Deux tendance se font jour m aintenant : l’une “ verte” qui cont inue la l igne de pensée init ia lede la revue et conserve pour object i f primordial la protect ion de la Nature (… dont l ’Homm e)par la réal isat ion d’un Parc nat ional des Cévennes (Ardèche, Gard, Lozère). L’autre “ rouge” ,qui met l ’accent sur l ’ “ Économiq ue” et l ’ “ Am énagement du Terri toire” , pensant que les loisirset le confort de l ’Homm e (le rural devant en cela s’al igner sur l ’urbain ! ) doivent sacri f ier auxbesoins certain s de nos plus beau x sites cévenols et lan gued ociens 30 . »

Pierre Richard participera autan t qu’il le pourra, à t itre personnel, aux t ravaux préparatoiresà la mi se en place du Parc natio nal des Cévennes. M ais il n’aura m alheureusem ent pa s letem ps de voir son rêve se concrétiser : il meurt d ’une m aladie éprouvant e en novem bre 1968,à l’âge de 50 ans. En dépit des perturb ati ons int ernes de la vie associative, les dirig eantsde Font Vive n’abandonn ent pas – on le verra – leur action en faveur de la réalisation duPNC, certains, com m e Roland Calcat, jouan t m ême u n rôle-clé de l ia ison aup rès despouvoirs publics. Mais au-delà de cette capacité d’ influence qu’el le acquiert grâce aucarnet d’adresses de son directeur, et par-delà la diversité des personnalités qui l ’ontanim ée, l ’association Font Vive, tout au lon g d e son histoire, a surtou t été port euse d’un ecapacité de réflexion et d’u ne vision vérit able. De ce poi nt d e vue, son influ ence sur l’ in s-

tit ut ion Parc finalem ent créée fut réelle, m algré la faiblesse de son inf luence sociolo giqu esur le terrain cévenol 31 . Les personnalit és cévenoles qui on t le p lus œuvré p our la créati ondu Parc avaient leur cart e à Font Vive. Ce n’est p as un ha sard si la « m aison Font Vive »à Génolhac, local loué par l’association en 1 966 p our y effectu er ses travau x de rechercheet d’édit ion, a été achetée par le premier directeur du PNC et abrit e aujourd’h ui le Centrede docum entation du Parc 32 . Ce rayonn ement int ellectuel, fon dé sur le part age de valeursfort es, a été viv emen t ressent i, dans les années 1960 , par quelqu es jeunes Cévenol s qui

28 - Cette « prise en mai n », intervenue lors de l’assemblée général e de 1966, conduit Pierre Richard et quel ques-uns de ses proches,mis en minorité, à démissionner des instances dirigeantes de l’association.

29 - Des bouleversements simil aires se sont produits dans l’ histoire de l ’association A lpes de Lumière (Basset, 2009 : 161-178).30 - Pierre Richard, « Mise au point en guise d’Éditorial », texte inédit en préparation d’un Font Vive n°13 [archives de la fami lle Ri-chard].

31 - « Je crois qu’au niveau immédiat, i ls étaient confidentiels. En tous les cas, ils touchaient une élite de l a petit e bourgeoisie cultivée,style la bourgeoisie d’Hervé Bazin, pour caricaturer un peu : tous les pasteurs, beaucoup d’instituteurs, quelques professeursétaient au courant. C’est ce genre de gens, c’est certains érudits de villages qui les connaissaient. » (Michel Wienin, entretien2005).

32 - On peut évoquer également le rôle de Jean Rouvet, homme de théâtre, compagnon de Jean Vilar, à qui Roland Calcat fit appelen 1968 pour redresser la situat ion admini strati ve et fi nancière de Font Vive. En 1971, il sera missionné par le mi nistère de l’ Agri-culture, pour mener la politique culturelle du PNC.

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en port ent au jourd’h ui, certainement , l ’héritage. C’est le cas de M ichel Wienin, originairede Vézénobre dans les Cévennes gardoises, géologue et d étent eur d’ un savoir encyclop é-diqu e d’ envergure, de mêm e que Daniel Travier, fond ateur du m usée des Vallées cévenolesà Saint -Jean-du -Gard. Tous deux p arti cipent depui s de longu es années aux in stances deconseil du Parc des Cévenn es.

« C’était t rès fort ! Et m ême si on n’était p as complètement conquis, on sentait q u’ i l y avaitquelq ue chose qui tran scendait le pays, l ’être, l ’ho mm e, et un e symb iose de tout ça à caractèreidenti taire, mais en m ême tem ps une identi t é au b on sens du terme, qui n’était pas exclusivepour un sou, qui était au contraire une identi té avec une ouverture au pluriel. C’était fabu leux !Et cette id ent i té po uvait discuter, d’ai l leurs, avec n’ im porte q ui, n’ impo rte qu el le autre région. »(Ent retien avec Daniel Travier, 20 05)

Plus tard , une fois le Parc créé, Daniel Travier a croisé la rout e d’u n aut re hom m e qui f ut

séduit par Font Vive et auquel i l convient ici de rendre un ho m m age particulier : FrançoisGirard. Par son p arcours engag é et sa personn alit é, François Girard, agent du PNC récem-m ent décédé, att estait en quelque sorte de la perm anence de Font Vive dans l ’ institut ion.J’em prun te dans le portra it qu i suit de larges ext raits à l’hom m age écrit par Daniel Travier,qui témo igne d’une rencontre et d’ une aff in i té profonde entre les deux homm es : « Notreprofon d att achement com m un au p ays cévenol, not re foi chrétienne aussi, nous ont rap-prochés et des liens d’am iti és fort s se sont tissés entr e lui le Cévenol venu d’ai lleurs, m oicelui d’ ici, lui le catholiq ue, m oi le prot estant 33 ». J’ai m oi-m êm e recueilli, en 2005, le té-moignage de François Girard, qui avait accepté de me recevoir à son domicile de Séné-chas.

François Girard (1940-2010)François Girard est né le 1 1 f évr ier 1940au Vésinet, banl ieue aisée de Paris, aînéd’une fam il le catholiqu e de quatre enfants.Son père est ingénieur. Dans sa jeunesse,François s’engag e dan s le scoutism e. Ap rèsun b ac scient i f i que, i l sui t d es étud es dethéo log ie e t de ph i losoph ie, d ’abord au

grand séminaire de Versail les (de 1961 à196 5), puis au noviciat de l’Ordr e des Prê-cheurs à Lille, où il reçoit l’habit de Domi-n i q u e . « A p r è s l ’ a n n é e d e n o v i c i a t , i ls’engage par “ vœux simples” pour trois anset com m ence le cycle des étud es religieusesau Couvent dit du « Saulchoir » à Étiol les(Essonn e). Au term e de ce premier eng age-ment, en septembre 1969, François désire

reprendre la vie laïque » . Il choisit alor s des’installer en Cévennes (not es de Frère M i-chel Albaric * ) .

33 - Je remercie Daniel Travier de m’avoir communiqué ce texte, avant sa publication dans Causses et Cévennes , n° 2, 2010.

François Girard avec sa fil leRaissa dans le jardin de lamaison Font Vive, en avril 1975.

    C   o    l .    R   a    i   s   s

   a

    X    i    b   e   r   r   a   s .

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D’après son p ropre t émo ignag e, François Girard avait découvert les Cévennes par le biaisd’une « colonie » (probablem ent un chantier de jeunes bénévoles) animée par un prêtre,au lac du barrage de Saint e-Cécile-d’And orge. Puis il a rencont ré Guy M adiot , très engagédans la form ation des jeunes, qui l ’a introd uit auprès de Font Vive présidée par RolandCalcat. À Font Vive, i l est séduit surtout par la réflexion sur un m ode de développem entrégional alternatif, fondé sur le rapport de l ’homme à la nature, et qui « n’était pas lesimpl e retour à la terre ». François Girard se lie d’am iti é avec l’ab bé Roux , curé de Vialaset surtout av ec le docteur Pellet, dont i l disait : « Jean Pellet m ’a init ié à la vie des Cévennes,tant sur le plan géologique qu ’historique et hum ain. Je ne peux évoquer qu’avec un profondémo i les to urnées médicales où je l’accom pagn ais dans les divers recoin s et m as du pays.Je lui do is beaucoup de l’ am our et de la conn aissance des Cévennes qu’ il a su éveiller enm oi. »

À la création du PNC, en 1970 , i l passe le concours de recrutement et est engagé comm e

agent de terrain, chef de secteur pour la région de Génolhac. Au cours de sa carrière, ildétient des responsabil i tés syndicales qui l ’ amènent à siéger au conseil d’adm inistrationen tant que délégué du personnel. À ce ti t re, i l participe activem ent à la création du corpsdes agents de l ’environnement, avec la ministre de tutel le de l ’époque, Huguette Bou-chardeau. En 198 9, il est élevé pour cette action au rang de chevalier dans l’Ordre nat ionaldu M érite. Il consacre ensuit e les dernières années de sa vie professionnelle à la créat ionet la m ise en place du Cent re de docum entat ion et d’archives du Parc nation al des Cévennesà Génolhac, dans la maison de Font Five. François Girard s’implique également dans lagestion d e la comm une où i l s’est in stallé avec son épo use An ita , Sénéchas et do nt i l estconseil ler m unicipal en 1982, puis maire de 1988 à 200 1.

En 2008, le Club Cévenol, dont il fut administrateur, a tenu à distinguer François Girardpour son engagem ent au service des Cévennes en lui at tr ibuant la Grande m édail le duClub (Causses et Cévennes, n° 4, 2008 , p. 439 ). À cette occasion, François Girard a rappeléle sens profondément é th ique de cet engagement : « Trava i l le r au Parc nat iona l d esCévennes a représenté pou r m oi un devoir de no n seulem ent découvrir des lieux physiqueset la nat ure, m ais surt out d’ap procher l’âm e des Cévennes et de partag er la vie de ses ha-bit ant s. Je l’ai di t p lusieurs fois, je m e suis “ m arié” avec les Cévennes. » (François Girard,août 2008)

* Le frère M ichel Albaric originaire de Vialas est aujourd’ hui archiviste de la Province do-m inicaine de France.

(Sou rces : Dan iel Travi er, « François Girard » , Causses et Cévennes , n° 2, 2010 ; FrançoisGirard, entretien, 2005.)

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celui le plus bas du territoire cult ivé est supérieur à 400 mètres. » L’application de cedécret classe plus de 4 200 com m unes – soit 11,2 % du territoire – en zone de m ont agne,répartie dans 40 départem ents, dont la Lozère et les Hautes-Alpes en tot al i té (Gerbaux,199 4). Dans ce cont exte, le territ oire du « Parc des Cévennes » acqui ert, pourrait -on d ire,un nouveau statut et un e nouvel le « m atér ial i té », à la fo is pol i t ique et symbol ique : ildevient à la fois « arrière-pays », relativement au l i t t oral languedocien, et « p ays de mo n-tagne ». On voit alors, entre les années 1962 et 1965, la question de l ’aménagement desCévennes, jusqu’ alors balbu tian te, se poser au niv eau de m ult iples instances et échelon s,du local au national.

À l ’ échelon local et régional, l ’on p eut t enter de repérer les grandes orientat ions qui sedégagen t aut our d e cett e question par m i les dif férent s acteurs. Les dif férent es « vision s »de l ’avenir des Cévennes se disting uent selon q u’el les m ettent plus ou m oins l ’accent surtrois perspective : la perspective « sectorielle » du reboisement et du t ourisme, la perspective

agricole et la perspective de l ’ am énagement du t erritoire. Ces orientat ions ne sont b iensûr pas exclusives, il y a ent re elles des passerelles plus ou m oins no m breuses. M ais ellespermett ent d e m ieux com prendre le cadre de discussion dans lequel s’ inscrit désorm aisl’idée d’un Parc des Cévennes et d’identifier des acteurs dont les choix vont peser dansla m ise en p lace de la nouvelle structure territoriale.

Rebo isem ent et t ourism e : la préférence des élite s lozériennes

L’opt ion que l’on peut appeler « sectorielle »consiste à identif ier un ou deux fact eurs auplus comm e suscept ib les de permett re lavalorisation et le développement du terri-toire, considéré dans un cadre exclusive-men t dépa r temen ta l . Le rebo i semen t àgrande échelle et le tourisme sont, on l ’avu, les opt ions adop tées successivemen t ouconjoi nt emen t par les élites lozériennes, etc ’ es t d ’ a i l l eu r s sous ces deux aspec t squ’elles ont envisagé le Parc national.

Dans les années 1960 , le contexte local sem-ble toujo urs plus favorable à la forêt, du faitde l ’ e f fondrement démograph ique e t del’extin ction progressive des systèm es de cul-ture ou d’élevage (Lamorisse, 1970 : 366).L’administrat ion d es Eaux et Forêt s procèdealors au rachat de vastes parcelles destinéesau reboisem ent en résineux (pou r al im enter les industries de pâte à pa-

pier), bien souvent avec l ’aide d e la SAFER (Société d’ am énagem entfon cier et d’ét ablissement rural). Celles-ci sont des organismes, créés en 19 60 à l’ init iativ edes orga nisatio ns profession nelles, pou r favo riser une m eilleure util isation d u fon cier, enpart iculier par le regroup emen t des terres. Elles disposent, pour cela, d’u n droi t de préem -pt ion . En Lozère, la Safer, do nt la di recti on est conf iée à François Brager, ancien présiden tdu Comité d’expansion économique, s’ impose d’emblée comme un acteur-clé de la vieéconomique.

Plantati on dans lesannées 1960-1970

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Cependant , la forêt t end prog ressivem ent à être supplantée dans la réflexion sur le dé-veloppement économ ique département al par la question du t ourisme. Il suffit , pour il lustrerce fait, de citer l’ int erventi on d e M . de Flers, PDG de la Banque d’ Indo chine, origi naire dela Lozère, lors de la réunio n sur le tou risme, organ isée à Paris le 3 février 196 0 :

« M . de Flers évoque les problèmes fondamentau x qui se posent et qu ’ i l convient de résoudrepour ranimer l ’économ ie lozérienne [… ] Ce sont essentiel lement les beautés naturel les de larégion q ui const i tuent un incontestable at trait et représentent, à el les seules, un gisement tou -rist ique im portant . Il convient par ai l leurs de ne pas négliger pour autant les avantages d’unretour à la forêt en pratiquant un effort vigoureux de reboisement, qui apporterait au départementde p erspect ives intéressantes d’exploitat ion forest ière lesquelles ne sauraient cependant seconcrétiser avant d e nom breuses ann ées. C’est là, soul igne M . de Flers, une des actions prédo -min antes qui lu i t ient part icul ièrement à cœur. Nous devons cependant en bon ne et sainelogi que, constater déclare-t-il q ue le Touri sme (sic) constit ue pou r not re départ emen t le secteur

d’act iv i té le plus rapidement p roduct i f 1. »

L’essor du t ourisme en Cévennes est, en effet, une réalité q ui se confirm e durant tou te ladécennie. On peut en esquisser les prin cipales caractéristiqu es. Il s’agi t t out d’ab ord d’ unto urism e urbain d e proxim ité, avec des attaches cévenoles. Celui-là est à l’o rigin e du phé-nomène naissant des « résidences secondaires ». Par ailleurs, le tourisme étranger estpour un e bonne part u n to urisme « culturel » pourrait-on dire, les Cévennes étant p ourla comm unaut é réform ée (not amm ent de Suisse) un haut l ieu du protestantism e.En jui l let 1960, l ’Off ice du t ourisme de la Lozère décide la const i tut ion d ’une sociétéd’étud es pour le développement tou ristiqu e de la Lozère, qui pourrait offr ir u ne avancepou r dresser le plan du Parc natio nal des Cévennes, M ende se tro uvant « p lacée à l’entréede la grande réserve du m ont Lozère ». En 196 4, un groupe de t ravail pour l ’élaborationd’un p lan tou ristiqu e départemental décide « d’ int ervenir auprès des Adm inistrations in-téressées pou r que les étu des préalables à la créatio n du PNC début ent le pl us tôt possi-ble 2. »

M odernisat ion et p luriactivit é agricole : des expériences microlocales au « Plancévenol » d’André Schenk » (1962)Une autre perspective explore les possibilités de développement des secteurs d’activité

tradi t ion nels en Cévennes ( l ’agr icul ture et l ’ art isanat), conjointement à la créat ion d estructures d’accueil pour le tou risme. On peut ici relever deux sort es d’in itiat ives, d’o riginesoit ext érieure, soit lo cale.

Une init iat ive imp ulsée de l ’extérieur est, par exemple, la création en 1962 à la dem andedu Commissariat à la productivité, d’une Coopérative des artisans et paysans de Lozère.Ici, un « animateur artistique », Jean Touret, incite les Lozériens à fabriquer durant lasaison hivernale des objets « d’art paysan » destinés être vendus aux touristes 3. JanineBrager était l ’animatr ice de cette coopérat ive :

« Ce Touret, i l nous a fait redécouvrir tou t ce qu’on avait de beau et qu’ on n e voyait plus : unbeau panier d ans un coin d’ écurie… I l nous a fait redécouvrir que n ous avions des choses qui,

1 - Compte-rendu de la réunion du 3 février 1960 [AD, 21J6].2 - « Plan t ouristique départ emental . Parc national des Cévennes », procès-verbal de la réunion du 28 décembre 1964 [AD, 1201 W 1].

Participent à ce groupe de travail , maître Bieau au t itre de l’A PNCC, François Brager au tit re de la SAFER, et les représentants desdifférents services départementaux.

3 - Selon Janine Brager, Jean Touret avait mené auparavant une expérience i dentique à Bonneval-sur-Arc.

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Après la guerre, il s’engage dans le m ouvem ent associatif p aysan. Il participe à la fon dationet préside le Cent re d’ étud es techniq ues agricol es (CETA) de l a Vallée-Française, puis d emêm e la coopérative de pélardon d e M oissac à partir de 195 9. Au début d es années 1960,Paul Flayol s’investit dans toutes les instances du monde agricole. Il entre en particulierà la chamb re d’agriculture de la Lozère (qu’i l p réside de 1979 à 1993 ), puis est n om m éprésident de la SAFER Lozère (poste qu’il occupe jusqu’en 1990). Parallèlement engagédans la gestion des affaires mun icipales, i l est maire de M oissac de 1960 à 1983 .

Durant la mi ssion d’ étud e (196 7-19 69), il est l’u ne des personnali tés lozériennes les plusengagées pour la création du Parc natio nal des Cévennes, don t il présidera pendant ving t-huit ans la comm ission p erm anent e. Dans le cadre du p arc, l’un e de ses init iati ves les plusim port ant es est la créatio n, en 1972, d’un e Société d’i nt érêt collectif ag ricole (SICA Parc),destinée à favorisée le développem ent de l ’agrot ourisme et de l ’hébergement à la ferme.Pour t out es ces opérations de rénovation du m onde agricole cévenol et lozérien, l ’action

de Paul Flayol est indissociable de celle de François Brager. Tous deux ont formé « untandem indissociable d’une grande eff icacité ».

(Sources : Daniel Travier, entret ien, et « Remi se de la Grand e M édaille du Club Cévenolpar Daniel Travier et répon se de Paul Flayol », Causses et Cévennes , n° 4, 1999, p . 107-110.)

S’appuyant sur ce dynamisme local, certains voudraient engager l ’économie cévenoledans une pleine mod ernité et parlent « d’ indu strial isation agricole et t ouristique ». C’estla perspective défendu e par An dré Schenk, dans le cadre d’u n « Plan cévenol », don t il aposé les bases, dès les années 1950, à travers la création du Comité de rénovation desCévennes en 1952, puis de la Fondat ion Ol ivier de Serre, consacrée à l’ét ude et au renouveaude la sériciculture 7. En 1962, il expose le « Plan cévenol » aux pouvoirs publics dans leBulletin du Centre régiona l de la prod uctivi té et des étud es économ iques. Son pro gram m evise à la « restructuration planif iée de [notre] agriculture sur plusieurs grands axes deproduction s ou d’activit és ». Ces axes doivent être choisis en fo nction des « vocation s »propres du sol, déterminées par la nat ure et par l ’h istoire. Les options identif iées – forêt,élevage (ovin, bovin , caprin et ver à soie), polycultu re vivrière (vin, fruit s, chât aignes), to u-risme – devront faire l’objet d e mesures radicales en faveur d’une réorganisation industrielle

de la product ion :

« C’est p ar le Plan q ue n os Cévennes serontrevalorisées et sauvées. Mais le Plan ne lessauvera qu’ avec, d’un e part, l ’union d e touset, d’autre part, l’usage en grand du bu l ldo-zer. Il est urg ent de po uvoir superposer surla carte agro-sylvo-pastorale u ne carte dubulldozer basée sur les courbes de niveau

et la profo ndeur du sol, car on peut dire quelà où le bu lldozer peut t ravailler sans danger,là réside la transformation des Cévennes.[ . . .] Not re but [ est de] rendre m ajeur l ’agri-cultu re cévenole. Les deux au tres secteurs

7 - Voir aussi A ndré Schenk, « Une grande espérance, la rénovation des Cévennes », Économie et Humanisme , mai-juin 1954.

André Schenk, vers 1980.

    C   o    l .    M

   u   s    é   e

    d   e   s   v   a    l    l    é   e   s   c    é   v   e   n   o    l   e   s .

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auront d’ autant plus d’act iv i té que le monde paysan v ivra mieux [… ] Nous al lons reforgerl ’unité m orale des Cévenols par l ’anim ation et l ’organ isat ion de cette industrial isat ion agricoleet to uristiqu e, et elle jouera alo rs de to ut son p oids en faveur d e celle-ci, car c’est la vie qui varenaître alors que le désert ap paraissait ; c’est aussi l ’ ind épendance et la dignité 8. »

Le program m e élaboré par André Schenk veut s’adosser aux program m es d’am énagementimp ulsés par l’État , en demand ant d’une part l’ insertion des Cévennes dans le Plan régionallangu edocien et les Plans quadri ennau x successifs, et en prop osant d ’aut re part la recon-naissance des Cévennes com m e « u ne zone-pilote pou r l’am énagement et la revalorisationde l ’économ ie mon tagnarde ». Le langage qu’i l t ient est résolum ent celui de la mo dernitélibérale, mais il revendique une « manière de faire vivante et humaine, car elle allie le li-béralism e au com m unaut aire ». À t ravers ce programm e, sont perceptibles les prémicesd’une nou velle tentat ive d’unif ication d u « m ouvem ent cévenol », dont l ’ APNCC a expé-rim enté l’échec. L’idée de parc n’est d’ ailleurs pas oubliée, en lien avec le développem ent

du t ourisme:« Dan s l’œuvre ent reprise, les parcs naturels en cours d’o rganisatio n seront intéressés ainsi qu eles diverses associatio ns tou ristiques, car il est in dispensable de travailler en comm un à la m iseen valeur des Cévennes. Celles-ci pourront recevoir l ’été, en permanence, deux à trois centsmille estivants, soit plus d’un mill ion de personnes bénéficiant dans les meilleures conditionséconom iques du calme, du repos, de l ’air sain et de la bonn e nourri tu re 9 », et par Jean Pellet,dans un interview au méridional .

Aménagement et protect ion

Une troisièm e orientation m et l ’accent surla not ion d ’am énagement d u ter r i to i re àl ’échelle d’un vaste ensemble régional. I lfaut ici accorder une p lace part icul ière àune conceptio n qui t end à voir le « Parc na-tional » non comm e un élément parmi d’au-t r e s à i n t é g r e r d a n s u n p r o g r a m m ed’am énagement et de développement, maiscomm e le cœur m ême du dispositif régional

à m ett re en place. C’est la vision d éfendu epar l ’ associati on Font Vive, bien résuméepar un article de Pierre Richard, publié en1963 dans la revue de la SNPN, « Le Parcnat ional d es Cévennes, une conception ori-ginale de l ’aménagement du territoire ».

L’aménagement des Hauts Pays céve-nols selon Alain Gautrand, architecte

urbanisteLa vision de Font Vive t rouve u ne port éeplus large grâce à une étude effectuée sousla direction du m inistère de la Construction ,dans le prolongem ent du do cument réalisé

8 - André Schenk, Le Plan cévenol , 1962.9 - Ibid .

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10 - Alain Gautrand, Étude d’ aménagement des Hauts Pays cévenols. Cévennes centrales, Cévennes méridional es, Parc du Caroux ,Documents d’enquête et rapport, ministère de la Construction, direction de l’Aménagement du territoire, circonscription Langue-doc-Roussillon, G. M eyer-Heine urbaniste en chef, 1961-1963, 146 pages. Ressort territ orial de l’ étude : Direction départ ementaledu minist ère de la Construction, M ende (Lozère). [Document consulté au Centre de documentat ion de l’Urbani sme, à Paris-La Dé-fense].

11 - Id., op. cit ., p. 1.12 - Id., op. cit ., p. 85.

en 196 0. Cett e étude est confi ée à un architecte pro che de Pierre Richard, Alain Gaut rand.Entre 1961 et 1963 , celui réalise un véritable plan d’am énagement q ui about it à un rapp orten deux volumes inti tulé Étu de d’ am énagem ent des Hauts Pays cévenols. Cévennes cen- trales, Cévennes méridionales, Parc du Caroux 10 . Le premier volum e est l’ étude proprem entdit e, 146 p ages grand for m at, extrêm em ent do cum entée, avec phot os, cartes et pla ns. Lesecond volum e contient d es docum ents et des plans au 1/50 000e.

L’étude présente dans un e première part ieles « Hauts Pays cévenols » dans leurs as-pects naturels et humains en les si tuantdans un cont exte plus global. Cet ensem blerégional est ainsi déf in i :

« La région des Hauts Pays Cévenols s’étend

le long de la bordure m éridionale du M assifcentral et recouvre les principaux massifsdes Cévennes [no te : Ce term e est pris danssa plus large acception ]. Elle comp rend d euxpart ies distinctes : l ’une, dans les Cévennescentrales, allant d u m assif d e la Borne à celuide l’Aig oual, et comp rise entre le sillon sous-Cévenol et l es Grands Causses, et l ’a ut re, dan s les Cévennes m éridion ales, situ ée à l’ extrém itéorientale des monts de l ’Espinousse et s’étendant du plateau de Murat à la région du Sou-bergue 11 . »

La seconde part ie est consacrée aux proposition s d’aménag ement de cet ensemb le régional.Les parcs nationaux – sont évoqu és le projet d e Parc natio nal du Carou x dans les Cévennesméridionales et celui de Parc national culturel des Cévennes – sont au cœur de ce vasteprogramme d’aménagement, fondé sur une double nécessité de valorisation et de pro-tection. Il tent e en effet d e saisir ensemble les deux m issions dévolues aux parcs nation aux(par la loi de 1960), à partir des projets élaborés localem ent depuis dix ans :

« C’est à partir d e ces possibilités [de la loi de 19 60] que l’ét ude a ét é développ ée, et c’est sous

une fo rm e très échelonn ée que la création d ’un Parc natio nal est prop osée dan s les Hauts Payscévenols. Pour tenir comp te n on seulem ent d es critères de conservatio n, mais aussi des critèreséconom iques, à chaque cas d’o ccupat ion d u sol correspon d une zone d’ affection d ifférente. Unetel le graduation fait des zones de prot ect ion les mail lon s terminaux d’u ne chaîne désormaisininterrompue des zones urbaines aux réserves naturelles. Ce Parc ne se présente donc pascomm e un t errito ire fermé, exclusivement tou rné vers la recherche scientif iq ue ou l es loisirs, etnécessairemen t stéri le. Une f i l ia t ion contin ue existe des régions act ives aux espaces proté-gés 12 . »

Dans ses prin cipes directeur s, ce plan reprend don c les idées de répartit ion d es activi tésselon la vocation propre de la région, en encourageant « les plus productrices d’entre

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elles, comm e la sylvicultu re, l ’élevage, l ’art isanat ou le to urisme ». M ais l ’originalité d uprogramme est de porter une attention particulière à l ’objectif de protection et de miseen valeur du « p atrim oine natu rel », notion alo rs fort peu ut i l isée par les acteurs écono-miques et pol i t iques locaux :

« M ais à tout es les recherches de valorisatio n, le caractère excepti onn el de la région cévenol eopp ose les prob lèmes délicats de la prot ection d es espaces désertés et de la m ise en valeur d esrichesses naturelles qu’ils renferm ent. Cett e conciliation n’est pas po ssible sans la création d ’unparc nation al et de ses prolon gement s cultu rels et to uristiques. C’est no n seulement la con ditio nd’un développement h armon ieux, mais c’est l ’ul t ime chance de sauvegarder et de mett re envaleur un patrim oine naturel unique 13 . »

Les mesures de protection préconisées distinguent trois types de zones de conservationproprement dites : tout d’abord les réserves naturelles (intégrales et partielles), qui p ourront

être géolo giqu es, zoolo giqu es ou b ot aniq ues, ensuite les réserves expérim ental es, où lesm anipulatio ns scientif iq ues sont auto risées (exem ple, plantation s de l ’Aigou al), enfin desréserves dites spéciales, qui concernent des sites à protéger. Une zone périphérique deprot ection entou rerait ces réserves discont inues et de t ai l le l imit ée, mais éviterait el le-m ême « tou tes les zones vitales pour ne pas en gêner le développem ent 14 ». Enf in, en cequ i conce rne l a zone de déve loppem en t où des m esu res d i t es« constru ctives » (et non p lus conservatrices) devron t être app liqu ées,

13 - Id., op. cit ., p. 75.14 - Id., op. cit ., p. 77.

Cartographie du Parcdes Cévennes parAlain Gautrand (1963)

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on retrouve la conception d’une zone agro-sylvo-pastorale, où seront associées des opé-rations de reboisement et des améliorations pastorales. Ici encore, la généralisation desreboisement s est préconisée dans les vallées cévenoles, « no n seulement par le soucid’u ne stricte rentabili té, mais par la nécessité de lut ter cont re l’érosion, de la conservatio net de la régénération d es sols ou de la régularisation des cours d’eau 15 » .

L’étud e réalisée par Alain Gautran d est int éressante par la singularit é de son statut . Ils’agit d’une véritable tent ative d’ int égration des « utop ies locales », dans un program m equi paraît vo uloir po usser au m axim um les possibi l i tés offertes par la loi de 196 0. Or ceprogram me est réalisé sous la responsabil i té de l ’ad m inistration concurrente d e celle quiprend en charg e les parcs nation aux, le mini stère de la Construct ion. Est-ce pour cela quel’Étu de d’am énagem ent d es Haut s Pays Cévenols est t om bée dans l ’oubl i ? Pourtant sonauteur est dem euré un conseiller actif dans le pro cessus de création du Parc des Cévennes.Après la création de celui-ci, i l fut m ême recruté par la direction pour réaliser une étu de

d’am énagement de la zone périphérique. M ais là encore, celle-ci n’a t rouvé aucune form ede réalisation . Cette ét ude i l lustre enfin la diff érence de perception des problèmes, auniveau spatial, entre les élites locales (fonctionnaires, élus, responsables économiques),pour lesquelles l ’échelle départem entale est encore considérée comm e « naturelle » etcelle des « experts » (économistes, urbanistes ou aménageurs) qui, tel Alain Gautrand,soulignent la vétusté du cadre département al et sa non-pertinence pour traiter des pro-blèmes de développement économ ique et d’aménagem ent du territoire (Grém ion, 1976 :49).

Alain-Urbain Gautrand (1922-2003)Sa carrière d’architecte indépendant s’est dé-roulée da ns la région Languedoc-Roussillon . En

 janvier 1968, A la in Gau t rand est nom m é ch eva-l ier de l ’Ordre nation al du M érite au ti t re du mi-nistère de l’ Équip ement . La presse cévenole rendalors homm age à la qualit é de ses travaux, no-tamment l’Étud e des Hauts Pays céveno ls , « do -cument complet aussi b ien dans la méthodeanalytiq ue que dans la vision synth étiqu e. Cett e

enquête réalisée en 1962 est m aintenant consi-dérée comm e un ou vrage de référence ».

(Source : « M . Gautrand chevalier du M érite na-tio nal » , s. l., janvi er 1968 , [CD fon ds Roux ])

Pour une poli t ique d’aménagem ent de « l ’arrière-pays » languedocien : une ini-t iat ive gardoise (196 4)Dans les années 1960, la nécessité d’élaborer une véritab le polit ique d’a m énagem ent des

Cévennes est également défendue par les él i tes admin istrat ives et économ iques du d é-partem ent d u Gard. Ces dernières souhait ent art iculer la réflexion sur l ’am énagement de« l ’arrière pays » à la polit iqu e d’équipement d u l i t t oral languedocien. Deux document sélaborés en 1964, dans le cont exte des travaux de la M ission interm inistériel le d’am éna-gement du l i t toral, témoig nent de cette réflexion, à travers laquelle on pourrait ent revoir,

15 - Id., op. cit ., p. 119.

Alain Gautranddans les années 1960

    C   o    l .    E .

    G   a   u    t   r   a   n    d

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« Et le Parc natio nal des Cévennes ? Il n’en a pas été beaucoup p arlé au cours de cett e étude,et ceci est d élibéré. L’am énagem ent des Cévennes peut en effet être conçu av ec Parc ou sansParc. Si le Gou vernement crée le PNC, la zone d’ aménag ement sera la “ zone périphérique”prévue par la loi du 22 jui l let 1960 autou r du parc proprement dit , soum is à une réglementat iontrès stricte desti née à pro tég er ses richesses nat urel les. Pou rrai ent êt re classés en Parc nat ion al,

au sens strict du t erme, les somm ets boisés de l’A igou al, de la partie est du m ont Lozère, et duma ssif du Caroux, not am m ent. Les îlots naturels ainsi sauvegardés au point de vue de leur floreet de leur faune, et soumis à la ju ridict ion d’u n étab l issement publ ic nat io nal, const i tueraientnon pas un ensemble d ’un seul tenant, mais une “ constel lat ion” de quelques pet i ts parcs. Cetteform ule paraît parfaitement répondre à la diversité et à l ’h om ogénéité, tout à la f ois, du PaysCévenol. L’idée de Parc nati ona l, qu i a de fervent s adep tes, constit ue un m ythe puissant susceptib lede rassemb ler beaucoup d ’ent hou siasm es. La prot ection de la nat ure serait m ieux assurée qu’ellene l ’est actuel lement. Aussi i l appart ient aux élus et aux autori tés responsables de prendrepart ie sur cette import ante quest ion 17 . » (Je souligne)

Robert Poujol (192 3-2 00 3)Robert Poujol est né le 22 avril 1923 à Tou-lon , où son père, Pierre Pou jol (1889-196 9),prof esseur agrégé de lett res, étai t alo rs enposte. Sa mère, Marie Teissier de Caladon(1894-1944) appartenai t à une anciennefam ille h ugu enot e des Basses Cévennes. En1943, après une licence de droit et deux an -nées de sciences polit iques, il ent re dan s laRésistance. Sous le pseudon ym e de « Bi-chon » , il rejoint son frère aîné Jacques aumaqu is d’Ardail lès, qui form e en 1944 avectrois aut res groupes le rassem blement A i-gou al-Cévennes. Dès 1951, il publie ses sou-venirs de la Résistance (Aigoual 19 44), puisen 1984 , édite Le M aquis d’Ard ail lès et sapart dans le rassemblement Aigoual-Cé-vennes, recueil de tém oign ages destiné à

perpétuer la mém oire du maquis de « laSoureilhade » 18 (Sum ène, 199 8).

En 19 46 il épouse M artin e Breton (sœur de Jean-François Breton, supra , note 5) et entam eune carrière dans la haute adm inistration, d’abord com m e chargé de mission au cabinetdu m inistre de l ’ Économ ie, And ré Phil ip, puis dans divers postes territoriau x. Parm i lesfonction s les plus im portant es de sa carrière, i l faut signaler son affectation au m inistèrede l ’ Intérieur, de 1951 à 195 8, puis de nouveau en 1968 au plus fort des « événem ents ».De 1959 à 1962 il occupe en Algérie le poste de Secrétaire général de la préfecture de

M édéa, puis de Bône, avant d ’être aff ecté au cabinet de Christian Fouchet, haut -comm issaireen Algérie f rançaise, à Rocher-noir. Selon des tém oign ages, Robert Poujo l aur ait, du rantcett e expérience éprouvante, aff irmé son hosti l i té face au comport ement et aux méth odesde certains militaires. Il a surtout, parallèlement à ses fonctions administratives, apportéun sout ien continu à l’association d’ent raide liée à l’Église réform ée, la CIM ADE, not am ment

17 - Réflexions sur l’ avenir des Cévennes, op. cit ., p. 19-20.18 - Robert Poujol, Le M aquis d’Ardail lès et sa part dans le rassemblem ent Ai goual-Cévennes, Sumène, 1984.

Robert Poujol vers 1975.    C   o    l .    O    l    i   v    i   e   r    P   o   u    j    o    l .

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dans le cadre de l’action qu e cett e dernière a menée auprès des pop ulat ions rurales trans-férées dans des camps de regroupement.

Très attaché aux valeurs de la république, Robert Poujol partageait également, comme ill ’écrivit, le sentiment d’appartenir à « une région spiri tuelle et à une culture historiquefon dée dans le sang et les larmes des persécut ions [qu i est] encore très fort chez les des-cendant s de persécutés et de réfugiés ». Ce sentim ent de filiat ion pro fonde est au fondementde son œuvre abo ndant e d’historien, essentiel lement consacrée au prot estant isme et aupatrimoine culturel des Cévennes.

Ayant soutenu l ’action po ur la création d’un parc national qu’ i l souhait ait avant to ut auservice de cett e culture, alors qu’ il était sous-secrétaire à la préfecture du Gard, c’est dan scet esprit qu’i l agit , une fois le Parc des Cévennes créé, au sein du con seil d’ad m inistratio n,puis dans le cadre de la comm ission « culture et éducation » du parc, dont i l fut l ’un d es

initiat eurs et le premier président. Avec quelques autres, com m e Paul Flayol, M ichel M onodou l ’historien Phil ippe Joutard, i l fut l ’un de ceux qui œ uvrèrent p our faire adm ettre à l ’ad-m inistration, longtem ps réticente, l ’ im port ance de la mission cultu rel le du Parc nationaldes Cévenn es.

(Sources : « Éloge de Robert Poujol » p ar Jean Nougaret (discours de récept ion académ ique),Académ ie des sciences et lett res de M ont pellier, séance du 9 jan vier 200 7, bulletin n°38 ,200 8, p. 295 -312 , tex te en lig ne sur le sit e de l’Acad ém ie des sciences ; Daniel Travier,« Robert Poujol », notice publiée dans Causses et Cévennes , 2003.)

Un second document inti tulé « Aménagement de l ’arrière-pays » a été élaboré dans lecontexte d ’une réunion interdépartem entale présidée par Pierre Racine à la préfecture del’Hérault le 3 octobre 196 4. Il se présente sous la form e d’un rapp ort d ’une vingt aine depages, dont nous ne connaissons pas les auteurs, mais dont on peut penser qu’il émanedu conseil général du Gard 19 . Ce rapport développe les éléments d’un program m e d’am é-nagement quinqu ennal orienté v ers l ’exploit ation des ressources du paysage (réseau decomm unicatio n, organisation d e circuit s pédestres, équestres, autom obiles, aménagem entde plans d’eau et b oisem ents, stat ions de sport s d’hiver) et le développement de l ’ infra-structure d’accueil. La créatio n de parcs nat ionau x figu re au premier plan des mo yens pré-

conisés pour la mise en œuvre de ce programme. Les initiatives du conservateur Priotondans le massif du Caroux, de l ’APNCC et de Font Vive « dans un secteur plus étendugroup ant le m assif de l’Ai goual et le m assif du m ont Lozère » sont évoquées. Sont rappeléeségalement d’aut res init iat ives, tel le la création de stations de sports d’h iver imp ulsée parle docteur Delmas, du réseau des sentiers de grande randonnée par le docteur Cabouat,ainsi que « le très ancien Club Cévenol dont le président est actuellement M . de Rouvil le,

 ju squ’à l ’organ ism e dont M . Schen k a pris l’ in it iat iv e » .

Clairement, sont désignés et no m m és là les acteurs qui on t légit imit é à dire leur mot sur

l’am énagem ent des Cévennes, en raison d u caractère précurseur de leurs action s, consi-dérées com m e la base de tout pro gram me d’am énagement fu tur. La nouveauté étant quece programm e est désorm ais support é par certains responsables adm inistratifs et élus dudépartement du Gard qui appellent à la création d’une structure fédérative susceptibled’œu vrer à sa réalisation :

19 - « Aménagement de l ’arrière-pays », s. l., s. d., non paginé [copie conservée au Centre de document ation de Génolhac, archivesFont Vive].

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« Il y a lieu, à l’heure actu elle, de fédérer ces init iat ives dans un o rganisme ju ridiqu e d’exécutionhabilit é à définir et à exécuter des prog ramm es d’am énagem ent et d’équ ipemen t concrets, avecles moyens administratifs et f inanciers utiles. I l est nécessaire que l’ init iative soit prise par leconseil général d’un d es départ emen ts les plus intéressés par l’am énagem ent de l’arr ière-pays,m ais que ce départ ement associe son actio n aux d épart ement s voisins, dans la mesure où cet

aménagem ent compo rte des prolongem ents sur leur terri toire. I l est d’au tre part opp ortun desaisir cette occasion de regro uper t out es les bonnes volon tés et les init iat ives en vu e d’associerles efforts pour la réal isat ion d’u n prog ramm e unique, l ’act ion à entreprendre dans cette zoneétant d’une rentabi l i té dif f ic ile qui ne comp orte (sic) pas la dispersion 20 . »

Pour ce faire, i l est préconisé de créer d’u ne part une « A ssociation pour l ’am énagement,l ’équipem ent et le développement économiq ue et tou ristiqu e des zones m éridionales dem ont agne », réunissant les représent ant s des conseils généraux des quatre départ ement sconcernés ainsi que les représent ant s des com m unes et les grou pem ents et personnalit és

int éressées par l’a m énagem ent d e la région. La présidence en serait prop osée au do cteurCabouat , « personnalité indépendant e, connu e dans l ’ensemble d e la région et dénuéede to ut souci de particularism e local ». D’autre part , serait créée, « à l ’ init iat ive du conseilgénéral du département du Gard » , une Société d’économ ie mixt e chargée de l ’étude etde l ’exécut ion du p rogramme d’ aménagement, en recevant « notam ment de la M issionint ermi nistérielle les mo yens nécessaires ». Les associations po ur les Parcs nation aux par-t iciperaient à cette société qui réunirait l ’ensem ble des conseils généraux et organismesdépartement aux et « constituerait l ’élément de l ’exécution pratique des program m es surle terrain avec le concours des admin istratio ns compétent es » (ibid .) .

Vers une nouvel le uni t é cévenole : la Fédérat ion d es associat ions cévenoles(1 4 a oû t 1 9 6 5 )L’idée de faire converger les initiat ives région ales était dans l’air du tem ps. Quelques mo isaprès cette réunion interdépartem entale, au m ois d’août 1965, une Fédération des asso-ciations cévenoles (FAC) est créée à Alès. L’association Font Vive, désormais menée parRoland Calcat, et le com ité central du Club Cévenol ont pris l’ initiat ive de cett e fédération,en concertatio n avec Henri Niguet – prom oteur d ’une « rout e des Cévennes-Genève-Bar-celone » (en vue de laquelle une association est créée à Alès) et rêvant d’introduire desbisons sur la réserve du mont Lozère – et André Schenk (fondation Olivier de Serre). Du

côté de Font Vive, l’ id ée est venue du con stat d ’un e certain e imp uissance de l’associationà peser sur les pouvo irs publics :

« Dans cet ord re d’idées, nou s devon s constater qu ’il y a quelqu e distance entre nos intent ionsde faire valoir certains concept s quan t à l’a mén agem ent de n os Cévennes, et le crédit de certainesvaleurs auprès des Pouvo irs Publi cs. Il est cepend ant fort heureux que le p oids de no s relationset de n os amit iés ait pu généralement com penser ce que not re Associat ion ne p ouvait encoreassumer sur le plan de la représentation et des interventions 21 . »

Cett e dernière phrase de Roland Calcat signale explicitem ent l ’ im portan ce des relationsinterpersonnelles et des « réseaux » d’aff inités dans le jeu des tractations engagées depuisune dizaine d’années pour la création d’ un p arc national. Roland Calcat lui-m ême, directeurde l’Assedic métaux et responsable syndicaliste chrétien, est, comme il a été dit, proba-20 - Id., op. cit .21 - Font Vive , n°12, 1966, p. 53. C’est une partie du résultat de l’examen d’autocritique auquel a procédé le nouveau président de

Font Vive, lequel conduit égal ement à m ett re en cause « un purisme excessif » et une « pénétration insuf fisant e dans les couchespopulaires ».

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blem ent l’ une des personn alités les plus influ entes de ces années. Quant au Club Cévenol,il compte dans ces années 1960 plusieurs personnalités ayant occupé des fonctions ad-m inistratives et polit iques impo rtant es, bien représentat ives en cela de l’histoire sociologiquedu protestantisme français et du protestantism e cévenol en particulier (Siegfried, 1945).

Roland Calcat (19 24 -199 8)« Roland Calcat , fi ls et petit -fils de chem i-not , est né à M ont ceau-les-M ines. En 193 9,à l’âge de 15 ans, il entre aux ateliers deschemins de fer de Paray-le-M onial. Arrêtéune première fois le 11 novemb re 1940, i lsera par la suite em prisonné à pl usieurs re-pr ises. C’est à cet t e époq ue, à l ’âg e de18 ans, que Roland demande le baptême

et com m ence à mi l i t er à la Jeunesse ou-vrière chrét ienne (JOC). Cett e conv ersionsera vécue diff ici lement par son p ère, so-cialiste convaincu. » C’est le débu t po ur Ro-land Calcat d ’une co l laborat ion avec lesJésuites, couro nnée en 197 0 par son acces-sion à la présidence mondiale des Com mu -nautés de vie chrétienne.Après la Libération, il entame une carrièresyndicale à l a Conf édératio n française des t ravailleurs chrét iens (CFTC). En1957, il participe à la création d e l’Union nation ale des institut ions de retraite pou r salariés.Nom m é directeur de l ’ Assedic métaux de la région parisienne en 1958, puis de l ’Assedicdes Hauts de Seine, il term ine sa carrière com m e directeur ho rs cadre de l’U nedic.En 1 962 , il hérite au décès de son g rand -père de la m aison f am iliale des Vans. « Très vitei l entre en relation avec le docteur Richard et le groupe très actif qui l ’ entoure. » En 1964,il succède à Jean Pellet à la présidence de Font Vive, fonctio n q u’il exerce jusqu’en 1 970 .« À sa retraite, établi définit ivem ent au x Vans, Roland Calcat contin uera de m il i ter dansdiverses associatio ns [… ]. Parti d e recherches sur sa fam ille, il se lancera petit à peti t d ansdes travaux historiques sur l’Ardèche. »

(Source : François Girard, « Roland Calcat », Causses et Cévennes , n° 4, 1998)

Ce n’est donc pas un hasard si lerôle « d’association pi lot e » de laFédération est confié au Club Cé-venol. Cette fonctio n centrale estm a r q u é e p a r l a p r é s i d e n c e d eFrank Arnal, ancien ministre, pré-sident de l’Ordre national des phar-

m aciens, m aire de Vialas en Lozère.Le p r é s i d e n t d u C l u b C é v en o l ,A n d r é d eRouvi l le , an-c i e n i n s p e c -t eu r géné ra ldes Pon t s e t

Roland Calcatdans les Grads

    C    l .    R   o    b   e   r    t    L   a   v   e   s   q   u   e ,

    C   o    l .    M

   u   s

    é   e    d   e   s   v   a    l    l    é   e   s   c    é   v   e   n   o    l   e   s

André de Rouville (àdroite), avec André

Chamson (au centre) etJean-Pierre Chabrol,

congrès du Club Cévenol àAlès, 1965.

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Chaussées 22 et André Cham son, incontou rnable référent et garant d e la « cévenolité » ,en sont nom més présidents d’ honneur. L’association Font Vive y occupe également uneplace prépondérante : quatre de ses m embres font part ie du bu reau et son président,Rolan d Calcat, est désigné « à t itre p ersonn el, délégué général, chargé de m ission au prèsdes pouv oirs pu blics ». André Schenk est élu secrétaire général. Sans que l’on sache, parailleurs, s’il existe un lien direct entre cette initiative et la prise de position gardoise enfaveur d’un e structure f édérative réunissant les groupem ents régionaux et les pouvoirspublics, on peut not er la proxim ité des objectifs déclarés dans les statut s de la FAC :

« L’association d ite " Fédération d es as-sociatio ns cévenoles" (FAC), fon dée le14 août I965, a pour but de fédérer lesefforts de mise en valeur de la Régioncévenole. El le met en œuvre, dans le

cadre de l’Am énagement régional et na-tio nal d u Territo ire, les moyens de pro -pagande et d’act ion visant d’une partà un développement harm onieux sur leplan hum ain, de l ’Écono mie, du Tou-risme, des dom aines Scientifi que et Cul-tu rel, des Sport s ainsi que d u Social, etd’aut re part, à la Conservation de la Na-tu re, des Paysages, des Sites et des M o-n u m e n t s ( si c .) . Da n s c e t t e d o u b l eperspective gén érale, son obj ectif essent iel est d’ int éresser et d’a ssister les po uvo irs publ ics 23 . »

Parm i les objecti fs proclam és de la Fédératio n, il est int éressant de not er en particuli er lanécessité de « lutter contre la spéculation foncière qui se base sur le Parc ou les projetsd’am énagements des Cévennes 24 ». Un an après sa création , elle représent e dix-n euf as-sociation s. Fait not able, l’Associatio n p our un Parc natio nal cult urel des Cévennes, toujo ursprésidée par Charles Bieau, m anque à l’appel 25 . Les Lozériens semb lent avoir p ris ombragedu f ait q ue le centre de l ’ init iat ive en faveur du parc se soit déplacé de M ende à Alès, lasous-préfecture gardoise étant désignée par la Fédération comme « capitale des Céven -

nes » 26 . Et l ’ on n e peut q ue not er, en effet, le net déplacement de l ’ init iative locale enfaveur du parc cévenol, déplacement département al, mais peut-être aussi culturel et po-lit ique, encore qu e ce dernier ne soit p as aisé à qual ifier.

Quoiqu’il en soit, la création de la Fédération des associations cévenoles est intervenuetrès opportu nément . En effet, le 1er décem bre 1965, la m ise à l ’étud e du Parc national desCévennes est enfin annoncée off iciel lement par son inscription au Ve Plan et, en février1966, la réalisation d’une première étude de faisabil i té est confiée par le ministère de

22 - André de Rouville, polytechnicien, ingénieur des Ponts et Chaussées fut inspecteur général des Ponts et Chaussées spécialisédans le mili eu mariti me, plus précisément les « phares et balises » ce qui l’amena pendant quarante ans (1912-1952) sur toutesmers à la surface du globe. Il était l e fil s d’Amédée de Rouville, conseiller d’État, conseiller général du Gard, et président du ClubCévenol de 1914 à 1924.

23 - Communiqué et st atuts de l a Fédération des associations cévenoles, s. d., ministère de l’ Environnement [CAC, 19960018/34]. Ilsemble que l a Fédération des associat ions cévenoles se soit d’ abord appelée « Comité d’ét ude du Parc national des Cévennes »(Francis Panazza, art. ci t., Le Méridional , v. 1965).

24 - Font Vive , n°10, p. 59.25 - L’APNCC n’est représentée que par Henri Niguet qui, lui, représente surtout l’associati on de la Route Genève-Barcelone.26 - Procès-verbal de la réunion du 22 septembre 1965 [AD, f onds Bieau, 21J19].

    A    N ,

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En lieu et place des termes ci-dessus soulignés en italique, le texte original emploie lesexpressions « zones désertiq ues » et « déserts ». Ce paragra phe est, par aill eurs, précédédans le rapport du groupe par le constat suivant :

« La répartit ion d es hom m es et des activit és sur le territ oire français devra résult er de choix q uine peuvent être que déchirant s, et q ui seront t oujo urs cont estés – m ais l’absence de choix seraitla pire des solut ions. En dépit du redressement démog raphique et d ’une im migrat ion qu i croîtrasans doute p lus qu’ i l n’ est actuel lement prévu, la France demeurera en 1985 une t erre pauvreen hom mes [… ]. Il est do nc inévitable qu’à côté de régions où les condit ions de vie et de peu-plem ent seront analo gues à ce qu’ elles sont en Allem agne, en Belgiqu e, en Italie ou en GB, il yait des déserts en France, et le cl ivage ne pourra que s’accentuer entre ces deux types dezones 29 .»

Le program m e de « m ise en parc » des espaces ruraux les plus dépeup lés est do nc annoncé

dans le même mouvem ent que leur condam nation en tant qu ’espaces propres de production.Les qualités de ces espaces sont ainsi définies uniquement par rapport aux besoins desespaces urbain s (surpeuplem ent, travail, contrain tes sociales). Il s’agit surt out d’o rganiserles « d éserts » et de les équip er, afin de cont rebalancer « l ’ana rchie des villes 30 » .

C’est sans dout e parce qu’il s’inscrit désorm ais dans une vision pro spective à larg e échelleque le Parc national des Cévennes peut t rouver sa raison d’ être aux yeux de l’A dm inistration.M ais cette nou velle légit im ité se trouve aussitôt contestée par le fait que, sur la base d’unprincip e ident ique (la reconversion des espaces m argin alisés), une aut re équipe de tech-nocrates à la nouvelle Direction de l’am énagem ent du t erritoire (DATAR) se m et à concocterune fo rm ule inédite d’espaces protégés. L’hésitation qui retarde alors le lancement desétudes pour la création du PNC reflète aussi bien la nat ure décidem ment particulière duparc projeté en Cévennes que les rivalités inexpiables entre les services techniques del’État.

Un Parc national ou un Parc naturel régional pour les Cévennes ? (janvier - no-v em b re 1 9 6 6 )

« La polit iqu e de reboisement po ursuivie sur l’ensemble du territo ire com port e la mise en œuvrede program mes, notamm ent dan s le centre de la Bretagne et le M assif central, ainsi que la re-

constitution de la forêt dans le Sud-Est méditerranéen. Il est prévu de procéder à l’acquisitiondes terrains et à la réalisation des équipements nécessaires à la création de parcs nationaux(un n ouveau parc sera créé dans les Pyrénées Occident ales et un au tre m is à l’étud e dans lesCévennes), et d e parcs régionaux (plusieurs nouveaux parcs réal isés auprès de mét ropo lesd’équ i l ibre const i tueront des zones de loisir et de dét ente). » (Extrait du Journ al Off ic iel du1er décembre 1965 )

Créée en 1963, la DATAR est u n org anism e de mission placé sous la direction d ’un fidèledu général de Gaulle, Olivier Guichard. Cet organisme est chargé, entre autres mesures

de « rééquilibrag e territorial », de m ett re en place un out il institut ionn el destin é à articulerle développem ent des régions économ iquem ent m arginalisées (en part iculier, grâce autourisme) et la protection du patrimoine naturel et culturel. Selon Romain Lajarge, ces

29 - Groupe 1985, Réflexions pour 1985. Travaux pour le Plan , Paris, La Documentati on française, 1964, p. 74.30 - Sur le senti ment d’ anarchie urbaine part agé dans les années 1960, voir Loïc Vadelorge, « Des CODER à Defferre : l ’Équipement

au cœur du débat sur la décentrali sation », « Pour mémoi re », revue du Comité d’hist oire du mini stère de l’Écologie, de l’Énergie,du Développement durable et de la M er, numéro hors série, novembre 2009, p. 29.

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parcs « furent pensés " régionaux" , par rapport aux parcs natio naux, en souhait ant desdispositions plus légères et directement connectées avec les autorités locales. Ils furentdes “ Parcs” parce qu’i ls étaient destinés à apparaître com m e des problèmes circonscritset des recett es part iculières » (Lajarge, 200 7). Au m om ent o ù le Parc nati onal d es Cévennesest in scrit au Ve Plan, les cont ours et le fonct ionn emen t des fut urs « parcs naturels régio-naux » sont encore extrêm ement f lous (les parcs régionaux ne naîtront o ff iciel lem ent quepar un d écret de m ars 1967). On sait seulement que le f inancement de la structure devraêtre assuré largem ent p ar les collectiv ités locales. C’est sur cette in dicati on q ue, le 28 d é-cem bre 1964, un group e de travail réuni à M ende sous l ’autorit é du préfet de la Lozères’est pron oncé unanimem ent en faveur d’un parc national et non régional « en raison del’ im possibi l i té dans laquelle se trouvent les collectivit és publiques d’apporter un e aide fi-nancière 31 » .

Pourtant, malgré l’annonce de l’ inscription du Parc national des Cévennes au V e Plan, la

question d u p arc régional semble persister 32 . Ap rès différent es démarches, les dirig eantsde la Fédération des associations cévenoles obtiennent l’assurance que l’ idée d’un Parcrégional des Cévennes a été écartée « au bénéfice de la création d’un Parc nation al cultureldes Cévennes » (ibid .). Quelques précisions leurs sont également donn ées par Yves Bétolaud(sous-directeur de l ’espace naturel au m inistère de l ’Agriculture) et le comm andant HenriBeaugé (chargé de mission sur les espaces protégés à la DATAR) sur l’organisation dufu tu r pa rc :

« N ous devon s signaler que le Parc natio nal cult urel des Cévennes aurait la Lozère com me d é-part emen t p ilot e. Des zones de réserves à peu près intégra les seront créées au mo nt Lozère età l’Aig oua l ; les chasseurs conservant un e grand e partie de leurs droits. La zone périph ériquedont bénéficieraient la Lozère et le Gard serait aménagée selon une form ule, type “ Parc régio-na l” . » (Ibid .)

Pourquo i alors les longs m ois d’att ente quis’écoulent de février à novembre 1966 avantl’engagem ent effectif (don t les moyens cor-respondant s) de l ’étud e par le m inistère del’Agriculture ? On peut p enser que des dés-

accords durent opposer les différents ser-v i ces de l ’ É ta t su r l a na tu re de l ’ ob j e tterrit orial à créer en Cévennes ou sur le par-tage des respon sabilités entre les uns et lesautres 33 . C’est ain si qu’à l’ issue d’u ne réu-nion à la préfecture de M ende le 3 octobre1966, Olivier Guichard déclare imprud em-m ent qu’u n parc naturel régional est m is àl ’étude en Cévennes. Le M idi Libre donne à sa déclaration l ’am pleur d’u ne pleine page,

ce qui p rovoque des protestat ions locales im médiates. Quelques jours après cet événement ,Roger de Saboulin Bollena dem ande instamm ent au m inistère d’engager enfin l ’étu de de

31 - Correspondance de Saboulin Bollena-Bétolaud, 5 janvier 1965, [AD, 1201W 1].32. « Nouvelles de la Fédération des associati ons cévenoles », Causses et Cévennes , n°2, 1966.33 - Il apparaît ainsi que le mode de pilotage de l’idée de parcs régionaux résulte de telles rivalités administratives : « Mais par le

 je u de s lu t tes d’ in f lu ences au sei n des admi nist ra ti ons cent ral es et la déc is io n d’ en écar ter l e leadershi p ag ri col e [… ] il est déc id éque le soin de réfléchir à ce que pourrait être cette idée de parcs régionaux, sera confié en interne à un petit groupe piloté parGuichard lui-mêm e. » (Lajarge, 2007 : 83)

    A    N ,

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faisabil i té du parc nation al 34 . Le m inistèreréagit rapidem ent, l ’étude est engagée etYves Bétol aud renou velle ses assurances àRoland Calcat, en prom ettant qu’« en toutétat de cause, la Fédérat ion d es associat ionscévenoles et Font Vive bénéf ic ieront des i èg e s a u c o n s e i l d ’ a d m i n i s t r a t i o n d uparc 35 » .

La décision est prise, mais le débat n’estpas clos pour aut ant. Surtou t, on verra quele con t exte d ’é labora t ion e t d e mise enplace du nouvel out i l « Parc naturel régio-nal » ne m anquera pas d’ influencer la doc-

trin e mêm e du Parc natio nal des Cévennesqui tent e de s’ inventer durant le temp s dela m ission d’ étude.

34 - Correspondance DDA Lozère–m inistère de l ’Agricul ture, 10 octobre 1966 [AD, 1201W 2].35 - Roland Calcat, « Où en est le PNC ? », décembre 1966 [A D, 1201 W 1].

Le directeur départemental del’agriculture Roger de SaboulinBollena (ici avec son épouse etle ministre de l’AgricultureJacques Blanc, dans les années1970).

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Clocher

de tourmente surle mont Lozère    G

   u   y    G

   r    é   g   o    i   r   e

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Q u a t r i è m e p a r t i e

Le temps de la m ission(1966-1970)

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C h a p i t r e u n

L’émerg ence d ’un d éb a t pub lic

a u t o ur d u Pa rc d es Cévenn es

L’étude d’opportunité d e la Direction dépa rtem entale de l ’Agriculture (no-ve m b re 1 9 6 6 )

Le directeur département al de l ’Agriculture (DDA) confie l 'étude d' opport unité dem andéepar le m in istère à un tout jeune fonct ionnai re , Pierre de M onta ign ac de Chauvance,ingénieur des Eaux et Forêts et du Génie rural. Celui-ci, arrivé à Mende depuis peu, estencore peu au fait des réalités cévenoles et ne dispose que de quelques semaines pourrédiger son étu de. I l revient aujourd’h ui sur les condit ion s de sa réalisation :

« Ça serait à refaire aujourd’hui, je m ’y prendrais sans doute d if féremment , parce que je l ’airédigée essentiellement à partir des observations que nous avions faites sur le terrain, et dusentim ent d’adm inistrat ion de l ’agriculture qui, à l ’époque – les temps ont beaucoup changé –avait une sorte de mainmise sur tout ce qui se passait en milieu rural en Lozère, et donc avaitune assez bonn e connaissance du t errain, mais une conn aissance adm inistrati ve. » (Pierre deM ontaignac, ent ret ien, 19 août 2005)

Dans le cont exte d’ incerti tu de et de concurrenceadministratives précédemment décrit, le rapportest dest iné avant to ut à convaincre les services

centraux que le terrain cévenol est parfaitementadapt é à la lettre de la législati on sur les parcs na-tionaux. C’est pourquoi il insiste, avec des formu-l a t i o ns souv en t m a lad ro i t es, su r l a f a i b l essedémograph ique et sur le déclin voire la disparit ioninévitable des activités agricoles dans la zone dupa rc p ressen t i e ( 84 000 hec ta res su r 53 com-m unes), rendan t ce vaste espace prop ice à la pro-t ec t i on de l a na t u re e t d es paysages 1 . Ce t t e

tend ance à présenter l’espace occupé par le futu rparc comme un désert où l ’occupat ion humaineserait assurément condamnée sera part iculièrementmal reçue localem ent. Un chapitre du rapport rap-pelle par ailleurs que la « conservation de la fau ne,

1 - Direction départementale de l’Agriculture, ministère de l 'Agriculture, Pour un Parc national des Cévennes , novembre 1966.

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de la flo re, du sous-sol, de l’atm osphère, des eaux et en général, d’un m ilieu naturel constituele but prem ier de la création d’u n parc national » et que tel est bien le « souci primo rdialdu pro jet » d e Parc des Cévennes. L’étude de la DDA livre don c une conceptio n ort hod oxedu fut ur parc, conform e au point de vue de l ’adm inistration en charge de la protection dela nature, même si un autre chapitre évoque le rôle du parc dans l ’aménagement de lazone périphérique, en vu e de l ’équipem ent t ouristique.

Les l imites de la zone p arc proprement dite, approxim ativem ent dessinées, englobent lessomm ets du Lozère, du Bou gès et d e l’Aig oual, le Plan de Font m ort , la Can de l’Hospitalet ,le massif du Lingas, ainsi que la part ie orient ale du causse M éjean. Le principe de la dé-l im itat ion, est-i l p récisé, « a été d’englob er dans la zone parc des secteurs variés m aisprésentant chacun une certaine uni té géograph ique, géologiq ue ou écologique, en éliminan tau m ieux les zones où subsiste encore une implant ation h um aine notable 2 ». Cette im -plantat ion du parc correspondrait pour l ’essentiel au vœu des « dif férents promot eurs du

Parc des Cévennes », horm is le causse M éjean, inclus, selon Pierre de M ont aign ac, pou robéir au souhait des services centraux :

« Je n’avais pas mis de causse dans l’avant -projet qui a ét é envoyé au m inistère. M ais le ministèrea dit que ce n’était pas pensable s’i l n’y avait pas un morceau de causse. Alors on a modifié,on a mis une stèle de papil lons sur le causse M éjean. [… ]

 – K.B. Et pourq uoi l’ adm in ist ra t io n ten ai t -e l le à ce que le causse so it in clus ?

 – Un parc nat io nal c’ est un la bel , si on m et un lab el sur un pays d e q uali té q ui ne r ecouvr e q uela m oitié d e ce qui, aux yeux des gens, apparaît comm e de haut e qualit é, ça aurait paru absurde.Com ment est-ce que les gens réagiront en m ontan t sur le causse M éjean, si on leur dit q ue cen’est pas dans le parc. Le mêm e raisonn emen t éta it suivi ensuite à pro pos des gorges du Tarn,parce qu’il y avait d es gens au mi nistère qui souhai taient que ce soit i nclus. » (Pierre de M on-taignac, entret ien, 2005)

Conform ément à la législatio n, le rapport prévo it un e division stricte entre la zone centraledu parc pro prem ent d it, et la zone périphériqu e. Or, ainsi que l’écrit Jean Capiaux : « Sipou r les deux p arcs nat ion aux existan ts à ce mom ent (la Vanoi se, Pyrénées Occidentales),

une tel le séparation po uvait paraître logique dans la m esure où elle recouvrait une op-posit ion bien nette entre la zone de très haute mont agne (“ mo ntagne blanche” ) et lazone habitable (" mon tagne verte" ) – la l igne de démarcat ion correspondait donc à uneréalité –, en Cévennes, la délimit ation est beaucoup p lus délicate et, à la lim ite, arbitraire. »(Capiaux, 1979 : 80) Ce fait est bien perçu par l ’ensemble des acteurs locaux : eux, neconçoivent la « zone centrale » du parc nat ional que comm e une juxtaposi t ion d’ î lotssitués sur les som m ets des princip aux m assifs cévenols 3 .

Comm e i l a été souvent écrit, le cont enu de cet avant-projet m ont re que son rédacteur et

son responsable adm inistrat i f on t, partant du règlement d ’adm inistrat ion publ ique de1961, tent é « d’adapt er le pays au text e ». Par ailleurs, L’Ad m inistration centrale, échaudéepar les difficult és rencont rées dans l’élabo ratio n du p rojet d e parc dans les Pyrénées Oc-cidentales, souhait ait que l’enqu ête confiée à la Direction départ ement ale de l’A gricult uresoit réalisée « en t out e discrétion ». Ainsi les acteurs régionaux prom oteurs d’un parc na-

2 - Id., op. cit ., p. 4.3 - Voir Charles Bieau, « Le parc forest ier est la grande chance des Cévennes », M idi L ibre , août 1967.

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t ion al n’o nt-i ls pas été consultés. Sur ce poin t, Pierre de M ont aignac

évoque un certain manque de conf iance réciproque ent re les associationset l ’adm inistration, ainsi que la dif f iculté à concil ier leurs visions respectives :

« Alors, je n’ignorais pas en rédigeant cela – et d’ail leurs j’ai dû y faire allusion – l’existencedes autres associatio ns, not am men t celle de m aître Bieau. Ma ître Bieau je le connaissais déjà,parce qu’ i l était f réquemm ent à M ende, tandis que le do cteur Richard et le docteur Pel let je lesai connus plus tard au cours de la mission, puisqu’ils étaient extérieurs à Mende. Et au début,not re vision était très lozérienne, c’est p eu à peu lorsque la m ission s’est créée, qu’ on a eu unevision u n peu plus élargie. Donc le rapport ini t ial , c’était au ssi dans l ’espri t d u t emps : i l était

très tourné en direct ion de la n ature, i l était p eu orienté vers le développement social ou la pro-tection g énérale de l’environnem ent. [… ]. Alors que, tant ma ître Bieau que Pierre Richard (pourle docteur Pellet, je le sais mo ins) avaient certes un souci de prot ection gén érale du m ilieu, maismaître Bieau n’était pas du tout un biologiste de formation, ni de raisonnement, donc ça luiétait un petit peu égal, ce qui l ’ intéressait peut-être davantage c’était des soucis esthétiques,des choses comme ça. Le docteur Richard, c’était essentiel lement les données sociales duproblème qui l ’ intéressaient, c’était une approche très humaine. Son souci c’était de faire en

Esquisse de délimi tati on duParc, incluse dans le rapport

de la DDA de novembre 1966

    C    D

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4 - Correspondance de Saboulin Bollena– Bétolaud, 15 mai 1965 [AD, 1201W 1].5 - « Confident iel, Le directeur des Forêts, L. Velay, à M . le Directeur général des Études et des A ff aires générales de la Protection et

de l’aménagement de l’espace naturel… », 24 avril 1967 [AD, 1201 W 1].6 - DDA, Préfecture de l a Lozère, « lett re type », non dat ée.7 - Philippe Lamour, « Objections et précision », Midi L ibre , 3 août 1967. Ce texte a ét é écrit à la demande de la Fédération des

associations cévenoles.

sorte que les gens des Cévenn es puissent cont inu er à vivre d ans les Cévennes, avec des ressourcesraisonnab les et dan s des cond itio ns hum aines satisfaisantes. Ça n’était p as du tou t, a priori, lesouci du m inistère de l ’Agriculture dans la créat ion du p arc. On était to ut à fait aux ant ip odes. »(Pierre de M ontaign ac, entret ien, 2005)

De même n’a-t-on pas cru devoir recueillir l ’avis des organismes professionnels, exceptéla SAFER. Pourt ant , dans un rap port off icieux que Roger de Sabou lin Bollena ef fectua it àYves Bétolaud deux ans auparavant , le directeur départ ement al de l’Agricult ure soulig naitle fait q ue, compt e tenu d u dynam isme m anifesté par certains groupes d’agriculteurs, enparticulier dans la zone qu’i l prévoit « p ériphérique », i l serait « absolument nécessaired’associer ces agriculteurs aux études préalables à la constit utio n d u p arc faute d e quoion risque de se heurter, de leur part, à une irréductible opposition » 4.

Au vu de cett e brève étude de quarant e pages et après décision f avorable du Com ité in-

term inistériel des Parcs nat ionau x, le mini stère de l'A gricult ure lance off iciellement la pro -cédure de création du Parc des Cévennes en juin 1967. Pierre de M ont aignac est nom m échargé de m ission. L’on prévoit m ême, à la Directio n d es Forêts, qu’il sera nom m é directeurde l ’Établissement public « lors de sa création o ff iciel le, vers la f in d e 1968 » 5. L’étudede la DDA est rendue pub lique au m ois de jui l let 19 67. S’ouvre alors une prem ière phasede consult ati on des élus, des orga nisatio ns prof essionnelles, des associati ons et des per-sonnalités. Les principaux acteurs régionaux o nt été identif iés et reçoivent un exemplairede la brochure Pour un Parc nat ional des Cévennes , accom pagné d’un e demande d' avis.Cett e dernière insiste particulièrement sur la participation des ruraux q ui est att endue etévoque « une œuv re dynamique que le gouvernement désire mett re en application avecles ruraux et pour eux 6 » .

La presse locale donne d’ abondan ts compt es-rendus du rapport et, au m ois d’août 1967,le M idi Libre publie un long article de Philippe Lamour, destiné à prévenir par avance lesobjections qui, comm e dans les autres régions précédem m ent concernées par la créationd’un p arc national, ne m anqueront pas de naître 7. Le parc national y est p résenté com m eun « bienfait » po ur les Cévennes, l’accent étant m is en prem ier lieu sur la zone périphérique,dans laquelle « l ’ intervention sera active et eff icace ». Il confirm erait la vocation n ouvelledes « agglomérations de montagne », la seule désormais possible, « qui est d’être les

centres anim ateurs d’act ivit é tou ristique do nt la croissance ne cesse de s’accélérer ». Bref,le Parc nat iona l des Cévennes serait l ’ul tim e espoir des Hauts Pays et « dans ces cond iti ons,l ’hésitat ion ou la retenue se comp rendrait m al et l ’oppo sit ion équivaud rait à un suicide ».M ais ces arguments prévent i fs n ’ont guère por té ; la lecture de l 'é tude d 'oppor tun i tégénère des opposi t ions im m édiates, et c'est m ême dan s certains secteurs de la zoneconcernée – en particulier les massifs de l ’Aigoual et du Bougès – un véritable t ol lé.

Naissance d’une opposit ion (autom ne-hiver 1 96 7-19 68 )

La vigueur de l ’o pposit ion suscitée par le rapport se m esure tou t d ’abord p ar la créationimm édiate de deux groupements d 'oppo si t ion.

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Le premier grou pement est créé le 30 septemb re 1967 à l ’ init iative de René Roux, avocatà la Cour de M ont pellier, propriétaire sur la com m une de Vébron. M enée par la personnalitétrès comb ativ e de maît re Roux , l’association Terre cévenol e « po ur la d éfense des libert éset la sauvegarde des droit s des popu lation s cévenoles » an im e jusqu’à la création of ficielledu parc et bien au-delà, le principal mouvement d’opposit ion au PNC. Autour de RenéRoux, le bureau de l ’association est com posé de : M arcel Avesque, exploitant agricole àBassurels, Paul Virebayre, négociant de Fraissinet-de-Fourques et André Argenson, exploi tantagricole sur la commune de Rousses. Dans ses statuts, l’association déclare avoir pourbut :

« [… ] la d éfense des intérêts comm uns et part icul iers de toutes les personnes qui, de par lesbiens qu’elles possèdent , l ’activité qu ’elles exercent o u l’ in térêt qu ’elles port ent à la régio n sontconcernées par la création du Parc nati onal des Cévennes 8. »

Le second grou pem ent est né à la su i ted’un e réunion d’élus organisée par la Fé-dération lozérienne du Parti comm uniste, àJalcreste, le 19 n ovem bre 19 67. Le Comit éde Jalcreste est form é auto ur du p résident ,m aître Doladille (avocat au ba rreau de M ont pellier, m aire de Cassagnas,au sud du m assif du Boug ès), de deux conseil lers m unicipaux et deuxconseil lers généraux 9. Se déclarant également défenseur des « int érêts cévenols », leComit é de Jalcreste se déclare prêt à « collabo rer avec les pou voirs pub lics à l’élabo rati ond’un texte original répond ant au x vœu x et aux intérêts véritables des populations concer-nées 10 ». I l faut souligner le fait qu e plusieurs mem bres de ce groupe avaient adhéré àl’A PNCC de Charles Bieau.

Les argum ents des oppo sants reposent, d’u ne part, sur l’aff irm atio n que la réglement atio nexistante ne permettrait pas la rédaction d’un décret qui t ienne compte des problèmesparticuliers de la région cévenole (habitat permanent dans la zone parc) et, d’autre part,sur la cont estat ion des « po uvoirs exorbitant s » qui seraient confiés au directeur de l ’Éta-blissement public, serviteur de l ’État, au détrim ent des « l ib ertés com m unales » et d e ladécision polit iqu e locale. Le directeur, selon m aître Roux , aurait le pouv oir ju ridiq ue d’ac-

croître la liste des interdictions définies par le décret de création du parc.

Ces deux group emen ts d’opposition , en part iculier Terre cévenole, orchestrent u ne véritab lecampagne ant i-parc : articles dans la presse régionale, mobil isation des maires de la zoneparc pressentie – au xquels est envoyé un comm entaire des textes de la loi de 1960 et dudécret d e 1961 –, organisation d e réunions publiqu es anim ées par René Roux 11 . Ce dernierprend égalem ent app ui, dans son argum entai re, sur l’expérience des parcs nat iona ux pré-cédemm ent créés. Au début de l ’ann ée 1968, i l n’ hésite pas à faire circuler un article duM onde f aisant état des diff icultés du Parc national des Pyrénées et des déceptions d' un

de ses précurseurs12

.

Titre de presse après la réunionde Jal creste (19 nov. 1967)

8 - Statut s de l’association Terre cévenole [AD, 1201 W 4].9 - M aître Julien, conseiller municipal du Pompidou, M . Hours conseiller municipal de Saint-Andéol-de-Clerguemort, M . Jouanen,

conseiller général du canton de Saint-Germain-de-Calberte, M . Bourely, conseiller général du canton de Barre-des-Cévennes.10 - « Les élus cévenols disent : “ Non au parc national” », M idi Libre , 20 novembre 1967 ; « Après la réunion de J alcreste, la Fédération

de la Lozère du Parti communist e français communique », s. l. s. d. [CD, fonds Roux].11 - 11 novembre 1967, réunion à la m airie de Barre-des-Cévennes ; 25 novembre, réunion à M eyrueis (200 partici pants), 1er décembre

1967, réunion à Saint e-Croix-Vallée-Française…12 - Communiqué de gendarmerie, janvier 1968 [AD, 1201W4].

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Une cam pagn e contre le parc est également m enée par les sociétés de pêche et de chasse(La Jeune Diane) à M eyrueis. Un rapport de gendarm erie not e :

« Les membres de la Société de pêche sont tous contre le parc et n otam ment [X], demeurantà M eyrueis, président égalem ent d u Syndicat d es chasseurs. I l pou rsuit une cam pagn e contin uecontre la créatio n d u p arc. Les mem bres de la Jeune Dian e, Société de chasse, sont ég alem entcontre le parc. Ils ont désigné [X], pour visiter les édiles com mu naux d u canto n, autori tés, pré-sidents de sociétés, propriétaires cultivateurs, etc., afin de dresser un bilan de ceux qui sontpou r et cont re le Parc 13 . »

Selon le m ême rappo rt, les m embres de cette société envisageraient « de créer un m ou-vem ent d e défense cont re le parc, si les lim it es de celui-ci ne sont p as repoussées au-delàde l ’Aigoual » ( ibid .) .

En dehors de ces grou pem ents d’op positi on constit ués, certaines figures d’o ppo sants ontune fo rte inf luence sur les opinio ns locales. Dans la région du n ord d u m ont Lozère, on sesouvient volo ntiers du com bat m ené par F. M orel, un ancien forestier propriétaire sur lem assif, qui avait po urtant été l ’un des prem iers adhérents de l ’Association p our u n Parcnational culturel des Cévennes.

« M orel. C’est un g ars qui avait acheté tou tes les parcel les indivises de la comm une de M asd’Orcières. Le mo nt Lozère était p âturé par d es troup eaux transhumant s qui venaient du M idi.Dans les ann ées 195 0-19 60, suit e aux prob lèmes sanit aires, beaucou p de trou peaux on t arrêtéde venir. Donc ces terres se sont t rouv ées disponib les, personn e n’en voula it et ce mon sieur aprof i té d e cet ab andon pour f aire une opérat ion f inancière. Il a racheté 400 o u 50 0 hectares, i la acheté tou s les ind ivis qu’il po uvait, et [… ] il a fait reb oiser. Donc il savait qu e si un par c sefaisait , i l ne pourrait plus faire tout à fait ce qu’ i l voulait . [… ] C’est le genre de personne quiavait une certaine aura vis-à-vis de la popu lat ion, quand i l p arlait on l ’écoutait [… ] et i l a réussià convaincre une certaine partie de la population. » (Lucien Reversat, ancien chef de secteurdu PNC, entret ien, 2009)

À l’au to m ne 1968 , alors que les collectivit és locales sem blent basculer en faveur du Parcet au m om ent où va s’engager la consultatio n des comm unes, le forestier M orel cherchera

à unir les prop riétaires de la zone du fu tu r parc en une association d e défense de ses in-térêts 14 .

Les effets de ces camp agnes d’oppo sit ion se font vite sentir sur le plan de la p olit iq uelocale. À l'automne 1967, neuf municipalités lozériennes (Cassagnas, Meyrueis, Fraissi-net -de-Fourques, Gatuzi ères, La Parad e, Hure, Pom pid ou , Bassurel s, Rousses) 15 émettentdes avis défavo rables au parc, plu sieurs reprenant des form ulat ions ident iques, issues dela m otio n prise à Jalcreste le 19 nov embre et reprises dans un « m odèle de délibérationhosti le » dif fusé par maître Roux 16 . Cependan t ces prises de posit ion s ne résult ent sans

doute pas uniquement de l ’ influence de l ’opposit ion organisée, mais témoignent d’unesensibilit é part iculière de ces secteurs de la Lozère sur laq uelle il f audra s’int erroger. Un

13 - Communiqué de gendarmerie, 16 janvier 1968 [AD, 1201 W 4].14 - F. M orel, « Propriétai res, unissons-nous ! », M idi L ibre , 21 oct obre 1968 [CD, fonds Roux].15 - Les délibérat ions s’enchaînent : 4 octobre, Rousses ; 15 octobre Gatuzière ; 22 oct obre Pompidou ; 25 octobre Bassurels ;

12 novembre, Cassagnas, 21 novembre M eyrueis, 22 novembre Fraissinet-de-Fourques...16 - Conseil général de Lozère, Compte-rendu de l’activité de l’Administration dans le cadre de la procédure d’association des élus

locaux à l’él aboration du proj et de Parc national des Cévennes, Florac, 29 janvier, 1968, p. 1 [AD, 1201W8].

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rapport de gendarm erie indique ainsi que ces conseils mun icipaux « sont solidaires de lapopulat ion contre le Parc 17 » .

À côt é de cett e oppo sition f ranche, certaines équipes mun icipales, sans exprim er un refuscatégorique, manifestent clairement leurs inquiétud es « au sujet de l ’avenir d es habitantsdu pays 18 », à l ’ instar du Syndicat int ercom m unal d es Hauts Gardons, présidé par M ichelMonod, maire de Sainte-Croix-Vallée-Française. Il faut cependant noter la prudence deces élus qui, parce qu’ils sont conscients de dépendre d e subvention s d’État , ne souh aitentpas « se mett re l ’Adm inistrat ion à dos ». Il s’agi t donc de maint enir le dialogue et deparveni r à un p arc négocié, un « pa rc des Cévenol s 19 » .

Enf in les dél ibérat ions favorables à l ’étude du projet du rant cette période sont tout esprises à la condit ion d’élaborer :

« [… ] un e réglementat io n spéciale, dif férente d e cel le établ ie pour les parcs déjà existants ettenant comp te des problèmes particuliers posés par la région desCévennes ainsi que d es intérêts des habita nts concernés 20 . »

Et c’est bien là le cœur d u débat qui n e ces-sera d’ag iter les Cévennes jusqu’ à l’enqu êtepubliqu e : sera-t-i l possible de créer en Cé-vennes une form ule de parc national origi-nale, c’est-à-d ire un p arc qui n e s’occuperaitpas tant de la faune et de la f lore que del’avenir des hom m es sur ce territoire ? Il ya ceux qu i, com m e maître Roux, n’y croientabsolument pas, ou font m ine de ne pas ycroire, et i l y a ceux qu i, peu à p eu, se lais-sant gagner par un e certaine confiance en-vers les fonctionnaires chargés de la miseen place du projet, veulent au cont raire voirdans le projet de parc national l ’esquissed’un avenir possible.

Une contre-cam pagne d' inform ationd'init iat ive cévenole : l 'engagem entde Lou Païs 

Les m anifestation s d’inquiét ude qui n e ces-sent de prendre de l ’ampleur durant l ’au-tom ne et l ’h iver 1967 conduisent les res-

17 - Communi qué de gendarmeri e, « Parc nati onal des Cévennes,

Situation dans l a circonscription après les diverses réunionset les apaisements donnés par l’Administrat ion », 16 janvier1968 [AD, 1201W4].

18 - Extrait du registre des délibérations du comit é syndical desHauts Gardons, 8 octobre 1967.

19 - M ichel M onod, dans un compte-rendu de la réunion d’infor-mation du 1er décembre 1967 sur le PNC, Lou Païs , janvier1968, p. 14.

20 - Extrait du registre des délibérations du conseil municipal deFlorac, 7 décembre 1967.

Délibération défavorable au parcdu conseil municipal de Pompidou,le 11 novembre 1967

    A    D

     4    8

    (   a   r   c    h    i   v   e   s   p   n   c    )

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pon sables de la revue régionaliste lozérienne Lou Païs à organ iser une cont re-cam pagne,non p as, est-il p récisé, en faveur d u parc, mais pour u ne info rm ati on « object ive ». Les ar-gum ents des opposants contiendraient en eff et des cont revérités qu’i l conviendrait d e nepas laisser diff user davantag e dans la populat ion . Par ailleurs, il s’agit d e permet tre l’o u-verture d’un véritable débat, où o pposants et part isans puissent l ib rement s’exprim er.

And ré Gaujac, institu teur à Saint -Rom an-de-Tousque (Lozère), respon sable cévenol del’Association des amis de Lou Païs , semble être à l’origine de l’ initiative, en accord avecOlivier Alle, le directeur de la revue. Dès 1966, Gaujac expo sait dan s la revue les probl èmessoulevés par le projet d e parc nation al, après avoir participé à un stage de découverte du« p arc cultu rel » coorganisé par l ’A PNCC de Charles Bieau. I l att irait l ’at tentio n sur les in-quiétudes générales soulevées par la no tion de parc natio nal, défendait l’ idée de prot ectiond’une n ature entretenue p ar l ’Hom m e et aff irm ait la n écessité, dans le cadre du Parc desCévennes, de réfléchir en premier l ieu aux p roblèmes sociaux (par exemple : considérer

l ’écobuage « avec l ’œil du berger cévenol », réfléchir à l ’emp loi de la pop ulation dans leparc ou encore à un label « parc nat ional » pou r les prod uit s agricoles et arti sanaux, selonl’ idée proposée par l ’APNCC). Ce faisant, André Gaujac prenait po sit ion en faveur d u p ro-

 jet :

« Ce parc dont on nous parle depuis dix ans, i l faudrait le t raiter d’abord sur le plan cévenol,avec l’ idée prat ique d e ses agriculteurs, à la fo is pleins de bon sens et avares de leur libert é. Ilssont opposés au parc, bien souvent non pas à cause de l’ idée elle-même, mais parce qu’elleleur est présentée de façon maladro ite. [… ] I l impo rte [… ] de démysti f ier les Cévenols et deleur prouver que le parc ne sera pas un “ carcan” , mais au contraire, la planche de salut d e nosrégions en prot égeant l ’agriculture et en promo uvant le tourisme 21 . »

Crit iquan t les premiers prom oteurs du parc ne pas avoir su inform er suffisamm ent la po-pulation concernée, Lou Païs veut élargir l ’ information et constituer la chambre d’échosqui perm ettra de com bler le fossé entre l ’adm inistration désormais en charge du projetet la ha bit ant s de la zone parc. Une rub rique m ensuelle consacrée au Parc des Cévennesest do nc ouverte à partir d u num éro de novem bre 1967. And ré Gaujac s’y livre à un vibrantappel, qu’ i l n e cessera de réitérer par la suite, à la participatio n des habitant s :

« Vous êtes don c cinq cents en “ prem ière ligne” , directem ent int éressés. Vous risquez d’avoirla réglement ation de conservation d e la nat ure plus sévère que vos amis de la zone périphérique.Ces derniers ont p ar contre un e chance plus grande dans l ’at tr ibu t ion des crédits et l ’apportdes deniers des vil légiat eurs. À vous do nc de no us faire part de vos craintes, de vos vœu x. C’estsur vous, les “ cinq cents” des hautes terres cévenoles que repo se le parc. N’o ubli ons pas queles armées du Roi Soleil o nt courbé le f ront devant une p oign ée de Camisards, vos ancêtres. Surces mêm es cim es, les mi ll ion s des affairi stes ne po urron t rien contre q uelqu es paysans vexésou m éprisés 22 . »

Cett e volont é de constitu er un organe de liaison et d’ expression véritable de la pop ulat ionau sujet du parc n’est pas neuve puisque tel le était bien également l ’ambition aff ichéepar l’Association pour un Parc national culturel (APNCC) et Font Vive. Mais la défiancem anifestée par la popu lation (exploitants et habit ants de la zone parc) vis-à-vis du p rojet,leur défaut d’ info rmat ion effectif sur le sujet, m ont rent que l ’objectif n’a pas été atteint .

21 - Lou Païs , juin-juillet 1966, p. 88.22 - Lou Païs , novembre 1967, p. 147.

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en bois, dans une région où i l constit ue encore l ’unique com bustible 23 . La lecture du t extede la loi de 1960 et plus encore du décret d’application d e 1961, qui énum ère une séried’int erdictions, provoqu e une cont estat ion unan im e.

Quant au x élus, i ls exprim ent surtout leurs craintes concernant la com posit ion et le fonc-tionn ement du conseil d'adm inistration app elé à gérer le parc, lequel, s’ i l n’était com poséd’une m ajorité d’ élus, menacerait le pouvo ir polit ique local. Certains, inquiets pour la réa-l isation d e projets de développement de leur comm une, réclam ent au nom du principe de

 just ice, d’êt re soust ra it s à la zone cent ral e. C’ est le cas d e la com m une de Rousses, dontle maire Paul Meynadier alerte les pouvoirs publ ics, immédiatement après avoir pr isconnaissance des premières proposit ions de délimit ation :

« Je voudrais toutefois vous demander de not er l ’opposit ion form elle et déf init ive que je fais àl’ inclusion d e la vallée irriguée du Tarno n dan s la zone du parc et ceci pou r les raisons suivant es

[… ] qui fon t de cette lettre un appel contre l ’erreur et l ’ injust ice. »

Arguant du d ynamism e de la comm une (école de quat orze élèves, une dizaine de fermesrentables, expansion de la consommation d’énergie, projet de village de vacances etc.),le maire de Rousses conclut :

« Dans la création des zones périphériques il paraît donc totalement impensable de ne pas yinclure Rousses, ou de reléguer cette oasis dans “ l ’Harmonie Un iversel le” , com me le p rom et labrochure connue [Présentation du PNC] 24 . »

Enfin, i l faut évoquer les craintes de propriétaires, qui redout ent « l ’envahissem ent » deleur propriété par une po pulatio n qu e le parc aurait vocation d ’att irer. Ainsi André Gaujacavise-t-i l Pierre de M ont aignac de l ’ int erprétat ion p articulière des explications donnéespar l ’administrat ion au sujet de la vocat ion du parc :

« Le secrétaire de mairie de Mo lezon a dit à mo n père : “ Au sujet du parc j ’ai vu M . Le sous-préfet et i l m ’a dit que le parc était destiné à faire venir des pêcheurs, des chercheurs de cham -pignons et des vi l légiateurs. Comme je ne peux déjà plus défendre ma propriété contre cesgens-là, je ne veux pas du parc, je suis contr e cett e créatio n” 25 . »

Les craintes exprimées laissent ainsi apparaître un mélange de rumeurs et d’a  pri ori  surles interdictions et autres désagréments que ne m anquera pas d’apporter la réglement ationdu parc nat ional. M ais elles relèvent aussi d’inquiétud es plus profon des, que l’adm inistrationdépartementale peine alors à prendre en compte :

« Les opposit ions rencont rées en certains points ont souvent été le fait d’étrangers au dépar-tement ; sans présager des mobiles plus profonds qui peuvent anim er ces opposants, i l sembleque plu sieurs d’entre eux redout ent de voir ce pays – jusqu’a lors fermé aux appo rts extérieurs –

s’ouvrir à l ’accueil d’un plus grand n omb re d’est ivants et perdre un e part ie d e son caractère ar-chaïque. On retro uve cette m entali té chez quelques habit ant s perm anent s âgés. Chez d’au tres,plus jeunes, et essentiellement dans la région de l’Aigoual, les motifs de crainte sont surtout

23 - Réunion au Bleymard, le 13 décembre 1967, en présence du sous-préfet de Florac et de Pierre de M ontaignac, communi qué degendarmerie [AD, 1201W4].

24- Lettre de P. M eynadier, maire de Rousses, au directeur département al de l’ Agricult ure de la Lozère, 4 octobre 1967 [AD, 1201W 3].25 - Lettre d’André Gaujac à l’ingénieur chargé du parc national et au directeur des services de l’Agriculture, 9 janvier 1968 [AD,

1201W1].

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l iés à un at tachement à d iverses formes de “ l ibertés” et à une absence de confiance en l ’ intérêtéconom ique du tourisme. Quelques dif f icultés d’ordre juridique sont , également , apparues, quiont été reprises dans le rapport d u sous-préfet de Florac en date du 21 d écembre 19 67 26 . »

Si certain s en effet , dans les colon nes de Lou Païs , déclarent pr éférer « leurs touristes tra-

dit ion nels » aux « riches touristes étrangers » auxquels le parc serait destiné 27 , i l paraîtnécessaire de tenter d’aff iner l ’appréciation sur les motifs profonds de la contestation.Car le croisement des différentes sources à notre disposition nous permet de relever, àtrav ers les diverses prises de position , l’expression d’un e interrog atio n plus fond am entalesur le devenir des Cévennes.

Deux catégories de population s’expriment dans Lou Païs : des exploitants agricoles etdes Cévenols expat riés, « exilés », dont certains fils d’expl oit ant s. Depuis 1966 , à la suitede la publication d’ un article inti t ulé « L’équation cévenole », un débat s’est ouvert entre

eux sur la modernité, sur la nécessité pour les Lozériens de « tourner le dos au passé »ou au cont raire de lutt er cont re la modernit é et « respecter les tradit ions » 28 . Mais tousm ett ent de m anière égale l’accent sur la nécessité de préserver en Lozère des condi tio nsde vie décentes, par l ’entretien d ’un équipement public suffisant (rout es et chemins, ad-ducti on d’eau, téléphone, écoles, chemin de fer… ), malheureusement t om bé en déshérencevoire sacrif ié au nom de la rentabil i té 29 . Cette question prend une ampleur singulièrequand est ann oncée à l ’autom ne 1967 la suppression de la l igne de chemin de fer dépar-tem enta l (CFD) qui relie Saint e-Cécile-d’A ndo rge à Florac par la Vallée Long ue 30 . Le re-tentissem ent symboliq ue de cet événement est grand en Cévennes et d ’aucuns doutentque les historiens fut urs de la Lozère en comprennent la portée :

« Des articles de presse (et celui-ci ne fera qu e complét er la collectio n po ur le plu s gran d pro fitdes historiens futurs de la Lozère ; mais com prendront-i ls ce que représentait en 1968 ce mal-heureux petit train ), des mani festation s, des cortèges avec à leur tête les élus locaux ceint s deleur écharpe tr icolore de représentants du peuple ; quelques pét i t ions… C’est qu elque chose,mais croit-on sérieusement que cela suff isait pour ébranler la faune bureaucrat ique et t echno-crat ique qui prétend m odeler la France “ Horizon 1985” depuis ses bureaux parisiens 31 ? »(R. J. Bernard, professeur d’histoire au lycée d’Orsay, délégué général à Paris de l’APNCC)

Dans ce contexte, le projet de parc nat ional est perçu par certains comm e une « m ise autombeau » des derniers Cévenols, au détriment des mesures sociales et économiques àprendre. Pour d’autres, le « petit train » doit au contraire trouver une nouvelle raisond’exister dans le cadre du parc :

« No us deman don s aux responsables de l’établissemen t de reconsidérer leur décision, le projetde parc nat ional les inv i te à “ fai re preuve d’ imaginat ion” , pour que le pet i t t rain t rouve dansle parc un sens no uveau. » (Réunio n d es pasteurs et d es prêtres de la régio n d e Florac à Jalcreste,14 novembre 1967)

Le fond d u débat est donc bien de savoir si le parc national est l ’ in strum ent adéquat pour

26 - Rapport du directeur départemental de l’Agriculture, 26 décembre 1967 [AD, 1201w 7].27 - Par exemple, G. Velay, Lou Païs , février 1968.28 - « Courrier des lecteurs », Lou Païs , juin 1966, p. 94.29 - Voir Sully Deltour, « La Lozère et son avenir », Lou Païs , novembre 1967, p. 152.30 - Voir Lou Païs , décembre 1967, p. 177.31 - R.-J. Bernard, « Autour du CFD et du Parc national des Cévennes, Le M éridional , 14 avril 1968 [CD, fonds Roux].

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relancer économiquement et socialementle pays. Il est clair que la majorité des Lo-zériens concernés en prio rité par le parc pei-n e n t a l o r s à l e c r o i r e. La n a t u r e d e l alégislation sur les parcs nationaux ne les in-

cite guère à voir dans le parc l ’outi l d’aménagement qui ferait défaut aux territoires demo ntagn e. Certains ont b eau jeu de soul igner qu’en m atière d’aide aux zones rurales« déshéritées » et de p rotection des sites d’autres instrument s et m esures existent, qu’i lsuffirait de m ett re en applicatio n. Ain si le fait qu e le CFD et le service voyageurs aient étésupprimés dans deux zones dites « d’action ru rale » et de « rénovation ru rale » est p erçucomm e le signe que l ’État n e tient pas ses prom esses : les t iendra-t-i l en ce qui concernela zone périphérique du parc natio nal 32 ?

Le pas mêm e est p arfois vite franchi pour considérer qu’en créant ce parc plutô t q u’en in-

vestissant dans les inf rastructu res et les équip emen ts d’accueil on cherche « à t uer la Lo-zère 33 ». S’ajou te à cela un débat de fond sur l’avenir prom is aux montagnards. Le présidentde l’association Terre cévenol e M arcel Av esque, éleveur sur l’A igou al, exprim e ainsi, dansune lettre pu blique adressée au président de la cham bre département ale d’agriculture,son refus de voir les paysans transform és en simples « jardiniers du paysage », aux dépensde leur fonction première de production 34 , et cela en des termes qui préfigurent un débatfort actuel.

Partant de l ’Aigo ual, un vent de fron de souffle donc surles Cévennes en cette veil le des événements de 1968,mobi l isant, encore et toujours, la mémoire d’une lut tepassée, qui ne vit pas la victoire des puissants :

« No us termineron s par un e mise en gard e : les paysans cé-venols ont t oujo urs su, depuis l’époq ue du M aréchal de Vil-lars qu’ i ls ne conserveraient leur l iberté que p ar la lut te » .(Un grou pe de paysans de l’Ai gou al, Lou Païs , février 196 8)

Au-delà de leur caractère d’ invocation, parfois extrême, ces propos tém oignent d’un sen-

tim ent, très largement partagé en Cévennes, de répugnan ce à ce qu’une institut ion d ’Étatprennent en m ain les destinées du t erritoire. Les Cévennes hugueno tes des vallées du Gar-don, notam m ent, avaient cru pou voir im aginer un aut re avenir, davantag e autono m e. C’estle sens de ce passage de la mo tion prise par le conseil mun icipal du Pom pidou :

« Le progrès économ ique et l ’essor to uristiqu e des Cévennes, qui sont la raison d’ être du Syndicatintercomm unal des Hauts Gardons, notamm ent, n’ impliqu ent nu l lement la créat ion du Parc na-tio nal d es Cévennes 35 . »

Dans un discours fleuve et inspiré, alors que les débats sont achevés et à la veille de lapublication d u décret de création , le docteur M ichel M onod revient sur ce point dans un

32 - C’est le sens de l’intervent ion d’un élu ardéchois lors de la délibérat ion sur la création du PNC. Compte-rendu des délibérationsdu conseil général de l’A rdèche, séance du 10 mars 1969.

33 - Lou Pais , février 1968, p. 42-43 et mars-avril 1968, p. 64.34 - « Nous ref usons d’être parqués dans des réserves comme les Indiens d’Am érique ! déclare le président de Terre cévenole», Mid i  

Libre , 20 avril 1968.35 - Extrait du registre des délibérat ions du comit é syndical des Hauts Gardons, 8 octobre 1967 [AD, 1201W4].

Graff iti sur leterritoire du parc

    P   n   c

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tém oignage emp reint d’un e certaine déception. Lui, qui a certainement beaucoup œuvrépour « l ’acceptatio n » locale du parc national, aurait souhait é la victoire d’un « cont re-projet » qui aurait pu naître, selon lui, des expériences de regroupem ents et de m utu alisationsur le plan professionnel (à l ’exem ple de la coopérative du Pélardon de M oissac, « m a-gnif iqu e réussite technique et m orale ») et sur le plan comm unal (groupem ent des com -m unes en syndicats au sein d’un e fédération). « Contre-projet », parce que construit parles Cévenols eux-m êmes et t raduisant la vision collective de leur propre avenir :

« Là, à part ir de la pensée locale, à partir de la sensibilité lo cale, et sous le cont rôle nécessaireet eff icace de l ’aut ori té de t utel le, une col laborat ion fructueuse aurait pu s’ instaurer entre l ’ad-mi nistrati on et les élus pou r m ieux préserver, mieux équ iper, mieux exp loit er les Cévennes. Etcertes, quels meilleurs garant s pou vait-o n tro uver que les Cévenols eux-mêm es qui on t fait d esCévennes ce qu’ el les sont , c'est-à-dire un bien b eau pays ! C’est à ma connaissance le seulcontre-projet qui au rait pu court-circuiter la créat ion du parc nat ional. M ais i l était , hélas, trop

tard ! Lancée par un certain no mb re de visionnaires, amis bien int ent ionnés du pays, l ’ idée duparc, d’échelon en échelon, avait at teint Paris. Dès lors, tout l ’ho rizon était bou ché par le volu meet l’am pleur et la gra ndeu r du pro jet. Dès lors, pou r chaque Cévenol, i l était inu tile de se ferm erles yeux et les orei l les ; i l fal lai t choisir ! Disons-le tout net : ce ne fut pas sans douleur 36 . »

Le parc national était- i l la seule réponse à apport er aux diff icultés du territoire ? Nous nesaurions répondre à cette quest ion. Mais c’est bien de cela que doivent convaincre,entre 1967 et 1969, les représentant s de l ’État chargés de sa création.

36 - Michel Monod, conseiller général de Barre-des-Cévennes. Discours prononcé à l’occasion des journées lozériennes, le 11 avril1970, à Alès, reproduit dans Lou Païs , mai 1970.

Col de Salidèsmassif de l’Aigoual

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Informer et convaincre

Un tandem eff icace : Georges M azenot et Pierre de M ontaignacFace à la situation de blocage qui m enaçait de s’ instaurer, l ’administratio n en charge dela création du p arc prit t rès au sérieux la n écessité de m odifier la perception locale duprojet. M ais i l était nécessaire à ce stade qu ’int ervienne un élément concil iateur des dif-férent es posit ions ant agon istes. Le charg é de mission , Pierre de M ont aign ac, directem entm is en cause en tant que rédacteur de l ’étude d’oppo rtunit é, ne pouvait, dans un premiertemps, jouer ce rôle de conciliation. Celui-ci fut tenu par le sous-préfet de Florac nouvel-lement nommé, Georges Mazenot. La procédure du déroulement de la mission d’étudene prévoyait pas une t el le intervention, ce qui démon tre encore l ’ imp ortance des sous-préfets dans les communes rurales, au titre de conseil des maires et de liaison avec lesservices centr aux d e l’État . Plusieurs tém oin s le confi rm ent, le rôle psycholog ique, socialet adm inistratif d u sous-préfet dans la création du Parc national des Cévennes fut déci-sif 1:

« Alors à part ir du mo ment de la créat ion de la m ission, où i l y avait t outes ces réact ions, dont

beaucou p assez violentes – il n’ y a pas eu d e violence ph ysique, mais beaucou p assez rudes, eten plus, vraies pour u n grand nom bre –, et c’est là q ue le sous-préfet M azenot a joué un rôledéterminant . Il n’avait pas du t out été mêlé aux condit ion s de départ, c ’est après qu’ i l a pris leballo n en cours de route, et qu ’il no us a beaucoup aidés à prendre un p eu de distance. » (Pierrede M ontaig nac, entret ien, 2005)

L’action et la personnalité d u sous-préfet d e Florac, pourtan t décisives, n’apparaissentguère à travers les archives de la mission d ’étu de (quelques échang es adm inistrat ifs avecle directeur départem ental de l ’A griculture to ut au plus). Les tém oignages que cet an cien

adm inistrat eur de la France d’ou tre-m er, par ailleurs histori en, a publiés nous éclairent ce-pendant 2. Avant d’entam er une carrière préfectorale en m étropole, Georges M azenot a

C h a p i t r e d e u x

Missio n n a ires e t ch a n t iers

(1967-1969)

1 - Ce que note aussi Jean Capiaux : « Sans exagérer, il est possible d’affirmer que si ce parc a finalement vu le jour – dans desconditions relativement satisfaisant es – l’action bénéfi que du sous-préfet de Florac aura été déterminante dans cette réalisation. »(Capiaux, 1979 : 88)

2 - En particulier, Georges Mazenot, Carnets du Haut-Congo , 1959-1963, Paris, L’Harmatt an, 1996. Son dernier ouvrage publié est Surle passé de l’Afrique noire , Paris, L’Harmattan, 2005. J’ai pu avoir un entretien téléphonique avec Georges Mazenot peu avantl’achèvement de ce livre.

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servi pendant douze ans au Congo et il n’a, par la suite, jamais cessé d’écrire sur cettepériode prof essionnel le, sur l ’A fr ique N oire et sur la colonisat ion. Fût - i l , à son retourd’Af rique en 1 964, après un passage au m inistère de l ’ Intérieur, nom mé à Florac délibé-rément, en raison du contexte de la m ise en place du parc national ? Nous ne pouvo nsl’aff irm er. M ais i l n’est pas im probable que son expérience coloniale de terrain ait pu in-téresser les services centraux ; une expérience dont Pierre de Montaignac, qui collaboraétroitem ent avec lui du rant les quatre années de la mission d ’étude, a constaté l ’ im por-tance :

« M onsieur M azenot avait comm e format ion cel le de l ’école coloniale, qui, à mon avis, étaitune fo rmatio n g éniale parce que c’étaient des gens qui étaient très proches du terrain. I l ne ré-digeait jam ais quelque chose sans s’être rendu comp te sur place de ce que ça pouvait don ner.Ça, c’était b ien ! L’École nat ionale d’Ad ministrat ion française n’avait pas du t out les mêm espréoccupat ions. Donc, ça do nnait d’aut res conséquences. » (Pierre de M ont aigac, entret ien,2005)

Les Carnets du Haut -Congo signalent par ai l leurs la capacité d’em pathie d e cet ad m inis-trat eur qui se reconnaît v olont iers « Africain » , sa curiosité et son int érêt réels pour lacultu re des Congol ais (out re les trad iti ons orales qu’ il recueille lors d’ent retiens organi sés« spécialement dans ce but », les Carnets contiennent de nom breuses inform ation s d’ordreethnog raphique), et son désir « d’ intim ité » avec le pays et ses habitant s 3. Cet extrait del’avant-propos à ses Carnets , que Georges M azenot rédigea en 1994 , témoigne bien decett e disposit ion, qu’ i l sut sans doute m ettre à p rofit dans son expérience cévenole :

« I l m ’est arrivé d’écrire dans un rapp ort adm inistrat i f que pou r gouverner les homm es, i l fal lai tse sentir en communicat ion d’une manière quasi affect ive avec eux. Au Congo, où l ’on estimm ergé dans des réal ités échappant tot alement ou presque au x no rmes occidentales, c’estune n écessité si l ’on veut réu ssir. La raison n’ int ervient p as dans cet élan d u cœur d e celui quicommande vers ses administrés, mais cette disposition lui permet d’intégrer, même de façonma rgin ale et m ême si sa tâche est com pliq uée, l’aspect subjectif des choses, leur côté parfo isirrat ionnel, dans le processus de décision. [… ] C’est u ne att i tude intel lectuel lement salutaire :el le élargit l ’espri t et favorise la comp réhension des problèmes, à condit ion d’adm ettre qu e lavérité peu t avo ir plu sieurs visages qu’il f aut essayer de concilier 4. »

C’est assurément ce sens du local, du « t errito ire vécu » et , de ce fait, la rapid e prise deconscience de l’ inadéquat ion de la loi d e 1960 au t erritoire cévenol, qui sont venus contre-balancer le respect du text e administratif dont faisait preuve la Direction départem entalede l ’Ag riculture. Georges M azenot en tém oigne aujo urd’h ui, son expérience au serviced’un Congo indépendant – ce qui obligeait « à ne pas se comporter en grand comm andant »et à al ler au contact direct avec la populatio n – lui a été extrêmem ent ut i le. Il en est p er-suadé, c’est en faisant d u « porte à po rte » q u’i l a pu finalement faire accepter le projet(Georges M azenot , entretien, 2010).

Si Georges M azenot n’a pas vraim ent vécu sa propre action com me u ne entreprise de col-laboration avec la DDA, mais plutôt comm e un « contrepoids », l’entreprise du Parc nationaldes Cévennes put bénéficier, à cette même direction, d’une autre personnalité de valeuren la personne m ême du chargé de mi ssion, Pierre de M ont aignac de Chauvance. Il n’étai tpas évident, en effet , qu’avec le handicap m ajeur que const i t uai t la récept ion pour le

3 - Georges Mazenot, Carnets du Haut-Congo, 1959-1963, op. cit ., p. 13.4 - Id., ibid .

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m oins négative de son étude, celui-là parvienne à faire accepter localement la légit im itéde sa mission. Or, non seulement en quelques mois, avec l’aide de Georges Mazenot etd’aut res sout iens que nous évoqu erons sous peu, i l réussi t à inverser la t endance del’opinio n vis-à-vis du projet de parc, mais encore, la m émoire qu ’il laissa de lui en Cévennesest u nani m e pou r saluer ses qualit és personn elles.

Pierre de M onta ignac de ChauvanceNé le 16 m a i 1938 à C lermo nt -Fer rand ,Pierre de M ont aignac de Chauvance est issud’une f amille de petit e et ancienne noblessedu Massif central. Son enfance se dérouledans une maison de la banlieue de Clermontoù sa mère prend en charge son instructio nprim aire, ainsi que celle de ses deux aut res

plus jeunes enfant s. Il apprécie ce choix q uilui off re beaucoup d e temp s l ibre, en part i-culier pour la d écouverte de la nat ure. Il ef-fectue ensuite sa scolarité au lycée BlaisePascal. Son père, officier de carrière, avaitété reçu à l ’ Institut d’agronomie avant departir pou r le front en 19 16. Son grand -pèrematernel était ingénieur des mines. Pierrede M ont aignac a, dès le lycée, souh aité en-trer dan s la classe préparato ire à l’Ag ro ; ilest adm is à l ’ Inst i t ut agronom ique en 1958. À sa sort ie en 1960, i lchoisit de po stuler pou r le service spécial forestier en Alg érie et entrede ce fait à la prestig ieuse École nat iona le des Eaux et Forêts de N ancy, dont il suit l e pro-gram m e pendant deux ans, parallèlem ent à une « instruction m il i taire obligatoire », quilui permet d’être incorporé aut om atiqu ement à l’Arm ée comm e sous-lieutenant . Il effectueson service en Algérie dan s le génie, où il encadre d es opératio ns de travau x pu blics.

À son retou r, en février 1964, i l pose sa candidature po ur un poste à M ende et int ègre leservice forestier de la Lozère. Il apprécie particul ièrement son prem ier pat ron, Paul Cabanes,

« un prot estant très rayonnant » , qui lui confie « l ’am énagement » (la préparation d’u nplan d e gestion ) dans la forêt de Roquedols sur l ’A igoual, ainsi que du m assif du Boug ès,puis la réalisation d e l’ensembl e des projet s de rout es for estières sur le m ont Lozère, pou rdesservir les boisemen ts créés dans les années 1930 par les chant iers de chôm eurs, puisdans ces années 1960 , par les harkis. Par ailleurs catho lique eng agé, Pierre de M ont aignacest respon sable dans ces années-là, de l’Unit é des Scout s de France fon ctionnant à M ende,Langog ne et M arvejols. En 1 965, Roger de Sabouli n Bollena, alors chef du service desforêts privées, est no m m é à la tête de la nouvelle Direction départ ement ale de l’agriculture(DDA). Pierre de M ont aignac se porte candidat pour le service forestier à constit uer à la

DDA, qui do it prendre la relève de tout ce qui a trait au Fonds forestier natio nal et à lagestion de la forêt privée. C’est alors que, saisi par le ministère d’une demande précise,Roger de Saboulin Bollena lui confie la réalisation de l ’étud e préalable de faisabil i té duParc nat ional des Cévennes. Pierre de M ont aign ac n’a al ors que 28 ans.

En février 1968, après une phase d’in form atio n et de consultat ion, il devient of ficiellementrespon sable de la m ission d ’étu de pou r la création du PNC. À la créat ion d u Parc, Pierre

    C   o    l    l .    P .

    d   e    M

   o   n    t   a    i   g   n   a   c

Pierre de M ontaignacdans les années 1960

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des com m unes lozériennes concernées par l’h ypot héti que zone centrale du parc. Dans ledépartement du Gard, la mission d’ inform er la populatio n est laissée au soin du préfet,qui indiq ue, en janvier 1968, avoir organisé « un certain no m bre de réunions d’ordregénéral, souvent à l ’échelon du cant on » , sans tout efois avoir toujo urs eu les élémentsd’info rm ation nécessaires pour répondre aux craintes des population s 6. Les communesardéchoises sont pour le mo m ent laissées à l ’écart, car c’est volon tairem ent q ue seuls« les élus concernés par la zone “ parc” ont été associés aux t ravaux 7 » .

L’ info rmat ion ne sera donnée en zone périphérique qu’au m om ent du vot e sur le principedu p rojet , m algré les deman des réitérées de certain s élus, en part iculier de la zone ardé-choise 8. On peut se dem ander si cet aspect de la « m étho de », calquée sur la pro cédure,était réellement adap té aux Cévennes où, répétons-le, les prob lèm es de la supp osée « zonepériphérique » ne se disting uent p as aisément de ceux de la zone dite « centrale ».

Le contenu de l’ informa tionSur qu oi l’a ccent est-il m is durant ces entr evues avec les élus et ces réunio ns publiq ues ?On expose tou t d’ abord que le parc est étroit ement l ié à l ’am énagement d u l i t t oral Lan-guedoc-Roussillon et à la nécessité d’améliorer l’équipement touristique des Cévennes,afin de « faire profit er l ’arrière-pays de cet aff lux de visiteurs » att endu dans les annéesà venir 9. Dans le même temps, i l est aff irmé que le Parc des Cévennes aura pour butessentiel la protection des sites « liés à la civilisation des Cévennes, protection qui doitse réaliser sans gêner les Cévennes dans leur marche avec le siècle, vers le progrès 10 »(je soul igne). Des am éliorat ion s seront do nc apport ées dans divers dom aines, telle l’ag ri-culture et la chasse. Ici intervient la question du financement de l ’Établissement publicqui sera assuré par le min istère de l’A gricult ure et port era sur des investissement s d’équ i-pem ents ruraux (rou tes, chemi ns, addu ction d ’eau, téléphon e). Enfi n, l’o n insiste particu-lièrement sur les bénéfices financiers que recevront les communes situées dans la zonepériphériqu e. Il faut soulign er l’ imp ortan ce de la définitio n, posée dès ce m om ent par l’ad-m inistration, d’un parc non pas de protection de la natu re, m ais de protection d’un paysageaménagé ce qui préfigure la notio n de « paysage culturel » :

« Le projet de Parc nati onal des Cévennes est essentiellem ent a xé sur la prot ection d es sites etdu paysage, ainsi que sur la remise en valeur d’un patrimoine culturel de valeur [sic] 11 . »

On reviendra sur les problèmes que pose cette définition, nécessitant la reconnaissancepréalable, donc l ’ inventaire, de ce patrim oine culturel. M ais ce qui frapp e surtout danscett e présentation du p rojet, c’est bien l ’ in-sistance sur la m ission d’am énagement etl ’aspect économ ique du parc, dont , au re-gard de la brochure pub liée quelques m oisauparavant et com pte tenu de la législationen vigueur sur les Parcs nation aux, on po urrait légit im ement interroger la sincérité. I l y a,

bien sûr, la nécessité de présenter les choses à la populat ion sous leur ang le le plus favorab le6 - Réunion interdépartementale du 6 janvier 1968, p. 2, [AD, 1201w7].7 - Correspondance de Saboulin Bollena-Richard, 21 février 1968, [AD, 1201w 24].8 - Correspondance Richard-de Saboulin Bollena, 9 février 1968 et 16 mars 1968 [AD, 1201w 24].9 - Réunion du 2 décembre 1967 à Sainte-Croix-Vallée-Française, propos de Pierre de M ontaignac, rapport és dans Lou Pais , janvier

1968, p. 15.10 - Ibid .11 - « Compte-rendu part iel de la réuni on de la chambre d’agricult ure du 30 novembre 1967 » [AD, 1201w 7].

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et de taire quelque peu l ’aspect naturaliste qui pourrait « fâcher ». M ais i l ne fait aucundout e que Georges M azenot comm e Pierre de M ont aignac sont réellement sensibles à laproblémat ique hum aine du parc et veulent agir de m anière à la fa ire traduire dans lafut ure législation.

L’effort g énéral de comm unication 12 sembleen to ut cas port er ses frui ts et apaiser peuà peu l’in quiét ude d es Lozériens. En f évrier1968, la m ission o ff icie l le de créat ion d uPNC est con fiée à Pierre de M ont aign ac, àl' issue de cett e première période de m issionpréparatoire d'information et de consulta-tion. Surtou t, la dém arche d’ info rm ation adébouché sur l’ouv erture d’un véritable dia-

logue. C’est là un deuxième n iveau de l ’ac-t i on menée dans le cadre de la missiond’étude, relevant d’avantage d e ce qu’onappelle la concertation : non p lus seulementfournir de l ’ info rm ation, mais aussi étudierles diff érents aspects du pro blèm e avec lesacteurs du territoire dans le but d’aboutirà la rédaction d’un avant-projet de décret« raisonnable » (sic).

Étudier et dialoguer : les forme s de la concertat ion

La « concertation » est le grand m ot d ’ordre d’Edgar Pisani à la tête du t out nouveau m i-nistère de l’Équipem ent, créé en 19 66 p ar agréga tio n des services des Travaux pub lics etdes Transports d’une part, de la Construction et du Logement d’autre part (à partir de1967, on p arle de « zone d’am énagement concerté » ). Pourt ant, les sociologues ont trèsvite don né dans leurs travaux une image négative de la concertat ion t elle que la concevaienten part iculier les services extérieurs de l’État (Vadelorg e, 200 9 ; Thoeni g J.-C., 1987). Ain sioppose-t-on couramm ent les pratiques actuelles tendant à f avoriser la participation, donc

le développem ent d e la dém ocratie, aux u sages aut oritaires des années 1960 (Claeys-M ekdade, 2006), dom inées par la conception d’ un État fo rt et peu respectueux des pouvoirslocaux. Pierre de Montaignac lui-même garde cette vision du pouvoir qu’i l représentaiten Lozère dans les tem ps de la préparation du Parc :

« Paradoxalement, les élus jouaient un rôle bien m oindre qu e le rôle qu’ i ls auraient pu joueraujourd’h ui dans la conception. On n’aurait p as idée aujourd’hu i de rédiger un semb lable rapportsans aller, par exem ple, en parler au x conseils généraux con cernés. Ça, on n e l’a pas fait , ça n evenait pas à l’esprit. Le conseil général était aux ordres du préfet, puisque c’était le préfet qui

était l ’exécuti f, toujours. C’étaient des mod ali tés de fonct ionn ement q ui n’o nt p lus rien à voiravec la conjo ncture actu elle. [… ] Par exemp le, on eng ageait en Lozère, parallèlem ent, les plan sd’aménagement rural, qui associaient les agriculteurs au développement rural. De la mêmefaçon, ça se traitait directement entre la DDA, la SAFER et le ministère à Paris, et personned’aut re. Mêm e le préfet était ju ste là pour le “ bénir” à la f in ; les services techniques de l ’État

12 - À l a date d’avril 1969, selon un rapport du Service des études (appellat ion admini strati ve de la « mission d’études ») plus de deuxcents réunions auraient été organisées pour la « participation de la population » [AD, 1201w8].

 Yves Bétolaud1er à gauche, enCévennes dans l esannées 70.

M idi Libre ,le 30 janvier1968

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étaient b eaucoup plu s aut ono mes qu’aujo urd’ hui vis-à-vis des préfets. » (Pierre de M ont aignac,entret ien, 2005)

Cepend ant , si la procédure établie po ur la m ise en place des parcs nation aux p résente uncaractère peu « dém ocrati que » , on peu t di re en ce qui concerne le Parc natio nal des Cé-

vennes que ce défaut a été, au moins partiel lement, compensé par la manière dont lesfonction naires responsables de la m ise en place du projet ont m ené et anim é cett e pro-cédure. I l y a eu là u n véritable esprit d’ ouverture – d’ai l leurs partagé par leurs interlocu-teurs – et d ’att ention à l ’expression p luriel le des opinion s.

La pa rticipation organisée p ar l’adm inistrat ionUn program me de t ravail est élaboré, qui doi t abo ut i r à la consul tat ion de « la quasi-tot al i té des personnalit és concernées avant la f in d e l ’année 1968 » et à la collecte de« t ous les éléments d’ info rmat ion nécessaires à la rédaction lucide d’un avant-projet d e

décret »13

. Une autre init iative originale du sous-préfet M azenot est d e chercher d’embléeà favoriser le dialo gue avec l’oppo sition consti tu ée et d’ int égrer celle-ci dans le processusde consultat ion. Identiq uement , i l faut souligner le fait qu e les oppo sants n’ont à aucunm om ent f ermé la porte à la discussion. Ainsi, le le 9 d écem bre 1967, est organisée à lasous-préfecture de Florac une table ronde à laquelle participent les mem bres du comit éde Jalcreste et de l’association Terre cévenole. Dans son rapport sur le déroulement decett e entrevue, Georges M azenot indiq ue :

« Les échanges de vue demeurèrent court ois ; i ls perm irent de constater q ue les deux conseillersgénérau x [Joua nen, de Saint -Germa in-d e-Calberte et Bou rely, de Barre-des-Cévennes] par aissentacquis au pro jet, que le désir d’un dialogue semble très vif de la part de M M . Doladi l le et Hours,mais que par contre M M . Jul ien et Roux f irent p reuve d’une certaine rét icence – surtout le der-nier 14 . »

À l ’ issue de la réunion, la poursuite du dialogue « dans un cadre élargi » est décidée.Celui-ci prendra la form e d’une com m ission de t ravail, comp osée de « t out es les personnesconcernées à des tit res divers par le pro jet d e Parc nat ional des Cévennes », qui se réunirapériodiquem ent à Florac 15 . M ais cette at t i t ude d’ap parente ouvertu re n’est pas sans ar-rière-pensée : i l s’agit avant t out , comm e l ’ indique clairement le rapport précédemm ent

cité, de contenir et d’encadrer l ’expression de l ’opp osit ion :

« I l s ’agit en quelque sorte pour l ’Ad ministrat ion d’encadrer les act ivi tés qu’ont déjà ou ne m an-quero nt p as d’avo ir certain s grou pes ou associatio ns et de leur don ner l’occasion de s’exprim eren pet i t comit é plutôt que sur la place publique 16 . »

On peut not er par ailleurs la surveillance assez étroite de l’oppo sition que semblent exercerles services de la préfecture (si l ’on en croit les com m uniqués de gendarm erie et rapport sconservés dans les archives du Service des études), bien caractéristique des mœurs de

l’État « fort » de la Ve République.Le « cadre élargi » po ur la discussion est constit ué lors d’un e premi ère réunio n, organisée

13 - « Compte-rendu de l’activité de l’Administration dans le cadre de la procédure d’association des élus locaux à l’élaboration duprojet de Parc national des Cévennes », op. cit .

14 - Not e sur la « table ronde » de Florac, 9 décembre 1967 [AD, 1201W8].15 - Correspondance Mazenot-maître Doladille, 20 décembre 1967 [AD, 1201W7].16 - Not e sur la « table ronde » de Florac, op. cit., p. 5.

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le 30 janvier 196 8 à Florac avec l’ensemb ledes personnalités concernées identifiées parl ’Adm inistration. Soit un e cinquant aine depersonnes choisies parm i les chefs de ser-vice adm inistrat ifs du Gard et de la Lozère,les maires, conseillers généraux et sénateursdes deux département s, les chefs de services techn iqu es (ONF, Bâtim ent s de France, servicesdépartement aux d ’Architecture), les responsables des organismes départementaux de laLozère (cham bres d’agri cultu re, fédérat ion s de pêche, syndicat d es exploi tan ts forestiers,Office du t ourism e), les représent ant s des organism es associati fs imp liqu és dans l’ idée deParc (FAC, APNCC, Fon t Viv e, Club Céveno l, Terre céveno le, Com it é d e Jalcreste), l es repré-sentan ts du Cent re régional d e la pro priété f orestière. Enfin , sont présents, Alain Gautran d,urbaniste détaché à la Direction départ ementale d e l ’équipement (DDE) et le do cteur Ri-chard, au tit re de « po rte-parole de la Cévenne ardéchoise ». C’est à l’issue de cett e réunion

qu’est prise la décision de constituer des comit és de travail th émat iques, dont les respon-sables sont désignés par l ’adm inistration.

Des comité s de t ravai l thémat iquesLes cinq comités constitués après la réunion du 30 janvier se réunissent périodiquementde février à mai 196 8.

Le comité « Architecture et construction » est animé par François Brager, directeur de laSAFER17. Les thèm es de réflexion qu ’il propose sont : l’ inventaire du p atrimo ine architecturalet archéologique et la m éthod e envisagée pour sa sauvegarde ; la recherche architecturalepour la m ise au point , en priorité, des techniques de bâtim ents d’élevage ; l ’action d’ in-form ation ou de form ation auprès des populat ions et des propriétaires ; l ’aide financièreà appor ter dan s les dom aines de la recherche et de la m ise à la disposition des m atériau x.

Un comité « Tourisme » est animé par Roland Calcat, président de Font Vive 18 . On not edans cett e comm ission la présence de m aître Roux qui se propose d’étud ier les thèm essuivants : la question d es structures d’accueil et de l ’hébergement et équipem ents cor-respondant ; l’animat ion des équipements socioculturels ; la question d es comm unicationset télécomm unications et celle de la reconversion du « petit t rain » ; la « reconversion

comp lète et p artielle des ruraux à des activités des régions d’accueil » est t raitée par PierrePauw els (médecin associé de Pierre Richard aux Vans) secrétaire général de Font Vive etpar Roland Calcat ; enfin l’examen des méthodes souhait ables en mat ière de développementto uristiq ue est conf ié à François Brager.

Une commission des « Sites et monuments du Parc national des Cévennes », à laquellesont associés les Am is de Lou Païs , est présidée par le d octeu r Richard. Elle insiste sur lanécessaire participation des Cévenols à l ’élaboration des mesures de protection de la

17 - Correspondance Brager-de Saboulin Bollena, 13 février 1968 [AD, 1201w 7]. Les personnes conviées à ce comit é sont : le secrétaire

général à la Préfecture de la Lozère, le DDA, l’archit ecte des Bâtiment s de France (M . Schmitt), l’archit ecte conseil à la Direct iondépartementale de l’Équipement (M. Gautrand), le chargé des études pour la réalisation du PNC (de Montaignac), l’architectedépartement al (M . Peytavin), M . Coulon de Font Vive, M . Sastourne, secrétaire général de la chambre de commerce, M . Pernetdes services techniques de la Safer et M . M ichel, directeur de la SICA Habitat rural. Convocation à la réunion de la commissionArchitecture, 19 mars 1968 [AD, 1201w24].

18 - Les membres de la commission « Tourisme » sont : M M . Arnal (ancien minist re, maire de Vialas), Brager (Safer), Bugeaud (direct eurde l’Équipement/ Font Vive), M elle Chastang (directrice de l’Insti tut pédagogi que de Genolhac/Font Vive), Coulon (administrat eurde la Soleilhade, A ujac/ Font Vive), M. Del mas (Pdt de l’ Office du Tourisme de M ende), Doladil le (maire de Cassagnas), Dumont(Syndicat d’i niti ative de Florac), Flayol (Safer), Lagrave (animateur sociocult urel), Laurans (directeur de l’ Office du tourism e deM ende), Roux. Convocation à la réunion du 20 avril 1968 [AD, 1201w 24].

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nature, com m e à celle concernant l ’urbanisme. C’est pourqu oi, el le demande l ’ext ensionde la consultat ion à des mili tan ts non élus (mai s « présentan t des références sérieuses »)au sein des conseils m unicip aux 19 et dem ande que cette « coopératio n » soit off icial isée.

La com m ission « Équil ibre agricole » 20 est an im ée par Paul Flayol, exploi tan t ag ricole etprésident de la Safer, déjà présenté. Dans son rapport présenté le 1 6 m ars 1968, el leindique que :

« La profession ne considérait p as que le projet [ de parc] était in comp atib le avec l’exercice desactivités agricoles pour autant qu’un certain nombre de dispositions seraient incluses dans lerèglement du parc, garant issant notam ment le l ibre accès aux exploitat ion s, la possibi l i té demoderniser et de construire des bâtiments à usage agricole, la libre disposition des végétauxnon cultivés, la faculté de réaliser sans entrave les travau x fon ciers d’am énagem ent ru ral 21 . »

La com m ission « Étu des juridiqu es », anim ée par maît res Roux et Bieau, se donn e essen-tiel lement la charge d’étudier l ’ interprétation à donner à l ’art icle 20 du décret de 1961sur lequel maître Roux fon de l ’argum entaire de sa contestation. Selon lui, en effet, cetarticle confèrerait au directeur du Parc national :

« [… ] des pouvoirs exorbitants, puisqu’il peut appliqu er les interdictions édictées non seulementpar le décret de création du parc, mais encore par la loi de juil let 1960. Si bien que même siune int erdiction n’ est pas prévue par le t exte concernant les Cévennes, elle pourra être appliqu éepar le directeur s’i l en trouve la possibilité dans la loi 22 . »

Des explications sur ce point sont do nc dem andées au directeur de la Protection d e lanature et à diff érents juristes 23 . La réponse est un anim e et contredit l ’ in terprétation deRené Roux . Ain si les int erdictio ns décrites dans le décret de 196 1 m ais qui ne seraient pasreprises dans le décret de création du p arc national ne pourron t être appliquées.

Enfin, i l est envisagé tardivement la création d’un comit é « Protection d e la natu re », avecM M . Jeantet, Pierre de Ligonn es (l’un des initiateurs du projet de réintrod uction d u vauto uren Lozère 24 ) et Vabre, dont on ne sait pas s’ i l a f onctionn é.

Trois réunions de synth èse auto ur du travail des comm issions ont l ieu le 16 m ars (unesoixantaine de participants), le 20 avri l (33 participant s) et le 25 m ai 1968 (une dizainede participants). Cette dernière réunion vient clore la période des études préliminaires,avant les consultat ions off iciel les. Il est diff ici le d’évaluer l ’ im pact réel qu’o nt eu ces com-missions sur l ’élaboration du projet de réglementation (Georges Mazenot lui-même neparaît pas se souvenir de leur existence), de m ême qu e l’on ne sait pas si les part icipant sont eu le sentim ent de p ouvoir influer sur cett e élaboration. Sur ce point , la très faibleparticipation à la réunion du 2 5 m ai, alors même que la présentat ion et la discussion del’avant-projet de décret sont à l ’ordre du jour, interroge évidemment. La démarche de

concertatio n « organisée » m anifeste ici ses l imit es qui ap paraissent égalem ent à travers

19 - Lou Pais , août 1968, p. 154. Voir aussi correspondance Richard-de Saboulin Bollena, 9 février 1968 [AD, 1201w 7].20 - Participent également à la commission agricole : Mme Barret, MM. Pucheral, Bros, Cavalier-Bénezet, Huguet [AD, 1201W7].21 - M idi L ibre , 17 mars 1968.22 - Terre cévenole, « Pourquoi nous disons “ non” au Parc national des Cévennes », M idi L ibre , 5 septembre 1968.23 - Correspondance M azenot-de Saboulin Bollena, 9 février 1968 [AD, 1201W15] ; intervention de Georges M azenot devant l a chambre

de commerce de la Lozère, juill et 1968 [AN , CAC 19960018].24 - Correspondance de Ligonnes-de M ontaignac, 17 janvier 1968 [AD, 1201w 24].

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la m éfiance dont font preuve certains services administratifs, lesquels ne souhaitent pasvoir ces comit és de travail t rop « s’off icial iser » 25 . On note enfin que les thèmes de laconcertatio n sont cho isis dans les lim ites du projet adm inistrat if. Il n’existe pas, par exemple,m algré la bonne volo nté aff ichée par le chargé de mission 26 , de réelle concerta tio n avecles init iat eurs locaux d e l ’ idée de parc en Cévennes, dont la vision globale p ouvait êtresensiblem ent différente.

Ainsi a-t-on évoqué précédemment les diff icultés pour les responsables de la mise enplace du parc d’ int égrer le point de vu e de l ’Association p our un Parc national cultu reldes Cévennes. Durant to ut e la période de consult ati on, maître Bieau m aint ient ses reven-dicati ons, jug ées irrecevables, qui t endraient à réclamer un « parc région al dans l’esprit »avec les fina ncemen ts d’u n parc nat ion al. Avec les m em bres de l’associat ion Font Vive, ledialogue « passe » mieux, mais ne remet pas en cause les cadres du projet proposé parl ’adm inistration : par exemp le, on ne discute pas des l imites du parc selon les proposit ions

anciennes de l’association qui, engloban t les zones habit ées, paraissent « hors de p ropos »(de M ont aignac). Le dialogu e est m aintenu surtout parce que Font Vive, m enée par RolandCalcat, se déclare résolument en faveur d’u ne participation « p osit ive » :

« Ils sont to ujou rs restés très ouverts, Font Vive. Les relatio ns ont to ujou rs été très agréables,mêm e lorsqu’o n n’ était pas d’accord. Je ne sais pas, i l y avait u ne am biance. Il y avait quelq uespersonnalit és, j ’ai oublié les noms : Roland Calcat, en hau t, mais il y avait quelqu es personnalit és

 jeunes, q u i ét aient déjà réel lem en t in téressa ntes et ouvert es. Le dial ogue, à m a connai ssance,n’a ja m ais été rom pu avec Font Vive. Et je crois que, peu à p eu, ils ont comp ris que si on vo ulaitun p arc, i l fallait bien en p asser par la loi d e 1960 , parce qu’o n ne la referait pas. » (Pierre deM ontaign ac, entret ien, 2005)

La recherche de mé diat eurs pour le « déblocage des philosophies »Il y a la procédure officielle et encadrée de la consultation, procédure d’ailleurs très im-parfaite, car i l n’existe pas à cett e époque de réelle « structure de p articipation », et i l ya ce qui se joue en deho rs, dans les relations d’hom m e à hom m e – les affinit és personnelles,qui fav orisent ou no n le dialogu e, ainsi que dans la prise en com pt e d’élément s de blocaged’o rdre « psychologiq ue » ou cult urel, qui n’ apparaissent p as forcém ent dan s les archives.Ainsi, i l n’est pas indifférent q ue le chargé de m ission Pierre de M ont aignac, dans la re-

cherche légitim e de soutiens susceptibles de relayer le projet de parc auprès de la popu lation,se soit tou rné vers certains responsables prot estant s. C’est là un aspect du context e propreà ce territoire que les analystes de la création du Parc national des Cévennes n’ont quetrès peu pris en compt e.

Il ne faut pas oublier pourtant que l’ idée de créer un Parc des Cévennes a été défendueà l’origin e principalement par des cath oliques – que ce soit d u côté de l’association dirigéepar Charles Bieau (qui compte, certes, des protestants mais aussi de puissants soutiensdu côt é des notables catholiques lozériens) ou du côté de Font Vive, profo ndém ent enracinée

dans un catholicisme social très traditionaliste dans sa première période, puis orienté àgauche sous la présidence de Roland Calcat. La « pri se en main » d u pro jet de parc nat iona l

25 - Note de de Roger Saboulin Bollena à Pierre de Montaignac, 14 février 1968 [AD, 1201w7].26 - « Le Service a cherché à collaborer, autant que fai re se pouvait, avec les promoteurs init iaux du projet de “ Parc national” et avec

les diverses associati ons locales, notamment l’A ssociation pour le Parc national culturel des Cévennes et l’associati on Font Vive.Il a également échangé des correspondances avec diverses personnes intéressées par le projet et susceptibles de fournir desidées ou des suggestions. », Compte-rendu d'act ivités pour l ’hiver 1967-1968, Service des études pour la créati on du PNC [AD,1201W8].

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haut Gard), i l se trou ve donc en excellente posit ion de m édiateur lorsque l ’administratio nlui dem ande de relayer le projet auprès de la populat ion réform ée.

Pasteur Paul BastianPa u l B a st i a n e st n é e n 1 9 2 0 à L u t r y(Suisse), où il a exercé son premier minis-tère. Son m inistère cévenol débu te en 19 45à Saint -Jean-du -Gard et s’achève en 197 1.Il vit d epuis sa retrait e à Lut ry. Lors de not reentretien, à son do m icile, le pasteur Bastiana très vite évoqué l ’ im port ance de la ques-tion religieuse dans les débats relatifs à lacréation du Parc des Cévennes.

K. B. « Comm ent en êtes-vous arrivé à en-tendre parler du projet de parc ?

 – Dans ce pays, qu and je su is arr ivé, le d ia -logue œ cuménique n 'existait p as. Il y avaitdes tensions très fort es entre cath oliqueset réfo rm és. La cité d e Saint -Jean-du -Gard,à l 'époqu e, était ent ièrem ent réform ée […]. C’est parce que je suis entré d ans une ac-t i on œcum én ique , que j e su i s en t ré encontact avec m onsieur Pierre de M ont aignac de Chauvance, qui étaitl’un des respon sables des scout s de France en Lozère ; que je suis ent réen contact avec tou t le m onde catho lique lozérien, ce qui est intéressant par rapport auparc. Et puis j 'ai eu des relations très suivies avec le groupe de Font Vive, en particulieravec le docteur Richard , duq uel j ' étais très proche. Ça m' am ène à vous dire une chose, àm on avis im port ante, c'est que à m on sens le parc, l ' idée du parc, du sauvetage des Cé-vennes, est partie d'un groupe catholique très engagé dans l'Église romaine, en Lozère,avec une conno tat ion, pour certains, royaliste. Tandis que du côté pro testant, c'était leClub Cévenol, lequel avait à sa tête et a tou jours l ' int el l igentsia protestant e à Paris : i ls

avaient une autre visée. Le protestantisme du Club était le fruit d' un retou r à l ' histoire dela branche théolog iquem ent l ibérale et anticatholiq ue du protestantisme français [… ]. Sibien que la connot ation du Club Cévenol de l 'époq ue était sans connot ation rel igieuse,m ais cam isarde. [… ] Dans l 'histoire de la f ondat ion d u parc, ces famil les spiri tuelles ouces connot ations diff érentes ont joué leur rôle dans les opposit ions ou l ' enthou siasm e. »(Paul Bastian , ent retien, 200 9)

Il semble q ue l ’État ait p rogressivement pris conscience de l ’ impo rtance du f ait rel igieuxen Cévennes, puisque, selon Georges Mazenot, en 1968, le ministère aurait demandé à

l’adm inistration préfectorale de m ultip l ier les rencontres interrel igieuses. I l se tro uve quele sous-préfet, qui ne se réclame lui-m ême d’ aucune appartenance confessionnelle, éprouveun goût particulier pour ces actions œcuméniqu es. I l n’hésite pas ainsi à part iciper à tel leréunio n de pasteur (à Florac, lors du synode régio nal, il prend la paro le sur le th èm e « Ca-téchèse et sacrement », puis un autre jour parle du Parc national des Cévennes devantune assemblée de prêtres) ou à p roposer une cérémon ie du 11 novem bre qui réunit ca-tho liques et p rotestants (entretien, 2010).

Le pasteur Paul Bastian lorsd’une veillée de quartierdans les années 1960.

    C   o    l .    M

   u   s    é   e

    d   e   s   v   a    l    l    é   e   s   c    é   v   e   n   o    l   e   s .

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Le projet d e parc a encore bénéficié de la médiatio n de personnalités leader du m ondeagricole, engagées dans des projets de développem ent et de m odernisation, dont PaulFlayol, dit « l’ Aig le des Cévennes », est, com m e on l’ a dit , l ’une des plus fort es figures. Enm ilieu rural, les cercles d’act ion catholi que et pro testant e croisent les cercles prof essionnelsà travers le syndicalism e agricole. La question du d evenir du m onde rural, donc du parcnational, devient un t hème d’échange partagé, autou r de la conviction q u’i l faut m aintenirles populations et leurs tradit ions, prom ouvoir la vie dan s ces vi l lages, en favorisant no -tam m ent un tou rism e « in tel l igent » (Paul Bast ian). On peut p enser que, plus que les« com m issions thém atiques » instit uées, c’est cett e conjonction dans le sout ien au parcnat ional d ’une « élite paysanne » (id.), des responsables religieux et des autor ités polit iqueslocales qui a constitué le véritable « m ode participatif » d ans la création du Parc nationaldes Cévenn es.

Construire le t errito ire Parc

L’équipe d e la mission d’ét udeLa m ission d’ étude (qui début e officiel-lement en février 1968) fonctionne avecun p ersonnel et d es m oyens réduit s. En1968, Pierre de M ont aignac n’est en-tou ré que deux ou t rois collabo rateurs.En 19 69, la mission com prend une d i-zaine de personnes. Le recrutements’est opéré selon trois modalit és :

« I l y avait en fait t rois sources de recrutem ent : des gens qui avaient l ’occasion d e travai l leroccasionnellement pour la DDA, ou qui étaient connus, dont on pensait qu ’ i ls pouvaient o ffr irde bons services ; des gens qui avaient une culture biologiqu e et dont la contribu t ion était in-téressant e ; et puis parfo is, dans deux ou tro is cas, i l y a eu des gens pour lesquels il s’agissaitd’ int ervention s. Quand i l s’agissait d’ intervention extérieure de tel ou t el élu import ant, malgréto ut, ça jouait un rô le. Après, ça s’est régularisé au m om ent d e la mise en place du pa rc puisquechacun était re-recruté : i l y en a q ui sont part is, à ce mo ment -là, l ’équipe de la m ission n ’étaitpas toute ent ière intégrée au parc. » (Pierre de M ontaig nac, entret ien, 2005)

Les premiers recrutés sont Gu y Grégoire, bientôt assisté de Gérard Gély, pou r effect uer letravail de d élimit ation . Si, selon Pierre de M ont aignac, le second est recruté sur la d emand ed’un élu transmise par François Brager, le premier, Guy Grégoire, toujours en poste auParc, est choisi pou r sa bonn e connaissance du t errain.

Guy GrégoireGuy Grégoire est né le 19 février 1946 à M ende.Après des études de d essinateur in dustriel, i l

est recruté à la mission d’étude le 1er

m ars 1968pour aider à la réalisation des plans du futurParc national. Il est ensuite int égré dans l’équipeadm inistrative du PNC, en tant « qu ’opérateurphot o et conducteur of fset » (Cévennes, revuedu PNC, n° 2). Il crée et con serve la respon sa-bil i té de l ’ imprimerie durant toute son activité

    [     A    N ,

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Pierre BonnetNé le 30 avril 193 6 à Paris, il vit à Prades depuis1967. I l a été recruté en t ant q u’assistant tech-nique à la mission d’étude en 1969, puis auPNC où il s’occupe des problèmes relatifs à laconstruction. (Source : Cévennes , revue du PNC,n ° 1 )

Marie-France Bonhomme (épouse Dejean)Née le 12 septem bre 1945 à M ende, el le est re-crutée en qualité de secrétaire de la mission

d’ét udes en 19 69, pui s au PNC. Elle épou se le11 août 1973 Raymon d Dejean, assistant bio-logiste d u Parc. (Source : Cévennes , revue duPNC, n° 1)

« M oi, j ’ai pris la mission d’ étude en cours, en ju in 1969. Je t rava il la is dan s un ét ab li ssem en tp r i vé , qu i f a i sa i t f o nc t i o n d ’ a r ch i t ec te . Jeconnaissais M. de Montaignac par le scoutisme, et un jour je lui ai demandé s’ i l avaitbesoin d’une secrétaire – je désirais rentrer dans la mission d’étude. » (Marie-FranceDejean, entr etien Pierre Gaudin et Claire Reverchon, 198 2)

Borner et dé l imiterEn dehors de la m ission d’ inform ation assumée par Pierre de M ont aignac, le travail dedélimit ation du p arc est la m ission p rincipale du Service durant la prem ière période, etel le se prolonge jusqu’en 1969. Le travail de délimitat ion prop rement d it com m ence en

 janvier 1968, avec les deux g éo m èt res chargés de report er au 5 0 00e les plans du territo ireet d’inventorier la végétation. Sur la base de ces relevés, Pierre de Montaignac consulteles maires des communes dont le territoire est concerné par le tracé projeté. Le tracé fi-

nalement retenu, avec ses nom breux « doigt s » et échancrures témoig ne du jeu serré desnégociations que les responsables de la m ission jo uent avec délicatesse : i l ne s’agit p asd’im poser les l imit es du parc nation al, mais de les discuter pas à pas (centim ètre par cen-tim ètre). Guy Grégoire, le géomètre d e la m ission d’étude, évoque ce t ravail de délimit ation,négocié hectare par hectare :

« On al lait sur le terrain et on relevait tout e la végétat ion, on faisait un relevé de la natu re tel lequ’el le était à l ’époque. Ensuite, on regardait éventuel lement ce qu’on p ouvait m ettre dans leparc. [… ] On ne recherchait pa s de critères part iculiers. On invent oriait , et le chargé de m ission

après discutait avec les gens. On regardait les villages, on regardai t ce qui pou vait être i ntéressant .Je prends le coin du Pont -de-M ont vert, puisque j’y habite, au Pont -de-M ont vert on avait englo béM as M éjan, Villeneuve, et le bou rg du Pont -de-M ont vert on l’avait m is en deho rs. Après discussionavec le maire, on a com mencé à fai re des “ doigt s” pour sort i r ces v i l lages, parce que, parexemple, à M as M éjan, i ls avaient un projet de faire un lot issement – u n lot issement dans unparc nat ion al ce n’étai t pas t rop com pat ible, donc i l valai t m ieux le sort i r. Voi là com me sepassaient les choses. [… ] Tout ça n’a pas été évident, on a fait d es doigts un peu partout pour

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tenir compte des desiderata des gens. » (Guy Grégoire,entretien, 23 septembre 2009)

Selon Lucien Reversat, bon observateur du versant nord du mont Lozère, on tint compte,pour le t racé du parc, d’une o pposition m ajoritaire dans ce secteur, due à la fo is au contexteéconom ique et social (abandon des terres, choc m inier), à l ’action d’ individ us opposants

com m e le forestier M orel, et à l’o ppo sition f ort e, au sein des équip es m unicip ales, des se-crétaires de mairies :

« Il y avait les secrétaires de m airie, c’étaientdes instits et d es curés, et alors là u ne m a-

 jor i t é de secrét ai res de m airie su r le co inétaient opp osés. C’est pou r ça qu’ i l s ontévité, dans la partie ouest du mont Lozère,à ce qu’il y ait d es vil lages dan s le parc. Le

seul end roit où il s ont été f avorab les, c’estla comm une d’Al t ier. [… ] I l y avai t quandmême toute une série de vil lages, i l auraitété logiqu e qu’ i ls soient en zone centrale,mais i ls ont dem andé expressément de nepas y être int égrés. [… ] Saint -Julien -du-Tour-nel c’est pareil, et Chaden et par contre, oùle m aire était assez favorable, a accepté qu’i ly ait deux pet i ts hameaux qui soient dansla zone centra le. M ême, il y avait un endro itqui géo graph iquem ent ne se justif ie pas, eti l a dem andé à ce qu’ i l soit inclus dans lazone centr ale. » (Lucien Reversat, entret ien,2 1 m a i 20 0 9)

Études, inventaires et p rojets d’amé nageme nt e t d’ani-mat ionParallèlem ent aux travaux relatifs à la délim itatio n prop rement dite (relevés de terrainset enquêt es parcellaires), quelques opérations d’invent aires et des études d’am énagement

sont réalisées ou envisagées. Un rapport du 28 avril 1969 recense ces premières étudespréparato ires à la création d u Parc et celles à venir 27 . Signif icativem ent, les étud es port entsurtout sur des aspects architecturaux, culturels et tou ristiqu es : inventaire des construc-tions/architecture et réflexion sur « l ’esthétiq ue des bâtim ents d’élevage sur le Causse » ;étude d’un plan d’am énagement t ouristique du secteur du M as-de-la-Barque, destiné àêtre à la fois une station de ski été-hiver et une « porte du parc » ; étude sur les capacitéstou ristiques du chemin de fer de Florac à Jalcreste ; relevé d’éléments historiques (étudessur la collégi ale de Bédou ès, le château de M oissac, l’égli se No tre-Dam e-de-Valfrencesque,l’église de Saint -Flou r du Pom pid ou, la Can de l’Hospit alet). Parm i les travaux p révus en

1969, on not e également la réalisation du p ré-inventaire des richesses artistiques et m o-numentales du parc (selon le modèle d’ inventaire institutionnalisé par André Malraux),ainsi que l ’« avant-projet de réalisation d’ i t inéraires culturels en Cévennes » et l ’« expé-rimentation de balisage d’itinéraires éducatifs pédestres, cyclistes et équestres ».

27 - Service des études du PNC, Études d’aménagement rural. Annexe VI ; Études préparatoires à la création du PNC , 28 avril 1969[AD, 1201w8].

Un exemple du travail dedélimit ation, sur une propriétéde Génolhac

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composée en quasi-total i té d e responsables d’éducation popu laire et de personnes qui ne sesatisfont point de leur statut d’enseignant ou de technicien stricto sensu. Quelques semainesde fo rm atio n sous les auspices d’associatio ns sœurs, quelques un iversitaires satellit es de Harvois,et la prom otio n part à l’assaut d u m ond e rural dans des secteurs très diversifiés : établissement sscolaires, parcs nation aux, cent res de for ma tio n adu ltes...» (Chosson, 200 3 : 134)

Cependant, cett e première expérience d’ inst i tut ionnal isat ion de l ’anim ation cul turel les’est achevée dans le tum ulte de 196 8 d’u ne man ière qui laisse un goût am er chez certainsde ces jeunes animateurs engagés sur le terrain rural. Mis en place en 1964 avec l’avald’Edgar Pisani, alors minist re de l’Agri cultu re, les anim ateu rs sociocultu rels sont en effetplus ou moins désignés en 1968 parmi les principaux « fauteurs des troubles ». EdgarFaure (qui a remplacé Pisani en 1966) décide d’extraire les animateurs de leur terraind’act ion et de les affecter dans les lycées agricoles 33 . Ce n’est que grâce à l’ interventionen leur faveur du président de la cham bre d’agricultu re de Florac que le couple Lagrave

« échappe » à u ne m utat ion à N îmes. Il poursuit d onc son action dans le cadre de la m iseen place du Parc nat ion al des Cévennes, aupr ès duquel il sera dét aché après sa créatio nen 1970.

Aut re exem ple de collaboration sur le plancul ture l , la Di rect ion dépar tem enta le del’A gricult ure a passé contrat avec Font Vivepour la réalisation d’un in ventaire de l ’ha-bitat rural sur le terri toire du futu r parc 34 .Cet inventaire est réalisé sous la directionde M arc Cou lon , qui d essine les relevés avecl’aide d’une petite équipe. Celle-ci, qui seréunit à la m aison Font Vive de Génolhacou à la Soleilhade, un centre de vacancespou r jeunes adultes mis en place avec l’aidede Font Vive, réalise d’autres travaux thé-matiques qu’elle publie sur ses presses etré f léch i t act ivement au deveni r des Cé-vennes. Sauveur Ferrara, alors très jeune,

était à la fois participant et tém oin de l ’en-gagement de ce pet i t groupe :

« On se réunissait tous les week-end, là-haut dans la mai son de la Soleilha de. On afait un relevé de toutes les maisons anciennes et avec une typo qu’onavait achetée on avait fait des publications. [… ] Coulon f aisait les croquis,les comm entaires, mo i je part icipais… La réf lexion c’était : comm ent un parc naturel peut êtreport eur no n seulement de ressassement des ri tuels et des anciennes cultu res, mais surt outporteur de cultures nouvelles. Comment celles-ci peuvent engendrer des pistes pour le déve-loppement hum ain. C’étai t ça. [… ] Donc c’étai t une économie m oderne à part i r d ’un terr i to i re ;une économ ie qui préserve le terri t oire pour préserver la ressource ; une économ ie qui faitconfian ce aux gens et qu i va chercher les trésors qu’il y a dans chaqu e savoir-faire. Voilà, c’était

33 - Le corps des animateurs du ministère de l’Agriculture s’est cependant maintenu, au-delà de l’épisode de 1968. Sur la réalité etla complexit é de ce moment, voir Chosson, 2003.

34 - Compte-rendu d’acti vité de l ’association Font Vive, août 1969 [CDJRD1475].

Un permanent de FontVive devant la ronéooffsett de Marc Coulon

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l ’essentiel de ce que m oi j ’ai ent endu d u travai l – parce que i l y ava it d ix m il le ch oses – , m aismo i je n’ai retenu qu e ça et j ’étais engagé dansça. » (Entr etien avec Sauveur Ferrara, 2008 )

Ainsi, en m arge de la m ission d’ étude, unepoignée de m il i tant s, issus pour la plup artdu vivier de Font Vive, a-t-elle entrepris àsa manière de façonner le territoire du fu turparc national et a tent é de conférer à celui-ci une véritab le mi ssion d ans l’espace socialet cult urel des Cévennes. L’engagem ent d eces fem m es et de ces hom m es, auxquelsquelques-uns reconnaissent le rôle de pion-

niers, expliq ue leur déceptio n à ce que l’onse soit peu souvenu d’eux, lors de la créationinstitutionnelle du parc.

Permanents et bénévoles de FontVive travaillant à l’ Atl as des

Cévennes : ici J ean-Louis Lit ron,Pierre Jouan.

    C   o    l .    C   a    l   c   a    t ,

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    d   e   s    V   a   n   s

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C h a p i t r e t r o i s

L’é la b o ra t io n d ’une d o ct rine

d u Pa rc na t io na l d es Cévenn es

« Dans le même tem ps, s'élaborait le projet, dont l 'original i t é s'aff irm ait au fu r et à m esure quele sous-préfet de Florac et le service en d égageaient les aspects essent iels. Ce travail de lo ngu ehaleine devait perm ettre d' établir, courant avril, un projet d e réglementat ion p araissant satisfaisantet d' arrêter les principales disposit ions pouvant f igurer dan s l 'éventuel décret de créat ion. »(Compte-rendu d’activités du Service des études pour la création du PNC , av ri l 1968)

L’esprit du PNC

Le travail concret opéré par l’équipe de la mission d’étude s’articule avec une tâche es-senti elle, qui est l’ élaboratio n d’ un p rojet d e règlement du Parc des Cévennes, dont l’ orien-tat ion et le contenu devront t raduire le caractère que l ’on souhaite conférer à ce nouveauterritoire. La question se pose alors de savoir si tout l’effort de concertation et d’ inform ationdes populat ions, qui se déroule de l ’autom ne 1967 au print emps 1968, a ou non (et dansquelle m esure) contribué de m anière décisive à infléchir la conceptio n orig inelle de l ’ad-m inistration, à définir une « doctrine » originale, propre à ce territoire.

On peut penser que cett e évolut ion s’effectu e à mesure que le chargé de m ission, son res-ponsable hiérarchique Roger de Saboulin Bollena et le sous-préfet M azenot découvrentles réalités profond es du t erritoire et s’y confrontent . Tout efois, la singularité de ce t erritoirea, bien avant le com m encem ent de la m ission d’ étude, été signalée à l ’adm inistration encharge de l ’établissement des parcs nation aux. Ainsi, lorsqu’en mai 1965, à la demandeverbale d’Yves Bétolaud, le directeur départem ental d e l ’Ag riculture de la Lozère effectueà t i tre confid entiel un e esquisse prélim inaire du Parc natio nal des Cévennes, i l évoquecertes un p arc basé exclusivement sur les haut es terres et dans les zones les m oins hab itées(une surface de 60 000 ha situés en grande partie sur des terrains dom aniaux), m ais i l

souligne aussi l’im port ance de la mém oire camisarde, qui confèrerait sa véritable singu laritéau Parc des Cévennes :

« Il n ous semble qu e sans att eindre les reliefs grandio ses du Parc de la Vano ise ou du parc enpro jet d es Pyrénées Occident ales, la région des Hauts Pays cévenols, depu is les “ rancarèdesglacées” du m ont Lozère jusqu’ aux m ajestueuses solitud es boisées de l’Aig oua l, en passantpar les lumineux paysages du Bougès, du Plan de Fontmort ou de la Corniche des Cévennes,

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att irent p ar leur étrang eté, leur âpret é et leur austère beauté. Si l ’on a jout e à cela le caractèrepresque sacré que confèrent à ces étendues autrefois si animées et maintenant désertes lessouvenirs, rencont rés à chaque tou rnant de chemin , de l’atroce épop ée de la g uerre des Camisards,on n e saurait dem eurer insensible à l’esprit qu i souf fle en ces hau ts lieux. C’est cette am biancequ’ i l convient d e sauvegarder sans que pour aut ant soit à négl iger la conservat ion d’un e faune

dont l’enrichissement est souhaitable et d’u ne flore trop lo ngt emps dégradée par des écobuagessystématiques 1. »

De mêm e, la réaction et l’adap tat ion des responsables administrat ifs lozériens à l’oppositionsuscitée par l ’étude prélim inaire diffusée dans l ’été 19 67 a été extrêmem ent rapide. Dèsocto bre 1967, Roger de Sabou lin Bollena pose dans un rappo rt à Yves Bétolau d les grandeslignes d’un projet d e parc qui prend en compt e les condit ion s du terrain et les réaction sloca les :

« Certaines inquiétudes soulevées à l’heure actuelle par le projet d e création du PC – inqu iétudesqui paraissent d’ail leurs plus vives chez les propriétaires absentéistes domiciliés à Paris quechez les agriculteurs demeurés sur place – me conduisent à vous préciser dès maintenantquelques “ l ignes directrices” de la conception que no us com mençons à avoir localement duPNC après les prem ières réactio ns et les premiers cont acts.

I l est d’ abord im portant d’établ ir le postulat q ue ce qui fait le caractère original et att achantdu pays cévenol af fecté par ce pro jet, ce sont essenti ellement ses sites et sa civil isatio n t radi-tio nnelle. La flo re et la fau ne, si elles sont ap pelées à conna ître une exten sion plu s vaste et àpart iciper à la qu alité d u par c, ne sont p as, en l’ét at actu el des choses, (état qui n ous paraît res-pecter un certain équi l ibre biologiqu e) des éléments primordiaux.

En partan t de cette not ion, on conçoit que les termes du décret de créat ion ne pourron t êtrequ’in trinsèquemen t d ifférents de ceux figuran t d ans les textes régissant les parcs créés en hau temontagne 2. » (Je souligne)

Ce rapport du directeur départem ental de l ’A griculture se caractérise par une l iberté deton qui m ontre que l ’A dm inistration centrale a laissé une assez large l iberté de manœ uvreaux fon ctionnaires locaux dans la conduit e du projet. Dans un t émoig nage recueil l i par

Pierre Gaudin et Claire Reverchon au d ébut des années 198 0, Yves Bétolau d conf irm e cech oi x :

« J’ai voulu déconcentrer au maximum la création des parcs et laisser les chargés de missionaussi l ib res que p ossibles. I l y a d es problèm es de sensibilit és locales, des choses qu’o n ne p eutvoir de loin. » (Yves Bétolaud, entretien, 1982)

Dans la suite du rapport, Roger de Saboulin Bollena évoque les principaux points de dis-cussion avec les prop riétaires et p ersonnes concernées, autou r desquels on cherche à éla-

borer l’o ssatu re de l’avant- projet du décret constit ut if du Parc natio nal des Cévennes. Cesont les éléments de la réglement ation concernant : la propriété privée, l ’agriculture tra-dit ionn elle, l’élevage, l’exploit ati on f orestière, la constru ction , la chasse et la pêche. Pourchacun d e ces domain es, le principe retenu est qu’i l n’y aura p as d’entraves du fait d e lanou velle réglemen tat ion, sauf en ce qui concerne les construct ion s neuves (lesquelles de-

1 - Correspondance de Saboulin Bollena- Bétol aud, 23 octobre 1967 [AD, 1201w 1].2 - Id., ibid .

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vront être cantonnées en zone périphérique). On not e tout particulièrement, concernantla chasse, qu’i l « n’est pas envisagé d’ instituer des m esures d’ interdiction ». De mêm el’activit é d’écobuage, m ise en cause par Roger de Saboulin Bollena dans son rapport confi-denti el de 1965, « ne sera pas réglementée d’u ne façon part iculière par le décret régissantle parc, et pou rra se pou rsuivre dans les condi tions relevant de la législation départ ement aleen cette matière. »

L’adm inistration départementale a don c très rapidement – sous le coup de la contestationlocale – jeté les bases de la singularit é du Parc des Cévennes, fondée sur une réglement ationaussi libérale que possible des activités humaines dites « traditionnelles » dans la zoneparc. Durant la campagne d’ information, Pierre de Montaignac et Georges Mazenot nefont que développer et ajuster ce schém a init ial. L’objectif et la singularit é du Parc nation aldes Cévennes sont désorm ais présentés d’une m anière qui d iffère très sensiblement dif-férente de l ’étude rédigée en novembre 1966 :

« Localem ent, en Cévennes, l ’objectif est fort différent ; i l s’agit, sans négliger pour aut antla f lore et la faune, de prot éger essentiel lement un ensemble de sites et un p atrim oinearchitectural et surtout culturel l iés à toute une civi l isation dont on peut encore retenirun certain nombre d’éléments non point pour les classer dans un musée mais pour lesconserver vivants dans un m ond e rural contin uant d’exister grâce, en particulier, à l’appo rttouristique 3. »

Dans une correspondan ce privée, Pierre de M ont aignac précise encore ce qui est désorma issa vision d u Parc national des Cévennes :

« Ces diverses observation s amènent à conclure qu’ il n’y a pa s de solut ions m iracles pou r lesCévennes. M ais je crois fermem ent q ue, out re les avantag es matériels directs qu’il peut appo rter

 – et qui sont peu t -ê t re b ien m esq uins vi s-à -v is du re tard accum ulé – , il do it surt out êt re le “ ca-talyseur” d’ in i t iat ives diverses, dont beau coup sont extrêm ement valables, mais qui se fontsouvent dans l ’ impu lsion d ’un mo ment et n’o nt pas de suite. Le vrai espoir est de faire renaîtredes élémen ts de civil isatio n locale, non pas dans un esprit d e folklo re figé, mais dans un souf flede vie retrouvée ; c’est là le but à long term e du projet 4. »

L’évolut ion du lan gage du chargé de mission, bien éloigné de son premier rapport , surprend.L’on entend à travers ce langage comm e l ’écho du discours tenu par les associations ré-gionales (Font Vive en t ête), dont Pierre de M ont aignac paraît reprendre l ’héritage. M ais,la désignat ion de cet objectif tou t à fait sin-gulier pour un parc national, qui serait defavoriser la renaissance d’une culture ré-gionale, pourrait bien rentrer en contradic-tion avec les principes posés par la loi de1960 sur les parcs nationaux. De Montai-

gnac s’em ploie dont à interpréter cett e loide m anière à la rendre comp atible avec leprojet cévenol. I l insiste t out d’abord sur lefait q ue la loi générale de 1960 au toriserait des créations originalesde parcs nation aux, présentan t chacun leur caractère spécifique en

3 - Intervention de Pierre de Montaignac devant l’Office du tourisme de Mende, 27 août 1968 [AD, 1201w4].4 - Correspondance de M ontaignac– P. Guy, septembre 1968 [AD, 1201W 3].

Le cham des Bondons et ses menhirs,dossier de la mission d’étude

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fon ction des cond iti ons locales. Ensuit e, il évoq ue les tro is objectifs qui seraient , selon l ui,dévolus par la loi aux parcs nation aux : « La prot ection active de certaines richesses na-turelles propres à t el le portion du t erritoire français », « la m ise en valeur de t out es cesrichesses, par la populatio n locale à son profit », et l 'an im ation culturel le « assurant laréanimation des communautés vivant sur place ». Concernant le premier objectif, bienentendu l’essentiel aux yeux du législateur, la spécificité du Parc national des Cévennesserait que « ce souci de préservation viserait particulièrem ent les sites et tou t u n pat rimoin elié à la civi l isation locale qu’i l convient de préserver avec une att ention soutenue, à uneépoque où la f réquentat ion tourist ique et, par conséquent, l ’af f lux des est ivants vontprendre des dimensions inconnues jusqu’alors 5 ». Ain si la civilisation cévenole, à trav ersl’em preint e qu’elle a laissée dans les paysages, se tro uve-t -elle prom ue au rang d es « ri-chesses nat urelles », qu’ il conviend rait d e prot éger contre les effet s néfastes du dévelop -pement tou ristique (pourt ant ap pelé pour le développement de la zone périphérique). Lesobjectifs d’aménagem ent et de m ise en valeur d’u ne part, de « réveil de l’économ ie locale »

d’autre part, ou encore les possibi l i tés d’animation culturel le prennent une importancetou t à fait singulière dans le projet de Parcdes Cévennes. Or, dans tou t cela, l’am bit iondu pro jet de PNC est non seulement d ’entrerdans le cadre de la loi du 22 jui l let 1960,mais d’en constituer « l’une des applicationsles plus remarquables » ; man ière de contrerles objection s qu’u ne telle approche pourrasusciter…

De manière générale, la tonalité d’ensemb lede la présentation du projet a bien changé :la vit alit é passée de la société cévenole estévoqu ée, m ais égalem ent les effo rts actuelsde m ise en valeur pasto rale (sur le Causseet en Vallée-Française) et forestière. L’at-tentio n est att irée surtou t sur le danger delaisser un pays « d’une grande noblesse,héri t ier d’une sobre et profonde civi l isa-

tion » risquer de se vider de sa substancehum aine et devenir « rapidement là un dé-sert et ici la banlieue incohérente des m étropoles voisines » 6. Les élém ent s paysagers quicompo sent le fut ur parc sont décrits de manière quasi anth ropom orphiqu e, tant et si bienqu’i ls deviennent d e véritables acteurs chargés de la mém oire du territoire :

« Descendant vers les Sud, nou s passons le col d e la Croix d e Berthel po ur rem ont er sur leBougès, petit frère du Lozère [… ]. Plus accessible, d’h um eur m oins austère, il dem eure cependantmystérieux, conservant dans ses forêts le souvenir de ce soir de juil let 1702 où, rassemblant

ses troupes, le “ proph ète” Esprit Séguier déclanchait la révolte en préparant l ’assassinat del’ab bé de Langlad e du Chayla, archiprêtre des Cévennes 7. »

5 - Pierre de M ontaignac, « Le Parc national des Cévennes », Languedoc-Roussillon-Flash-information , bulletin du Bureau régionald’industri alisati on, n°13, avril 1968, supplément n°2 [AN, CAC].

6 - Id., op. cit ., p. 2.7 - Id., op. cit ., p. 5.

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L’histoire protestante, dans une m oindre m esure l’histoire catholique (évocation du ham eaude Grizac sur le Boug ès, où naqu it Guil laum e de Grim oard, le futu r pape U rbain V), lestraces de la présence des ordr es milit aires et religieux (sur le m ont Lozère), m ais aussi latop onym ie populaire qui donn e sens au paysage par de mu ltiples récits, sont convoqués :

« Passant l ’étroite val lée de la M iment e, on accède au m ont M ars, dont lachaîne rocheuse se pou rsuit au N ord-Ou est ju squ’au d essus de Florac. Haut lieu de la sangla nteépopée des Camisards, le Plan de Font mo rt a aujourd ’hui retrouvé un e paix lum ineuse, quevient seulement tro ubler le jeu d’un écureui l ; de ce carrefour où passent le “ chemin des cami-sards” et la “ voie royale” dégagée depuis peu des genêts, l ’on d écouvre l ’un des plus largespaysages cévenols. Et l ’on évoque la mémoire de cette jeune femme qui, avant d’aller perdreson âne à “ Négase” et se laisser mourir à la “ viei l le mo rte” avait vu son bébé cesser de vivreà “ l ’enfan t mort ” 8. »

La dim ension cult urelle des paysages du Parc nati onal des Cévennes – c’est-à-dire la si-gnif ication tissée dans la trame des événem ents de l ’histoire et du quot idien que les ha-bitant s confèrent eux-mêm es à ces paysages – est, de cette m anière, aff irmée fort ementcomm e la valeur essentiel le qui ju stif ie le parc national. Et ce n’est certainem ent q ue l ’ im -prégnation du chargé de mission avec la pensée et la vie locales, durant ces mois deconsultat ion qu i peut expliquer une tel le évolution de la présentation de l ’espace du parc,que l ’o n sent, désorm ais, véritablem ent « habité » . Signalons, pour f inir, qu’en préam bulede cette p résentat ion, une cit atio n t irée de L’Ecclésiaste (livre de la Bible hébraïque) conf ère

au projet de parc national une dim ension supplém entaire, quasi m ystiqu e.Cependan t cett e constructio n pro gressive d’u ne vision du Parc natio nal des Cévennes, quicherche à prendre la dimension d’un e « doctrine », est-el le due uniquem ent à l ’ interactiondes représent ant s des pouvoirs pub lics avec le terrain lo cal ? D’aut res facteurs, extérieurs,

Le Plan de Fontm ort    F   o   n    d   s    A   n    d   r    é

    N    i   c   o    l   a   s

8 - Id., op. cit., p. 6. La légende toponymique à laquelle i l est f ait al lusion dans ce passage est très répandue en Cévennes, commele mont re bien le travail de Pierre Laurence, « Aux origines d’ un territ oire : la vi eille » (Laurence, 2004 : 321-330).

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n’ont-il s pas contrib ué à cette définit ion singulière, en particulier l’évolut ion des conceptio nsnat ionales et/ou int ernat ionales en m atière de protect ion de la nature ?

Comm e le rappelle Pierre de M ont aignac, les responsables administratifs disposaient depeu de référents concernant les parcs nationaux. Le modèle alors largement dom inant estcelui des parcs américains :

« À vrai dire, on avait le m odèle de la Vanoise en t ête, parce que c’était le prem ier parc nat ionalfrançais et on en avait b eaucoup enten du p arler. On savait qu e dans les Pyrénées il y avait déjàdes diff icult és. Port -Cros était un cas très part iculier, donc on ne po uvait pas s’en inspirer. Puisle phare, c’était le modèle des parcs américains. Par exemple, je pense qu’à peu près tout lemo nde avait en tête un e idée très centralisée, un peu “ impérialiste” , du parc. Un parc propriétairede beaucou p de choses, un p arc qui eng age lui- mêm e les action s, un parc qui f ait, qui réalise,qui fait sa propre police, etc. » (Pierre de Montaignac, entretien, 2005)

Du côté des scientifiques également, les parcs américains demeurent une référence cent rale.C’est ainsi que, tou t à fait à rebours du discours des Am is des sources dont i l était unmembre, le biologiste Constant Vago valorise les expériences américaines qu’il est alléobserver et défend leur apport possible pour le développement des activit és scientif iquesdans le cadre d u Parc nat iona l des Cévennes 9.

Cependant , tou t aut ant que du m odèle « direc-tif » d es parcs am éricains, le pro jet d u Parc desCévennes a bénéficié de l ’ém ergence d’un m o-dèle inédit d’ espaces prot égés : les parcs naturelsrégionaux français. En effet, au m om ent où Pierrede M ont aignac achevait sa première étud e surles Cévennes, se tenaient en septem bre 1966 lesRencont res de Lurs-en-Provence, un événem entsouvent considéré comme inaugural de la phi-losophie des parcs naturels régionaux :

« J’étais au g rand colloque d e Lurs qui ét ait assez

impressionnant : des exposés comm e ce lu i deSerge Ant oine nou s laissaient bluff és ! C’était d esvisionnaires, c’était adm irable ! Et j ’y étais avecun cer ta in nom bre de chargés de mission qu iétaient des camarades d’école ou d’ailleurs. I l yavait do nc une sort e de symb iose, à ce m om ent-là, entre les chargés de m ission . Et com m e je lesvoyais souvent , c’est sûr q ue la p hi losophie d uParc des Cévennes, peu à p eu, s’in spirait d’u n cer-

ta in no mbre d ’é léments de la ph i losophie desparcs naturels régionau x » (Ent retien avec Pierrede M ontaignac, 2005)

Les parcs naturels régionau x naissent of ficiellement par un décret prom ulgué en mars 1967 ,

9 - « M. Constant Vago a participé à une mission scientifique dans les réserves naturelles de l'Amérique, dont pourra bénéficier lePNC », M idi L ibre , janvier 1968 [CD, fonds Roux].

Constant Vagoet l es parcs américains

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mais leur propre « doctrine » ne s’élabore que très progressivement, et au cas par cas,comme l’a montré Romain Lajarge (2007). Le Parc des Cévennes a été conçu dans cettem atrice où tente de s’ inventer un m odèle de la protection de la nature qui réponde éga-lement aux grandes problématiques de l ’aménagement du territoire, ainsi définies parOl ivier Guichard :

« Équiper les gran des métrop oles en aires nat urelles de détente, prot éger la natu re et les sitessur des ensemble suff isamm ent vastes – au m om ent o ù la mise en place des parcs nat ionauxrencontrait quelques dif f icultés –, faire face enf in à la revital isat ion d’espaces ruraux en “ dé-sert i ficat ion” 10 . »

C’est enfin à la conception, défendue dès les années 1950 par les promoteurs des parcsculturels, d’une « prot ection de la natu re qui inclut l ’ hom m e » (Jean-Baptiste Vilm orin),que vou draient d onner corps les nouv eaux m ilitan ts des parcs naturels régionau x, lesquels

revendiquent à leur tour la dim ension ut opique de leur projet 11 .

O r, l ’ é l abo ra t i on con jo i n te d es « do c t r i nes » d u Pa rc des Cévennes e t des pa rcsrégionaux constit ue un argum ent fort de l ’o pposit ion. Selon Terre cévenole, la confusionentre les objectifs, pourtant dissemblables, des parcs nationaux et des parcs régionauxserait en tret enue par les respon sables du p rojet de Parc nati onal d es Cévennes, lorsqu’ ilsprésentent celui-ci comme un outi l de développement régional. Le parc national, écritRené Roux, reprenant une formule du commandant Beaugé citée dans L’Express, « c’estla cloche à from age jetée sur une portion d u territoire que l ’on veut conserver en l ’état,avec sa faun e et sa flore intactes pour les savants. L’hom m e n’y est adm is que sur la poin tedes pieds ». Le parc régional, en revanche, serait « la nat ure vivant e, accueillant l ’ho m m een lui o ffra nt to us les agrément s : histo ire, paysage, cultu re, sport s, chasse, pêche etc. 12 » .Il y a là, en effet, une équivoque que maître Roux a beau jeu de dénoncer.

L’avant-projet de réglementation du Parc national des Cévennes

Si Pierre de M ont aignac s’occupe plus particulièrem ent de la p résentatio n du projet et desa « philosophie », c’est le sous-préfet M azenot qui prend en charge l ’élaboration d’un eproposit ion de réglement ation du Parc national des Cévennes qui t raduise le caractère

singulier de celui-ci, tou t en s’ inscrivant dans les lim ites de l ’ interprétat ion aut orisée dela loi de 1960. Au prin tem ps 1968 cet « avant-pro jet » d e réglement ation est achevé etse présente sous la form e de sept d ossiers, don t un proj et de règlem ent d e neuf pages 13 .Celui-ci est soum is à l ’avis des organismes et collectivit és locaux à partir de l ’été 1968.

C’est cette ossature de l’avant-p rojet que l’on no us allons détailler maint enant . De m ult iplesallers-retours du texte entre les services administratifs de la Lozère et le ministère (pourvalidation), ont cond uit à la rédaction définit ive du docum ent présenté à la consultationet à l’enquête publique. En dehors des articles relatifs à la chasse (dont je parlerai plus

loin) et de modifications de détails, l’ensemble de cet avant-projet sera repris dans la ré-10 - Parcs naturel s régionaux de France , n° 30, juin 1997 [numéro en l igne sur le sit e de la Fédération des parcs naturels régionaux

de France].11 - Ainsi l e témoi gnage de M ichel Leenhardt, ingénieur du Génie rural et des Eaux et Forêts de format ion, premier direct eur du Parc

naturel de Corse créé en 1971 : « Les Parcs sont une ut opie qui exi ste depuis t rois décennies grâce à la force et à la ri chesse del’i dée née dans le courant des années 1960. » Le même ajoute qu’en 1966, les parcs naturels régionaux « étaient un pur fant asmede la bourgeoisie cit adine », ibid .

12 - Terre cévenole, « La vérité sur le Parc national des Cévennes », p. 4 [CD, CDLEY0964].13 - [AD, archives du PNC, 1201W 22].

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daction du décret off iciel de création d u PNC. C’est po urquo i l’on p eut présenter dès m ain-tenant le contenu de cett e réglement ation , à partir duquel la populat ion eut à se pronon -cer.

Les activités agricoles, pastorales et forestièresLe dom aine des activ ités agricoles, pastor ales et fo restières constit ue le premi er chapitredu règlement envisagé, ce qui désigne bien l ’ im portan ce de l ’occupation h um aine de l ’es-pace au regard du caractère du p arc national envisagé.

« Sur les act iv i tés agricoles : la vision d esgens, forcément, était un peu la m ême quela nô t re pu i s qu ’on n ’ imag ina i t pas , pa rexemple, des élevages d’autruches ou deschoses com me ça, on im aginait les activités

traditionnelles du secteur, amplifiées parfoisou m ieux organisées : l’é levage de brebissur le causse M éjean, les élevages de chèvresou aut re, les choses traditi onn elles dan s lesCévennes. [… ] I l était prévu d’ im aginer desaides pour po uvoir cont inu er les act iv i téstradit ionnelles. » (Pierre de M ont aignac, en-tret ien, 2005)

L’objectif de la réglement ation dans ce do-m aine est de perm ettre une protection dessites paysagers et architecturaux (garanted’un t ourism e « de qual i té »), tout en negênant pas la poursuite des activités agri-coles, voire en permett ant aux agriculteursde t rouv er des ressources supplém entaires.Si la liberté des « activit és trad itio nnelles »est u n principe inscrit d ans la loi de 1960,et donc com mu n aux p arcs nationau x créés,

ce principe est, en Vanoi se com m e dans lesPyrénées, assorti d’un certain nombre derestrictions. Dans le projet de Parc des Cé-vennes la réglement atio n, plus libérale, ga-rant i t notam ment : la l ibre disposit ion desressources naturelles (plantes, champignons), le libre accès à toutesles parties des exploitations agricoles, la liberté entière du pâturage,la poursuite de l ’écobuage selon les mêm es condition s réglement aires qu’aup aravant.

La constr uctionLe dom aine des travau x pu blics et privés a soulev é, semble-t -il, plus de débats. Les inf ra-structures routières sont laissées à l’ initiative de l’Établissement public régissant le parc.Quant à la construction, el le concerne soit les bâtiment s et habit ations anciens, soit lesconstructio ns nouvelles. Si l’on s’en t ient à la présentat ion du projet fait e aux collectivit és,la réglementatio n paraît là encore assez libérale :

Paysan allant chercher un fagotde chêne. Vallée de M ialet,vers 1975.

    C    l .    A .

    N    i   c   o    l   a   s ,

    C   o    l .

    M

   u   s    é   e    d   e   s   v   a    l    l    é   e   s   c    é   v   e   n   o    l   e   s .

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du parc et celles relevant des exploit ati ons agrico les. Pour ces dernières, le respect d ’uncertain n om bre de règles esthétiqu es s’ im posant, i l est prévu d’app orter aux propriétairesune aide fin ancière permett ant de com bler les surcoûts. Cet aspect de la réglementat ionrelatif aux bât im ents agricoles présente t out efois un problèm e particulier dans la régiondu Causse où l’élevage ovin t end à se développer, réclamant la construction d’inf rastructuresnouvel les et modernes :

« La charnière avec le dom aine suivant q ui est celui des construction s, c’étaient les bât im entsagricoles. Ça a toujours été un sujet de discordes, pas tellement en pays cévenol, parce qu’iln’y avait p as beaucoup de prob lèmes de construct ion de bât im ents agricoles, mais beaucoupen pays caussenard, parce qu’on “ poussait beaucoup à la rou e” pour d es bât im ents d’élevageénorm es qui éta ient d es volum es épou vanta bles et dan s des m atériau x méd iocres. Donc forcé-ment , là, i l n’y avait au cun enthou siasme p ar rapport à la ph i losophie du parc. On arrivait unpeu, au coup p ar coup, à trouver des terrains d’ent ente, en essayant d e “ planq uer” les bergeries

nou velles dans des endro its un p eu plu s dissimulés, à m odif ier les couleu rs et les volum es. Il yavait des gens de bonne volont é. M ais il fal lai t bien ad mett re qu’ i l y ait d es bergeries pour quel’élevage continue à se développer sur le Causse. Là, peu à peu, finalement on s’est laissésconvaincre, ma is on n’ét ait p as enchant és sur cet aspect-là. » (Pierre de M ont aign ac, entret ien,2005)

Enfin , concernant les constructio ns en ruine, il est prévu de réaliser un invent aire permet tan tde classer l’ensemb le des bât im ents non ut ilisés à l’ int érieur du parc, selon qu ’ils devrontêtre conservés ou bien détruits.

La chasse e t la p êcheLa chasse est con sidérée com m e le problèm e le plus épineux à résoudr e. Le dogm e sansdout e le plus intangible d’ un p arc national, en Europe com m e ail leurs, est en effet qu e,dans un parc national, l’on ne chasse pas et c’est bien là la position défendue par Pierre

    P   n    C

le Villaret (causse M éjan)

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de M ont aignac lorsqu’i l débute sa m ission en Cévennes 17 . Pour les parcs de montagneprécédemment créés, la Vanoise et les Pyrénées, l’ interdiction de chasser découlait toutnaturellement de l ’une d es principales missions dévolues au parc national, qui était deprotéger une ou plusieurs espèces jugées « emb lémat iques », com m e le bouquet in dansles Alpes ou l’ours dans les Pyrénées. Or, sur le territoire prévu pour la création du Parc

des Cévennes, nulle espèce sauvag e dont l’existence, valorisée par un grou pe social quel-conque, im pose l’int erdiction d e la chasse com m e mesure de prot ection. Surto ut, la chassequi demeure l’activité sociale par excellence des populations locales est considérée parles m ont agnards com m e une l iberté républicaine : le maintien de cette pratique a doncété d’emblée posé comm e une condit ion sine qua no n de l ’acceptatio n du p arc.

Pourt ant on ne pouvait, dans le cadre d’un parc natio nal et com pte tenu d e la raréfactiondram atiqu e de la faune sur ce territoire (considéré alors comm e un quasi-désert faun istique),se content er d’un statu q uo sur la prat ique de la chasse. Il fallait bien envisager les m oyensde l im iter la pression cynégétique, sans m écont enter la po pulatio n 18 . Une prem ière com -m ission est constituée au m ois de janvier 1968 , à l’ init iative du sous-préfet, pou r examinercet épineux prob lèm e. Ici, i l a été décidé de f aire appel, out re les représent ant s des fédé-ratio ns et des sociétés de chasse de la Lozère et d u Gard, à des « exp erts » :

« Il est venu d u m inistère et du Conseil supérieur de la chasse, une com mission d e trois mem bres

qui a examiné pendan t huit ou dix jou rs, dans la région, ces problèmes-là19

. »

17 - Pierre de Montaignac estime aujourd’hui que sa position sur la chasse était erronée ; la multiplication du gibier à l’intérieur duParc et la diff iculté à la gérer tendant à m ontrer qu’une « régulati on » humaine est indispensable (Pierre de M ontaignac, entretien,2005).

18 - La mission effectuée en 1968 dans la région du futur Parc national des Cévennes estime à deux mille ou deux mille cinq centsle nombre de chasseurs dans ce qui constituera l a « zone centrale » du parc. Voir Plan d’am énagement cynégétique du Parc des Cévennes , Florac, 1975, cité par Pelosse et Vourc’h, 1988 : 34.

19 - Offi ce du tourisme de la Lozère, procès-verbal de la réunion du 30 août 1968, p. 11 [AN, CAC : 19960018/34].

    P   n    C

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Jusqu’à la publication de l ’avant-projet de règlement, la mission d’étude communiquetrès peu sur la question chasse, et toujours avec prudence et circonspection. Lors de laprésentation du p rojet de réglement ation devant l ’Off ice du tou rism e de la Lozère, Pierrede M ont aignac évoque les grandes diff icultés à élaborer une réglement ation de chasse,dont seul « l’esprit » et les lignes générales sont défin is 20 . Le principe retenu est de prévoirnon l ’ int erdiction de la chasse, mais sa réglementat ion à l ’ int érieur de la zone centrale duparc. Celle-ci s’effectuera selon qu elques idées directrices : la l imitat ion d u nom bre de

 jo urs d e chasse dan s la sem aine, la créat io n d’un ensem ble de réserves cynégét iq ues assezvastes à l ’ intérieur du parc (dont l ’organisation et l ’étendue seraient débat tue ult érieure-m ent), et enfin la l im itat ion du nom bre de chasseurs à l ’ intérieur de la zone.

Ce dernier point est bien évidemm ent crucial, puisque touchant à la l iberté mêm e du droitde chasse. Ici, c’est u n critère territorial qui a été retenu pou r la l im itat ion de ce droit : ledroit de chasse serait do nc réservé aux résidents « à t i t re principal » et aux pro priétaires

de la zone parc ou de com munes dont une part ie du t erritoire y est située. Ceux-là pourraientalors se constit uer en un e association des chasseurs du p arc 21 . Enfin l ’établissement d’untableau d e chasse global, par an et p ar espèce, pourrait êt re envisagé « permett ant den’explo iter, dans cette chasse privilégiée que constit uerait l e parc, que le revenu cynégétiq uesans, en som m e, amoind rir le capital qui, pour l ’ instant, est bien réduit 22 » .

Ce n’est pas sans raison que Pierre de Montaignac présente les questions relatives à lachasse com m e « l ’essentiel de ce projet de réglementat ion » , puisque c’est sur ce pointque sont susceptibles de s’opp oser le plus violem m ent les conceptio ns admin istrativesd’une part et locales de l’autre 23 . Cependant, si les comm entateurs et les tém oins évoquenttrès souv ent l es susceptibi lit és des chasseurs qui aurai ent ét é les prin cipaux o ppo sants àla création du p arc, on m entionne t rès peu les divergences qui on t p u op poser la visiondes respon sables de la m ission d’ét ude à celle des services cent raux. Ainsi, alors que la« do ctrine » d e la chasse dans le parc esquissée par la m ission a em port é l’adhésion d esfédérations de chasse départem entales, c’est l ’A dm inistration centrale q ui, en définit ive,se réserve la rédaction d u règlement sur ce point :

« Et pu is là où, à mo n avi s, ça n’a ja m ais ma rché c’est les chasseurs. Les chasseurs son t t ou jou rsrestés hostiles, parce qu’ ils n’on t jam ais cru à q uoi q ue ce soit . Alo rs là, c’était u n do ma ine sur

lequel on avait m oins de prise puisque le min istère se réservait… Vous avez peut-être su quedans le décret de créatio n du parc, un an ap rès, i l y a eu deux art icles qui o nt été cassés par leConseil d’État. Ces deux articles portaient sur la chasse, et monsieur Mazenot était très fierparce que c’était les deux seuls art ic les qu’ i l n’avait pas eu le droit de rédiger, c ’était unerédact ion parisienne 24 . » (Pierre de M ontaign ac, entret ien, 2005)

20 - Id., ibid . Cette imprécision est surtout due au fait que les services centraux se sont réservés la rédaction du chapitre du décretconcernant la chasse.

21 - Cette Association cynégétique du Parc national des Cévennes sera effectivement créée en 1972 et deviendra l’instrumentd’application de la politique du parc en matière de chasse.

22 - Procès-verbal de la réunion du 30 août 1968, op. cit .23 - Bien avant le début de la mission d’ét ude, les chasseurs ont exprimé leurs inquiétudes quant à la créati on d’un éventuel espaceprotégé en Cévennes. Voir J ean-Claude Ausset, « Chasseur cévenol et parc nati onal », document t apuscrit, Génolhac, 2 mai 1964,six pages [CD00543]. Cependant, l’opinion exprimée dans ce document, sans doute par un sympathisant de Font Vive, est trèsmesurée et pas « anti-parc », à condition que celui-ci intègre véritablement les populations locales et les chasseurs dans cesinstances de fonctionnement.

24 - Le décret créant le PNC stipule en effet que seule la propriété de cent hectares au moins, d’un seul tenant, en « zone propre »donnait droit à un propriétaire non résident de chasser dans le parc. Cette disposition a été cassée par le Conseil d’État (saisipar l’associati on Terre cévenole) en 1973 pour non-conformit é avec le texte soumi s à l’enquête publ ique, qui ne fi xait aucun seuilmini mal (Vourc’h, Pelosse, 1988 : 32).

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une ut i l isat ion nouvelle de la structure existant e. Cette ut i l isat ion, qui pourrait être celle d’unfonctionnement saisonnier assurant le transport, sur quelques kilomètres, de vacanciers découvrantune partie des Cévennes par ce mode de transport devenu rare, exige que soient précisés uncertain nom bre d’éléments 32 . »

Une étu de de faisabilit é est do nc engagée (le DDA a ob tenu p our cela des crédits de sonmin istère), tandis que l ’ on recherche un prom oteur susceptible d e reprendre l ’exploitationdu chemin de fer départemental et d’acheter du m atériel métrique provenant d’ autres ré-seaux. Enfin, différents aménagements sont envisagés en cas de réouverture de la ligne,parmi lesquels un musée du chemin de fer métrique 33 . Tourisme et patrim oine po ur cequi est voué à d isparaître dans l ’économ ie mo derne, c’est le destin com m un pro m is aupetit train et aux paysans des Cévennes.

32 - Projet de Parc national des Cévennes. Consultat ion des conseils munici paux, en applicati on de l’art icle 4 du décret du 31 octobre 1961. Pièces constitut ives [CD00467].

33 - « Grâce au parc, la voie f errée secondaire Florac-Sainte-Cécile-d’A ndorge pourrait renaître », Le M onde , 1 er  ja nvi er 196 9, p. 11 .

Publi cité pour le CFD dans la revueCévennes et Mont Lozère 

    C   o    l .

    M

   u   s    é   e    d   e   s   v   a    l    l    é   e   s   c    é   v   e   n   o    l   e   s .

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C h a p i t r e q u a t r e

La co ncré t isa t io n d u pro je t

(é t é 1968- é t é 1970)

Nous entrons dans l ’été 1968. La première phase d’ inform ation et de consultation s’estachevée, le document de présentat ion du fut ur Parc national des Cévennes contenant unavant-projet de réglementat ion a été présenté aux élus locaux au m ois de mai 1968. C’estdonc une deuxième phase, décisive, de consultation des organismes départementaux etdes collectivités locales qui va pouvoir être amorcée. Ils devront cette fois se prononcerofficiellement sur le principe de la création du Parc national des Cévennes. Si beaucoupde craint es se sont apaisées en Lozère au cou rs de cett e prem ière phase, l’oppo sition auparc – t lou jours m enée par Terre cévenol e – est encore fo rte et ne cesse de se mani fester

par presse int erposée. Une série de délibérations défavorables est prise en juin 1968 parles m êmes com m unes qui avaient m anifesté leur opposit ion en 1967 : Rousse, Pom pidou,Bassurels, Hures, Bedou es, Fraissinet-d e-Fou rques, Gat uzières, Vébro n. Cependant , com pt etenu du contexte polit ique et social national, la plupart des com m unes préfèrent reporterleur décision à l’automne. C’est alors que les fonctionnaires responsables du projet ontune nouvelle init iat ive, qui aura une impo rtance décisive sur l ’évolut ion de l ’op inion desélus lozériens. Dans le départem ent v oisin du Gard en revanche, don t u ne dizaine de com -m unes sont concernées par la zone parc prop rement dite, les élus manif estent à leur to urles plus vives réticences.

En Lozère, l’appropriat ion locale du projet de p arc

La visite d u Parc nat ional de la Vanoise (23 -26 août 19 68 )L’idée du voyage en Vanoise, suggérée par Yves Bétolaud lorsd’u ne réunion à Florac, avait ét é adopt ée par le conseil généralde la Lozère dès le début de l’ann ée 1968 et d evait se déroulerau m ois de mai. Les « événement s » l ’ont bien entendu retardé.C’est donc du 23 au 26 août 1968 q u’une quarant aine d’élus etpersonnalit és locales 1 se rendent en Vanoise, où ils parcourent

le Parc sous la conduite de son directeur Maurice Bardel à quion a d emandé d’ insister « énormém ent sur tou s les aspects hu-mains » (Pierre de Montaignac, entretien 2005). Tous les fonc-tio nnaires locaux concernés (le chargé de m ission, le sous-préfet

1 - Exactement: sept conseillers généraux, dix-huit maires, quatorze personnalités locales, dont les principaux animateurs desmouvements f avorables à l’i dée de parc nati onal. « Le voyage des élus lozériens dans la Vanoise », M idi L ibre , 21 septembre 1968..

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de Florac, des fonctionnaires de la préfecture de M ende) sont également du voyage, quiconstitue do nc une occasion supplém entaire de dialog ue entre les élus et les représentant sde l ’administrat ion (Capiaux : 92).

Dans leur majorit é, les participants reviennent convaincus et plus favo rables qu’auparavantau princip e de la création du parc nat ional . Certes, il faut considérer que la plupart d’ent reeux avaient déjà, avant la visite de la Vanoi se, une op inio n po sitive sur le projet, ma is ilscompt aient également un certain n om bre d’indécis, en part iculier chez les élus municipaux.Lorsque, à leur retour, leurs collègues du conseil municipal leur demandent ce qu’ils ontpensé du Parc natio nal de la Vanoi se, l’ im pression p arfoi s très positi ve qu’ ils en ont reçuedétermine d e m anière décisive la posi t ion de l ’ensemb le du consei l . Cet engouem entpourrait paraître quelque peu paradoxal, car tout le débat aut our de la création du Parcnational des Cévennes depuis plusieurs mois tourne autour de l ’ idée que l ’on ne peutcréer en Cévennes un parc semblable aux parcs nationaux de haut e mo ntag ne, dont la

zone centrale s’étend exclusivem ent sur des espaces inhab ités. Qu’o nt d onc vu o u perçudu Parc de la Vanoise les représentant s cévenols qui ait pu empo rter leur conviction ? Lesabon dant s com pt es-rendus de ce voyage pu bliés par les part icipant s dans la presse localenous permett ent de nou s en faire une idée 2.

La visite pro prem ent d ite du Parc de la Vanoise s’est dérou lée sur deux jou rs. La m ati néedu samed i, les Lozériens ont part icipé à une réunion d e travail, soig neusement organ iséeà la p réfecture. Là, on expo sa les équip em ents réalisés depui s quat re ans dans le Parc dela Vano ise, en part iculier dans la zone périph érique, et les aides apport ées aux ag ricult eurs.On insista surto ut sur l ’espoir qu e le parc national aurait f ait renaître dans la région, sondirecteur, M aurice Bardel (inspecteur g énéral des Eaux et Forêts né en Haut e-Savoie), rat-tachant « ce progrès au caractère origin al de la conception f rançaise des parcs natio naux :la place essentiel le faite à l ’hom m e » (M idi Libre , 21 septembre 1 968). L’après-mid i a étéconsacrée à une visite des travaux d’ équipement et d’ aménagem ent réalisés par le parc.Après avoir passé la nuit du samedi au dim anche dans un chalet à Termigno n, au cœurdu m assif, la délégation lozérienne prit part à une excursion sur la rout e « d’ in térêt to u-ristiqu e, pastorale et forestier » o uverte sous l’égide du parc avec le concours des différentsservices. On insista ici sur le bénéfice social de cett e réalisation , en parti culier le désen-clavem ent des chalets d’alpage, qui assure « le m aintien d e la vocation pastorale de la

comm une de Termigno n » . Suivit un déjeuner-débat à l ’auberge, en com pagnie des élusde la Haute M aurienne. Anim é par le sous-préfet M azenot , le débat fut articulé autour detrois point s : les incidences de la réglem entatio n du parc, son équipement et celui de sazone périphérique, les rapports de la populat ion locale avec son administrat ion. LesLozériens ont reçu sur ces tro is dom aines to us les apaisem ents et les assurances requis.La seule diff icult é signalée fut le man que de cohésion entre la zone centrale et la zonepériphérique, ce qui nécessiterait, de l’avis de certains conseillers généraux, la mise enplace d’une société d’économ ie mix te qui prendrait en charge cette coordinat ion. Pierrede M ont aignac reprendra cett e idée à son retour en Cévennes.

Cett e visite a donc été conçue et (bien) organisée de manière à répondre aux inquiétu desspéci f iqu es des Cévenols, qui port aient essent ie l lem ent sur le m aint ien des act ivi tésagricoles et sur les bénéfices à att endre po ur la zon e périphériq ue. Les relation s ent re lescommunes et l ’administration du parc ont également été présentées sous leur meil leur

2 - Ces comptes-rendus, souvent non i dentif iés et non datés, ont ét é archivés par l’abbé Roux [CD, JRD1451].

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 jour. Com m e Pier re de M ontaignac le reconnaît au jourd ’hu i , l ’ im pression des visi t eu rsaurait sans dou te été dif férent e si les orga nisateurs les avaient m enés dans des secteursdu parc où les relations avec les com m unes n’étaient pas si idyl l iques que cela. Quoiqu’ i len soit, ce voyage en Vanoise constit ue un vérit able to urnan t dan s le débat sur la créationdu Parc nat ion al des Cévennes. Car, sitô t ren trés, les élus part icipant s entreprenn ent unevéritable propag ande po ur t enter de convaincre l ’ensemble de leurs collègues concernéspar le projet, relayant ainsi véritablement l ’adm inistration d ans sa tâche.

Un com ité d’a ction pour la créat ion du Parc nat ional des Cévennes (14 sept em bre1 9 6 8 )L’information sur le voyage se fait donc d’abord par voie de presse, selon des initiatives,soit col lectives, soit privées et av ec des conclusions généralem ent posit ives. Par aill eurs,une réunion est organisée le 14 septem breà Florac, afin de rendre com pte du voyage

à t ous les m aires concernés. Tous n’ ont pasrépondu à l’ appel, m ais on not e la présencede trente-neuf d ’entre eux ou de leurs re-présentants. Après que la délégation lozé-rienne a rendu ses conclusions po sitives, lacréation d ’un com ité d’action pou r la créa-tio n du Parc natio nal d es Cévennes est pro-posée pa r l e v i ce -p rési den t du conse i lgénéral de Lozère (Monestier) et acceptéepar u ne large m ajorité de l’assistance. L’ob-

 jec t i f de ce co m it é sera de « m ieu x faireconnaître les raisons et l’ int érêt d u projet aux populat ionsconcernées et de le défendre contre les attaq ues tend an-cieuses don t il est l’o bjet 3 ». Le Com ité d’ actio n est aus-s i t ô t c r é é e t r e c u e i l l e b i e n t ô t u n e s o i x a n t a i n ed’adhésions 4.

Dès lors, c’est un e nou velle pha se du débat par p resse int erposée qui s’engag e, avec, di-sons-le, une vivacité renouvelée. Car, à mesure que le projet rencontre davantage de

sou t i en au n i veau l oca l e t a l o r s que l aconsultat ion des com m unes va s’engager,les opposants s’ inquiètent et redoublentd’eff orts po ur fa ire p asser leur m essage.C’est, par exem ple, le long article signé parRené Roux au nom de Te r re céveno le :« Pourquoi nous disons “ non” au Parc na-tional des Cévennes » (M idi Libre , 5, 6 7 sep-tem bre 1968). C’est également l ’appel du f orestier en retraite M orel à l ’union d e défense

des propriétaires (21 octobre 1968). Par ailleurs, certains (fort peu nombreux, il est vrai)des « v isiteurs de la Vanoise » n’o nt pas été con vaincus. Ain si le m aire de Rousses, PaulMeynadier, qui regrette, tout d’abord, que « très peu de représentants agriculteurs ou

M arcel Chaptal. Le maire de St Juliend’A rpaon, « envoyé spécial » de Lou Païs en Vanoise, devient l’un desprincipaux milit ants du comité d’acti onpour la création du PNC.

3 - « Parc national des Cévennes. Après le voyage en Vanoise », M idi L ibre , s. l., s.d. [CD, fonds Roux].4 - Présidé par maître Felgerolle, conseiller général, son bureau est composé des maires de Saint-J ulien- d’A rpaon (M arcel Chaptal),

de Saint-Frezal-de-Ventalon (M . Chabrol), de Saint-M artin-de-Lansuscle (Edmond Fauris) et du conseiller général de Sainte-Enimie(Pierre Delmas).

    P   n

    C

    F   o   n    d   s    R   o   u   x

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comm erçants [soit] d es gens du pays qui seront vraim ent t ouchés par cette réalisation »aient été présents et déplore de même l’absence des élus du Gard. Il développe ensuitesa conviction que le m odèle de parc natio nal représenté par la Vanoise ne peut conveniraux Cévennes de 1968 qui connaissent u n aff lux t ouristique, une dem ande en résidencessecondaires et une m odernisation des équipement s agricoles (le tracteur rem plaçant lesbœuf s). Sa conclusion est donc nett e et bien dans une certaine tonalit é cévenole :

« Je n’ai pas été élu pour céder à un organisme où je ne saurais que très mal représenter lesvillages et sépultures de mes aïeux. Multiplions les gîtes ruraux et les vil lages de vacances.Reston s le pays de l’accueil, com m e nou s le fûmes en 194 2. Respecton s l’hospitalit é de nos an-cêtres, c’est la voie d e dem ain. M ais sachant très bien qu i si le parc se fait , i l nous tiend ra. Or-gani sons le pays de l’accueil et non le relais de l’exil. Vive la liberté 5 ! »

M ais sur t out es ces critiqu es, le comi té d’ ac-

tion veil le et répond vigo ureusement 6. Telest le cl im at en Lozère à l ’aut om ne 1968, àla veil le de la délibération des communessur le principe de la créatio n du Parc natio -nal des Cévennes. La balance semble dés-orm ais plutô t pencher en faveur du projet,d ’ au tan t qu ’ un ce r t a i n nombre d ’ o rga -nism es lozériens ont , depui s l’été, émi s unavis favorable : le conseil général le 23 avril,la chambre de com m erce, le 24 jui l let ; l’Of-fice du t ourism e, le 31 ao ût . Le Club Céve-n o l , « t e n a n t c o m p t e n o t a m m e n t d e sint éressantes imp ressions rapport ées de larécen te v i s i te au Parc de la Vano ise » ,adopt e le 8 septem bre une motio n « quasiunanime » en faveur du projet 7.

La frond e du Gard

Si, à l ’autom ne 1968, la situation apparaît plut ôt favorable au parc en Lozère, où d’ im-portan ts m oyens ont été d éployés par les fonct ionnaires responsables du projet p ourconvaincre, i l n’en est pas de m ême dans le départem ent d u Gard. Nous ne disposons quede peu d’ informations sur le débat autour du parc dans ce département, mais certainsélém ents m ont rent q ue les question nement s sont à peu p rès les mêmes qu’en Lozère. Àdeux reprises en effet, en novem bre 1967 et avril 196 8, des déput és com m unistes du Gardinterpellent l e ministre de l’Ag riculture au sujet de la création du parc 8. Le m inistre répondchaque fois par la vo ie off iciel le 9. Les préoccupations relayées par les députés gardois

5 - Voir Paul M eynadier, « Retour du Parc nati onal de la Vanoise », M idi L ibre , septembre 1968, fonds Roux. Voir aussi la polém iquequi s’engage dans le M idi L ibre entre le Comité et un certain Bernard Veyriet, qui a conté sa visite du Parc de la Vanoise « ensolitai re » : « À propos du Parc. Un autre son de cl oche », M idi L ibre , 2 octobre 1968.

6 - Pour exemple, la réponse du Comité d’acti on au forestier M orel : « Bas les masques ! », M idi L ibre , s.d., [fonds Roux].7 - « M otion en f aveur du Parc national des Cévennes votée par l’assemblée générale des m embres du Club Cévenol (motion rédigée

par le col onel Fauris) » [AN, CAC : 19960018/ 34].8 - Question écrite au ministre de l’A griculture posée par Gilbert M ill et, député communiste du Gard, adjoint au maire d’A lès, le 10 no-

vembre 1967 ; question de Roger Roucaute, maire d’A lès, avril 1968.9 - Voir la seconde réponse du minist re dans le Journal Officiel du 17 avril 1968.

Délibération du Conseil généralde la Lozère en faveur du projet,le 23 avril 1968

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sont de trois ordres : tout d’abord une dem ande de participation des élus et des populat ionsaux travaux destinés à faire aboutir le projet ; ensuite une interrogation q uant à l’ import ancedes crédits d’ investissem ent et de fonctio nnem ent susceptibles d’être accordés au p arcnation al ; enfin, une inquiétud e concernant la compat ibi l i té du parc avec l ’existence desactivités agricoles et pastorales dans la région concernée.

Concernant l ’ in form ation et la consultatio n des élus et des populations, on a d éjà évoquéun certain défaut de l ’action adm inistrative en ce dom aine pour le département du Gard,et on peut penser que les événements qui se produisent à l ’automne 1968 en sont engrande part ie la conséquence. Ainsi les réponses du m inistère de l ’Agricult ure aux inquié-tu des exprim ées par les déput és ne suff isent-elles pas à calm er les cont estatio ns. Celles-c i éman ent sur tout du consei l généra l , présidé par le socia l iste Paul Béchard, for tepersonnalit é politiq ue (il a occupé depuis la guerre plusieurs mandat s nationaux et locaux),connu en part iculier pour son action de m odernisation radicale du centre-vi l le d’A lès lors

de ses mandat s de maire (1944-1965 ).

Paul Béchard (25 décembre 1899, Alès-26 avr i l 1982, M ontpel l ier)Né à Alès, Paul Béchard a suivi un e form atio n d’ off icier à Nîmes puis à l’École mi lit aire deSaint-Cyr dont i l sort major de sa promotion et à l ’École national de perfectionnementdes off iciers de réserve du service d’État Major. Après la guerre, i l a occupé plusieursm andats polit iq ues nationaux. I l fut t rès brièvement sous-secrétaire d’État à l ’Arm ementdu gouvernement Léon Blum (18 décembre 1946-16 janvier 1947) ; aussi br ièvement se-crétaire d’État à la Présidence du Conseil et secrétaire d’ État à la France d’Out re-M er dugouvernement Ramadier (22 octobre 1947-19 novem bre 1947) ; secrétaire d’État à laGuerre du gouvernement Robert Schum an (24 no vembre 194 7-28 janvier 194 8). Ensuitei l fut nom m é Gouverneur général de l ’Afrique occidentale française (27 janvier 1948-24m ai 1951). Carrière polit iq ue locale. M aire d’Alès de la Libération à 1965, i l fut le « g randm odernisateur » du centre-vi l le, dont l ’action fut assez vivement crit iquée (destruction ducentre historique au prof it de grandes barres HLM ). Il a occupé tro is m andat s parlementairessuccessifs comm e député SFIO du Gard (194 6-1948, 1951 -1955, 1958-19 67) et f ut éga-lement sénateur (195 5-1958 ). Enfin i l présida le conseil général du Gard durant douzeans (1961-1973). (Source : Wik ipedia)

À l’aut om ne 1968, Paul Béchard condu it un e délégat ion du conseil général du Gard visiterle Parc nati onal des Pyrénées Occidentales afin d e s’inform er sur la réalité des parcs na-tionaux, tout comme l’a fait René Roux en 1967. Car si le Parc de la Vanoise a servi depoin t d ’ap pui p our l es prom ot eurs des parcs natio naux à créer, le Parc des Pyrénées sert,lui, de repou ssoir pou r leurs opp osants. À la suite du rap port du président Béchard sur cevoyage d’étude, le conseil général, très divisé sur la question du Parc des Cévennes 10 ,décide d’adop ter un texte qui condit ionne l’avis favorable du conseil au projet par l’obtent ionde garant ies présentées en 14 po int s (séance du 8 no vem bre 196 8). On peut les résumerainsi : une majorit é d’élus locaux d ans les instances décisionnaires du parc, avec un nom bre

égal d’élus entre le Gard et la Lozère ; le respect des pacages tradit ionnels et des l ibertésen m ati ères de pêche, chasse et cueillett e ; que les limit es du p arc soit r epoussées suffi-samm ent loin des statio ns de ski pour ne pas entraver leur développement ; l ’auto risationde construire pour les propriétés enclavées dans les l imit es du parc ; connaître le m ont antprécis des subvent ions qu i seront all ouées à la zone périph érique et q ue celles-ci fassent

10 - Selon les inf ormati ons de presse archivées par l’abbé Roux, les membres du conseil général qui se sont alors déclarés hostilesau projet sont : M M . Valles, Cavalier-Bénézet, Bastide et Rigal (conseiller général du canton de Trêves).

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l ’ob je t d ’une enveloppe par t icu l ière ; le maint ien de pro je ts d ’aménagement rout iersf igurant au programm e du consei l général ; le maint ien également de la com péti t ion au-tom obile dit e « Targa cévenole ». Le texte s’achève sur la dem ande que « le but premierdu Parc national des Cévennes [soit] avant t out de prom ouvoir le développem ent écono-m ique et t ouri stique de la région cévenol e ». Enfi n, le conseil général décide de créer unecommission habilitée à négocier sur ces questions avec les « représentants qualifiés del ’administrat ion » 11 .

Certaines com m unes du départem ent prennent ensuite des délibérations sur un m odèleidentique 12 . L’embarras des autorités publiques est alors à son comble. Le préfet de laLozère, Claude Brosse, s’ouvrant de ce problèm e au m inistre de l’ Agri culture, souh aite q ueles pop ulat ion s lozériennes, « p rincipales int éressées dans cette af faire, qui est avan t t outla leur » , ne soient pas pénalisées par les réticences de leurs voisins gardo is, tout retarddans la procédure de création du p arc risquant , selon lui, de conduire à un abandon du

projet. Le préfet ne voit que tro is solut ions possibles : la prem ière serait de retirer purementet simplem ent les comm unes gardoises du projet de parc, à l ’exception d es terrains do-m aniaux de l ’A igoual ; la seconde, de repousser la procédure prévue de consultat ion descollectivit és gardoises en espérant un changem ent dans l ’opinion ; la troisième solut ion,qui a la faveur du p réfet, consisterait « à exclure du projet les com m unes gardoises de lazone périphérique et à placer dans cett e zone celles qui sont incluses actuellement pourpartie dans le parc 13 »

C’est la solution d’att ente qui est retenue par le m inistère. Après une nou velle réponseofficiel le du m inistre de l ’Agriculture (17 d écembre 19 68), on décide d’organiser dans leGard un cycle de réunions d’ inform ation anim ées par Pierre de M ont aignac et son ho m o-logu e à la Directio n départem entale de l’Agricult ure, l’ ing énieur Chabro l. Cett e cam pagn ed’in form atio n s’achève le 15 jan vier 1969 , avec, com m e en Lozère, quelqu es effets positifspuisque certains élus acceptent de revoir leur posit io n. Par ai l leurs, face à la situ atio ndélicate créée par la réaction des élus gardois, l’administration reçoit, une fois de plus,des souti ens locaux . Ain si le Club Cévenol dem ande-t -il à Pierre M eynadier de rédiger unarticle de propagande 14 . Ce texte int i tulé « Ou i au Parc des Cévennes ! » aurait eu « uneffet heureux dans diverses communes gardoises 15 » .

Finalem ent, après bien des discussions et un débat qui aura ét é particulièrem ent ho uleux,le conseil général f init par émett re un avis favorable au projet, à une très courte m ajoritécependant 16 . Yves Bétolaud, qui représentait le m inistère de l’A gricultu re lors de la séancedu 8 novem bre 1968, avait gardé un souvenir particulièrement vif de ce débat. L’avenirdu Parc natio nal des Cévennes se serait jo ué, selon lu i, au conseil général du Gard :

« À Nîmes [au conseil général du Gard], ça a été extrêmement dur. Il y a eu un cirque abom inableet une t rès forte em poign ade. Nou s avons eu une séance particulièrement houleuse, et j ’ai m ain-tenu m on pro jet, en disant : “ Vous prendrez la décision, et vous en port erez la responsabil i té.”

Alo rs le conseil général n ’a pa s osé voter t out de suite, i ls ont d ifféré, i ls sont revenu s à Paris11 - Cette comm ission est composée de M M . Bastide, Cavalier-Bénézet, Rigal, Corbier, Brun, Blanc, Béchard, Valles et de Clercq.12 - C’est le cas du conseil municipal de Colognac, le 15 décembre 1968 [AD, 1201w 4].13 - Correspondance Claude Brosse, préfet de l a Lozère–Yves Bétolaud, sous-direction de l’Espace naturel, 19 décembre 1968 [A N,

CAC : 19960018/34].14 - Correspondance M eynadier-de M ontaignac, sans date (janvier 1969) [AD, 1201w 4].15 - Correspondance de Montaignac-Meynadier, 28 janvier 1969 [AD, 1201w4].16 - Les résultats du vote des conseillers généraux du Gard le 14 janvier 1968 sont, pour 33 votants : 15 votes pour, 8 contre,

10 abstent ions (Capiaux, 1979 : 97).

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voir, et p uis on est reven u là-b as, tout un chassé-croisé. Et f inalem enti l y a eu un vot e, qui a été en faveur du parc. M ais de peu ! C’était ,

 je crois, la prem iè re fo is q ue le co nsei l g én éral du Ga rd vo tai t cont re son présid en t et une bonnepart ie des leaders, pour un p rojet “ parisien” . C’était M . Bichard (sic.), qui était président d uconseil général. Un ancien gouverneu r des colon ies, ancien m inistre je crois, un h om me im port ant,et i l était très virulent et opposé au parc. » (Yves Bétolaud, entretien Pierre Gaudin et ClaireReverchon, 198 2.)

L’enquête pré l iminaire (octobre 196 8-mars 1969)Les consult atio ns locales, qui clôt urent la phase d’ét udes prélim inaires, se sont d érouléesdans ce clim at t endu. Ces consultat ions se déroulent en deux t emp s. La logi que étant to u-

 jo urs de pen ser à un ef fet d ’en t ra înem en t des él i tes su r les populat io ns, on ap pel le toutd’ab ord les organ es des collectiv ités locales et org anism es consulaires à se prono ncer surle principe de la création d u parc. Cett e consult ati on est destinée à renseigner le gou ver-

Prise de position d’un élu duGard contre le projet de parc,14 novembre 1968

    C    D

     G   e   n

    (    f   o   n    d   s    R   o   u   x    )

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nement « sur l ’accueil qui est fait au pro jet par les collectivités locales et les organism esconcernés et sur l ’o pport unit é qu’i l y a à envisager la poursuite de la procédure 17 ». Lecas échéant, après avis du Conseil int ermin istériel des Parcs nationau x, le Premier m inistredonne son accord pou r la pou rsuite d e la procédure. On procède alors à l’enquête pub lique,durant laquelle les personnes et collectivit és concernées pourront se prononcer indivi-duel lement.

Un calendrier comm un aux tro is départem ents avait été arrêté pour l’enquête prélimin aire,afin d’ éviter que l ’op posit ion au projet p uisse agir successivem ent d ans chacun d’ent reeux. M ais à cause d’un défaut de coordination d ans l ’action ad m inistrative, i l n’a pu êtrerespecté et les consultat ions se sont dérou lées de m anière échelonnée. Elles ont d ébut éen Lozère en o ctobre 1968 et se sont achevées en d écembre, certaines com m unes s’étantto ut efois prono ncées, on l’ a vu, dès le mo is de juin . La consulta tio n s’est eng agée ensuit edans le Gard en janvier 1969 et s’est t erminée en mars, au m om ent où comm ence la pro-

cédure en Ard èche.

D’un département à l ’aut re, les résultats de l ’enquête préliminaire connaissant certainessimil i t udes, i l est in téressant de les présenter no n pas selon l ’ord re chronolog ique desvotes, mais selon le type d’assemblée consultée, en distinguant s’il y a lieu les résultatsdans chaque départem ent.

L’avis positif d es assem blées dépa rtem enta lesPour des raisons tact iques, du fa it de l’exi stence d’un coura nt t rès favo rable en leur sein,les assemblées départementales de la Lozère et du Gard ont été consultées avant lesconseils municipaux. En effet , dans les deux départem ents, ces organismes ont été im pliquésdepui s plusieurs années dans le proj et de créatio n d’ un p arc en Cévennes. C’est le cas enpremier l ieu du conseil général de la Lozère, depuis la formulat ion de son vœu en 19 56 ;i l en est de m ême po ur les chambres consulaires (com m erce et agriculture), qui ont unerelation de forte proxim ité avec certains mil i t ants du m ouvem ent cévenol. On peut citerpou r exemple, à la cham bre de comm erce du Gard, Henri Niguet , m emb re associé, engagétrès activement dans la promot ion du p rojet au nom de Font Vive et du Club Cévenol ouAn dré Schenk , secrétaire de la Fédération des associati ons Cévenoles (FAC) et conseillertechnique d e la cham bre. De son côt é, la cham bre de com m erce de la Lozère t ient à

rappeler qu’elle « a dès l’orig ine apport é son appu i effectif aux prom oteurs du Parc national,et qu’ elle a to ujou rs été très attachée à ce m oyen de remet tre en valeur les Cévennes 18 » .

Sans surprise, les chambres de commerce et d’industrie attendent surtout de la mise enplace du parc national u n regain de l ’activit é économ ique par le to urisme, en particulierdans la zone périphériqu e. L’an non ce de la fermet ure de l’une des principales activ ités in-dustrielles de la Lozère, l’usine métallurgique de Saint-Chély-d’Apcher – dont les réper-cussions symb oliques rappellent celles provoqu ées par l ’arrêt du CFD – vient, s’ i l étaitpossible, renforcer encore cett e att ente. L’appo rt f inancier att endu avec la création du

parc (on pense aux « 453 millions d’anciens francs du Parc de la Vanoise ») devient unargum ent crucial en sa faveur 19 . La cham bre de comm erce de la Lozère tient t out efois à

17 - Lettre de Raymond Rudler, préfet de la Lozère au président de la Chambre départementale de commerce et d’industrie, 8 juin1968 [AN, CAC19960018/34].

18 - Chambre de commerce et d’industrie de la Lozère, extrait du procès-verbal des délibérations, séance du 24 juillet 1968, p. 128[AN, CAC : 19960018/ 34].

19 - Lou Païs , décembre 1968, p. 233.

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souligner le risque de discriminatio n à l ’ égard des activit és comm erciales que com port ele projet de réglement ation d u parc 20 .

Les cham bres d’agricult ure se mon trent plus circonspectes et assort issent leur avis favorablede réserves rela t i ves à l ’exercice de la pro fession, don t l ’ ent ière l iber t é devra ê t regarant ie « en part iculier pour les pacages, la cueillette des cham pigno ns et au tres produit snaturels, le droit de chasse et de pêche » (Ardèche) ; à l ’ indemnisation des agriculteurstouchés par les servitudes du parc (Gard) 21 ; à la représentation des intérêts des agriculteursà la com m ission int erdépartem entale de la zone périphériqu e (Ardèche). En Lozère, lachambre d’ agriculture, consultée dès l’aut om ne 1967 , a été, on l’a vu , étroit ement associéeà l ’élaboration du p rojet par l ’ in term édiaire de personnalit és comm e Paul Flayol.

I l y a tou tefois en fonctio n des département s, une différence de degré et de qualit é dansl’adhésion des assemblées départementales au projet de parc. Très forte en Lozère, elle

est beau coup p lus partag ée dans le Gard (à l’exem ple du conseil général). L’Ardèche pré-sente apparem m ent un e problémat ique plus sim ple, du fait que les comm unes de ce dé-partem ent sont uniquem ent concernées par la zone p ériphérique. Le problèm e des éluset représentant s de l ’Ardèche est m ême à l ’ inverse des deux aut res départem ents : i lsconsidèrent que la zone périphérique ne l ’englobe pas assez. Sur la proposit ion de lachambre d’agricultu re, le conseil général de l ’Ardèche rend ainsi hom mag e au « pionniersdu m ouvem ent du PNC » et émet un avis favorable au p rojet, sous réserve de l ’extensionde la zone périphérique « au x com m unes de caractère cévenol marqu é dans les cantonsde Valgorge et de Saint -Étien ne-de-Lugdares et dans ce dernier cant on surt out l ' inclusionde la com m une de Saint-Laurent-les-Bains qui en a exprimé le souhait 22 » .

L’avis officieux de s orga nism es intére ssés par le pro jetUn certain nom bre d’organismes « concernés » on t été consultés alors que la procédurene le prévoyait pas. Là encore, c’est sans dout e un effet d’en traînem ent b énéfiqu e qui estescom pt é, m ais aussi, peut -être, un signe de reconnaissance adressé par l’ad m inistrat ionà des organismes qui « pèsent » sur le terri toire du fu tur p arc ou qui on t part iculièrementappuyé le projet.

L’avis favo rable des association s prom ot rices d’u n parc est do nc recueilli, avec cependant

des nuances sensibles de l’u ne à l’au tre. Le bureau de Font Vive s’exprim e en nov emb re196 8, sans aucune réserve. En revanche, l ’avis form ulé par l ’A ssociati on p our un Parcnat ional cultu rel des Cévennes, dirigée par Charles Bieau, est assort i de neuf « souh aits etdemand es », relatifs à la représentatio n locale et au recrutem ent priorit aire « parm i lesmembres de l’Association du Parc des Cévennes et des habitants » 23 . Par a illeu rs, alor sque le projet p roposé par Georges M azenot ne fait référence à aucune lim itatio n de surface,l ’APNCC demand e la l ibre disposit ion du droit de chasse pour les propriétaires de terrainsde plus de 25 hectares. Enfin, il est demandé une consultation spécifique et séparée deshabit ant s et des prop riétaires. L’APNCC, tout revend iquan t l’exclusivit é de la représentat ion

des popu lat ions du Parc des Cévennes, por te do nc clairement , à trav ers ce vœu, les int érêtsdes propriét aires et, semble-t -il, parm i eux, des plus aisés.

20 - Id., op. cit.21 - Procès-verbal de la réunion de l a chambre d’agricul ture du Gard, 21 janvier 1969 [Capiaux, 1979 : 97].22 - Compte-rendu de la réunion du conseil général de l’ Ardèche, 10 mars 1969 [AD, 1201w4].23- Copie de l’avis du Parc national culturel des Cévennes, déclaré conforme en date du 12 décembre 1968, [AN , CAC : 19960018/34].

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pulat ion s et à la p art ic ipat ion effect ive de l ’État à l ’ équipement économ ique de la zone péri-phérique, parurent être un animem ent considérées comme raisonnables par l ’assemblée 24 . »

L’organ e de décision régionale du Club se mon tre don c particulièrement sensible au débatpoli tiq ue et souhait e sans dout e ne pas s’alién er les élus gardois et lozériens réfractaires

au projet.

Sont consultées enfin, après l’Office du tourisme de Mende, les fédérations lozériennesde la chasse 2 5 et de la pêche, qui se déclarent favorables à l ’unanimité, la secondeannonçant m ême son adhésion au Com ité de soutien du PNC 26 . Avis favorab le égalementdes trois syndicats lozériens à vocat ions m ult iples représentan t seize com m unes (les SIVOM

 – Syndica t s in t er co m m unaux à voca t ion m ult ip le – de Flo rac, des Hauts-Ga rdons, desSources du Tarn et du Pont-de-Montvert), avec toutefois des demandes insistantes quel’on tro uve réit érées par les collectivit és locales à de très nom breuses reprises.

Délibérat ion du Syndicat inte rcomm unal à vocation mult iple de Florac :« Considérant que le projet de PN doit heureusement inf luencer l'économ ie locale par les in-vest issements qu' i l permettra de réal iser, par les emplois dont i l entraînera la créat ion, parl 'appo rt to urist ique qu ' i l suscitera.Considérant les conclusions déposée par la délégat ion d' élus lozériens après un voyage enVanoise [… ] Ém et un avi s favorab le au principe de la création du PN dans les Cévennes, dem andeavec insistance :1) que le siège de l 'Établ issement publ ic à créer pour la g est ion et l 'am énagement du PN soitf ixé à Florac ;2) que la représentat ion des intérêts locaux soit n on seulement p ari taire mais majori taire ausein du conseil d’adm inistrat ion » (8 novem bre 1968).

L’avis contrasté des municipalitésAu tot al, sur les trois département s, 131 com m unes étaient concernées par le projet deParc nat ion al des Cévennes. Dans la lectu re des résult ats de la consult ati on d es conseilsmu nicipaux, i l convient tout efois d’ introduire une di f férenciat ion géographique fonda-m ental e, relativ e à la situ ati on des comm unes sur le plan de l’espace du parc. En effet , laport ée de l’engagement dem andé aux conseils m unicipaux n’est évidemm ent pas la mêm e

selon qu e la comm une possède ou non une partie de son territoire dans la zone parc pro-prement dite (ou « zone centrale ») 27. Par rappo rt à ce premier critère spatial, l’appartenancedépartement ale est u n élément secondaire de différenciation.

En po urcentage global, 68 % des conseils m unicipaux on t accordé un avis favorable auprojet , contre 32 % d’avis défavorab les. M ais si l’on con sidère seulem ent les avis form uléspar les conseils municipaux des com munes concernées par la fut ure zone parc, la proport iond’avis favorables tom be à 53 % contre 47 % (Capiaux : 99), ce qui tém oigne bien de ré-ticences ou d’inquiétudes persistantes vis-à-vis du projet.

Enfin, un grand nom bre de comm unes « favorables » des départem ents de la Lozère etdu Gard o nt exprim é des réserves, parfo is très détai llées. Au ssi le « ou i » au p arc natio nal

24 - Arti cle de presse non identif ié [CD, fonds Roux].25 - 25 novembre 1968 [AD, 1201w4].26 - 10 novembre 1968 [AD, 1201w4].27 - Le projet de l’administration prévoit qu’aucune commune n’aura son territoire entièrement inclus dans la zone centrale.

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est-i l t rès souvent un « o ui m ais », selon la f orm ule choisie par le conseil mu nicipal deMoissac-Vallée-Française 28 .

En Lozère , 63 comm unes étaient concernées, dont 39 auraient une partie d e leur terri toireincluse dans la zone parc. Les résultat s du vo te des conseils m unicip aux do nnen t 41 av isfavorables contre 22 défavo rables. Ce résultat constitue bien ent endu une victoire indéniablepour les fonction naires en charge de la mise en place du projet, surto ut si l’on t ient com ptedu cl im at largem ent ho sti le dans lequel est n é le projet de l ’adm inistration, ce qui laissaitprésager d’un « n on u nanim e » (Pierre de M ont aignac). Cependant , si l ’on considère lesseules com m unes dont une part ie du t erritoire serait incluse dans la zone parc, 22 d’ entreelles seulem ent se déclarent fav orabl es au pro jet cont re 17 avis contra ires. Ce résult at endemi-t einte, ainsi qu’un certain nom bre d’aut res caractéristiques de ce vot e, obligent àrelativiser le succès de la campagne de persuasion entreprise par la mission d’étude.

Tout d’abord , on peut constat er qu’à de rares exceptions près, le groupe de com m uneshosti les dès l ’origine au projet de l ’adm inistration s’est m aintenu d ans son opin ion défa-vorable et s’est mon tré tot alement insensible aux arguments des promot eurs du parc :ces com m unes ont vot é unanim ement contre. Géographiquement , ce groupe se disting ueassez nettem ent com m e appartenant au versant océanique de l ’Aigou al et au Causse. Ilest à no ter qu e, parm i elles, les six comm unes qui se partag ent le t errito ire de la Can del’Hospitalet, petit plateau situé à la frontière des Cévennes et des Causses, ont émis unvote défavorable 29 .

Par ailleurs, certains conseils municipaux se sont montrés extrêmement partagés, alorsm ême qu ’ils possédaient en leu r sein d’act ifs mili tan ts pour la cause du parc. C’est le cas,assez spectaculaire, de Saint-Julien-d’A rpaon, do nt le conseil, m algré l ’engag ement deson m aire M arcel Chaptal , a d’abord form ulé un vot e major i ta i rement défavorable auprojet. Ce n’est que le revirement d ’un des conseil lers en fin de vot e qui a f ait f inalementbasculer la comm une dans le cam p des « pour » 30 .

Dans le département du Gard , sur les 48 com m unes concernées, 27 conseils m unicip auxont voté « pour » contre 21 avis défavorables. Ce vote favorable a été ob tenu avec uneextrême justesse, et souvent u ne courte m ajorité num érique au sein des conseils (Capiaux :

98). Comme en Lozère, les avis favorables sont assortis d’un grand nombre de réserves.Ainsi la commune de Valleraugue – dont le maire, Francis Cavalier-Bénezet s’est montrétrès crit ique vis-à-vis du p rojet, tout en restant ouvert à la discussion – émet-elle un avisqui t ient com pte des garanties apportées par l ’adm inistration sur les 14 point s soulevéspar le conseil général, tout en présentant pas moins de neuf réserves 31 .

Dans le département de l ’Ardèche , enfin, les 20 com m unes de l ’arrondissement de l ’Ar-gentière (soit grosso m odo l ’aire d’action de l ’association Font Vive) ont été consultéessur leur int égration d ans la zone périphérique. 15 de ces comm unes ont exprim é un avis

favo rable, 5 ont exprim é leur refus de principe, considérant « que les réalisation s prévues28 - Extrait du registre des délibérations du conseil municipal de Moissac, 20 octobre 1968 [AD, 1201w4].29 - Ce sont les communes de : Rousses, Le Pompidou, Bassurels, Vébron, Barre-des-Cévennes, Saint-Laurent de Trêves.30 - « Après le vote et avant que l a séance ne soit close, M . Bruguière Fernant ayant mani festé son int ention de revenir sur son vote

et d'émettre un avis favorable à la création du Parc ; ayant ultérieurement envoyé une lettre à M. le Sous-Préfet de Florac luifaisant part de sa décision de voter oui. Le maire en a pris acte. Cela changeant le résultat du vote. » Délibération du conseilmunicipal de Saint-Julien d’Arpaon du 5 novembre 1968, modifié le 12 novembre 1968 [AD, 1201w4].

31 - Extrait du registre des délibérat ions du conseil munici pal de Valleraugue, 2 mars 1969 [AD, 1201w4].

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n’étaient pas de nature à améliorer la situation économique et sociale dans leur com-mune » 32 .

L’examen des motivations, défavorables ou favorables, invoquées par les conseils muni-cipaux montre, de plus, que les inquiétudes formulées en 1967 n’ont pas disparu. Lesconseils municipaux de la Lozère qui on t vot é « pour » ont pour la plup art ut il isé un exposédes m otivat ions identique, sans doute préalablement rédigé par le Comité d’ action pou rla création du PNC, en lui ajoutant éventuellement des demandes ou des réserves.

Exposé des mo tifs des conseils municipaux f avorab les au projet« Vu le dossier de consultat io ns déposé en mairie le 23 m ai 1968 [… ], tenant comp te des ex-plicatio ns orales don nées ant érieurem ent aussi bien par M onsieur le sous-préfet d e Florac quepar M onsieur l ' Ingénieu r du Génie Rural des Eaux et Forêts chargé de mi ssion p our le PNC.Considérant q ue le projet de Parc national est la seule entreprise capable de réanimer l ' économ ie

locale par les investissements qu'il permettra de réaliser, par les emplois dont il entraînera lacréat ion, par l ' apport tourist ique qu ' i l suscitera.Considérant les conclusions déposées par la délégat ion d' élus lozériens après un voyag e en Va-noise. Après avoir pris acte de l 'engagem ent d e l 'Ad ministrat ion,1°) de prom ouvoir un Parc nat ional qui t iendra compt e des part iculari tés du p ays Cévenol ;2°) d'assurer aux intérêt s locaux un e représenta tio n parit aire au sein du CA [etc.]. »

Tout comme le Parc national d e la Vanoise avait été présenté et reçu com m e un « instrum entde m ise en valeur régi onal e » (M auz, 2003 : 91), le Parc nat ion al des Cévennes est réso-lum ent considéré par les élus cévenols com m e une entreprise de réanimat ion économ ique,et leurs deman des ou réserves sont en adéq uat ion av ec cett e finalit é essentielle assignéeau parc. Elles peuvent être regroupées en qu elques grands thèmes : les « l ibertés » (del’activité agricole et des pratiqu es « t radit ionn elles ») ; la représentatio n locale dans lesinstances du parc ; l ’emp loi dans l ’am énagement et l ’entretien du parc (que l ’on souhaiteréservé aux populat ions locales) ; le statut de la zone périphérique (mo dalités de gestionet enveloppe budgétaire) ; les l imit es du parc (qui ne doivent pas gêner l ’exploitat ion desterres ou les possibilit és de construct ion). Enfi n, l’on souhait e vivem ent, pour d es raisonsde prestige bien com préhensibles, que le siège de l’étab lissement pub lic se trou ve au chef-l ieu du département.

Ces m ot ivat ions ne diffèrent pas de celles exprim ées dans les deux aut res départ emen ts.Ainsi le conseil m unicipal de Valleraugue (dont une part ie du territoire est incluse dans lazone centrale) ne consent-i l au projet que parce que l ’assurance aurait été do nnée « quele but prem ier du Parc est le développem ent économ ique et to uristique ».

Une dem ande originale : protéger les ruraux contre les citadinsSaint -Privat d e Vallong ue, situ ée en zone périphériq ue, demand e qu e « les services de surveillancedu parc puissent intervenir dans [cette zone] af in de prot éger les exploitat io ns agricoles contre

les citadin s qui, sans auto risation, pil lent les récoltes » (5 octob re 1968 ).

Les motivatio ns invoquées par les com m unes défavorables au projet po rtent quant à el lessur quat re thèm es prin cipaux. Le premier est celui de la défense de la propri été privée et

32 - Ce sont les communes de : La Figère, Les Salelles, Gravières, Chambonas et l es Assions [AD, 1201w 4]. Ce sont les communesde : La Figère, Les Salelles, Gravières, Chambonas et les Assions [AD, 1201w 4].

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de ses « l ibertés ». L’avis unanim ement hosti le prononcé par le conseil m unicipal de M asd’Orcière, sur le versant nord du mont Lozère, est exemplaire sur ce point. Il reprend eneffet à son comp te une pétit ion signée par l ’ensemble des propriétaires de la comm une,

dont les 11 conseil lers municipaux, laquelle dénie au conseil municipal la compétence« lo rsqu’i l s’agit de décider de l ’ imp lantat ion d u Parc sur la prop riété privée ». Les pro-pr iétaires auraient d onc dû être consul tés en tant que t els, avant la consul tat ion desconseils 33 .

Délibérationde la commune d’Altier

33 - Extrait du registre des délibérations du conseil municipal de Mas d’Orcières, 25 octobre 1968 [AD, 1201w4].

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La contestation du caractère dém ocratique de la procédure ou des mo dalités de fonction-nement prévues pour le f utu r parc est un second m otif qui revient à différentes reprises.À Saint-Martin-de-Lanscucle, on pense ainsi que la création du parc aurait nécessité unréférendum des comm unes 34 .

Un troisième thème est la crainte du préjudice causé par les servitudes de la zone-parcau développement agricole ou plus largement économ ique. C’est p articulièrem ent le caspour quat re comm unes gardoises du cant on d e Trêve, hosti les à leur inclusion d ans lazone cent rale. D’ap rès une lett re adressée au Président du Conseil, Jacques Chaban -Delm as,par leur conseil ler général Edm ond Rigal (l ’un des chefs de fi le de l ’o pposit ion au parc auconseil général), ces com m unes – qui b énéficient d’ une fort e expansion de l ’activit é tou-ristique – craignent que leur développement ne soit entravé par leur situation en zoneparc 35 .

Enfin, un m ot if très fort, exprimé aussi bien par des com munes dont l e territoire est concernépar la zone cent rale que par celles uniquem ent in cluses dans la zone périph érique, est lerefus même de la législation sur les parcs nation aux (loi de 1960 et décret d ’applicationde 1961). C’est un refus que l ’on peut considérer en fait com m e unanim ement p artagé,puisqu’i l rejoint la dem ande form ulée par tou tes les collectivit és locales que le décret d ecréation d u p arc respecte la singulari té cévenole. Sur la b ase de ce m ot if, le choix q uiconduit à u n vot e posit i f ou négatif se fonde don c bien sur la seule « croyance » qu e l ’onpourra, ou n on, adapter la législation au t errain. Les avis pronon cés par les com m unesqui invoquent le refus de la législation sont d’ai l leurs très souvent ambigus, semblantautant rejeter la création d’un parc que la désirer.

St-M art in-de Boubaux (zone périphérique), Maire: Verdeilhan (agriculteur)« Est d' accord po ur la créat ion d'u n PNC qui app orterait à la p opulat io n concernée une aideaccrue sous t out es ses form es, sans restreindre en quo i q ue ce soit les prérogat ives des élus, etles intérêts de cette pop ulat ion. Est form ellement opp osé à la loi du 22 jui l let 1960 et à sondécret d'a pplicat ion du 31 octo bre 196 1, qui régissent et réglem enten t les Parcs nat ionau x. Enconséquence émet un avis défavorable à la créat ion d'un PNC qui serait régi et réglement é parla loi du 22 jui l let 1960. »

St-Hilaire-de-Lavit (zone périphérique), Maire: Fernand Pantoustier (mineur)« Le conseil municipal [… ] considérant ses divers contacts avec ses administrés qui éprou ventune sensation d’ inqu iétude due à la loi du 22 jui l let 1 960 régissant les parcs nat ionau x et à sondécret d’appl icat ion du 31 octobre 1961, ces textes ne pouvant s’appl iquer qu’à une régiondéjà désertique, privée de vie hum aine et no n aux Cévennes, où la po pula tio n est éparse maisencore vivante, popu lat ion l iée depuis plus de cent an s aux Houil lères où el le fournit la m ain-d’œu vre nécessaire à l ’exploit at ion et o u les exploitant s agricoles déversent leur prod uct ionsur les marchés gard ois.

Devant toutes ces considérations le conseil municipal demande que soient étudiés à nouveauces text es, refon dus et ad apt és à la régio n cévenole, parce qu’ il a conscience qu’ il y a qu elquechose à faire dans nos Cévennes, le conseil mun icipal ne rejett e pas l’ idée de la création d’u nparc nat ional où les intérêts de la popu lat ion seraient garant is par les emplois fournis, par le

34 - Correspondance Fauris, maire de Saint-M artin-de-Lanscucle-M azenot, sous-préfet de Florac, 30 octobre 1968 [AD, 1201W 4].35 - Lett re d’Edmond Rigal, conseiller général de Trêves à M . Jacques Chaban-Delmas, Président du Conseil des m inistres, 15 octobre

1969 (AD, 1201W4).

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maintien des HHC [houillères], par la création d’industries légères, par le tourisme populaire,

Le conseil muni cipal devant l’éq uivo que qu e laissent ent revoir les aspects négatif s du pr ojet deParc nation al des Cévennes en applicatio n de l’art icle 4 du décret du 31 o ctobre 19 61, et aprèsen avoir dél ibéré au scrut in secret, vote [à l ’unan imit é] contre la créat ion. » (Délibérat ion du

conseil mu nicipal de Saint-Hilaire de Lavit , 11 novem bre 196 8.)

Derrière les adhésions et les résistances au parc : la dive rsité des identit ésspatiales

Comm e le souligne Jean Capiaux, l’analyse des mot ivations exprimées dans les délibérationsdes conseils municipaux n e permet pas d’expliquer des différences de vot es entre com munesvoisines ou placées dans des situat ions équivalentes par rapport au projet (Capiaux : 104)De mêm e, il n’ existe pas de véritab le fossé entr e les « p our » et les « cont re » le parc. Et

c’est peut-êt re ce qui exp lique qu e la recherche des facteurs isolés (par exemp le le polit ique,ou bien la « m émoire collective ») susceptibles d’expliquer les différences de vote semblepeu payante 36 . Car i l ne t ient f inalement pas à grand-chose que l ’on vote pour ou quel’on vote cont re. La perceptio n fo ndam entale des problèmes posés par la création du parcest à peu près partout la même, à l’exception, peut-être, des communes ardéchoises.

Jean Capiaux, com m e la plupart des observateurs, s’en remet t out efois en dernière instanceà l’inf luence du grou pe d’op positio n Terre cévenole, part iculièrement actif et eff icace danssa propag ande ant i-parc, pour expliq uer les pôles de résistance persistante au pro jet :« En réalité, les blocs d’opposit ion correspondent n ettem ent à la sphère d’ influ ence del’association Terre cévenole », cette influence ne s’expliquant elle-même que par le jeudes « réseaux de relations personnelles » (Capiaux : 105). L’explication n’est certes pasfausse, on pourrait tout aussi bien évoquer à l’ inverse, dans le camp des « oui », le rôlede personnalit és comm e M ichel M onod dans le canto n de Barre-des-Cévennes (la mun i-cipalité de Barre se « retourne » en 1969), celle du pasteur Bastian dans la région deSaint-Jean-du-Gard, etc. Mais le « jeu des réseaux » n’explique rien en lui-même. Si lediscours de ces individualités, pour ou contre le parc, « prend » à ce point dans certainssecteurs, on peut ém ettre l ’hypo thèse qu’i l recouvre des problèm es dont la profo ndeurgénérale est reconnue. Ces personnes ont une influence parce qu’elles savent exprimer

le mieux u n sentim ent collecti f ou donn er corps, par la paro le, à des « ressenti s » com plexeset dif fus.

Ainsi, plutô t q ue de chercher à expliquer par des facteurs « rationn els » le vo te de ceuxqui ont dit « non » – ce qui sous-entend que la posit ion f avorable au parc est seule « nor-m ale » et légit im e –, il paraît plus int éressant d’ observer, au sein d u vaste espace recouvertpar le projet de parc, des singu larités, des différences qui ap paraissent t out de m ême dan sla m anière de se représenter le prob lème du parc et d’y répon dre. M ais la perception deces singularités nécessite d’avoir recours à d’autres discours que celui exprimé dans les

délibération s – car tout ne peut se dire –, à un ensemble d’ élément s, parfois très subjectif s.Je ne fai s, dans les pages qui suivent , que fo rm uler des hyp ot hèses.

36 - Par exemple, si l’ on considère le facteur polit ique, dans les vallées cévenoles certaines municipal ités lozériennes à majorit é com-muniste ont émis un vote favorable (malgré l’opposition vive formulée par la Fédération départementale communiste), d’autresun vote défavorable. On peut évoquer aussi le cas de la Vallée Longue, dont les conseils municipaux se sont partagé égal emententre « pour » et « contre ».

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Terre cévenole e t les pôles de résista nce de la Can de l’Hospita let et de l’AigoualL’association Terre cévenole renvoie d ’abord à la pro blématiqu e particulière du Parc nationaldes Cévennes qui est la prédo m inan ce de la propriét é privée du sol. Les prop riétaires (ré-sidents ou extérieurs) possèdent 60 % de la terre classée en zone parc, le reste de lasurface étant constituée des propriétés domaniales de l’État (essentiellement soumisesau régime forestier). On comprend donc que derrière la création d’un parc national seprofi le po ur les propriétaires la m enace d’une expropriation réelle (mém oire des reboise-m ents étatiques) ou symboliqu e (perte de la valeur vénale des terres). M ais i l y a l ieu dedistinguer, parmi les propriétaires, ceux qui cultivent leur terre ou y élèvent leurs trou peaux,et ceux q ui p ossèdent d es terrains mais ne les cul t ivent pas. Ceux-là t rès souvent nerésident pas en Cévennes et s’adonnen t à la spéculat ion f orestière. L’oppo sition d e l’ancienforestier M orel sur le mo nt Lozère ou de l ’A PNCC dirigée par Charles Bieau (qui tou t enréclamant le parc ne cesse de m anif ester ses réticences), por te les intérêt s des prop riétai resles plus aisés qui redout ent que l ’adm inistration s’oppose aux plantat ions et aux coupes

dans les boisements privés. Tout au long de la m is en place du projet, l ’adm inistration nes’est d ’ailleurs pas gênée d’o pposer les « b onnes » préoccupat ions des petits propriét airescévenols aux « m auvaises » oppo sit ion s des « g rands » pro priétaires non résidents.

Cependant , Terre cévenole est part iculièrem ent en tendue dans un secteur, la Can de L’Hos-pitalet, qui constitue un e entité spatiale spécif ique, dont le vot e unanim e et décidé cont rele parc des six comm unes du plat eau sem ble bien t émoig ner. Cette singularité se man ifestetou t d’ abord, com m e l’explique René Roux, par le dynam isme particulier de ses exploit ation sagricoles (élevage bovin , ovin et caprin) 37 . M ais, au-delà de la dim ension strictem ent éco-nom ique, les habitan ts de la Can paraissent développer un sentiment d’ ident ité propre,identif ié par un chercheur comme un complexe entre identité caussenarde et cévenole(Dumez, 2009 : 159-164), dont on peut penser qu’il n ’est pas étranger à leur positionnementenvers le parc. Par ailleurs le secteur de la Can de l’Hospitalet se trouve lui-même sousl’inf luence d’une autre ent ité singulière, le mo nt Aig oual, et les liens tissés dans l’associationTerre cévenole sont également le reflet de cett e proxim ité.

Le m assi f de l ’ Aigou al est en effet un pôle de résistance part icul ier au projet de parcnational et cela était redout é d’ailleurs, dès l’origine, par l’adm inistration départem entale 38.Ici, le facteur explicatif régulièrement invoqué est celui de la « m émoire collective » relative

aux reboisem ents étatiques du 19 e et du début du 20e siècles. Le rôle d e ce fact eur est enréalité t rès difficile à évaluer. Une enq uête p récise serait nécessaire, fondée en p arti culiersur une collecte de la m émoire orale. Le mo tif apparaît to utefois dans la délibération duconseil municipal d’Alzon, comm une gardoise située au pied de l ’Aigo ual :

« Considérant que les éleveurs devraient assurer un e plus grand e surveillance de leurs trou peaux,i ls redoutent de voir apparaître les inconvénients qu’ i ls ont connus au m om ent des plantat ionsforestières. » (Extrait d u registre des délibératio ns du conseil mun icipal de la com mu ne d’A lzon,21 mars 1969)

Le projet de parc national est do nc perçu ici comm e une nouvelle tentative d’ im posit ionpar l’État de servit udes qui entraveraien t l’act ivit é pasto rale. Pourt ant , les sent im ent s vis-

37 - Terre cévenole, La Vérité sur le PNC , mars 1969, p. 6. La propriété de maître Roux, Solperières, est sit uée sur La can de l’Hospi-talet.

38 - Lettre de Roger de Saboulin-Bollena à son homologue à la Direction départementale de l’Agriculture du Gard, 10 février 1966[AD, 1201W7].

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à-vis de l’adm inistration f orestière semblent plus nuancés qu’o n ne le dit parfois et plusnuancés surtou t dans cett e région du Gard et d e la Lozère que dans certains cantons del’Ardèche. On se souvient no tam m ent d e la réaction de certains élus ardéchois lors de lapublication du décret d’app lication de la loi de 1960. Or, ce sont précisém ent les com m unesqui furent autrefois un foyer de contestation à la p olit iqu e forestière (Cornu, 2003 : 187-191) qui réclament en 1969 leur int égration dans la zone périphérique du parc national.I l n ’est d onc guère possible d’af f i rm er que les oppo sit ion s au projet de parc nat ionalréitèrent les confl i t s forestiers d’hier. Concernant l ’ Aigou al, i l est peut-être op port un derenvoyer, au-delà de la seule question forestière, à un ensemble d’éléments culturels ethistoriques qui ont f ini par constituer ce que l ’on pourrait nommer un « syndrome » dela résistan ce. Ce poin t a déjà été évo qué au début de ce livre, le th ème d e la résistan ce cé-venole, incarné spatialement par le haut l ieu 39 du massif de l ’Aigoual est omniprésent,dans le réci t l i t téraire comm e dans le discours sur soi quot id ien. La quest ion d u parcnational permet une nouvelle concrétisation de l ’esprit de résistance, face à un projet

perçu com m e une tentative d’em prise de l ’État sur le terri toire ; quit te à demander sonaide à cet État, mais du moins en aura-t-on dicté les conditions ici, en Cévennes. Le té-moignage que René Roux a bien voulu écrire sur son parcours et sur les raisons de sonopposition au projet m e semble de ce point de vue jeter un éclairage fort sur des motivat ionsqui ne peuvent décidemm ent se réduire à la défense d’int érêts part iculiers. C’est po urqu oi

 je le l ivre ic i dan s sa quasi-i ntég ra li té.

Le pa rcours et le point de vue d’un op-posant : René RouxJe suis né le 15 janvier 1921 à M ont pell ier.J'a i 89 ans.

M a fam i l le maternel le éta i t or ig ina ire deBeaucaire avec une nette préférence pourla Provence. J'a i des phot os de m a m ère etde sa sœur en costume d'Arlésiennes.

M a fami l le paterne l le é ta i t or ig ina i re deM ende, avec une origine plus loint aine de

la Champ agne. En effet , mon arrière-grand-père Roussel et mon arr ière-grand-mèreCheurlot étaient venus de ce coin de France,lui pour être « agent voyer départementalde la Lozère », elle pour suivre son m ari. Ondoit à Roussel le pont Roupt et la rout e desgorges du Tarn avec l ' é légant v iad uc deSaint-Chély-du-Tarn. M on père était m agistrat et j ' ai fait mes pre-mières études à Mende où il était procureur, à l'école laïque de La

Vabre, puis au collège jusqu'en troisième. I l a été nommé à Riom et j 'ai continué mesétudes jusqu' au bac au collège M ichel de l 'Hospital. Je suis l icencié en droit de la facult éde Strasbou rg parce que, après la défaite, en 194 0, cett e faculté a été repliée à Clermon t-Ferrand. J'ai été reçu à l ' examen du prestage et j 'ai p rêté serment d' avocat le 9 n ovemb re

39 - L’historien François Walter reprend la belle définition d’Yves Bonnefoy pour définir le haut lieu comme une adhésion forte d’ungroupe à un site, une relation « si intense, si accomplie, que ces êtres feraient corps avec cette terre, ce ciel » (Bonnefoy, citépar W alter, 2004 : 340).

M aître Roux dans lesannées postérieures à lacréation du Parc

    C   o    l .    R   e   n    é    R   o   u   x

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1942 devant la cour d' appel de Riom .

Le 11 nov embre 194 2 j ' ai été incorporé aux chantiers de jeunesse à M ont pell ier, com m eles autres Lozériens. L'armée n'existait plus et le service militaire avait été remplacé parle service aux chan tiers de jeun esse. À ce mo m ent -là je ne conn aissais pas les Cévenneset peu les Cévenols. J'évoluais entre M ende et Riom-Clermont -Ferrand. [… ] En juin 1943,

 j ' aurais dû êt re ren du à la vie ci vi le après m on t em ps de ch ant ier, si le gouvernem en tn' avait décidé de nous envoyer tous en Allemag ne pour aid er ce peuple dans son effo rtde guerre. J'ai décidé pour ma part que je n'irai pas travail ler pour les Allemands. J'aidéserté, j ' ai été arrêté, j 'ai f ait d e la prison, je m e suis évadé, et c'est là qu e j'ai ap pris lesCévennes et connu les Cévenols.

En effet je vivais sous une fau sse ident ité, avec de faux pap iers aux Abla tat s, ham eau dela com m une de Rousses. À l' évidence tout le m onde savait q ue j' étais réfractaire au Service

du t ravail obligato ire et, malgré la présence obsédant e des gendarm es, personne ne m 'a ja m ai s dén oncé. Lorsque le m aquis Bi r Hakeim y est ven u pour quelques jours avant depart ir se faire massacrer à La Parade, ils ont été nat urellem ent h ébergés dans les fam illessans que nul n e les signalent aux aut orités. [… ] En 1945, je me suis inscrit au barreau deM ont pell ier et j ' y ai exercé la profession d'avocat jusqu' en 1996, année où j ' ai donné m adémission.

J'a i été int ellectuellement séduit à l'o rigine par les idées de maître Bieau, que je connaissaispuisqu'i l ét é avoué à M ende. Séduit, jusqu'au jo ur où trois personnes sont venues me voirà Solperières pour me montrer le projet de parc proposé par l 'administration. Et cettevisite m'a tel lement impressionné que je continue à voir dans ma mémoire le baron deFont bon ne, Dédé Arg enson de Rousse et M . Av esque de Sexts descendan t le chem in d' ac-cès.

C'est de là qu' est p arti e l 'id ée de Terre cévenole do nt le succès a été que la m ajorit é descomm unes de la zone parc a ém is un vote défavorable. Bien entendu , l 'adm inistration qu iest tou te pu issante a m élangé les votes de la zone parc et ceux d e la zone périphériquece qui lui a permis de se prévaloir d' une m ajorité.

Pourquo i m on op posit ion ? Le Parc national d es Cévennes est le seul parc habité, mêmesi, hypo critem ent, on a fait p asser la front ière derrière les bât im ents, m aint enant l es terresculti vées dans la zone parc.

Je suis prot estan t et je pense que ce peuple cévenol qui, pendan t des siècles, a lutt é contreles dragonnades, cont re l 'enlèvem ent d e ses enfants pou r qu' i ls soient élevés dans lescouvents ou écoles religieuses, contre les galères (le baron de Salgas) et qui a réussi àm aintenir sa foi ne méritait pas qu' on lui im pose un carcan administratif q ue le reste dela Lozère ne subit pas. [...]. Je pense qu'il eut été à la gloire de l'administration de créer

quelque chose de nouveau qui permette l 'expansion au l ieu des restrictions de la zoneparc.

Comm e les Proven çaux qui sont en général la preuv e que de tou s les Français ils ont étéles prem iers civilisés, les Cévenols tirent de leur app artena nce religieuse mais surtou t d eleurs lutt es passées une spécificité do nt nul à Paris ne s' est préoccupé. (René Roux, 15 m ai2010)

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Le Causse et le nord du m ont Lozère : où l’on ne se « sent » pa s cévenolsUn second pôle géographique de résistance est la région du causse Méjean, dont unepartie a été incluse dans le projet par la vo lont é de l ’adm inistration centrale. On a déjàévoqué également les problèmes posés par le causse du fait qu’ i l présente un e économieagricole spécifique, entièrem ent pastorale, qui po ssède encore des débou chés (vers la pro-duction de from age de Roquefort) et t end, dans ces années 1960, à se m oderniser avecun dynam isme tou t part iculier (M athieu, 1989 et 20 09). Charles Bieau, qui avait b ien perçu

ce problèm e, et tou t en m il i tant pour le reboisement d ’une partiedu Causse, se refusait à inclure le causse Méjean dans le projet de parc 40 . Pour ne pasentraver ce développement, l ’administrat ion a beaucoup négocié sur la quest ion desconstructions de bât im ents d’élevage, au détrim ent d e sa « philosophie de départ ». L’op-posit ion du Causse fait ain si apparaître au grand jo ur la contradictio n du projet de Parcnat ional d es Cévennes (qui est sans dou te aussi la cont radict ion p lus générale des parcs

nat ionau x français), don t les deux objectifs annoncés sont, d’une part , de met tre en valeurdes paysages et d es sites l iés à une « économ ie tradit io nnelle » et d’aut re part, de mett reen œuv re des m esures favorisant le dévelop pem ent écono m ique des région s concernées.

Cependant , on peut se demand er si l ’op posit ion d u Causse relève uniquement de problé-m atiqu es économ iques. Ou plut ôt, les question s économ iques me paraissent l iées ici àune question plus large, relative à ce que l ’on pourrait appeler le sentim ent de l ’ ident itéspatiale. Si les premiers promo teurs d’un parc comm e l ’ ingénieur chargé de l ’ét ude d’ op-port unit é n’on t pas cru devoir inclure le Causse dans l’espace du Parc national des Cévennes,

c’est a ussi qu e, précisém ent, cet espace ne leur paraissait pas appart enir à ce qu’ ils consi-dèrent être les Cévennes.

« Je n’avais pas mis le Causse parce que po ur m oi ça n’a vait rien d e cévenol, et do nc je cent raisl’a ffa ire sur les pays cévenols. Je descendai s plus bas dan s certa ines vallées, dan s les zones ha-

Paysage du Causse,en 1960

    G   u   y    G   r    é   g   o    i   r   e

40 - « Le causse M éjean et le Parc national des Cévennes », V , Cévennes et M ont Lozère n°5, 1964, p. 9-14.

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« Les Cévenols pleurent leur splendeur économique passée avec des larmes de cocons et enform e de châtaignes. » (discours pronon cé à Alès, le 11 avri l 1970).

La form ule dit parfaitem ent la spécif icité du sentiment cévenol à l ’aube des années 1970 :la nostalgie. Le m otif de la nostalgie, tou t autant que celui de la résistance dans la région

de l’A igou al, semb le dans cette pério de appart enir au récit d e soi de la Cévenne. Or, quelsentim ent pourrait m ieux convenir à l ’édif ication d’un parc national qui prétend se vouerà la célébration d e la splendeur passée ? Car il semble bien qu e l’on ait davantag e accueillidans les vallées l’ id ée de créer un par c natio nal, du m oins cette idée a-t-elle tro uvé là da-vant age de « support ers » : des pasteurs et des prêtres, des m édecins, des instit ut eurs etmême des paysans. Ce qui ne signif ie pas que tout ce monde soit demeuré immobile,to urné vers le passé, des initiat ives sont prises, on l’ a vu, pour t rouv er des solut ion s, ac-compagner la mo dernité ; mais il y a, soutenu p ar une mém oire historique forte, un véritableatt achement à un un ivers que l ’on voit inexorablement d isparaître.

Cet att achement nostalgique peut tou tefois conduire, à l ’ inverse, à un refus radical de la« mise en réserve » ou, pour mieux dire (avec un vi lain mot), de la patrimonialisationd’une civilisation. C’est ce refus qu’exprime, à l’aube des années 1970, l’écrivain Jean-Pierre Chabrol, dont l ’œuv re cévenole m aîtresse se clôture par un ouvrage fo ndam entalpour not re propos. Le Crève-Cévenne , sous-tit ré Les chan ts désespérés … , décrit avec com-passion, désespoir donc, et parfo is colère, le vieill issement et la m ort d’u n pays condam né,« agonisant » , tout en proclamant un refus de toute esthét isat ion du m orbide : « À cetteheure, en ce l ieu, un cri d’enfant paraît déplacé, choquan t m ême, c’est une att einte auxbonnes mœurs 41 ». Sur le mêm e thèm e et la mêm e année (m ais avec un autre regard),l’écrivain Jean Carrière, né à Nîmes, publie son rom an couro nné du prix Goncourt , L’Épervier de M aheux . À cet égard, Jean-Pierre Chabrol ép rouv e bien des diff icult és avec cette id éede parc national, pourt ant d éfendue par son ami Jean Pellet, le « petit docteur » . Dansun passage du Crève-Cévenne, il rappo rte sa tent ativ e d’int erview er un éleveur, conseillerm unicipal de Bassurels (et non Saint-M artin-de-Lanscucle, com m e l ’écrivit Chabrol p ourrendre le personn age plus anon ym e), qui avec to us ses collègues a démissionn é pour pro -tester contre la création du parc. Ce « pessimiste rageur », l ’écrivain le sait, « dit deschoses étonnantes et belles sur la mort de la Cévenne, par exemple que le Châtaignier,pour vivre, a autant besoin de l’Hom m e que l’Hom me avait besoin du Châtaignier » (p. 158).

M ais devant la caméra de m onsieur Chabrol, le paysan se tait et, au sujet du parc, i l faitp ro f il bas :

« Pour le moment, on n’en sait pas plus. On ne sait pas ce qu’ils veulent faire de nous, nousprotéger o u nous faire disparaître.Vous ne le savez vraiment p as ?Eh n on. Ils ne nous disent rien .Parce qu’ i l faut qu’on vous le dise !Tout le monde disparaît un jour ou l’autre. Depuis vingt ans, tout disparaît ici 42 . »

Puisque la Cévenne – cett e al l iance singulière entre les homm es et la nat ure – m eurt, quepeut-i l b ien y avoir à protéger, s’ int erroge un collaborateur de la revue Lou Païs :

« Pour ce qui est de la “ protect ion d es sites” dans le cadre de nos fermes et de n os hameaux

41 - J ean-Pierre Chabrol, Le Crève-Cévenne , Paris, Plon, 1972, p. 158.42 - Ibid ., p. 165.

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aban don nés, y croire serait un leurre. La magn ifiqu e châtaig neraie écobuée, ratissée, élaguée,les planta tio ns de m ûriers et les élevages de vers à soie, les bancèls avec leurs légum es et leurstreilles… Tout cela, c’était des sites cévenol s, des sites qu’on avait p laisir à cont emp ler. I ls ontvécu… et si nou s voulon s les revoir, c’est J.-P. Chabro l et And ré Chamson q u’il nou s faut a llerretrouver 43 . »

Où l’o n vo it q ue les écrivains créent b ien, par leur œuv re, une sort e de réserve du t emp s,dans laquelle seul demeure le pays disparu.

Les Cévennes ouvrières : oubliées du Parc des Cévennes ?Et puis, dans ces prises de position p ar rappo rt au pro jet d e parc natio nal, s’exprim e encoreune aut re « Cévennes », qui b ien ent endu p eut s’allier avec la précédent e. Ce sont les Cé-vennes du Sud, à la p ériphérie d u pa rc projet é, les Cévennes ouvri ères to urnées vers Alès,

m oins préoccupées sans dout e par le sort d e l ’agricultu re et des haut es terres que parcelui des usines et d es mines. Les prom ot eurs successifs du parc nat ional ne se sont guèreintéressés au pays minier. Ces Cévennes-là ont pourtant aussi leur culture propre, queJean-Pierre Chab rol a célébrée dans sa tri l ogie Les Rebelles. Cett e cult ure a f orgé u npaysage et des sites bien part iculiers, certes moins anciens mais tou t autant fond ateursde la « singularité cévenole » que les terrasses et les châtaigniers. Il y a là peut-être unprob lèm e d’histo ire cult urelle du sentim ent pa ysager. On accorde, dans cette périod e des« Trent e Glorieuses » (les choses ont depui s chang é) de la beaut é, don c de la valeur pa-trim oniale à la nature sauvage ou au paysage cult ivé. On célèbre par ai l leurs la splendeur

de la nat ure arti f icial isée par la technique m oderne. L’ industrie l iée aux prof ondeurs dusous-sol est au contraire rejetée dans la laideur et vou ée aux gémon ies : perdue pour lam odernité et pas digne encore d’être pat rimo nialisée. C’est, selon les termes du fam euxgroupe de prospective « 1 985 » , le « hideux paysage minier » qui s’oppo se en tout pointà l ’esthétique mod erne engendrée par la technique :

43 - Lou Païs , mars-avril 1969, p. 68.

    M

    V    C

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« En ce sens, l ’esth étiqu e devient une d im ension de la croissance économ ique. Le tem ps n’estplus ou l ’étroite sol idari té entre l ’ industrie et le charbon faisait surgir le hideux paysage minier :aujourd’hui le progrès s’affranchit de plus en plus de la crasse et des crassiers. La techniquemo derne engend re de surcroît u ne beaut é prop re, celle des grands barrages et des lacs artif iciels(comm e celui d e Serre-Ponçon ), celle des gran ds pon ts (comm e celui d e Tancarville), celle des

gran ds ouvrages où elle fait jouer les lignes, les matières et les lum ières (comm e la voût e de laDéfense), et m ême celle des pylônes métalliq ues des lignes électriq ues à très haute t ension 44 . »

Ce tour d’horizon très partiel de la diversités des identités spatiales qui s’expriment àtravers le positionnement vis-à-vis du projet de parc permet d’aff irmer qu’ il y a probablementlà, dans la question de la relatio n que les gens entret iennent avec leur environnem entpratiqué, une prob lématiq ue essentiel le de la construction du PNC. Le concept de terr i to- rial i té est ut il isé par certain s chercheurs po ur l ire, à di fférent es échelles, ce processus deconstruction et d’af f irm ation identitaire don t l ’ espace est le support . Les territorial i tés ex-

prim ent d es identit és individ uelles et des identit és collectives, qui s’ inscrivent d ans unprocessus, dans une fabrication continue (Raffestin, 1986). Elles se constituent à la foisdans des représentat ions, des imaginaires et des prat iques sociales, elles-mêm es appuyéessur des contraintes économiq ues et géograph iques. Selon l ’h istorien François Walter :

« Le terme d e terri torial i té déf init donc spécif iquement l ’ensemble des phénom ènes de valori-sat ions individuel les et sociales du terri toire. La terri torial i té imp lique l ’enracinement et l ’at ta-chement au cadre de vie ou d’act ion. El le renvoie à l ’ im age que les acteurs d’un terri toire sesont fo rgée d’eux-m êmes. Elle réfère donc au symboli que et à l’ idéolo giqu e. Elle est aussi manièrede sémiot iser l’espace (de lui don ner du sens). » (Walt er, 2004 : 303 )

La création d’ un parc nation al est nécessairement confront ée à ce phénom ène de terri-to rialit é. Car, d’u ne part , le parc cherche à englob er la mu ltip licité des identit és spatialesdans une création territoriale unique, fondée sur des valeurs largement exogènes, extérieuresà celles des populat ions vivant sur l ’espace nouvellement d élimité et défini ; d’aut re part,dans cette ten tat ive d’eng lob emen t, il y a aussi des exclusions. De ce point de vue, la dé-nom ination m ême du Parc national des Cévennes , fait problèm e, en suggérant une adé-quatio n ent re le nouveau territoire et les Cévennes « vécues » 45 . Aut rement dit, le défim ajeur que devra pro bablem ent relever le Parc natio nal des Cévennes est, pou r reprendre

les term es utilisés par Romain Lajarge à propos des parcs naturels régionaux, de « f abriqu er,à partir d’une h étérogénéité spatiale, une ident if ication collective » (Lajarge, 1997 :136),tou t en se confrontant à la p uissance des territorial i tés constituées.

De l ’enquête publ ique à la promulgat ion du décret const i tut i f du PNC : lalongue at t ente ( juin 196 9-septembre 197 0)

Le vote f avorable des deux tiers des conseils mun icipaux est suivi de l ’approb ation duConseil national pour la p rotection de la nat ure (13 m ars 1969) et du Comit é interministériel

des parcs nati onaux (le 27 m ars). Le Premier m inistre prend alo rs la décision de pou rsuivrela procédu re de création d u Parc nati onal d es Cévennes.

44 - Groupe 1985, « L’esthétique et l’espace social » dans Réflexions pour 1985, op. cit ., p. 85.45 - M artin de La Soudière a bien étudié les enjeux actuels de la nomination des lieux, notamment les créations proliférantes de

noms de « pays » et aut res créations terri torial es (parcs naturels régi onaux, « territoires l eaders », etc.) dans les processus deterrit oriali sation de l ’espace rural (La Soudière, 2004 : 67-77).

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L’enquête publique (21 juin-11 jui l let 19 69 )Dernière étape de la consul tat ion avant l ’é laborat ion du décret const i tut i f , l ’enquêtepublique s’est déroulée simultaném ent dans les trois départements, la législation prévoyantson organisation p ar un « préfet coordinat eur », en l ’occurrence le préfet de la Lozère.

Les « personnes et collectiv ités concernées » se son t prono ncées sur les registres mu nicipauxdu 11 ju in au 21 ju i l let 1969.

Dès 1967, la question était soulevée de l ’ im portance ou no n de l ’enquête publiq ue dansla procédure de consultation pour la création du Parc national. Pour maître Roux, seulecom pt e la consult atio n des collectivit és, ce que cont este André Gaujac qui croit au x vertu sdémo cratiques de l’enquête, à condit ion qu’el le ait été précédée par une bonn e inform a-

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dialogu e très poussé entre les pouvoirs pub lics et les responsables locaux 52 », la consistancedu projet ne devait pas être modifiée à ce stade de la procédure. Aussi, les résultats del’enquête n’ ont -i ls d’autres conséquences qu’u ne révision ou une renégociation au caspar cas des limit es du parc. Le Service des études a sur ce point pour instruction de reprendreim m édiatem ent le dialog ue avec les propri étaires concernés, « le souci de l’adm inistrati onétant d ’about ir à des solutions am iables ». On s’était beaucoup interrogé localement poursavoir ce qu’on allait faire des comm unes qui ne vou laient pas être dans le parc, les op-posants considérant qu ’un e inclusion de force serait un coup de force antidém ocratiqu e 53 .Pourt ant, comm e l ’ indiqu e Jean Capiaux, s’agissant d’un projet d ’ int érêt nation al, c’estla règle de l’ int érêt général qui prévaut ; le vote défavorable d’une com m une ne sauraitdonc entraîner le retrait de son territoire de la zone projetée (Capiaux : 109). Cett e règlen’a que très peu souffert d’exception en Cévennes pour la zone-parc, l ’administrationayant seulement accepté quelqu es rectificati ons min eures port ant sur de faibles étendu es(Cassagnas, Cubierettes, Saint-Julien-de-Tournel). Les demandes relatives aux modifications

de l imit es dans la zone périphérique ont en revanche généralement été satisfaites : de-m andes d’ inclusion t otale (pou r Saint e-Enim ie et Prévenchères ; Saint -Julien-de la N ef – dél ib érat io n du 12 j an vier 1969 – dan s le Ga rd ), ou au cont ra ire d’exclusion d u ter ri to irede com m unes opp osées (les quat re com m unes lozérienn es de Balsièges, Les Vignes, Saint -Pierre-de-Lévac et Saint -Pierre-de-Tripiers). Concernant les lim ites du parc, il fau t encorepréciser que, dans l’esprit des foncti onn aires, celles-ci ne sont pas défini tiv es m ais pourro ntêtre « revues » lorsque les esprits se seront « habitués » à ce nouveau territoire.

Le débat se poursuit sur le plan localLa rédaction du décret constitu tif du PNC est du ressort des services centraux . Ces dernierssont mo ralement et juridiqu ement t enus de produire un t exte qui respecte les engagement spris vis-à-vis de la popu lation durant les consultations, tou t en étan t confo rme à la législationgénérale sur les parcs nationaux. À cela s’ajoute la nécessité d’obtenir l’accord de tousles m inistères concernés par la créatio n d’u n parc. La diff icult é de l’exercice expliq ue pro-bablement la longueur d u délai (quato rze mois) qui s’écoule encore entre la fin de l’enquêtepubliqu e et la publication du d écret.

Durant cette période d’attent e, l’opp osition constituéene faiblit pas. Terre cévenole relance l’offensive en

diffusant un do cument de 26 pages intitulé « La Véritésur le Parc nat iona l des Cévennes », des lettres sontadressées aux plus haut es autorités de l’État (com m ecelle du déput é de Trêves, Edm ond Rigal, au présidentdu Conseil des ministres Jacques Chaban-Delmas).La veille encore de la publication du décret, l’ém issiontélévisée 24 heures sur la 2 diffuse un reportage, dontla réalisation aurait été influencée par les anti-parc.Il montre des paysans et des bergers inquiets, ainsi

qu’un vif « f ace-à-face » entre Pierre de M ont aignacet m aître Roux . Selon le tém oign age d’Yves Bétolau d,le m inistre de l ’Agricultu re, redout ant les effets né-

52 - Note d’information, op. cit . Une exception : les suggestions présentées par la chambre de commerce de M ende durant le tempsde l’enquête « ont fait l’objet d’un rapport spécial envoyé au ministère de l’ Agriculture ». On ajoute que, selon toute vraisemblance,ces observations seront prises en considération.

53 - Voir Lou Païs , mars-avril 1969.

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gatif s de ce film sur l’opinion , l’aurait appeléde tout e urgence pour lui dem ander de par-t iciper au débat prévu après la diffusion 54 .I l s’agit là de l ’ult ime épisode d’une luttem édiatique, qui n’ aura pas faibl i depuis lelancem ent de la m ission d’ étude.

De leur côté, les partisans du parc tententd’alerter le m inistère sur la nécessité de pro-céder au plus vite à sa création et d ’engagerles crédits afférents, de m anière à calm erles inquiétudes. Les vœux en f aveur du parcse mu l t ip l ient , non seulem ent de la par td’organismes département aux et d’asso-

ciations (Comité d’action pour la créationdu PNC le 10 octo bre 196 9, Fédératio n desassociat ions cévenoles le 18 octobre, conseilgénéral de la Lozère le 14 novem bre), m aisaussi d e conseils mu nicipaux (Sainte-Croix-Vallée-Française) et de syndicats agricoles.L’adhésion des populations sem ble m êmese renforcer d ans certain s secteurs, si l’onen croit le revirem ent de qu atre conseils m unicipaux auparavant d é-favo rables (Le Collet de Dèze, M olezon , Saint -M ichel-de-Dèze, Barre-des-Cévennes) et la dem ande d’ une cinquièm e (Saint-A ndéol-de-Clerguemort ) à ce qu ele territo ire de sa comm une soit ent ièrement inclus en zone centrale. C’est enfi n le conseilrégional de l ’Église réformée de France qui exprim e officiel lement sa volon té qu e le parcnation al soit créé 55 .

De « grandes voix » s’élèvent par ailleurs, un peu sur le tard, pour défendre le parc, ouplut ôt « leur » Parc des Cévennes. Celle d’A ndré Cham son s’im pose par son éloqu ence etsa prétention à représenter le peuple cévenol :

« Je suis d’accord avec M . le Dr M onod pou r empêcher l’ installation en Cévennes des “ gagn eursd’argent” . Je serai avec vous, je serai une “ Voix” , non pas la m ienne, mais cel le des habitant sde ce pays. Nous formon s une comm unaut é, nous pouvo ns enseigner au m onde u ne certainefaçon de vivre. Faren barri de cor ! Nous ferons un rempart avec nos corps et avec nos cœurs ![… ] Et n ous sauverons ce pays. Nous l ’emp êcherons de ressembler à cette côte “ pol luée” oùles services pub lics qui on t l e plu s d’activit é sont les services de Police 56 . »

Le Parc national des Cévennes et « l ’af faire de la Vanoise » : où la « nat ure réap-paraît comm e problème

La cause du PNC obtient également – et c’est un e nouveauté – l ’appui d ’un scientif ique,Clément Bressou, directeur de l ' École nationale vétérinaire d' Alfort et m embre du Conseilnation al pour la protection de la natu re, qui croit devoir répondre aux argu m ents de Terre

54 - Témoignage d’Yves Bétolaud recueilli par Pierre Gaudin et Claire Reverchon, op. cit . La presse national e a relaté cette ém issionde l’ORTF diff usée le 19 août 1970. Voir « Créé pour protéger la f aune et la flore, le Parc national des Cévennes suscite l’i nquiétudedes paysans », Le Figar o , 20 août 1970.

55 - Not e d’inf ormati on, op. cit., fiche 10 : Prises de position récentes en f aveur du projet de parc national [CD, CDLEY 0413].56 - Discours prononcé le 21 septembre 1969 à Alès l ors des Journées lozériennes. Reproduit dans Lou Païs , octobre 1969, p. 172.

Réactions après l’émission« 24 h sur la 2 ».

    A    N ,

    C    A    C

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cévenole 57 . Dans cette répon se, il affirm e surt out l’o rigin alit é du Parc des Cévennes, dont« la véritable richesse » se trouverait « sur le plan culturel » et surtou t la cont ributio n dece projet à l ’évolution d es conception s de la protection d e la nature :

« Les travau x préparat oires à la créati on d u Parc nati onal d es Cévennes paraissent d oncêtre à l ’origine d’une évolution doctrinale particulièrement intéressante, al lant dans lesens d’une libéralisation des idées et des principes antérieurement reçus. Elle procèded’une conception hum aniste de l ’ut i l isation des richesses naturelles et m érite – la chosen’étant si courant e – d’êt re soulignée 58 . »

M ais cette d octrine en ém ergence comm ence précisément à être sérieusement contestéedans les m ilieux na tu ralistes, jusque-là t rès en retrait sur la question d u pro jet de Parc desCévennes. Cett e prise de positio n survientdans le cont exte de ce que l ’on a app elé

« l ’ Aff aire de la Vanoise ». Le 23 m ai 1969en effet, le conseil d’adm inistrat ion d u Parcde la Vanoise semble céder aux pressionsdes aménageurs privés désireux d’équiperet d’u rbaniser certain es part ies du parc na-tional (M auz, 2003 : 162-163). L’événementp r o v o q u e u n e m o b i l i sa t i o n , i n é d i t e e nFrance, des prot ecteurs de la nat ure qu i serefusent à « am put er » le premier parc na-tional de France. Ce fait, de même que lacréat ion en Cévennes d’un parc nat io nalqui subordonnerait l’objectif de protection de la nat ure aux intérêts humains(notam m ent en auto risant la chasse), constituerait, selon ces mil i t ants, des précédentsdangereux qui risqueraient d’ôt er toute légit im ité et eff icacité aux parcs nation aux quantà leur objectif premier de protection 59 . C’est donc par le biais de la critique naturalisteque s’effectue d’abord la réintro duction d e la question de la nature dans la création duPNC, alors qu’elle a semblé qu asiment ab sente des débats durant tou te la m ission d’ étude.

Le décret constitutif du Parc national des Cévennes

Ainsi le PNC n’est-i l pas encore né qu’ i l se trouve contraint de défendre sa légit im ité surdeux plans, celui de la « culture », ou p lutô t d e la localité, et celui de la « natu re ». Àpartir de 1969, les pouvoirs publics n’ont de cesse de réaffirmer l ’adéquation du Parcnation al des Cévennes avec les objectifs des parcs nationaux définis internation alement,en s’app uyant en part iculier sur la marg e de m anœ uvre offert e par la législation fran çaise.Cett e marge serait contenue d’u ne part dans la not ion de « charte » particulière à chaqueparc, c’est-à-dire un décret constit uti f négocié en fon ction des caractéristiqu es propresdu t erritoire, d’autre part dans la définit ion d e la fam euse zone périphérique, sur laquellereposerait véritablem ent l ’ originalité française.

57 - Clément Bressou, « Défense et présentati on du Parc national des Cévennes », tapuscrit, s.d. [CD]. On ignore de quell e manièrece document a ét é diffusé.

58 - Id., ibid .59. - Plusieurs articles en ce sens paraissent dans la presse national : Antoine Reille (de la Fédération française des sociétés de

protecti on de la nature), « La France a-t-ell e des parcs nationaux ? », La Croix , 30 avril 1970 ; Jean Untermaieur (assistant à laFaculté de droit et des sciences économiques d'Abi djan), « Le Parc des Cévennes. Les legs de la nat ure », Le M onde , 17 octobre1970 ; Christian Rudel, « Quel avenir pour les parcs nationaux. II. Les Cévennes, trop d’ hommes ou pas assez », La Croix , 23 juillet1970.

Arti cle de Christian Rudeldans La Croix , 23 juillet 1970

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Lorsque le décret portan t création du PNC paraît enfin au Journal Officiel, le 3 septem bre1970, c’est sur ces points que le m inistère insiste, précisant qu’un program m e d’am éna-gement de la zone périphérique sera défini de m anière concertée entre les différents m i-nistères et les collectivit és locales 60 . On peut dire d’ores et d éjà que la mise en œuvre dece program m e sera, com m e pour les autres parcs, l’un e des prin cipales difficult és du Parcnat ional d es Cévennes 61 . Par ailleurs, le nou veau pa rc nati onal est p résent é dans le com -muniqué du m inistère tout à fai t a minima et de m anière à ce qu’i l p araisse conform e àla déf in it ion admise :

« [ Un parc nat io nal] est une zone de nat ure, protégée pou r sa valeur exceptionnelle et m ise àla disposit ion du public pour sa détente et sa culture. Le classement d’un terri toire en parcnat ional ne const i tue absolument pas une “ appropr iat ion” par l ’État m ais bien l ’appl icat ion àce terri toire d’u ne sorte de label en vue de sa prom otion . »

Loin d ’évoquer, com me Clém ent Bressou, la richesse de la culture et même de « l’hum anismecévenol » (Défense et présentat ion d u PNC ), le min istère indiqu e seulement que la « valeurexceptio nnelle du PNC » ne réside pas dans ces espèces faun istiqu es ou f loristiq ues maisdans « une richesse d’ensemble ». Cette annonce officielle de naissance d’une extrêmeprudence me paraît man ifester un décalage certain entre les int ention s de l’adm inistratio ncentrale et les intentions no vatrices que, sur le t errain, on a vou lu m ettre (avec beaucoupd’énergie) dans le projet.

60 - Communiqué du ministère de l’Agriculture, Le Figar o , 3 septembre 190 ; Le M onde , 5 septembre 1970.61 - L’un des objectifs de la réforme en 2006 de la loi de 1960 est précisément de remédier à ce problème, en conférant un statut à

la zone périphérique, rebaptisée « aire d’adhésion ».

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Dans son cont enu, le (long) règlement d’adm inistration pu blique n’ int roduit pas de chan-gem ents not ables par rapport au projet soum is à la consult atio n locale, à l’exception , déjàévoquée, des arti cles relatif s au droi t de chasse des prop riétaires, qui in troduisent notam mentun seuil de surface. Soupl esse du règlement et représent ation locale paritaire sont lesprincipales caractéristiques confirmées par le décret. Ce dernier institue, d’une part unezone parc de 85 700 hectares, comp renant une part ie des territoires de 52 com m unes dedeux département s (39 comm unes de la Lozère, soi 69 800 hectares et 13 com m unes duGard soi t 15 900 h ectares). 600 h abi tants permanents vivent dans cette zone. D’autrepart, une zone périphérique de 236 800 hectares, concernant 126 com m unes dont 66 lo-zériennes, 47 g ardoi ses, 16 ard échoises. Il s’agit du plus vaste espace pro tégé de France.

Le décret constit uti f du p arc est loin cependant de clore le débat. Car, outre le prob lèmede la chasse qui mettra encore quinze ans à se régler, de nombreuses questions restenten suspens : quel avenir le parc donnera-t-i l aux Cévennes, et q uelle physionomie (par

exemple, dans la zone centrale : conservation de la lande ou reboisement) ? Quels choixde réorganisation des structures sociales et économ iques fera son conseil d’adm inistration ?Autant de questions qui continuent à se poser dans les colonnes de la presse régionale.Les autorit és adm inistrat ives ne cessent d e le réaffirm er : le Parc sera ce que les Cévenol sen feront.

« M ais i l est bien évident q ue le décret de créat ion n e sera qu’un p oint d e départ dans cetteentreprise, qu’un in strum ent do nt i l appart iendra au conseil d’adm inistrat ion du Parc de fairele meilleu r usage possible [… ]. Il n’est pas exagéré de dire que le Parc natio nal des Cévennessera ce que le f eront les Cévenols eux-m êmes 62 . »

62 - Note d’information diffusée aux élus par circulaire préfectorale, 3 novembre 1969, op. cit .

Mende

Alès

Florac●

le Bleymard

Villefort

les Vans

Génolhac

le Collet-de-Dèze

le Pontde-MontvertSte Enimie

la Malène

Meyrueis

 Trèves

Nantle Vigan

Valleraugue

St-J ean-du-Gard

St-Germainde-Calberte

Ste-CroixVallée-Française

M   O  N  T  

  L  O  Z  E  R  E  

B  O  U  G  E  S  

C A U S S E M E J E A N

 C  E  V  E  N   N   E S

 

A I G O U A L

   L   I   N

  G  A  S  

le Parc national

sa zone périphérique Carte du PNCen 1970

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É p i l o g u e

P uisque le parc, en 197 0, reste à fo nder da ns la réalité concrète, quelq ues réflexionsen form e d’épilogue conviennent sans doute m ieux à ce travail qu’une conclusion.Les discours et les actes qui instit uent l e PNC quelqu es m ois après la prom ulgat ion

du décret peuvent en tenir l ieu, car i ls mettent en évidence les deux problématiquesm ajeures soulevées par cette création : d’un e part la question de la localité et, d’autre

part , celle de la sing ularit é de ce parc nati onal, espace de conciliat ion (d' aucuns parlerontplutô t de « contradiction » ) entre natu re et culture.

Le 21 décem bre 1970 , le ministre de l ' Agricultu re, Jacques Duham el, instal le à Florac lepremier conseil d'adm inistration du Parc nation al des Cévennes 1. On peut l ire, à tr aversle discours prono ncé, que le récit off iciel du Parc des Cévennes est d éjà constit ué (on entrou ve l'écho dans de nom breux aut res textes). Ce récit art icule les thèm es suivants : l 'État,en créant le Parc, a répondu à un e demande locale ; le mod e inédit de coopération ent rel 'adm inistration et les acteurs locaux a permis l 'élaboratio n d' une doctrine originale, quirépond elle-mêm e à la « singularit é » de la lo i française, mais dont el le constitue un e ap-plication « exem plaire » ; cett e doctrine fait du parc un out i l au service de la préservationde la nature (avec un héritage : l 'œ uvre de restaurat ion de l 'A igoual), de l 'anim ation (soit« rapprocher l 'hom m e urbain de la nature ») et, surtout, du développement rural.

Le Parc et la question du « local »

La « demand e locale » est ainsi devenue la justif ication prem ière de la création du PNC.La recon naissance des précurseurs (Font Vive, l ' APNCC et le Club Cévenol sont cités) esten effet centrale, car el le fonde la « cévenolité » du Parc et don c sa légit im ité pro fonde.

Aussi, ceux dont « l ' engagement p ersonnel et l 'effo rt de persuasion [… ] ont p ermis lacréation du PNC » on t-i l été rem erciés personnellement par lett re min istériel le 2. De cepoint de vue, la reconnaissance du m inistre va également à l 'équipe adm inistrative qui atravai llé, sur le terrain, à la concrét isation du Parc : Roger de Sabou lin Bollena , Pierre deM ont aignac de Chauvance, Georges M azenot .

Cependant , cette légit im ation du Parc par le « local » m asque une certaine comp lexité etquelques paradoxes, qu’il convient de rappeler au terme de ce parcours.

Les précurseurs des années 195 0, on l'a vu , se situent to us dans une position int ermédiaire,entre « extériorité » et « intériorité » , vis-à-vis de l 'espace de projet et d' action qu 'i ls ontchoisi. Certain s sont plus proches que les autres des Cévennes par l ' origin e fam iliale, m aisleur position sociale (à l’exemple de Jean Pellet, médecin et savant éduqué « en ville »)

1 - « Allocution prononcée par M . Jacques Duhamel, ministre de l’Agriculture, lors de l’installat ion solennelle du conseil d’administrationdu PNC à Florac, le 21 décembre 1970 », Florac, 1970, p. 6 [CDLEY1029].

2 - Archives du PNC [1201W23].

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leur confère tout d e mêm e une form e d'ext ériorité par rappo rt à la société locale. Ce statutparticulier des prom oteurs du Parc invite ainsi à d écoupler la question d e la localité etcelle de la naissance ou de l’enracinement familial. Car si ces médiateurs revendiquentclairem ent une fo rme de lien privilégié avec les « aut ochton es », voire un stat ut d e « port e-parole », i ls se situent eux-mêm es dans une conceptio n de l ' auto chtonie - c'est-à-dire dela relation intim e à une terre – qu i ne doit r ien aux l iens du sang (c’est le cas tou t part i-culièrement du d octeur Richard). Si, com m e l ’ont m ont ré les ethnolo gues, la f idéli té auxancêtres constitue une com posante essentiel le du « sentim ent aut ochtone » , au-delà duCévenol, c'est au paysan, menacé par la civi l isation m oderne de somb rer définit ivem entdans le mo nde des disparus, que ces mil i t ants sont p rofond ément att achés. Nul dou te ce-pendant qu' ils appartiennent eux aussi au « local », dans la m esure m ême où ils consacrentleur vie à penser le lieu, à en défin ir et en valori ser les prop riétés. M ais cett e localité desprom oteurs du parc n' est pas entièrem ent reconnue, el le est parfois m ême cont estée parles nat ifs (Font Vive sera tou jours considérée com m e une association d' int ellectuels « ex-

térieurs », peu en prise avec le territoire). Il y a donc débat en Cévennes sur la questionde la localité, et l ’histoire de l ’ invent ion du parc national, en rappelant que le local n’estpas donné m ais bel et bien construit par des acteurs qui ont de ce qui fonde l’app artenanceou l’attachement à un lieu des conceptions divergentes, invite à en repenser les termes.Il s’agirait, com m e le propose M ichel M arié, de penser le local com m e « un jeu au m oinsà trois », entre l ’« indig ène », le terroir auquel i ls s’ ident i f ie et « l ’étranger » q ui , s’ i l« n ’existait pas, les habitants du l ieu se chargeraient bien d e l ’ inventer » (M arié, 2004).

Par ai l leurs, l 'examen des faits a m ont ré un v éritable processus d' appropriat ion d u p rojetpar les natifs. Cette app ropriation se réalise au m om ent o ù aussi bien les représentant sélus (en particulier parmi eux les élus municipaux) que les représentants des forces pro-ductiv es (agriculteurs, artisans, comm erçants) et les aut orit és religieuses (Église réform ée)adhèrent au pro jet et le relaient auprès des habitan ts. Ce sont ces locaux-là – ai nsi PaulFlayol, M ichel M onod etc. – qui « pèsent » et im prim ent leur marque au projet de parc,davant age que Charles Bieau, que Pierre Richard ou que Roland Calcat. Et ce sont d ’ailleu rsles prem iers et non les second s, qui se trouv ent larg emen t présents au conseil d’adm inis-trat ion d u Parc 3. Ainsi la vice-présidence du conseil d ’adm inistration est-el le confiée àCharles Bieau non pas au t itre de l' APNCC, m ais du Cent re régional de la propriété forestièredu Languedoc, ainsi qu ’à Pierre Boulot, président de la chambre d 'agricultu re.

L'im portan ce de la représentatio n locale dans les instances du parc tranche do nc avec lafaib le présence des précurseurs. L’associat ion Font Vive (alors pl ong ée, il est vrai , dans degrand es diff icult és et m ise en somm eil pou r plusieurs années), par exem ple, n’est pas re-présentée 4. La cause en est-elle une rét icence de ces précurseurs vis-à-vis d’une instit ut ionqui n e paraît pas correspond re à leur rêve 5 ou b ien, comm e certains le pensent , une « m iseà l ’écart » délibérée ? Nous ne saurions répondre sur ce point. Quoiqu’i l en soit, cet éloi-gnem ent des précurseurs une fois l ’ instit utio n créée est un phénom ène que l ’on retrouv edans l’h istoire des autres parcs nationaux français (Larrère, 2009 : 38-39). Dans une certaine

3 - Le conseil d’admi nistrat ion du PNC est alors composé de 50 membres, dont 15 représentants des collecti vités locales (10 pour laLozère, 5 pour le Gard) et 10 personnalit és (sur 21) nommées sur propositi on des organisations professionnell es et de loisi r et desadministrations départementales. Quant à la Commission permanente, chargée de prendre les décisions entre les deux réunionsannuelles du CA, elle est composée de 10 membres, dont 5 élus locaux, et sa présidence est assurée par la forte figure localequ'est Paul Flayol. On peut noter l ’absence de représentants des communes sit uées uniquement en zone périphérique, ce qui estle cas des comm unes ardéchoises.

4 - On note la présence d’un seul représentant de la Fédération des associations cévenoles, l’ancien ministre Franck Arnal, qui estsurtout intéressé par la question du développement touristique.

5 - Jean Donnedieu de Vabre évoquait ainsi, dans son entretien avec Pierre Gaudin et Claire Reverchon, les réticences initiales deJean Pellet, qui entrera t outefoi s au conseil scienti fique du Parc des Cévennes dans la « période Leynaud ».

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m esure, com m e l’a m ont ré Isabelle M auz, c’est le cas en Vanoise où, parm i les prin cipauxprécurseurs, M arcel Coutu rier est écarté et où Gilbert André ne s’ impliqu e guère dans lefonction nement d’un parc qu’i l ne reconnaît pas comm e la concrétisation de ses idées.Denys Pradelle, en revanche, continue d’être très présent. En Cévennes, Les précurseursne sont m alheureusem ent plu s là pour parler de leur déception évent uelle, de leur « ut opieescamot ée » selon le m ot de Raphaël Larrère. M ais les signes d’une cont inuit é sont m algrétou t no m breux, qui att estent q ue tout es les intent ions et tous les idéaux ne se sont pasenvolés dans le jeu de la g estion bureaucratique. La m émoire, surto ut, de ces personnalit ésqui ont imaginé le Parc s’est transmise par de multiples biais et certains, on l’a vu, onttenté et t entent t oujours de garder vivant leur héritage. Dans un ouvrage où N icolas Hulotet Pierre Rabhi r etracent l eur parcou rs respectif, le second, qui se définit com m e un « éco-logiste uto pique » , racont e ainsi combien i l a été inf luencé par Pierre Richard (Graines depossibles, Calmann-Lévy, 2005).

M ais il y a peut-être un aut re élément d’ explication à la f aible présence des pères fondateurs.Très parado xalem ent en effet , alors que le parc a été imag iné à partir de la not ion central edu « culturel », i l semblerait que l ’adm inistration ait éprouvé une réticence à aborder vrai-m ent ces questions, malgré la nom ination sur proposit ion du M usée national d es Arts ettrad itio ns populai res d’u ne ethn olog ue au CA (M m e Odett e Teissier du Cros, conservatricedu M usée cévenol du Vigan). Comm e l ’exprime t rès clairem ent le président d u prem ierconseil d’adm inistrat ion, Jean Donn edieu de Vabres – un Cévenol pro testant , m ais surt outet d’abord un haut fonctio nnaire alors m embre du gouvernement 6 – , cert ains on t considéréau sein du conseil d’adm inistration qu ’un étab lissement nation al tel que le parc ne devaitpas « emp iéter » sur le rôle des associations culturel les :

« Le parc n’a pas à s’at trib uer un m on opo le culturel d es Cévennes. Ce serait d ang ereux d’a illeurs,s’agissant quan d m ême d’u ne adm inistration. Quand je parlais de mission à renf orcer, je pensaissurtou t à u ne m ission d e connaissance des prob lèmes de la nat ure. Le parc n’a pas à se substit ueraux m ouvem ents culturels qui doiven t vivre dan s leurs traditio ns, dans leur liberté. » (Jean Don-nedieu de Vabres, entretien, 198 3.)

M on hypo thèse est qu’i l y aurait eu un em barras de la part des dirigeants du Parc nationalà entrer dans une approche de la cult ure locale, dans sa diversité, trop m arquée en Cévennes

 – du poin t de vue de l ’État laïc – par la quest io n re l ig ieuse. Cet t e quest io n de la façondont le Parc a appréhendé la dimension culturel le du t erritoire – qu i aff leure par ai l leursconstam m ent, on l’a vu , dans les représent atio ns locales – est sans dou te essentielle pou rcomprendre l ’ histoire de l ’ instit utio n (et de ses diff icultés) depuis sa création, et devraitfaire l ’objet d’une analyse particulière.

L’écologie hum aniste du Parc national des Cévennes

Ce que le récit off iciel du PNC ne dit pas non p lus, lorsqu’i l fond e la légit im ité du parc sur

la « dem ande locale », c'est la plu rali té des visions qui l ’o nt constit uée et que l 'on s'estefforcé de caractériser dans cet ouvrage. Cette pluralité semble être une constante dansl'h istoire des parcs natio naux et plus largement des espaces prot égés français (M auz 2003,2009 ; Bobb é, 2009). Il y a cependant , là encore, une spécificité cévenole, qui est l ' absencetot ale (ou du m oins l ’ invisibi l i té) de projection spécif iquement naturaliste, qui engagerait

6 - Jean Donnedieu de Vabres (1918-2009), issu d’une f amill e nîmoise originai re de Lasalle, dans les Cévennes méridionales, est en1970 conseiller d'État, secrétaire général du gouvernement.

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une conception exclusivem ent prot ectionniste du parc. Ce qui ne signif ie pas que la « na-ture » ait été tot alement absente des préoccupation s, contrairem ent à l’ idée très répandueau sujet d u PNC. Pour Charles Bieau, l’ idée de nat ure est to ut entière cont enue dans « l’ar-bre ». Plusieurs mem bres de Font Vive ont d ’au th enti ques préoccupati ons, sinon conn ais-sances, naturalistes. Le chargé de mission pour la mise en place du Parc a été formé àl’école forestière etc. Le fait essentiel et remarquable est que ces conceptions pour lem oins diverses de la nature se sont rejoint es autou r d’un m ême concept : l ’hum anisme.

Défini com m e la pensée de la condit ion et du devenir de l 'hom me, en tant que cett e condi-t ion est absolum ent l iée aux échanges que l ' hom m e réalise avec les mil ieux « premiers »,l ’hum anisme apparaît com m e un comm un dénom inateur, autou r duquel a pu se réaliserl'agrégation des différentes visions. Tout se passe comme si ce concept avait trouvé surcet espace dit « des Cévennes » un t errain pro pice à sa m atériali sation . M ais si le PNC apu se fonder autour de cet humanisme particulier, qui vise à dénoncer la coupure ontologique

instaurée par la civi l isation moderne entre l 'homme et la nature, c’est aussi parce quecett e pensée s'est diffu sée au cours des années 1960, jusqu'à t rouver une f orm e d'expressionscientif iqu e, notam m ent à t ravers l 'eth nologie, et à p énétrer, même, on l 'a v u, l 'universintel lectuel des experts en « prospective » (Groupe « 19 85 » ).

La seconde justificatio n d u PNC, dans le discours du m inistre Duhamel, ce sont ses paysages,qui « t out en étant d' une sauvage grandeur, portent la marqu e du travail de l 'hom m e, etcela mérite d'être montré ». On note la nécessité d'aff irmer l ’existence d’une forme desauvagerie, qui est considérée de ma nière dom inant e com m e la prop riété essent ielle d’un« parc nation al », tout en p osant l 'exem plarité nouvelle du paysage hum anisé. Un parcde paysage, c'est-à-di re de natur e chargée du sens et de la form e que les hom m es lui on tconférés au cours de l’histo ire par leur activit é quot idienn e et leurs représent atio ns, c'estcela la vraie nouveauté, qui a été forgée à la fois par le mouvement précurseur, par lesacteurs locaux au m om ent de la m ission d' étude, et par l ' État – à travers les adm inistrationsterritoriales et les services centraux concernés – qui a finalement accueilli cette concep-t ion.

Pourquo i l ' a-t-i l accueil l ie ? Parce que là encore, de nomb reux éléments dans le cont extedes années 196 0, lui étaient favo rables. En prem ier lieu le « cho c », souv ent d écrit, de la

disparition progressive du monde paysan, autorise la reconnaissance de la valeur propredes traces de l ' ancienne civi l isation rurale. Le paysage cévenol acqu iert d e ce fait unevaleur pat rim oni ale, de tém oign age. Le Parc natio nal des Cévennes naît dans une périod ede transit ion civilisatio nnelle, qui fa vorise l'idée de « conservatoire paysan ». Et cett e idéene s'inscrit p as seulem ent d ans une représentat ion p asséiste, elle tro uve sa place dans ladynam ique m oderne de la civi l isation des loisirs, dans la vision prospective d' une sociétéessentiel lement urbaine où les témoins de l ' ancienne civi l isation rurale seront devenusbiens rares, autant recherchés que l ' air pur et l 'eau de la m ont agne. Alors qu' au débutdes années 1950, les m ontagn es cévenoles ne voyaient qu' une fuit e hum aine chaque jour

accélérée, Guy Daudé décrit les Cévennes du début des années 1970 comme devenant« la t erre promise de ceux qui refusent ou sont las de la société industriel le » 7. Ce en quo iPierre Richard – qui voulait « soigner » les populations urbanisées et industrialisées parles ant iques valeurs de la m ont agne – était bien un pro phète, de mêm e que Charles Bieau,qui, en 196 3, prévoyait q ue les valeurs paysannes seraient t oujou rs davantage p risées

7 - Guy Daudé, « Écologie et Humanisme », art.cit., p. 26.

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dans le mon de m oderne. I l n'y a, de ce point de vue, aucun hiat us entre les intent ions desprom oteurs des années 1950 et l 'adm inistration qui m et en place le parc dans la décenniesuivante. M ais ici on a pu constater un point de basculement : en 1960, au m om ent oùest votée la loi sur les parcs nationau x, l ’ idée même de conservatoire du m onde rural étaitdéfendue essentiellem ent par les élus (don t beaucou p représentaient un rurali sme « conser-vateur »), le ministère de l’Agricultu re, not am m ent, défendant po ur sa part un e conceptionclassique des parcs de protection de la nat ure, pensés globalement comm e une m anièred’aménager les espaces « vides », exclus des possibilités de modernisation agricole. En1970, au terme d’une évolution signif icative de cette réflexion, l ’ idée de conservatoirepaysan est devenue une idée « m oderne », voire « progressiste ».

Tout ceci conduit à nuan cer fort ement l 'analyse de certains chercheurs, qui voient dansla création d u Parc des Cévennes l'ab out issem ent d e la longu e empri se des acteurs de laforêt (administration et industries forestières) sur des espaces dont les paysans sont dé-

possédés (Cornu, 2003 ). Out re que les prom ot eurs du parc ne furent pas tou s, loin d e là,des « acteurs de la forêt » , l 'horizon du projet t el qu' i l a été réalisé est b ien le paysan etnon p as la forêt . En at teste l' action du p rem ier directeur du Parc, Alexis M onjau ze, certesgrand forestier, m ais qui élabora « u ne véritab le doctrin e de défense de la vie paysanne »(Daudé, art. cit. : 29). De plus, le Parc des Cévennes n' est p as uniquem ent la créat ion d eceux qui n 'at tribuent plus aux paysans qu'un rô le de témoins d' un t emps passé à usagedes urbains (on pou rrait alo rs parler effectivem ent de dépossession symboliq ue), i l estaussi et to ut au tan t la création de ces paysans m êmes, devenus agricult eurs, qui in tègrentces nouveaux usages pour pouvoir, précisément, demeurer maîtres de ces espaces. Lacréation du PNC me paraît de ce point de vue pouvo ir être analysée com m e la « m ani-festatio n d’u ne capacité d’adap tat ion réactive de collectivit és m enacées par l ’exode ruralet de moins en moins en mesure d’assurer l ’entretien d’un mil ieu naturel », que décritPierre Alph andéry à prop os d’expériences de développem ent lo cal rural qu’ il a pu o bserverdans les années 1980 (Alphandéry, 2008).

Cett e approche hum aniste et rurali ste de la protectio n des espaces nat urels, don t le Parcdes Cévennes a été le creuset, est encore fav orisée, à l'o rée des années 1970, par l e dé-veloppem ent, dans le cham p proprem ent scientif ique, d' une réflexion nouv elle sur la « na-ture » qui intègre l ' idée de l 'homme comme « créateur de l 'écosystème » (Daudé, art.

cit.). Aut rement dit, on n e considère plus seulement les m éfaits de l 'ho m m e destructeur,mais on commence à s'intéresser au rôle de l 'homme producteur dans le maintien desm il ieux voire dans la créat ion des équi l ibres biologiques. « C'est le paysan qui fa i t lepaysage, écrit Édou ard Bonn efoux en 197 0, et sa présence est in dispensable à tou te pré-servatio n. Il n' est pas possible de m aint enir vivant un ensemb le biolog ique sans conserverles hommes et leurs activités. » (L’Homm e ou la nature , Paris Hachette, 1970 : 71). Cespropos font écho à ceux du zoologu e Jean Dorst, nom m é au conseil d'adm inistration duPNC à tit re de personn alité scient ifiqu e 8. Dans son ouv rage Avant que nature meure , don tla troisième édit ion paraît cette mêm e année 1970, Jean Dorst aff irme que « l ' hom m e et

l 'ensemble de la création form ent un tou t », et qu' une action étroit ement nat uraliste quivise à préserver des espaces de nature sauvage est insuffisante. Cette conception, quitend à renforcer la not ion de responsabil i té hum aine, invite à interroger les conséquencesde l 'aband on des espaces mont agnards par l 'hom m e, en t ermes d'appauvrissement desm ilieux bio physiques. On est ici au-delà d' une appr oche seulem ent paysagère, esth étiqu e

8 - Les autres personnalités naturalist es du CA sont: Clément Bressou, Henry Flon (Académie d'agricult ure), Charles Sauvage (directeurdu Centre d'études phytosociologiques et écologiques du CNRS, Montpellier).

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et, à certains égards dans une préfigurat ion des discussions actuelles sur la « b iodiv ersité ».Dans l'espace du Parc des Cévennes, ce nouveau naturalisme scientifique, que certainsqualif ient « d'écologie humaniste », fait écho au sentiment mortifère éprouvé de « l ’ in-térieur » (et particulièrement exprimé p ar l ’écrivain Jean-Pierre Chabrol) devant l 'enva-hissement de la « lèpre » des broussailles et des landes (M onjauze) et la puant eur m orbidedes genêts, ces « g rappes d' asticot s accrochés au cadavre de nos mo nt agnes » (Chabrol).Avec la m ise en place des contrat s d’entretien et d’anim ation du p arc, passés avec lesagriculteurs (dits « cont rats M azenot » 9, du nom du sous-préfet qui a im aginé leur miseen place, m ais on a vu to ut ce que cett e idée devait aux « précurseurs »), le PNC parti cipepleinement dès ses débuts, de cette réflexion sur l ’ intervention hum aine dans l ’action depréservation de la nature.

Le Parc nati ona l des Cévennes serait-il ainsi le seul espace prot égé qui ait v u vérit ablem enttriom pher la vision « cultural iste » de la prot ection de la nature (M auz, 2009: 75), dans

une belle cont inui té ent re les visions idéalistes des précurseurs et les représentat ion s desgestion naires de l 'ét ablissement public ? Cela serait assurément à vérif ier dans l 'histoiredu parc pro prem ent d ite, depuis quaran te ans et, au-delà des discours et récits constit ués,à travers un examen des choix successifs de gestion, du poids respectif du conseil d'ad-m inistrat ion et de la directio n dan s les prises de décision, des débat s au sein du Conseilscientifique etc. 10 . Cette vérif ication devrait po rter aussi sur les confl i ts qui ont agité leParc des Cévennes depuis 1970 et sur la façon d ont i ls ont ét é ou n on résolus : sont -i ls lesigne de la vital i té du débat « dém ocratique » qu' on peut att endre d'un e orientation « cul-turali ste » (attent ive à l'expression de la pluralit é des intérêts hum ains), ou bien au cont rairele signe d'une crispation persistante que l 'on pourrait attr ibuer à un décalage entre la« doctrine » revendiquée et les pratiqu es de gestion ?

Quoiqu 'il en soit, l 'in fléchissement g énéral actu el des polit iques de prot ection de la naturevers une m eilleure prise en compt e des facteurs humains (selon un m odèle dit « intégrateur »ou de gestio n « in tégrée ») (Depraz, 200 8: 108 et suiv.), aussi bien sur le plan nat ion al 11

que sur le plan internat ional , tend à réactual iser le statut d 'exemplar i té du PNC. EnCévennes comme dans les Alpes (Mauz, 2009), les intentions des précurseurs font plusque jam ais sens, qu'i l s'agisse de prot ection et d' observation des mil ieux, d'une m eil leuregestion d es ressources naturelles et de l' am énagem ent raison né des espaces dévol us aux

activités hum aines, dont les espaces protégés pourraient constit uer des territoires d'ex-périmentat ion. Les parcs nat ionau x aujourd’ hui en quête « d’une nou vel le ident i t é »,comm e le remarque Bernadette Lizet (Histoire d es Parcs natio naux , 2009 : 14), ont sansdou te beaucoup à puiser dans le rappel de leurs origin es, pou r chacun d’eux d ’un e granderichesse.

9 - Les Agriculteurs et le PNC : éléments d’une politique contractuelle de participation aux activités du Parc , Mende, Préfecture dela Lozère, 1970, 18 p. [CD01366].

10 - J'ai le projet de tenter de répondre à quelques-unes de ces questions dans la réalisat ion de la seconde phase du programme derecherche consacré à l'hi stoire du Parc national des Cévennes (Programme « Histoi re du PNC », op. cit ., 2003).

11 - C'est le sens que l'on a voulu donner à la modification de la loi de 1960 sur les parcs nationaux français, par la loi du 14 avril2006 et le décret du 28 juillet de la même année.

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R e p è r e s c h r o n o l o g i q u e s

1 8 7 0 - 1 9 1 0 (dates rondes)

œuv re de restau ratio n du m assif de l’A igou al, sous la conduit e du fo restier Georges Fabre,avec la collaboration d u bo taniste Charles Flahault.

1 8 7 9Parution en Angleterre du Voyage en Cévennes avec un ân e de Robert Louis Stevenson .

1 8 9 0Parution de Les Cévennes et la région des Causses , d’Édouard-Alfred Martel.

1 8 9 5Création du Club Céve nol, société de spéléologie et de prom ot ion du t ourisme, à l’init iativedu p asteur Paul Arnal et sur le mod èle du Club alpin français.

1 9 1 1Inaugurat ion du musée du Désert , dans l’ancienne maison d’un chef camisard, sur lacomm une de M ialet (Gard).

1 9 1 3Publication d’une étude d’É.-A. Martel sur les parcs nationaux en France, dans la revue

La M ontagne . L’aut eur étab lit une list e des sites à pro téger sur les haut es terres calcaireset grani tiq ues des Causses et d es Cévennes.

1 9 1 4É.-A. M artel évoque la création d’un « parc natio nal » sur le site de M ont pell ier-le-Vieux.

1 9 2 9 :Le forestier M ax N ègre propose la création d’une ro ute et d’un e réserve forestières desCévennes.

1 9 3 0Parution d u rom an L’Aigoual , d’André Chamson.

1 9 3 3Par décision d u m inistère de l ’A gricult ure, création dans les Cévennes de six réserves enforêt domaniale.

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1 9 5 6• 2 juin : « Florac, parc nat ional ». Parut ion d ans le M idi Libre du premier article de Charles

Bieau évoquan t la création d’un parc national en Cévennes.• 2 4 no ve m bre : vœu du conseil général de la Lozère pour un « Parc national culturel

départemental » .• D éce m bre : « Protection de la n ature d ans les Cévennes-Gévaudan », charte d’actio n

des Amis des sources, groupement formé en 1955 autour des docteurs Pierre Richardaux Vans et Jean Pellet à Génolh ac.

1 9 5 7• 2 3 fé vrie r : arti cle de Jean Couvreur d ans le journal Le M onde , « La Lozère pourra it re-

cevoir le grand p arc national fran çais ».• 1 2 ma rs : création de l ’Associatio n du Parc nat ional cult urel Céve nnes-Lozère à

l’initiative de maître Bieau et du sous-préfet Corbillé, avec les conseillers généraux et

maires de l’arrondissement de Florac.• 2 8 a vril : fusion d es groupes lozériens, ardéchois et gardois dan s l ’Association duParc nat ional cult urel de s Céve nnes - APN CC (président : maître Bieau, vice-prési-dent s : Pierre Richard, Jean Pellet).

• 6 oct o bre : à l’init iative de Gilbert André, réunion à la préfecture de Lyon des prom oteursde « parcs nationaux culturels ». Pierre Richard représente le Parc national des Cé-vennes.

• 2 0 d éce m bre : assemblée générale constitut ive de l’ Associat ion d es Parcs nat ionau xde France , à Paris.

• Num éro de Rivières et f orêts consacré aux « réserves et parcs nat urels de France » , avecun texte d’André Chamson et un article de Pierre Richard sur le parc culturel des Cé-vennes.

1 9 5 8• 2 2 ma rs : création de l ’Associatio n du Parc nat urel du Caroux .• 1 6 m ai : à l ’ init iative de l ’APNCC, réunion en Arles de prom oteurs des parcs du Caroux,

de Cam argue et de Haut e-Provence, afin d ’élabo rer un projet d e Fédé rat ion de s Parcsnationaux méditerranéens.

• Juin : Le Parc national culturel des Cévennes , brochure publiée par l’APNCC, avec le

concours de la Com pagnie pou r l ’am énagement de la région Bas-Rhône-Languedoc.• Aut om ne : graves inondations dans le Gard.

1 9 5 9• Se pt e m bre : Prem ières « jou rnées scientif iqu es » de l’ APNCC aux Vans.• D éce m bre : Michel Debré, Premier ministre, charge la direction générale des Eaux et

Forêts au m inistère de l ’Agriculture d e la rédaction d’un e loi relative aux Parcs natio-naux.

1 9 6 0• 1 5 m ai : assemblée générale de l’APNCC aux Vans, pour discuter du projet de loi surles Parcs nationaux et proposer des amendements.

• 2 2 juille t : promulgat ion de la loi relative aux Parcs nationaux français.• Réal isat ion de l ’a lbum Les Haut s Pays céveno ls par les services du m inistère de la

Construction, avec le concours de membres de l’APNCC.• Premier num éro de la revue Font Vive  (créée à l’ in iti ativ e de Pierre Richard).

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1 9 6 1• 3 f évrie r : présentat ion du Parc nat ion al des Cévennes au ciném a Lux-Rennes à Paris.• 3 1 oct o bre : décret d’application de la loi relative aux Parcs nation aux.• 1 7 dé ce m bre : les sections ard échoises et g ardoi ses de l’A PNCC, réunies à Génol hac,

créent l’ associat ion Font Vive. Pierre Richard et Jean Pellet d em eurent vice-présidentsde l’ APNCC.

• Classement du départem ent de la Lozère en « zone de mont agne ».• L’étude du projet de PNC est inscrite au IVe Plan de Développement économique et

social (1962-19 66).

1 9 6 2• M ise en place du Plan d’ aménagement du litt oral langu edocien, dans le cadre du IVe Plan.• 7 n ove m bre : avis favorable du Conseil national pou r la protection de la nature à la

m ise à l ’étu de du PNC.

1 9 6 3• M a rs : Premier num éro de Cévennes et M ont Lozère , revue de l ’A PNCC.• 1 8 juin : création de la DATAR, au sein de laq uelle s’élabore la réfl exion sur les parcs

naturels régionaux.• 1 er ju ill et : Jean Pellet et Pierre Richard d ém issionn ent d e leurs fonct ions de vice-pré-

sidents de l’ APNCC.• 6 juille t : décret d e création du Parc nat ional de la Vano ise .• 14 décembre : décret de création du Parc nat ional d e Port-Cros.• Étud e d’am énagement d es Hauts Pays cévenols , par Alain Gautrand, architecte urba-

niste.

1 9 6 4• « Réflexion sur l’av enir des Cévennes », rapport rédigé par Robert Poujol à la préf ecture

du Gard.• « Réflexions pour 198 5 », rapport du Group e de prospective 1985 d ans le cadre de la

préparation du Ve Plan, évoquant not amm ent la reconversion d es « déserts français »en parcs nation aux ».

• 2 8 d éce m bre : un groupe de travail départemental réuni à Mende se prononce una-

nimement en faveur d’un parc « nat ional » et non « régional ».

1 9 6 5• 1 4 août : création de la Fédé rat ion de s associations céve noles, à l’ initiat ive de Font

Vive et du Club Cévenol.• 3 0 no ve m bre : l ’ét ude d u Parc nat ion al des Cévennes est inscrite au Ve Plan d e déve-

loppem ent économiqu e et social.

1 9 6 6

• Fé vrie r : le ministre de l ’Agriculture charge le directeur département al de l ’Agriculturede la Lozère (Roger de Saboulin Bollena) d’une étud e d’opp ortu nité p our la créationd’un parc national dans les Cévennes.

• 6 o ct o bre : à Mende, Olivier Guichard, délégué du gouvernement à l ’Aménagementdu territoire, annonce la mise à l’étude du « Parc naturel régional » des Cévennes.

• 2 9 o ct o bre : assemblée générale de Font Vive à Vialas (48), qui marque un tournantdans l’h istoire de l’ associati on, sous la présidence de Roland Calcat.

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L e s s o u r c e s

1 . A r c h i v e s

A . C e n t r e d e d o c u m e n t a t i o n e t d ’ a r c h i v e sd u P a r c n a t i o n a l d e s C é v e n n e s

Le Centre de do cum entat ion a ét é créé par François Girard (agent du PNC) au début desannées 1990. I l port ait d epuis longtem ps avec Jean Pellet l ’ idée de faire un « l ieu de m é-m oire » où serait recueilli to ut ce qui a été « dit et écrit » sur les Cévennes, to ut es m atièreset di sciplin es conf ond ues. Ce lieu a été o uvert dans l’an cienne m aison Font Vive, acquise

par le Parc nat ional des Cévennes en 197 3.Les archives et docum ents concernant l’h istoire du PNC et l’histo ire de l’associat ion FontVive sont classés respectivem ent sous les mot s-clés Hist. PN C et Hist. FV. Ils ont ét é ré-pertoriés dans une liste bibliographique établie par le Centre de docum entat ion et reprodu itedans le m émo ire de Pierre Toussaint (2004 ).Je ne présente ici que les docum ents ut ilisés dans cette ét ude, dans un classement ana-lytique.

Archives adm inistrat ivesDocum ents relatifs à la création du Parc nation al des Cévennes : étud es prélim inaires, avispréfectoraux, docum ents d’enquêt e publiqu e, textes juridiques…CD00080.3  – Di rect io n Dépar tem en tal e de l ’Agriculture (D.D.A .) Lozère, Pou r un Parc na - tional des Cévennes , novembre 19 66, 44 p. + annexes.CD00367  – Préfecture de la Lozère, Les Parcs natio nau x en France et le pro jet d e PNC ,1969, 37 p.CD00372  – Pro jet de PNC : l ist e parcel lai re par com m une, Par is, m inist ère de l’ Agri cu l-ture.CD00371  – Do ssier d’enquêt e pré lim inai re. Fasc. 2. Dé li m itat io n des zones concern éespar le projet.

C D 0 0 4 5 6  – Avis fo rm u lés su r le p ro jet de cr éa t ion du PN C de p réf et et so us-p réf et ,143 p.CD00459  – Do ssier sur l a créat ion du Par c nat io nal d es Céven nes com prenant des t ex tesde loi et des cartes, 1969, 129 p.CDLEY0427  – Do ssier de créat io n du PNC avec en quêt e publique, 1 969-1 970, 200 p.CDLEY0739  – Bo ulin Rober t , Rép onse de M . le m inist re de l’ Agri cu lture à des quest ionsposées par le con seil général d u Gard avant sa prise de position , Paris, mini stère de l’Ag ri-cultu re, 196 8, 8 p.

Archives associativ esFont Vive. Ce sont essentiellem ent des archives de la période postérieure au « t ourn ant »que l’histoire de cett e association a connu à partir d e 1965-19 66. Les archives de la périodeantérieure sont demeurées au sein des fam illes des fondateurs de l’association (en particulierla fam il le Richard).CD00446  – Consei l d ’ad m inist ra t ion de l ’associat ion Font Vive, 1966-1967, Où en est le Parc des Cévennes ? 

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CD00439  – Consei l d ’adm in ist ra t io n de l ’associat ion Font Vive, 1964-1 966, CA du 18 oc-tobre 1965.CD00467 – Arch ives de Font Vive [compt e-rendu d’exp lo it at ion des réunion s de l ’associat ionet div erses correspondan ces, 1966-6 9].CDJRD 14 42  – Richar d Pierre, Gau ja c André , Réunio n de la comm ission d es sites, m onu - m ents et p aysages du Parc natio nal des Cévennes le 18 avril 196 8 à Saint -An dré-Capcèze ,1968, 8.CDJRD1475  – Résum é des act ivités de Fon t Vi ve g roupées par fonct ion (1962-1 968), 9 p.CDJRD1476  – Rap port de la Com m ission des si tes et docum en ts d e Font Vive, 1 968.CD00746  – Pro jet de cont ra t d ’ét udes avec le m inist ère de l ’Agricu lt ure, DDA du Ga rd ,Génolha c, Font Vive, 196 9, 3 p.CD00744  – Note de pri ncipe sur l ’ori en tat ion in terne et ex terne de Font Vive dan s le cadred’u ne com péten ce à échelon régio nale, Font Vive, 196 9.CD00306  – Rap port d ’ét ude sur l’ habitat céven ol, Gén olhac, Font Vive, 1968.

CD04005  – Carte des Hauts Pays cévenols par Jean Pellet, Génolhac, Font Vive, 1963.CD00672  – Présen tat ion off iciel le de l ’Atlas des Cévennes , Génolhac, Font Vive, 196 4,6 p.CD03643  – Anonym e, Histoire de l’a ssociat ion Font Vive , v. 1960, 11 p.

APNCC. Associatio n po ur un Parc nat ional culturel d es Céve nnesCD01241  – Cahie r des com ptes- rendus d e réunions d e l ’APNCC, 1 960-1 971, 78 p.

Fonds priv ésLe fonds Jean Pellet , président fo ndat eur de l’associat ion Font Vive, a été parti ellemen tinvent orié. Ap rès ent retien av ec François Girard, ancien respon sable du Centre de do cu-m entation , i l apparaît que ce fonds ne contiendrait p as de docum ents relatifs à l ’histoiredu Parc. I l s’agirait essentiel lement d’un fond s d’érudit ion . Son examen peut cependants’avérer très utile pour com prendre les m odalit és du savoir m ises en œu vre par un « éruditlocal » très mil i tan t et son appréhension du t erritoire.

Un ensemble d’archives appartenant à Roland Calcat , président de Font Vive de 1964à 1969, a été déposé par son épouse. Son contenu, en cours de classement, ne m’a pasété int égralement comm uniqu é. Une part ie de ces archives (correspond ance etc.) est

tou jours la propriété de M m e Calcat, domicil iée aux Vans.

Le fonds Jean Roux (dossier JRD1451 ), curé de Vialas, mem bre act if d e Font Vive, nonclassé, se présente sous forme de dossiers relatifs à l’histoire du PNC, contenant princi-palement de nombreuses coupures de presse locale et régionale.

Texte s et document sBul let in d’ inform ation de l’ associati on Font Vive, n° 1, 1962 .CD01817 CDLEYO982 (copie) – Bieau, L’Équil ibre agro-sylvo-pastoral de la région f lo- 

racoise , thèse de doctorat de droit , université de M ont pell ier, M ont pell ier, 1955.CD02727.1.2 .  – Schenk André , Le Plan cévenol , Bulletin d u Centre régional de la pro-ductivit é et des études économ iques de M ont pell ier, 1962. n° 38. p. 145-153 .CD01446  – Les Haut s Pays céveno ls , album de présentatio n à t irage réduit, ministère dela Construction et de l’Urbanisme, 1960, 390 p., il lustré, cartes.CDLEY0520  – Anonym e, Document pour l ’aménagement de l ’arrière-pays , 1964, 21 p.CD00544  – Ausset Jean -Clau de, Chasseur cévenol et Parc nat ion al , Génolhac, 7 p.

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CD00080.3  – Di rect io n d épar tem ental e de l ’Agri cu lt ure de la Lozère, Pour u n Parc natio nal des Cévennes , novembre 1966 , 44 p. + annexes.CD00543  – Lam our Phi lippe, Le Parc nat ional des Cévennes : objectif et précision, docum ent réalisé pour la Fédération des association s cévenoles , 1967, 7 p.CDLEY0964  – Terre céven ole, La vérit é sur le PNC , Les Rousses, 1969, 32 p.CDLEY0520  – Bressou Clém en t , Défense et présentat ion d u Parc natio nal des Cévennes ,s.d., 10 p.CD01366  – Les Agriculteurs et le PNC : éléments d’u ne po lit ique contractuelle de p arti- cipation aux activit és du parc , M ende, Préfecture d e la Lozère, 1970, 18 p.CD01367  – Fontayne M ichel , Proposit ion d’action culturel le du PNC , 1969, 66 p.CDLEY0740 – M azenot Georg es, Le Parc nat ion al des Cévennes. Histo riqu e et consistance du projet , Flor ac, PNC, 197 0. 12 p.CDLEY1029  – Allocutio n pron oncée par M . Jacques Duham el, m inistre de l ’Agricultu re,lors de l’in stallati on solennelle du Conseil d’adm inistrat ion du PNC à Florac, le 21 décem bre 

1970, Florac, 1970 , 6 p.CDJRD1452  – M ON OD M ichel , « All ocu t io n pro noncée par m onsieu r M ichel M onod, do c-teur en m édecine, m aire de Saint e-Croix-Vallée-Française, conseiller général d e la Lozère,adm inistrat eur du Parc natio nal des Cévennes, à l'o ccasion d es “ jour nées lozériennes“organ isées à Alès le 11 avril 1 970 » 6 p.Les Haut s Pays céveno ls , album d e présentation à tirage réduit, m inistère de la Constructionet de l ’Urban ism e, 1960.

B . A rch ives d ép artem en tales d e la Lo zère

Fond s Biea u [sous-séri e 2 1 J.]Archiv es déposées aux archiv es départ emen tal es de la Lozère par Charles Bieau en 197 0,année de la création du Parc nat ion al des Cévennes. Elles ont été classées par Benjam inBardy, archiviste d épartem ental . 23 carton s cot és 21 J.21J1  – Thèse de m aît re Bieau : so uten an ce, com pte- rendu de presse.21J2  – Créa t ion de l ’Associat ion du Parc n at ional cu lture l des Cév ennes. Stat u ts, pro cès-verbaux de réunio ns, assem blées générales, vœu x etc. (195 7-19 70).21J3  – Com ptes et budget s (1957-1965).21J4  – M em bres : l istes, f ich ie rs (1 957-1966).

21J5  – Correspondance 1955-1959.21J6  – Correspondance 1960-1967.21J7  – Réunion d ’ inform at io n du 3 fév ri er 1961 à Par is.21J8  – Revue Cévennes et M ont Lozère : création, impression, édition, diffusion.21J9  – Théât re et au t res m an ifest at ions culture ll es. Photos d e paysa ges, m anifest at ions,etc.21J10  – Session « Connai ssance de la Fran ce » .21J11  – Do ssier de p resse : co upures de p resse concern an t le Parc des Céven nes, d’au t resparcs et la prot ection de la nature (1957-197 0).

21J12  – Convocat io ns et pro cès-verbau x d e réunio ns d’ asso ciat io ns di verses (1 952-1 970).21J13 – Art icles m anuscri ts ou im primés concernan t le Parc des Cévennes ou des problèm esd’économ ie rurale (1960-19 67).21J14  – Do cum en tat ion su r les problèm es forest iers : ar t icles, co rrespondan ce, CETEF(1950-1967).21J15  – Congrès forest ier rég ional du M assi f Cen t re -Sud. Docum en tat io n.21J16  – Congrès des « Nat urschutzparke » en A ll em ag ne et Luxem bourg : do cum en tat io n

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(1963-1968).21J17  – Associat io n fra nçaise de zo ologie : Co ngrès de M en de (5 -7 ju i l le t 1963).21J18  – Féd ér at ion f rança ise d ’économ ie m ontagnarde : docu m en tat ion, Co ngrès deM ende (mai- ju in 1965) (1961-65).21J19  – Fédérat ion des associat io ns céven oles.21J20  – M eet in g aéro nau t iq ue de Flo rac-Chan et (12 août 1956) et pro je t d’am énag em entde l ’aérodrome (1950-1958).21J21  – Droit de pacag e su r le Bo ugès : docum en tat io n, do ssier de pro céd ure (vers 1952).21J22  – Revues diverses : Causses et Cévennes (1959-1971), Font Vive (n° 1 à 5 ), Revue du Parc national du Caroux (1960-1964), Natur und N at ionalpark (1962-1968).21J23  – Rev ue d iverses aya nt t rait aux parcs naturel s ou à la protect ion de la nature(1958-1971).

Archives du Parc national des Cévennes [12 01 W ]

Au d ébut des années 200 0, le PNC a déposé aux archiv es départ em ental es de la Lozèreles archives de la m ission d’ét ude et des prem ières années du Parc. Ces archives ont étéclassées en 20 03 et 2 004 par Alain Laurans. Les archives cot ées 1 2 0 1 W cont iennent34 cartons (num érotés 1 à 34) et couvrent la p ériode 1956 à 1 981. 27 cartons concernentla période précédant la création proprem ent dit e, dont une douzaine ont ét é dépouil lésde m anière exhaust ive. Une dizain e d’aut res boîtes sont cot ées W.Description som m aire de l ’ensemble

 – Pro cédure de consultat io n et en quêt e publique. – In form at ion des populat ions. – Com m uniqués de gen darm er ie. – Résu ltats d es dél ibérat io ns p ar dép ar tem en t . – Corresp ondan ce. – Dé li m itat ion (corresp ondan ce), cart ogra phie et cadast re – Aut res t ravau x prépara toires (t ourism e, p istes et sen t ie rs, in ven taires, am én ag em en ts

sportifs). – Organ isat ion et act iv ités du service des ét udes pour la créa t io n du par c. – Préparat ion du décre t de créa t ion du PNC, p ro je t de réglem en tat ion.1 2 0 1 W 1  – Travaux prépar at o ir es (1 956-1961).1 2 0 1 W 2  – In form at ion des populat ions (1967-1 970).

1 2 0 1 W 3  – Dé li m itat io ns Parc Lozère, Ga rd, Suggest ions et vœux.1 2 0 1 W 4  – D é l i b é r a t i o n s Lo zè r e – co n su l t a t i o n s (1 9 6 7 - 1 9 7 0 ) ; d é l i b é r a t i o n sArdèche – consultatio ns (1969) ; délibérations Gard – consultat ions (1968-1969) ; avis etcontestations (particuliers) (1969-1970 ) ; comm uniqués de gendarmerie (1967-1968 ).1 2 0 1 W 5  – Organisat ion et act ivité du service (1 967-1974).1 2 0 1 W 6  – Protect ion de la nature (1 968-1969) ; sports (1 968-1971) ; Routes, p ist es,sentiers (196 7-1969).1 2 0 1 W 7  – Tourn ées (1963-1 968) - Réunions d e t ra va il (1967-1 968).1 2 0 1 W 8  – Art ic les de presse (1 970-1971) – Pét it ions et dem andes de renseignem en ts

 – Conféren ces – Causer ies (1967-1 974).1 2 0 1 W 1 5  – Préparat io n de la rég lem en tat io n (1968-1 970) – Élém en ts de rédact io n pourl ’avant projet du décret.1 2 0 1 W 2 2  – Pro jet de Parc nat ional des Cév en nes – Consultat io n des consei ls m unic i-paux.1 2 0 1 W 2 3  – Let t res de rem erciem en ts suite à la créa t ion du PNC (1970).1 2 0 1 W 2 4  – Réunio ns d ’ét ude sur la créat io n du PNC (1968).

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C . A r c h i v e s n a t i o n a l e s , C e n t r e d e s a r c h i v e sc o n t e m p o r a i n e s ( Fo n t a i n e b l e a u - A v o n )

Versement du ministère de l ’Environnement, n° 1996 0018 /34 , dossier « Ministère del’Ag riculture » . Le product eur des archives est le service dirigé par le com m andant Beaugé,

chef de mission à la Datar concernant les espaces protégés (parcs nationaux et parcsnaturels régionaux).

Description som ma ire – PNC, consultat ions effectuées d an s l es dép ar tem en ts d e la Lozère : corresp ondance et

docum ents relatif s aux associat ions et organ ismes - dossier de presse (1970) - M issiond’étud e (document s de présentatio n du PNC, 1966 et 196 8) - avis des organismes etcham bres consulaires (1968) - délibérat ion d es conseils m uni cipaux ; prises de positio ndiverses.

 – PNC, consu lt at ions effectuées d ans l es dép art em en ts d u Ga rd et de l ’Ardèche. – Do ssier de consultat ion du Com ité i nt erm inistér iel des p arcs n at io nau x - av is du CNPN. – Préfecture du Ga rd , Réflexion sur l’avenir des Cévennes , 1964, 22 p. (copie confiden-

tielle).

D . Fo n d s p r i v é s .Les pap iers de Pierre Richard (Les Vans, archives de la famille Richard)No tes, correspondan ce, docum ents di vers.Document s consultés avec l ’aimab le autorisation d e M m es Ann e-M arie Richard et SylvieRichard.

Le fonds Paul Bastian (musée des Vallées cévenoles, Saint-Jean-du-Gard)Correspondance, dossiers de presse.Docum ents consult és avec l’aimab le autorisatio n de M m . le pasteur Paul Bastian et Dan ielTravier.

2 . S o u r c e s i m p r i m é e s

Revues et publications associativesLes chif fres entre crochets ind iquen t l es années dépou illées.Bulletin du Club Cévenol (1895-1909 ) puis Causses et Cévennes , revue du Club Cévenol(depuis 1910) [189 8-1913 ; puis dépouil lem ent partiel jusque 1970]Cévennes et M ont Lozère [1963-1972]Font Vive [n°1, 196 0 n° 12, 196 6]Lou Païs [1963-1971]Cévennes , revue du Parc nati onal d es Cévennes [nu m éros 00 à 10]

Principaux ouvrag es et articlesAPNCC, Le Parc nat ion al cult urel d es Cévennes , imprim erie Chaptal, M ende, 1958.Beaugé com m andant , « Les parcs naturels régionaux », Causses et Cévennes , n° 1, jan-vier-mars 1966, p. 384-388.Béthol aud Y., « L’Aigo ual » , Cévennes , revue du PNC, n° 8, p. 2-8.Bieau Ch., « Le parc natu rel des Cévennes », Gévaudan , n° 3, 1957, p. 111-156.

« Florac, Parc nat ion al » , M idi Libre , 2 juin 1956 .

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« Le reboisement », Revue de l ’économ ie méridionale , t. IV, n° 15 , juil let -sep-tembre 1956, p 273-294.« Le Parc nat ion al d es Cévennes », Font Vive , n° 1, 1960, 12 p.« Du gran d fo restier des Cévennes au Parc nat ion al des Cévennes », Causses et Cévennes , 196 1/3, p. 382 -387 .« Le Parc natio nal des Cévennes doit tend re à une m eilleure util isation d es solsmontagnards », Font Vive , n° 2, 1961, p. 52-58.« L'organisation judiciaire en montagne et le Parc national culturel des Cé-vennes », Cévennes et M ont Lozère , n° 2, 1963, p. 15-18.« Esqui sse de l'o rgan isation du Parc nati ona l cultu rel des Cévennes », Cévennes et M ont Lozère , n° 2, 19 63 , p. 4-8 .« Le parc et le causse M éjean », Cévennes et M ont Lozère , n° 5, 1964 , p. 9-1 4.« Essai sur l ' historique d e loi f rançaise sur les parcs de prot ection de la nat ure »,Cévennes et M ont Lozère , n° 15, 1968, p. 17-35.

« Le Parc nat iona l des Cévennes », Cévennes et Mont Lozère , 1969, n° 16-1 7,p. 19-25 .« Le Parc sans âm e », Cévennes et M ont Lozère , 1969, n° 16-17, p. 46.

Boland H., « La mise en valeur des Cévennes », Bulletin du Club Cévenol , n° 4, 1896.« Au pays des Cam isards », Bulletin du Club Cévenol , 1907.

Bonnef oux E., L’Homm e ou la nature , Paris, Hachett e, 1970 .Carli er J., Vanoise, victoire pour demain , Paris, Calm an-Lévy, 197 2.Carri ère J., L’Épervier de M aheux , Paris, Pauvert, 1972.Cauvin J., « Les réserves archéolo giqu es et la pro tecti on des sites préhisto riques dan s leParc nat ion al » , Font Vive , n° 4, 1962 , p.38-4 2.Chabrol J.-P., Les Rebelles , Paris, Plon, 3 to m es, 1965 -196 8.

Le Crève-Cévenne , Paris, Plon, 1972.Chamson A ., L’Aigoual , Paris, Grasset, 1930.

« À propo s du projet d e Parc nation al cévenol » , Rivières et forêt s , n° 8, 1957,p. 73.

Chaptal M ., « Par le tou risme et la fo rêt, le Parc natio nal des Cévennes apport era la pros-périté aux générations fut ures. M ais faut-i l , pour cela, sacrif ier la génération actu elle ? »,M idi Libre , 27 janvier 1958.Chimits P., « Le Parc national des Pyrénées Occidentales », Cévennes et Mont Lozère ,

n° 10-1 1, 1966 , p. 7-6.« Dialog ue cévenol » , numéro spécial de la revue Font Vive , n° 12.Dorst J., La nat ure dé-naturée , Paris, Delachaux et N iestlé, 196 5 * .

Avant que nature m eure , Paris, Delachaux et N iestlé, 197 0 (3e édi tio n).Ducos P., « Réserves intégrales et territoires d'expérimentation biologique », Font Viv e,n° 4, 1962, p. 32-37.

« Le rôle du Parc national des Cévennes dans la protection de la faune euro-péenne », Font Vive , n° 8, 196 3, p. 3-8.

Duham el G., Querelles de famille , Paris, M ercure d e France, 1932.

Dum azedier J., Vers une civilisation du loisir ? , Paris, Seuil, 1962.Fédération des associations cévenoles, « Un p oint final à la cont roverse au sujet d u PNC »,Causses et Cévennes , 197 0/1, p. 413 -414 .Galzin J., « L'histoire des Cévennes et le Parc national », Causses et Cévennes , 1970/1,p. 427 -729 .Gautran d A., Étu de d’am énagement des Haut s Pays céveno ls. Cévennes cent rales, Cévennes méridionales, Parc du Caroux , Documents d’enquête et rappo rt, ministère de la Construct ion,

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direction de l ’Aménagement du territoire, circonscription Languedoc-Roussil lon, 1961-1963, 146 p.Groupe 1985 , Réflexions pour 1 985. Travaux pou r le Plan , Paris, La Docum entati on f rançaise,1964.Gutkind E.-A., Le Crépuscule des villes , Paris, Stock, 1966.Laget J., « Le Parc nat ion al des Cévenn es dan s l'économ ie lozérienn e », Cévennes et M ont Lozère , n° 6, 1964 , p. 5-6 .M artel É.-A., « Lett re aux Lozériens », Bulletin du Club Cévenol , n° 1, 1896, p. 9-10.

« La question des parcs nat iona ux en France », La Mo ntagne , 1913 . n° 7 et8, p. 401-412, 433-437.

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3 . T é m o i g n a g e s o r a u x

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Gilbert André. Prom oteur du projet d’ un « Parc national cultu rel » en Savoie (entretienavec Isabelle Mauz).Paul Bastian. Pasteur d ’ori gine suisse. Il était responsable de l a Xe Région de l’ Église ré-form ée de France (haut Gard, basse Ard èche) dans les années 1960.Janine Brager. M il i tante de l ’act ion catho l ique dans les années 1950, or ig ina i re deM eyruei s (Lozère), décédée. Épo use de François Brager, directeur d u CEE Lozère, directeurde la SAFER Lozère, administrateur du Parc national culturel des Cévennes. Décédée.Bernard Comm andré. Travail le actuellement à l ’ATEN de M ont pell ier. Ancien chef desecteur au PNC. I l fut m embre d e la m ission d ’étude.

Étienne During. Archit ecte, chargé de m ission Font Vive d ans les années 1960 .Sauveur Ferrara. Pédopsychiatre. Jeune m emb re de Font Vive dans les ann ées 1960.Proche des fam illes Richard et Calcat.François Girard. Ancien chef de secteur du PNC, fond ateur du Centre de do cument ationdu PNC à Génolhac au d ébut des années 199 0, mem bre de Font Vive. = .Guy Grégoire. Responsable de l ’ im prim erie au PNC, i l fut le premier m embre recruté dela mission d’étude en tan t qu e dessinateur géom ètre.

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Pierre de M onta ignac de Chauvance. Ingénieur des Eaux et Forêts en retrait e. Respon -sable de la mission d’étude pour la création du PNC (1966-1970), directeur adjoint duPNC à sa créatio n (197 0).Huguet te Nicolas. Fondatrice de l’association Les Compagnons du Gerboul, proche deFon t Vive. = .M me Pel let . Épou se de Jean Pellet, m emb re fon dat eur de Font Vive.Lucien Reve rsat . Chef de secteu r du PNC en retra ite.Anne-M arie Richard e t Sylvie Richard. Épouse et f ille cadett e de Pierre Richard, mem brefon dat eur de Font Vive. Sylvie est archit ecte spécialisée en écoconstru ction .Daniel Travier. Président d e la comm ission cul ture du PNC, fond ateur du M usée desvallées cévenoles à Saint-Jean-du -Gard, adhère à Font -Vive dan s les années 1960.Constant Vago. An cien directeur d e recherche à l’IN RA, fond ateur d u Centre de recherchede Saint -Christol-les-Alès, académ icien, m em bre fon dat eur de Font Vive.M ichel Wienin. Chargé de m ission à la DRAC Langu edoc-Roussillon , chercheur (géolo gue,

préhistorien) et mil i tant culturel dans les années 1960. I l fut recruté comme formateurpour le personnel du PNC dans les années 1970 et est mem bre du Conseil d’adm inistrationdu PNC depu is plusieurs années.

Entret iens non enregistrésHenry Bayle. Originaire de Casteljau (Ardèche), spéléologue amateur dans les années1950, aux côtés de Jacques Cauvin (préhistorien, membre fondateur de Font Vive). Il futl’un des « am is des sources ».Roger Lagrave. Anim ateur sociocultu rel en retraite, i l a été associé à la m ission d’étud epour la création du PNC.Georges M azenot. Haut f onct ionn aire en retraite. Il était sous-préfet de la Lozère durantla m ission d’ étude et f ut l ’un des principaux rédacteurs du projet de d écret de créationdu PNC (entretien téléphoniqu e).René Roux. Ancien avocat au barreau de Montpellier. Fondateur de l’association Terrecévenole, créée en op positio n au projet de Parc natio nal des Cévennes (témo ignag e écrit).M arc Varin d’Ainvelle. Fils d’Ant oine Varin d’A invelle, maire d’A lt ier (48) à l ’époq ue dela création du PNC. Le père d’A nt oine, Joseph, était conservateur en chef des Eaux etForêt s, secteurs Lozère, Gard, Ardèche.

Témoignage s recueill is par Pierre Gaudin et Claire Reverchon (19 82 -19 83 )Yves Bét olaud. Ingénieu r général d es Eaux et Forêt s, un des principau x rédact eurs de laloi relative à la création des Parcs nationaux, responsable des parcs nationaux dans lecadre de la Direction de la prot ection de la nature. = .Benjam in Bardy. Ancien archiviste départ ement al, memb re de l ’APNCC.Pierre Bonnet. Agent du PNC en retraite (service « architecture). Membre de la missiond’étude.Jea n Bourdo n. Ancien correspondant du M idi Libre à Florac, ancien enseignant , responsableprotestant.

Gérard Collin. Conservateur en chef du M usée de Béziers. Il fut respon sable de la miseen place de l’Écomusée du Mont Lozère dans le cadre du PNC.Jea n Do nned ieu de Vabre s. Haut f onctionn aire d’origine cévenole, i l fut le premier pré-sident du conseil d’adm inistration du PNC de 1970 à 198 2. = .M arie-France Dejean . Secrétair e du PNC en retrai te, engagée du rant la m ission d ’étu de.Raymond D ejean. Agent du PNC en retraite (biologiste). I l fut associé aux t ravaux d’ in-ventaires biologiques de la m ission d’étud e.

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Claude Espina sse. Agent du PNC en retraite (secteur « anim ation »), engagé durant lam ission d’étud e.Jacques M ichoux. Ancien enseignant à l ’École normale de M ende, géologue, m embrede l’ APNCC et de Font Vive.M ichel M onod. M édecin et élu cévenol. I l fut président du conseil d’adm inistration duPNC. = .Christian Na ppée. Agent du PNC en retraite (zoologue).Jea n Roux (Abb é). M embre d u com ité scientif iqu e du PNC, m embre de Font Vive. = .

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Annexe

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