324
1 AVANT D’ÊTRE CAPITAINE ... OU LES MÉMOIRES D’UN BRETON

Avant d'être capitaine TOME 2

Embed Size (px)

DESCRIPTION

Quand j’ai entrepris des recherches sur la famille, j’aurais aimé trouver quelques mémoires des anciens, découvrant l’intimité de leur vie familiale. J’ai dû me contenter souvent d’actes publics : registres de délibération de conseils municipaux, actes d’état civil, minutes notariales... Dans 100 ans, 200 ans, il se trouvera peut-être un descendant curieux de connaître notre existence au XXème siècle. C’est a lui, c’est à elle, cet inconnu chercheur, que je dédie le présent ouvrage en souhaitant qu’il soit conservé dans son entier par ceux et celles qui l’auront en mains successivement.

Citation preview

Page 1: Avant d'être capitaine TOME 2

1

AVANT D’ÊTRE CAPITAINE ...OU LES MÉMOIRES D’UN BRETON

Page 2: Avant d'être capitaine TOME 2

2

Page 3: Avant d'être capitaine TOME 2

3

Page 4: Avant d'être capitaine TOME 2

4

Page 5: Avant d'être capitaine TOME 2

5

AVANT D’ÊTRE CAPITAINE ...

OU LES MÉMOIRES D’UN BRETON

PIERRE AMIOT

Page 6: Avant d'être capitaine TOME 2

6

Page 7: Avant d'être capitaine TOME 2

7

18_ À LA BASE AÉRO-NAVALE D’HYÈRE(20 Août 1956 - 03 Octobre 1958)

Page 8: Avant d'être capitaine TOME 2

8

Je suis assez étonné en débarquant du train de Paris de trouver une épouse assez somptueusement logée dans un immeuble neuf d’Hyères, avec garage SVP. Rien à voir avec le précédent logement en sous-sol d’une villa.L’appartement est garni de meubles neufs de qualité. Ajoutez à cela que Marie a offert à son petit frère Jean un scooter et vous comprendrez mon étonnement de trouver assez basses les finances du ménage.Ce sont là les signes précurseurs de la maladie qui va, à l’âge de la retraite, frapper Marie :le fièvre acheteuse.Voilà qui me rappelle l’aventure d’un officier de cavalerie, d’authentique noblesse, qui s’aperçoit, à son retour d’Indochine que sa femme a investi tout le gain de sa campagne dans la réfection de la toiture du château familial.L’histoire raconte que le malheureux, fauché, a rempilé pour l’Extrême Orient !C’est ce que j’aurais pu faire. Mais je suis trop attaché aux miens pour partir volontaire vers une nouvelle aventure.Je suis, un an durant, à Hyères sous les ordres du Sieur Nicolas, Ingénieur Mécanicien Principal, un des hommes que j’ai le plus détesté au cours de ma carrière.Je commencerai donc par narrer ses gentillesses à mon encontre.

Premier épisode :Le jour de mon arrivée il me déclare :“J’ai tout fait pour ne pas vous avoir. Vous devez être sacrément pistonné !” C’est aimable ! J’essaie, en vain, de lui expliquer que, rentrant d’une longue campagne lointaine, il est normal d’avoir l’affectation de mon choix.

Deuxième épisode :un jour il me harcèle au téléphone de reproches infondés. Toute sa mauvaise foi est palpable. A tel point que, excédé, je lui réponds :“Merde” et je raccroche, ulcéré par ce que je viens d’entendre.Je suis convoqué dans son bureau dans les minutes suivantes. Explications. Tout s’arrête là. Il a sans doute compris qu’il a dépassé la mesure.

Page 9: Avant d'être capitaine TOME 2

9

Troisième épisode :A Hyères je dirige le Service Entretien Avions, grosse boutique faite de spécialistes civils et militaires. J’œuvre en étroite collaboration avec les flottilles qui font souvent appel à ce service.Un beau jour je reçois par message l’ordre de me rendre au Ministère pour participer à une conférence relative aux problème de l’Aviation Embarquée.Je quitte la base, comme à l’accoutumée, vers les 19 heures. A 21 heures une voiture vient me conduire à Toulon pour le train de nuit. Nuit assez blanche car il n’y a pas de couchettes. D’ailleurs le commissariat ne les rembourse pas.Arrivée au Ministère vers 8 heures. Toilette sommaire dans un des lavabos de ce vieux ministère. Conférence de 9 heures à midi. Casse croûte au ministère. Conférence de 14 heures à 18 heures. Salut les copains ! Direction la gare de Lyon, un sandwich en poche. Train de nuit sans couchettes. Arrivée à Toulon vers 10 heures. Je me fais déposer à mon domicile pour y prendre une douche. Après laquelle je me sens très las. Je décide donc de ne rallier la base qu’après une petite sieste, vers 14 heures.Las ! c’était compter sans Nicolas ! Vers 11h30 un marin vient m’aviser que ce cher commandant désire me voir de suite. Je pense :“il doit y avoir quelque chose de grave.” Nenni ! Monsieur m’explique que mon devoir était de rejoindre mon poste dès mon arrivée.Ce jour là j’ai eu grande envie de le boxer. Mais il a fait mieux plus tard.Quatrième épisode :nous sommes avisés du décès de mon beau père. C’est le soir, vers les 19 heures. Je file à la base voir l’officier de suppléance. C’est le lieutenant de vaisseau Waquet, commandant une des flottilles, un ami.Il me signe derechef un titre de permission de courte durée. Et, une heure après, je prends la route de Carrien avec tout mon petit monde, sans oublier de laisser à la base un mot d’excuse à l’intention de “mon ami Nicolas”.Après les obsèques il s’avère nécessaire de faire une réunion familiale pour élaborer un partage des biens des beau-parents.Oui, mais cela retarde de 24 heures mon retour à la base. Je fais aviser téléphoniquement mon chef de ce retard.Peine perdue. A peine arrivé à la base il me reproche ce retard inadmissible (alors que rien ne presse dans le service) et m’avise qu’il a demandé au Commandant de la Base de m’infliger une sanction (quelques jours d’arrêt en perspective).Et me voilà convoqué chez le Pacha, Capitaine de Vaisseau Pacaud, un brave homme moins bête que Nicolas, à qui j’explique la situation dramatique d’une famille qui déplore la mort de son chef.Je sors blanchi du bureau du Commandant, ce qui ne fait qu’accroître l’ire de Nicolas à mon encontre.Enfin après un an sous sa coupe je suis débarrassé de lui curieusement. Il ne doit pas avoir que des amis dans la Marine !Il apprend par la presse sa mutation immédiate pour Port Lyautey, au Maroc, ce qui ne lui convient nullement. Il pique une crise (je jubile). Et malgré de

Page 10: Avant d'être capitaine TOME 2

10

nombreux coups de téléphone à Paris il doit faire sa valise.Il n’est nullement regretté à Hyères où, le jour de la Saint Eloi, fête des mécaniciens, je dois intervenir auprès de mes gens pour qu’ils n’arborent pas un mannequin ridicule le représentant.Son remplaçant est l’Ingénieur Principal Caillaux, un très brave type, originaire de Deauville, que j’ai eu le plaisir de recevoir à dîner avec son épouse.C’est un garçon très calme, peut être un peu mou. Tout le contraire de l’énervé Nicolas. C’est de lui que j’apprends les malheurs conjugaux de ce phénomène. Il divorce suite à l’adultère de sa femme avec un de ses copains.Je vais retrouver Nicolas sur mon chemin, une troisième fois, à la Préfecture Maritime de Brest. Mais cette fois je ne serais pas sous ses ordres !Durant plusieurs semaines Caillaux est hospitalisé (opération d’une hernie) et j’assume les fonctions par intérim de Chef de l’ensemble des Services Techniques. Mes journées, déjà chargées, le sont davantage et je suis loin, bien loin des 35 heures hebdomadaires dont on nous rabat les oreilles à l’heure où je rédige ces lignes.En mai 1958 c’est le bouquet. Menaces de voir des parachutistes d’Afrique du Nord investir les forces françaises. Il faut mettre en état de marche le maximum d’avions. Alors là il n’y a plus de samedis, de dimanches ni de jours de fête. Je dois dire que je suis exempt de tours de suppléance au Commandement. Heureusement !Je reçois un jour la visite de mon ami Fournier, un ancien d’Indochine. Avec son plein accord je l’ai recommandé pour occuper, en région parisienne, les fonctions d’organisation qu’on voulait m’y confier.Originaire de Solliès-Pont, dans le Var, Fournier est un garçon très bavard. Venu me voir à la base pour des questions de service, je l’invite un samedi matin à venir déjeuner à la maison. Chose faite.Le repas et la conversation traînent tant et si bien qu’arrive bientôt l’heure du dîner. “Restez dîner et vous rejoindrez ensuite votre gîte par le car du soir.” OK. Mais Fournier parle tant qu’il brûle l’heure fatidique. “Nous avons un lit disponible. Vous rentrerez demain matin.” Le dimanche matin la boîte à paroles redémarre. Midi arrive et finalement l’après-midi, de guère las, je mets Fournier dans ma voiture et le reconduit chez lui.C’est un garçon original. Dès qu’il a des congés il prend sa voiture, y place un sac de couchage et nourriture et s’en va, seul, vers le grand nord :Danemark, Suède, Finlande... De temps à autre il prend une auto-stoppeuse qui le remercie par un paiement en nature. C’est du moins ce qu’il me raconte à ses retours de voyage.Chez lui, m’a-t-il dit, chacun prépare son repas et mange à l’heure qui lui convient. Ce sont des indépendantistes !Notre train de vie s’est amélioré après le séjour en Indochine. J’ai déjà évoqué le logement. Décent. Ce qui nous permet d’avoir de temps à autre des invités.Profitant d’un séjour à Carrien j’ai, sur les conseils d’un oncle à Marie,

Page 11: Avant d'être capitaine TOME 2

11

marchand de vins, constitué une cave d’une centaine de bonnes bouteilles.Marie se plaignant du travail que représente la tenue de la maison et l’éducation des trois enfants, nous avons recruté à Pléhérel pour l’année une demoiselle, Paulette Déranville, dont les parents habitent au Port-à-la-Duc.Cette solution pratique a de gros inconvénients :la cohabitation avec une fille, certes gentille, mais tout de même étrangère à la famille. A cela s’ajoute notre responsabilité vis-à- vis d’une jeune qui aurait fort bien pu s’égarer. Pour lui éviter l’ennui nous l’associons donc à toutes nos sorties dominicales. Elle est, en fait, intégrée à la famille.Pendant notre séjour à Hyères nous recevons des visites. Un hôte remarquable :Paul, mon beau frère amené là en voiture par un gars de Pléhérel :Urvoy, officier marinier météo sur une des porte-avions. C’est la seule fois de ma vie où j’ai vu Paul avec une cravate. Nous l’emmenons le dimanche visiter la Côte d’Azur.Autres visiteurs, cette fois de longue durée :ma sœur Thérèse et toute sa petite famille. Marie est en congé à Carrien. L’appartement est libre et mis à la disposition de Thérèse. Quant à moi, je loge sur la base.J’ai souvenance du jour de la relève. Je rejoins Thérèse et son mari à la maison. Départ via Toulouse avec leur traction avant. Rendez-vous est pris devant la gare de Marmande, vers les 9/10 heures du soir. Nous y arrivons. Marie est déjà là. Bonjour, bonsoir. Je prends le volant de l’Aronde et retourne sur Hyères avec Marie, les gosses et la petite bonne :Georgette Déranville.Il faut être jeune et en pleine forme pour faire d’une traite une telle randonnée !Nous avons aussi à Hyères la visite de mon frère Célestin et de sa famille qui, à l’issue d’un congé, gagnant leur port d’embarquement pour le Maroc :Port-Vendres. Ce qui leur évite une torride traversée en voiture de l’Espagne.Alors qu’autrefois, avec la Rosengart, il nous fallait 3 ou même 4 jours pour aller d’Hyères à Carrien, avec l’Aronde, acquise avant mon départ pour l’Indochine, nous faisons très souvent le voyage d’une seule traite, une vingtaine d’heures au volant. Départ souvent le soir, les 3 enfants à l’arrière, sommeillant les uns sur les autres, ce qui nous assure quelques heures de calme.Quand, dans la journée, ils se chamaillent et crient, je les préviens :“attention à la sanction”. Elle tombe vite sous forme d’un revers de main, sans me retourner et qui frappe indifféremment l’innocent ou le coupable. Mais le résultat est acquis :le calme règne de nouveau.J’ai gardé un assez mauvais souvenir de cette Aronde, à cause de son siège avant non inclinable. J’y ai gagné de solides tours de reins.Mes horaires de travail à Hyères sont très chargés. J’arrive très tôt le matin, vers les 7h30 et le soir, après le départ des ouvriers, je reste à mon bureau jusque environ 19 heures.Dans ces conditions pas question d’emprunter les services “canot major”, c’est-à-dire transports des officiers. Pas question non plus de s’encombrer

Page 12: Avant d'être capitaine TOME 2

12

d’une voiture de service qui, la nuit, risquerait de disparaître.Alors j’ai résolu le problème avec ma bicyclette. Je me rends à la base en tenue civile par de petites routes calmes, longeant un ruisseau. J’évite ainsi les grandes artères fréquentées et dangereuses.Je ne suis pas le seul à emprunter ce mode de transport. Il m’arrive, de temps à autre, de croiser le lieutenant de vaisseau de la Ménardière, second d’une des flottilles et que je retrouverai plus tard comme chef de l’Etat Major du Préfet Maritime de Brest.C’est à la base d’Hyères que je me suis initié au vol sur réacteur.Quand un des avions “Aquilon” sort de mes services, après visite de réparation, il doit satisfaire à un vol d’essai avant d’être livré à une des flottilles de la base.C’est généralement l’officier en second de la flottille destinataire qui fait ce vol. D’ordinaire je l’accompagne au poste de navigateur.Mais, pour un tel vol, il faut s’arnacher et, en particulier, revêtir une combinaison “anti- G” qu’on branche dans l’avion sur un circuit d’air comprimé.Lorsque en vol il y a de solides “pirouettes” un système permet le gonflage de poches intégrées à la combinaison au droit du ventre, des cuisses et des mollets. Ce qui évite au sang de s’accumuler vers le bas du corps lors des ressources, au détriment de l’irrigation de la partie supérieure et en particulier du cerveau.Nos vols d’essais plafonnent à 40 000 pieds, soit environ 13 000 mètres. Quand le ciel est dégagé on voit le dessin de la Méditerranée et les premiers contreforts des Alpes.A cette altitude l’air fait défaut. C’est pourquoi nous décollons avec un masque sur la figure, où aboutit un mélange d’air et d’oxygène. Si les manœuvres de l’avion indisposent l’équipage, il passe sur Oxygène cent pour cent. A l’atterrissage les bouches sont garnies d’écume et desséchées.

Les vols d’essai durent environ une heure et sont assez éprouvants. A l’époque je suis en grande forme, la trentaine à peine doublée, et tous les 6 mois je subis une sérieuse visite médicale à l’hôpital maritime de Sainte Anne, où on ne laisse rien passer.Ajoutons que nos avions sont munis de sièges éjectables. Au départ un marin aide à vous y installer. On est véritablement saucissonné comme disait l’oncle Paul Guérin.S’il y a nécessité de s’éjecter on tire sur une toile placée au-dessus du casque, ce qui déclenche la fusée d’éjection. On passe à travers la vitre du cockpit et on se retrouve perdu en l’air au bout d’un parachute. Ce qui explique la nécessité d’une parfaite santé et d’une grande maîtrise de soi.La maison américaine “Martin Baker”, la seule, à ma connaissance, qui fabrique ces sièges a créé un club mondial des rescapés grâce à des engins efficaces. Encore faut-il s’éjecter à une altitude minimale !

Page 13: Avant d'être capitaine TOME 2

13

Pendant les deux années passées à Hyères je suis, à plusieurs reprises, membre de commissions d’enquête après accidents aériens.Pas toujours facile de savoir ce qui s’est passé quand le pilote a lui même disparu.Ce qui advient un soir à un Aquilon d’une des flottilles d’Hyères qui s’abîme en mer au moment de l’atterrissage sur la base.Je fais récupérer par un des scaphandriers tous les morceaux de l’avion et j’essaie, dans un hangar vide, de reconstituer tout l’appareil. Je parviens ainsi, non sans difficulté, à découvrir les causes de l’accident.Au cours de ces enquêtes on apprend parfois des choses cocasses. Telle celle-ci :un jeune second maître pilote décolle d’Hyères pour un vol d’entraînement. Il s’aperçoit soudain, loin de la base, que son niveau d’essence est très bas. Il nous déclare :“J’ai alors accéléré le moteur pour arriver à la base avant la panne sèche.”Celle-ci n’a pas tardé. L’avion s’est posé dans un champ et le Second Maître a été remercié par la Marine.A Hyères on voit parfois défiler des réservistes en stage. Un jour, dans un groupe, j’aperçois un individu qui, matelot à Querqueville, est venu me voir, se plaignant, faute d’argent, de ne pouvoir se rendre chez lui, pour les fêtes de fin d’année. Bonne âme je lui prête 50 francs alors que je tire moi-même le diable par la queue.Après les fêtes j’apprends que l’individu en question a été muté ailleurs. Je fais le deuil de mes 50 francs. Les années passent et voilà mon lascar devant moi. Je lui rappelle les faits. Il me jure qu’il a totalement oublié, s’excuse et promet de me remettre mon dû dès le lendemain.Mais il n’y a pas eu de lendemain. Je n’ai jamais revu ce triste individu, ni mes 50 francs. Soyez bons !!Dans le précédent chapitre je conte avoir constaté, à mon retour d’Indochine, un certain relâchement dans la discipline familiale.Malgré ma reprise en mains Jean Pierre a de mauvais résultats scolaires au lycée d’Hyères. Tant et si bien qu’à l’issue de mon séjour là-bas, à l’arrivée à Brest il intègre une école primaire. Point le plus faible :l’Anglais.Alors tous les soirs à Brest je vais lui imposer une leçon d’anglais et aux premières vacances il est mis seul, à 14 ans, dans un avion à Dinard, en route vers une famille où personne ne parle français. Marie écrase une larme en voyant partir son petit. Mais cette mesure s’avère très efficace et très utile à l’avenir professionnel de Jean Pierre.Lors de mon séjour à Hyères j’assiste à une conférence du Capitaine de Corvette Vercken, de l’Etat Major Parisien, venu nous entretenir du porte-avions “Clémenceau” en construction à Brest.J’ai grande envie de revoir ma chère Bretagne. Après mûre réflexion je pose, à la Direction du Personnel, ma candidature comme chef des Services Techniques du futur porte-avions.Connaissant bien les avions destinés à ce bateau, j’ai là un argument de

Page 14: Avant d'être capitaine TOME 2

14

poids en faveur de ma candidature. Ça marche.Voilà pourquoi, fin septembre 1958 je fais mes adieux à la base d’Hyères et me présente à Brest au Capitaine de Vaisseau Lorain, désigné comme futur commandant de ce porte- avions.

Page 15: Avant d'être capitaine TOME 2

15

Page 16: Avant d'être capitaine TOME 2

16

Page 17: Avant d'être capitaine TOME 2

17

QUELQUES PHOTOS

Page 18: Avant d'être capitaine TOME 2

18

Le bel appartement loué et meublé de neuf découvertà mon retour d’Indochine

Mon Beau-Père : Charles Gautier

Promenade à Toulonavec Paulette Déranville

Page 19: Avant d'être capitaine TOME 2

19

Audition de Claude à l’école de musique d’Hyères, avec sa professeur Mlle Jacquin

1958

Écusson de la base d’Hyères

Page 20: Avant d'être capitaine TOME 2

20

Page 21: Avant d'être capitaine TOME 2

21

19_ SUR LE PORTE-AVION «CLÉMENCEAU»(03 Octobre 1958 - 21 Juin 1961)

Page 22: Avant d'être capitaine TOME 2

22

Vers la fin de mon séjour à la Base d’Hyères nous recevons la visite du Capitaine de Corvette Vercken, des services de l’Etat Major Parisien, qui vient nous entretenir du “Clémenceau” et de l’avancement des travaux de construction.Un noyau de l’Etat Major du futur navire va être mis en place auprès de la DCAN de Brest pour suivre l’achèvement du porte-avions.Mon attention est éveillée. Voilà une affectation qui me plairait. J’ai l’âge, l’ancienneté et la connaissance des avions embarqués. Je fais acte de candidature. Elle est aussitôt acceptée à ma grande satisfaction doublée du plaisir d’être, enfin, affecté en Bretagne.Lorsque je rejoins Brest, le “Clémenceau” est loin d’être achevé. En fait mon rôle est de réfléchir à toute l’organisation et à l’aménagement des locaux du Service Technique Aéronautique, dont je vais assumer la direction : hangar réparations, ateliers divers, magasins, soutes à munitions...Nous sommes une dizaine d’officiers chefs de service sous les ordres du futur Pacha :le Capitaine de Vaisseau Lorrain, un brave homme originaire de l’Ain, où il repose aujourd’hui. Sa carrière bien remplie s’est achevée avec le grade d’Amiral détaché à la Direction desEssais Nucléaire (Dircen) où je devais plus tard le rencontrer lors de missions dans le Pacifique.Je m’installe, avec les autres officiers, dans des locaux prêtés par la Direction de l’Arsenal de Brest. Mon premier soin est de faire venir près de moi des collaborateurs susceptibles de m’aider dans cette vaste tâche. Il me faut en particulier dresser une liste, et faire commander à l’industrie, tous les appareillages spécifiques, les bancs d’essais, les outillages nécessaires à la maintenance et à la réparation des premiers avions prévus pour apponter.Venant d’Hyères il m’est facile d’y recruter quelques solides officiers-mariniers, sérieux et compétents, bretons de surcroît, donc volontaires pour rejoindre Brest.Pendant plus d’un an je partage ainsi mon temps entre les écritures au

Page 23: Avant d'être capitaine TOME 2

23

bureau, les séjour en salle de dessin de la DCAN qui sollicite nos conseils de praticiens et enfin les incursions à bord pour y juger de l’état des travaux.A chaque visite je ramène un contingent de puces qui prolifèrent dans la crasse des soudures. Elles ont dû être amenées là par quelques ouvriers peu soigneux de leur personne.

Page 24: Avant d'être capitaine TOME 2

24

A Casablanca j’ai connu la gale et les punaises. A Brest ce sont les puces. Tous les soirs à la maison c’est la chasse à ces parasites qui se cachent dans les plis des tissus avant de retourner pomper notre sang.Lors de mon séjour à Brest ma santé s’est un peu altérée.Ma colonne vertébrale qui m’avait déjà causé des soucis en 3ème région, avec hospitalisation, se rappelle à mon bon souvenir. Ça coince entre deux vertèbres. Je vais de temps à autre à l’hôpital maritime subir rayons et massages.Un ami radiologue, après examen, me console :“Vous subirez ce mal toute votre vie. Il faut vous y adapter. Ça s’arrangera peut être sur le tard.” Et de me donner quelques conseils pratiques.Un autre bobo surgit dans ma vie et il continue, quarante ans après à me perturber :c’est l’asthme. J’ai vu bien des spécialistes, suivi bien des traitements, mais je ne vis correctement que grâce à l’absorption journalière de quelques produits.En service actif j’ai, à bord, sous mes ordres, plusieurs ingénieurs mécaniciens et officiers des équipages (officiers sortis du rang).Parmi ces derniers je cite :Dupuis, grand garçon, toujours tiré à 4 épingles, très sérieux dans son travail. Il est originaire de Bellac, au nord de Limoges où il a dû se retirer.Yobé :originaire de Pléhérel, marié à Hélène Andouard. Aime la mécanique de précision. Garçon très affable. Disparu prématurément. Sa fille Christiane a une très belle situation. Son fils, au contraire, végète célibataire, avec un certain handicap mental.Noguet :cet officier armurier a la gestion des soutes à munitions, entr’autres tâches. Sérieux, méthodique, il a inventé, pour la sécurité des soutes, un carnet où chacune d’elles est représentée en perspective cavalière avec indications de ses voisines :dessus, dessous, à droite, à gauche, devant et derrière.Cette représentation a été adoptée d’emblée par le service sécurité du bateau et je pense qu’elle a dû être généralisée dans la flotte française.L’estime manifestée à Noguet n’a peut être pas atténué l’amertume que lui a causé le mariage de sa fille unique :elle a épousé un homme plus âgé que son père. Le pauvre Noguet en est tout remué.Je retrouve, sur le “Clémenceau” quelques vieilles connaissances en particulier le Capitaine de Corvette Vercken, déjà cité, dit “VCK” avec lequel j’ai, deux ans durant, de bonnes relations mais pas toujours très cordiales. Je précise que j’ai connu Vercken au début de sa carrière, enseigne de vaisseau. On se tutoyait presque à l’époque.C’est un monsieur très à cheval sur l’étiquette. J’apprends plus tard, à Saint Cast, par un de ses cousins, Dominique Foriot Prévost, qu’il est, par sa mère de souche noble. Il y a d’ailleurs une certaine préciosité dans son comportement.Retraité il exhibera le nom de sa mère, accolé au sien et deviendra Vercken

Page 25: Avant d'être capitaine TOME 2

25

de Vreushmen (vanité quand tu nous tiens !!).Il m’adresse parfois des reproches sur la couleur de mes chaussettes parfois bariolées alors qu’elles doivent réglementairement être bleu marine.Quand, le matin, je le rencontre je lui adresse un cordial “Salut”. Il me répond, le bec pincé, “Bonjour Monsieur Amiot”.Survient un sérieux différent entre nous, au sujet d’une corvée à bord. Le Commandant en Second me donne raison :VCK va m’en tenir rigueur.Il s’en va à Paris juste avant la parution du tableau d’avancement. Il a là-bas ses petites entrées, ayant séjourné longtemps dans les bureaux parisiens. Et je le soupçonne d’avoir torpillé ma promotion.A moins que la blâme écopé à Tan-Son-Nhut ait influencé le jury. Allez savoir...Il y a dans l’Etat Major du “Clémenceau” un officier que j’ai connu à Hyères et sur le “Colossus”. Il commandait alors une flottille de “Seafire”. Pradel de la Tour Dejean, dit “Tots”. C’est du moins ainsi que l’appelaient ses copains.De la Tour est un garçon très imbu de ses origines. Frégaton il dirige sur le “Clémenceau” le service opérations. Il est très distant avec beaucoup d’officiers, dont moi-même. Pourtant il n’y a jamais eu entre nous quelque sujet de discorde.

Je suis tout de même vexé le jour de ma promotion à 4 galons. J’invite tous les officiers du bord à prendre un pot au fumoir. C’est la coutume. Tous y viennent sauf lui. Il attend l’heure du repas au carré des Officiers Supérieurs.Très prude il n’aurait d’ailleurs pas apprécié ce qui se passe au fumoir.Alors que tout le monde trinque à ma santé un crétin s’écrit :“A poil les O.S.” “Chiche, lui dis-je, et tu paies ta tournée”. D’accord.En deux temps et trois mouvements je me retrouve en slip au milieu du fumoir. Je ne vais pas plus loin.Surgit alors le bohut, c’est-à-dire l’aumônier du bord, le père Gendrot, un très brave type originaire de Rennes. En souriant le bohut me menace d’excommunication. Je me rhabille et nous trinquons à notre santé réciproque.Parmi les officiers supérieurs du “Clem” il en est un assez caractéristique. Je veux parler du Capitaine de Corvette Le Mourroux, chef du Service Manœuvre. Plus marin que scientifique. De la trempe de mon ami Jaouen. D’ailleurs si la Pacha du “Clem” l’a choisi c’est qu’il connaît bien son travail.L’aspect du personnage est assez rugueux. Je l’aurai très bien vu sur la passerelle d’un chalutier.Il est bien sûr breton et adore la voile. Il possède un petit voilier avec lequel il va pêcher le dimanche dans quelque aber ou ria de la côte Nord Finistère.L’été il pose son bateau sur une petite remorque et part en voiture vers le soleil méditerranéen. Les gosses dans la voiture, les bagages dans le bateau.Au point de vue caractère il est un peu brut de fonderie. Un jour, au carré, nous discutons de sports. Je déclare que ma préférence va à la marche à pied.

Page 26: Avant d'être capitaine TOME 2

26

Ce qui entraîne la réplique suivante de Le Mourroux :“La marche à pied est un sport de bovin”. Merci Commandant !Parlant du frère Gendrot je me souviens d’une soirée passée en sa seule compagnie, au carré des Officiers Supérieurs, lors d’une escale à Funchal (Madère).Tous les officiers supérieurs sont à terre, y compris le Commandant, en promenade ou en corvées. J’assume les fonctions de suppléance au Commandement.Ce soir là le père Gendrot me conte quelques histoires assez salées dont celle d’un jeune séminariste tout frais nommé dans une paroisse. Je l’ai retenue et je la conte avec succès de temps à autre.

Histoire du jeune séminariste contée par le père Gendrot (Résumé)

Une campagne perdue. Un vieux curé tout seul et fatiguéArrive un jeune prêtre sorti du séminaire.

Pâques arrive. Il va y avoir des confessions. Le jeune en est chargé mais a peur de faire des erreurs.

“Je vais me mettre à quatre pattes sous ton tabouret et écouter ce qui se dit”, dit le vieux prêtre.

Arrive un riche fermier, menant bonne vie. Confession.Le vieux curé sort et secoue poussière et toiles d’araignées.

“Votre avis” demande le jeune abbé. “C’est bien mais une remarque :quand cet homme s’est repenti d’avoir fait la même nuit 4 fois l’amour avec 4

femmes différentes il eut été convenable de faire, teu-teu-teu-teu et non pas un petit sifflet admiratif (sifflet !)

Pâques est arrivé. Le petit abbé nouveau fera le prêche.Le matin, en sacristie, il est tout pâle, tout ému.

Le recteur sort une bouteille de Calvados et lui en fait boire un bon verre.“Ça va mieux.” “Oui mais je crains de n’être à la hauteur.” Deuxième verre de Calva. “Ça s’améliore.” “Tiens, comme disent les marins :trop fort n’a

jamais manqué, avale un troisième verre et tu seras en forme.”La messe se déroule. Le jeune abbé prêche. Regards étonnés et murmures

dans la foule des croyants. Fin de la messe. En sacristie le prêcheur demande au recteur ce qu’il pense de sa prestation.

“Pas mal et surtout original”. 4 remarques. D’abord Jésus Christ n’a pas été fusillé

Ensuite ça ne s’est pas passé au MexiqueQuand on parle de Marie Madeleine on dit :la pécheresse, la pauvrette, mais

Page 27: Avant d'être capitaine TOME 2

27

pas la “putain”.Enfin le prêche terminé il convenait de dire :“Allez en Paix” et non pas “à

votre bonne santé.”

Parmi les officiers du bord je fais l’étroite connaissance d’un Ingénieur, Verbecke, originaire du Nord et responsable à bord du fonctionnement des Installations Aviation :brins d’arrêt, catapultes...ce qui lui cause bien des soucis. Verbecke habite tout près de chez nous à Brest. J’ai loué un appartement neuf au bas de la rue du Château.Nos épouses font connaissance. Tant et si bien que lorsqu’une petite fille prénommée Pascale naît chez Verbecke on me demande d’en assumer le parrainage. Ce que j’accepte.Mais, avec du recul, je pense que c’est un tort de mélanger amitiés de rencontre et la famille.Il y a belle lurette que je n’ai pas revu ma filleule. Je pense que cette demoiselle âgée aujourd’hui d’une quarantaine d’années est sans doute mariée et mère de famille.Sans être d’une grande compétence en la matière je pense que la construction du “Clémenceau” n’a pas été une réussite.En fin de travaux j’ai vu découper au chalumeau de gros trous dans les poutres support du pont d’envol pour alléger les hauts du bateau. Puis bourrer les doubles fonds de gueuses de fonte noyées dans du béton. Voilà le porte-

Page 28: Avant d'être capitaine TOME 2

28

Page 29: Avant d'être capitaine TOME 2

29

Page 30: Avant d'être capitaine TOME 2

30

avions en voie de se transformer en cuirassé. Pourquoi ces modifications de la dernière heure ? Pour améliorer la stabilité du bateau compromise par le poids des antennes radar haut perchées dans la mâture et par le poids sous estimé des avions.Ces rattrapages de dernière heure s’apparentent à du bricolage. Le chantier est sous la haute coupe de Monsieur Castera, Ingénieur en Chef du Génie Maritime.C’est au cours de mon séjour à Brest que je suis décoré, sur le front des troupes, de la Croix de Chevalier de la Légion d’Honneur.1960 voit les préparatifs de l’appareillage. Petit à petit les locaux se garnissent de matériel et du personnel apte à le mettre en œuvre.J’ai souvenance d’avoir discuté, dans les ateliers radio-radar aéro, avec un jeune matelot qui, nanti d’un Doctorat en Sciences, se plaint d’être astreint à certaines corvées, telles le nettoyage ou la faction.Je lui rétorque qu’il aurait mieux fait de préparer une PMS et de poser sa candidature au cours des Élèves Officiers de Réserve.Il eut été plus à se place au carré des officiers que dans un poste d’équipage. Mais, au départ, comme beaucoup d’intellectuels, il a dû avoir une certaine répugnance pour le Service Militaire.A son premier décollage du quai le bateau est emmené par les remorqueurs en rade de Brest, sur la boucle de démagnétisation posée sur le fond de la rade.Car il faut savoir qu’un navire en construction devient une sorte d’aimant permanent sous l’influence du magnétisme terrestre. Pour le bon fonctionnement des instruments du bord il importe de le démagnétiser.Puis le jour du premier appareillage est arrivé. Pour être sûr que chacun sera à son poste le Commandant décide que tout le monde, officiers compris, couchera à bord la veille du départ. Seuls les spécialistes civils de l’arsenal qui vont nous accompagner échappent à cette décision.Craignant une panne intempestive des deux machines (pourtant essayées à quai), ou celle du gouvernail dans l’étroit goulet de Brest ou en mer d’Iroise garnie d’écueils, ce qui mettrait le bateau en situation critique, la Pacha prend toutes les précautions :barre à bras parée à manœuvrer, ancres parées à mouiller, remorqueurs en accompagnement. Bref c’est presque le poste de combat !Mais tout se passe bien. La première nuit en Iroise est très agitée. Logé à l’avant du navire je ressens les effets du tangage. Impossible de fermer l’œil tant je suis secoué dans ma couchette. Je m’y habitue par la suite.Après les premières sorties en Atlantique le bâtiment met le cap sur Toulon. Notre absence va durer 6 mois. Nouveaux adieux à la famille. Pas toujours drôle la vie de marin !Les sorties en Méditerranée ont surtout pour but d’accueillir les avions. Tout se passe bien. Mais le moral des troupes, pour beaucoup d’origine bretonne, commence à flancher. Problème déjà vu en Indochine. Il faut organiser des

Page 31: Avant d'être capitaine TOME 2

31

distractions. A la Saint Eloi, patron des mécaniciens, en particulier.Puis, début 1961, nous quittons Toulon pour des essais d’endurance sur les côtes d’Afrique. Le navire est conçu pour franchir, sans trop de dommages, un nuage atomique. Tout est bouclé à bord. Aucune ouverture sur l’extérieur. Aération en circuit fermé, avec filtre de régénération. En somme la vie d’un sous-marin. Le tout dans le Golfe de Guinée, sous des températures équatoriales. A l’issue des essais nous sommes tous trempés par la sueur.Pour maintenir le moral des troupes je suggère au Commandant en Second

d’organiser un fastueux passage de la ligne. Le thème :les cannibales dont je serai la reine. Feu vert.Avec des pagnes bricolés sur place, bouchonnés à la suie nous effectuons une belle danse sur le pont d’envol en psalmodiant un air de ma composition :“Costa Rica, Goadica, Macao.” Autour d’une grande marmite prêtée par une des cuisines du bord. Dans la marmite un blanc sacrifié et quelques gros os de boucherie.Le spectacle a du succès. Puis a lieu le traditionnel baptême auquel je n’échappe pas. Lors du séjour en rade d’Abidjan (Côte d’Ivoire) je profite d’un hélicoptère pour aller excursionner sur toute la côte, en particulier au –dessus du quartier chic de Cocody, dans la banlieue d’Abidjan :belles villas avec piscine...Le Pacha n’a pas voulu risquer le “Clémenceau” dans l’étroit canal de Vridi

Page 32: Avant d'être capitaine TOME 2

32

qui débouche sur la lagune d’Abidjan. Nous sommes donc mouillés au large, chaudières en pression, parés à appareiller si le temps se gâte.Un soir mes pas me conduisent jusque la passerelle. Je suis étonné d’y découvrir le Commandant Lorrain, inquiet, qui guette l’évolution du temps.Je reste à discuter avec lui car c’est un homme sympathique pour lequel j’ai une haute estime. Et la conversation roule sur notre devenir.Je lui dit que, pour ma part, je compte prendre retraite dès que possible, afin de bien en profiter plus longtemps. Ce n’est pas son avis. “Je veux, me dit-il, avoir une retraite dorée.” C’est ce qu’il a eu puisqu’il a été promu Amiral, malheureusement elle a été d’assez courte durée.J’ai évoqué tout à l’heure une escale faite à Funchal, port principal de Madère, au retour de la croisière d’endurance sur les côtes d’Afrique. Cette escale a été voulue par l’Etat Major de la Marine pour récompenser l’équipage des fatigues subies. Elle dure 3 jours pour nous permettre à tous d’aller à terre, le service étant fait par tiers à bord.Un soir je suis désigné par le commandant en Second pour aller représenter le Pacha à une distribution de prix dans une école religieuse française, tenue par des petites sœurs.J’apprends, par elles, que les enfants de Madère ont faible mémoire, cela à cause du manque de calcaire dans les eaux de pluie recueillies sur cette île pour les besoins de la population (défaut de sources).Me voilà donc devant un attroupement de jeunes enfants et j’improvise un petit discours sur la France et son rayonnement culturel à travers le monde.Puis je procède à la distribution des prix en congratulant chacun des bénéficiaires. Le tout se termine devant un verre d’orangeade et je regagne le bord, mission accomplie, en pensant tout de même que le métier d’Officier de Marine mène à tout.Même à celui de tuteur. Parmi les officiers mariniers dont je suis entouré j’ai, à la demande de mon épouse, fait venir mon jeune beau frère Jean Gautier.Maistrancier Jean était normalement voué à une belle carrière de sous-officier, voire d’officier des équipages.Las ! Il s’est vite laissé aller et c’est pour l’extraire de sa nonchalance que je l’ai fait rallier le bord.J’ai tenté de le faire reprendre ses études. Sans succès. Et à bord il ne s’est guère distingué par son allant.Tant et si bien qu’il a piteusement décroché de la Marine avec le petit grade de Maître. Un mou !La plupart des escales sont ponctuées d’invitations à laquelle le bord ne peut se soustraire. C’est là un pensum officiers. Les présidents des deux carrés :subalternes et supérieurs tiennent soigneusement un registre des corvées.Beaucoup sont collectives. Par exemple pots à terre ou sur un bateau. La langue la plus utilisée étant bien sûr l’anglais. Quand les Britanniques répondent à notre invitation ils ne font guère d’efforts pour parler français.

Page 33: Avant d'être capitaine TOME 2

33

Sur leurs bâtiments leur langue nationale s’impose.Une particularité :la fin de leurs réceptions est marquée par l’hymne national :“God save the Queen.” Chez nous ça traîne davantage en longueur et beaucoup de nos visiteurs en profitent pour s’arsouiller.Un petit retour en arrière pour relater un fait important de la vie du bateau :le court séjour à bord du Chef de l’Etat :le Général De Gaulle.Il se rend, ce jour là, à l’île de Sein pour remettre à la collectivité de l’île la légion d’honneur en remerciement du concours apporté par les pêcheurs à l’effort de la libération de la France :une soixantaine répondit à l’appel du 18 Juin 1940.Nous sommes en rade de Brest. L’équipage est au poste de bande pour honorer le visiteur.Le Commandant en Second me désigne pour aider le Capitaine de Corvette Lefeuvre à la réception de la suite présidentielle, assez importante, faite de personnages plus ou moins chamarrés de galons d’argent et très imbus de leur importance.Nous nous en apercevons au moment du repas. Le Président de la République est bien sûr reçu, ainsi que l’Amiral, à la table du Commandant.

Page 34: Avant d'être capitaine TOME 2

34

Quant à sa suite, on nous a remis une liste répartissant ces messieurs entre les carrés des officiers supérieurs et des officiers subalternes.Quel tollé ! Que de récriminations !“Mais ce n’est pas possible. Un tel déjeune chez les officiers supérieurs alors que moi, je suis d’un grade supérieur, on me relègue aux subalternes...”Nous essayons, sans grand succès, de faire face à cette armée de rouspéteurs.Le seul personnage de la suite présidentielle qui ne nous cause aucun problème est un aspirant médecin du contingent dont le rôle est d’intervenir rapidement en cas de malaise du Président. Nous lui indiquons le trajet à suivre pour aller du carré à la table du Pacha. Mais tout se passe bien.Pendant le déjeuner le bateau fait route de Brest vers Sein et, arrivé devant l’île, le général termine son voyage en hélicoptère.Le retour se fait par les mêmes moyens. Ayant reconduit nos récalcitrants invités à la coupée, nous y rencontrons le Général qui, tout en nous serrant la main, nous remercie de notre accueil.Pour la petite histoire je dois révéler que l’hélicoptère emprunté par le Général a eu une petite défaillance quelques temps plus tard et a dû faire un atterrissage de fortune.Qu’aurait-on-dit si l’incident était arrivé entre le porte-avions et l’île et si le Général avait pris un bain forcé en Iroise ?C’est avec grand plaisir que 6 mois après avoir quitté Brest nous retrouvons le port breton. Le navire va subir quelques visites pour s’assurer que tout va bien.Quant à moi j’ai posé des jalons pour aller à Dakar. Je fais valoir auprès de la Direction du Personnel que je cumule beaucoup d’absences du domicile conjugal : Colossus, Arromanches, Indochine, Clémenceau.Ma cause est entendue et c’est avec plaisir qu’en Juin 1961 je quitte le Clémenceau pour la côte d’Afrique. Une fois de plus je laisse le soin à Marie de se replier sur Carrien en attendant un logement à Dakar.

Page 35: Avant d'être capitaine TOME 2

35

Page 36: Avant d'être capitaine TOME 2

36

Page 37: Avant d'être capitaine TOME 2

37

QUELQUES PHOTOS

Page 38: Avant d'être capitaine TOME 2

38

Page 39: Avant d'être capitaine TOME 2

39

Écusson du «Clémenceau»

Atelier Aéro du Clémenceau

Page 40: Avant d'être capitaine TOME 2

40

Atelier Aéro du Clémenceau

Page 41: Avant d'être capitaine TOME 2

41

Atelier Aéro du Clémenceau

Le Quatrième Galon est arrivé

Page 42: Avant d'être capitaine TOME 2

42

Remise de la légion d’Honneurpar le Vice Amiral JubelinRue de Siam à Brest11 Novembre 1959

Page 43: Avant d'être capitaine TOME 2

43

Page 44: Avant d'être capitaine TOME 2

44

Les enfantsà la fin du séjour à Brest

Page 45: Avant d'être capitaine TOME 2

45

Visite du jeune Roger Owen venu de Grande Bretagne

À Funchel (Madère)

Page 46: Avant d'être capitaine TOME 2

46

Page 47: Avant d'être capitaine TOME 2

47

Page 48: Avant d'être capitaine TOME 2

48

Page 49: Avant d'être capitaine TOME 2

49

20_ À LA BASE AÉRO-NAVALEDE DAKAR BEL-AIR

(21 Juin 1961 - 12 Juillet 1963)

Page 50: Avant d'être capitaine TOME 2

50

Le jour de l’arrivée du Printemps 1961, je quitte Brest et sa grisaille pour Paris. Je laisse la Marie le soin d’organiser son déménagement vers Carrien où elle attendra mon signal pour rallier Dakar avec les enfants.Bureau des passages au Ministère. Le Bourget. Décollage dans la soirée avec escale à Bordeaux. Arrivée de nuit à l’aérodrome de Yoff où je débarque dans une chaude moiteur.Mais je connais suffisamment les pays chauds pour savoir que je m’adapterai vite à mes nouvelles conditions de vie.

Je suis affecté à la base Aéronavale de Bel Air où je prends les fonctions de Chef des Services Techniques en remplacement de l‘Ingénieur Mécanicien principal Mollard lequel est en place depuis trois ans. Il a formulé une demande de séjour pour une quatrième année, ce qui lui a été refusé et, comme nous le verrons plus loin, il va me tenir rigueur de la chose bien qu‘ignorant de ces tractations.

Je débarque au Sénégal dans une atmosphère de tristesse. Quelques semaines auparavant le Commandant en Chef, l’Amiral Ponchardier, un ancien baroudeur d’Indochine, a disparu dans un accident d’aviation.Se rendant au Niokolokoba son avion, un amphibie Gruman Goose rapatrié d’Indochine s’est écrasé au sol au décollage du terrain de Tambacounda. Tous les occupants de l’avion ont péri carbonisés.Le pilote, Capitaine de Corvette De Fournel cumulait les fonctions de pilote et de porte pèlerine de l’Amiral. On ignore les causes de l’accident qui a eu lieu en pleine brousse.Je connaissais bien De Fournel. Il commandait la 3S, escadrille de servitude basée à Cuers, où j’étais, à l’époque, affecté.Son épouse et ses enfants ont quitté Dakar au moment de mon arrivée. J‘ignore ce qu’ils sont devenus, n’étant pas un intime .

Page 51: Avant d'être capitaine TOME 2

51

À Dakar je retrouve quelques vieilles connaissances, à commencer par le Commandant de la Base, le Capitaine de Frégate Cauhape, originaire de Dinard, un brave homme que je retrouverai à Mer-el-Kébir mais qui sera, hélas, arraché à l’affection des siens quelques années après. Je serai à son enterrement à Dinard.Vatelot, Capitaine de Corvette, commande la flottille d’hydravions «Marlin», la 27F. Plus tard, devenu Amiral, il aura, comme bien d’autres une certaine idée de sa valeur et deviendra beaucoup moins sympathique. Une de ses filles sera, plus tard, à Versailles, grande camarade de ma fille Claude.Le Capitaine de frégate Soubiac qui va prendre la relève de Cauhape est un très brave homme. Séjournant avec lui à Dakar son épouse et un garçon, Bernard, qui sera le grand copain de mon fils Jean-Pierre. Marié à une Rennaise Bernard sera veuf, se remariera et, aux dernières nouvelles il sévit à l’aérodrome d’Agen dont il est le Directeur et où Jean-Pierre lui a récemment fait visite.Je l’ai revu au mariage d’un des enfants Thieulin, dont le père est, à Dakar-Bel Air, Chef des Services Généraux. Nous sommes devenues très amis au point que Jean-Pierre est sollicité et accepte de parrainer, sur l^’île de Gorée, la petite Thieulin, prénommé Anne-Marie.Après son séjour à Dakar Thieulin quitte vite la Marine où il estime ses chances d’avenir assez maigres et se lance dans la vie civile, ce qui l’amène à s’installer à Saint Étienne. Son existence y est assez brève car il s’éteint avec une grande tristesse dans le regard, tristesse de laisser son épouse Monique face à toute sa petite famille.Nous avons gardé contact avec Monique. Nous avons assisté à Saint Étienne à plusieurs mariages de ses enfants, dont la filleule de Jean-Pierre. Monique et sa fille Nadine nous ont fait visite un été à Carrien.Le commissaire à trois galons de la Base, Mr Carly est sympa. Nous fréquentons sa famille. Il est très à cheval sur les procédures surtout quand il s’agit de régler des frais de missions. C’est peut-être à cause de cette sévérité qu’il finira sa carrière avec des étoiles de Commissaire Général.Le médecin major de la Base se nomme Andanson. Il est artiste peintre à ses heures. Je dois dire que ses tableaux, du genre Picasso, ne m’ont guère tenté.Il en a offert un à l’épouse du Pacha. Un soir, étant invité à dîner, j’aperçois l’œuvre accrochée au mur. Et d’interpeller Madame Soubiac : «Mais vous l’avez accroché à l’envers».Émoi chez mon interlocutrice que je rassure aussitôt lui disant que ce n’est là qu’une plaisanterie.Andanson a un agréable collaborateur, un jeune médecin répondant au patronyme de «Bobo». J’ai cru au départ, que c’était là un surnom. Il y a même dans cette famille issue de Montpellier, plusieurs médecins.Le nommé Bobo de Dakar-Bel Air s’éprend un jour de la jeune française, secrétaire particulière du président Senghor.Nous sommes, Marie et moi, conviés à un pot où nous est présentée, ainsi

Page 52: Avant d'être capitaine TOME 2

52

qu’à d’autres officiers de la Base, la future Madame Bobo. Et à ce pot, nous avons l’honneur d’être présentés au Président du Sénégal.L’amiral commandant de la Marine en AOF est une vieille connaissance : Vedel. C’est un personnage très nature qui ne s’enveloppe pas de fioritures. Sur la plage de Bel Air il plonge un regard avide dans le corsage des jeunes dames.À cause de son profil il est surnommé «Joujou le Mérou». Quand, au cours d’une inspection, il aperçoit un objet susceptible de figurer dans la Villa de Carqueiranne, il n’hésite pas à s’en faire faire une copie. C’est ainsi qu’à Bel Air il me fait faire une balancelle. Et, sans fausse honte de me dire : «Mon cher Amiot je serai ravi de vous recevoir à Carqueiranne dans ma villa» Nous n’y sommes jamais allés.Son officier d’ordonnance, le lieutenant de vaisseau Guibert, originaire de Savoie, marié à une Quimpéroise, convient tout à fait à son Amiral. Et n’hésite pas, souvent avec humour, à lui répondre du tac au tac : «Guibert quelle heure est-il?» «L’heure qui vous conviendra Amiral.»Guibert envisage un moment de quitter la Marine et de s’installer marchand de frites à la porte de la Base Aéronaval de Saint Raphaël!Ce qu’il n’a pu réaliser car il est décédé jeune. Son épouse n’a publié aucun avis de décès. Il a disparu dans une semi-clandestinité. Ce que nous avons regretté car nous avions beaucoup d’estime pour ces deux amis et leurs enfants.J’ai deux bons amis parmi les officiers de l’État Major Amiral : Le Capitaine de Corvette Ribuot un grand sportif. Comme relaté plus loin c’est lui qui m’initiera aux fonctions de skipper des Requins, voiliers de course de Club Nautique Officiers.J’ai appris qu’un jour, forçant son talent au cours d’un match de tennis, il est devenu impotent et ne se déplace plus qu’en voiturette poussée par son épouse. Tous deux, qui étaient très jeunes d’esprit, aimant la vie, ont dû beaucoup souffrir de ce déclin physique. Les fonctions d’ingénieur de l’État Major sont dévolus à mon ami Fascio, un garçon très sympathique, toujours souriant et aimant la plaisanterie.Un soir, où nous dînions chez le Commandant de Bel Air, il s’exclame : «Il paraît que Madame Untel est enceinte depuis ce matin» Tout le monde de s’esclaffer.Promu contre-amiral Fascio s’est retiré à Toulon.

Qui sont à Bel Air mes principaux collaborateurs? Deux ingénieurs mécaniciens de première classe (3 galons), deux officiers de première classe également et un officier marinier d’origine sénégalaise. Passons ces personnages en revue :Brault : ingénieur, a la haute main sur tout ce qui a trait aux moteurs de nos hydravions : ateliers, bancs d’essais... Loin de la métropole, il nous faut comme en Indochine, résoudre bien des problèmes par les moyens du bord.

Page 53: Avant d'être capitaine TOME 2

53

Brault va vite quitter la Marine pour aller goûter au civil dans le Pacifique. Il est originaire de la région mancelle. Plus de nouvelles. Garçon très sérieux, compétent, d’agréable contact mais très réservé dans ses relations. Son épouse n’apparaît guère dans les cocktails.

Legendre : est l’ingénieur spécialiste de toute l’électronique. Très gentil. A fait une belle carrière Marine. Originaire de la région Cannaise. Marié, deux enfants à l’époque. Perdu de vue.

Pollin : officier chargé du ravitaillement aéronautique. Souriant, agréable mais vit en solitaire. Sa famille est restée en France. Il est, comme on dit, venu faire du C.F.A, c’est-à-dire se constituer une petite cagnotte.

Bonoit : officier armurier. Très à l’aise. On le voit avec sa charmante épouse à tout les pots et ribotes. Il a dû prendre ses quartiers de retraite du côté de La Valette près de Toulon, son épouse étant typiquement méditerranéenne.

Dialo : Sénégalais. Une figure de l’aéronavale. Appartient au cadre métropolitain. Quand il fait acte de candidature pour Dakar, il a dû, comme tout le monde, passer une visite médicale d’aptitude à la vie sous les Tropiques! Et à Dakar il perçoit une solde d’expatrié!Dialo, chargé du transit, est un garçon très débrouillard. Introduit partout, y compris dans les instances gouvernementales. Ce qui permet parfois de régler quelque délicates questions administratives, en particulier avec les douanes sénégalaises. Il est resté à Dakar après la dissolution de la Base.

En sus des cadres militaires j’ai, pour me seconder, plusieurs cadres civils (agents techniques) chargés de la conduite des personnels civils métropolitains et africains œuvrant dans les ateliers et sur les hydravions en visites ou réparations.Parmi ces cadres civils je cite deux noms : Lefeuvre : garçon très sérieux et compétent. Originaire de Lamballe où il a servi à la gare SNCF comme facteur, c’est-à-dire chargé de la manœuvre des wagons. Je l’ai revu à Toulon. Lui faisant visite à domicile j’apprends, très étonné, que sa femme continue à allaiter son petit dernier né à Dakar et ce jour âgé de 7/8 ans!

Le Gall : une vieille connaissance de Cuers où il exerçait à l’époque ses talents de dessinateur industriel. Je le trouverai plus tard, sous mes ordres, à l’État Major du Préfet Maritime à Brest. Puis bien plus tard à Sable d’Or où il est en visite chez des amis que connaît Marie. Originaire du Relecq-Kerhuon, près de Brest. C’est un garçon très sérieux, de confiance.

Un mois après mon arrivé à Bel Air la Marine m’attribue un logement meublé

Page 54: Avant d'être capitaine TOME 2

54

situé sur le plateau, face à la mer que nous pouvons contempler de notre terrasse. Logement très aéré, adapté aux conditions climatiques. Trois chambres, une grande salle de séjour, une cuisine.Sur la terrasse j’installe un circuit de train miniature que j’ai réalisé sur une grande feuille de contreplaqué, pendant mon mois de célibat. Philippe va beaucoup jouer avec ce circuit.Sur la terrasse on peut voir aussi une grande cage de ma fabrication. À l’intérieur une vingtaine d’oiseaux exotiques aux plumages variés. Marie adore s’occuper de ces volatils. Elle n’oublie jamais le soir de couvrir la cage pour protéger de la fraicheur nocturne ces petites bêtes.Quand l’heure du départ de Dakar sonnera il faudra se résoudre à laisser sur place la cage et son contenu.C’est l’officier des équipages Dupuis, un ancien du «Clémenceau», récemment arrivé, qui va prendre notre suite.Malheureusement, quelques temps après, nous apprenons que toute la volière est décimée. Peut-être par négligence et oubli de couvrir la cage? Ou peu d’amour et de goût pour un tel élevage?

Nos appareils, les Marlin, bi-moteurs, sont de gros hydravions dont la mission est la surveillance des côtes et, accidentellement le sauvetage en mer. Ce qui s’est produit une fois durant mon séjour. Un appareil a su retrouver dans l’immensité océane, deux jeunes imprudents partis en mer sur un frêle esquif et poussés au large par le vent.

La technique de la flottille est aux mains d’un jeune ingénieur mécaniciens de deuxième classe (2 galons) : Le Goff avec qui nous œuvrons en étroite collaboration. Le Goff a une charmant femme dont les rotondités ont souvent, sur la plage, attiré l’œil de notre coquin Amiral.Le Goff a vite quitté la Marine. Il a, m’a-t-on dit, exercé les fonction de gestionnaire du garage d’une grosse administration. Plus de nouvelles.

À Bel Air se pratique, à cause du climat, la journée de travail continu. De 6h du matin à 13h avec un petit arrêt relax.Dès le lendemain de ma prise de fonction je déboule à 5h50 pour assister à l’embauche. Un vent de panique souffle chez le personnel car jamais on a vu un chef de service se pointer avant 8h.Je pris mes officiers de payer un peu plus de leur personne. Ce qui est fait.

Mes activités s’étendent à la base escale de Port Saint Étienne. Je me rends de temps à autre là-bas pour en étudier les problèmes techniques.La base est installée dans des «nichons villes» habitations semi-sphériques faites rapidement par ciment armé plaqué sur un demi-ballon ensuite dégonflé.J’aime ces voyages vers Port Saint Étienne en petit bimoteur américain. Nous

Page 55: Avant d'être capitaine TOME 2

55

survolons le Sénégal, Saint Louis la vieille cité coloniale, Nouakchott la future capitale de Mauritanie, en construction : on y voit de grands boulevards goudronnés avec trottoirs et lampadaires, en plein désert, le banc d’Arguin, célèbre par le naufrage de la «Méduse» et enfin Port Saint Étienne promu terminal de la longue ligne de chemin de fer saharien de la société Miferma. Notre base escale de Port Saint Étienne est sous l’autorité d’un officier des équipages pilote, Monsieur Sarotte dont l’épouse fut jadis institutrice à Pléhérel. Que le monde est petit!La presqu’île de Port Saint Étienne est, à l’époque, partagée par une frontière. Une contrebande y sévit, par petits ânes interposés. Les indigènes les chargent de marchandise et les laissent retourner seuls, de nuit, vers les écuries. Si les douaniers les interceptent ils ne peuvent incriminer personne, ignorant à qui appartient les bêtes.Lors de mes échappés vers Port Saint Étienne Sarotte m’emmène dans le désert où nous découvrons des restes de poteries, témoins d’une civilisation depuis longtemps disparue.Nous allons aussi vers la côte des phoques, le seul endroit de la côte d’Afrique où ces animaux ont établi leur quartier général.

C’est à Dakar que je me lance dans la conduite de voiliers de course : des Requins, stationnés au Club Nautique des Officiers.J’ai déjà pratiqué la «Bouline» lors de mes séjours à l’Apprentissage Maritime. À peine arrivé à Dakar, pour meubler un peu mes loisirs je fais transformer un petit canot de l’État, de la base, à gréement à honari en lui ajoutant une quille pour limiter la dérive. Mais les essais en rade de Bel Air ne sont guère concluants.Au Club Nautique des Officiers je suis initié à la manœuvre des Requins par mon ami le Capitaine de Corvette Ribuot de l’État Major Amiral.Je suis vite lâché comme Chef de Bord et je participe à quelques régates. Il m’arrive même un jour d’en remporter une! Ce jour-là mes adversaire ne devais pas avoir la grande forme!De temps à autre le Club Nautique organise une sortie Rallye à la voile en direction de N’GOR, une lagune située sur la côte atlantique au nord de Dakar.Pour atteindre N’GOR, il faut d’abord faire route au sud puis doubler le Cap Manuel. Route au Nord en Atlantique avec sa houle et ses requins. Quelques heures de route pour atteindre le lagon d’N’GOR.Casse croûte à bord. Puis cap sur le retour. À l’arrivée au mouillage, le soir, nous sommes gavés de vent et de soleil.Un jour le Commandant de la Base organise avec le concours de la Direction Militaire du Port une sortie pique-nique sur l’île de la Madeleine, en face de Dakar, en Atlantique.Malgré les précautions prises : ombrelles, crème... Il y a ce jour là bien des coups de soleil.

Page 56: Avant d'être capitaine TOME 2

56

Au cours de ces agréables balades en mer je réfléchis au fait que rien de semblable n’est organisé, comme à Brest par exemple, pour les officiers mariniers et l’équipage.J’ai repéré à l’Arsenal quelques dériveurs anciens non-utilisés. L’idée germe alors de monter un Club Nautique Équipage à Bel Air.La rade protégée où mouillent les hydravions convient parfaitement. Reste à aménager les mouillages, un slip et un abri.Je m’ouvre au Commandant Soubiac de ce projet. Accord complet. J’ai le feu vert.Et ça ne traîne pas. Un slip de fortune est aménagé avec du matériel récupéré à l’Arsenal. Un mini hangar est dressé. Les travaux se font l’après-midi, avec des volontaires, durant les heures de repos.Les vieux dériveurs arrivent à Bel Air où ils sont vites remis en état de marche. Je sollicite auprès de mon ami Ribuot le prêt temporaire de deux requins pour faire école de voile. Il donne son accord ainsi que le Docteur en Chef Renon, Directeur de la clinique marine et Directeur du Club Nautique des Officiers.Et un beau samedi matin a lieu l’inauguration du Club Nautique Équipage sous la présidence du nouvel Amiral qui vient de succéder à Vedel. Discours de félicitations et un pot clôturent cette mini fête.Tous les après-midi qui suivent je sors en mer comme moniteur avec des requins. Et le Club va ainsi prendre de l’essor à la grande satisfaction des intéressés.

Mais je ne pensais pas alors que cette activité me serait plus tard reprochée vertement par mon «ami» Kervarec, ingénieur en chef de son état, dont je mentionne l’existence aux chapitres «Colossus» et «Mers-El-Kébir».«Vous feriez mieux de vous occuper des avions que de vous amuser à faire de la voile». Voilà le compliment reçu de ce sot personnage.Inutile d’essayer de lui expliquer que le «matériel» le plus précieux que nous ayons à gérer est l’homme. Si on s’occupe de lui, si on veille à sa santé physique et morale, on en obtiendra plus de satisfaction dans son travail.C’est cette ligne de conduite que je me suis toujours efforcé de tenir en organisant quelque fête ou distraction dans les bases ou les porte-avions : Saint Éloi, Noël, passage de la ligne...Pour clore cette relation j’ajouterai que j’ai souvent revu un officier marinier de la 27ème flottille de Dakar, qui m’a beaucoup aidé dans le montage et la marche de ce Club Équipage. Il s’appelle Salmon et habite Erquy où, durant une dizaine d’années il a dirigé le Port de Plaisance.

Dès mon arrivée à Dakar, je fais l’acquisition d’une deux chevaux Citroën d’occasion à un ancien copain de la «Jeanne d’Arc» : Guy Coat, breton bien sûr, de provenance EOM c’est-à-dire issu de mon rang.

Page 57: Avant d'être capitaine TOME 2

57

Je la fais modifier en vue d’expéditions futures : protection par tôle sous la coque pour éviter les ruptures d’organes par suite de rencontres avec des corps étrangers, tels que cailloux ou troncs d’arbres cachés par de hautes herbes.Sur le capot moteur j’installe un renfort propre à recevoir une deuxième roue de secours. Avec cette voiture nous faisons de belles promenades : dans la boucle du Sénégal, à Saint Louis, où nous profitons de chalets de séjour de l’armée situés entre le fleuve et la mer.Une grande expédition est montée vers la Casamance et Ziguinchor sa capital. Nous pénétrons même en Guinée Portugaise. Piste en forêt de plusieurs dizaines de kilomètres qui conduit au poste de frontière à une belle plage.Nous ne ferions plus aujourd’hui cette promenade. Récemment plusieurs qui se sont risqués vers la Casmance y ont laissé leur vie, cette contrée Sud du Sénégal étant en situation de révolte contre Dakar pour obtenir son indépendance.Promenade aussi vers M’Bao, le pays de Senghor avec ses sécheries de poisson sur la plage (quelle odeur!)Promenades en pleine brousse dont nous avons rapporté quelques belles images. Le soir d’une de ces promenades, arrêt dans le village. Fête dans un enclos. Danses des indigènes qui nous regardent avec insistance. Marie prend peur et se voit déjà à cuire dans un gros chaudron. Repli immédiat sans difficultés.Les années passant, les choses, là aussi, ont changé. La haine du blanc, de l’ancien colonisateur, se fait jour comme en ont témoigné nos amis Eugène Lemaître et sa femme Camille. En voyage d’agrément au Sénégal, il y a quelques années, ils crurent, dans un village, leur dernière heure arrivée. Fonçant à travers un barrage humain Eugène s’en tira bien.Du coup pas question de retourner en ces lieux où nous avons passé de si bons moments.

Nous avons de nombreux cocktails et réceptions. Tous les 15 jours nous invitons à dîner quelque copains de passage venu avec le DC4 Marine qui assume la liaison avec la métropole. Et ce jour là on sert traditionnellement un couscous, mijoté par le plus sérieux et le plus constant de nos boys (plusieurs se sont succédés à la maison). Celui-là se nomme Dialo, nom très courant en Afrique. Il est originaire de Guinée.Marie a pris soin de lui rappeler les règles élémentaires d’hygiène à respecter sous les tropiques, eau permanganatée pour laver les légumes et salades, les ongles sérieusement et fréquemment brossés...À ces précautions nous en ajoutons d’autres. Nous absorbons tous régulièrement notre nivaquine, si bien que nous reviendrons en France en bonne santé, sans palus, sans dysenterie.Dialo fait donc un excellent couscous. 10 fois, 20 fois, je dis à Marie : «apprends à le faire!» C’est le jour du départ, assise sur une caisse, qu’elle note sous la

Page 58: Avant d'être capitaine TOME 2

58

dictée de Dialo les diverses opérations. Et je dois dire que le couscous de Marie est bon!Dialo fait la cuisine, le ménage et nous sert à table. Marie a embauché une jeune sénégalaise pour les travaux de lingerie : lavage, repassage. Elle ne doit pas être malheureuse à la maison car elle donne comme deuxième prénom de baptême à sa fille : Mme Amiot.Il y a, dans son entourage, un enfant prénommé Ali de Gaulle car il est né le jour de la visite du Général.Ces remarques, comme celle qui va suivre, montrent que du temps où la France régnait sur une partie de l’Afrique, nous n’étions pas si mal vus que l’on prétendu certains intellectuels de gauche.Parmi le personnel sous mes ordres à Bel Air il y a un brave africain qui a pour tâche de nettoyer les bureaux et les toilettes. Je l’appelle : «Mon chef de cabinet.»Ce garçon touche un salaire très modeste et je m’arrange pour lui obtenir une promotion, donc un gain de salaire.Nous avons droit, de sa part, au moment du Ramadan, à un bon cuissot de mouton. Il insiste pour que nous allions faire une visite à la Médina. Ce qui a lieu un samedi après-midi. Il est tout heureux de nous recevoir, vêtu de son boubou impeccable et il nous présente sa famille : ses deux femmes et sa nombreuse progéniture à qui nous distribuons force bonbons.Sa maison, en dur, consiste en deux simples pièces. La cuisine se fait le plus souvent dehors. La bonne entente semble régner dans cette petite famille, je dis réduite car réduite à deux épouses seulement. Sur les livrets de famille sénégalais cinq cases sont réservées aux noms des épouses.J’ai souvenance d’un des employés qui prend congé pour se rendre dans le nord du Sénégal où vient de mourir son frère. Il va en recueillir la famille.Au retour je le vois, radieux. Il me confie : « Elle est belle ma belle sœur.» Il l’a déjà adopté ! C’est là, sous les tropiques, une forme de sécurité sociale où l’hébergement et la prise en charge de ceux que frappe le malheur se fait au sein même de la famille.J’ai déjà écrit qu’il y a quelques réceptions et fêtes à la base de Bel Air. Le site isolé sur une presqu’île s’y prête à merveille.J’ai souvenir que le premier pot auquel j’assiste est offert par un officier pilote de la 27ème flottille : le Lieutenant de Vaisseau Saint Mleux, originaire de la région malouine. Je revois son épouse avec une fleur tropicale dans les cheveux.Son bonheur devait être de courte durée car son mari, officier de marque du nouvel avion Atlantic, devait se tuer au cours d’une séance de présentation en vol, au salon anglais de Farnborough. J’ignore ce qu’est devenue son épouse.Bien plus tard, étant à la retraite, je suis allé faire deux conférences devant les membres de la Société d’Histoire et d’Archéologie de Saint Malo. J’y ai trouvé de vieilles connaissances mais pas Madame Saint Mleux.

Page 59: Avant d'être capitaine TOME 2

59

Les pots de départ, Noël, jour de l’An, les fêtes du calendrier, en particulier la Saint Éloi, sont motif à nous rencontrer. L’éloignement des familles rapproche les ménages.Dakar fut la plus belle affectation de ma carrière. Ajoutez à cela la présence à la base d’une plage privée où femmes et enfants passent de longues heures.Les petites «boums» qu’organisent entre eux nos descendants font que, sur le plan études, les résultats ne sont pas brillants. Mais, en compensation, quelle ouverture d’esprit pour ces jeunes de vivre en pays étranger, de côtoyer des gens de cultures différentes.De toute façon tout cela fut bénéfique si j’en juge par le résultat final : la situation acquise par chacun de nos trois enfants.

Mes deux années de séjour vont s’achever. Je sollicite la Direction du Personnel à Paris le bénéfice d’une année de prolongation, ce qu’avait obtenu mon prédécesseur Mollard.Mais, hélas, c’est ce dernier qui gère les affectations d’ingénieurs. Il a une dent contre moi. La troisième année de séjour m’est refusée. Alors que la fermeture de la base de Bel Air est programmée pour l’année qui suit.Arrive son remplaçant, l’ami Cosmao, qui devra plier bagage après à peine un an de séjour. C’est vous dire si je porte le nommé Mollard dans mon cœur. Je l’ai revu, longtemps après, au cercle des officiers à Rennes.Il m’a invité à prendre le café avec lui. Refus sec. Je ne l’ai plus revu.Tout à une fin. Et un beau soir de Juillet 1963 nous embarquons sur le paquebot «Ancerville» accompagné par de nombreux amis venus nous faire leurs adieux ou leurs «au-revoir».Jean-Pierre reste chez le commandant de la Base avec son fils Bernard. Il ralliera plus tard la métropole.Le voyage par le paquebot, tant désiré par Marie, est, pour elle, un échec. Clouée au lit par le mal de mer jusque Casablanca, avec une courte escale sur aux îles Canaries.Stop over à Casablanca où nous sommes hébergés chez mon frère Célestin et dix jours après, embarquement pour Marseille. Et voilà Marie de nouveau indisposée, à peine mis le pied à bord.Voyage touristique le long des côtes d’Espagne. Marseille. La gare Saint Charles. Direction Paris où nous prenons possession de notre nouvelle voiture, une 404 Peugeot. Puis cap sur la Bretagne.

Pas pour longtemps pour ce qui me concerne. Une partie de mes permissions saute. Je suis invité à rallier la base aéronavale de Lartigue, à Tafaraoui, près d’Oran, et ce dès le mois d’Août. J’y vois une nouvelle «gentillesse» de Mollard.J’essaie, par courrier, d’obtenir un petit sursis du Commandant de Lartigue.Réponse : ralliez immédiatement.À mon retour d’Indochine j’ai dû me contenter de la moitié de mes trois

Page 60: Avant d'être capitaine TOME 2

60

mois de permissions.À mon débarquement du «Clémenceau» j’ai perdu mon congé annuel. Me voilà de nouveau lésé au retour d’Afrique Noire.Ces mois de congés perdus le sont à tout jamais sans aucune rémunération compensatoire.Grandeur et servitude militaire !!

Une anecdote

Il est coutume, dans les carrés d’officiers, quand un jeune arrive, d’échanger casquettes et fonctions lors de ses visites d’embarquement. Histoire de se distraire aux dépends du nouvel embarqué qui ne sait plus qui est qui quand tout rentre dans l’ordre.En voilà un qui arrive à Bel Air ! Je décide, quant à moi, de le recevoir avec ma fidèle secrétaire Huguette assise sur mes genoux.Le nouvel arrivé n’a pas l’air troublé par ce spectacle et quand on l’interroge plus tard sur l’effet produit il rétorque : “C’est là un fait courant dans la vie civile !”

Page 61: Avant d'être capitaine TOME 2

61

Page 62: Avant d'être capitaine TOME 2

62

Page 63: Avant d'être capitaine TOME 2

63

QUELQUES PHOTOS

Page 64: Avant d'être capitaine TOME 2

64

Écusson de la base de Bel Air

Le Capitaine de Frégate Cauhapé salue les officiers de la Baseavant son départ

Page 65: Avant d'être capitaine TOME 2

65

Belle brochette d’officiers

Le Capitaine de Frégate Soubiac salue, à son arrivée le personnel civil des Services Techniques

Andanson Bobo

Page 66: Avant d'être capitaine TOME 2

66

Pot de départ de mon prédécesseurDe gauche à droite : Bonoit, Mollard, Vatelot, Cauhape, Pollin

Monique Thieulin et sa petite Anne-Marie

Page 67: Avant d'être capitaine TOME 2

67

Dans les rues de Dakar

Tenue de cérémonieSpencer

Sur la terrasse de notre appartement

Page 68: Avant d'être capitaine TOME 2

68

L’Amiral Vedel

Madame Soubiac

Page 69: Avant d'être capitaine TOME 2

69

L’officier des équipages Bonoit et sa charmante épouse

Le Docteur et Madame Andanso, Le commissaire et Madame Carly

Page 70: Avant d'être capitaine TOME 2

70

L’État Major des Services TechniquesDe gauche à droite : Legendre, Brault, Pollin, Amiot, Bonoit, Dialo

Notre avion de liaisonavec Port Étienne

(Beechcraft)

Page 71: Avant d'être capitaine TOME 2

71

Dîner à Bel Air à la table de l’AmiralDe gauche à droite : Mme Lapaire, Amiral, Mme Soubiac, CC Amiot

De gauche à droite : CC Lapaire, Mme l’Amiral, CF Soubiac, Mme Amiot

Page 72: Avant d'être capitaine TOME 2

72

Soirée dansante

Page 73: Avant d'être capitaine TOME 2

73

Mardi Gras

Qui est ce Moujik qui serre Marie dans ses bras?

Page 74: Avant d'être capitaine TOME 2

74

Mardi Gras à Bel Air

Page 75: Avant d'être capitaine TOME 2

75

Mardi Gras à Bel AirÇa sent le bouc !

Page 76: Avant d'être capitaine TOME 2

76

La Saint-Éloi, grande fête des mécaniciens. Les personalités

On me remet une décoration : une montre allusion à mon intransigeance sur les heures de travail

Page 77: Avant d'être capitaine TOME 2

77

Messire Saint Éloi

C’est la fête !

Page 78: Avant d'être capitaine TOME 2

78

En mer sur «Requin»

Pique nique sur l’île de la Madeleine

Page 79: Avant d'être capitaine TOME 2

79

Au large

Les bretons de Dakar s’associent à la fêteNous avons fait venir des galettes de la région lorientaise

Ma fidèle secrétaire Huguette en dirige la vente

Page 80: Avant d'être capitaine TOME 2

80

Huguette

Mise en boîte par mes collaborateurs

Page 81: Avant d'être capitaine TOME 2

81

Je précise que toutes ces activités de distraction, telle la Saint Éloi ont été préparées en dehors des heures de travail

Page 82: Avant d'être capitaine TOME 2

82

Promenade en brousse

Page 83: Avant d'être capitaine TOME 2

83

Page 84: Avant d'être capitaine TOME 2

84

Et ça danse !

Page 85: Avant d'être capitaine TOME 2

85

La «petite famille» de mon «chef de cabinet»

Notre fidèle boy Dialo

Page 86: Avant d'être capitaine TOME 2

86

Mardi Gras 1963 des petits

Notre logement à Calmette

Page 87: Avant d'être capitaine TOME 2

87

Bal costumé des jeunesAvril 1963

Me voilà transformé en Père Noël. J’arrive en hélicoptère accueilli par mon ami Thieulin

Page 88: Avant d'être capitaine TOME 2

88

Pot de départ. On m’offre une excellente montre toujours à mon bras en l’an 2000.

Page 89: Avant d'être capitaine TOME 2

89

Mon remplaçant Cosmao est arrivé.

Page 90: Avant d'être capitaine TOME 2

90

De gauche à droite : Bonoit, Mme Bonoit, Thieulin, Legendre etMadame, Ribuot

Pot de départ sur «l’Ancerville»

Page 91: Avant d'être capitaine TOME 2

91

DakarLe marché Kermel

Appartement de Calmette

Page 92: Avant d'être capitaine TOME 2

92

Anniversaire de PhilippeJuin 1963

Entre Ziguinchor et BathurstDécembre 1962

Page 93: Avant d'être capitaine TOME 2

93

En Guinée PortugaiseDécembre 1962

Port ÉtienneNovembre 1962

Page 94: Avant d'être capitaine TOME 2

94

Sur la plage de Bel Air

À l’hydrobase de Saint Louis

Page 95: Avant d'être capitaine TOME 2

95

Sur l’AncervilleJuillet 1963

Train de pélerins à l’escale de Kayar au Sénégal

Août 1962

Page 96: Avant d'être capitaine TOME 2

96

Page 97: Avant d'être capitaine TOME 2

97

21_ EN AFRIQUE DU NORD(Latrigues, Mer-El-Kébir)

(12 Juillet 1963 - 19 Juin 1964)

Page 98: Avant d'être capitaine TOME 2

98

En permission à Carrien je reçois l’ordre de rejoindre la base de Lartigue, à Tafaraoui près d’Orant, et ce dans les meilleurs délais.Voilà encore une permission écornée. Une «amabilité» de mon ami Mollard sans doute. Raison officielle avancée : on manque d’Ingénieurs Mécaniciens susceptibles de diriger un grand service.Au Ministère de la Marine on m’a officieusement prévenu : « Vous avez eu à Dakar un poste au choix, il faut aujourd’hui le payer.» Dans l’idée tout le séjour à Lartigue est une corvée.Mais ce n’en fut pas une. Car là-bas j’ai trouvé et retrouvé de bons amis. Nous sommes allés souvent en ribote au Club Nautique ou à l’Unité Marine.Et j’avoue, sans fausse honte, que c’est à Oran que j’ai pris quelque tours de nez de ma carrière. L’ambiance était gaie, voire chaleureuse dans ces réunions.Bien sûr le travail de chef déménageur qui m’attend à Lartigue ne sera pas des plus passionnants. Mais je suis rôdé : Cat Laï, Tan Son Nhut ont été fermé sous ma direction. Dakar y a été préparé.S’il y eut, parmi nos anciens, des constructeurs d’empire, je peux dire que, personnellement, j’ai été un déménageur d’empire.Me voilà donc, après le retour d’Indochine et le débarquement du «Clémenceau» privé une troisième fois de la totalité de mon congé réglementaire !Je prend alors ma plume et écris au Pacha de Lartigue, lui exposant mon cas et lui demandant de m’accorder une petite prolongation. Refus net : «Ralliez à la date prévue.»

Je pense : «Ça va être charmant quand je vais me présenter à Lartigue.» Mais, dans l’intervalle, le Pacha est remplacé par un nouveau : le capitaine de Frégate Palmesami. Avec lequel je me suis très bien entendu.C’est pourtant un curieux personnage. Un peu cauteleux, pas toujours franc du collier. Il a épousé une eurasienne. Les méchantes langues qu’il l’a cueillie

Page 99: Avant d'être capitaine TOME 2

99

dans une maison de tolérance.Cette femme, celons les témoignages de gens très sérieux, à une caractéristique. Quand son mari, plus jeune, commandait une escadrille et partait plusieurs jours en mission, elle allait aussitôt se fourrer dans le lit d’un des officiers de son époux. Charmante collaboration !Avec Marie et moi elle a toujours été très agréable et elle ne m’a jamais fait quelque avances que ce soit. C’eut été voué à l’échec.Le couple a une fille, Suzanne, qui fréquente le même lycée que Claude ma fille et Nancy ma future bru. Suzanne aurait, par la suite, épousé un officier de marine.

J’ai donc laissé Marie à Carrien, charge à elle de rallier Marseille puis Oran avec notre nouvelle voiture : une Peugeot 404.Compte tenu de la mini-tension qui règne en Algérie j’ai pris la décision de mettre Jean-Pierre en pension au Prytanée Militaire de la Flèche. Après les «boums» de Dakar je pense que se sera une bonne reprise en mains et le pied à l’étrier pour une possible carrière marine.C’est en fait, un échec complet : un dégoût de la vie militaire et une royale déroute au Bac. Nous y reviendrons.Quand vient le moment de rallier Oran Marie se met donc en route avec les enfants plus Bernard Soubiac qui séjourne à Carrien. Elle dépose ce jeune homme dans sa famille, du côté de Nevers, après avoir parachuté Jean-Pierre à la Flèche.Puis route sur Marseille et son Cercle Naval avec Claude et Philippe. Elle y rencontre un camarade de Dakar, l’officier des équipages Boost qui est en service à Marseille et lui facilite l’embarquement de la voiture sur bateau et le départ par avion de Marignane.Lequel départ a bien failli être retardé par la faute de Claude endormie sous clé dans sa chambre. L’acrobatique intervention d’un marin par la corniche à permis de la réveiller à temps.

À Oran j’ai bénéficié d’un logement marine vide que je meuble de bric et de broc en empruntant du mobilier un peu partout dans les services de la Marine. L’immeuble domine la Préfecture et n’est pas loin du centre ville.À Lartigue je prend la relève de mon camarade Pinson que j’ai déjà remplacé à Cat Laï.

Nous avons de bons amis à Oran. Passons les en revue.D’abord Bonnet : Lieutenant de Vaisseau pilote, marié à une Américaine, contrôleur de l’Air, connue lors de son entraînement aérien aux U.S.A. Elle prénomme «Djin» et est parfaitement adaptée à la vie française à tel point, m’a-t-elle dit un jour, qu’elle ne voudrait opus rien au monde revivre en Amérique.Le couple a de charmants enfants. Nous allons de temps à autre le dimanche

Page 100: Avant d'être capitaine TOME 2

100

pique nique avec eux en forêt.Bonnet est d’un caractère très gai. Toujours dynamique. J’ai fait de nombreux vols avec lui. Il est chef de bord du S030P, un avion de transport affecté aux liaisons marine de la garnison d’Orant et de Mer-El-Kébir.Un de ces vols est resté gravé dans ma mémoire. Voici pourquoi.Un vendredi soir Bonnet me prévient qu’il va décoller vers 19h00 en direction de Marignagne pour y amener des permissionnaires. Retour prévu dans la nuit. Bonnet m’invite à participer à ce vol. La semaine achevée, cette escapade me convient à merveille.Et vers les 22h00 nous touchons Marignane. Les passagers débarqués, le plan de vol déposé pour le retour, nous décidons d’aller avec l’équipage (4 ou 5 officiers mariniers) nous restaurer.Je précise, pour la suite du récit, que nous sommes tous revêtus de notre uniforme. Je suis donc le plus gradé de la bande.Au restaurant on nous avise qu’on ne sert plus à cause de l’heure tardive. Désappointement. Mais arrive un gaillard maître d’hôtel qui nous invite à le suivre vers un snack ou un grill voisin.Nous lui emboîtons le pas. Arrivés dans une pièce garnie de nombreuses personnes nous faisons un peu sensation d’autant que la bellâtre crie à la cantonade, en frappant de ses deux mains : «Qu’on prépare une table pour l’équipage de l’avion du Président de la République !» (sic)Il se tourne vers nous, fais un clin d’œil et nous rassure : «Vous allez être servis !»Effectivement on voit aussitôt deux ou trois maîtres d’hôtel se précipiter pour garnir une table. Mais, en catimini, Bonnet me glisse à l’oreille : «Ce con là il est fichu de nous faire mettre une bombe dans l’avion !» Il faut dire qu’à l’époque le Général De Gaulle n’est pas partout en odeur de sainteté.Quoi qu’il en soit nous pouvons nous restaurer, servis par plusieurs maîtres d’hôtel aux petit soins.En épilogue un maître d’hôtel vient, à la fin du repas, me demander si nous avons bien mangé et s’il doit adresser la note à l’Élysée. Nous avons failli pouffer de rire à l’énoncé de cette proposition. Je lui rétorque que non et que je vais régler sur l’heure, ce qui est fait.Retournés à l’avion nous avons bien ri en pensant à la tête des Élyséens recevant une note de frais d’un équipage inconnu. C’eut été risqué et il y aurait certainement eu des jours d’arrêt à la clé.Le retour se fait sans problème et vers les deux heures du matin nous nous posons à la base de Lartigue.Bonnet et son épouse aiment bien les ribotes, c’est-à-dire les joyeuses rencontres Marine. Et il y en a beaucoup au Club Nautique des Officiers que nous fréquentons assidûment.

Nos sorties se font aussi en compagnie du ménage Baot. Lui, Lieutenant de Vaisseau transmetteur, sert à l’État Major de Kébir mais loge dans notre

Page 101: Avant d'être capitaine TOME 2

101

voisinage. Il a une charmante épouse prénommée Jocelyne. Tous deux sont typiquement bretons et originaires du Relecq-Kerhuon, près de Brest.Après Oran nous les avons perdu un peu de vue. Lui a été affecté au Maroc en qualité d’Officier de liaison auprès de la Marine Chérifienne. Ce qui a donné l’occasion aux Baot de connaitre Célestin mon frère et Marguerite son épouse.Retirés au Relecq ils n’ont pas joui longtemps du bonheur de la retraite car Jocelyne a été emportée par le cancer. Nous les avons revus, peu de temps avant sa mort, lors d’une expédition sur Brest.Nous avons aussi revu leur fille qui, infirmière indépendante, a eu l’étrange idée d’épouser Monsieur Piquemal. Aussi exerce-t-elle ses talents sous son propre nom. Plus de nouvelles de Baot depuis la mort de Jocelyne.

J’ai retrouvé à Kébir une vieille connaissance : le Capitaine de Corvette Jaouen, neveu ou cousin du père Jaouen, bien connu pour son dévouement envers les jeunes délinquants qu’il soigne en les emmenant sur son voilier en de longues expéditions maritimes.Jaouen est une pur breton finistérien, doté d’un accent du terroir fort en bouline. Nous sortons ensemble sur un cotre du Club Nautique.Il a été un moment chef du service Manœuvre de l’École Navale et, comme, tel, a assumé la formation maritime des élèves. C’est lui qui, ayant apprécié les qualités nautiques de l’élève Éric Tabarly l’a sauvé du naufrage et du renvoi chez les officiers mariniers, son état d’origine. Tabarly conte d’ailleurs le fait dans un de ses livres.Un autre officier de l’École Navale, que j’ai connu sur la «Jeanne d’Arc», le Lieutenant de Vaisseau Noetinger, est aussi intervenu auprès du Pacha de l’École en faveur de Tabarly. La «cote de gueule» du Pacha a été remontée et notre national Éric Tabarly est sorti officier élève au dernier rang de sa promotion. Ce qui ne l’a pas empêché de bien servir son pays, mais en dehors de l’orthodoxie Marine.

À Lartigne mes deux collègues, chefs de groupement de service sont : aux services opérations le Capitaine de Corvette Pestel, un garçon très sympathique, issu de la Marine marchande, marié, 5 enfants, qui vit en célibataire sur Base.Il a une caractéristique : il est d’un calme absolu, ne se met jamais en colère. Poussé à l’extrême ce calme engendre une grande passivité, voire une grande mollesse. Et je pense que, de ce fait, Prestel n’a dû guère progresser en grade.

Aux Services Généraux, je retrouve Langlais dont j’ai entretenu le lecteur dans le chapitre «Indochine». Nanti d’un quatrième galon, se promenant avec sa canne, il a tout à fait, avec sa longue barbe, l’allure d’un légionnaire.Un jour un de nos avions de lutte anti-sous-marine P2V7 «Neptune» se pose, en panne, dans un champ, en pleine campagne, à quelques distance

Page 102: Avant d'être capitaine TOME 2

102

de Lartigue.Branle bas de combat : il faut essayer au plus vite de récupérer l’avion. Je mobilise mes spécialistes et file sur place. Suivi par Langlais qui va, avec ses fusiliers marins assumer la garde de l’avion.Je le vois encore arrivant dans le pays et, d’un air sûr et hautain, demandant aux indigènes, accourus sur les lieux de l’atterrissage : «Qui commande ici? Je veux voir le chef du village immédiatement.»Langlais a un travers : il boit comme un trou durant 11 mois de l’année. Puis, durant 30 jours il ne touche pas un verre d’alcool.Un dimanche je déjeune à la Base en compagnie de Marie et Philippe. Langlais prend le gosse à partie en le questionnant sur Merlin l’Enchanteur. Le gamin, un peu ému, ne sait que répondre.Au carré quand La,glais veut se faire servir il crie : «Aubergiste» en direction de la cuisine. Il terrorise quelque peu l’équipage.Un soir, venu dîner à la maison, avec d’autres officiers, il prend l’ascenseur pour retourner à sa voiture. Mais l’ascenseur, peut-être trop chargé, s’arrête à mi-étage. Et voilà Langlais qui crie, réveillant tout l’immeuble : «Qu’on m’apporte une hache !» C’est un phénomène !Originaire du nord de la France, il est né à Saint Jacut de la Mer où ses parents ont trouvé refuge durant la guerre 1914-1918. Marie mettant en doute cette information, il sort sa carte d’identité et la montre à mon épouse en aillant soin de cacher sa date de naissance ! Violemment opposé à l’action gaullienne il appelle le Général, à haute et intelligible voix, en quelque lieu que ce soit : «la grande Zora».Faut-il s’étonner qu’il ait été mis à la retraite au grade de Corvettard ?Selon certaines sources il aurait dirigé quelque temps un club nautique du côté de Montpellier. Puis il a disparu de la circulation.Quelques anciens d’Indochine ont pensé que l’auteur du film «Le crabe tambour» s’est inspiré de la conduite de Langlais (Schoendoerffer)

Parmi mes collaborateurs de Lartigue je citerai mon ami Panis. Garçon toujours très souriant, très compétent, il est sorti du rang par le truchement des E.O.M.Après Lartigue nous avons gardé le contact et il est venu, avec sa famille, passer un congé d’été à Fréhel. Tous les jours nous sortions, lui et moi, en mer sur «N’GOR». Sa femme Hélène est d’un naturel très doux.Panis a vite quitté la Marine et est entré chez Hispano où il s’est occupé de la commercialisation des turbines à gaz, propres à fournir du courant électrique. Ce qui l’a amené à séjourner outre mer.Il y a environ un an j’ai eu de ses nouvelles. Retraité dans la région parisienne. Par lui j’ai su que ma secrétaire exubérante de Lartigue, Loulou, était retirée à Briançon où un des enfants Panis exerce les fonctions de Pasteur Protestant. Fin 2002, Panis séjournant chez un ami à Saint Malo, me téléphone. Je le convie à déjeuner. Heureux de le revoir ainsi que son épouse. En décembre

Page 103: Avant d'être capitaine TOME 2

103

de la même année, profitant d’un séjour à Paris, je lui rend visite en son logement sis en banlieue parisienne. Je trouve un garçon qui se morfond dans un pavillon sans aucun cachet. Il déteste Paris où il ne se rend jamais, au grand regret de son épouse qui aimerait y vivre. Panis m’avoue en catimini : «J’aurais du épouser une bretonne du côté de Saint Malo. Je ferai de la voile tous les jours !»

À Mers-El-Kébir, invité avec Marie, à dîner chez l’Amiral Laîné, je fais la connaissance de Maxime Destremeau, lieutenant de vaisseau, porte pèlerine de l’Amiral. J’ai connu son père, capitaine de vaisseau en Indochine.Et je revois Maxime, quelques années plus tard, lorsque, en retraite, je rédige l’histoire de St Cast. Je découvre, au lieu dit Beaulieu, une grande maison, propriété de la famille Destremeau.

Parmi les personnes fréquentées lors de notre séjour à Oran il me faut citer Annie Fertil. Elle est la fille unique d’un Ingénieur de Direction de Travaux du Commissariat de la Marine, présentement au service des combustibles à Mers-El-Kébir.Annie est une camarade de classe de ma fille Claude et de Nancy Goetzinger, ma future bru (voir plus loin). Ce qui nous amène Marie et moi à faire connaissance d’Annie. Je la revoie encore, alerte gamine d’une quinzaine d’années, se trémoussant sur une piste de danse au son d’»America».Nous retrouverons Annie quelques années plus tard quand je suis nommé à Brest, où exerce son père. Elle assiste au mariage de Jean-Pierre et Nancy et plus tard, à Fréhel, elle est la marraine de mon petit-fils Éric, auquel elle semble très attachée.Annie va perdre sa mère, puis se fâcher avec son père et vivre une existence assez libertine pour se retrouver en retraiter assez solitaire à Brest.Elle vient de temps à autre à Carrien où Marie l’accueille et la conseille le cas échéant.Ainsi femme mariée, souvent se plaint de son mari. Mais femme solitaire est bien malheureuse de n’avoir ni enfants, ni petits-enfants qui gazouillent et égaient nos foyers.

À Pâques, Jean-Pierre étant venu en permission, nous décidons d’aller passer quelques jours au Maroc, chez mon frère Célestin. Pour des raisons de sécurité je mets tous les papiers importants de la famille dans une sacoche de cuir. Et nous voilà partis.À la tombée de la nuit nous faisons escale pour dîner dans une bourgade marocaine. Je pose la précieuse sacoche en sécurité Ainsi femme mariée, souvent se plaint de son mari. Mais femme solitaire est bien malheureuse de n’avoir ni enfants, ni petits-enfants qui gazouillent et égaient nos foyers.

Page 104: Avant d'être capitaine TOME 2

104

À Pâques, Jean-Pierre étant venu en permission, nous décidons d’aller passer quelques jours au Maroc, chez mon frère Célestin. Pour des raisons de sécurité je mets tous les papiers importants de la famille dans une sacoche de cuir. Et nous voilà partis.À la tombée de la nuit nous faisons escale pour dîner dans une bourgade marocaine. Je pose la précieuse sacoche en sécurité entre mes jambes.Le repas terminé nous reprenons la route. Au bout de 50 km je réalise soudain que j’ai oublié la sacoche au restaurant. Demi tour aussitôt. Le restaurant est fermé mais les propriétaire entr’ouvrent leur fenêtre et nous rassurent : ils ont découvert la sacoche et l’ont mise en lieu sûr. La dame descend et nous remet notre précieux colis. Mille remerciements et excuses.L’arrivée prévue à Casablanca vers les 11 heures du soir se trouve retardée. De plus, je me perds dans les faubourgs de Casa, bien différents de ceux que j’ai pu connaître en 1945.Une patrouille de police nous remet aimablement dans le bon chemin. Et vers les 1 heure du matin nous arrivons chez Célestin, inquiet de ne pas nous voir. Longtemps on a reparlé de la sacoche oubliée.

Nos relations avec les autochtones sont bonnes. À cette époque les esprits sont calmés. L’Algérie vit en paix sur elle même. Cela ne devra, hélas pour elle, pas durer. Au jour où je rédige ces lignes elle est en proie au marasme et à la tuerie.Combien d’Algériens, en leur fort intérieur, doivent regretter la paix qui régnait dans ce pays avant l’insurrection.

À noter une particularité Oranaise. Cette ville puise son eau dans le sous sol de la plaine voisine de la Sepkra. Et cette eau est très légèrement salée. Habitués à ce goût les pieds noirs orantes qui débarquent en métropole mettent un peu de sel dans leur café «pour retrouver le goût du café de là-bas.»Mon activité durant mon court séjour en Afrique du Nord, consiste donc surtout à emballer du matériel et à l’expédier en France.Ce travail m’a valu un bon «coup de gueule» de l’Amiral Ferrand, Chef du Service Central Aéronautique au Ministère, venu nous visiter à Tafaraoui.J’ai eu le malheur, quelques temps auparavant de me plaindre du laxisme des services parisiens à un officier venu en mission de la capitale.Arrivée de l’Amiral pour mettre les choses au point. J’ai ainsi appris, une fois de plus, à mes dépends, que trop parler nuit et que toute vérité n’est pas bonne à dire. Tant pis ! Je n’ai jamais pratiqué la langue de bois au cours de ma carrière. Ce qui me met en accord complet avec ma conscience.

Nous avons un stock de bois à notre disposition pour faire les caisses nécessaires à l’expédition du matériel.Un beau jour, un de mes gradés m’avise qu’un légionnaire nous en a dérobé.

Page 105: Avant d'être capitaine TOME 2

105

Une compagnie de la légion est en effet casernée sur la base et en assure la protection.Aussitôt je fais appréhender le coupable et le fait comparaître. C’est un jeune Allemand, issu de la Wermacht, qui, arrivant dans mon bureau, claque les talons et se met dans un garde à vous impeccable. «Légionnaire W… à vos ordres mon commandant.»«Vous avez dérobé des planches?»«Yavol mon Commandant.»«C’était pour votre compagnie?»«Yavol mon Commandant.»«Ce n’est pas bien ce que vous avez fait là.»«Yavol mon Commandant.»«En attendant qu’un officier de la Légion vienne vous récupérer je vous met au trou.»«Yavol mon Commandant.»Il claque des talons, fait un demi tour très réglementaire et suit le gradé qui va l’enfermer dans les W.C. du coin, faute d’autre local. L’Allemand accepte son sort sans discuter. Une heure après je reçois la visite d’un Capitaine de la Légion qui vient s’excuser de la conduite de son homme et restituer le bois «emprunté».

Le séjour à la base de Lartigue est marqué par un évènement très pénible : le suicide par pendaison d’un de mes gradés : le Premier maître électricien.Une commission d’enquête présidée par le Capitaine de Vaisseau Cauhapé, mon ancien Pacha de Dakar-Bel Air, en service à l’État Major de Mers-El-Kébir, m’interroge. Je ne peux que fournir de bons renseignements sur ce gradé pour lequel j’avais une grande estime. Il est venu, la veille de sa mort, m’entretenir des problèmes de la Base. En fait,j’ai appris plus tard que le pauvre homme a mis fin à ses jours pour des raisons familiales.

Nous avons à Oran comme voisins la famille Goetzinger. Paul, le chef de famille est ingénieur urbaniste. Lui et son épouse Raymonde, originaire de l’Italie sont très attachés à l’Algérie.Quelques années après notre passage ils ont dû se résoudre à rallier la métropole. Ils ont atterri sur les bords de la Méditerranée, là où grouillent beaucoup de pieds noirs.Le couple a deux enfants : une fille Nancy, copine de Claude, ma fille, au lycée et un garçon Frank.Aux congés scolaires de Noël et de Pâques Jean-Pierre, mon fils aîné, vient nous voir à Oran et c’est ainsi que se noue son idylle avec Nancy.

Un beau jour nous cédons la base aux algériens pour nous replier sur Mers-El-Kébir. J’apprends plus tard que quelques rigolos parmi mes gens se sont amusés à scier presqu’entièrement quelques jeunes arbres dans

Page 106: Avant d'être capitaine TOME 2

106

l’espoir qu’un jour un algérien venant s’y appuyer chuterait avec l’arbre. Raisonnement un peu puéril !À Kébir, dans les vastes souterrains de la Base Navale, se terminent les mises en caisse puis, permission en poche, je prends avec la 404 la route du Maroc, de l’Espagne et de la France.Mais la sortie d’Algérie n’est pas facile. Il faut exhiber papiers d’identité, permission, factures de loyer, de gaz, d’électricité, bien et dûment certifiées encaissées.Interdit d’avoir des francs français. Comment voyager en voiture dans ces conditions, à une époque où les cartes bleues n’existaient pas et où tout devait se régler en argent sonnant et trébuchant.Je fais revenir quelques grosses coupures de France par un avion Marine et je les dissimule dans un papier au creux d’un des pare-chocs avant.Mais nous avons de la pluie au cours de notre périple de retour et quelques coupures sont abîmées. Dès l’arrivée en France je les échange sans problème à la banque de France.C’est avec un grand soulagement que je quitte l’Algérie où règne, au moment de notre départ, une poussée de fièvre, un climat de tension.Un dimanche où nous nous promenions au sud d’Orant nous somme, à l’entrée d’un village, la cible de jets de pierres par des gamins.Nous passons la douane à Oujda. C’est avec dégoût que je vois un gros douanier tripoter avec ses pattes sales le linge féminin de mon épouse et celui de ma famille.Entrés au Maroc nous nous sentons beaucoup plus à l’aise. Route sur Tanger. Arrêt d’une nuit à l’hôtel. Promenade en ville le matin en attendant de prendre le Ferry dans l’après-midi. En traversant le détroit de Gibraltar je repense à ce matin de 1942 où j’ai hésité à me jeter à l’eau du «Kilissi» pour rallier la France libre. Ma destinée eut été toute autre. Peut-être meilleur, peut-être pire.À Algésiras nous nous installons dans un très bel hôtel. Et le lendemain route sur Gibraltar, puis Grenade, ville magnifique, arrêt à Madrid : visite du musée du Prado.J’avais, par correspondance, retenu toutes les chambres d’hôtel. C’est à Madrid que Marie et les enfants sont séduits par de belles perruches, peu craintives, dont les couleurs s’avèrent par la suite artificielles. Et nous voilà en charge de quelques petits pensionnaires peu farouches, qui volent dans la voiture et viennent même se pencher sur le volant, à la grande joie des enfants.Pour passer la Douane, de peur de les voir confisquées, nous les cloîtrons dans un recoin de la voiture.

Le plaisir d’être en vacances se ternit quand, après avoir récupéré Jean-Pierre, nous apprenons, au Cercle Militaire de Paris, son échec au Bac.Je me souviens de le voir en larmes et de lui avoir fait la leçon : «travail trop

Page 107: Avant d'être capitaine TOME 2

107

haché, pas assez de constance dans l’effort. Mais il ne faut pas se décourager. Nous serons désormais à tes côtés, surtout ta mère, pour t’aider à refaire surface.»C’est ce qui se produit, ce qui prouve que, parfois, certains échecs dans la vie valent autant sinon mieux que des réussites.J’ai par relation, loué le logement d’un camarade ingénieur, Tor, qui vient d’être nominé au Commandement de l’École de Rochefort. Ce qui fait que nous nous installons à Versailles pour la rentrée car mon «ami» Mollard m’a trouvé une affectation dans la capitale, à mon grand regret. Je suis détaché au Ministère de l’Air. Mais nous changeons là de chapitre.

Page 108: Avant d'être capitaine TOME 2

108

Page 109: Avant d'être capitaine TOME 2

109

QUELQUES PHOTOS

Page 110: Avant d'être capitaine TOME 2

110

Oran

Vue de notre fenêtre

Page 111: Avant d'être capitaine TOME 2

111

Marie dans le Jardin du Carré des Officiers

Le Capitaine de Frégate Palmesani et son épouse

La Base Aéronavale de Lartigue à Tafaroui près d’Oran

Page 112: Avant d'être capitaine TOME 2

112

Tendre affection de Mme Palmesani pour un Moujik

Marie dansant avec le CF Palmesani

Page 113: Avant d'être capitaine TOME 2

113

L’officier des équipages Douarinou célébrant les «obsèque» du médecin de la Base promu Médecin Principal

Pique Nique en forêt de M’sila

Page 114: Avant d'être capitaine TOME 2

114

Barbecue avec les Bonnet sur la montagne des lions

Sortie en mer avec Baot sur la cotre St Anne du Club nautique

Page 115: Avant d'être capitaine TOME 2

115

Couscous à la maison avec des amisDe gauche à droite : Bonnet, Panis, Djinn Bonnet, Hélène Panis,

Jocelyne Baot

À sa dernière demeureChez les Boat avec les Bonnet

Page 116: Avant d'être capitaine TOME 2

116

Flirt avec la maréchaussée... ou échange de coiffuresDe gauche à droite : Douarinon, Capitaine de Gendarmerie,

Commissaire de la Base

Discution avec mes collaborateurs civils (DCAN) et leurs charmantes épouses

Page 117: Avant d'être capitaine TOME 2

117

De gauche à droite : CF Palmesani, Mme Palmesani, Mme Amiot, Mlle Mingot (secrétaire du Cdt), CC Pestel

Avion «Neptune» (P2V6) posé en rase campagne à Relizane

Page 118: Avant d'être capitaine TOME 2

118

Avec quelques uns de mes collaborateurs

Panis en discussion avec un agent de la DCAN

Page 119: Avant d'être capitaine TOME 2

119

Danse Russe

IM1 Panis et Moi

Page 120: Avant d'être capitaine TOME 2

120

Moujik et Chinoise

Annie FertilClaude

Page 121: Avant d'être capitaine TOME 2

121

Casse croûte chez les officiers mariniers peu de jours avant la fin

Page 122: Avant d'être capitaine TOME 2

122

Chez les gradés

Page 123: Avant d'être capitaine TOME 2

123

Le petit train de Philippe

Noël à Oran

Page 124: Avant d'être capitaine TOME 2

124

Jean-Pierre et Nancy

Page 125: Avant d'être capitaine TOME 2

125

Pot de départ de Langlais

Repas d’adieuLa table des jeunes

Page 126: Avant d'être capitaine TOME 2

126

Le pot d’adieuMarie en pleine discussion avec l’Amiral Delrieu

Écusson de la Base de Lartigues en Tafaraoui

Page 127: Avant d'être capitaine TOME 2

127

Page 128: Avant d'être capitaine TOME 2

128

Page 129: Avant d'être capitaine TOME 2

129

22_ AU MINISTÈRE DE L’AIR(19 Juin 1964 - 17 Août 1967)

Page 130: Avant d'être capitaine TOME 2

130

Le 19 juin 1964 je relie le Ministère de l’Air où j’assume les fonctions d’Officier de liaison entre le Service Central Aéronautique de la Marine et le Service des Marchés et de la Production Aéronautique chargé, comme son nom l’indique, du contrôle et de la surveillance des industries et compagnies aéronautiques œuvrant pour la défense nationale.Je suis donc immergé dans un milieu totalement différent du milieu Marine.

J’étonne tout le monde, le jour de mon arrivée au Ministère de l’Air, quand je fais, avec sabre et décorations pendantes, ma visite réglementaire «d’embarquement» à tous les ingénieurs de l’Air et autre collaborateurs avec lesquels je vais œuvrer trois ans durant.L’avantage de cette affectation c’est que je suis très indépendant. J’ai, pour me seconder, un petit «état-major» fait de deux aspirants, d’un ouvrier civil aux écritures, spécialiste contrats et de quelques officiers mariniers dont un nommé Audrain, originaire de Plancoët, maître principal de son état. Un garçon très sympathique avec lequel j’ai gardé contact à la retraite. Il a pris la direction du Relais de la Poste à Plancoët, à la suite de sa belle-mère et Marie et moi sommes allés de temps en temps y manger quelques crêpes et évoquer notre passé Marine.Il y a aussi le maître principal Milasseau originaire de Saint-Malo qui, habitant près de Versailles, me sert régulièrement de chauffeur, ce que j’apprécie vu l’intensité de la circulation parisienne.J’œuvre sous les ordres doubles : de l’Amiral Chef du Service Central Aéronautique et d’un ingénieur Général de l’Air, Monsieur Soulier, avec qui j’ai d’excellentes relations. Sauf une fois où il a froncé des sourcils. Voilà pourquoi.

Le détachement Marine est, au Ministère de l’Air, hébergé dans deux bureaux contiguës et communicants. C’est juste mais suffisant d’autant que j’y fais régner l’ordre en interdisant toute discussion n’ayant pas trait au services.

Page 131: Avant d'être capitaine TOME 2

131

Seulement les murs et les locaux sont très très sales. La peinture doit dater de l’époque de la construction, après la guerre 14-18.Mes démarches pour les faire nettoyer et repeindre s’avérant vaines, je prends contact avec le SAMAN (Service Marine sis à Toussus-le-Noble, chargé de l’approvisionnement en matériel) où je connais beaucoup de gens et, sans difficultés, j’obtiens une cession gracieuse de pinceaux, éponges, lessive et peinture.Et un matin, en pleine accord avec mes gens, nous nous mettons tous à lessiver et à peindre. Mais la chose est vite connue et rapportée au grand chef, Monsieur Soulier. Et le voilà arrivé chez les marins ! Explications. La cause est entendue. Dans la journée, ou presque, nos locaux deviennent très propres.Cette initiative n’a pas plu au service chargé des bâtiments au ministère de l’Air. Pour se venger il trouve moyen, sous un fallacieux prétexte, de nous changer d’aire quelques mois après. Cette fois il n’est pas question de relessiver.

J’observe avec curiosité le milieu civil dans lequel j’évolue. Plusieurs faits me reviennent à l’esprit.Un brave homme, la cinquantaine bien tassée, m’avoue : voilà plus de trente ans que j’œuvre dans ce bureau ! Je frissonne en entendant cela. Moi qui ai sans cesse voyagé.Une dame dactylo tient toujours grand ouvert inférieur de son bureau. Quand la porte dans local s’ouvre son tricot disparaît aussitôt avec aiguilles et pelote. Quel acharnement au travail !Une brave dame, secrétaire, cultive une grande nostalgie de sa province natale. Elle est native d’un village du centre Bretagne. Elle me conte que parfois le dimanche elle se rend, avec sa petite famille, à la gare Montparnasse pour y voir partir les trains à destination du pays breton. Est-ce que cela calme ou avive sa nostalgie ? J’espère qu’aujourd’hui elle coule une retraiter heureuse à l’ombre de son clocher. Amour du pays, quand tu nous tiens !Il y a, dans le service du Ministère où nous œuvrons une belle rédactrice qui tous les matins, se fait déposer à la porte du Ministère par son mari, après un tendre baiser. À peine monté à l’étage elle reçoit un autre bisou de son amant, fonctionnaire de l’Air. C’est beau l’amour,surtout quand il est double !

Tous les jeudis matins je me rends au Ministère de la Marine où se tient une réunion sous la présidence de l’Amiral Aéro.Un ingénieur de son état-major, un nommé Michel a, auparavant, occupé mon actuel poste au Ministère de l’Air. Et, dixit mes gradés, il est parti avec les archives les plus importantes. De fait, je n’en trouve guère à ma prise de fonction.Et ce salopard, je pèse mes mots, m’interpelle, en pleine séance, devant

Page 132: Avant d'être capitaine TOME 2

132

l’Amiral. «Où en est telle affaire que j’ai lancé en telle année ?» Je ne suis pas au courant bien sûr. Je rétorque, penaud, que je vais m’informer. Jolie banane sous les pieds.Ces chausse-trappes indisposent à mon encontre l’Amiral Ferrand qui se rappelle les critiques formulées sur son service au cours de mon séjour à Lartigue.L’atmosphère se charge d’électricité. Et un jour où j’ose répondre à une question de l’Amiral qu’il n’y a pas lieu de s’affoler, je ramasse un shampoing en bonne et due forme, devant le sourire narquois de Michel.

Si j’ai eu de solides copains au cours de ma carrière j’ai aussi fréquenté, à mon corps défendant, quelques beaux salopards. Plus ou moins gradés.Ainsi un jour, me trouvant en mission au SAMAN déjà cité, je suis, après déjeuner, prié de passer voir le Commandant, Capitaine de Vaisseau Gouriten. Il est rond comme une barrique, le teint écarlate, les yeux vitreux, l’haleine vinassée, la démarche chancelante mais très hargneux comme beaucoup de gens pris de boisson.Durant une heure, sur un motif futile, il ne cesse de m’harceler, de me critiquer. Après cette entrevue je le fuis. Malgré cet amour de la boisson on a fait de lui un Amiral. Comprenne qui voudra !

Une fois je suis en mission au Ministère des Finances. Conférence dans une belle salle dorée, grande table, beaucoup de gens, un auguste président de séance.Au bout de quelques minutes je ressens une petite douleur au bas du dos. C’est là une chose fréquente, à cause de mes coussinets de vertèbres abîmés.J’applique la mesure habituelle pour calmer le mal : renversement en arrière sur ma chaise. Mais patatras ! Celle ci est peu solide. Elle s’effondre sous moi et me voilà par terre, tout penaud.Le président de séance, très courtois, s’informe de la vétusté du mobilier et réclame aussitôt un nouveau siège. La séance reprend non sans quelques sourires narquois.

Page 133: Avant d'être capitaine TOME 2

133

Page 134: Avant d'être capitaine TOME 2

134

Entrons maintenant dans le vif d’autres fonctions. Je dois suivre dans l’industrie l’avancement de tous les travaux sur les avions et le matériel de l’aéronavale.Très souvent je m’échappe de mon bureau pour la journée. Un coup de fil à la Base Aéronavale du Bourget et on met un petit avion de liaison à ma disposition. Mes interlocuteurs avisés de mon arrivée m’attendent à l’avion et la visite des lieux ou les conférences peuvent aussitôt démarrer. En générale tout se termine vers les 13 heures. Et on passe aux choses sérieuses: le déjeuner où souvent continuent les discussions, mais jamais les conclusions car elles ont été arrêtées avant d’aller boire ou manger. Je me méfie de l’optimisme qui naît après un bon repas.En fin d’après-midi retour à l’avion. Arrivée au Bourget et direction la maison avec ma 2 chevaux de fonction.C’est ainsi que je me rends souvent à Bordeaux, à Istres, à Marignane, à Clermont-Ferrand, à Anglet, à Figeac et autres lieux.

Il est une autre tâche que me confie vite la Direction du Service : la gestion réparation, entretien majeur du parc aérien, marine et air, dans le Pacifique. Ce qui me vaut de me déplacer deux fois, à un an d’intervalle, dans nos possessions françaises du Pacifique : Nouméa, Tahiti, Hao, Mururoa.La compagnie de transport aérien UTA en charge de la réparation et l’entretien majeur de tout le parc aérien militaire de cette partie du monde.Je voyage donc sur les avions de cette compagnie et je suis, à Tahiti, accueilli par son Directeur qui me convie de temps à autre à déjeuner dans son taré. Mes séjours en Polynésie sont d’environ trois semaines. L’autorité militaire met à ma disposition le mess des officiers, un taré et une voiture légère.La veille de mon deuxième voyage je suis prié de me présenter au Ministère de la Marine. En voici la raison : dans un précédent transport aérien par la compagnie UTA, à destination de Papeete un groupe de marins s’est fort mal comporté vis-à-vis des hôtesses de bord.Je reçois donc mission de prendre le commandement et bien sûr la responsabilité du prochain convoyage. Cela ne me trouble pas, ayant appris à commander depuis longtemps.Le soir du départ, à 22 heures, au Bourget j’aperçois un groupe d’hommes jeunes en civil. Je précise que les transferts vers les installations nucléaires du Pacifique ne sont pas du goût de tout le monde. Ce transfert ce fait donc discrètement en tenue bourgeoise. Il en était d’ailleurs de même lors de la guerre d’Indochine.Je prends donc contact avec le groupe, ce sont bien mes marins : matelots, quartier-maîtres et gradés. Je les réunis dans un coin de l’aéroport et leur explique le but de ma mission, éviter que se renouvellent les incidents passés. «Sinon, leur dis-je, vous ferez connaissance avec les geôles du Pacifique dès votre arrivée.» Les paroles dites sur un ton sans discussion portent leurs fruits. Le long voyage vers Papeete se déroule sans le moindre incident au

Page 135: Avant d'être capitaine TOME 2

135

grand soulagement des hôtesse qui m’expriment leur satisfaction.

J’ai des contacts étroits avec la Direction de l’UTA au Bourget et je me suis fait des bons amis au sein de cette société, en particulier Monsieur Danjean, Ingénieur des Arts et Métiers, Directeur Technique.Cette amitié est la cause indirecte du mariage de ma nièce Maryvonne Dagorne. Son père, mon cousin Robert, me sollicite pour essayer de la caser comme comptable. J’en parle à Monsieur Danjean. Maryvonne est embauchée et c’est là qu’elle fait la connaissance de son futur époux Philippe, cadre à l’UTA.

Pendant mon séjour à l’Armée de l’Air ma famille doit, au bout de 2 ans, rétrocéder à son propriétaire le logement que nous occupons à Versailles. Nous restons en cette ville à cause des enfants et plantons notre tente dans un immeuble neuf au pied de la côte de Picardie.

Et les enfants? Jean-Pierre, après une année studieuse (enfin ! ) passe avec succès son Bac et intègre le lycée Hoche pour y suivre les cours de maths sup et maths spé. Ce qui l’amène à présenter plusieurs concours. Il est admis à l’École Supérieure de Chimie de Montpellier dont il sortira ingénieur trois après.Quant à Claude elle suit normalement ses études au lycée La Bruyère de Versailles. Philippe trottine derrière de collège en collège.

Si mon travail au Ministère de l’Air me plaît, j’ai quelques soucis du côté financier avec un loyer parisien important et trois enfants sur les bras. C’est pourquoi je m’ouvre un jour de ce problème au Capitaine de Vaisseau Banuls, un gars épatant, Chef d’État Major de l’Amiral Aéro. Sachant libre bientôt le poste d’Ingénieur Aéro à l’État Major de l’Amiral Préfet Maritime de Brest je sollicite mon affectation en ce lieu où la vie est moins chère. La cause est entendue et le 17 août 1967 je rallie Brest et sa préfecture Maritime.

J’ai été promu Ingénieur en Chef deuxième classe de Marine au cours de mon séjour à l’Armée de l’Air. Cette nouvelle dénomination appelle les explications suivantes :J’ai débuté dans la carrière dans la fonction d’Ingénieur Mécanicien. Le progrès aidant ce corps d’ingénieurs a beaucoup élargi son champ d’action : électricité, électronique, sécurité … tant et si bien que vers 1963 l’appellation du Corps a changé : Ingénieur Marine. L’activité de ce corps a continué à évoluer et s’est considérablement rapprochée de celle des Officiers de Marine (officiers de pont). Finalement, vers 1970, il y a eu fusion des deux corps. Et c’est ainsi que je me suis trouvé un beau jour nanti de l’appellation de Capitaine de Frégate (Branche technique) puis plus tard celle de Capitaine de Vaisseau.

Page 136: Avant d'être capitaine TOME 2

136

Page 137: Avant d'être capitaine TOME 2

137

QUELQUES PHOTOS

Page 138: Avant d'être capitaine TOME 2

138

Nouméa

Route de Papeete à Tahiti

Page 139: Avant d'être capitaine TOME 2

139

Arrivée à Tahiti

Rivage tahitien

Page 140: Avant d'être capitaine TOME 2

140

L’Île de Moorea vue de TahitiSur cette ville de l’UTA a organisé une réunion de travail durant un

week-end

Belle Indigène dans le lagon de Moorea

Page 141: Avant d'être capitaine TOME 2

141

Baie de Cook à MooreaJe m’exerce à la conduite d’une pirogue

Sous les palmiers de Moorea

Page 142: Avant d'être capitaine TOME 2

142

Atoll de Mururoa

Page 143: Avant d'être capitaine TOME 2

143

Ile de Hao (essais atomiques)

Page 144: Avant d'être capitaine TOME 2

144

Mon faré à Jaotama (Papeete)

Adieu l’Océanie

Page 145: Avant d'être capitaine TOME 2

145

Page 146: Avant d'être capitaine TOME 2

146

Page 147: Avant d'être capitaine TOME 2

147

23_ À L’ÉTAT-MAJORDE LA DEUXIÈME RÉGION MARITIME

(17 Août 1967 - 01 Octobre 1970)

Page 148: Avant d'être capitaine TOME 2

148

À la mi-août 1967 je débarque à Brest. Je me souviens qu’il faisait froid à l’époque : un vent glacial souffle sur la ville dont les façades de ciment commencent à noircir sous l’effet, dit-on, des poussières charbon venue de la société Stéphan, installée sur le port de commerce.Comme à l’accoutumée je traîne mon sabre dans les couloirs de la nouvelle Préfecture installée dans le château qui domine la rade et Penfeld. Je retrouve évidemment bien des gens de connaissance.Le Commandant de l’Aéronautique Régionale est le Capitaine de Vaisseau Graignic, au menton de galoche, que j’ai connu jadis sur le «Colossus» où, Lieutenant de vaisseau, il commandait une des formations de «Seafire». C’est un brave homme avec lequel je me suis bien entendu.Lorsque, quelques mois après mon arrivée, je suis allé demander s’il voyait un ennui à ce que je prenne la Direction Technique du Club Nautique des Officiers, situé sous le château, il m’a, au contraire, félicité de prendre cette fonction qui, selon ses propres termes «honore l’aéronautique navale.»J’ai amené à Brest mon bateau N’GOR et l’ai entreposé au Club Nautique. Le Commandant Romé, de la Direction du Port, qui préside aux destinées de cet important club, s’est plaint de n’être pas secondé sur le plan technique et m’a demandé d’entrer dan le Conseil d’Administration du Club.Chose faite mais qui n’a eu l’air de plaire au Capitaine de Frégate Joanny, un officier toujours triste, Chef de l’État Major Aéro.Je l’ai connu jadis, pilote de Ju52, cet ancien avion allemand, trimoteur rustique, fait de tôle ondulée. Je crois que Joanny a depuis longtemps compris que sa carrière marine sera vite arrêtée et il affiche continuellement scepticisme et tristesse. Je n’aime pas beaucoup travailler avec lui.De plus il porte rancune aux officiers que le Commandant aéro convoque directement dans son bureau. Ce qui est souvent mon cas avec Graignic puis ses deux successeurs : De Gaulle et De La Ménardière.Un jour accompagnant Graignic en inspection à Rochefort nous sommes conviés à un pot par le Pacha de l’école marine. À ce pot assiste le Colonel

Page 149: Avant d'être capitaine TOME 2

149

Commandant de l’école de l’Air et son épouse.Je suis stupéfait du comportement de cette dame qui, au cours de la discussion, dénonce d’une façon acerbe à son colonel de mari, l’attitude de tel et tel officier de la base aérienne. Je me suis dit que, décidément, une carrière de cadre est soumise à bien des aléas, y compris et surtout le comportement de nos compagnes.Restant à Brest, Graignic m’avoue que lui aussi a été choqué. «Son mari aurait pu lui intimer l’ordre de se taire.»

Le grand patron de la Préfecture Maritime est l’Amiral La Haye, un ancien des forces françaises libres. Dans l’intimité on l’appelle Charles Edward. Car il est très marqué par son séjour en Grande-Bretagne. Il est natif des environs de Morlaix et marié à une amie d’école de Madame Chiché du Vaurouault dont je parlerai plus loin.J’ai souvenance qu’à l’époque des notes annuelles des officiers j’ai, comme tout les membres de son état-major, été convoqué dans son bureau. Je crois qu’il est le seul amiral qui m’ait jamais parlé de mon avenir. Mes notes doivent être excellentes car il me conseille de me maintenir dans la Marine, les étoiles étant au bout. En fait il ignore qu’un blâme Indochinois figure à mon dossier et que cela ne peut que contrarier mon avancement .

Après le départ du commandant Graignic j’ai à faire avec son remplaçant : le Capitaine de Vaisseau de Gaulle que je connais de longue date : enseigne de vaisseau sur le «Colossus» il servait dans une flottille d’avions d’attaque en piqué : les SBD (Sea Bomber Douglas).J’ai eu, à l’époque, d’excellentes relations avec de Gaulle que j’ai revu une fois en Indochine sur le terrain d’aviation du Cap Saint Jacques.Il accompli à Brest son métier de Commandant Aéro avec beaucoup de scrupules et de soins ce qui l’amène à faire de fréquentes visites bases et formations entre Landivisiau et Rochefort. Je l’accompagne à chacune d’entr’elles puisque j’ai en charge toute la partie logistique.Nos déplacements se font, soit par voiture légère, soit par hélicoptère. Au cours de ces voyages il m’entretient souvent du «Général son Père» et en particulier des sanctions qu’il prenait quand il découvrait quelque magouille.De Gaulle vit en célibataire à Brest, dans un studio en ville. Il vient un soir dîner à la maison. C’est juste avant le mariage de Jean-Pierre et Nancy qui reçoivent d’ailleurs de sa part un petit cadeau : un réveille-matin.À la fin de son séjour il invite tous ses officiers et leurs épouses à un repas au Cercle Naval. Son épouse a fait le déplacement de Paris pour nous y accueillir et, ce soir-là, elle est très inquiète de ne pas voir arriver un de ses fils venu la rejoindre par le train. Elle et son mari craignent toujours quelque enlèvement.De Gaulle est remplacé par de la Ménardière, connu jadis comme second d’une flottille de SBD sur le «Colossus». Je n’ai guère vu quelqu’un de si

Page 150: Avant d'être capitaine TOME 2

150

décontracté. Jamais pressé n’élevant jamais la voix, laissant couler la vie autour de lui. Il a terminé sa carrière comme Amiral Commandant les formations de lutte anti-sous-marine.

À Brest j’ai pris le relais de Lafitte un garçon gentil, mais brouillon, dont j’ai évoqué le comportement curieux sur le «Colossus» : dormait tout habillé et partait déjeuner sans faire de toilette.Un évènement familial important se déroule à Brest les 28 et 29 octobre 1969 : le mariage de mon fils aîné Jean-Pierre, étudiant à l’École Supérieure de Chimie de Montpellier et de Nancy Goetzinger dont j’ai entretenu le lecteur au chapitre relatif à l’Afrique du Nord. Ce mariage a eut lieu à l’église Saint Louis de Brest en présence de plusieurs membres de la famille Amiot venus des Côtes du Nord et de la famille Goetzinger, en particulier les parents et le frère de la mariée.Je saisis l’occasion de ce mariage pour renouer des relations avec mon père. Je suis en froid avec lui depuis plusieurs années, suite à son trop rapide remariage après la mort de Maman. J’adresse donc une invitation à Papa et son épouse. Il me répond qu’il ne se déplace que très rarement, donc sera absent à la cérémonie mais il nous convie, les jeunes mariés, Marie et moi, à l’aller visiter à Tréguier. Ce qui est fait dès le 30 novembre.Mais revenons au mariage lui même : belle cérémonie en présence de beaucoup de camarades officiers et leurs épouses.Le mariage civil a eu lieu en mairie de Brest le 28 octobre. Cérémonie brève et sans faste comme tous les mariages civils.Après la bénédiction nuptiale rendez-vous est donné à tous les assistants au Cercle Naval où est offert un pot dans tout les salons d’apparat.Puis, plus tard en soirée, s’organise une réunion dansante au Club Nautique des Officiers. Après s’être bien trémoussés les invités regagnent leur gîte provisoire. Une partie d’entr’eux et les jeunes mariés sont hébergés au Cercle Naval.Nous faisons route vers Carrien le lendemain. Et le jour de la Toussaint brille un beau soleil qui permet de faire quelques clichés avec la belle famille avant que chacun rejoigne ses pénates et son travail.Les jeunes Mariés, dotés d’une Simca neuve, offerte par les parents de Nancy, font route sur Montpellier en attendant la fin des études et … l’arrivée du premier enfant qui se fera à Brest où nous hébergeons Nancy et sa maman.Mais ceci est une autre histoire.Parmi mon personnel : un nommé Joseph Le Gal rencontré maintes fois sur mon chemin : à Cuers, à Dakar. Je devais le revoir à Sable d’Or les Pins, chez des amis à lui. Il est agent technique, donc a un statut civil.

Page 151: Avant d'être capitaine TOME 2

151

Nous avons, à l’État-Major Aéro, un petit échelon roulant, 3 ou 4 voitures qui servent à nos liaisons et un nombre à peu près équivalent de jeunes chauffeurs. Je me rappelle que l’un d’eux, recruté du contingent, a dès son incorporation confectionné sur papier quadrillé un petit calvaire fait d’autant de carrés que de jours passés sous les drapeaux. Chaque jour il en noircit un. Sous le calvaire cette inscription :

Un jour pour l’édifierUne année pour le crayonner

Une vie pour l’oublier.

Je lui fait remarquer qu’il n’est tout de même pas trop malheureux sous ma coupe (j’ai la responsabilité de cet échelon roulant).

En tant qu’officier supérieur de l’État-Major je participe régulièrement au Service de Permanence du Commandement de la Région Maritime. Tous les 8 à 10 jours les officiers sont, à tour de rôle, invités à rester coucher à la Préfecture où est dressé un lit à proximité du Central Opérations où aboutissent toutes les informations concernant la région.Les évènements sont fréquents compte tenu du trafic maritime à l’entrée de la Manche : demande d’aides de navires, personnels embarqués à évacuer d’urgence, recherche de naufragés, etc… J’ai passé quelques nuits blanches à ordonner et suivre le déroulement d’opérations sur la côte ou au large.Quand celle ci surviennent nous prenons comme première mesure la mise en alerte, soit d’un remorqueur en haute mer, soit un avion e Lann-Bihoué (P2V7 ou Atlantic), soit d’un hélicoptère de Lanvéoc Poulmic.Si l’affaire s’aggrave nous donnons l’ordre d’appareillage ou de décollage en définissant la mission. Nous alertons le Chef d’État-Major, voire l’Amiral si nécessaire.J’ai souvent mesuré les responsabilités qui pesait alors sur nos épaules et je m’en suis souvenu quand j’ai rédigé l’histoire de St Cast et en particulier conté le drame de la frégate «Laplace». Il fut à l’époque reproché à la Préfecture Maritime de n’avoir pas donné l’ordre à ce bateau l’ordre de quitter la baie de la Fresnaye infestée de mines.Il est vraisemblable que l’officier de permanence ce soir là ignorait ce fait

Page 152: Avant d'être capitaine TOME 2

152

et qu’au reçu de l’avis de mouillage il a dû penser très logiquement : le Commandant du navire doit savoir ce qu’il fait en choisissant son mouillage après consultation des documents de bord. Hélas ce ne fut pas le cas !

J’ai connu dans la Marine un très gentil garçon, ingénieur mécanicien, un collègue en quelque sorte. Il est issu d’un institut catholique des Arts et Métiers. Et comme beaucoup de croyants il a une grande famille : 9 enfants.Mais il y a un hic : ce sont 9 filles. Au bout de 9 tentatives le brave Catelle, c’est son nom, qui vient du Nord, a renoncé à avoir un garçon.Il me confie un jour : quand je suis à la maison je n’entends parler que de chiffons entre ma femme, mes neuf filles et la bonne.Espérons qu’il arrivera à toutes les bien marier. Il aurait pu faire comme un ancien Amiral : beaucoup de ses filles ont épousé de jeunes officiers de la marine. Ça peut aider à l’avancement de convoler avec la fille d’un Amiral. Encore faut-il s’informer si le dit Amiral ne va pas être bientôt à la retraite !

Durant mon séjour à Brest j’ai revu de vieilles connaissances. Tel l’ingénieur Mécanicien Nicolas, promu aux étoiles. Heureusement je n’ai aucun contact professionnel avec lui.Nous fraternisons avec notre vieil ami Jacques Bodhuin qui commande une division de dragueurs. Ce qui nous vaut, un soir de fêtes, d’être conviés dîner sur un de ses navires. Nous nous rendons visite et nous excursionnons parfois ensemble.Ces contacts se prolongent car, au fil des ans nous assistons aux mariages des enfants Bodhuin. Marie parraine le petit dernier Éric, aujourd’hui père de famille nombreuse.Et l’ami Bodhuin, fait Amiral quart de place, prendra ses quartiers de retraite à Brest. Ses 4 garçons étant mariés à des bretonnes et la fille à un breton.

Pendant mon séjour à Brest j’ai hélas, à connaitre plusieurs incidents aériens dans lesquels périssent quelques dizaines d’officiers et d’officiers mariniers mariés et pères de famille.En liaison avec le Service Commissariat de l’État Major, Commissaire Avril, un copain, nous nous efforçons de venir en aide aux veuves. Plusieurs d’entr’elles ont été ainsi embauchées comme ouvrières aux écritures, soit à l’État Major, soit dans une de nos bases. Et des psychologues leur donnent à toutes un conseil : surtout n’interrompez pas brutalement votre mode de vie, par exemple tout brader et aller vivre ailleurs, chez les parents par exemple. Attendez quelques mois avant de prendre une décision.

C’est au cours de mon deuxième séjour à Brest que je suis nommé Officier de l’Ordre National du Mérite, décoration remise par l’Amiral Préfet Maritime sur le front des troupes dont un détachement de navires américains en escale.C’est aussi durant ce séjour qu’à lieu la secousse de Mai 1968. À Brest nous

Page 153: Avant d'être capitaine TOME 2

153

constatons la grève généralisée des gens de l’Arsenal qui s’en vont à travers la ville faire une quête à leur profit. Ils sont bien mal reçus par mon épouse qui les invite à retourner au travail.J’ai quelques inquiétudes concernant Jean-Pierre et sa subsistance : impossible de lui faire parvenir quelque argent. Son école ne fait pas grève. Je téléphone à mon ami Meignen, Chef des Services Techniques de la Base de Nîmes-Garons et, par son truchement je fais parvenir à Jean-Pierre une somme suffisante pour lui permettre de faire face à ses besoins.De Claude, en études à la faculté de Rennes, nous n’avons aucune nouvelle quand un jour nous la voyons débarquer, ayant fait du stop pour nous rejoindre.«Je suis venue toucher ma solde», nous dit-elle,»et repars aussitôt». «Mais que fais-tu à Rennes?» «On se bagarre contre les CRS, c’est formidable». À cette révélation mon sang ne fait qu’un tour. «Crois-tu que ta mère et moi nous allons nous saigner pour que tu fasses des bêtises à Rennes ?» Je lui retire immédiatement tous ses papiers et lui intime l’ordre de rester à la maison.Pendant 24 heures nous avons droit à bien des reproches larmoyants. «Vous êtes de petits bourgeois. Vous ne réalisez pas le malheur des ouvriers» etc,etc… Prise en main et raisonnée par sa mère elle cesse vite de nous abreuver de ces litanies et se met à quelque ouvrages de dame.Le week-end suivant je l’emmène avec Marie et Philippe faire un tour à la voile dans la rade de Brest. Au cours de ces journées j’apprends bien des choses. Ma fille est honteuse de la profession de son père : un mercenaire pour ses copains de faculté. Quant à sa grande copine Nicole, fille du Sous Préfet de Fontenay le Comte, elle est, aux yeux des mêmes, fille de flic.Et ces deux gamines abusent de cette situation. Arrêtées par les CRS, elles exhibent leurs papiers, surtout Nicole et sont immédiatement relâchées.Au bout de quelques semaines tout rentre dans l’ordre. Claude rejoint sa faculté, avec sa «solde» en poche et bien morigénée par sa mère.20 ans plus tard, mariée, mère de famille, on l’entend un jour dire à Sandra, sa fille aînée : «Tu sais, toi, avec moi tu ne feras pas mai 68 !!!»Lors de mon séjour à la Préfecture j’ai le loisir de voyager à travers la région maritime. C’est ainsi que je découvre une absurdité que j’ai signalé dans le chapitre «Colossus» : un entrepôt de matériel aéronautique édifié en pleine campagne, loin de toute voix ferrée. C’est l’enfant de l’Ingénieur Mécanicien Kervarec. Il sera supprimé quelques années plus tard. De l’argent gaspillé ! Cette grosse sottise n’a pas empêché Kervarec d’accéder aux étoiles.

J’ai fait allusion, plus haut, à mes fonctions bénévoles de Directeur Technique au Club Nautique des Officiers. À ce titre je veille au bon déroulement des opérations de maintenance et de réparations des navires du club : une vingtaine allant du navire de croisière au 420 pour les jeunes. Une équipe de marins, dirigée par un second maître bosco, un nommé Colleau œuvre sous mes ordres. Et je reconnais que je suis très exigeant et que le pauvre Colleau

Page 154: Avant d'être capitaine TOME 2

154

a souvent failli tourner en bourrique.Il est une chose dont j’ai horreur, c’est la notion «d’équipage en gants blancs» et de tous, officiers compris, j’exige que les bateaux revenus aux mouillages soient dans un parfait état de propreté et de fonctionnement.Ma sévérité est très grande, en particulier envers les jeunes, la plupart enfants d’officiers, qui régatent sur nos 420. Un jour je rabroue sévèrement le jeune Mouton dont le papa, Amiral, commande l’escadre de l’Atlantique. J’ai connu cet officier autrefois alors que, corvettard, il commandait une formation de l’aéronavale de Dakar. J’ai même volé en sa compagnie.Le lendemain, à mon bureau, je reçois un coup de fil de félicitation de l’Amiral, tout heureux que j’aie contraint son fiston à nettoyer et à ranger son bateau comme tout un chacun.

À Brest ma famille occupe un logement marine situé loin du centre et dans lequel Marie ne se plaît pas du tout.Nous sommes plongés dans un milieu d’officiers mariniers par la grâce d’un ancien Préfet Maritime, l’Amiral Adam, qui a voulu que les officiers soient mélangés à la troupe, ce qui, à mon sens est une grave erreur.Mon camarade Bodhuin a vite fait de délaisser son logement marine pour s’héberger en pleine ville, chez l’habitant.

C’est à Brest que sonne le glas de mon activité marine.Nous avons un jour la visite de l’Amiral Thebaut, Chef de Service Central Aéronautique. Il vient s’informer sur le fonctionnement de sa maison. Interrogé je lui fait par de mes états d’âme. J’estime guère utile le poste que j’occupe. Le plus gros de mon travail consistant à notifier aux unités les diverses instructions venues de Paris.Habitué à œuvrer activement sur les bases ou les portes-avions je ne me sens pas très utile dans mes actuelles fonctions. Le tout dit franchement, sans mauvais esprit.Ma franchise n’est pas payante. L’Amiral prend très mal mes critiques. La réponse vient, sèche, à peu près ainsi : «Quand les talons claquent, les esprits se ferment.»Cette mise au point militaire et peu amène est suivi, dans la quinzaine, par une remarque acerbe de cet Amiral sur ma tenue lors d’une inspection de Rochefort. Remarque faite devant des hommes gradés.À l’issue de cette inspection je suis le soir même convaincu que je n’ai plus rien d’intéressant à espérer de l’Aéronavale.Ce qui se confirme par la suite. On ne me propose aucun poste intéressant convenant à mon âge, mon grade, mon ancienneté.Au cours de l’été 1970 je reçois une désignation pour le Secrétariat de la Défense Nationale à Paris. Une voie de garage.Ma tentation est grande de démissionner mais je me retiens car la situation des enfants n’est pas acquise. Mais je me jure de quitter l’uniforme avant

Page 155: Avant d'être capitaine TOME 2

155

longtemps. Ce qui sera fait deux ans plus tard.

Page 156: Avant d'être capitaine TOME 2

156

Page 157: Avant d'être capitaine TOME 2

157

QUELQUES PHOTOS

Page 158: Avant d'être capitaine TOME 2

158

J’accompagne le CV De Gaulle en inspection

Lettre du Capitaine de Vaisseau De Gaulle

Page 159: Avant d'être capitaine TOME 2

159

Fiançailles Été 1969

Mariage à l’église St LouisOctobre 1969

Page 160: Avant d'être capitaine TOME 2

160

Réception au Cercle Naval

Page 161: Avant d'être capitaine TOME 2

161

De gauche à droite : Jeannine et Paul Beaumont, Nancy,Paul Goetzinger

Page 162: Avant d'être capitaine TOME 2

162

Soirée de gala au Cercle Naval de Brest

Page 163: Avant d'être capitaine TOME 2

163

LV et Jocelyne Baot

J’accompagne le Capitaine de Vaisseau de la Ménardière lors d’une inspection à l’École de Rochefort où je retrouve mon «vieil ami» Mollard

Commandant de l’École

Page 164: Avant d'être capitaine TOME 2

164

Dîner sur le «Ouistreham»Noël 1969

Page 165: Avant d'être capitaine TOME 2

165

Dîner sur le «Ouistreham»Noël 1969

Prise d’arme à Brest

Page 166: Avant d'être capitaine TOME 2

166

Prise d’arme à Brest

Page 167: Avant d'être capitaine TOME 2

167

Page 168: Avant d'être capitaine TOME 2

168

Remontée de l’Éorn - Printemps 1969

Coupe du Préfet Maritime - Printemps 1969

Page 169: Avant d'être capitaine TOME 2

169

Coupe du Préfet Maritime - 1969

Au Club Nautique des OfficiersDiscussion avec le Second Maître Colleau

Page 170: Avant d'être capitaine TOME 2

170

Page 171: Avant d'être capitaine TOME 2

171

24_ AU SECRÉTARIAT DE LA DÉFENSE NATIONALE

(01 Septembre 1970 - 31 Décembre 1972)

Page 172: Avant d'être capitaine TOME 2

172

Un beau matin de Septembre 1970 je débarque avec sabre et décorations au Secrétariat Général de la Défense Nationale, six rue de la Tour Maubourg, dans un immeuble jouxtant l’hôtel des Invalides.Cet organisme, dépendant directement du Premier Ministre, est dirigé soit par un Officier Général, soit par un très haut fonctionnaire et est divisé en plusieurs sections.L’une d’elles, commandée par un Officier de marine transmetteur, assume les liaisons du Président de la République lors de ses voyages, en particulier à l’extérieur du pays.J’ai eu le loisir d’en visiter les locaux secrets, garnis de nombreux appareils sophistiqués et de gigantesques antennes.Quant à moi, je suis, sous les ordres d’un Colonel, un brave homme, affecté au Centre d’Études et de Recherches Scientifiques et Techniques.Quelques officiers spécialistes des trois armes y œuvres dont un vétérinaire à 5 galons, Monsieur Barrairon, originaire de la région de Toulouse, avec qui je sympathise vite. Des civils et des militaires retraités peuplent aussi ce service.Ainsi, par exemple, un descendant de Russes Blancs, dont j’ai oublié le nom, épluche toute la presse soviétique et en traduit les passages intéressants.Une dame, ingénieur physicienne lit et traduit les revues de langue anglaise ayant trait à sa spécialité.Un petit Commandant, retraité de l’Armée de l’Air, tient à jour un énorme fichier des savants et espions du monde soviétique. Le tout est stocké dans une grande salle et la recherche d’informations se fait par fiches encochées et aiguilles. L’informatique n’a pas encore fait son apparition.Un officier de l’Armée en retraite, le Général de la Ruelle, qui a perdu un bras dans la bataille du Monte Cassino, durant la dernière guerre, collecte les informations générales et politiques extérieures.Le Général a une belle demeure du côté de Fontainebleau et nous y avons été reçus très courtoisement Marie et moi.

Page 173: Avant d'être capitaine TOME 2

173

Il y a aussi, dans ce service, un ancien pied noir qui parle souvent des centaines d’hectares cultivés qu’il a dû abandonner en Algérie. J’ignore à quel titre il est dans ce milieu scientifique.Les renseignements s’obtiennent à différentes sources : ambassades, services secrets, mais surtout à la lecture et l’analyse de brochures techniques.En sus de mes fonctions d’officier de liaison Marine, j’ai en charge, chaque semestre, la rédaction d’une étude sur un pays déterminé. Je recueille auprès des spécialistes les informations nécessaires et les regroupe tout en rédigeant une synthèse de la situation scientifique et technique du pays concerné.Je dois dire que ce travail est assez passionnant et instructif. Au cours de mon séjour au SGDN j’ai ainsi œuvré sur la Grande-Bretagne, le Japon, l’Australie, le Canada…Ces travaux de synthèse destinés au Premier Ministre doivent être clairs, concis et leur contenu précédé d’une seule page où figure l’essentiel du rapport. C’est du raccourci !Une vie studieuse se déroule ainsi au SGDN. Le midi nous déjeunons au restaurant du service, spacieux, agréable, avec terrasse, très différent des «mangeoires» des ministères de la marine et de l’air où on manque toujours de place.Les membres de mon service font souvent des déplacements à l’étranger, à la rencontre de collègues avec lesquels s’échangent des informations.C’est ce qui m’arrive une fois : je vais à l’OTAN à Bruxelles pour assister à un colloque sur je ne sais plus quel sujet.Je quitte Paris avec ma voiture 404, laissant seul Philippe qui suit les cours au lycée Carnot à proximité de notre domicile. Philippe, alors âgé de 18 ans est capable de se débrouiller. Il reçoit consigne de nous rejoindre par le train à Bruxelles en fin de semaine. Nous prenons pension au mess militaire du Prince Albert. Ce n’est pas le grand luxe mais ce n’est pas cher et c’est central.Le vendredi soir nous récupérons le fiston à la gare centrale et le samedi matin nous prenons la route de Hollande avec un passager : mon ami Barrairon, le vétérinaire, qui participe aussi au colloque OTAN.Passage à Anvers puis à Delft où nous cassons la croûte. Route sur Amsterdam pour une petite visite puis retour de nuit sur Bruxelles.Le lendemain visite de Bruxelles et le soir nous remettons Philippe au train et deux ou trois jours après nous regagnons nos pénates parisiennes. Durant ce court séjour Marie a eu tout le loisir de faire les vitrines belges. Barrairon nous a emmené un soir à une manifestation chevaline.

Sur le plan familial, pour mon séjour parisien, j’ai loué un petit appartement à un collègue, officier de Marine, dans le 18ème arrondissement, rue Juliette Lambert cinquième étage. Nous y sommes un peu à l’étroit mais ça peut aller. Nous accueillons même de temps en temps des hôtes de passage.Toutes nos fenêtres donnent sur de minuscules cours intérieures. L’escalier

Page 174: Avant d'être capitaine TOME 2

174

d’accès à l’appartement est en bois. Je réfléchis à ce que nous deviendrons si le feu se déclarait dans cet immeuble.Pour permettre une éventuelle évacuation de sauvetage, je conserve à la maison l’aussière de mouillage grands fonds de mon bateau N’GOR. Je m’informe sur la technique de descente utilisée par les alpinistes. Je n’ai pas eu besoin, Dieu Merci, de la mettre en œuvre.Le manque d’exercice, l’horreur su métro, m’amènent très souvent à me rendre à pied au travail et à en revenir de même le soir : deux heures de marche journalière qui me font le plus grand bien.Périodiquement nous allons faire un tour à Carrien en empruntant des routes toujours chargées, quels que soient l’itinéraire ou l’heure de départ.Quant aux retours, y compris après les promenades du dimanche, ils doivent toujours se faire très tôt, sous peine de ne pouvoir garer la voiture dans l’immédiat voisinage du domicile.

Au cours de mon séjour au Secrétariat Général de la Défense Nationale j’ai délibérément rompu tout contact avec la Direction du Service Central aéronautique.Mon seul interlocuteur Marine est la Direction du Personnel Militaire. Je réunis alors les conditions d’accès au grade de Capitaine de Vaisseau. Interrogé, l’Amiral Directeur du Personnel m’affirme : «Vous êtes le premier au portillon» (sic). Par contre pas de changement d’affectation envisagé.Il n’est pas question pour moi de moisir dans cette tâche de bureaucrate. Je ne suis pas entré dans la Marine pour rester le cul collé sur une chaise.Ma décision est, dès lors, prise. Je pars dès que je suis promu. Le scénario se déroule comme prévu et juste avant les fêtes de Noël 1972 je quitte le Secrétariat de la Défense Nationale et ses gardes mobiles et prend la direction de Thaon les Vosges où exerce et demeure Jean-Pierre. Délibérément je ne fais aucune visite de courtoisie au Service Central Aéronautique auquel je garde une sourde rancœur.Je romps, ce jour là, définitivement tout lien avec mon passé militaire.

En guise de conclusion je transcris ici quelques réflexions concernant mon séjour de 30 années dans la Marine Nationale.Indubitablement la marine, par ses stages, par la fréquentation que j’ai eu de gens très compétents, m’a permis de me hisser dans l’échelle sociale. Ce qui m’a encouragé à faire moi même un très gros effort pour compléter mon instruction générale et technique. Que d’heures passées à compulser livres et revues !

Ce que j’ai apprécié dans cette arme c’est le climat général permanent d’ordre et de discipline. Ce qui fait que, paradoxalement, je n’ai jamais eu à sévir officiellement. Sauf une fois, où un premier maître, pris de boisson, a failli provoquer un accident mortel.

Page 175: Avant d'être capitaine TOME 2

175

Le plus souvent, quand il y avait faute, je convoquais l’intéressé pour le gourmander et passer avec lui un accord : il se consignait quelques jours à la base ou sur le bateau et l’affaire n’allait pas plus loin. Donc aucune trace de sanction sur son livret matricule.Tout au long de mon séjour dans la Marine, même sur la fin, quand j’étais officier supérieur, je n’ai jamais tutoyé ceux qui étaient sous mes ordres. Je considérais que tout un chacun, du matelot à l’officier marinier, avait droit à sa dignité en tant qu’être humain avec ses faiblesses, ses ardeurs, ses peines et ses joies. D’où le respect dû à chacun.

Je n’ai pas aimé, dans cette carrière, son esprit de corps. D’entrée de jeu vous êtes catalogué selon vos origines, votre corps, votre grade.Naïvement, lors de rencontres avec des chefs haut placés, j’ai essayé de faire valoir telle ou telle idée, propre, à mes yeux, à améliorer le service. Souvent on m’écoutait poliment. «Nous verrons». Parfois c’était le pilori : «Faites le travail qu’on vous a confié et ne vous mêlez pas de ce qui ne vous concerne.» Fermez le ban !Un seul officier : l’Ingénieur en Chef de 1er Hazard, devenu plus tard Amiral, en service à l’État Major Parisien m’a dit apprécier l’organisation de mes services lorsque j’étais en Indochine.À mon retour d’Extrême Orient il m’a demandé avec insistance de venir travailler avec lui à Paris. J’ai décliné l’offre ayant en horreur la trépidante vie parisienne. Je visais la base d’Hyènes où Marie vivait avec les enfants.J’ai peut être eu tort de refuser. Ma carrière eut sans doute été différente. Hasard a été fairplay. Il est intervenu en ma faveur auprès de la Direction du Personnel et c’est ainsi que j’ai rallié la base d’Hyènes au grand dam de Nicolas qui ne voulait absolument pas de moi (voir chapitre d’Hyènes).

Selon des témoignages recueillis auprès de jeunes camarades, l’état d’esprit chauvin qui régnait dans la Royale aurait nettement évolué. Et c’est tant mieux.En conclusion j’ai fait, dans la Marine Militaire, une carrière passionnante. Mon caractère entier, mon horreur de la langue de bois ne m’ont pas toujours servi. Mais aurais-je fait mieux dans une carrière civile ?

Page 176: Avant d'être capitaine TOME 2

176

La Philosophie de l’Officier Heureux

Au cours de mon séjour dans la Marine, j’ai appris la recette pour faire une carrière tranquille. Elle tient en quelques conseils :

Ne rien faire

Tout faire faire

Ne rien laisser faire

Prendre toutes ses permissions

S’inscrire sur toutes les listes

Manger aux rations

Prendre le premier canot-major

Page 177: Avant d'être capitaine TOME 2

177

De curieux comportements

Un certain nombre de comportements, au sein des Carrés des Officiers, m’ont étonné. Je précise qu’il y a eu ensuite évolution et je pense qu’aujourd’hui beaucoup ont dû disparaître. Les voici tels que je les ai vécus dans les premières années de ma carrière militaire.Le carré des officiers subalternes est présidé d’office par le plus ancien des lieutenants de vaisseau. S’il s’absente c’est le suivant en ancienneté des officiers de marine présents qui le remplace, fut-ce un enseigne de vaisseau. Les corps annexes : ingénieurs mécaniciens, commissaires, médecins, etc… même à 3 galons anciens n’ont pas droit au chapitre. Je me suis élevé de vive voix à Cat-Laï contre cet état d’esprit. Ce qui m’a valu l’inimitié du Commandant !!On ne passe à table que si le Président en titre présent. D’où parfois des attentes prolongées que je n’appréciais guère. Par contre tout membre qui arrive en retard, sauf excuse grave, est mis, par le Président, en amende d’un huitième. C’est-à-dire qu’il est inscrit par le midship (l’officier à un galon le moins ancien) sur un petit carnet. Au bout de huit huitièmes le coupable est tenu de payer une tournée générale à tout le carré. L’esprit de lutte antialcoolique est ignoré !Il en est de même avec la coutume de se rencontrer au bar avant déjeuner, chacun étant tenu, presque obligatoirement, de payer un pot à tour de rôle.La coutume est de faire lire le menu par le midship de service : «Le menu de ce jour…(date)…est le suivant…(menu)… La fête à souhaiter est la St… Il est midi à la montre du Président (grossier mensonge). Bon appétit Mesdames (s’il y a des invitées); Bon appétit Président. Bon appétit mon Colonel (c’est l’officier fusilier). Bon appétit Messieurs.»Et le Président et l’assemblé de répondre : «Bon appétit Midship.»Je précise que le Midship est le seul membre du carré habilité à infliger un huitième au Président. Lors du repas d’autres huitièmes peuvent être collés aux membres par le Président dans certains cas : mauvaise tenue, propos incorrects, discussions politiques (formellement interdites). Par contre les discussions de fesses (dites de culs) sont très tolérées.Si, le repas terminé, le Président tarde à lever la séance, l’ensemble des membres du carré entonne alors une chanson que, pour ma part, je trouve très grossière, surtout quand elle est débitée en présence d’invités. La voici dans toute sa crudité :

Le Président baisait une EspagnoleQuand tout à coupIl se trompa de trou

Et la belle emmerdéeEut beau gesticuler

Elle pouvait bien pisser

Page 178: Avant d'être capitaine TOME 2

178

Mais pour ch…C’était midi sonné.

Beaucoup de ces comportements ont été balayés quand, sur les nouveaux navires, le carré des officiers subalternes s’est mué en cafétéria. C’est ce que j’ai vécu sur le «Clémenceau» où j’aimais me pointer tôt à table sans attendre personne et en fuyant ainsi un onéreux bar.

Page 179: Avant d'être capitaine TOME 2

179

L’Uniforme

Avant de clore définitivement le chapitre Marine j’aimerais évoquer le problème de l’uniforme.Mon tout premier costume militaire a été la tenue de matelot reçue au moment de mon incorporation au Dépôt des Équipages de la Flotte à Toulon. J’ai porté le «hachis» ou béret de marin 6 mois durant.À Casablanca, au cours des Élèves Officiers de Réserve, nous avions le privilège et l’obligation de mettre la vareuse dans le pantalon, pour nous distinguer des équipages.Toute la semaine nous étions habillés d’un treillis. Nous en avions deux chacun : un en service, l’autre au lavage ou au séchage. Pas de repassage. Nous entretenions nous même notre linge qui portait notre numéro d’incorporation, 5008-B-45 pour ce qui me concerne (B comme Brest).Après l’examen de sortie nous sommes tous allés chez le maître tailleur de l’arsenal pour prises de mesures et essai de notre premier uniforme d’aspirant.Pour ce qui me concerne je pense que l’ouvrier qui a taillé mon premier costume a dû se tromper dans les cotes car je me sentais très serré.Protestations. Mais pas question d’en refaire un autre ! J’embarque dans les jours à venir pour la France.Ainsi pendant mon stage à Rochefort je suis ligoté dans un uniforme trop étroit. Ajoutez à cela que la chemise sans col est obligatoire avec port d’un faux-col empesé. Bref je suis serré de partout.Ce n’est qu’après mon embarquement sur le «Colossus» et son arrivée à Toulon que je peux me faire tailler un deuxième uniforme (tenue réglementaire n°1). À l’époque le costume d’hiver est fait d’un lourd drap bleu marine.À bord, du matin au soir, même en salopette de travail nous sommes astreints au port du faux-col, cet instrument de torture que j’ai maudit bien des fois.

À Toulon quand nous voulions faire l’acquisition d’un vêtement, par exemple d’un sac à patates nommé chemise, il fallait se rendre en ville au SAM (Service d’Approvisionnement aux Marins).Souvent les épouses accompagnaient leurs maris pour guider leur choix. Mais il leur était interdit de pénétrer dans le local. Il leur fallait rester sur le palier, dans la pénombre. Quand il y avait un doute sur le choix, l’époux avec la permission de l’acariâtre vendeuse, sortait avec les échantillons, demander conseil à sa moitié.Cette pratique insensée était, m’a-t-on dit à l’époque le résultat de réclamations de commerçants toulonnais jaloux.

Il y avait plusieurs variantes dans nos tenues. Suivant la saison ou l’endroit. Cela allait du bleu complet, coiffe incluse, au blanc complet, coiffe comprise, avec, entre les deux, des variantes : veste bleu, pantalon blanc à la mi-saison.

Page 180: Avant d'être capitaine TOME 2

180

Veste blanche, pantalon bleu pour certaines soirées. De toute façon nous n’avions pas le choix. Dans les unités la tenu de jour était mentionnée quotidiennement à la feuille de service.La tenue spencer n’est apparue que très tard : gilet, petite veste et pantalon à larges bandes d’or. Je l’ai très peu portée. Surtout lors de mon séjour à la Préfecture Maritime de Brest. Le col cassé, avec un nœud noir papillon était de rigueur. Ainsi que le port de décorations miniatures.Moi, qui ai toujours eu horreur de changer de tenue, j’étais à mon aise dans la Marine. Tous les jours habillé suivant la règle prescrite.Plus tard le tergal a remplacé les sacs à patates. Les chemises se sont dotées de cols inamovibles, devenu réglementaires. L’uniforme bleu marine s’est allégé en quittant le lourd drap.

À une certaine époque, j’étais sur l’»Arromanches», on nous a délivré des battle dress faits en un tissu bleu clair moiré. C’était affreux. J’ignore si les commissaires qui ont lancé les sacs à patates et ces battle dress sont passés aux étoiles. Ils auraient mérité une sanction.Il est une tenue légère que j’ai longtemps portée c’est la pure tenue coloniale, mise en Afrique et en Indochine : bas blanc, short et chemisette blancs.

À Cherbourg comme à Brest nous portions la tenue bleue toute l’année avec l’inséparable gabardine bleu marine. J’ai très peu mis le lourd manteau galonné. Les chaussures étaient le plus souvent basses et de couleur noire. Elles étaient blanches dans les pays chauds.Lors de certaines de mes affectations : Ministère de l’Air, Secrétariat de la Défense Nationale, nous devions être tous les jours en civil. Les dirigeants craignaient des interpellations de voyous dans les transports ou dans la rue. La CGT (Cancer Généralisé du Travail) faisait sentir son influence antimilitariste.Une autre tenue agréable à bord était la chemise kaki sans cravate et pantalon kaki. Aujourd’hui les choses ont évolué. À l’instar de la Gendarmerie et des Pompiers les gens embarqués sont vêtus d’un pull qui n’entrave pas leurs mouvements. De simples galons mentionnent leur grade et un écusson sur la poitrine donne le nom et la fonction.J’ai connu cette dernière amélioration sur le «Clémenceau» où j’arborais l’indication suivante : IMP Amiot. STA1. Traduction : Ingénieur Mécanicien Principal. Chef des Services Aéronautiques.Dans chaque service, chaque officier portait ainsi un numéro repère. Ainsi sur le «Clémenceau» au service détection il y avait des «Det15» ou «Det18» (jeunes officiers de réserve faisant le quart aux radars).

Page 181: Avant d'être capitaine TOME 2

181

Page 182: Avant d'être capitaine TOME 2

182

Page 183: Avant d'être capitaine TOME 2

183

Page 184: Avant d'être capitaine TOME 2

184

Page 185: Avant d'être capitaine TOME 2

185

QUELQUES PHOTOS

Page 186: Avant d'être capitaine TOME 2

186

Page 187: Avant d'être capitaine TOME 2

187

Delft - Septembre 1971

Ostende

Page 188: Avant d'être capitaine TOME 2

188

Bruges - Septembre 1971

Page 189: Avant d'être capitaine TOME 2

189

Page 190: Avant d'être capitaine TOME 2

190

Page 191: Avant d'être capitaine TOME 2

191

25 _ A LA SOCIÉTÉ SKENDY

Page 192: Avant d'être capitaine TOME 2

192

Après mon départ anticipé de la Marine, j’ai commis deux grosses erreurs : entrer chez Skendy et, plus tard, me lancer, à la tête d’une association, à la défense de l’environnement.Heureusement, comme on le lira plus loin, mon activité historique a été une heureuse et saine compensation.

Mais revenons à l’expérience Skendy.Comme je l’ai mentionné dans le chapitre consacré à Querqueville, j’ai eu, dans cette base, sous mes ordres un jeune garçon très poli, très aimable, Paul Beaumont, originaire des environs de Granville dans la Manche. Il me sert occasionnellement de chauffeur.Un jour il me présente sa fiancée, Jeanine Skendy, fille unique d’un industriel parisien, d’origine albanaise marié à une dame d’origine italienne.Plus tard, alors que j’habite Hyères nous nous retrouvons et faisons plus ample connaissance. Lorsque je m’éloigne vers l’Indochine, Paul vient chercher Marie et les enfants pour les promener sur la côte d’Azur où il séjourne provisoirement.Après Cherbourg il a quitté la Marine, épousé Jeanine et pris l’emploi auprès de son beau-père.Lors de mon premier séjour à Paris (Ministère de l’Air) nous voyons souvent Paul et ses beau-parents. Paul me suggère de venir le rejoindre dans son usine de confiserie car il ne se sent pas à la hauteur pour prendre un jour la suite de son beau- père.J’ouvre une parenthèse dans mon récit des évènements pour relater un trait caractéristique de ce garçon qui, élevé au niveau de cadre, souffre d’avoir servi sous les drapeaux en qualité de matelot. Sur l’arrière de sa voiture très visible sous la vitre arrière, est placée une casquette de lieutenant de vaisseau. Paul Beaumont laisse croire ainsi à tout un chacun qu’il est officier de réserve. Je considère ce comportement comme un enfantillage.

Page 193: Avant d'être capitaine TOME 2

193

Les années passent. À la maison Skendy les affaires tournent rond. Mais il n’en est pas de même des relations entre gendre et belle-mère. À plusieurs reprises, Paul quitte la société pour d’autres tâches, en particulier commerciales.Nous voilà, quant à nous, de retour à Paris (Secrétariat de la Défense Nationale) et de nouvelles relations se nouent baves la famille Beaumont. Je parraine un des fils : Georges et Jean Pierre l’autre Frédéric.Des propositions sont faites. J’y prête une oreille attentive compte tenu de ma situation militaire et de son avenir. On parle même de décentraliser l’usine vers le Nord Bretagne ou la Basse Normandie. Là je tends l’oreille car je n’ai qu’une envie : fuir cette région parisienne trop peuplée.Finalement on aboutit à un accord. Je suis embauché en qualité de Directeur à un salaire égal à celui que me sert, à l’époque, la Marine.Mais j’ai néanmoins des doutes sur la pérennité de cet emploi, compte tenu des tensions qui règnent dans la société. On compte sur moi pour arranger tout le monde, mais réussirai-je ?Premier point positif : après mon arrivée la patronne s’éclipse et reste à la maison. Ce qui ne l’empêche pas de venir nous rendre visite de temps à autre.Quant à Paul, bombardé PDG il est fermement convenu que son rôle serait surtout de veiller au bon fonctionnement des ateliers, où il est loin d’être néophyte.Hélas, il ne s’acquitte pas de cette promesse et reste, vis-à-vis de moi, à gérer la société à partir des bureaux.Il n’en fallait pas plus pour que la colère de Madame Skendy se déchaîne à nouveau et nous avons droit, à quelques scènes épiques de dispute que je n’apprécie guère, me demandant, un peu plus tard, ce que je suis venu faire dans cette galère.Le père Skendy lui, ne se mêle pas du tout de ces querelles et, dans son atelier, continue à brasser, à rouler, à doser sa pâte à bonbons, un ouvrier parmi les autres.Pour ce qui me concerne, les dés sont jetés et ma retraite marine commence à courir. Je me réjouis d’avoir délibérément signé un contrat de courte durée : 18 mois. Quand il arrivera à échéance, si les choses empirent je n’aurai qu’à tirer ma révérence.Et les choses empirent. J’ai beau essayer de m’interposer, de raisonner gendre et belle-mère, l’orage éclate. Il faut dire que la dame est odieuse et comédienne.Un jour, dans le bureau directorial, après une violente dispute avec son gendre, elle fait mine de s’évanouir en s’ affaissant délicatement dans un fauteuil. J’ai grande envie de lui verser un seau d’eau froide sur la tête pour la réveiller. Ce qui aurait gâché maquillage et toilette car elle prend grand soin de sa personne.L’argent a littéralement pollué la vie de cette femme. Elle remâche à mieux

Page 194: Avant d'être capitaine TOME 2

194

payer ses employés. Un jour je lui prédis que le SMIC atteindrait bientôt 1000 francs. Elle me toise et me traite de communiste.Elle se flatte souvent d’avoir, avec son mari (lequel est beaucoup plus discret) gagné beaucoup d’argent. «Je laisserai, me dit-elle un jour, assez d’argent à mes cinq petits enfants pour qu’ils puissent vivre largement sans jamais travailler.» !!Peu de temps après mon arrivée à la société Skendy je quitte mon logement de la rue Juliette Lambert à Paris et vient m’installer à Fontenay-sous-bois, près de l’usine. Dans mon esprit j’assume ainsi mieux ma tâche de Directeur veillant sur l’établissement. Mais cette conscience professionnelle ne touche guère les propriétaires de la société.Je n’ai pas plus de chances en essayant de mettre en place une comptabilité analytique d’exploitation, que j’avais mis en œuvre dans les ateliers marine, et qui permet de se faire une idée à peu près exacte du coût des produits fabriqués.À l’usine les prix de vente sont fixés au «pifomètre», heureusement bien au-dessus du prix de revient.J’en viens tout de même à reprocher vertement à Paul Beaumont son manque de courage et d’initiatives. Bref les choses vont en se dégradant et je vois arriver avec plaisir le 1er juillet 1974, fin de mon contrat et, sans tambour ni trompettes, je file avec la Peugeot 404 vers la Bretagne.

Pendant des années je cesse de penser à cette malheureuse initiative Skendy, société dont je n’ai plus aucune nouvelle quand, un beau jour, le prénommé Paul vient frapper à la porte de Carrien.Je le reçois, ainsi que Marie, aimablement, ne voulant pas, ad vitam aeternam, cultiver la rancune. Et nous avons ainsi des nouvelles de la famille Beaumont Skendy.Les deux patrons sont décédés. Madame Skendy a essayé de déshériter sa fille aînée au profit exclusif de l’aîné de ses petits-enfants, Sophie qui mariée à un juif a dévoré, par millions l’héritage de sa grand-mère.Jeanine et son mari continuent à vivre largement, errant de logements luxueux en villas dépensant allègrement l’héritage paternel.Quant aux autres enfants ils ne semblent pas faire grand chose. Mon filleul, Georges, architecte sans travail vit en dandy avec son frère Frédéric, le filleul de Jean-Pierre, journaliste en mal de copie. Les deux sont plus ou moins mariés et ne vivent pas avec leurs épouses. J’ignore ce que sont devenus les autres enfants.Je vois là un bel exemple des dégâts que peut provoquer l’argent facile.

Durant mon séjour à la société Skendy j’ai cotisé pour mon fonds de retraite. Je n’y ai plus pensé jusqu’au jour où Paul Beaumont a ressurgi du néant et m’a indiqué la marche à suivre pour profiter des droits acquis. Marie m’incite à établir un dossier. Et me voilà doté d’une petite pension de 750 francs par

Page 195: Avant d'être capitaine TOME 2

195

mois!

Quand le contact a été rétabli avec les Beaumont ils s’apprêtent à vendre une magnifique villa aux environs de Saint Brieuc. Mais elle doit être cédée vide. Et ils n’ont aucune place ailleurs pour mettre le mobilier qu’ils bradent.C’est ainsi que nous garnissons Carrien de plusieurs meubles dont des chaises et des tables de jardin.Et les biens des patrons Skendy, que sont-ils devenus ? La splendide villa du Cap Nègre, le vaste appartement cossu situé en lisière du bois Fontenay… tout a été vendu. L’usine, abandonnée a depuis longtemps fermé ses portes.Grandeur et décadence...

Page 196: Avant d'être capitaine TOME 2

196

Page 197: Avant d'être capitaine TOME 2

197

QUELQUES PHOTOS

Page 198: Avant d'être capitaine TOME 2

198

Versailles Novembre 1964 - Les petits Beaumont

Printemps 1965 - La communion de Sophie

Page 199: Avant d'être capitaine TOME 2

199

Baptême de Frédéric - Printemps 1965

Page 200: Avant d'être capitaine TOME 2

200

Le Touquet - Noël 1966

Communion de Sophie - Printemps 1965

Page 201: Avant d'être capitaine TOME 2

201

Noël 1966 - Réveillon au Touquet chez les Skendy

Page 202: Avant d'être capitaine TOME 2

202

Noël 1966 - À la «Vieille Maison» au Touquet

Page 203: Avant d'être capitaine TOME 2

203

Page 204: Avant d'être capitaine TOME 2

204

Page 205: Avant d'être capitaine TOME 2

205

26_RETRAITE À CARRIEN : LIVRES, PROMENADES, CONFÉRENCES

Page 206: Avant d'être capitaine TOME 2

206

C’est donc avec une immense satisfaction que le 1er juillet 1974 je fais route vers Carrien, laissant derrière moi tous les mauvais souvenirs de la vie parisienne.Les premiers mois, voire les premières années se déroulent de façon active. Marie et moi nous nous transformons en ouvriers plus ou moins spécialisés pour faire de Carrien un gîte agréable. Nous faisons appel de temps à autre à des gens de métier, tels carreleurs, et, petit à petit, Carrien reprends son aspect et son rôle de petit manoir bourgeois qu’il a été à sa conception.Un partage a été conclu avec Paul devant le notaire. Il prend les étables Ouest et nous laisse la maison et les appentis Est. Les 15 années de cohabitation, sources de chicanes, prennent ainsi fin au bénéfice de tous.Notre séjour est coupé de temps à autre par des voyages chez Jean-Pierre à Rome, parfois par le train, puis plus tard en voiture.Pendant ce temps, Philippe poursuit ses études de médecine à Rennes et conte fleurette avec son amie Cathy qu’il nous présente à l’improviste à Carrien.

Un jour, juché sur un échelle, œuvrant sur un circuit électrique, j’écoute la radio «France Culture». On y parle du patrimoine culturel historique et de sa transmission à nos descendants qui va sombrer si l’écrit ne prend pas le relais de l’oral.Depuis quelque temps je sens que mes cellules grises se rouillent et que le seul travail manuel ne peut suffire à mon bonheur. C’est de cet instant que ma décision est prise d’essayer d’écrire. D’abord l’histoire de Carrien. Je plonge dans les archives de la maison, interroge les anciens puis je me rends à la mairie pour y consulter les archives.C’est alors que le maire Joseph Hourdin me conseille d’écrire l’histoire de Pléhérel. «Cela intéressera la population», me dit-il. «Des essais ont eu lieu mais n’ont pas aboutis.»

Page 207: Avant d'être capitaine TOME 2

207

Page 208: Avant d'être capitaine TOME 2

208

Je ne sens, à cet instant, aucune envie de faire de longues recherches. Mais me voilà sans doute victime d’un virus car, de découverte en découverte, je prends intérêt à l’histoire au point de fouiller dans les archives et bibliothèques départementales et régionales, et même dans les archives nationales.Et c’est ainsi que naît, en 1981, mon premier livre «Histoire du Pays de Fréhel» qui connaît un beau succès. Je reçois nombre de visiteurs, de lettres, de coups de téléphone présentant des compliments ou requérant de plus amples informations. Je suis très étonné de voir combien les gens s’intéressent à mon modeste ouvrage. Mes meilleurs acheteurs sont des gens de l’extérieur, soit expatriés, soit amoureux du pays et y reviennent périodiquement. Quant aux autochtones, ils me déçoivent dans un premier temps. Quelques réflexions entendues : «Nous savions déjà tout ce qui est dans le livre.» Réponse : «C’est dommage que vous ne l’ayez pas écrit vous même. Cela m’aurait dispensé de le faire.»«Vas-tu en gagner des sous avec ton livre.» Réponse : «Pauvre couillon (sic) j’essaie surtout de ne pas en perdre.»«Ça devient une manie d’écrire des livres d’histoire.» Réponse: «Il y a 36 000 communes en France il serait souhaitable qu’il y ait 36 000 personnes qui s’attellent à leurs histoires avant que se perde à tout jamais la tradition orale.»

Quant à mon oncle Théodore Amiot, le frère de Papa, il me fait un petit reproche : «Tu aurais pu écrire l’histoire de ton propre village avant d’écrire celle du pays de ta belle famille.» Réponse : «Si l’histoire de Fréhel se vend bien je te promets de m’atteler ensuite à celle de Plurien.»Et c’est ainsi qu’en 1983, deux ans après Fréhel, je fais paraître «L’histoire de mon village : Plurien». Je pensais, au début publier un ouvrage d’une centaine de pages. Mais je suis étonné de l’ampleur de la récolte et le livre naît avec 431 pages. Sa vente est plus lente. Le livre passe d’une main à l’autre, d’une ferme à l’autre. Tout le monde n’attache manifestement pas le même intérêt à l’histoire du Pays. Au contraire de certains. Je cite deux cas particulier : Le père Dubois, un instituteur en retraite, m’a documenté sur Fréhel. À son décès sa fille Maryvonne me dit : «Papa aimait tellement votre livre que nous l’avons placé près de lui, dans son cercueil.»Un jour, circulant du côté de Coëtbily j’entre, pour je ne sais quelle raison, chez l’ancien facteur Émile Amiot. Sa fille me dit : «Papa ne cesse de lire et relire votre livre sur Plurien. Il défend à quiconque d’y toucher. Il l’a protégé par quelques feuilles de journal.»Mais si ces deux personnages ont aimé et protégé leurs livre, il n’en a pas toujours été ainsi ailleurs. Plusieurs fois j’ai trouvé, chez l’habitant, mes livres très fatigués, écornés, voire déchirés, souvent couverts de graisse issue de mains sales.

Page 209: Avant d'être capitaine TOME 2

209

Quand a eu lieu le partage de Carrien entre Marie et Paul le 1er lot a échu à Marie mais j’ai dû faire un emprunt au Crédit Mutuel de Bretagne

pour verser la soulte de 60 000 francs (14 janvier 1972)Cf : Partage rédigé en l’étude de Maître Trotel, Notaire à Pléhérel

Quand a eu lieu le partage de Carrien entre Marie et Paul le 1er lot a échu à Marie mais j’ai

dû faire un emprunt au Crédit Mutuel de Bretagne pour verser la soulte de 60 000 francs

(14 janvier 1972)

Cf : Partage rédigé en l’étude de Maître Trotel, Notaire à Pléhérel

Page 210: Avant d'être capitaine TOME 2

210

Page 211: Avant d'être capitaine TOME 2

211

Page 212: Avant d'être capitaine TOME 2

212

Je doris préciser, avant de continuer, que la publication de mes livres se fait à compte d’auteur, c’est à dire que j’en paie intégralement la fabrication.Qui se monte aux environs de 100 000 francs (dix millions de centimes) pour les premiers pour atteindre 275 000 francs pour le plus gros : «Histoire de Saint Cast Le Guildo».Je me suis documenté sur ce qu’il faut faire. C’est ainsi que tous mes livres sont lancés en souscriptions. Et je dois dire que cela marche bien. Heureusement !

À peine publié le deuxième livre je reçois lettres et conseils : « Vous auriez dû parler de ceci, ou de cela. Les remarques portent essentiellement sur une époque relativement récente (fin du 19ème siècle, début 20ème siècle) dont mes interlocuteurs ont entendu leurs anciens parler au cours de soirées au coin du feu.Je continue donc à recueillir maintes et maintes informations orales, tant et si bien que je suis bientôt capable de décrire la vie d’autrefois dans nos campagne. Dois-je alors me borner à faire une fastidieuse relation? Je choisis une autre voie.Par les archives familiales je connais les grandes lignes de la vie d’une aïeule de Marie : Marie Josèphe Lemonnier, née à Plurien en 1832, mariée en 1952 à Paul Guérin de Carrien, décédée en 1902.M’armant de toutes les informations environnementales recueillies, je décide d’écrire, au plus près, la vie de cette femme. Et c’est ainsi qu’est publié en 1986 «Marie Josèphe, Paysanne en Haute Bretagne» dont les 1 500 exemplaires sont assez vite vendus.

J’ai eu une grande satisfaction avec «Marie Josèphe» le jour où une voiture anglaise s’arrête devant Carrien. En descend une lady qui se présente. Elle est professeur de français dans un établissement d’enseignement de jeunes filles de Londres.Elle me fait des éloges de mon livre qu’elle vient de lire et me demande si je consens qu’elle s’en serve pour enseigner le français à ses élèves. Autorisation aussitôt accordée.

Voilà qui mérite quelques explications. J’ai voulu que tous mes livres soient à la portée de petites gens, niveau certificat d’études. Donc je dois m’y exprimer clairement.Tous sont écrits au temps présent. J’exclue tout passé simple, ou antérieur ou subjonctif. Les puristes se récrieront. Tant pis.Phrases courtes : sujet, verbe, complément.Texte aéré : nombreux paragraphes espacés.Pour rédiger mes ouvrages j’ai voulu être à la fois pragmatique et cartésien. Explications : Pragmatique : prendre le renseignement où qu’il se trouve. Modèle de

Page 213: Avant d'être capitaine TOME 2

213

pragmatisme : une poule dans une de ferme. Elle prend tout grain à portée de vue. Des années durant je ne me déplaçais jamais sans quelques cartons blancs et un stylo blanc en poche, prêt à saisir toute information jugée intéressante.Cartésien : c’est à dire suivre les trois préceptes suivants de Descartes (Discours de la Méthode) : ⁃ Conduire par ordre ses pensées en allant du plus simple au plus composé. Capter en premier lieu l’information la plus facile (ex : registres de délibérations des Conseils Municipaux). La récolte est souvent bonne et encourage le chercheur à continuer. ⁃ Faire des dénombrements si entiers et des revues si générales qu’on soit assuré de ne rien omettre. Ce qui veut dire fouiner, fouiner toujours et, au fur et à mesure des découvertes, ouvrir des chemises et classeurs où s’entassent les informations propres à la rédaction finale. ⁃ Ne reconnaître une choses vraie qu’à la condition qu’elle soit effectivement appréciée comme telle. Pas d’à peu près. La rigueur est nécessaire si on veut aboutir à un livre sérieux.. S’il y a quelque doute et qu’on veuille néanmoins conserver l’information, il faut en informer le lecteur. Exemple : « selon la tradition orale il semblerait que ... »Quand je dois employer un mot compliqué : aussitôt l’expliquer simplement entre parenthèses.C’est tout. Et ça marche !

Autre témoignage concernant Marie Josèphe. La visite d’un voisin le Vicomte Benoist de Mareuil, résident secondaire au Val en Plurien qui a été enchanté et a tenu à faire connaissance. Nous sommes devenus amis.Autre visite : Gilbert Fournel et son épouse, propriétaire de l’Hôtel Manoir St Michel à Sables d’Or. Eux ce sont déclarés émus par la relation de la mort de Marie Josèphe. Ils en ont pleuré !! Je ne me connaissais pas un talent d’auteur dramatique !

A peine publié mon livre sur Fréhel, mon ami Émile Rolland, instituteur en retraite, président de l’Office de Tourisme , me demande de mettre en valeur nos sites par création de sentiers. Ce qui ne va pas sans difficultés : un sentier en bordure de champs, réalisé avec le plein accord du propriétaire, est labouré peu de temps après, de grands arbres sont abattus plus loin et stoppent tout passage, un petit pont mis en place à la Caillibotière par les services municipaux de Fréhel est purement et simplement détruit. Menaces de plaintes en gendarmerie si de tel faits se renouvellent.Laissons pour l’instant de côté les entiers et leurs problèmes. Nous les retrouverons en évoquant les templiers et revenons à l’édition.

Je pensais en avoir fini avec les livres et les recherches quand je suis harcelé par un ami castin, le Docteur Desriac. « Vous connaissez les filières de

Page 214: Avant d'être capitaine TOME 2

214

Page 215: Avant d'être capitaine TOME 2

215

renseignement, les sources d’information. Vous devriez écrire l’histoire de Saint Cast. » Refus net : « La Motte Rouge a une maison là-bas, demandez lui donc de rédiger votre histoire. » « Il a été contacté,il ne veut pas .»Finalement je cède à la pression du brave Docteur qui me dit avoir trouvé un groupe de personnes pour m’aider. Rendez-vous chez lui.Arrive un ancien membre du corps enseignant, communiste acharné, dons sectaire. Puis un brave type nommé Le Hérissé mais, malade, il va être très longtemps hospitalisé. Puis... Motte Rouge tout souriant qui propose qu’on fasse un livre collectif signé « par un groupe de castins ». Par ailleurs je suis instruit de la mésaventure de Jean Pierre Le Gal La Salle qui, à 80%, a écrit le premier ouvrage de la Motte Rouge : « Vieilles Demeures et Vieilles Gens » et a été roulé dans la farine par LMR qui s’est proclamé seul auteur. Jean Pierre est venu me voir à Carrien et, presque larmoyant, m’a conté sa déconvenue.Je n’ai pas du tout envie de travailler avec LMR bien qu’il m’ai beaucoup aidé à faire mes autres livres en me donnant le libre accès à sa bibliothèque.Finalement, je décide de rédiger seul la future histoire de St Cast, ce qui n’est pas du tout du goût de LMR.Un jour, en Préfecture, j’arrive le premier à une réunion de la Commission Départementale des Sites, dont je suis membre.Survient LMR, qui me tient les propos suivants : «Vous vous obstinez à vouloir rédiger St Cast ? « «Oui, puisqu’on me l’a demandé avec insistance.» « Sachez que je ferai tout ce qui sera en mon pouvoir pour vous empêcher de le vendre.» Je lui rétorque que de tels propos ne sont pas dignes d’un descendant de la Vieille France.Et il tient parole. Quand mon livre paraît à Pâques 1990 on voit surgir en librairie une réédition inopinée d’un ancien ouvrage : «Un soir d’été à St Cast», destiné à contrer ma sortie.C’est un beau plou car mon livre est très demandé et je consacre 3 après-midis à rédiger des dédicaces.À l’heure où j’écris ces lignes (janvier 2001) plus de 2 700 ouvrages, sur les 3 000 imprimés, sont vendus… et appréciés si j’en juge les réactions du public.Quant à LMR, j’ai pris décision de traiter par le mépris son attitude. Nos relations se sont distendues. Bonjour, bonsoir quand nous nous voyons. C’est tout.

Mon activité culturelle ne se borne pas à écrire l’Histoire de Fréhel, de St Cast et à conter la vie de Marie Josèphe.Je suis sollicité un jour par une organisation «La Biennale des Abbayes Bretonnes» pour participer à la rédaction d’un ouvrage historique sur les dites abbayes. J’en rédige une chapitre sur l’Abbaye Cistercienne de St Aubin des Bois et quelques informations propres à enrichir la présentation de l’ouvrage.

Parallèlement à ces recherches historiques je manipule la faucille, la scie

Page 216: Avant d'être capitaine TOME 2

216

Page 217: Avant d'être capitaine TOME 2

217

et la houe pour tracer des sentiers menant à la découverte de sites et de monuments.Parait en 1986 une plaquette de 56 pages intitulée «À la découverte de Pays de Fréhel et des environs». Publiée en 4 000 exemplaires plus 1 500 exemplaires en langue anglaise et 1500 en langue allemande.Mais cette plaquette n’a pas la diffusion qu’elle mérite. Les commerçants, les hôteliers, tous ceux qui vivent du tourisme ont rechigné à le vendre sous le fallacieux prétexte qu’on leur demande de le faire gracieusement.Quant à moi j’ai, d’emblée, avisé la Direction de l’Office de Tourisme que je lui fais don de mes droits d’auteur.

Un jour, faisant visiter la vieille église de Plurien à un groupe de touristes, le desservant de la paroisse, l’abbé Douzami, qui s’est joint à eux, me suggère d’en écrire l’histoire.Ce qui se fait après hésitation. Là aussi je fais don de mes droits d’auteur au Comité Paroissial.Cette plaquette fait une bonne carrière malgré le freinage du maire de l’époque, Rémi Gouédard, et surtout de sa femme, la belle Nicole, fâchés de ce que j’ai écrit en dernière page sur la «rénovation» faite par des ouvriers mal encadrés. L’agrégé en architecture qu’est le maire (ne pas confondre avec architecte) s’est senti quelque peu responsable des dégâts causés à la pierre à bannir.Depuis des années je continue à faire visiter cette église, dont j’approfondis l’histoire au contact de visiteurs compétents. J’en rédige une nouvelle plaquette dont je ne verrais pas la publication. Prospecter l’obscurité des siècles demande une grande patience.

C’est avec grand bonheur que je réussis enfin à signer un petit ouvrage commencé quelques 20 ou 30 ans auparavant : «Louis Amiot, Corsaire d’Empire».Des années durant j’ai entendu Papa et son frère Théodore me parler du «pirate». J’ai beau dire à Papa qu’il ne faut pas confondre corsaire et pirate, il n’en démord pas. «Il a gagné beaucoup de sous ce qui lui a permis de doter richement une de ses filles mariée à un «Cap’taine»». Voilà ce que j’entends.Mes longues recherches pour aboutir à la vérité sont résumées dans cette étude. Je ne m’y attarde pas, sauf pour dire que, volontairement, elle n’a pas été diffusée dans le public. C’eût été trop risqué, financièrement.Mais j’ai tout de même prononcé quelques conférences sur ce sujet devant diverses associations (voir plus loin).

Au cours de mes recherches locales j’ai, petit à petit, découvert des traces de Templiers. Je me suis mis dans la tête l’idée de tracer un sentier Templiers, reliant les différents sites. Ça n’a pas été sans mal. Je n’ai guère été aidé par les municipalités. Je

Page 218: Avant d'être capitaine TOME 2

218

Une belle fin pour le livre : le 16 juillet 2002 je reçois commande de 20 livres de la mairie de St Cast. J’avise le maire que l’ouvrage est en voie

d’épuisement : il ne reste que 32 histoires reliées.Ainsi se termine une fructueuse collaboration entre l’auteur et la Mairie, celle-ci m’ayant commandé un total de 466 livres offerts aux visiteurs de

marque et aux jeunes mariés.J’offre un beau livre au Maire, Mr Henry Baudet, pour lui témoigner ma

reconnaissance.

Page 219: Avant d'être capitaine TOME 2

219

rencontre l’hostilité de gens de la terre : soit de propriétaires qui ne consentent pas au passage du futur sentier sur leurs terres, soit de fermiers qui barrent le passage avec du barbelé ou vont même jusque détruire un pont sur un ruisseau !Je dois me fâcher, menacer de déposer plainte en gendarmerie. Puis tout rentre dans l’ordre, ou presque, car, de temps en temps, je dois remplacer des balises délibérément arrachées, sans doute par quelques jeunes imbéciles à la cervelle creuse.Enfin le circuit prend forme et j’organise des sorties qui ont beaucoup de succès. Un certain dimanche d’Août j’ai 170 personnes à me suivre et écouter mes commentaires. Heureusement que ce jour là Yves Constantin qui vient de prendre la Direction du Syndicat des Caps est en instruction Histoire. Il est le serre file de ce mille pattes.A la suite de ce succès nous avons dû multiplier les séances pour réduire le nombre de participants.

Un jour je fais les honneurs des sites templiers à des membres de la Société d’Histoire et d’Archéologie de Saint Malo. Enchanté de cette visite le Président, Mr Darcy, me demande de venir faire une conférence sur les Templiers, à Saint Malo.C’est le résumé de cette conférence qui donne naissance à mon étude intitulée : «À la recherche des Templiers en Baie de la Fresnaye».À la parution de cet ouvrage des voix s’élèvent du côté de Pléboulle. Là,une société culturelle a, deux ou trois ans auparavant, publié une étude sur les Templiers. Mais elle avait de graves défauts : elle ne traitait que du territoire communal. L’église de Plurien, le praeceptorerie de la Caillibotière sont ignorées. En outre, bien des détails manquent sur la vie, la légende et la fin des Templiers.À sa parution je prends contact avec le président de la dite Société Culturelle, économe du collège de Matignon. Je lui propose de faire ensemble un nouvel ouvrage plus complet. Proposition très bien accueillie. Le Président va en parler à son conseil d’Administration. Las ! la discorde règne au sein de l’Association de Pléboulle et je n’ai pas de réponse à ma proposition de collaboration.Je sors donc une plaquette sous mon nom. Si elle est très critiquée par certaines de Pléboulle, elle est, par contre, très appréciée par nos visiteurs. Le premier tirage de 1 000 exemplaires disparaît en moins de un moins. Il faut, dès le mois d’Août en réimprimer 1 000 autres qui fondent à leurs tours et un troisième mille est mis sous presse l’année suivante. J’ai cédé mes droits d’auteurs à l’office de tourisme qui cette année là, avec cette plaquette, a empoché un bénéfice net de plus de 20 000 francs. Je n’ai reçu aucun remerciement des autorités gestionnaires de l’office !! Il faut avoir de la foi pour continuer.

Page 220: Avant d'être capitaine TOME 2

220

Une efficace collaboration nous a unisDes griefs réciproques nous ont séparésMais l’heure de la mort tout s’effaceRestent les regrets.

Pierre Amiot(Mots adressés à son épouse le jour

des obsèques)

Page 221: Avant d'être capitaine TOME 2

221

Une déception : La conférence terminée je remets le texte intégral à Jean Pierre Le Gal La Salle, responsable

du bulletin annuel de l’Association des Amis de Lamballe et du Penthièvre. A ma grande stupéfaction lorsque ce

document paraît, je constate que mon texte est modifié et amputé de presque moitié, dont certains documents

inédits venus de Grande-Bretagne. Le tout sans que JP Le Gall La Salle m’en touche le moindre mot. Je lui

adresse aussitôt une lettre où j’exprime mon vif mécontentement. Aucune réponse ! J’avais demandé un tirage à

part d’une trentaine d’exemplaires. Amputés à ce point je renonce à les distribuer dans mon entourage. Perte

sèche : plus de 1 000 francs.

Une déception : La conférence terminée je remets le texte intégral à Jean Pierre Le Gal La Salle, responsable du bulletin annuel de l’Association

des Amis de Lamballe et du Penthièvre. A ma grande stupéfaction lorsque ce document paraît, je constate que mon texte est modifié et amputé de presque moitié, dont certains documents inédits venus de Grande-Bretagne. Le tout sans que JP Le Gall La Salle m’en touche

le moindre mot. Je lui adresse aussitôt une lettre où j’exprime mon vif mécontentement. Aucune réponse ! J’avais demandé un tirage à part d’une trentaine d’exemplaires. Amputés à ce point je renonce à les distribuer dans mon entourage. Perte sèche : plus de 1 000 francs.

Page 222: Avant d'être capitaine TOME 2

222

Page 223: Avant d'être capitaine TOME 2

223

Page 224: Avant d'être capitaine TOME 2

224

Il est une activité que je passerai sous silence : c’est l’action en faveur des Petites Sœurs du Monastère de Boquen.Un samedi de 1982 je suis à Boquen, avec pelle et brouette, à aider au dégagement des ruines du vieux moulin de l’abbaye cistercienne. Je suis là, avec d’autres gens, à la demande de mon ami Georges Penvern, Président de l’»Association des Amis du vieux Lamballe et du Penthièvre».À l’heure du casse-croûte en plein aire arrive la mère supérieur, sœur Allèle, une femme cultivée, et d’une intelligence remarquable. Nous faisons connaissance.Deux jours après je reçois de Boquen un coup de téléphone : Sœur Allèle désire vous rencontrer. Pouvez-vous venir à l’abbaye? Rendez-vous est pris.Sœur Allèle m’expose son problème. Les moniales de Bethléem ont reçu en gérance la vieille abbaye cistercienne de boquen. Elles sont 18 à l’occuper. En prise à quantité de travaux de rénovation, d’adaptation à leurs besoins qui dépassent leurs possibilités. En un mot elles ont reçu là un cadeau empoisonné. Ajoutons à cela que la plupart des moniales, issues de la bourgeoisie ou de la noblesse, ne sont guère préparées à des travaux de réfection.Pour les aider, les conseiller, elles souhaiteraient le concours d’une équipe pleine de bonnes volontés et introduite auprès d’artisans locaux. Elle me demande si je peux l’aider. Accord conclu sur le champs. Je téléphone aux copains et, en moins d’une journée une équipe d’une dizaine de personnes est constituée qui, tous les mois, se réunit à Boquen, étudie et essaie de résoudre les problèmes, chacun faisant intervenir ses relations.Je citerai un exemple : il faut recouvrir d’ardoises le moulin. Pas d’argent. Mon ami Jean-Clément du Val André, ancien représentant en matériaux de construction, prend contact avec le Directeur des Ardoisiers d’Angers, avec lequel il a œuvré jadis. Dans la semaine qui suit un camion plein d’ardoises offertes arrive à Boquen.Et tout se fait à l’avenant. L’ancien réfectoire des moines devient chapelle chauffée et lieu de prières pour les moniales (la nef de l’abbatiale est glaciale durant les mois d’hiver).Malheureusement Sœur Allèle est appelé à Curières à la Direction Générale de la Communauté de Betkléem, ce qui n’étonne personne, compte tenu de ses talents.L’affaire continue avec sa remplaçante puis la suivante. Mais les idées farfelues moniales concernant leur logement les font se heurter aux autorités (Boquen est site classé) et à notre équipe qui ne partage pas leurs idées et qui, petit à petit décroche.Une nouvelle poignée de volontaires aurait pris le relai, m’a-t-on dit. Tant mieux. Pour moi l’aventure Boquen a duré quelques années et, parfois en plaisantant, je me présentais ainsi : «Pierre Amiot, Moine convers de Boquen !»

Page 225: Avant d'être capitaine TOME 2

225

Page 226: Avant d'être capitaine TOME 2

226

Page 227: Avant d'être capitaine TOME 2

227

Page 228: Avant d'être capitaine TOME 2

228

Page 229: Avant d'être capitaine TOME 2

229

Page 230: Avant d'être capitaine TOME 2

230

Page 231: Avant d'être capitaine TOME 2

231

Dès la parution de mon premier livre, je suis sollicité pour faire des conférences.Les demandes se multiplient et fur et à mesure que sont publiés mes écrits. Les sujets varient.J’en cite quelques uns pour mémoire. Il y a certainement des oubliés.En sus de ces conférences quelques articles sortent sous ma plume dans des revues de diverses sociétés, par exemple : «L’Abbaye cistercienne de Saint-Aubin» (le Pays de Dinan), «Les mottes féodales de pays de Matignon» (Amis du vieux Lamballe) … etc…

J’ai déjà évoqué mon activité sentiers. Durant des années, les mois d’été, en général le samedi après-midi, quelquefois en semaine, j’ai conduis des cohortes de touristes intéressés le long de divers sentiers intérieurs ou littoraux, à la découverte de sites, châteaux, manoirs, chapelles, calvaires, vestiges…Je m’arrange toujours pour agrémenter mes circuits de quelques anecdotes croustillantes. Les gens aiment. Et à l’issue de chaque ballade c’est toujours la même question : « Quand a lieu votre prochaine tournée ?»Pour donner plus d’intérêt aux sites visités j’ai conçu et réalisé moi même de grands panneaux explicatifs, une vingtaine d’environ 1 mètre sur deux.

Liste de panneaux mis en place sur les circuits de promenade (pour plus de détails voir le tome 8) :- La Motte Féodale des Guerches en Matignon- Le sentier des Templiers au Port à la Duc et à Saint Sébastien- La préceptorerie templière de la Caillibotière- La tour Montbran- La Chapelle du Temple- Le château du Vaurouault- Le circuit de l’Îlet- Le Moulin de la Hunaudaye- Les Salines de Sables d’Or- Le petit train départemental- Le manoir des Cognets- Le moulin de Montafilan- Le manoir St Michel (Sables d’Or)- Le Télégraphe Chappe- Carrien

Un jour de 2001 j’ai, avec amertume, constaté la disparition d’un de ces panneaux (vengeance agricole?). Le Syndicats des Caps, contacté, n’a pas réagi.Je crains donc que tous ces panneaux, fruits de longues recherches, à la longue disparaissent.

Page 232: Avant d'être capitaine TOME 2

232

Page 233: Avant d'être capitaine TOME 2

233

C’est pourquoi j’ai décidé d’en garder trace dans le dernier tome de ces mémoires.NB: Fin Avril 2002. Le Syndicat des Caps me renvoie une dizaine de panneaux pour rénovation. Parmi eux : le télégraphe Chappe très abîmé après un séjour dans un fossé.

L’âge venant, petit à petit, je passe la suite au Syndicat des Caps, bien instruit des sites à visiter.Autres conséquences de mon activité culturelle :- Interviews aux radios locales de Dinan, de Saint Brieuc,… et de Fréhel.- Interviews par des présentateurs vedettes de télévision Nationale : Jean Claude Bourret, Roger Gicquel.En somme une toute petite notoriété locale qui ne me tourne pas la tête.Mais qui a été pour moi une revanche sur les déconvenues qui ont précédé mon retour à Carrien.

Une question vient à l’esprit concernant mes livres, tout au moins ceux édités à mon compte. Quel en a été le rapport financier final ?Tout a été comptabilisé minutieusement. Et les bénéfices en ont étés déclarés chaque année aux impôts. D’ailleurs, dès la première année, je me suis rendu à l’Hôtel des Impôts de Dinan voir l’inspecteur, Mr Carrée, qui traite ces problèmes. Il m’a indiqué ce qu’il fallait et je n’ai jamais eu le moindre ennui avec le fisc.Cela dit, au premier janvier 2001, 8312 livres vendus m’ont rapporté un bénéfice net, hors impôts, de 381 287 francs. Ce qui a agrémenté ma retraite ! et m’a permis d’offrir une petite voiture Clio Renault neuve à mon épouse qui a eu le grand mérite d’aller à l’assaut des librairies, ce qui n’a pas été facile, surtout au début où mon nom était totalement inconnu.Comment se décompose ce bénéfice, qui n’est que provisoire au 01.01.01 puisqu’il reste quelques centaines de livres à vendre (j’arrondis les sommes) : Première édition Fréhel Plurien Marie Josèphe Saint Cast Deuxième édition Fréhel

Sur 9 174 livres fabriqués, 90% ont été vendus. Les autres ont été soit remis au dépôts légaux, soit offerts à la famille, à des amis ou à des collaborateurs. Beaucoup de livres «Marie Josèphe» ont été ainsi distribués gracieusement.Cette rémunération est le juste et maigre prix de mes efforts. Sur «Saint Cast» par exemple il y a eu 4 000 heures de travail répartis sur 3 années. Ce qui équivaut à un salaire horaire d’environ 35 francs. Nous sommes bien en dessous du SMIC!

85 00062 00058 000143 00031 000

Page 234: Avant d'être capitaine TOME 2

234

Pour conclure ce chapitre je dois dire que cette activité culturelle m’a certes pris beaucoup de temps mais qu’elle m’a apporté beaucoup de satisfaction.Des années durant, pendant et après mes publications, j’ai reçu maintes lettres, maintes appels téléphoniques, maintes visites de gens intéressés par l’histoire locale.Parmi ces gens beaucoup de jeunes étudiants préparant quelque thèse ou autre examen. Je me suis toujours prêté de bonne grâce à leur sollicitations.Et je dois dire, sans fausse modestie, que je n’ai guère eu de reproches concernant mes ouvrages. Les compliments reçus soit de vive voix, soit par écrit, ont été pour moi la meilleure des récompenses.Un regret : que la municipalité de Fréhel se soit désintéressé de mon activité culturelle. J’vois la, sans doute, une séquelle des conflits qui, durant une dizaine d’années, m’ont opposé à la dite municipalité au sujet de la défense notre l’environnement, conflits narrés dans le chapitre qui suit.

Page 235: Avant d'être capitaine TOME 2

235

Page 236: Avant d'être capitaine TOME 2

236

Page 237: Avant d'être capitaine TOME 2

237

Page 238: Avant d'être capitaine TOME 2

238

Page 239: Avant d'être capitaine TOME 2

239

Page 240: Avant d'être capitaine TOME 2

240

Page 241: Avant d'être capitaine TOME 2

241

QUELQUES PHOTOS

Page 242: Avant d'être capitaine TOME 2

242

Cliché utilisé pour la couverture de l’»Histoire de mon village : Plurien»

Page 243: Avant d'être capitaine TOME 2

243

Longtemps après la parution de mon livre «Marie-Josèphe», j’ai, un

jour, pris contact à Morieux avec une Dame qui réalise

des vêtements de poupées. Je lui ai remis une copie de la description

du costume revêtu par Marie-Josèphe lors de son mariage en

1852.Une poupée a ainsi été habillée

comme le fut notre héroïne. Elle a sa place d’honneur dans le grand

salon de Carrien.

Page 244: Avant d'être capitaine TOME 2

244

Daniel de La Motte Rouge fait un court exposé lors d’une exposition du Cosinat à la chapelle de Sables d’Or les Pins.

Promenade à la pointe de St Cast à Matignon. Au monument de la frégate «Laplace»

Page 245: Avant d'être capitaine TOME 2

245

Pot d’inauguration d’une exposition à la chapelle de Sables d’Or.

Discours d’inauguration de deux expositions «Cosinat» à la chapelle de Sables d’Or

Page 246: Avant d'être capitaine TOME 2

246

Discours d’inauguration de deux expositions «Cosinat» à la chapelle de Sables d’Or

Page 247: Avant d'être capitaine TOME 2

247

En remontant l’ÎletAoût 1993

Comme à l’accoutumée j’ai le sifflet pendu au cou

Un coup de sifflet : tout le monde s’arrête.

Un coup de sifflet : tout le monde se tait et écoute.

Pas question de chuchoter en aparté.

Page 248: Avant d'être capitaine TOME 2

248

Dans la chapelle du Temple

Page 249: Avant d'être capitaine TOME 2

249

L’abbaye de Boquen

Page 250: Avant d'être capitaine TOME 2

250

À CarrienPromenade sur le thème :

«Châteaux et Manoirs du Pays de Fréhel»

Ma dernière promenade d’Août 2001Visite commentée de la belle chapelle Notre Dame de Hirel en Ruca (avec la collaboration de Madame Carrière de Ruca, une lointaine cousine)

Page 251: Avant d'être capitaine TOME 2

251

Page 252: Avant d'être capitaine TOME 2

252

Page 253: Avant d'être capitaine TOME 2

253

27_RETRAITE À CARRIEN : LA DÉFENSE DU PATRIMOINE

Page 254: Avant d'être capitaine TOME 2

254

Je me suis lancé assez naïvement dans cette aventure qui m’a causé bien des ennuis et a quelque peu assombri, des années durant, la quiétude de la retraite.Me promenant dans la campagne environnant Carrien je réfléchis aux dégâts causés à la nature : remembrement assassin, prolifération des cochons. Je pense à la beauté paysanne de mon enfance et de mon adolescence.Tout a été massacré. Le mot n’est pas trop dur. Tout a été sacrifié à la production de masse. Le maire de Pléhérel, Joseph Hourdin, a été le chef d’orchestre de cet assassinat.Je roule de sombres pensées lors de mes promenades solitaires.

Puis un jour dans le journal «Ouest France» un article fort bien rédigé sur l’écologie par un jeune scientifique briochin, nommé Michel Danais.Je lui adresse un mot pour lui dire combien j’approuve son article.Et j’ai sa visite à Carrien, à ma grande surprise. Il me dit son souhait de voir se réveiller une population locale endormie, aseptisée par le dirigisme de son maire en procès avec la SEPNB (Société d’Études et de Protection de la Nature en Bretagne) pour avoir tracé et réalisé, contre l’avis des Pouvoirs Publics, une route en pleine lande de Fréhel.Danais me signale 4 personnes actives de la commune : le docteur et madame Le Guet, monsieur et madame Bonneton, tous de Plévenon.Je leur fait visite et c’est ainsi que naît, petit à petit, l’idée de fonder une association de défense du patrimoine, naturel et culturel.Mais ce n’est pas là une petite affaire. Il me faut trouver des volontaires et penser que nous aurons contre nous presque tout le Conseil Municipal, animé par le féroce Hourdin.

Je lance une première flèche sous forme d’un article publié par Ouest France qui dénonce le saccage de la lande par la création d’une nouvelle route voulue et créée par Hourdin, malgré toutes les interdictions officielles.

Page 255: Avant d'être capitaine TOME 2

255

Page 256: Avant d'être capitaine TOME 2

256

Ce qui lui a valu d’être traîné en correctionnelle par la SEPNB et d’être condamné à 5 000 francs d’amende vite payée par une quête chez l’habitant.De cette malheureuse expérience Hourdin a gardé une grosse rancune envers les écologistes de tout poil.La réponse à mon attaque ne tarde pas sous forme d’une page entière de l’hebdomadaire municipal intitulée «Fausse route».Hourdin, quand il s’attaque à un adversaire, devient très caustique. S’il s’agit d’un médecin il tire «Faux diagnostic». Le marin a eu droit à «Fausse route». Au début de sa carrière de Maire, s’attaquant dans son journal à mon beau-père, Charles Gautier, son prédécesseur dans la fonction, il le traitait de vieillard décadent.

Le conflit étant entamé, il me faut organiser mon corps de bataille. J’ai vite des partisans car Hourdin et sa politique dictatoriale ne sont pas prisés de tous.Je lance publiquement une invitation à une assemblée générale constitutive qui doit se tenir un soir dans la crêperie située à l’orée de la lande et tenue par Françoise Lemercier et son mari.La salle est pleine. L’idée d’une association pour la protection de nos sites est acceptée d’emblée.J’en prends la présidence, que je vais conserver 10 ans. Vice Président : le Docteur Le Guet. Trésorier : Raymond Andouard, une vieille connaissance, mon adjoint dans la Résistance.Un de mes plus précieux collaborateurs est le père Andouard, du Vieux Bourg, ex-capitaine au long cours, spécialiste des langues celtiques puisqu’il a rédigé un dictionnaire des termes marins en breton, gallois, écossais et irlandais.Je citerais aussi un éminent spécialiste du nucléaire, Mr Guéguen, originaire de la Croix Rouge en Erquy, ancien Professeur en Sorbonne. «Je viens vers vous, nous dit-il un jour, car j’estime que les associations de défense de l’environnement sont les gardes-fous des autorités qui, en leur absence feraient de grosses bêtises.»

Evidemment la création de cette association n’est pas du tout du goût d’Hourdin. J’ai appris plus tard que quelques unes de ses têtes brûlées s’étaient rassemblées le soir de notre première réunion, la nuit tombée autour de la crêperie, décidés à contrer notre action. Il ont reculé en voyant la foule des participants.Quand les statuts de l’Association ont été rédigés il a fallu envoyer dans diverses directions, en particulier au Journal Officiel, pour diffusion. Parmi les destinataires figure le Procureur de la République de Dinan. Je décide de lui remettre un exemplaire des statuts en mains propres. Et, à mon grand étonnement, Monsieur Corème, c’est le nom du procureur, me reçoit durant une heure dans son bureau me disant tout le plaisir qu’il ressent de

Page 257: Avant d'être capitaine TOME 2

257

Page 258: Avant d'être capitaine TOME 2

258

voir se créer une telle association de défense du patrimoine.Il me confie que, lors de la réalisation de la route illégale par Hourdin, à travers la lande, il a voulu inculper ce dernier et le faire traduire en justice. Il en a été empêché par intervention du Préfet. Obstruction qu’il n’a pas digéré.Depuis cette entrevue je souris quand on me parle d’indépendance de la justice. Les hauts fonctionnaires «qui ne veulent pas de vagues» durant leur séjour (réflexion que m’a faite un sous-préfet), les hommes politiques qui ne songent qu’à leur réélection, les groupes financiers qui ne pensent qu’au profit… tous défigurent la belle image de la démocratie et de son rempart que devrait être la justice.À quand un ministère de «coups de pieds au cul» ?

La création d’un journal diffusé dans toute la commune, sans le moindre sou de subvention, la montée en puissance de notre association : le «Cosinat» (conservation des sites et de la nature), amènent Hourdin à fonder une contre association : «Agir pour Fréhel» qui terminera bien vite son existence.N’acceptant pas la création du «Cosinat» Joseph Hourdin a semé la haine dans les cœurs des gens mal informés. Je deviens l’homme à abattre de la commune. J’ai commis un crime de lèse majesté en m’opposant haut et fort à la quasi domination d’Hourdin sur la commune.Rentrant un jour de voyage je trouve, dans ma boite aux lettres une lettre anonyme de menace de mort. Et on s’aperçoit que les parterres de fleurs qui longent le mur de la route sont chloratés. Aussitôt je dépose plainte, ainsi que Marie, à la gendarmerie de Matignon.Peu de temps après, au cours d’une réunion en Sous-Préfecture, le Sous-Préfet tance le maire, lui reprochant de ne pas faire respecter l’ordre dans sa commune et de donner le mauvais exemple. L’atmosphère est explosive entre le Secrétaire présent de SEPNB et le Maire de Fréhel. Des menaces d’autres poursuites sont proférées.

À l’issue de cette réunion le Sous-Préfet me reçoit seul dans son bureau, me dit son inquiétude de voir dégénérer cette affaire et me demande d’intercéder auprès de la SEPNB pour que ses menaces ne soient pas mises à exécution.J’intercède les jours suivants, à mon corps défendant, et l’affaire se calme au grand soulagement du Sous-Préfet qui, sur le coup, rédige pour moi une demande de promotion dans la légion d’Honneur (sic) ! Je n’en ai plus entendu parler…Cette affaire monte cependant à Paris. Un jour, participant à une réunion au Ministère de l’Équipement je suis présenté au Ministre, Monsieur d’Ornant qui, d’emblée, me déclare : «Ah c’est vous qui avez été menacé de mort et dont on a chloraté les parterres ?»Bref, durant des mois une atmosphère de guerre règne sur la commune.

Page 259: Avant d'être capitaine TOME 2

259

C’est l’époque où le Cosinat est à son apogée : plus de 600 membres, ce qui prouve que nous ne sommes pas des parias.De connivence avec quelques amis, dont Émile Rolland, une offensive électorale est lancée, visant à déboulonner Hourdin. Rien à faire. Il est conforté dans son poste de maire.Le temps passe.Nous nous efforçons de défendre notre patrimoine. Exemple : aménager des sentiers sur la pointe du Cap, pour que soit respecté l’ensemble de la lande. Le travail à peine achevé est aussitôt détruit par les gens de Plévenon sur l’instigation d’Hourdin.Je réunis à Plévenon quelques hauts spécialistes de l’environnement, tel le professeur Lefeuvre de l’Université de Haute Bretagne. Un compte rendu est envoyé au Maire avec des propositions constructives, visant à mettre en valeur la lande de Fréhel. Peine perdue. Autant parler à un mur.Je lui propose un jour, puisqu’il ne veut rien faire, de céder la lande au Conservatoire du Littoral. Refus.Quand je vais le voir il rejette toute proposition conciliatrice. Un jour il me rétorque : «Mais tu te prends pour le Pape, à vouloir toujours prêcher !»Arrive de nouveau le moment de préparer les élections municipales. Je vais voir Hourdin. «Oublions nos querelles», lui dis-je, «Essayons d’œuvrer ensemble. Prends moi sur ta liste. Le poste de maire ne m’intéresse pas. Mais, si je suis élu, tu me confies la gestion du patrimoine et, partant, le développement de la commune. Je te préviens cependant. Je serais loyal mais pas docile.»Je prêche dans le vide une fois de plus. Je ne suis pas sur la liste Hourdin.Je m’inscris candidat indépendant. Je capte quelques centaines de voix. Mais pas assez pour être élu. Suffisamment cependant pour faire trébucher Hourdin à qui il manque un conseiller pour être majoritaire, donc élu maire. J’ai ma revanche.Hourdin ne supporte pas être déboulonné du poste de maire où il règne depuis plus de 30 ans. Il s’acharne alors à détruire ce qu’il a construit : l’union de Pléhérel et Plévenon afin de reconquérir la direction de Pléhérel qui lui est dévoué.La mort vient interrompre son élan.Le chef disparu les excités se calment. Petit à petit tout rentre dans l’ordre. C’est fou ce qu’un meneur décidé, tel Hourdin, peut exciter les foules et leur faire absorber des mensonges. Par notre journal, «Contre vents et marées» dont j’ai conservé une collection complète, nous avons, des années durant, essayé d’attirer l’attention de la population sur la dégradation de nos sites.Les terres, les rivières, la mer elle-même seront pollués si nous n’arrêtons pas ce mode de culture intensive chaudement encouragée par les syndicats agricoles et le Crédit du même nom.Un jour, nous sommes allés Marie et moi à un conférence faite à Paimpol par un Ingénieur Agronome et un Docteur en Médecine sur l’évolution des

Page 260: Avant d'être capitaine TOME 2

260

Page 261: Avant d'être capitaine TOME 2

261

denrées alimentaires, fruits de cette culture intensive. Nous sommes sortis, effarés de ce que nous avions entendu. Ce n’est pas possible que cela arrive nous sommes nous dits.Et pourtant c’est arrivé. Les sols gavés de nitrates, ainsi que les ruisseaux et les puits. Les baies, comme celle de la Fresnaye, sont couvertes d’une épaisse couche d’algues vertes qui, entrant en putréfaction sous le soleil, répandent une odeur désagréable.Bref : Vent de terre : ça sent le lisier. Vent de mer : ça sent l’algue vert. La pollution est partout.Les pouvoirs publics, les syndicats commencent à mesurer l’ampleur du problème. Petit à petit une saine culture biologique, tant décriée au début, se fait connaître et apprécier.

Il est une activité dans laquelle je me suis investi peu de temps après avoir fondé l’association «Cosinat», c’est la fouille de sauvetage de la Ville gallo-romaine de Sable d’Or. Ses fondations apparaissent à flanc de falaise et, de temps à autre, s’écroulent dans la plage. Je prend contacte avec le Directeur des Antiquités de Bretagne, Monsieur Sanquer, professeur à l’Université de Brest. Après bien des discussions il est convenu que la fouille sera dirigée, à Pâques, par le professeur Langouët, de l’Université de Haute Bretagne à Rennes. J’obtiens, à l’arraché, que les vestiges recueillis ne quitterons pas la Bretagne. On les confiera au Musée de Corseul, qui a le mérite d’exister.J’assume, durant deux semaines de fouille, la direction logistique de l’opération, ce qui consiste surtout à recruter des volontaires, trouver des outils et de quoi nourrir et abreuver nos gens, car il fait chaud.Je pensais que le corps enseignant de Fréhel, avisé de la fouille, mettrait à profit la période des congés pour inciter les jeunes à participer à l’opération, voire à les encadrer. Il n’en a rien été. Où est le dévouement des instituteurs d’autrefois?Cette fouille, relatée dans mon livre sur Fréhel a été payante sur le plan des connaissances acquises sur cette période du passé de notre commune.Les fouilles effectuées, Langouët décide de la combler pour éviter une déprédation. Grogne de la population qui se sent lésée, après avoir été indifférente.

Concernant la défense des sites, tels la lande du Cap il y a eu ces dernières années (vers 1990) un net progrès par la création d’un syndicat des Caps, fruit de l’association du Conseil Général et des communes d’Erquy, de Plurien et de Fréhel. Mission : défense et mise en valeur du patrimoine des deux Caps.

Pendant 10 ans je tiens la barre du «Cosinat». La neuvième année je préviens mes gens : «Il est grand temps de passer le relais. Ce n’est pas une bonne

Page 262: Avant d'être capitaine TOME 2

262

chose de rester trop longtemps à la tête d’une entreprise. Il faut lui apporter du sang neuf.» Je parle d’expérience puisque durant tout mon séjour dans la Marine, je changeais tout les deux ou trois ans d’affectation.À chaque fois je devais me remettre en cause et secouer la routine, cette habitude qui supplante en nous la raison comme dit le poète.Je sens que les choses ne vont pas bien sur le terroir : la lande, Sables d’Or sont le théâtre d’actions néfastes. Et nous n’avons pas la force de nous y opposer.Je dénonce par lettre à la Préfecture l’état de dégradation de la plage de Sables d’Or qui maigrit à vue d’œil et du recul corrélatif du cordon dunaire.La Préfecture s’émeut. Une réunion à lieu à Saint Brieuc où je suis le seul à dénoncer l’action nocive des sabliers qui opèrent illégalement à peu d’encablures du rivage.Personne parmi les fonctionnaires présents n’ose affronter les représentants des sabliers qui clament haut et fort «nous mettons plusieurs centaines de gens au chômage si on nous enjoint de stopper l’extraction maërl.»Ce jour là mon taux d’adrénaline a dû battre des records.Et rien n’est sorti de cette conférence où les représentants de la DDE littoral se sont montrés de la plus mauvaise foi, niant la présence des sabliers en deçà des trois miles nautiques. « Prouvez nous que tel sablier était là, tel jour.» Je leur rétorque que je ne suis point gendarme maritime.Bref Sable d’Or a continué à se détériorer et la municipalité, qui n’a pas bougé, s’est contenté d’édifier une mini digue en un endroit vulnérable, sans s’interroger sur le devenir de la plage.Devant ces agressions répétées et l’obscurantisme administratif, je prends contact avec la direction de la SEPNB (Société d’Études et de Protection de la Nature en Bretagne) avec laquelle j’ai déjà pris langue lors de l’affaire de la route illégale sur Fréhel étant très maigres. J’apporte 600 adhérents dans la corbeille de mariage.Mais cette initiative est très mal perçu par Madame Le Guet et Raymond Andouard. «Le Cosinat va perdre de son charme. Nous étions entre copains…etc…»Je décide de convoquer une assemblée générale pour porter le problème devant les troupes.Stupéfaction : le même jour, à la même heure Madame Le Guet organise chez elle une autre réunion.C’est là une mutinerie pure et simple. Si le «Cosinat» avait été un navire d’un autre siècle je pendais la Mère Le Guet haut et court dans la mâture et je mettais ceux qui l’ont suivie à croupir au fond des cales parmi les rats.Mais ces temps de la Vieille Marine sont révolus. Il y a donc sécession. J’en tire la conclusion que je ne suis plus écouté d’une partie de mes troupes. J’adresse dès le lendemain une démission écrite au Bureau.Un mois plus tard je passe la suite à Monsieur Glémot, du Vieux Bourg, industriel installé à la ville Roger, déniché par Madame Le Guet qui, bonne

Page 263: Avant d'être capitaine TOME 2

263

Page 264: Avant d'être capitaine TOME 2

264

parleuse, se garde bien d’assurer quelques responsabilités.La suite est décevante. Plusieurs présidents se succèdent qui ne prennent guère la peine de diriger le vaisseau «Cosinat» lequel perd vite de sa vigueur et de son éclat.Je m’interdis d’assister à toute réunion ne voulant pas influencer mes successeurs. J’adopte en la circonstance la coutume marine qui veut qu’un Commandant quittant ses fonctions se garde bien de remettre les pieds à bord.Le «Cosinat» sombre quelques années après mon départ.

Avant de quitter le chapitre environnement je veux évoquer mon court passage à la tête de la FAPEN (Fédération des Associations de Protection de l’Environnement et de la Nature). Cette fédération œuvre sur les Côtes du Nord devenues Côtes d’Armor.À peine élu à la tête du «Cosinat» je suis invité à une réunion de la FAPEN par sa Présidente fondatrice, Madame Prigent.J’ouvre une parenthèse pour parler de cette personne hors du commun. Geneviève Prigent native du Trégor épouse en 1941 le Prince de Monténégro, ce petit état des Balkans intégré en 1918 à la Serbie puis, en 1931, à la Yougoslavie.Ce prince déchu est traducteur et agent commercial. Il a fait ses études à l’École des Sciences Politiques.De ce mariage naît, en 1944, à Saint Nicolas du Pelem (22) le prince Nicolas Petrovitch Njegosh. Sa mère est alors une figure de la résistance. Puis elle milite dans la défense de l’environnement.Elle se sépare de son mari et reprend son nom de jeune fille. Son fils se pique d’écologie. Il se fait architecte.Il prend un contact actif avec le pays de ses ancêtres, participe à des cérémonies, fonde une association d’aide aux Serbes et Croates.Cette activité se marie mal avec sa profession. Marié à une styliste de mode il vit avec ses deux enfants dans un modeste trois pièces parisien.Il dénonce l’action de Milosevic et de son entourage militaire et trafiquant. Mais n’a nulle envie de prendre du service comme Roi du Monténégro.

Revenons à la FAPEN. Dès notre première rencontre à Lannion, Madame Prigent me fait les yeux doux. Elle cherche un remplaçant, lasse de porter la FAPEN à bout de bras.Encouragé par le couple Le Guet je finis par donner mon accord. Me voilà Président de la FAPEN. Et je dois dire que mes rapports personnels avec le Préfet, le Secrétaire Général de la Préfecture et les chefs des services équipement, sécurité, agriculture sont excellents. Parce que je ne pose pas d’oukases mais je propose des discussions.Hélas il n’en est pas de même avec les militants de la FAPEN. Les hostilités se déclenchent peu de jours après mon élection à la présidence. Interviewé

Page 265: Avant d'être capitaine TOME 2

265

Page 266: Avant d'être capitaine TOME 2

266

par le journal «Ouest France» je déclare que je vais mettre en œuvre une écologie «raisonnable» c’est-à-dire qui tienne compte des besoins humains.La plupart des dirigeants d’associations qui siègent au bureau ont alors à mon encontre une conduite que je n’hésite pas à qualifier d’odieuse. Je deviens le paria, le militaire, le hors venu parmi les barbus, chevelus, pour beaucoup enseignants et perpétuels contestataires.J’ai signé pour un an. Je reste un an à la tête de cette fédération. Que je quitte avec un net soulagement. Depuis j’ai pratiquement rompu avec ces écolos verts à l’extérieur, rouges à l’intérieur.Mon départ est par contre, on me l’a dit, regretté en Préfecture qui m’offre alors de siéger en «Commission Départementale des Sites» en qualité de «personne compétente» ce qui met en rage les écolos du coin. C’est là une petite revanche.

La sympathie que me porte la Préfecture se traduit un jour par une invitation au Palais de l’Élysée, pour un cocktail du 14 juillet. Oh ! Je ne suis pas le seul. Il y a beaucoup de monde à cette cérémonie à laquelle, au départ, je refuse de me rendre. Je fuis les mondanités.Mais Marie n’est pas de cet avis. Il faut dire que c’est l’occasion pour elle de rajeunir sa garde-robes. Un camarade a une autre vision de l’événement : «Vas-y, c’est l’occasion de récupérer une partie de tes impôts !»Nous voilà donc sur les Champs-Élysées, près de la tribune d’honneur, contempler le défilé militaire.Après, direction l’Élysée où se pressent beaucoup de gens invités eux aussi par le Président Valéry Giscard d’Estaing, par le truchement des Préfectures.Au cours du cocktail nous avons l’occasion de côtoyer quelques personnalités : le Premier Ministre de l’époque : Raymon Barre, le journaliste Léon Zitrone et bien d’autres gens.Nous sommes choqués, Marie et moi, par le comportement de beaucoup d’invités qui, sur la fin de la réception se ruent sur les décorations florales pour en cueillir un ou plusieurs éléments.Ce jour là je pense à mon père qui, dans ma jeunesse, me dit un jour : «Tu n’iras jamais chez le Président de la République avec ta façon de te tenir à table.» «Mais si, Papa, j’y suis allé et je suis même le seul de la famille à y avoir été.»

Parmi les personnages que j’ai approché sur le terroir je veux citer Jean Claude Bourré, présentateur vedette de la télévision.Il me contacte un jour pour faire un reportage sur la lande de Fréhel. Accord conclu. Rendez-vous est pris à proximité du Fort la Latte, lieu convenu pour l’interview.Nous rendant là-bas nous croisons, dans la rabine qui descend au Fort, de nombreux touristes qui reconnaissent et dévisagent Jean Claude Bourré, lequel arbore un sourire radieux, dominateur, apparemment très imbu de

Page 267: Avant d'être capitaine TOME 2

267

Les expositions de Sables d’Or les Pins

Durant ma présidence le COSINAT a organisé chaque année une exposition sur le patrimoine, dans la chapelle de cette station.

Durée : 10 jours. Chiffre moyen des entrées : 4 000.L’admission était gratuite. Une sébile recueillait, à la sortie, les offrandes des visiteurs satisfaits, ce qui couvrait les frais de l’exposition. Quelques

uns des thèmes :- Sables d’Or des Romains à nos jours

- Les merveilles de la nature :oiseaux, fleurs, coquillages, minéraux, fossiles...

- Les algues marines- SOS patrimoine

- La mer des Faluns- Fréhel et la mer :exposition de belles maquettes de navire par les amis de

Saint Cast et le Recteur de la Bouillie (Giffard)t

1985 - Sur le sentier de Grande Randonnée GR34, le dos au Fort La Latte, je réponds aux questions du journaliste de la télévision Jean

Claude Bourré, sur l’histoire du Fort et de la Lande de Fréhel, tandis qu’opère le cameraman.

Page 268: Avant d'être capitaine TOME 2

268

sa popularité.Ainsi vont les petits de se monde qui, petite lucarne aidant, ont vite fait de se croire des Seigneurs.Cela dit la prise de vue et de son déroulement de façon tout à fait correcte mis à part le fait que j’ai dû, à plusieurs reprises refaire ma prestation, ma tendance étant de regarder mes souliers plutôt que la caméra.

Autre personnage à qui j’ai eu affaire et que j’ai déjà mentionné au chapitre précédent : Roger Gicquel, autre présentateur vedette de la télévision.Il monte des émissions d’information sur la Bretagne, dont il est originaire. Son équipe me contacte et me fait savoir ce qu’elle souhaite voir filmer et commenter. Le jour «J» Roger Gicquel débarque avec sa troupe, 5 ou 6 personnes, à Carrien. Je l’accueille, comme il se doit, très courtoisement et l’informe que j’ai préparé un certain nombre de questions qui l’intéressent et auxquelles je puis répondre.Il me rétorque froidement : «C’est moi qui choisit les questions». Je vois rouge et lui répond du tac au tac : «Il me paraît insensé de me poser des questions auxquelles je ne pourrais pas répondre.»Et j’ajoute : «Monsieur Gicquel je ne suis pas allé vous chercher. C’est vous qui avez sollicité mon concours. Si mon offre de service ne vous convient pas vous pouvez repartir séance tenante. Je ne vous retiens pas.»Le ton agressif de mon interlocuteur s’est de suite radouci. Et la série d’interviews sur la lande et les Templiers s’est fort bien déroulée.Certains seigneurs, ou qui se croient tels, ont besoin de temps à autre d’être mouchés.

Mais l’affaire n’en reste pas là !L’Association Culturelle de Pléboule estime que j’en fais trop :- toutes les semaines de l’été elle me voit envahir son terroir avec des touristes,- j’ai eu le front de publier une plaquette sur les Templiers qui fait concurrence à une autre, moins complète et cousue d’erreurs, publiée quelques années auparavant par la dite association,- et pour corser le tout me voilà à la télévision interviewé devant la chapelle du Temple !Ces gens de Pléboulle voient rouge en pensant qu’un «étranger» à la commune envahit leur territoire, alors qu’ils devraient se réjouir de la publicité gratuite que je leur fais !Ils se plaignent au maire Charles Dagorne et, en guise de représailles, lui demandent d’ôter les deux panneaux explicatifs que j’ai pensé, réalisé et fait mettre en place près de la Tour et de la Chapelle du Temple, avec plein accord du prédécesseur de Charles Dagorne à la Mairie.Dagorne, lâche en la circonstance, obtempère.Quand, entrant de voyage, j’apprends cette ignoble mesure, mon sang ne fait qu’un tour. Il tergiverse. «Non, ce sera de suite» lui dis-je et me voilà en route

Page 269: Avant d'être capitaine TOME 2

269

Page 270: Avant d'être capitaine TOME 2

270

pour Pléboulle.Autant vous dire que les propos échangés n’ont pas été très courtois. Le lendemain les panneaux ont réintégré leurs places.

Je pensais, après cet épisode, que les ponts seraient définitivement coupés avec Pléboulle. Il n’en fut rien. Au contraire. Depuis cette date je suis invité par l’Association locale à toutes ses manifestations : conférences, expositions, certains de ses membres me font visite. Constantin est ignoré !Cela me conforte dans ce que j’ai toujours pensé : il ne faut pas fléchir devant l’adversité sinon elle vous méprise.

Rappelons d’ailleurs le vieux dicton :

«Oignez vilain, il vous poindraPoignez vilain, il vous oindra.»

Toute différente fut l’attitude décevante d’Yves Constantin, Directeur du Syndicat des Caps, au nom duquel ont été mis en place les deux panneaux explicatifs.Avisé par le maire de Pléboulle de sa décision de les ôter, il n’a pas du tout réagi. Son comportement m’a rappelé celui du Sous-Préfet de Dinan, rapporté par ailleurs : «Surtout pas de vagues».Depuis cet incident mon estime pour Yves Constantin a beaucoup baissé.Je profite de la circonstance pour parler de ce garçon.Recruté par le syndicat des Caps, sur concours, c’est un garçon sympathique, très ouvert et, je crois, très compétent. Il est bardé de diplômes universitaires ayant trait à l’environnement.Originaire des environs de Guinguamp, marié à une jeune allemande, très gentille, il s’est trouvé un peu dépaysé à son arrivé chez nous. C’est alors que j’ai fait sa connaissance et lui ai proposé une loyale collaboration. Je lui ai transmis toutes mes fiches (environ 30) concernant mes promenades. Je l’ai invité à m’y suivre, ce qu’il a fait deux ans durant.Parallèlement à cette action je lui ai trouvé logements : deux provisoires d’abord, un définitif au Vaurouault. À deux reprises je l’ai convié à déjeuner avec sa jeune femme. Mais il n’y a pas eu de retour. Aucune invitation n’est venue de lui. Pas même un simple pot d’amitié.Après la déception causée par l’affaire des panneaux qu’ai-je pensé d’Yves Constantin ? Du bien dans l’ensemble car le résultat de ses travaux (mise en valeur du terroir) est remarquable.Mais que de lacunes dans la vie journalière ! Tout son personnel le tutoyant, il n’a guère d’autorité. Je ne puis que constater un certain laisser aller. Du personnel qui arrive tard au travail, qui discute, qui boit café sur café, qui use et abuse de permissions. On est entre copains, que voulez vous ! Mais le rendement de l’ensemble s’en fait sentir !

Page 271: Avant d'être capitaine TOME 2

271

Ce laissez aller a même abouti au vol de 10000 francs, résultats de recettes, déposées négligemment dans une boite en fer, dans une simple armoire au Cap Fréhel.Si j’avais siégé dans l’organisme de tutelle du Syndicat des Caps, j’aurais exigé une sanction exemplaire.En résumé nous sommes là, en présence d’une gestion du type Université : beaucoup de moyens, beaucoup de gaspillage.

Mon amour du patrimoine, mes recherches historiques m’ont amené un jour à faire du cinéma ! Eh oui ! J’ai joué le rôle du Marquis de la Guyomarais dans un court métrage tourné par un artisan peintre local, Monsieur Hamelin, de Fréhel, très entiché de cinéma.Ce film, dont je détiens un exemplaire, est intitulé : «Le Marquis de la Rouërie. Drame à Saint Denoual.»Il relate un drame qui s’est déroulé sous la Révolution dans notre terroir. Un jeune noble, le Marquis de la Rouërie, lutte contre le pouvoir républicain en place. Traqué par les «Bleus» (soldats du régime) il trouve refuge à la Guyomarais qui s’évanouit dans mes bras. Bref en fin de compte je suis arrêté, condamné à mort et guillotiné.Le tournage de ce film qui s’est fait en divers endroits, dont une courte séquence à Carrien, m’a intéressé. Mais j’ai réalisé combien est difficile métier d’acteur qui doit parfois réciter de longues tirades devant la caméra. Combien de fois ai-je dû m’interrompre. «Merde, je ne m’en souviens plus.» On recommence.À l’issue du tournage j’ai d’ailleurs reçu le prix symbolique décerné à l’acteur qui a dû recommencer souventes fois les scènes. Le charme de la Marquise tombant dans mes bras m’a peut être troublé !Cela dit je suis retourné plus tard à la Guyomarais assister à l’inauguration d’une stèle à la mémoire du Marquis de la Rouërie, compagnon de l’Ordre Américain de Cincinatti, en présence de personnalités américaines car là-bas, en Amérique, on se souvient de celui qui est venu de France combattre l’indépendance du pays.

Quelle conclusion tirer de l’ensemble de ce chapitre?Dans ce pays il est difficile d’entreprendre quelque chose qui change les habitudes des gens, fut-ce pour leur bien. Une routine est ancrée en eux.Je pense que notre génération, oh combien destructive, s’effacera pour laisser la place à une jeunesse entreprenante mais consciente de l’impétueuse nécessité de veiller à la conservation de notre patrimoine.Car, comme je l’ai écrit dans un de mes livres, un peuple qui efface, qui oublie ses racines, qui n’a plus de mémoire collective est un peuple qui perd son âme.

Page 272: Avant d'être capitaine TOME 2

272

Page 273: Avant d'être capitaine TOME 2

273

Page 274: Avant d'être capitaine TOME 2

274

Page 275: Avant d'être capitaine TOME 2

275

28_“N’GOR”

Page 276: Avant d'être capitaine TOME 2

276

À l’heure où je rédige ces lignes, mon bateau : «N’GOR», voilier biquille de 6,50m est parti de Carrien.Je veux tout de même en parler car ce bateau m’a causé bien des soucis mais aussi beaucoup de satisfaction.Je n’ai plus de documents le concernant car j’ai tout remis à mon petit fils Olivier, nouveau propriétaire.Voici donc, très résumé l’épisode «N’GOR».Alors que je suis en service au Ministère de l’Air (1964-1967), nous habitons rue Albert Samain à Versailles. L’hiver 1964-1965 je vais au Salon Nautique à Paris. Examinant les bateaux à ma convenance je suis séduit par une Super Dorade 66, bois et polyester, présentée par les chantiers navals de Bon Encontre (Haute-Garonne?).Ce bateau jauge 2,67 tonneaux, est placé sur une remorque 2 roues, tractable par ma voiture du moment : une 404 Peugeot.Marché conclu. Je dois en prendre livraison dans le Sud de Paris, le jour de mon départ en congé à Carrien.Je me rends sur une péniche au Pont Saint Cloud pour y acquérir un moteur hors bord «Sea Gull», 5 chevaux, essence, d’origine anglaise, réputé pour sa robustesse, mais s’est avéré très pollueur. J’achète aussi une grande annexe gonflable.Et, le jour convenu, me voilà parti chercher le bateau. L’attelage est installé par le vendeur. Jean-Pierre m’accompagne. Retour sur Versailles. Je réalise qu’il faut rouler à vitesse modéré, sinon la remorque se met à tanguer.Chargement du moteur et de divers appareillages tel la radio-gonio et nous voilà tous en route pour Carrien. Voyage sans histoire.J’occupe tous mes loisirs sur le bateau. Mâtage dans la cour, hissage des voiles, installation d’un mouillage à Saint Géran, dans la baie de la Fresnaye, avec le concours de Paul qui m’amène là-bas, sur son tracteur, à travers la baie, une embrase de ciment de poteau EDF, à l’abandon à Carrien depuis longtemps. Ce sera un excellent corps mort.

Page 277: Avant d'être capitaine TOME 2

277

Cela fait il faut faire enregistrer le bateau par les services officiels et lui donner un nom. Je choisis «N’GOR» lieu dit situé en bordure de mer au Nord de Dakar. Je m’y suis rendu à plusieurs reprises lors de régates «Requins» organisées à partir de Dakar. Il nous fallait passer entre terre et l’île de Gorée, cap au Sud, doubler le Cap Manuel et, affrontant la houle de l’Atlantique, faire cap au Nord, en longeant la côte africaine et l’île de la Madeleine jusqu’à N’Gor où un excellent mouillage nous offrait quelque repos avant de prendre la route de retour. Il fallait toute une journée pour accomplir ce périple par bon vent.Un hôtel (et peut être plusieurs depuis) s’est érigé en bordure de ce lagon devenu site touristique.Un problème est à résoudre chaque année : c’est la mise à l’eau. Il faut trouver un quai et une grue. Pas question de laisser N’GOR sur son mouillage toute l’année.La première mise à l’eau se fait à Dahouët. J’emmène avec moi Jean-Pierre et le père Yobé, un officier des équipages natif de Pléhérel, qui a servi sous mes ordres sur le «Clémenceau».Aussitôt à l’eau, mâture et voiles installées, je décide d’appareiller au moteur vers la baie de la Fresnaye pour profiter des courants de marée montante. Le père Yobé y gagne un bon coup de soleil mais tout se passe bien dans l’après midi nous sommes au mouillage.Par la suite je mets le bateau à l’eau au port de Saint Cast qui s’est doté d’une grue fixe. Mise à l’eau ou relevage c’est à chaque fois une expédition car il faut faire suivre la voiture avec remorque vide. Marie s’en charge.Nous faisons chaque année de nombreuses sorties en mer «agrémentées» de pêche à la traîne. Marie adore cela. Quant à moi je maugrée à cause des lignes qui se mélangent lors des manœuvres, à cause des puanteurs engendrées par les maquereaux pêchés. Nous en ramenons parfois une vingtaine, ouverts et lavés à bord lors du retour au mouillage. Les mouettes et autres goélands nous suivent, parés à plonger sur la tripaille.Plus tard, quant je suis affecté à Brest, le bateau fait route, sur sa remorque, vers le Club Nautique des Officiers où j’assume les fonctions bénévoles de Directeur Technique.Les meilleurs instants passés à bord sont les traversés de la Bretagne par les canaux.C’est calme. À chaque écluse on va donner un coup de main pour tourner les manivelles de commandes de vannes.Une année nous partons, Marie, Philippe et moi, de Brest avec le bateau. Escales à Camaret, Morgat puis passage du Raz de Sein où nous sommes très chahutés (vent contre courant). Arrêt à Audierne. Puis à Saint Guénolé Penmarch où nous arrivons sous une pluie battante, en zigzagant entre les récifs, vent portant heureusement.Après un jour de repos, (visite du phare d’Eckmul) route sur les Glénans, Groix et arrivée à Lorient. Démâtage, nuit dans le Blavet, route sur Hennebont puis

Page 278: Avant d'être capitaine TOME 2

278

Pontivy. Canal encombré de «loubines», c’est-à-dire de végétaux flottants qui se prennent dans l’hélice. C’est le début de l’activité croisière des Canaux Bretons et il y a des progrès à faire pour les rendre navigables.Après bien des efforts pour circuler dans certains brefs encombrés de ces végétaux nous atteignons des eaux calmes et Josselin, puis de là Redon, carrefour fluvial, Rennes et Dinan.À plusieurs reprises nous sommes passés par l’embouchure de la Vilaine et Arzal où a été édifié un barrage avec écluse. Il faut monter ou descendre avec le courant.Il en a été de même lors d’une incursion dans le Golfe du Morbihan où nous restons 3 jours et 2 nuits. Nous n’avons guère apprécié ce lieu trop agité par les courants et trop encombré d’installations moulières et huîtrières.Nous avons une année fait escale pour la nuit à l’île de Houat, retour en vitesse sur la Trinité, à cause de la descente barométrique.Effectivement le soir les éléments se sont déchaînés. N’GOR solidement amarré sur ponton s’incline de 45 degrés lors des rafales. Pas question de rester à bord. L’ami Baot, lieutenant de vaisseau en service à Brest, est en vacances à Carnac. Il nous héberge pour la nuit.Il y a beaucoup de dégâts, voire des morts, sur la côte Sud cette nuit là. N’GOR s’en est sorti intact.Nous avons passé de bons moments à bord mais il faut reconnaitre qu’N’GOR a deux défauts : Biquillard ce n’est pas un voilier rapide et il a tendance, sur coup de vent traversier fort, à devenir très ardent, difficile à maintenir au cap.Ce dernier défaut a été signalé à Olivier qui saura peut être le corriger, compte tenu de ses séjours instructifs aux Glénans.Comment vit-on à bord. Très simplement. Maillots de bains, pantalons en toile, pull-over constituent l’essentiel de notre garde-robe. À chaque retour de croisière mon pantalon kaki tient debout seul, à cause du sel qui l’imprègne.Sur la rivière il nous est facile de nous laver. À cette époque il n’y a guère de pollution.Un bidon d’eau douce potable, une petite pompe à main alimentent l’évier constitué d’une simple petite cuvette en plastique. Un réchaud camping-gaz sert de cuisinière.Quand arrive l’heure des repas on déplie la table et, assis de part et d’autre sur les banquettes, nous savourons, cockpit ouvert, le plaisir du calme et du grand air.Il y a 4 couchages à bord. Un de chaque coté à l’arrière : couchettes dites cercueils où nous nous glissons Marie et moi, dans nos sacs de couchage.Philippe a les deux couchettes jointes de l’avant pour lui tout seul.Les toilettes consistent en un simple seau en plastique. On s’isole avec, à l’intérieur le jour, dans le cockpit, dehors, la nuit et le tout à l’égout fonctionne par dessus bord.

Page 279: Avant d'être capitaine TOME 2

279

Nous vivons isolés du monde car il y a peu de commerces le long des canaux et rivières. Donc pas de journaux. Mais notre radio-gonio nasille des nouvelles. C’est ainsi que, en pleine nuit, sur un canal, nous apprenons le premier arrivage sur la Lune.Pour nous éclairer : un fanal électrique et une petite lampe à pétrole. Ça nous suffit car, lorsque tombe la nuit, nous sommes fatigués d’une journée passée en plein air et nous avons vite fait de sombrer dans un sommeil pesant.Sécurité : on ferme le cockpit à clé : serrure et verrou et, à portée de la main la corne de brume qui fonctionne à gaz comprimé et émet un bruit strident.Généralement sur les canaux nous stoppons à proximité d’une écluse. Sinon je mouille carrément au milieu du canal.Si la formule béquille n’est pas propice aux grandes vitesses, elle a par contre deux avantages : le tirant d’eau est faible : 0 mètre 80, ce qui nous permet de passer en des endroits peu profonds et l’échouante du bateau ne pose pas de problème à condition de ne pas mouiller sur un fond dénivelé.Ce qui nous est arrivé lors de l’escale sous la pluie à Saint Guénolé Penmarch. Arrivé là-bas vers midi, à marée haute, nous cassons la croûte et, fatigués, nous nous couchons tous. Et le bateau de s’échouer le nez en l’air sur une pente de 30 degrés. À la marée suivante nous changeons de mouillage.Il nous arrive souvent, quand nous sommes à Brest ou dans la baie de la Fresnaye de prendre des passagers pour une tournée en mer. Le bateau étant petit, ils sont plutôt encombrants.J’ai souvenir d’un petit malheur arrivé à Brest à mon ami Jacques Bodhuin, capitaine de frégate à l’époque et commandant une division de dragueurs.Avec sa famille nombreuse il loue un des bateaux du Club Nautique des Officiers, un navire tout neuf dont j’ai fait tout récemment l’acquisition, en qualité de Directeur Technique. Ce bateau est un peu plus grand qu’N’GOR.Bodhuin débarque tout son monde au retour de la promenade sans s’apercevoir qu’un de ses gosses, assez turbulent, a «tripoté» une commande de vidange du bateau.Résultat : petite voie d’eau et au matin le bateau a sombré. Il est vite renfloué par les soins de la Direction du Port et remis en état par le club. Mais le gars Bodhuin n’est pas très fier de cet exploit vite étouffé.

Il m’arrive parfois, en baie de la Fresnaye d’appareiller seul sous une seule voile : le gênois (grande voile d’avant). Ce bateau, à la différence d’autres, comme les Requins par exemple n’avance pas sur sa seule grand voile.Quand Marie a été opérée d’un rein il n’a plus été question pour elle de faire de la voile. D’ailleurs quant à moi, l’âge venant, je craignais d’attraper des tours de reins.N’GOR reste donc stocké à Carrien sous un appentis durant une quinzaine d’années. Je pensais que les enfants s’en seraient servis. J’avais bien spécifié que le système «équipage en gants blancs», ne s’occupant ni de la mise à l’eau, ni de la sortie et du stockage du navire, était exclus. Je refusais à mon

Page 280: Avant d'être capitaine TOME 2

280

âge d’être le domestique de mes enfants et petits-enfants.Philippe a envisagé, un moment, de prendre le bateau pour le faire naviguer dans le Golfe du Morbihan mais il a essuyé un refus de son beau-père de le stocker dans son jardin l’hiver. De toutes façons je doute que ses femmes se fussent plues à la voile.La mode des planches à voile jette un doute sur l’avenir du bateau. J’ai songé, un moment, en faire don à un club de voile local. Véto de Marie.Finalement Olivier se dit preneur ce que j’accepte avec plaisir, compte tenu des compétences acquises aux Glénans.Et un beau jour de Juin 2000, N’GOR franchit le portail de Carrien pour la dernière fois, sous l’œil attristé de Marie qui verse même une larme.Emmené par le beau-père d’Olivier le bateau est désormais en Normandie, dans le Cotentin.Où nous le renvoyons un mois après son départ, chez les parents de Sylvie. Là je trouve un bateau tout rajeuni. Olivier a choisi de le vêtir d’une robe bleue qui lui va fort bien. Les boiseries ont été revernis après ponçage.Je suis heureux de savoir ce bateau, auquel se rattachent bien des souvenirs, en bonnes mains.Dès les premiers essais en mer, Olivier nous a fait savoir sa satisfaction.Voilà au moins un heureux !

Page 281: Avant d'être capitaine TOME 2

281

Page 282: Avant d'être capitaine TOME 2

282

Page 283: Avant d'être capitaine TOME 2

283

Page 284: Avant d'être capitaine TOME 2

284

Page 285: Avant d'être capitaine TOME 2

285

QUELQUES PHOTOS

Page 286: Avant d'être capitaine TOME 2

286

1968N’GOR sous voiles dans la rade de Brest

Sur les canaux bretons

Page 287: Avant d'être capitaine TOME 2

287

Sur les canaux bretons

Page 288: Avant d'être capitaine TOME 2

288

Au mouillage

Sur la Vilaine

Page 289: Avant d'être capitaine TOME 2

289

Sur la Vilaine

En mer, Philippe à la barre

Page 290: Avant d'être capitaine TOME 2

290

Échouage aux EbihenAoût 1969

N’GOR sur le point de quitter définitivement Carrien

Page 291: Avant d'être capitaine TOME 2

291

C’est le départ. Adieu N’GOR

Été 2000Une des premières sorties en mer

d’N’GOR revêtu de sa nouvelle robe.

Portsal - Cotentin

Page 292: Avant d'être capitaine TOME 2

292

Page 293: Avant d'être capitaine TOME 2

293

29_Retraite à Carrien La famille - Les descendants

Page 294: Avant d'être capitaine TOME 2

294

J’ai déjà dit quelle a été ma joie le jour où je quitte définitivement Paris et sa banlieue pour rallier Carrien.J’ai fait mes calculs : ma retraite marine nous permet d’y vivre facilement en étant cependant attentif aux dépenses.Nous trouvons Carrien dans l’état où l’a abandonné Paul après le tirage au sort chez le notaire. Les écuries, étable et autre cellier lui tandis que la grande maison, ses apprentis Est, le jardin et la cour reviennent à Marie. Cette séparation est agrémentée d’une redevance en argent à Paul pour le paiement de laquelle je dois faire un emprunt au Crédit Mutuel de Bretagne.Tout est à nettoyer, peindre, électrifier, tapisser… pour faire de Carrien une demeure agréable. Finalement il faudra 0 ans d’efforts pour y arriver. J’espère que nos héritiers sauront apprécier.Les premiers aménagements concernent l’actuelle salle à manger, à la fois salon et salle à manger à notre arrivée puis la cuisine et la salle d’eau. Je me suis posé pour principe que travailler dans la saleté toute la jurée est de peu d’importance si le soir, une fois douchés, nous pouvons nous délasser dans un bon fauteuil, dans une pièce propre.Longtemps l’actuel salon va servir d’entrepôt à une quantité de mobilier venu d’un peu partout. Surtout de chez Jean Pierre qui nous inonde de matériel à chaque déménagement.Mais ne nous attardons pas. Sont peints, électrifiés, tapissés les 5 chambres et le salon. Les seuls travaux concédés aux spécialistes sont les carrelages, les plâtres et les circuits d’eau.Nous passons, Marie et moi, des journées entière à travailler. C’est au cours d’une de ces journées que j’ai découvert la nécessité de faire autre chose, de faire travailler ma matière grise. Ce fut le départ de mes recherches documentaires.Je partage alors mes journées en deux parties. Au début j’œuvre matériellement le matin. L’après-midi est consacré aux études?Plus tard j’inverse? Peu importe. Ce qui compte c’est partager mon temps

Page 295: Avant d'être capitaine TOME 2

295

entre travaux manuels et culturels? J’acquiers ainsi une bonne stabilité de caractère quoi qu’ai pu en dire mon entourage qui me qualifie généreusement de «grognon» dès que j’exprime une remarque sur la conduite de l’un ou de l’autre.Outre les travaux manuels à Carrien je libère mon énergie à l’extérieur : sur les sentiers créés de ma main, ensuite visités, sous ma conduite par maints touristes.Enfin il y a mon bois, 80 ares, acheté à une amie de Sables d’Or? C’est mon vase d’expansion. Je m’y rends de temps à autre pour le nettoyer, débiter les arbres, tracer des allées. Quand je vais en ville, pris dans la foule, je pense à mon bois où je me sens seul, parfaitement heureux.

Ce qui me met le plus en «roupette», sur le plan familial, c’est la vie, les horaires imposés par nos charmants visiteurs : enfants et petits-enfants.Tous les matins nous sommes, Marie et moi, debout à 7 heures. Déjeuner. Première contrainte : ma radio, que j’aime écouter de 7h30 à 9h00 : informations, météo, commentaires, interviews… Dès que les gosses sont là j’ai droit à l’algarade matinale : «baisse ta radio, tu vas réveiller tout le monde, mais tu es sourd!»Deuxième contrainte : le déjeuner de midi retardé d’au moins une heure car tous ces «chers petits invités» se lèvent tard, déjeunent à 11 heures, s’éclipsent à la plage ou au marché. Pas pressés du tout. Il faut les attendre. Atteint depuis longtemps d’une hypoglycémie réelle, qui fait sourire tout le monde, je dois, pour éviter les maux de tête casser une petite croûte vers 10h30.Un jour la borne d’indiscipline est franchie. Nous déjeunons bien au delà de 13 heures. Ces dames ou demoiselles, parties au marché d’Erquy, s’attardent à essayer je ne sais quelle nouvelle robe. Pendant ce temps Marie s’active à la cuisine et essaie de tempérer mon ire croissante.Il y eut, à l’arrivée, un bon savon qui n’eut pour tout effet que de confirmer à l’assistance ma nature d’homme bourru.L’après-midi tout ce petit monde s’échappe. Dans le calme je m’adonne à mes travaux ou je vais en solitaire, j’adore, me promener ou œuvrer sur les sentiers.Nouveau raz de marée humaine vers les 6 heures du soir. J’ai intérêt à prendre ma douche avant ce retour. La cuisine traîne. La cuisson des pâtes dure. On se met à table vers 2à heures. Tant pis pour mon journal télévisé. Heureusement j’ai jeté un coup d’œil sur celui de 19h30.Je note par contre que tout est rangé, presque digéré, quand arrive l’heure de quelque stupide programme de la T.V : film américain (un mort par minute) ou niaiserie collective qui se veut du grand spectacle.Alors là le silence doit régner. Une bise à tout le monde et je gagne mon lit où un bon livre m’accueille. J’aime bien sûr ma famille, mais je trouve ces contraintes horaires pénibles.

Page 296: Avant d'être capitaine TOME 2

296

D’autant qu’allant en visite chez l’un ou chez l’autre, je dois, là aussi, me plier à leurs horaires.

Jetons maintenant un coup d’œil sur chacun des enfants et leurs conjoints. C’est là affaire délicate. Mais je manie pas la langue de bois. Allons-y.Jean Pierre d’abord. Il a fait, je l’ai dit, la connaissance de sa femme à Oran. Un petit flirt au début. «Rien de plus, dit-il, celle qui sera ma femme n’est pas née». Gros menteur! Quelques temps après il nous pose la question «Pensez-vous que Nancy pourrait être la femme?» Que dire? Oui, bien sûr. Nous n’avons rien contre cette jeune personne dont nous avons connu et fréquenté les parents à Oran.Le mariage a donc lieu à Brest où je suis en service à la Préfecture Maritime. Beaucoup de copains marins : Boat, Bodhuin… et d’autres y assistent.Pot au Cercle Naval. Puis pince-fesses au Club Nautique ou je sous-règne.Les jeunes mariés vont vivre de concert à Montpellier où Jean Pierre clôt ses études d’Ingénieur Chimiste. Puis retour de l’épouse sur Brest pour y accueillir mon premier petit-fils : Olivier. Ce soir là, je couche avec une grand-mère! Voilà qui ne nous rajeunit pas!Mais ce sera pie plus tard quand Olivier, marié à la petite normande Sylvie, sera papa à son tour. Me voilà arrière grand-père? Je mesure, du coup, mon état de décrépitude !J’ai ainsi connu pas moins de 7 générations : 1) mon arrière grand-père, côté Maman, le grand père Galerne, environ 80 ans, tout voûté, rasé une fois la semaine et que j’appréhendais à embrasser, sur commande évidemment.2) mon grand-père Tuloup, le père de Maman, fut un des compagnons de ma jeunesse. Je l’aimais bien.3ème génération : mes parents4ème génération : la mienne5ème génération : mes enfants6ème génération : mes petits-enfants 7ème génération : mon arrière petit-filsJ’ai reçu l’avis de l’arrivée de ce dernier comme une invitation à partir. Il faut laisser la place aux jeunes. Sinon il n’y aura plus de place dans les manoirs familiaux.Les enfants de Jean Pierre nous ont beaucoup fréquenté, que ce soit à l’extérieur ou à Carrien. Nous les avons donc vus grandir.Olivier est un garçon débrouillard, intelligent et cultivé. Ingénieur Chimiste comme son père, je pense qu’il fera bonne carrière.Il aurait aimé faire Navale. Hélas il y a eu deux échecs successifs à l’oral d’entrée. Attiré par la marine il y exercera son violon d’Ingres. C’est pourquoi je n’ai pas hésité une seconde à lui remettre mon voilier «N’GOR» quand est venu pour moi le moment de mettre mon sac à terre.Olivier a épousé une demoiselle normande, douce affable, Sylvie, qui s’est

Page 297: Avant d'être capitaine TOME 2

297

révélée une excellente mère de famille veillant avec attention sur son poupon Tristan, dit «Titou», puis sur la petite Eugénie (2003).

Revenons à Jean Pierre. Après Olivier arrive à son foyer le petit Éric, dit «Doudou».C’est fou ce que ce gosse, plein de vie et d’initiatives, a pu faire de bêtises à Carrien, de connivence avec son cousin Frédéric, petit-fils de mon frère Célestin.Quelques exemples:Accoler use remorse légère, montée sur deux roues de vélos, avec un vélo Solex pour en faire un side-car. Echec bien sûr, mais tout reste en plan. A Pépé-grognon de ranger. Consigne de l’épouse : «ne le dispute pas comme cela, sinon il ne remettra plus les pieds à Carrien.» Tu parles ! 15 ans ont passé et le Doudou National revient très souvent, avec sa fiancée Stéphanie (une fille de Napoléon Ville) y passer ses congés.Autre exemple de son «ingéniosité» : monter l’un à côté de l’autre deux tubules de plastiques, pris, bien sûr sans autorisations, dans mes stocks. Ils ont placés sur un support en V fait de deux autres tubes. Le tout ligoté avec des kilomètres de ruban adhésif pris aussi dans mes affaires, et là encore, sans mon accord. En route pour le champ du voisin où paissent les vaches de Paul. Avec le tube supérieur on vise l’une des vaches. Dans l’autre on glisse un pétard du 14 juillet qui part en fusant frapper la vache. Ce qui risque de lui faire tourner son lait. Réprimandes de Paul.Mon stock de planches à beaucoup maigri après l’édification d’une plate-forme installée sur un arbre à quelques mètres de hauteur et jamais démontée par les constructeurs. Le tout cloué avec des pointes en acier spécial (1F/pièce) prélevées sans vergogne dans mes stocks !

Doudou a grandi et s’est assagi depuis cette époque mais continue parfois d’agir avec une certaine légèreté.Il décide d’aller au bourg. Il emprunte la bicyclette, presque neuve, de sa grand-mère. Sur ses conseils il la verrouille avec un cadenas à chiffres. Chose faite. Mais il laisse l’indication de la combinaison chiffrée dans la sacoche ! Le vélo est volé ! Jamais retrouvé. Et nous sommes, Marie et moi, les dindons de cette affaire. Car ni Éric, ni ses parents, n’ont proposé le moindre début d’indemnisation ! Alors que l’auberge de Carrien les accueille à bourse close ! Avant de quitter Jean Pierre je tiens à signaler qu’en Août 2000, au moment où nous nous sommes dessaisis de Carrien au profit des enfants, nous avons été très contrariés Marie et moi par le raisonnement de Jean Pierre qui a très bien réussi sa carrière mais est devenu un homme d’argent modelé sans doute par les Américains qu’il fréquente chaque jour.Explications :

Page 298: Avant d'être capitaine TOME 2

298

Carrien est évalué pour la succession à 1 800 000 francs par le notaire. En fait il peut être aisément vendu, dixit le tabellion, 2 400 000 francs.Chaque enfant devient donc copropriétaire pour un montant de 600 000 francs. Philippe, attiré par le sud Bretagne, cède sa part, d’où nécessité pour les deux autres enfants de lui régler chacun 300 000 francs. Et Jean Pierre qui ne semble pas être dans ses meilleurs jours, de renâcler : «Cet argent, s’il était placé, me rapporterait des intérêts !» Ce raisonnement nous choque : nous faisons un très gros effort financier en cédant Carrien car nous assumons d’ores et déjà le règlement des frais de succession. Carrien tombera dans l’escarcelle des enfants sans qu’ils n’aient rien débourser? Peut-on faire mieux?Voilà donc la propriété aux mains de Jean Pierre et Claude? Pour aider cette dernière à régler son dû à Philippe nous lui avançons 150 000 francs. Objections de Jean Pierre qui demande que ce prêt se fasse devant notaire avec clause de revalorisation. Ce qui est fait et coûte très cher.Je considère cet acte notarié parfaitement inutile. J’ai jadis prêté 250 000 francs à Philippe pour édifier sa maison. Argent prêté sans reçu, sans intérêts, sans limitation de durée, sans revalorisation et… sans en aviser le fisc. Question de confiance envers ses enfants ! Mais Jean Pierre n’en reste pas là. Sans attendre que nous soyons disparus, il demande à Calude de lui signer un papier de l’utilisation de Carrien !En bref voici le résultat : Maris m’a avoué qu’elle regrettait amèrement de s’être dessaisie de son bien! Je me sens fautif car j’ai poussé à la roue pour que cela se fasse afin, qu’autant que possible, Carrien reste la propriété familiale, le point d’encrage qu’il est depuis 250 ans. C’est là un fait trop rare pour qu’on n’en tienne pas compte.

Après Jean Pierre nous est venue une petite fille qui devait se prénommer Françoise. Je suis à l’époque en école de spécialisation à Rochefort. Marie séjourne à Carrien où elle aide sa mère dans sa tâche quotidienne.Elle est enceinte, fatiguée, et met au monde un enfant prématuré de 7 mois. C’est une petite fille qui décède dans les heures qui suivent sa naissance. Si l’accouchement avait eu lieu, dans une clinique spécialisée, comme cela se fait aujourd’hui, l’enfant aurait sans doute vécu.Je suis en permission à Carrien lorsque ce malheur arrive. Et j’ai la triste de tâche de placer moi-même l’enfant dans son petit cercueil. Voilà un souvenir qu’il est difficile d’effacer de sa mémoire.

Je passe à l’enfant suivant, Claude, qui nous a toujours manifesté beaucoup d’affection. Ce qui ne l’a pas empêchée de prendre époux hors de notre présence. Envolé le rêve de conduire ma fille, toute de blanc vêtue, à l’autel.Elle a choisi délibérément de vivre avec Georges qui a certes des qualités, sympathique, bon convive, sachant mettre de l’ambiance autour de lui, bon père de famille mais il manque d’allant, de ténacité. Ce qui le fait vivre de 12

Page 299: Avant d'être capitaine TOME 2

299

métiers, 13 misères. Enfin c’est sa philosophie. Par contre il a très bien réussi comme géniteur. Il nous a donné deux petites filles, Sandra et Magali, qui sont attachantes, douées et adorables, quoique Sandra, dans son adolescence n’était pas toujours aimable, mais cette agressivité semble s’être estompée avec l’âge. C’est une grosse bûcheuse qui veut réussir. La voilà déjà, à l’heure ou je rédige ces lignes, titulaire d’une licence avec mention, acquise à la Sorbonne. Espérons qu’elle saura gérer sa vie professionnelle et sentimentale.Magali, 13 ans ce jour, semble suivre les traces de son aînée. Excellente en classe mais bavarde. C’est un joli petit rameau, déjà coquette et efféminée. Elle est très affectueuse envers ses grands-parents.

Passons au 4ème numéro de la famille : Philippe. Etudiant en médecine à Rennes il a atterri un jour à Carrien sans crier gare avec une copine : «Je vous présente Caty». Étonnement car nous avons vu Philippe mener jusque maintenant une vie plutôt monacale. Tous les Week-end il est à la maison. Il nous sert de chauffeur, ce que j’apprécie.Une demoiselle venue du Sud Bretagne m’a ainsi enlevé mon cocher. Rien à dire, c’est l’ordre des choses. J’ai repris le volant.Mariage à Vannes. L’année suivante un bébé : Caroline. Puis suivront Marianne et Vincent. Une belle couvée entretenue car Caty est bonne mère de famille. Un peu trop possessive de ses enfants peut-être. Car elle les couve et n’aime guère s’en séparer.Ce que nous regrettons Marie et moi car nous aurions aimé voir réunis quelques jours, de temps en temps, à Carrien; les enfants de Caty avec ceux de Claude ou de Nancy. Les cousinage est une excellente chose.Par ailleurs j’estime que les grands-parents peuvent apporter beaucoup à leurs petits-enfants. J’ai moi-même gardé un souvenir ému d’une grand-mère et d’un grand-père, seuls survivants de mes 4 aïeux.L’aînée, Caroline, est affectueuse et réservée. A l’heure où je rédige ces lignes elle poursuit ses études et s’est mise en ménage, cela est très porté de nos jours, avec un garçon calme et sympathique prénommé Ronan.La seconde Marianne, est gentille et d’une nature enjouée. Durant deux ans elle a séjourné dans le Midi, à Montpellier, pour y suivre des études.Le troisième de la couvée, Vincent, est bien de sa génération, tant par ses attitudes vestimentaires que de toilette : par exemple les cheveux gominés et hérissés. Çà me rappelle qu’à son âge je m’enduisais la toison d’une sorte de pâte durcissante. La mode était alors aux coiffures plaquées. Alors ne critiquons pas !Vincent est, comme beaucoup de jeunes, attiré par les ordinateurs. Il envisage d’ailleurs de faire carrière dans ce domaine. Il est à bonne école avec son père qui s’est vite initié à cette nouvelle science.

Ce chapitre étant consacré à ma famille je me dois d’évoquer, avec beaucoup

Page 300: Avant d'être capitaine TOME 2

300

de tristesse, mes derniers contacts avec ma mère puis avec mon père.Je suis en service à Cuers, l’an 1954, quand je vois Maman pour la dernière fois lors d’une permission d’été. Elle est en bonne santés, âgée de 52 ans seulement. Elle doit, dans les jours à venir, partir en promenade avec Papa.Trois semaines après, étant en mission à la base d’Hyères je passe voir Marie à la maison. Elle vient de recevoir un télégramme de Papa : «Maman décédée. Obsèques le …» J’ai conservé longtemps ce message. Il figure au tome 3 des présentes mémoires. Le coup est rude. Le soir même je prends le train pour Paris, puis Lamballe où m’attend Jo Haguet, l’accordéoniste voisin du domicile paternel.Je revis mon arrivée à la maison. A peine entré j’aperçois sur ma droite le corps de Maman, allongé dans la salle à manger. Les traits relâchés, elle a rajeunit de quelques années. Je me précipite sur elle, en sanglots, et je perds connaissance un court instant. C’est Papa qui vient à mon secours en me soutenant. Son présents les parents de Marguerite : Monsieur et Madame Le Callo.Les obsèques ont lieu le lendemain puis je repars vite pour Cuers. Des mois durant je repense à Maman. J’évoque toute ma jeunesse. J’ai été un enfant terrible et je m’en repends. Elle a été une mère autoritaire, ne tergiversant pas sur la discipline mais pouvait-elle faire autrement face à ses quatre enfants et avec un mari toujours absent?

Environ 6 mois après son décès je pars pour l’Indochine. Peu de temps après mon arrivée là-bas je reçois une longue lettre de Papa qui m’annonce son remariage avec une dame Jamet, vieille amie, dit-il.Là encore le coup est rude. Maman à peine partie et déjà remplicée. A croire que Papa connaissait bien cette dame auparavant! Elle est veuve d’un capitaine au long cours disparu en mer lors du dernier conflit.Il me faut bien admettre la chose. Mais tout se gâte à mon retour. La maison qu’a tant voulue Maman est vendue et le mobilier dispersé entre les enfants. C’est ainsi que j’hérite de la première «chambrée» de mes parents, acquise après leur mariage et mise plus tard à la disposition de Célestin et de moi-même, qui faisons chambre et lit communs.Il y a de vifs échanges de paroles entre père et enfants, puis finalement une longue, très longue rupture (15 ans). Papa habite Dinard. Souvent il va avec sa femme en cure montagnarde car elle a les poumons atteints.Tout cela coûte très cher et Papa vend tous ses biens immobiliers sur Plurien, en l’espèce de 5 champs. Ce qui fait qu’aucune parcelle du patrimoine nous échoit à sa mort.Les années passent sans contact. Je crois, en toute honnêteté que mes sœurs, mal-conseillées par des langues de vipères, sont beaucoup coupables de celle rupture familiale.Va-t-elle durer jusque la mort de Papa? Non. Car sur l’investigation de Marie, je lui adresse une invitation à la célébration du mariage de Jean Pierre et

Page 301: Avant d'être capitaine TOME 2

301

Nancy.Il me répond qu’il ne s’y rendra pas mais qu’il serait heureux de revoir l’aîné de ses petits-enfants et faire la connaissance de sa jeune épouse.Le mariage terminé nous devons tous faire mouvement sur Carrien, pour quelques jours. Jean Pierre et Nancy partent tôt via Tréguier où Jean Pierre présente sa femme et reprend la route de Carrien.Marie et moi arrivons plus tard (service oblige) et ce sont les retrouvailles. D’un côté comme de l’autre nous avons pris la décision de ne jamais évoquer le passé et de faire comme si nous nous étions quittés la veille.C’est ainsi que Papa et son épouse viennent à Carrien pour le baptême d’Éric, le second fils de Jean Pierre et Nancy.Un jour, étant à la maison Skendy, Marie en vacances à Carrien, survient le décès de la deuxième épouse. Dire que j’ai versé une larme serait mentir.Voilà Papa seul de nouveau. Il délaisse Tréguier, le pays d’origine de sa femme et s’installe seul dans un appartement sis Boulevard Féart à Dinard.Nous allons souvent, Marie et moi, lui faire visite là-bas. Il faut arriver à l’heure convenue, sinon nous trouvons porte close. La promenade dite «au clair de lune» le long du rivage nous voit longtemps.Papa redécouvre un amour de jeunesse, une prénommée Martine, retraitée et lui donne l’hospitalité.Tous les ans ils partent ensemble dans le Midi puis, plus tard, à La Baule, se changer les idées. Puis un jour la santé de Papa se dégrade. Nous prenons la décision de le rapatrier à l’Hôpital de la Beauchée près de Saint Brieuc.Il est atteint d’un cancer qui se généralise. Il souffre et me dit, en chuchotant un jour à l’oreille, que c’est inhumain ce qu’on lui fait pour le garder en vie : des injections par la carotide qui le font souffrir.Les pire lui est infligé peu avant sa mort par une querelle entre ses deux filles Thérèse et Madeleine. Dispute qui se termine par une gifle assénée à Madeleine par sa sœur. Le lendemain Papa me chuchote: «tes sœurs se sont battues.» Je rougis d’un tel comportement.Un soir, vers les 10 ou es 11 heures je reçois un coup de fil de l’hôpital : votre père vient de décéder. J’avise Célestin et Madeleine (Thérèse, pas très courageuse, devant l’agonie de Papa a jugé bon de repartir pour la Grèce où enseigne son époux).Marie refuse de m’accompagner à l’hôpital. Motif : Papa quelques temps auparavant, a vivement vitupéré après la famille Gautier. C’est un des travers de Papa : très hargneux à ses heures. La pauvre Marie qui, rappelons-le, a été à l’origine de la réconciliation familiale est ainsi bien mal remerciée. A l’hôpital je suis quelque peu ému en voyant Papa sur son lit de mort. Réflexion stupide et déplacée de Célestin: « les pleurnichards ne vont pas commencer!» Outré je sors de la chambre dans le corridor où Marguerite me rejoint, excusant la vivacité de Célestin. Je ne lui ai jamais pardonné ce geste. L’enterrement a lieu à Plurien. Beaucoup de monde. Beaucoup d’amis. Naïvement je fais annoncer par le prêtre des messes commandées par les

Page 302: Avant d'être capitaine TOME 2

302

enfants du défunt, qui sont énumérés de vive voix.Le parti communiste local, dont ma sœur Thérèse est très sympathisante, veille et s’étonne que ma sœur ait pu solliciter une messe!Et je reçois, dès le lendemain un coup de fil de Grèce exprimant la colère de Thérèse, dont le nom a été cité lors des obsèques. Quel scandale!Une croix, bénie par le prêtre, est déposée sur la tombe de Papa qui, sur ses vieux jours, s’est rapproché de Dieu. La croix disparaît peu de temps après. Je n’ai pas voulu faire d’histoire mais je suis intimement persuadé que c’est la sympathisante communiste qui l’a ôtée. Ainsi se comportent ces gens qui ne tolèrent point qu’on pense différemment qu’eux!

Parlons maintenant des latéraux et des co-latéraux.A tout Seigneur tout honneur. Commençons par mon frère Célestin.De toute ma famille c’est certainement celui dont je suis le plus proche. Nous avons vécu ensemble durant les 17 premières années de nos vie. Nous avons tous deux opté pour un métier de la mer bien que nos carrières aient été différentes.Je crois que si la possibilité s’en était présentée, Célestin aurait volontiers fait carrière dans la «Royale» si méprisée par notre Père.Célestin, démobilisé comme enseigne de vaisseau, a donc poursuivi sa carrière de marin du commerce. Au cours de Capitaine au long cours (ce glorieux titre que les bureaucrates ont effacé pour en faire Capitaine de Première Classe), Célestin a fait la connaissance de Marguerite son épouse, fille elle-même d’un commandant du commerce qui a eu des ennuis après la guerre alors qu’il n’avait fait que son devoir (rébellion armée manquée de deux matelots au passage de Gibraltar. J’ai évoqué ce problème ailleurs).Voilà donc Célestin marié, puis père de trois filles : Chantal, ma filleule, devenue plus tard épouse Dechavanne, officier de vaisseau qui termine sa carrière comme contre Amiral. Puis viennent Hélène et Christiane. Je ne les vois guère.Séparés durant notre vie professionnelle nous nous revoyons assez souvent à l’heure de la retraite de Célestin et moi. Bien que je lui fasse un reproche : comme Papa il a tendance à être excessif dans ses jugements. Tout ce qu’il est parole d’évangile. Il ne supporte guère la contradiction. Ce qui fait que, lors de nos rencontres, voulant éviter des échanges aigres, je me tiens le plus souvent coi et me contente de ravaler mes opinions.Marguerite est un élément modérateur. Elle s’entend très bien avec Marie, ce qui fait que les relations sont bonnes entre nos deux ménages.

Ma sœur Madeleine est une soupe au lait. Gentille, aimable à ses heures, elle prend vite la mouche et sort de ses gonds. Dans ces moments là, rien ne la retient. Elle ne sait nullement se dominer.Jeune elle avait souvent des prises de bec avec Maman à qui elle manquait parfois de respect, à mon sens.

Page 303: Avant d'être capitaine TOME 2

303

Mariée au frère de marie, Charles, elle en a fait, vers la fin de sa vie son souffre douleur. De temps à autre nous avons la visite du pauvre Charles qui vient nous conter ses malheurs.Ce qui caractérise Madeleine c’est essentiellement la jalousie. Mais une jalousie féroce, à l’encontre de quelques veuves qui peuplent son immeuble de Saint Brieuc. Que Charles ait le malheur d’en rencontrer une et de la saluer, si Madeleine l’apprends ce sont des scènes terribles. Curieux comportement chez une personne de 75 ans et plus.Et sa hargne vis à vis de son mari va jusque l’insulter grossièrement toutes les fenêtres ouvertes, de balancer ses affaires dans la rue, au vu et au su de tout le monde. Ça doit jaser sur son compte à Saint Brieuc et à Plurien où Charles a édifié de ses mains une belle résidence ou Madeleine met de moins en moins les pieds.J’admire mon beau frère de supporter un tel démon. Un jour il m’a confié; «Si elle avait une arme, elle m’aurait tué depuis longtemps.»De cette union explosive sont nés deux enfants : Michel, Ingénieur, expatrié au Canada. Marié, divorcé. Annie, Docteur en médecine, mariée puis divorcée avec un pharmacien local. Charles se plaint de la tristesse de ses vieux jours et je le comprends.

La deuxième de mes sœurs, Thérèse, la tard venue, car née en 1930, a fait quelques études hormis le bac et a épousé André Le Trionnaire, Instituteur en poste à Plurien, un sage apathique.Ce mariage a comblé Maman qui n’a d’yeux que pour deux professions, les plus dignes à ses yeux Capitaine au Commerce et Instituteur.Le ménage Le Trionnaire a vite quitté Plurien pour migrer vers de lointains pays : la Guinée, l’Algérie, la Grèce…Cinq enfants sont nés de cet union. Qui ont tous suivi une scolarité par correspondance avec un certain succès. Exemple : Cathy, Professeur agrégé dans un lycée des environs de Nantes.Le gros travers de Thérèse c’est la politique. Très tôt elle a fréquenté des gens très engagés à gauche et en a fait ses amis.J’ai relaté son comportement lors de la dernière maladie et du décès de Papa. Je ne peux que regretter cette attitude. Elle déteste foncièrement sa sœur Madeleine. A Carrien elle ne nous fait jamais visite bien que nous nous soyons souvent rendu chez elle quand elle a eu des problèmes de santé.

Je me suis souvent posé la question : «A-t-on le droit de juger ses parents?» Ne convient il pas de réfléchir au fait que nous ignorons bien des choses sur leur vie intime, leurs ressources, les sacrifices qui peuvent avoir fait, sans que nous nous en doutions, pour nous élever?Mais puisque ce journal est d’intimité familiale, je veux tout de même lui livrer quelques réflexion filiales.Maman a eu une formation très primaire. Ses dieux étaient, je l’ai déjà dit :

Page 304: Avant d'être capitaine TOME 2

304

les Cap’taines de la Marine de Commerce et les Instituteurs.Aussi a-t-elle été deux fois aux anges quand son fils aîné, mon frère Célestin, a accédé au grade et aux fonctions de Capitaine et Long Cours et quand ma sœur Thérèse a épousé Dédé Le Trionnaire, Instituteur à Plurien.Quant à moi je n’ai guère été encouragé dans la voie militaire que j’ai choisie? J»ai souvenance avoir un jour emmené Papa et Maman chez une de leurs vieilles connaissances de la «Marchande», retraitée sur les bords de la Rance. A la question de l’hôte : «Et ton deuxième fils, que fait-il?» Papa répond, presque en rougissant : «Ah lui, il fait le fayot !»Je ne doute pas que nos parents aient eu de l’affection pour nous. Mais leurs propos outranciers, avec tendance à nous comparer les uns aux autres,n’étaient pas proposer à nous unir entre frères et sœurs.Quelques exemples de propos souvent entendus : - ton frère réussira mieux que toi- tu ne feras qu’un pilier de prison- tu ne feras rien dans la vie alors que ton frère lui…

Je me sens fondé, à ce stade de mes réflexions, ) à adresser, à titre posthume, un message à Maman : «Tu as beaucoup peiné pour nous élever? Tu as dû faire face seule à bien des difficultés, livrée à toi-même, Papa très souvent absent. Tu as été d’une indispensable sévérité à notre encontre. Mais, Maman, as-tu su nous dire à tous les quatre «Aimez-vous, aidez-vous les uns les autres»? Je ne pense pas que tu aies beaucoup agi en ce sens. Tu as trop souvent étalé des comparaisons entre nous quand quelque chose n’allait pas chez l’un ou chez l’autre.»

Parlons un peu d’une chose que je n’aime pas : le mépris de l’autre. J’ai souris un jour en entendant Maman de sa sœur Cécile (elles ont été élevées ensembles et on reçu la même instruction primaire). «Cécile n’est qu’une femme de «loufidt»» : surnom péjoratif donné au personnel civil des navires passagers.Papa manipule aisément le dédain, le mépris et ne se fait pas faute de donner des conseils. «Ça ne se fait pas dans le grand monde». Et les critiques acerbes de pleuvoir sur tous. J’ai cité les paroles malheureuses sur ma belle famille la veille de sa mort.Un autre aspect de Papa m’a été un jour révélé par mon frère Célestin au cours d’une évocation de notre passé.Papa, m’a-t-il dit, n’a guère fait d’efforts pour améliorer ses connaissances techniques. La Marine Nationale, lors de son service militaire, en a fait une radio.Transféré dans la Marine Marchande il s’est contenté de continuer de faire Ti-Ti-Ta-Ta, c’est-à-dire du morse et n’a guère grimpé en hiérarchie.Si j’en crois les histoires de mec qu’ils nous a rapporté à la maison, il a excellé par contre dans les discussions politiques dans des carrés ce qui,

Page 305: Avant d'être capitaine TOME 2

305

compte tenu de la facilité avec laquelle il s’emporte, n’a pas dû participer à son élévation hiérarchique.

Je ne saurais clore ce chapitre sans parler d’un être qui m’est très cher : Marie, mon épouse, dont j’ai déjà entretenu le lecteur au chapitre 2, au sujet de mon mariage.Quelles ont été nos relations Marie et moi? Très bonnes dans l’ensemble puisque ce jour j’approche de mes 57 ans de mariage. Si nous ne nous étions pas entendus, nous nous serions quittés depuis longtemps.Oh! Comme dans tous les ménages il y a eu des petites brouilles, des «paroles définitives échangées» : «je divorce», aussitôt oubliées.Deux phrases dans nos conflits conjugaux: 1) Du temps des gossesMarie est très coulante avec eux. Leur bonheur immédiat est son but. Je suis sévère avec les enfants, le long terme étant visé. D’où quelques accrochages sans suite.Cependant il me faut rappeler les paroles prononcées par Jean Pierre à l’issue de ses études d’Ingénieur, paroles prononcées à sa mère : «Tu es gentille, Maman, mais si Papa n’avait pas été la, jamais je n’aurais fait Ingénieur». Fermez le ban ! Autre sujet de disputes : l’argent. Il a toujours fait défaut dès le 25 du mois. J’ai beau gourmander Marie. Le moment crucial a été quand les enfants ont pris de l’âge. Jean Pierre à Montpellier (chambre, nourriture, transport, frais scolaires…). Claude à Rennes (même dépenses). Philippe au lycée. On a tiré le diable par la queue durant ces années là. Mais on s’en ait tout de même tiré et chacun des enfants a acquis la situation qu’il convoitait. N’est-ce pas la le principal?2) À la retraiteLes sources de conflit ayant disparu ceux-ci se sont effacés. Pas totalement. Quand il y a de l’énervement dans l’air, j’entends : «Oui, vous les Amiot» et c’est parti pour le sérénade anti-Amiot, famille cousue de défauts. Je rétorque en accusant les Gautier d’être des négligents… Puis ces stériles disputes s’arrêtent aussi vite qu’elles ont démarrée, chacun ayant «vidé son sac».A notre arrivée à Carrien, Marie appréhende de m’avoir tous les jours sur le dos. Elle est vite rassurée car je m’isole des heures durant pour rédiger mes ouvrages.Marie, pourtant née à Carrien, ne s’y plaît que modérément. Aimant les fleurs et le soleil elle aurait dû, lui ai-je souvent dît, épouser un horticulteur d’Ollioules, au lieu d’un ronchon qui, lui, se plaît beaucoup ici.Mais enfin, époux attentif, je me suis efforcé, tous les ans, d’emmener Marie ailleurs, pas trop loin, ni très longtemps : Angleterre, Jersey, Espagne, Italie, Hollande, Mantagne, Côte d’Azur et France en général.Marie déprime quand le temps est mauvais. Elle ne supporte pas de rester enfermée. Elle consacre des journées entières à la cour et au jardin. Tout va

Page 306: Avant d'être capitaine TOME 2

306

bien quand arrive ke beau temps car elle va à la plage avec la petite voiture «Clio» que je lui est offerte pour s’être acquittée, avec succès, de la vente de mes livres.

Marie ne cesse de me houspiller sur certaines choses. Je les passe en revue :- Mes chaussonsJe les met dès que j’arrive dans la maison. Je me plaît beaucoup dedans, à l’inverse de Marie qui a ces chaussures en horreur. «Tu ne vois donc pas que tu te déformes les pieds à les porter si souvent.» «Tu ne vas tout de même pas aller au bourg en chaussons, j’espère? Oh! Tu en serais bien capable.» Je ne prête guère attention à ces litanies.- Mon vinA chaque fois que je mets une nouvelle bouteille sur la table, cela me vaut quelques remarques aussi peu écoutées que celles des chaussons. «Ce fond de bouteille ne te suffit donc pas? Mais bois donc de l’eau comme moi.» «Non je n’aime pas l’eau. Et d’ailleurs c’est un liquide qui fait rouiller c’est bien connu.»- Ma combinaison de travailMême propre, dixit Marie elle sent la sueur. Elle en fait la chasse et la remise le plus loin possible de son nez.- Mes chansonsJe chante (faux) du matin au soir. Un récital varié qui va de L’Avé Maria à L’internationale en passant par la Marseillaise et les chansons de réclame entendues dans mon enfance. Voilà une activité qui a le don d’irriter ma femme. Pour moi chanter c’est recharger mes accus, voir la vie sous un angle plus gai. Alors je continue malgré les petites remarques désobligeantes.

Pour clore mes relations avec Marie j’évoquerai deux souvenirs. Le jour anniversaire de nos 50 ans de mariage je l’ai serrée dans mes bras et je lui ai dit, devant toute la famille réunie: «Si c’était à recommencer je redirai : oui, Monsieur le Maire.»Lui offrant, un jour de fête et d’anniversaire, un cadeau, j’y ai joint un petit carton ainsi libellé:«Tu es une bonne Maman, une bonne Mémé, une bonne épouse. Merci»

Page 307: Avant d'être capitaine TOME 2

307

Page 308: Avant d'être capitaine TOME 2

308

Page 309: Avant d'être capitaine TOME 2

309

30_Hors CarrienLes voyages - Les relations - La religion

Page 310: Avant d'être capitaine TOME 2

310

Quand nous avons établi nos quartiers de retraite à Carrien nous avons convenu d’en sortir de temps à autre, de ne pas nous y encroûter avant que l’âge nous immobilise.Cette activité hors de Carrien a été de deux sortes : - les voyages à l’extérieur - les sorties et fréquentations localesles premières échappées à l’extérieur nous sont facilitées par le long séjour de Jean Pierre à Rome.Nous avons, au fil des ans, gagné à plusieurs reprises la capitale de l’Italie, soit en train, soit en voiture.Pour prendre le train je dois, au début, me propulser à la SNCF de Rennes, seul bureau capable de me réserver des places dans le «Palatino» (Paris-Rome). Les premières expéditions se font en wagons couchettes (4 personnes par compartiment) puis, plus tard, par wagons lits (un compartiment pour deux). C’est beaucoup plus agréable. Quand arrive la nuit je me réserve la couchette du bas et passe beaucoup de temps à observer le paysage, les gares d’arrêt, au grand dam de Marie qui, nichée dans la couchette supérieure n’aspire qu’a dormir.

Ces séjours à Rome l’ont beaucoup aidé dans mes recherches sur la civilisation gallo-romaine. Dès le début je me suis rendu à l’ambassade de France pour y consulter la bibliothèque. Dans mon idée je dois apprendre beaucoup sur les Romains puisqu’ils sont partis de là.A la bibliothèque je fais la connaissance d’un chercheur français, un historien professionnel, Monsieur Chevalier, qui, présentement œuvre sur la civilisation étrusque.Il m’encourage dans mes recherches en particulier en me donnant noms et adresses de chercheurs bretons susceptibles de m’aider.C’est ainsi, qu’à peine rentré en France je prends langue avec Monsieur

Page 311: Avant d'être capitaine TOME 2

311

Sanquer, professeur à la faculté de Brest et Directeur Régional des Antiquités.Quand, l’association Cosinat étant fondée, nous décidons d’intervenir pour sauver la villa gallo-romaine de Sables d’Or les Pins, c’est à lui que je m’adresse pour lancer la fouille sous la direction scientifique de Monsieur Langouët, professeur de l’Université de Haute Bretagne.J’ai posé et obtenu des conditions : que les objets recueillis restent en Bretagne. Après bien des discussions il y a accord pour les déposer au musée voisin de Corseul où une vitrine spéciale «Sables d’Or» est aménagée.Lors de mes séjours à Rome je prospecte plusieurs musées, en particulier celui de la préhistoire et surtout celui de la civilisation romaine situé dans le nouveau quartier de l’EUR (Exposition Universelle de Rome) créé sous Mussolini. Ce musée est à peu de distance du domicile de Jean Pierre et Nancy.J’y admire, en particulier, les nombreuses maquettes des monuments disséminées en Europe et en Asie.

Le matin je consacre quelques heures à la rédaction de mon premier livre : «Histoire du Pays de Fréhel» car j’ai emmené des notes en Italie.L’après-Midi est souvent consacré à la garde des enfants car Marie et Nancy sont souvent en prospection dans les magasins.Je les occupe de mon mieux en les promenant à l’extérieur, dans un enclot de jeux, propriété catholique. Les deux enfants ont chacun leur vélo.Une fois, dans un autre parc, je suis seul avec Éric dit «Doudou». Il file comme un zèbre sur sa bicyclette. Si vite que, dans une petite descente, je lui intime l’ordre de ralentir. Peine perdue. Le voilà lancé à toute allure. Arrivé en bas de la côte il tombe mais malheureusement ne se fait pas mal. Le jeu continue. Puis nous rentrons. Arrivé chez lui, voyant sa mère, il se met tout à coup à pleurer : «Pépé m’a fait tomber de ma bicyclette.» La petite peste! Je l’aurai corrigé tant je suis outré de cette comédie. Je rassure Nancy tant qu’à l’état de son rejeton.

Nous partons souvent bras dessus, bras dessous, Marie et moi à la découverte de Rome ou du Vatican. Une ville qui nous a tellement plus que nous y sommes retournés en train quelques années plus tard.Ces expéditions italiennes : Rome, Florence, Pompéi, Paestrum, Le Gargano, Venise… sont mises à profit par Marie pour se doter de chaussures élégantes, mais peu résistantes.Il lui est arrivé, à Rome, puis à Florence d’en acquérir trois paires dans la même journée. Allez, après cela, plaindre les dures conditions de vie de nos épouses!Durant cette longue retraite nous avons aussi dirigé nos pas vers l’Espagne. La première année nous prenons gîte du côté de Bilbao, chez les Bodhuin qui ont un appartement à Laredo. Mais il est triste. Il fait frais. Les plages sont sales, encombrées de multiples déchets plastiques et autres, apportés

Page 312: Avant d'être capitaine TOME 2

312

par les courants marins.Une autre année nous allons à la Esacala, sur la côte méditerranéenne, petit port de pèche près de la frontière française. Nous sommes bien logés. Le séjour est agréable.Une année de grisaille nous voilà partis à la recherche du soleil, vers le sud de l’Espagne, de Parador en Parador. Via Barcelone et Malaga. Dans ce dernier gîte nous sommes à proximité de l’aérodrome où atterrissent et décollent sans cesse de nombreux avions. C’est un début de week-end. Ajoutez à ce tintamarre quelques moustiques et vous comprenez que la nuit a été blanche.Arrivée à Alicante le temps est toujours à la grisaille. Remontée par Cadix, Séville, Madrid. Grisaille toujours.C’est après avoir franchi la Loire à Saint-Nazaire que nous trouvons enfin le soleil!!

Autre destination : Londres où nous allons deux fois. La première par bateau via Saint Malo et Portsmouth. Partis de Carrien tôt le matin nous sommes à l’hôtel vers les onze heures du soir.Là, surprise désagréable : la moquette de la chambre est sale et déchirée. Protestations. Changement de local, malgré l’heure tardive. Dans la deuxième chambre c’est la douche qui cause des problèmes : le jet part à 90 degrés. Les radiateurs sont très tièdes. Tant pis, nous campons là. Mais l’hôtellerie anglaise pratique des prix élevés!Voyage de nuit pour le retour. Mais Marie ne se fera jamais aux bateaux !Lors de ce premier séjour à Londres, Sophie Clément, la fille de mon ami Jean, du Val André, en stage chez les anglais, nous sert de guide et interprète car j’ai beaucoup perdu de mes connaissances de la langue de Shakespeare. La deuxième expédition est nettement plus agréable : par TGV jusqu’à Lille directement de Rennes, en contournant Paris. A Lille vivent Olivier mon petit fils et son épouse Sylvie. Arrêt week-end et Eurostar pour rallier Waterloo-Station. Marie appréhende un peu de passer sous la mer et les poissons mais, finalement, l’éclairage des rames est conçu de telle sorte qu’il ne règne pas, dans ce train, de sentiment de claustration.Je note au passage le retard pris par les Anglais dans leurs liaisons ferroviaires. Alors qu’en France l’Eurostar roule à la vitesse de 300 Km/h et même plus, en Angleterre il se traîne à la vitesse d’un omnibus. Si notre voyage est facile il est néanmoins agrémenté (!!) d’un léger incident. Dans le filet à bagages au-dessus de nos têtes gisent deux valises identiques, dont une des nôtres. Sorti dans les derniers à l’arrivée à Waterloo-Station, je saisis celle qui reste.Ce n’est qu’à l’arrivée à l’hôtel que je m’aperçois que la valise que je traîne n’est pas la mienne.L’hôtel à reçu un coup de fil de la gare. Une religieuse française s’est trompée de valise. Heureusement dans la notre il y a l’adresse et le téléphone de Philippe à prévenir en cas d’accident. Avisé il indique le nom de l’hôtel où

Page 313: Avant d'être capitaine TOME 2

313

nous devons descendre.Il nous faut retraverser tout Londres, dans un de ces petits taxis que j’aime bien, pour récupérer notre bagage, dont le trolley est d’ailleurs brisé. Depuis cet incident nous marquons nos valises d’un signe distinctif : petit ruban de couleur.C’est lors de ce voyage qu’on s’aperçoit que certains de nos billets de banque, conservés depuis longtemps à Carrien, n’ont plus cours. L’affaire est vite réglée par échange dans une banque.La même mésaventure nous est arrivée à Rome avec des Lires périmées.Peut-être en sera-t-il de même pour les quelques Dollars que je conserve à Carrien, qui m’ont été adressés, voilà longtemps, sous simple enveloppe (!) par un professeur Sud Américaine qui m’a acheté un exemplaire de mon livre sur l’histoire de Fréhel.

Une année nous décidons d’aller nous promener dans le Nord de l’Italie : les lacs, Venise, puis retour à la côte Adriatique, en direction du Sud puis traversée de l’Italie vers la Méditerannée.

Notre voiture du moment est une Citroën G.S. Je l’envoie au garage, chez Quinton, à la Grenouillère, en lui recommandant de tout examiner afin d’avoir un périple sans histoire.Quelques jours autour des lacs, un week-end à Venise. Les ennuis commencent à la sortie de cette ville. Les freins «couinent» à chaque fois que je m’en sert. Puis deviennent de plus en plus mous. Je consulte le guide Michelin. Un garagiste Citroën est dans une petite ville voisine. Je lui explique, avec force gestes, mes ennuis. Il essaie la voiture, la met sur pont et démonte les plaquettes de freins. Elles sont toutes usées, le frottement se fait donc métal sur métal!J’ai rétrospectivement la frousse en pensant que j’ai failli emprunter un col pour passer les Alpes. Un temps incertain m’a conduit à prendre train et tunnel.La réparation est vite faite mais je conserve l’objet du délit.Rentré à Fréhel ma première visite est pour le nommé Quinton. Je pose les plaquettes sur son bureau en le priant de m’expliquer pourquoi il ne les a pas changées. Réponse : «Je n’ai pas cru devoir le faire» et d’ajouter cyniquement : «Il faut bien procurer du travail aux petits garagistes le long des routes».Je lui ai tourné le dos et ai cessé, de ce jour, de fréquenter son atelier.Je crois qu’en fait c’est un garçon c’est un garçon très fatigué. Il s’est d’ailleurs retiré des affaires quelques mois après. Quand à nous, nous aurions pu, par sa faute, périr dans la descente d’un col Alpin. A quoi tient la destinée!

Si mon activité environnementale m’a valu beaucoup de déboires, elle a tout de même provoqué, au sein de la population quelques mouvements de

Page 314: Avant d'être capitaine TOME 2

314

sympathie, voir d’amitié.Je rappellerai que c’est à l’heure la plus grave de la vie de l’association «Cosinat» : l’affaire de la lande, suivie de la destruction par chloratage des parterres de fleurs de Marie et par les menaces de mort que j’ai reçues, que le nombre d’adhérents à l’association a été le plus élevé, environ 600.Quelques solides amitiés sont nées de cette épreuve. J’en citerais trois au hasard :- Gabriel Chiché, Châtelain du Vaurouault qui venait exprès de Saint-Brieuc à toutes nos réunions.- Jean Clément, surgit à Carrien dès qu’il apprend par les journaux de notre association.- Georges Ménage, connu jadis à Paimpol et perdu de vue depuis.De fil en aiguille le réseau amical se développe.

Mais nos nombreuses relations, plus ou moins mondaines, prennent surtout naissance après la publication de mes livres.Je n’aurais jamais pensé que la rédaction d’un simple livre d’histoire locale puisse déclencher un tel mouvement d’intérêt. J’ai d’ailleurs ouvert à Carrien un classeur où sont rassemblés la plupart des témoignage de sympathie, de remerciements et de félicitations (voir tome 7).Et ça confine à l’heure où je rédige ces lignes. Il ne se passe guère de semaines sans que je reçoive une visite, une lettre ou un coup de téléphone relatifs à un de mes ouvrages.C’est ainsi que se forgent nos relations locales. J’en cite quelques unes au hasard : - Robert Capelle, ex joaillier à Bruxelles, venu à moi par le truchement de l’Histoire du Pays de Fréhel et de sa maison. De la façon suivante : un jour, maître Trotel, notaire, me demande l’autorisation de puiser dans mon livre pour y vanter le passé d’une ancienne et belle demeure à vendre à Fréhel. Accord. L’acheteur vient me voir et nous sympathisons.- Madeleine de Mareuil, veuve d’un excellent garçon qui, un jour, stoppe sa voiture devant Carrien pour me féliciter d’avoir écrit l’histoire de «Marie-Josèphe». Une amitié se noue, d’autant que les Mareuil ont acquis de l’oncle de Marie, Théodore Gesrel, une belle propriété, sise au Val en Plurien et qui fut jadis acquise au moment de la Révolution par un ancêtre de mon épouse.- Maxime Destrumeau, de Saint Cast qui, dès la parutions du livre m’en achète 7 derechef pour lui et ses gosses.Et bien d’autres relations qui se nomment : De Bodard, Du Créhu, du Fretay, De la Motte Broons, Augier, Grenier, Colonne, Selier, Jumeau, Segal, La Verrière, Trancart, Neu, Pimor, Olivier, Geffroy, Lachivier, Lauriot, Prévost, Dupouys, Wattecamps, de Ligouyer, Roger (américain)… Je fais une mention particulière pour un autre couple d’Américains, installé près de la chapelle du Temple, en Montbran. Il s’agit de Bill et Beverly Landrey, dont j’ai fait la connaissance lors d’un cocktail chez moi ami Capelle

Page 315: Avant d'être capitaine TOME 2

315

le joaillier ci-dessus cité.Bill est journaliste, correspondant pour l’Europe d’un journal américain de Saint Petersburg en Floride. Petit à petit nous sommes devenus amis. Devenus retraités ce couple partage son temps entre la Floride, où nous sommes invités, et la Bretagne sans compter de nombreux voyages à travers le monde.

Mon activité de recherches m’amène à m’inscrire dans différentes associations culturelles :- les amis du Vieux Lamalle et du Penthièvre- les amis de la bibliothèque et du musée de Dinan- l’association Bretonne- la société d’émulation des Côtes d’Armer- les vieilles maisons françaises.Dans ces sociétés nous rencontrons beaucoup de gens avides de culture.La connaissance initiale se prolonge souvent d’une amitié persistante. Ce qui fait que toutes les semaines d’automne, d’hiver et de printemps nous déjeunons ou dînons avec les uns ou les autres.L’été est consacré à la famille et ses envahissantes incursions. Hormis parfois un grand pot d’amitié où nous recevons 60 à 80 amis. Les enfants sont alors mis à contribution ainsi que les petits-enfants. Et tous le font de bon cœur. Ce qui nous attire les éloges de nos amis. Famille unie, famille soudée.Fermez le ban!

Dans mon étude sur «Carrien» j’ai parlé d’un cousin germain de mon beau-père : Paul Guérin et de son épouse Julia Rouxel. Je veux entretenir le lecteur de ces deux personnes car nous avons eu, Marie et moi, des lien étroits avec eux.Paul est le parrain de Marie. Très tôt, il a 17 ans, il s’engage pour la durée de la guerre. Il subit la dure vie des tranchées. Quand il revient pour une courte permission, le premier travail des siens est de le dévêtir et faire bouillir ses hardes où logent maintes parasites.Paul se marie par procuration durant les hostilités. Libéré après la victoire dès 1918, il s’établit marchand de chaussures, place des Cordeliers à Dinan, à la suite de sa mère. Les souffrances endurées durant les hostilités ont quelque peu dérangé son cerveau. Il ne cesse de parler à ses clients de sa vie en tranchées. Tant et si bien que, gentiment, la clientèle le surnomme «Monsieur 1914».Son épouse Julia est une femme organisée, capable et très douce avec son mari. Le couple n’a pas d’enfants.Je fais la connaissance de Paul et Julia quand je fréquente Marie. Je leurs fait visite un soir où je fais route vers Saint-Nazaire pour y obtenir un acte de naissance indispensable à mon mariage.

Page 316: Avant d'être capitaine TOME 2

316

Devant la raréfaction des transports je me suis ms en route avec la bicyclette de ma sœur Thérèse. Je couche à Dinan le soir, dans un hôtel voisin de la gare. Visite à la famille Guérin qui reçoit fort gentiment.Route le lendemain sur Rennes où j’arrive à me caser dans un car pour Nantes et Saint-Nazaire. Aucune place à l’hôtel. Je dors dans un baignoire. Le lendemain j’apprends que les services de la Mairie sont repliés sur Blain à une quarantaine de kilomètre dans le Nord-est de Saint-Nazaire. En route la bicyclette. Ça y est j’ai le précieux papier. Route sur Rennes et Plurien sous une pluie battante. Voilà ou conduit l’amour!Mais revenons au ménage Guérin. Nous leur faisons visite chaque été et plus souvent lors des trois années passées à Querqueville. La petite Rosengart consent à s’arrêter à Dinan.Puis arrive l’heure de notre repli sur Carrien. Les évènements vont se précipiter. Paul est hospitalisé. Ainsi que Marie qui opérée d’un rein.Décès de Paul. J’assume toutes les démarches et reste près de Julia durant l’enterrement et les jours suivants. Tout en visitant ma chère opérée. J’ai résolu le problème nocturne en couchant à l’hôpital, sur un fauteuil, dans la chambre de Marie. Par contre je n’apprécie guère la nourriture de l’hôpital. Je complète par quelques achats en ville.Marie rétablie, nous nous rendons presque toutes les semaines auprès de la tante Julia. Nous sommes les seuls familiers à la fréquenter. Elle s’est, quelques années auparavant, installée avec Paul dans un appartement sis 25 place Saint Sauveur. Appartement coupé en deux par un couloir commun à tous les locataires.Admise dans un centre de repos, Julia ne veut pas séparer son logement. Elle suggère de nous le céder en viager. Je pense à Philippe qui sera bientôt médecin et pourra peut-être venir s’installer à Dinan. J’acquiesce et chaque mois je remets son dû à Julia qui est ainsi satisfaite de cette solution. Laquelle me reviendra assez chère car Julia ne rendra son âme à Dieu que longtemps après cet accord.Sur les dernières de Julia, Marie est tous les jours à ses côtés, forçant l’admiration des infirmières. Mais, je l’ai déjà dit, Marie a un cœur d’or.Après le décès de Julia son notaire nous lit son testament par lequel elle nous fait, Marie et moi, ses seuls légataires.Faut-il dire en passant que le fisc y trouve son compte? Heureusement Julia nous a, bien avant sa mort, doté par le truchement de son banquier, d’une somme assez conséquente qui a ainsi échappé à la boulimie du fisc.Philippe bénéficie de cet argent que nous lui pétons, sans aucune condition, pour s’installer à Saint Jacques de la Lande.Nous avons conservés à Carrien quelques souvenirs de Julia et Paul et régulièrement nous passons au cimetière de Dinan nous recueillir sur la tombe de ces braves gens.Quant à l’appartement de Dinan, nous décidons d’en garder la moitié, superficie : 32m2, en la rénovant avec l’argent provenant de la vente de

Page 317: Avant d'être capitaine TOME 2

317

l’autre moitié. Les nouveaux propriétaires, Yves Nolleau et sa compagne sont devenus des amis.

Mes relations avec l’ÉgliseElles ont toujours été un peu lâches, je veux dire : pas très étroites.Cela a commencé dès mon plus jeune âge, puisque né en 1923 je n’ai été baptisé qu’en 1925, je ne sais pour quelle raison. Me voilà donc enfant de Dieu par le truchement du desservant de la paroisse de Plurien.Plus tard, étant au Havre, je suis le catéchisme de l’église Saint Léon. J’ai souvenance que notre mère nous donnait, à Célestin et à moi, chacun deux pièces de 1 sou, en bronze, à l’effigie de Napoléon III, elles avaient encore cours à l’époque, pour donner à la quête de la messe du Dimanche matin.Il y a, en face de l’église, une petite marchande de bonbons où nous allons troquer chacun un de nos deux sous contre des bonbons, souvent de grosses médailles en réglisse, vertes, noires et brunes, que nous croquions allègrement durant l’office. Quant au curé il doit se contenter du seul sou qu’il nous reste.Je suis le catéchisme avec Célestin et je fais, par dispense ma communion le même jour que lui, j’ai 9 ans et demi.Mais je ne suis guère imprégné de l’enseignement que j’ai reçu puisqu’un jour le vieux prêtre qui nous encadre me taxe de «chrétien de papier».Puis arrive la communion solennelle précédée, la veille, de la confession. Je crois que c’est la seule fois de ma vie où je suis entré dans un confessionnal et je me demande encore aujourd’hui quels pêchés j’ai pu avouer à un prêtre, à l’âge de 9 ans.Si, une fois j’ai pêché, vers mes 7/8 ans ! Etant chargé d’une course chez l’épicer voisin de notre domicile, alors qu’il a tournée le dos je ne peux m’empêcher de lui chiper un bonbon dans un grand bocal ouvert sous mon nez. Hélas il me voit et Maman Amiot est vite instruite de ce larcin. Elle m’administre une bonne correction en débitant son habituel vocabulaire, entendu des années durant : «Tu ne feras jamais qu’un pilier de prison», «Tu nous fais de la honte et du déplaisir».Mais revenons à la communion. Maman qui tient à son rang nous achète à tous les deux un énorme cierge que nous fatiguons à porter lors du défilé dans l’église. Des copains, sans doute moins fortunés portent eux, les veinards, de ridicules petits cierges. Il faut croire que, au sein de la paroisse Saint Léon nous avons un rang à tenir.Nous avons le costume communiant bleu marine et un brassard blanc sur un des bras. J’ai l’impression que ce genre de cérémonie est mis à profit par des gens orgueilleux qui se parent eux-même ou parent leurs enfants, de la plume du paon.Quelques jours après, rebelote de cérémonies à la paroisse voisine de Sainte Marie pour la confirmation.C’est fini. Je crois que, chrétien de papier, je ne suis guère retourné dans les

Page 318: Avant d'être capitaine TOME 2

318

églises que pour les baptêmes, mariages et enterrements.Quelques exceptions tout de même : la messe de minuit une fois à Saint Jacques de la Lande avec la famille de Philippe, une autre fois, aux Antilles, sur la «Jeanne d’Arc». Histoire de faire comme les copains.Une fois j’ai communié, lors d’un enterrement dans l’église de Plurien quand, par erreur, l’abbé Cohas, desservant, passant devant moi me donne l’hostie. Je n’ose pas la refuser. Me voilà presque un saint!Avant de m’étendre sur mes relations personnelles avec l’église je me pose une question : pourquoi faire communier les enfants à qui on a fait réciter certaines phrases qui, pour eux, ne signifie rien. Exemple : «Œuvre de chair tu ne feras et ne désireras qu’en mariage seulement».Ne serait-il pas plus convenable d’attendre un plus grand âge, exemple 18 ans, avant de procéder à une solennelle communion où on fait dire : «Je renonce au démon, à ses pompes et à ses œuvres et je m’attache à Jésus-Christ pour toujours»?

La communion passée, le catéchisme mis de côté, je déserte l’église et les offices. Disons que mes parents ne m’ont guère incité à fréquenter les messes.La question peut se poser : suis-je croyant? La réponse est affirmative car bien des secrets de la nature nous échappe. Mais je suis un croyant non pratiquant c’est tout simple.Il faut dire que le clergés pour quelque chose dans cette relative désertion des offices. Quand, au 16 eme siècle point la menace du protestantisme, le concile de Trente prescrit de donner plus d’éclat aux cérémonies religieuses afin de raviver la foi catholique. Il est certain que le peuple est sensible au décorum de l’église. Prenons un exemple : le mariage.Au civil il a lieu dans une petite pièce ripolinée de la Mairie. Seule décoration : la photographie du Président de la république en fonction, un homme que la moitié de la France adore et que l’autre moitié déteste. Quand la jeune et future mariée, au bras de son père monte la nef de l’église elle pense à ses parents, à ses aïeux, qui ont été ici baptisés, y ont communié, s’y sont mariés et, pour certains y ont été enterrés.Les gonfanons, les statues des Saints, les cierges lui font une haie d’honneur. La musique d’un orgue ou d’un harmonium donne à cette cérémonie un air de fête auquel la jeune mariée est très sensible.

Dans ma jeunesse, à Plurien, le jour de la Sainte Marie on sort de l’église une maquette de voilier 3 mâts portée par quatre enfants habillés en marins. D’autre portent des avirons et des drapeaux tricolores. Des bannières suivent. Puis une longue file de croyants qui entonnent le chant «Ave Maria». Direction le calvaire des Salines qui domine la mer et le marais.Cette émouvante cérémonie est suivie par toute une population. Aujourd’hui, comme bien d’autres, elle est abandonnée. Le bateau reste suspendu sous la

Page 319: Avant d'être capitaine TOME 2

319

voûte de l’église. Plaignez-vous après cela, messieurs les curés, de manquer de fidèles !!

Mais revenons à mes relations personnelles avec l’église. Nouveau contact pour mon mariage qui est célébré, en mairie à l’église, dans la plus stricte simplicité et intimité. Nous sommes, fin 1944, encore en guerre. Tout juste libérés. Quant à moi je n’ai pas un sou en poche : fauché et raide comme un passe-lacets.Dans la Marine j’ai eu des contacts sympathiques avec les divers aumôniers rencontrés. J’ai retenu le nom de deux d’entres eux : les frères Gendrot, originaires de la région rennaise. L’un d’eux est aumônier des Forces Maritimes en Indochine. Il vient souvent à Cat Laï. J’ai ensuite connu son frère, plus tard sur le «Clémenceau», aumônier des portes-avions. Il est très ouvert. Un peu paillard parfois. N’hésitant pas à conter des histoires un peu lestes. Je l’ai évoqué dans le chapitre «Clémenceau». Puis vient l’heure de la retraite. Les relations avec les différents prêtres qui se succèdent à Fréhel sont correctes. Chose curieuse : lorsque je me suis penché sur l’histoire de nos communes, c’est l’action du clergé, régulier et séculier, à travers les siècles, qui m’a le plus passionné. Il faut dire que cette action a été capitale. Les modestes serviteurs de l’église se sont, au fil du temps, avérés d’ardents défenseurs des petites gens, face aux exigeants aristocrates, cette classe qui s’est avérée incapable de diriger la France et dont les excès ont provoqué la Révolution en 1789. C’est pour cette raison qu’en fin de compte, j’ai une certaine estime pour nos desservants successifs. Tous ont reçus de moi, à leur départ, un souvenir de leur séjour à Fréhel, sous forme d’un de mes livres, en particulier : «Marie-Josèphe» «Paysanne en Haute Bretagne.»

Il est une question qu’on se pose lorsqu’on est jeune, qu’on a toute la vie devant soi : comment les anciens voient-ils l’échéance fatale ?Je ne puis, évidemment, répondre à cette question qu’en mon nom personnel.Eh bien, je vois arriver le grand départ avec sérénité. Après tout j’ai fait mon temps sur Terre. Il faut laisser la place aux jeunes ! La seule chose que j’appréhende est la souffrance tant morale que physique. Mourir en dormant serait l’idéal. Et, en fin de compte, s’il y a un jugement dernier, comme l’enseigne le catéchisme, on pourra mettre en balance mes bonnes et mauvaises actions. Je suis convaincu que le fléau penchera légèrement du bon bord. Ce sera la conclusion de cette histoire vécue.

AmenAmiot.

Fréhel, le 1er Juin 2001.

Page 320: Avant d'être capitaine TOME 2

320

Page 321: Avant d'être capitaine TOME 2

321

Page 322: Avant d'être capitaine TOME 2

322

Page 323: Avant d'être capitaine TOME 2

323

Page 324: Avant d'être capitaine TOME 2

324

Quand j’ai entrepris des recherches sur la famille, j’aurais aimé trouver quelques mémoires des anciens, découvrant l’intimité de leur vie familiale.

J’ai dû me contenter souvent d’actes publics : registres de délibération de conseils municipaux, actes d’état civil, minutes notariales...

Dans 100 ans, 200 ans, il se trouvera peut-être un descendant curieux de connaître notre existence au XXème siècle.

C’est a lui, c’est à elle, cet inconnu chercheur, que je dédie le présent ouvrage en souhaitant qu’il soit conservé dans son entier par ceux et celles qui l’auront en mains successivement.

Aux futurs chercheurs de l’an 2100 ou 2200

Pierre Amiot – Juin 2001