56
AZERBAÏDJAN LA RÉPRESSION DES DÉFENSEURS S’INTENSIFIE À L’APPROCHE DES JEUX DE BAKOU Rapport de mission internationale d’enquête Avril 2015

Azerbaïdjan : la répression s’intensifie à l’approche des Jeux européens

Embed Size (px)

DESCRIPTION

La répression sur la société civile, les ONG et les journalistes s'est dramatiquement intensifiée en Azerbaïdjan à l'approche des Jeux européens organisés à Bakou, dénonce l'Observatoire dans un rapport rendu public aujourd'hui. Le document présente les cas de 8 défenseurs des droits humains emblématiques détenus arbitrairement dans le pays et revient en détail sur l'arsenal judiciaire adopté dernièrement par les autorités afin de museler toutes les voix dissidentes.

Citation preview

  • AzerbAdjAnlA rpression des dfenseurs sintensifie lApproche des jeux de bAkourapport de mission internationale denqute

    Avril 2015

  • Azerbadjan : la rpression des dfenseurs sintensifie lapproche des Jeux de Bakou2

    Directeurs de la publication : Karim Lahidji, Gerald StaberockAuteurs du rapport : Hugo Gabbero, Souhayr Belhassen, Tolekan Ismailova, Peter Zangldition et coordination : Hugo Gabbero, Alexandra Pomeon, Miguel Martn ZumalacrreguiDesign : CBT Imprimerie de la FIDHDpt lgal avril 2015FIDH (d. franaise) ISSN 2225-1790 Fichier informatique conforme la loi du 6 janvier 1978 (Dclaration N 330 675)

    Photo de couverture : Le prsident azri Ilham Aliyev inspecte le stade Olympique de Bakou le 18 mars 2015. Les premiers Jeux europens se tiendront Bakou en juin 2015. Agence Andalou

  • Azerbadjan : la rpression des dfenseurs sintensifie lapproche des Jeux de Bakou3

    IntroductIon. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .9

    I LE contEXtE dE LA rPrESSIon. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11I - 1 - Le contexte poLItIque natIonaL : retour sur un verrouILLage poLItIque orchestr par La prsIdence azrIe . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11I - 2 - La craInte des mouvements protestataIres : prIntemps arabes, vnements en crIme, manIfestatIons en turquIe, confLIt dans La rgIon du haut-KarabaKh . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 12I - 3 - La perte dInfLuence des dIpLomatIes et des organIsatIons InternatIonaLes sur fond de rente ptroLIre et gazIre . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 12I - 4 - un pays hautement corrompu, tout en tant membre de LInItIatIve pour La transpa-rence dans Les IndustrIes extractIves (ItIe) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 15I - 5 - Les manIpuLatIons pour rprImer deux dfenseurs des droIts de La mInorIt taLysh . 16

    II LE cAdrE JurIdIQuE utILIS Pour rPrIMEr LES dFEnSEurS dES droItS HuMAInS . . . .17II - 1 - des restrIctIons drastIques de La LIbert dassocIatIon . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .17 Les obstacLes La cratIon et LenregIstrement des ong . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .17 Les obstacLes LobtentIon et LutILIsatIon de fInancements . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .18II - 2 - dIsposItIons pnaLes utILIses pour rprImer Les dfenseurs des droIts humaIns . .22

    III LES dFEnSEurS dES droItS HuMAInS ArBItrAIrEMEnt dtEnuS Au 1Er AVrIL 2015 . . . .23

    IV LES AutrES cAS dE HArcLEMEnt contrE dES dFEnSEurS dES droItS HuMAInS . . . . . .35Iv - 1 - bashIr suLeymanLI grcI et LIbr, maIs au terme de presque 10 moIs de dtentIon arbItraIre . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .35Iv - 2 - Le museLLement des journaLIstes traItant de sujets ayant traIt aux droIts humaIns . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 36Iv - 3 - Le harcLement et Le renvoI des avocats reprsentant des dfenseurs des droIts humaIns . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .37Iv - 4 - La sItuatIon prcaIre de mm . huseynov et nasIbov . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .38

    concLuSIon . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .40

    rEcoMMAndAtIonS . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .41

    AnnEXES1- une LgIsLatIon sur Les ong contraIre aux normes des natIons unIes en matIre de LIbert dassocIatIon . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .472- une LgIsLatIon sur Les ong crItIque par La commIssIon de venIse du conseIL de Leurope . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .493- Les artIcLes du code pnaL utILIss pour rprImer Les dfenseurs des droIts humaIns . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .49

  • Azerbadjan : la rpression des dfenseurs sintensifie lapproche des Jeux de Bakou4

    Wikipedia

  • Azerbadjan : la rpression des dfenseurs sintensifie lapproche des Jeux de Bakou5

    Rsum excutif

    1. contexte de la situation politique entourant la mission

    Durant lt 2014, alors que le pays prsidait le Comit des ministres du Conseil de lEurope, une rpression particulirement svre sest abattue contre la socit civile, les ONG, les dfenseurs des droits humains et les journalistes ainsi que leurs avocats. Dminents dfenseurs des droits humains et journalistes ont t arrts, linstar de M. et Mme Yunus, M. intigam Aliyev et bien dautres. Les conditions de travail des ONG et des dfenseurs des droits humains se sont srieusement dgrades.

    Cette rpression svre doit tre analyse dans le contexte des prochaines lections prvues pour novembre 2015 et la situation tendue qui prvaut dans la rgion du Caucase. Par ailleurs, en juin 2015, Bakou accueillera les tous premiers Jeux europens, une opportunit pour lAzerbadjan de soigner son image sur le plan international et dapparatre comme un pays europen moderne. Les comits nationaux olympiques devront ainsi prendre srieusement en considration la dgradation de la situation des droits humains dans le pays mesure que la date des Jeux approche.

    Or, la prise de conscience de cette situation dramatique sur le plan international reste pour lheure insuffisante.

    2. Objectifs et programme de travail de la mission

    Suite la vague de dtentions arbitraires, l Observatoire pour la Protection des Dfenseurs des Droits de lHomme (lObservatoire) a dcid denvoyer une mission Bakou, du 4 au 8 janvier 2015, afin dexprimer sa solidarit avec la socit civile azrie, mieux valuer la situation et lenvironnement de travail depuis la rpression de lt 2014, tenter dentreprendre un dialogue avec les autorits dAzerbadjan sur ces problmatiques et visiter les dfenseurs des droits humains et journalistes emprisonns.

    La mission tait compose des dlgus suivants :

    - souhayr Belhassen, Prsidente honoraire de la FIDH- tolekan ismailova, Vice-prsidente de la FIDH- Hugo Gabbero, charg de programme de lObservatoire - Peter Zangl, reprsentant de lOMCT auprs de lUnion europenne

    Au cours de cette mission, la dlgation a rencontr des avocats et anciens avocats de dfenseurs des droits humains, des journalistes, des diplomates, des ONG, le Commissaire adjoint aux droits de lHomme du bureau de lOmbudsman et le Chef du Mcanisme national de prvention (MNP).

    Des demandes de rendez-vous ont galement t adresses dautres institutions, y compris le ministre de la Justice, restes sans rponse, et lors de son dernier jour de mission, la dlgation a t informe oralement quelle devait dposer sa demande auprs du ministre des Affaires trangres. La demande crite qui sen est suivie est reste elle-aussi sans rponse positive.

    De mme, la demande formelle adresse ds dcembre 2014 pour visiter les dtenus dfenseurs des droits humains suivants :

    - m. Anar mammadli- m. Bashir suleymanli- m. Rasul Jafarov- m. intigam Aliyev- mme Leyla Yunus- m. Arif Yunusov- mme Khadija ismayilova

    et ritre plusieurs reprises, est reste sans rponse.

  • Azerbadjan : la rpression des dfenseurs sintensifie lapproche des Jeux de Bakou6

    3. conclusions de la mission

    Les lments recueillis pendant la mission ont largement confirm la gravit de la rpression contre les dfenseurs des droits humains et la socit civile en gnral. Quatre aspects ont tre particulirement documents lors de la mission :

    Harclement judiciaire et dtention arbitraire des dfenseurs des droits humains et journalistes

    Selon la loi en vigueur, une mesure de dtention prventive peut tre prolonge jusqu 18 mois. Cette mesure est utilise par les autorits comme prtexte pour refuser les visites tant que lenqute na pas commenc ou est en cours.

    Plusieurs dfenseurs des droits humains en dtention arbitraire se trouvent dans une situation physique et psychologique proccupante, en particulier intigam Aliyev, directeur de la Socit pour lenseignement du droit, Leyla Yunus, directrice de lInstitut pour la Paix et la Dmocratie (IPD) et membre de lAssemble gnrale de lOMCT, ainsi que son mari Arif Yunusov, chef du dpartement de conflictologie de lIPD et Anar mammadli, prsident du Centre de surveillance des lections et dtudes de la dmocratie (EMDSC).

    En janvier 2015, se sont ouverts les procs dIntigam Aliyev et de Rasul Jafarov, directeur du Club des droits de lHomme , qui travaillait sur une campagne intitule le Sport pour les droits humains en amont des Jeux europens prvus pour juin 2015 dans la capitale azrie. Le 16 avril 2015, la Cour des crimes graves de Bakou a condamn M. Jafarov 6 ans et demi de prison.

    Enfin, MM. Anar mammadli et Hilal mammadov, dfenseur des droits de la minorit ethnique Talysh et rdacteur en chef du journal Tolishi-Sado (La Voix des Talysh) ont t condamns de lourdes peines demprisonnement, respectivement cinq ans et demi et cinq ans.

    En labsence de preuves tayes, et au regard de lutilisation abusive de la lgislation nationale pour criminaliser des activits protges par le droit international, tous les dfenseurs des droits humains actuellement en dtention devraient tre librs en accord avec le Pacte international sur les droits civils et politiques et la Dclaration des Nations unies sur les dfenseurs des droits de lHomme.

    Ce rapport prsente des fiches individuelles pour chacun des dfenseurs dtenus, les accusations pnales leur encontre, leur lieu de dtention, ainsi quune valuation de leurs conditions de dtention et leur tat de sant. Les informations prsentes dans ces fiches individuelles, et plus gnralement dans le prsent rapport, confirment que leur dtention est totalement disproportionne et dnue de tout fondement, et que les conditions de dtention de certains des dtenus sapparentent des traitements inhumains et dgradants.

    une rduction considrable de lespace dintervention de la socit civile et des ONG, avec une nouvelle lgislation restrictive sur les ONG et les subventions

    Depuis 2009, le gouvernement a tent de limiter les activits des ONG et de leurs soutiens trangers en Azerbadjan. En 2011, un nouveau dcret a contraint les bureaux des ONG internationales conclure des accords bilatraux avec le gouvernement, ce qui a entran la suspension des activits des bureaux de lInstitut national dmocratique pour les affaires internationales (NDI - tats-Unis) et de la Human Rights House Foundation (HRHF Norvge), faute de rponse adquate du gouvernement. Au printemps 2013, le NDI, financ par les tats-Unis, a t accus dans les mdias pro-gouvernementaux de prendre part la prtendue Rvolution Facebook 1. Peu de temps aprs llection prsidentielle doctobre 2013, les autorits ont ouvert une enqute pnale lencontre de deux ONG spcialises dans la surveillance des lections. Depuis, une srie damendements la lgislation sur les ONG et les subventions a t adopte pour museler la socit civile azrie et accrotre le pouvoir discrtionnaire des autorits afin de les autoriser dcider au cas par cas des procdures selon lesquelles les ONG pourront tre

    1. Cf. Article de RFE/RL, Baku Leans On NGOs As Presidential Election Nears, March 21, 2013, disponible (en anglais seulement) sur : http://www.rferl.org/content/azerbaijan-presidential-election-/24934952.html

  • Azerbadjan : la rpression des dfenseurs sintensifie lapproche des Jeux de Bakou7

    enregistres et recevoir des fonds. Au titre de ce nouveau cadre rglementaire, les ONG sont contraintes de senregistrer auprs du gouvernement ainsi que denregistrer leurs fonds auprs du ministre de la Justice, avant de percevoir ces fonds.

    Les ONG non enregistres ne peuvent pas bnficier dun compte bancaire en leur nom et en cela, elles ne peuvent donc pas recevoir de fonds, nationaux comme trangers. Et mme celles qui ont un compte bancaire doivent demander une autorisation pour chaque subvention spcifique.

    Sans ces autorisations, les ONG se retrouvent forces denfreindre la loi afin de pouvoir recevoir des fonds, notamment en provenance de ltranger. Le recours des subventions non enregistres est dsormais considr comme un dlit administratif et les autorits judiciaires considrent ces fonds comme une source imposable de revenus. Cest ainsi que MM. Rasul Jafarov et Intigam Aliyev ont t accuss dvasion fiscale.

    Le 19 novembre 2014, le Prsident Ilham Aliyev a sign de nouveaux amendements la lgislation sur les ONG et les subventions qui restreignent davantage encore la capacit des ONG fonctionner de manire indpendante, en opposant des obstacles supplmentaires lobtention de fonds et la mise en uvre des contrats de service.

    En rsum, la lgislation rpressive sur les ONG, qui constitue une violation flagrante des normes internationales relatives au droit la libert dassociation, coupl au refus systmatique des autorits denregistrer les ONG et de leur permettre dobtenir des subventions, ont rendu illgales les activits des dfenseurs des droits humains au regard de la lgislation nationale.

    En dcembre 2014, la Commission europenne pour la dmocratie par le droit (Commission de Venise)2 a rendu un avis ferme sur cette lgislation, recommandant que ces rglementations soient amendes afin de simplifier la procdure, de la rendre transparente, de limiter les causes de refus denregistrement et dautoriser les fonds trangers moins dinvoquer des raisons claires et spcifiques.

    Alors que cette lgislation rpressive est en vigueur, il est important de noter quun groupe de travail joint sur les droits de lHomme a t rtabli en octobre 2014 sous limpulsion du Secrtaire gnral du Conseil de lEurope. Ce groupe de travail est un organe national compos de reprsentants des autorits et de la socit civile, mais seules les ONG enregistres peuvent y participer. En outre, 6 millions de manats azris (environ 5,4 millions dEuros au 18 mars 2015) sont disponibles au sein du fond gouvernemental de soutien aux ONG pour 2015.

    La situation des avocats et anciens avocats de dfenseurs des droits humains

    Alors que lAzerbadjan ne compte quun nombre limit davocats dfendant les droits humains, ceux-ci sont la cible de harclement et sont empchs de dfendre leurs clients sur la base de motifs fallacieux, allant de leur citation comme tmoins au procs de leurs clients (comme cest le cas de trois des avocats dfendant M. Intigam Aliyev) jusqu des actes de harclement divers. Cest ainsi que Mme Leyla Yunus a t prive de lun de ses avocats, Me Javad Javadov, aprs que celui-ci eut critiqu le harclement judiciaire dont est victime sa cliente. De mme, un autre avocat de Mme Yunus, Me Alaif Hasanov, pourrait tre condamn des travaux dintrt gnral suite une plainte dpose par la codtenue de Mme Yunus. Enfin, un autre de ses avocats, M. Bagirov, a vu sa licence suspendue et pourrait tre radi du Barreau sur la base dune plainte dpose par le Barreau dAzerbadjan devant les juridictions civiles. En outre, le 12 mars 2015, quelques semaines aprs la mission de lObservatoire, Me Yalchin Imanov, lavocat de Mme Khadija Ismayilova, a t dessaisi aprs la jonction de deux affaires pnales lencontre de sa cliente. Me Imanov tait cit en tant que tmoin dans lune des deux affaires, alors quil intervenait en qualit davocat dans lautre.

    La situation des journalistes et des mdias

    Le secteur des mdias en Azerbadjan est largement contrl par lexcutif. titre dexemple, en juillet 2013, le Prsident Ilham Aliyev a inaugur un btiment Bakou, o 155 appartements avaient t offerts des journalistes, dans une volont manifeste de contrler davantage la

    2. Cf. Avis 787/2014 de la Commission de Venise, adopt le 15 dcembre 2014, disponible sur : http://www.coe.int/t/ngo/Source/Venice_Comm_opinion_787_2014_amendments_NGO_law_Az_en.pdf.

  • Azerbadjan : la rpression des dfenseurs sintensifie lapproche des Jeux de Bakou8

    presse3. Pendant ce temps, les quelques rares journalistes indpendants qui demeurent actifs sont clairement isols et leurs conditions de travail matrielles et financires se dtriorent fortement. Larrestation du chroniqueur de Zerkalo, Rauf mirqadirov, aprs son extradition de Turquie en avril 2014, la dtention arbitraire de la journaliste dinvestigation Khadija ismayilova et du rdacteur en chef du journal Tolishi-Sado, Hilal mammadov, ainsi que lattaque et la fermeture des bureaux de Radio Free Europe-Radio Liberty (RFE-RL) Bakou en dcembre 2014, sont de parfaites illustrations de la persistante rpression lencontre des journalistes indpendants.

    En outre, la pression exerce sur les blogueurs indpendants est constante. Plusieurs blogueurs qui ont post sur les mdias sociaux des commentaires critiquant le rgime, ont t arrts sous de fausses accusations, y compris pour possession prsume de drogues. De plus, la diffamation sur Internet est dsormais passible de poursuites, et lune des premires victimes de cette lgislation a t Khadija Ismayilova, en raison dune publication sur sa page Facebook4.

    Recommandations

    Sur la base de leurs conclusions, les chargs de mission ont formul des recommandations spcifiques pour exhorter les autorits nationales, les Nations unies, lUnion europenne, le Conseil de lEurope, et dautres acteurs concerns, amliorer la protection et lenvironnement de travail des dfenseurs des droits humains en Azerbadjan. Lensemble de ces recommandations est disponible la fin du prsent rapport.

    3. Cf. Article de RFE-RL, Baku Doles Out Apartments To Journalists, 24 juillet 2013, disponible (en anglais seulement) sur : http://www.rferl.org/content/azerbaijan-apartments-for-journalists-aliyev/25055301.html4. Le 3 octobre 2014, une enqute pour diffamation a t ouverte lencontre de Mme Ismailova, suite une plainte dpose par un homme politique M. Elman Trkoglu.

  • Azerbadjan : la rpression des dfenseurs sintensifie lapproche des Jeux de Bakou9

    iNtRODuctiONEn 2014, alors mme que lAzerbadjan prsidait le Comit des ministres du Conseil de lEurope, une violente vague de rpression sest abattue sur la socit civile, les ONG, les dfenseurs des droits humains et les journalistes. En juillet et aot 2014, les noms des dfenseurs des droits humains Leyla Yunus, Arif Yunusov, intigam Aliyev, et Rasul Jafarov, rejoints plus tard par Khadija ismayilova, ont t ajouts la liste des prisonniers de conscience. En parallle, les comptes bancaires de plusieurs ONG indpendantes recevant des fonds de ltranger ont t gels, sous couvert dune srie damendements aux lois sur les ONG et les subventions, adopts par le Parlement dAzerbadjan, visant restreindre le travail des ONG. Cette nouvelle lgislation accrot dsormais la capacit des autorits ordonner de manire discrtionnaire la suspension temporaire et linterdiction permanente des ONG nationales et trangres, et introduit lgard des ONG des exigences administratives supplmentaires ainsi que des contrles accrus. Les ONG non enregistres ne peuvent plus recevoir de subventions. Alors que travailler au titre de subventions non enregistres constitue une infraction administrative, les tribunaux ont dsormais tendance considrer ces fonds comme le revenu personnel de leurs destinataires, afin de pouvoir poursuivre ces derniers pour vasion fiscale. En outre, les comptes bancaires de certaines ONG et de leurs reprsentants ont t gels sur la base du Code pnal, la demande du Parquet gnral.

    Dautre part, les avocats des dfenseurs criminaliss prouvent dimmenses difficults dfendre leurs clients. Les techniques utilises par les autorits pour les dmettre des cas quils dfendent sont multiples : certains sont cits comme tmoins aux procs de leurs clients, dautres font lobjet de plaintes fallacieuses, les exposants une radiation du barreau, linstar de lavocat Khalid Bagirov.

    En outre, la situation dramatique des journalistes fait craindre une rpression encore plus importante lapproche des premiers Jeux europens prvus Bakou en juin 2015.

    Cest dans ce contexte que du 4 au 8 janvier 2015, lObservatoire a ralis une mission en Azerbadjan, compose de souhayr Belhassen, prsidente honoraire de la FIDH, tolekan ismailova, vice-prsidente de la FIDH, Peter Zangl, reprsentant du bureau de lOMCT auprs de lUnion europenne et Hugo Gabbero, charg de programme de lObservatoire pour la Protection des Dfenseurs des Droits de lHomme. Cette mission comportait trois volets : rencontrer les reprsentants de la socit civile dont des journalistes et des avocats, sentretenir avec les autorits et rendre visite aux dfenseurs en prison.

    Toutefois, une demande de rendez-vous avec les autorits du ministre de la Justice na pas aboutie et laccs aux centres de dtention, notamment celui de Kurdakhani, dans le but de rendre visite aux dfenseurs des droits humains emprisonns sest avr impossible. Ce manque de coopration des autorits a fortement contrast avec une prcdente mission de la FIDH effectue avant llection prsidentielle en 2013, o les chargs de mission avaient t autoriss rendre visite aux personnes en dtention prventive dans ce mme centre de Kurdakhani.

    Les chargs de mission de lObservatoire ont nanmoins t en mesure de rencontrer des reprsentants du bureau de lOmbudsman qui ont soigneusement expliqu leur politique de dveloppement en matire de dmocratie et de droits humains, ainsi que les diffrentes activits mises en uvre dans le cadre du Plan daction national adopt par le Parlement, sagissant notamment de leur volont de cooprer avec la socit civile, de leur capacit visiter les prisons et dexaminer la situation des dtenus travers le mcanisme national de prvention , mis en place depuis la ratification du Protocole facultatif la Convention des Nations unies contre la torture (OPCAT).

    LObservatoire a men sa mission un moment charnire pour la socit civile azrie, dsormais confronte deux alternatives : la rpression ou lautocensure, sous couvert de dialogue avec des officiels gouvernementaux au sein dun Groupe de travail conjoint sur les droits de lHomme 5, un organe national raviv le 22 octobre 2014 sous limpulsion du Secrtaire gnral du Conseil de

    5. Selon les informations reues, aprs une priode dinactivit, ce groupe a repris ses runions au printemps.

  • Azerbadjan : la rpression des dfenseurs sintensifie lapproche des Jeux de Bakou10

    lEurope, Thorbjrn Jagland6. Ce groupe de travail conjoint est critiqu par une partie de la socit civile comme un outil au service du pouvoir pour coopter et diviser le secteur non gouvernemental7. Seules les ONG enregistres peuvent participer ce groupe de travail. En outre, six millions de manats azris (soit environ 5,4 millions deuros8) sont disponibles dans le Fonds dtat pour soutenir les activits des ONG pour 2015, un montant suprieur de 50 % par rapport celui de 20149. Paralllement, les ONG qui ont recours des fonds trangers sexposent des risques de harclement judiciaire. Par consquent, cette situation place nombre de dfenseurs des droits humains face un rel dilemme : intgrer le groupe de travail au risque de compromettre leur capacit dnoncer les violations des droits humains librement, ou boycotter linitiative, au risque dtre criminaliss pour des motifs fallacieux.

    La prsente note de mission vise analyser la situation gopolitique rgionale ainsi que le contexte politique national dans lesquels oprent aujourdhui les dfenseurs des droits humains, tenter de comprendre les raisons de la chape de plomb qui sest abattue ces derniers mois sur la socit civile, prsenter des fiches individuelles de dfenseurs actuellement en dtention, et formuler des recommandations concrtes destination des autorits azries, des Nations unies, du Conseil de lEurope, de lUnion europenne et de ses tats membres, et dautres acteurs pertinents.

    6. Cf. The Guardian, Thorbjrn Jagland, secretary general of the Council of Europe, Azerbaijans human rights are on a knife edge. The UK must not walk away, 3 novembre, 2014, disponible sur : http://www.theguardian.com/commentisfree/2014/nov/03/azerbaijan-human-rights-uk-tory-echr7. Cf. EURASIANET, Azerbaijan: Debating GONGO vs. NGO, 4 novembre 2014, disponible sur : http://www.eurasianet.org/node/707618. La conversion est base sur le taux de change en vigueur au 18 mars 2015.9. En 2007, le gouvernement dAzerbadjan a cr le Conseil dtat pour le soutien aux ONG, contrl par le bureau du prsident de la Rpublique, qui vise accorder un financement des ONG nationales et trangres, et faciliter la coopration entre les ONG et le gouvernement .

  • Azerbadjan : la rpression des dfenseurs sintensifie lapproche des Jeux de Bakou11

    i Le cONtexte De LA RPRessiON

    i - 1 - Le contexte politique national : Retour sur un verrouillage politique orchestr par la prsidence azrie

    En 2003, Ilham Aliyev a succd son pre Heydar Aliyev la prsidence de la Rpublique, sur fond de fraude lectorale10. Si certains observateurs ont dans un premier temps vu Ilham Aliyev comme un rformateur potentiel, ce dernier a rapidement consolid lautoritarisme du rgime.

    Des lections parlementaires ont eu lieu en novembre 2005 sur fond dirrgularits, suite auxquelles lopposition a t svrement rprime11. Dans le mme temps, en avril 2006, peu aprs linauguration de loloduc Bakou-Tbilissi-Ceyhan et du gazoduc Bakou-Tbilissi-Erzurum, Ilham Aliyev a reu sa premire invitation officielle Washington, intensifiant la coopration conomique avec les tats-Unis, au dtriment des questions lies aux liberts publiques.

    En octobre 2008, Ilham Aliyev a remport llection prsidentielle pour un nouveau mandat de cinq ans, avec 89 % des voix. Les principaux partis de lopposition ont boycott llection12.

    Suite sa rlection, Ilham Aliyev a fait supprimer la limite de deux mandats prsidentiels conscutifs. Dans un contexte de musellement des mdias indpendants et daffaiblissement de lopposition, le prsident a peu a peu renforc le culte de la personnalit, dans tous les aspects de la vie publique.

    Paralllement, Ramiz Mekhtiev, le Chef actuel de ladministration prsidentielle, a dvelopp la doctrine politique du modle azri , dfinissant son modle de gouvernance de prtendue dmocratie responsable . Plusieurs officiels et hommes politiques pro-gouvernementaux nhsitent pas affirmer que la dmocratie est une notion nouvelle pour le pays , justifiant lautoritarisme comme un rempart contre le chaos .

    De nouvelles lections prsidentielles ont eu lieu en octobre 2013, reconduisant Ilham Aliyev, dj au pouvoir depuis dix ans, jusquen 2018, avec 84,5 % des voix en sa faveur. Ces lections ont t critiques par lOrganisation pour la scurit et la coopration en Europe (OSCE)13 ainsi que par le Haut reprsentant de lUnion pour les affaires trangres et la politique de scurit pour lUnion europenne, Catherine Ashton, et le commissaire europen llargissement et la politique europenne de voisinage, Stefan Fle, qui ont relev des problmes importants (...) toutes les tapes du processus lectoral le jour du scrutin , ainsi que de graves manquements notamment des restrictions de liberts dexpression, de runion et dassociation qui ne garantissent pas des conditions quitables pour les candidats 14. Le 12 octobre, environ 4 000 manifestants ont protest contre les rsultats de llection. Dix dentre eux ont t arrts, et dautres svrement battus.

    Les prochaines lections parlementaires sont prvues pour novembre 2015.

    10. Cf. Bureau pour les institutions dmocratiques et les droits de lHomme, OSCE/ODIHR Election Observation Mission Report, REPUBLIC OF AZERBAIJAN PRESIDENTIAL ELECTION, 15 octobre 2003, p. 29.11. Cf. International Crisis Group, Azerbaijans 2005 Elections: Lost Opportunity, 21 novembre 2005, disponible sur : http://www.crisisgroup.org/en/regions/europe/south-caucasus/azerbaijan/b040-azerbaijans-2005-elections-lost-opportunity.aspx12. Cf. Parlement europen, Rapport de mission dobservation lectorale, 13 16 octobre 2008, disponible sur : http://www.crisisgroup.org/en/regions/europe/south-caucasus/azerbaijan/b040-azerbaijans-2005-elections-lost-opportunity.aspx13. Cf. OSCE, communiqu de presse, Azerbaijan, Presidential Election, 9 October 2013: Statement of Preliminary Findings and Conclusions, 9 octobre 2013, disponible sur : http://www.osce.org/odihr/elections/10690114. Cf. communiqu conjoint, Statement by the Spokespersons of EU High Representative Catherine Ashton and Commissioner tefan Fle on Presidential elections in Azerbaijan, disponible sur : http://europa.eu/rapid/press-release_MEMO-13-879_en.htm. Dans une dclaration publique qui a surpris bon nombre dobservateurs, les dlgations de lAssemble parlementaire du Conseil de lEurope et du Parlement europen ont quant elles conclu que ces mmes lections staient droules dans de bonnes conditions. Cf. http://www.assembly.coe.int/nw/xml/News/News-View-EN.asp?newsid=4699&lang=2&cat=31.

  • Azerbadjan : la rpression des dfenseurs sintensifie lapproche des Jeux de Bakou12

    i - 2 - La crainte des mouvements protestataires : Printemps arabes, vnements en crime, manifestations en turquie, conflit dans la rgion du Haut-Karabakh

    Si la rpression sest intensifie en 2014, des dizaines de militants avaient dj t arrts dbut 2011 lors de manifestations pro-dmocratie en Azerbadjan15, dans un contexte o les autorits redoutaient lclatement dune rvolution similaire aux printemps arabes16. Cette vague de rpression vis--vis de la socit civile a perdur en 2012, anne du concours de lEurovision, en amont duquel plusieurs dfenseurs staient mobiliss pour dnoncer les violations des droits humains dans le pays. Elle sest poursuivie en mars et avril 2013, anne de llection prsidentielle, lorsque les autorits ont arrt M. Mammad Azizov, M. Bakhtiyar Guliyev, M. Shahin Novruzlu, M. Rashadat Akhundov, M. Uzeyir Mammadli, M. Rashad Hasanov, M. Zaur Gurbanli, ainsi que M. Ilkin Rustamzade, militants du mouvement civique pro-dmocratique NIDA . Tous ont t accuss d obtention, dtention ou vente illgale de drogues (article 234.1 du Code pnal), obtention, dtention ou port illgal darmes ou dexplosifs (article 228.1 du Code pnall) et, plus tard, de planification dorganisation de troubles lordre public , puis condamns des peines allant de six huit ans demprisonnement. En dcembre 2014, MM. Zaur Gurbanli et Uzeyir Mammadli ont bnfici dune amnistie prsidentielle, tandis que dautres restent en prison.

    Aujourdhui, les autorits azries continuent dintensifier le musellement des voix critiques, craignant un mouvement de dstabilisation similaire aux vnements rcents survenus dans certaines rgions voisines de lAzerbadjan. Le dernier tour de vis de 2014 sinscrit en effet dans un contexte gopolitique rgional dict non seulement par le renforcement constant de lhgmonie et de lautoritarisme russe dans la rgion post-sovitique encore intensifi depuis les vnements de Madan en Ukraine, mais aussi par laccroissement des restrictions des liberts publiques dans la Turquie voisine, en particulier depuis les grandes manifestations du parc Gezi en 2013. Par ailleurs, si la Turquie semble simpliquer de manire croissante sur la question du conflit entre lAzerbadjan et lArmnie au Haut-Karabagh17, les dfenseurs des droits humains azris travaillant sur cette question sont rests la cible dune rpression svre en 2014, linstar de Leyla Yunus et de Arif Yunusov, ou encore du journaliste azri Rauf mirqadirov, extrad de facto par la Turquie vers lAzerbadjan, et qui reste dtenu ce jour. La double influence de la Turquie et de la Russie sur lAzerbadjan ne laisse que peu despoir un retournement de la situation politique.

    i 3 - La perte dinfluence des diplomaties et des organisations internationales sur fond de rente ptrolire et gazire

    La perte dinfluence croissante des diplomaties trangres sur lAzerbadjan est un facteur tout aussi inquitant. Cette perte dinfluence est inversement proportionnelle laccroissement de la dpendance de lOccident vis--vis du ptrole et du gaz azris, achemins louest depuis 2006 par loloduc Bakou-Tbilissi-Ceyhan et par le gazoduc Bakou-Tbilissi-Eruzum, en contournant le territoire russe.

    15. La Cour europenne des droits de lHomme a rendu plusieurs dcisions cet gard, et lAssemble parlementaire du Conseil de lEurope (APCE) a adopt plusieurs rapports et rsolutions, tels que : Doc. 13079 (2012) : Follow-up to the issue of political prisoners in Azerbaijan ; Doc. 13084 (2012) : The honouring of obligations and commitments by Azerbaijan ; Doc. 13079 Add. (2013) : Follow-up to the issue of political prisoners in Azerbaijan et Res. 2018 (2014) : Progress of the Assemblys monitoring procedure.16. Aujourdhui, la conscience du danger islamiste , fruit de certaines rvolutions arabes comme en Libye, est utilise par les autorits, selon les cas, pour dnigrer certaines voix contestataires et appeler faire bloc derrire le prsident.17. La Turquie est membre du Groupe de Minsk de lOSCE.

  • Azerbadjan : la rpression des dfenseurs sintensifie lapproche des Jeux de Bakou13

    Or, plus les tensions gopolitiques se renforcent entre la Russie dune part, et lUnion europenne ainsi que les tats-Unis dautre part, plus les occidentaux sont tributaires de la feuille de route nergtique alternative dont lAzerbadjan est le pivot. Le 4 mars 2015, le Prsident Ilham Aliyev a rencontr le Premier ministre bulgare Boiko Borisov dans le but de relancer le projet de gazoduc Nabucco, une autre source dapprovisionnement en gaz de lEurope depuis lAzerbadjan qui passerait par la Bulgarie ou la Turquie18. Cette rente ptrolire et gazire place donc lAzerbadjan en situation de position dominante dans les changes diplomatiques avec lUnion europenne, et permet au rgime de tenir un discours arrogant et menaant sans crainte de consquences. Fin 2014, le chef du dpartement des affaires politiques et sociales de ladministration prsidentielle azrie, Ali Hasanov, a accus publiquement l Occident de dvelopper des analyses biaises et de sadonner une politique du deux poids deux mesures envers lAzerbadjan, et dclar que le pays ne craignait pas les pressions et menaces infondes de la part de certaines organisations internationales ou certains tats.

    Sagissant de ses relations avec le Conseil de lEurope, lAzerbadjan a t plusieurs reprises critiqu pour sa diplomatie du caviar , tant accus dacheter les votes au sein de lAssemble parlementaire de linstitution19. Lapoge de la rpression de la socit civile en Azerbadjan partir davril 2014, au moment mme o le pays sapprtait prendre la prsidence du prestigieux Comit des ministres du Conseil de lEurope, a fini dachever tout espoir de coopration sur la situation des droits humains.

    Tout en assurant la prsidence du Conseil de lEurope de mai novembre 2014, lAzerbadjan a viol la majorit des principes noncs dans la Convention europenne des droits de lHomme en muselant la socit civile azrie via des arrestations et dtentions arbitraires, ainsi que des obstacles drastiques au fonctionnement des ONG indpendantes.

    Par ailleurs, en novembre 2014, une dlgation de la Commission de Venise na pas pu se rendre en Azerbadjan, les autorits azries ayant selon certaines sources ignor la demande dinvitation formule par le secrtariat de la Commission20. La Commission de Venise devait publier, quelques semaines aprs sa visite, une opinion sur la lgislation azrie en matire de libert dassociation (cf. infra).

    18. Cf. Reuters, Bring back Nabucco pipeline, Bulgaria says after South Stream demise, 4 mars 2015, disponible sur : http://www.reuters.com/article/2015/03/04/bulgaria-azerbaijan-pipeline-idUSL5N0W61T520150304. En outre, le Trans-Adriatic Pipeline (TAP), un projet concurrent celui de Nabucco qui acheminerait le gaz azri vers lItalie via la Grce, est toujours ltude.19. Cf. Initiative europenne pour la stabilit, Caviar Diplomacy: How Azerbaijan silenced the Council of Europe part 1, 24 mai 2012 disponible sur : http://www.esiweb.org/pdf/esi_document_id_131.pdf.20. Cf. Contact.az, The Venice Commission calls for the repeal restrictive amendments to the law on NGOs, 15 dcembre, 2014, disponible sur : http://contact.az/docs/2014/Politics/121500099967en.htm#.VQGAU2bcVHA

    TURKMENISTAN

    Nabucco gas pipelineto Central Europe

    (planned)

    Baku-Tbilisi-Ceyhanoil pipeline

    Baku-Tbilisi-Erzurumgas pipeline

    Trans-Caspian gas pipeline(proposed)

    Baku-Supsaoil pipeline

    Baku-Novorossiyskoil pipeline

    Map of the existing and planned oil and gas pipelines from Baku. http://commons.wikimedia.org/wiki/File:Baku_pipelines.svg Thomas Blomberg

  • Azerbadjan : la rpression des dfenseurs sintensifie lapproche des Jeux de Bakou14

    Le manque de coopration avec le Sous-comit des Nations unies sur la prvention de la torture (SPT) fin 2014 est galement proccupant. LAzerbadjan a ratifi en 2009 le Protocole additionnel la Convention des Nations unies contre la torture (OPCAT), acceptant ainsi de manire illimite les visites non planifies dans tous ses centres de dtention par des organes nationaux de supervision ainsi que par le Sous-comit. Cependant, dans un communiqu de presse du 17 septembre 2014, le SPT a annonc une dcision sans prcdent de suspendre sa visite en Azerbadjan en raison des obstructions rencontres dans le cadre de lexcution de son mandat :

    the united Nations subcommittee on Prevention of torture (sPt) has decided to suspend its visit to Azerbaijan due to obstructions it encountered in carrying out its mandate under the

    Optional Protocol to the convention against torture and other cruel, inhuman or Degrading treatment or Punishment (OPcAt), to which Azerbaijan is a party.

    the delegation was prevented from visiting several places where people are detained and was barred from completing its work at other sites, despite repeated attempts to do so and assurances

    of unrestricted access to all places of deprivation of liberty by Azerbaijani authorities.

    As a result of these serious breaches of Azerbaijans obligations under the Optional Protocol, the delegation concluded that the integrity of its visit, scheduled to run from 8 to 17 september, had been compromised to such an extent that it had to be suspended21.

    Le Commissaire aux droits de lHomme du Conseil de lEurope, M. Nils Muinieks, a quant lui pu accder en octobre 2014 au centre de dtention o sont dtenus Leyla Yunus, Intigam Aliyev, Anar Mammadli et Rasul Jafarov. Le Commissaire dresse un tableau noir de sa dernire visite en Azerbadjan:

    i recently returned from one of the most difficult missions of my two-and-a-half year tenure as council of europe commissioner for Human Rights. in late October i was in Azerbaijan, the oil-rich country in the south caucasus, which just finished holding the rotating chairmanship of the 47-member council of europe. most countries chairing the organisation, which prides itself as the continents guardian of human rights, democracy and the rule of law, use their

    time at the helm to tout their democratic credentials. Azerbaijan will go down in history as the country that carried out an unprecedented crackdown on human rights defenders during its

    chairmanship. All of my partners in Azerbaijan are in jail22.

    Au niveau national, le boom conomique tir des revenus ptroliers a contribu acheter la paix sociale , permettant au prsident de consolider encore un peu plus son emprise sur la vie politique et publique. Bakou, la capitale, ressemble aujourdhui davantage aux nouvelles cits du Golfe quaux anciennes villes de lUnion sovitique. Grce la rente ptrolire, la politique de dveloppement et de grands travaux mene par le pouvoir tout au long de la premire dcennie 2000 a fait passer le niveau de pauvret de 45 % 11 % entre 2003 et 201023. En 2010, 55 % du produit intrieur brut (PIB) du pays reposait sur les hydrocarbures. La mise en avant de ltat providence azri permet dautant plus aisment aux autorits de tenir un discours de propagande nationale prsentant tout acteur (individu ou organisation) critique envers lordre tabli comme un agent manipul par ltranger . Les autorits sattachent en effet depuis plusieurs annes dpeindre ngativement les ONG afin de les discrditer : tratres , agents de ltranger , criminels , anti-patriotes , etc. Les procs en cours contre MM. Rasul Jafarov et intigam Aliyev, accuss dvasion fiscale, de faux et usages de faux, de dtournement ou encore dactivit professionnelle illgale en raison de leur recours des financements trangers, illustrent tristement ce phnomne (cf.fiches individuelles infra). Si la population se montre pour lheure peu sensible la situation des droits humains dans le pays, plaant les dfenseurs des droits humains dans

    21. Cf. Haut-commissariat aux droits de lHomme, UN human rights body suspends Azerbaijan visit citing official obstruction, disponible sur : http://www.ohchr.org/EN/NewsEvents/Pages/DisplayNews.aspx?NewsID=15047&LangID=E#sthash.MqZmamF9.dpuf. Une visite a ensuite t replanifie du 16 au 24 avril.22. Cf. https://www.facebook.com/permalink.php?story_fbid=369984526510797&id=11870551497203423. Cf. Fonds montaire international, Republic of Azerbaijan: 2010 Article IV Consultation Staff Report, 2010, p. 14.

  • Azerbadjan : la rpression des dfenseurs sintensifie lapproche des Jeux de Bakou15

    une situation de grand isolement, le dclin de la production ptrolire azrie depuis 201024, tout comme la chute plus rcente des cours du ptrole et la dvaluation de la devise azrie pourraient, pour certains observateurs, engendrer certaines difficults conomiques voire un mcontentement croissant au sein de la population25.

    i - 4 - un pays hautement corrompu, tout en tant membre de linitiative pour la transparence dans les industries extractives (itie)

    En 2014, lAzerbadjan occupait le 126e rang de lIndice de perception de la corruption tabli chaque anne par lONG Transparency International. Le pays reste depuis 2000 dans la catgorie des pays hautement corrompus 26. Dans un rapport de 2010, Crisis Group Europe explique comment la corruption atteint aujourdhui tous les chelons du pouvoir, rendant la population dpendante du systme27. Par ailleurs, la Commission de lutte contre la corruption dpend directement du gouvernement, et se montre donc peu encline mener des enqutes sur des affaires politiquement sensibles ou impliquant des officiels28. En 2011 et 2012, la journaliste dinvestigation Khadija ismayilova a rvl dans un srie darticles la dtention par la famille du Prsident Aliyev29 de participations financires secrtes, dans les secteurs bancaire, minier30, du btiment31 ou encore des tlcommunications. Elle est aujourdhui en dtention prventive (cf. fiche individuelle infra)32.

    Dune manire gnrale, le gouvernement tient donner une image positive du pays, niant le caractre endmique de la corruption. LAzerbadjan est membre fondateur de lInitiative pour la transparence dans les industries extractives (ITIE), qui participe de son rayonnement international. LITIE est une initiative pluripartite compose de gouvernements, socits, groupes de la socit civile et investisseurs.

    Le 15 octobre 2014, le Conseil de lITIE a adress un avertissement au gouvernement dAzerbadjan en soulignant que la situation de la socit civile en Azerbadjan tait inacceptable , et que la mise en uvre de lITIE tait impossible dans les circonstances actuelles de la socit civile 33. Lors de cette runion, le Conseil de lITIE a exhort lAzerbadjan se soumettre, compter du 1er janvier 2015, un contrle de conformit aux principes de lITIE, avanant ainsi de cinq mois le dlai initialement prvu. LITIE reproche lAzerbadjan, entre autres, de ne pas enregistrer les subventions des groupes de travail sur les questions lies aux industries extractives et de bloquer les comptes bancaires de la majorit des groupes indpendants, membres de la coalition des ONG de lITIE. En 2014, la moiti des 110 ONG de cette coalition a vu ses comptes bloqus. Ce qui a contraint 20 ONG parmi les plus actives mettre fin leurs activits partir du mois de juillet 201434.

    Fin 2014, certains hauts dignitaires du gouvernement ont dclar publiquement leur intention de quitter lITIE si lorganisation envisageait dexclure leur pays35. Le 14 avril, le conseil dadministration de lITIE a conclu que lAzerbadjan ne se conformait pas aux obligations du groupe, et a rtrograd le pays du statur de membre plein au statut de candidat.

    24. Cf. http://www.eia.gov/countries/analysisbriefs/Azerbaijan/images/petroleum_production_consumption.png25. Cf. Crisis Group Europe, Rapport n 207, Azerbaijan: vulnerable stability, 3 septembre 2010, et RFE/RL, Baku Protesters Decry Price Hike Following Currency Devaluation, disponible sur : http://www.rferl.org/content/azerbaijan-baku-protest-manat-devaluation/26902186.html.26. Cf. Corruption Perception Index 2014, disponible sur : http://www.transparency.org/cpi2014/results27. Cf. Crisis Group Europe, Rapport n 207, Azerbaijan: vulnerable stability, 3 septembre 2010.28. Cf. Idem.29. Cf. RFE/RL, Azerbaijani President Aliyev Named Corruptions Person Of The Year, 2 janvier 2013, disponible sur : www.rferl.org/content/azerbaijan-ilham-aliyev-corruption-person-of-the-year/24814209.html30. Cf. RFE/RL, Azerbaijani Government Awarded Gold-Field Rights To Presidents Family, 3 mai 2012, disponible sur : http://www.rferl.org/content/azerbaijan_gold-field_contract_awarded_to_presidents_family/24569192.html31. Cf. RFE/RL, Azerbaijani Presidents Family Benefits From Eurovision Hall Construction, 9 mai 2012, disponible sur : http://www.rferl.org/content/azerbaijan_first_family_build_eurovision_arena/24575761.html32. Cf. RFE/RL, Azerbaijani Presidents Daughters Tied To Fast-Rising Telecoms Firm, 27 juin 2011, disponible sur : http://www.rferl.org/content/azerbaijan_president_aliyev_daughters_tied_to_telecoms_firm/24248340.html33. Cf. Le compte rendu de la 28e runion du bureau de lITIE, Naypyitaw, 14-15 octobre 2014, p. 18, disponible sur : https://eiti.org/files/Minutes/Minutes-from-the-28th-EITI-Board-meeting-Myanmar_Final.pdf34. Cf. Communiqu de Human Rights Watch, Azerbadjan: Transparency Group Should Suspend Membership, 14 aot 2014, disponible (en anglais seulement) sur : http://www.hrw.org/news/2014/08/14/azerbaijan-transparency-group-should-suspend-membership35. Cf. Dclaration de eiti.az, Statement of the Chairman of the EITI Government Commission on the decision of the EITI International Board regarding Azerbaijan, disponible sur : http://www.eiti.az/index.php/en/news/95-latest-news/2014/553-statement-24-10-2014.

  • Azerbadjan : la rpression des dfenseurs sintensifie lapproche des Jeux de Bakou16

    i - 5 - Les manipulations pour rprimer deux dfenseurs des droits de la minorit talysh

    LAzerbadjan compte 15 minorits nationales36. La minorit Talysh reprsente aujourdhui environ 1 % de la population selon les statistiques officielles37, situe dans la partie sud de lAzerbadjan, voisine de lIran, et parlant une langue proche de liranien du nord-est. Bien quune grande majorit des Talysh soit attache la lacit azrie, les mdias officiels iraniens tentent de propager, via les mdias tlvisuels et radiophoniques accessibles depuis le Sud de lAzerbadjan, un mode de vie religieux inspir de celui de lIran. Par ailleurs, les services de scurit azris font rgulirement tat dactivits illgales des services secrets iraniens sur le territoire de lAzerbadjan38. Dun autre ct, la Russie, qui abrite une importante diaspora Talysh, a rcemment dmontr son influence sur lAzerbadjan sur cette question (cf. fiche individuelle infra).

    Cest en effet sur fond dinstrumentalisation des tensions avec lIran dune part, et/ou dinfluence du pouvoir russe dautre part, que les autorits azries ont musel, ces dernires annes, deux leaders de cette communaut en Azerbadjan : M. Novruzali mammadov, dcd en dtention, puis M. Hilal mammadov, dtenu depuis 2012 (cf. fiche individuelle infra). Des plaintes ont t dposes auprs de la Cour europenne des droits de lHomme en leur nom39.

    36. Cf. Ministre azri des affaires trangres, minorits nationales, disponible sur : http://www.mfa.gov.az/?language=en&options=content&id=11437. Ces statistiques sont conteses par les dirigeants Talysh.38. Cf. Fareed Shafee, Inspired from abroad: the external sources of separatism in Azerbaijan, Caucasian Review of International Affairs, Vol. 2(4), automne 2008.39. Cf. Novruzali Mammadov et autres c. Azerbadjan (affaire n 35432/07, dpose le 13 aot 2007), et Hilal Mammadov c. Azerbadjan (affaire n 81553/12, dpose le 19 novembre 2012).

  • Azerbadjan : la rpression des dfenseurs sintensifie lapproche des Jeux de Bakou17

    ii - Le cADRe JuRiDiQue utiLis POuR RPRimeR Les DfeNseuRs Des DROits HumAiNs

    ii - 1 - Des restrictions drastiques de la libert dassociation

    La Loi sur les organisations non gouvernementales 894-IG, adopte en 2000, a remplac une prcdente loi qui datait de 1992. La loi de 2000 tait initialement plus librale et progressiste que celle de 1992, mais elle a depuis t amende de nombreuses reprises afin de rduire lexercice du droit la libert dassociation.

    La rpression qui sest abattue en 2014 sur les ONG et leurs dirigeants a t prcde par ladoption dun srie damendements lgislatifs visant la socit civile. De nouvelles lois anti-ONG, adoptes par le parlement en 2013 et entres en vigueur en 2014, dans un contexte de restriction de la libert dassociation dans tout lespace post-sovitique sous limpulsion du prsident russe Vladimir Poutine, accroissent en effet la capacit des autorits ordonner la suspension temporaire et linterdiction permanente des ONG nationales et trangres, et introduisent lgard des ONG des exigences administratives supplmentaires ainsi que des contrles accrus. Par ailleurs, les ONG non enregistres, dont de nombreuses ONG de dfense des droits de lHomme, ne peuvent plus recevoir de subventions.

    En outre, alors que travailler au titre de subventions non enregistres constitue une infraction administrative, les tribunaux ont maintenant tendance considrer ces fonds comme le revenu personnel de leurs destinataires, afin de pouvoir poursuivre ces derniers sur la base du Code pnal.

    Les obstacles la cration et lenregistrement des ONG

    Larticle 12.1 de la Loi sur les ONG prvoit que les associations publiques nationales peuvent fonctionner sans personnalit lgale, la diffrence des sections dorganisations trangres.

    Cependant, lenregistrement reste un pr-requis pour louverture de comptes bancaires, lachat de locaux et de biens, la rception de subventions dans le cadre de la Loi sur les subventions de 1998, et les exonrations fiscales prvues par le Code des impts de 2000.

    La principale problmatique tient au fait que lenregistrement des ONG est extrmement fastidieux en pratique : les ONG doivent souvent fournir des documents supplmentaires non requis par la lgislation nationale, et reoivent des demandes de corrections multiples (alors que la loi prvoit que toutes les demandes de corrections doivent tre transmises en une seule fois). Par ailleurs, le dlai denregistrement nest souvent pas respect, et lenregistrement automatique aprs non rponse du ministre de la Justice dans le dlai imparti nest pas mis en uvre en pratique.

  • Azerbadjan : la rpression des dfenseurs sintensifie lapproche des Jeux de Bakou18

    Obstacles lenregistrement du club des droits de lHomme de Rasul Jafarov

    Le 10 dcembre 2010, Rasul Jafarov et deux autres personnes ont dpos tous les documents requis par la loi pour lenregistrement dune nouvelle organisation, le Club des droits de lHomme, auprs du ministre de la Justice. Le ministre a retourn ces documents trois reprises, arguant chaque fois de nouvelles erreurs, suite quoi M. Jafarov et ses collgues ont saisi la justice.

    Au terme de nombreuses audiences auprs du tribunal pour les affaires conomiques et administratives en 2011, de la cour dappel en mars 2012, puis nouveau du tribunal pour les affaires conomiques et administratives en juillet 2012, novembre 2012, et fvrier 2013, le Club des droits de lHomme na pas pu obtenir son enregistrement. M. Jafarov est aujourdhui en dtention arbitraire pour utilisation de subventions non enregistres (cf. fiche individuelle infra).

    suspension de la section Human Rights House Azerbadjan (HRHA)

    En mars 2011, le ministre de la Justice a suspendu les activits de la section Human Rights House Azerbadjan (HRHA), membre du Rseau International Human Rights House. Le ministre de la Justice a ordonn lorganisation de mettre un terme toutes ses activits, arguant dune violation de la lgislation de 2009 qui exige que toutes les organisations internationales ou leurs sections locales en Azerbadjan soient signataires dun accord spcifique avec le gouvernement pour pouvoir oprer.

    HRHA tait enregistre et menait des activits depuis 2007. Les amendements lgislatifs ne prcisent pas si les nouvelles exigences sappliquent rtroactivement aux organisations non enregistres, et ne dfinissent pas non plus la nature des accords conclure avec le gouvernement.

    Le 16 mars 2011, le gouvernement a adopt un dcret dfinissant les rgles rgissant lenregistrement des ONG trangres et les discussions ncessaires pour la conclusion des accords exigs, qui laisse au ministre de la Justice un pouvoir discrtionnaire pour interprter et dfinir ces mmes accords.

    Quelques jours avant ladoption du dcret, le 10 mars 2011, HRHA a t contrainte de suspendre ses activits jusqu la conclusion dun accord avec le gouvernement. ce jour, Human Rights House nest toujours pas parvenue rouvrir sa section en Azerbadjan.

    Les obstacles lobtention et lutilisation de financements

    Le 15 fvrier 2013, le parlement azri a adopt une nouvelle srie damendements la Loi sur les ONG mais aussi la Loi sur les subventions et au Code sur les dlits administratifs, qui sont entrs en vigueur le 3 fvrier 2014.

    Ces amendements renforcent les sanctions pour les ONG recevant des fonds de donateurs sans avoir conclu daccord de subvention enregistr auprs du ministre de la Justice. Ils rendent galement impossible lobtention de dons ou de subventions de la part dorganisations non enregistres.

    Un rglement de 2009 prvoyait dj lobligation pour une ONG de faire approuver par le ministre de la Justice sous 30 jours tout accord de subvention obtenu. En vertu de ce rglement, le ministre a sept jours pour enregistrer la subvention. Seules les ONG enregistres peuvent conclure de tels accords de subvention, et une ONG nest pas autorise mettre en uvre un projet avant davoir reu une notification denregistrement de sa subvention de la part du ministre de la Justice.

    Les amendements adopts en 2013 ont considrablement augment les amendes en cas de manquement la conclusion dun accord de subvention avec le ministre de la Justice. Ces manquements peuvent entraner une saisie des biens de lorganisation et de ses reprsentants.

    Les amendements suivants ont t introduits dans le Code sur les dlits administratifs :

    La non transmission des copies des accords de subvention au ministre de la Justice sous 30

  • Azerbadjan : la rpression des dfenseurs sintensifie lapproche des Jeux de Bakou19

    jours est passible dune amende de 5 000 7 000 manats azris (6 308 euros)40. Les dirigeants de lorganisation peuvent galement tre passibles damendes de 1 000 2 500 manats.

    La mise en uvre dun projet sans accord de subvention peut entraner la saisie des biens de lONG bnficiaire, et est passible par ailleurs dune amende de 8 000 15 000 manats. Ses dirigeants sont quant eux passibles dune amende de 2 500 5 000 manats.

    La non-soumission dinformations relatives aux subventions reues par les ONG sous forme de rapports financiers transmis aux agences gouvernementales comptentes est passible dune amende de 5 000 8 000 manats pour les organisations, et de 1 500 3 000 manats pour leurs dirigeants.

    Lacceptation de donations en liquide suprieures 200 manats est passible dune amende de 7 000 10 000 manats pour le dirigeant dune ONG, et de 1 000 2 500 pour lONG elle-mme.

    Ces amendements ont donc une incidence trs ngative sur la capacit des organisations non enregistres oprer. Auparavant, les membres de telles organisations pouvaient signer des accords de subvention sans risque dtre inquits, et utiliser ces fonds pour mettre en uvre les activits de lorganisation. Certaines organisations non enregistres pouvaient par ailleurs conclure de tels accords et utiliser les comptes bancaires dONG enregistres pour le transfert des subventions.

    Les nouveaux amendements rendent ces arrangements illgaux et exigent que chaque ONG conclue de tels accords en son nom propre. Cependant, au vu des difficults voire de limpossibilit prouves par certaines ONG pour obtenir leur enregistrement du ministre de la Justice, nombre de dfenseurs sont dsormais contraints oprer aux marges dune lgislation de plus en plus drastique.

    Le 24 juillet 2014, le prsident de lAzerbadjan a sign un dcret annulant le Dcret n27 du Prsident sur lapprobation des rgles denregistrement des accords de subvention en date du 12 fvrier 2004. Selon le nouveau dcret, le Cabinet des ministres a t charg de prparer de nouvelles rgles dans les trois mois et de les soumettre au Prsident. Dans ces conditions, ces nouvelles modalits pour lenregistrement des conventions de subvention auraient d tre adoptes avant le 1er novembre 2014.

    Toutefois, le 19 novembre 2014, le Prsident Aliyev a sign de nouveaux amendements la lgislation rgissant les subventions et les ONG qui avaient t vots par le Parlement le 17 octobre 2014, posant des obstacles supplmentaires la capacit de fonctionnement des ONG. Outre ces amendements, le Prsident a mis deux dcrets pour leur mise en uvre, dont lun supprime lchance au 1er novembre 2014 . Aucune date spcifique nest indique dans le nouveau dcret. Voici un rsum de la lgislation actuellement en vigueur :

    Dons provenant de donateurs trangers :

    Les ONG locales sont habilites recevoir des dons de donateurs trangers condition que ces derniers aient conclu un accord avec le ministre de la Justice.

    Les ONG locales, ainsi que les divisions ou les reprsentants dONG trangres, sont tenus de fournir, la fois au ministre de la Justice et au ministre des Finances, des informations sur leurs donateurs et sur le montant des dons reus,.

    Aucune opration bancaire ou toute autre opration lies des donations ne peuvent tre effectues sans quaient t fournies au pralable les informations relatives ces oprations. Tout manquement ce principe peut tre sanctionn selon un nouvel article du Code des infractions administratives.

    Subventions provenant de donateurs trangers :

    Des entits juridiques trangres sont habilites octroyer des subventions aux ONG azries uniquement si elles ont pralablement sign un accord avec le ministre de la Justice, si elles ont une antenne ou une reprsentation en Azerbadjan, et enfin si elles ont obtenu le droit de transfrer les sommes en question en Rpublique dAzerbadjan.

    40. Au 18 mars 2015, le taux de change tait de 1 manat pour 0,89 .

  • Azerbadjan : la rpression des dfenseurs sintensifie lapproche des Jeux de Bakou20

    Un avis mis par lorgane excutif comptent sur lopportunit conomique et financire dune subvention est requis pour obtenir le droit de transfrer la subvention.

    Selon ce dernier, le Cabinet des ministres a t charg de dfinir la procdure applicable pour lenregistrement en tant que donateur dans un dlai de deux mois compter de la date dentre en vigueur des amendements.

    Conclusion et enregistrement des contrats de service:

    Les ONG doivent conclure un contrat en cas de prestation de service et de ralisation dun travail, quels quils soient.

    En outre, les ONG doivent senregistrer auprs du ministre de la Justice pour tout contrat de service conclu avec une entit trangre. La procdure pour un tel enregistrement doit tre dtermin par le Cabinet des ministres dans un dlai de deux mois compter de la date dentre en vigueur des amendements.

    Les ONG qui fournissent des services ou assurent des missions sans contrat ou sur la base de contrats non enregistrs sont responsables en vertu du Code des infractions administratives. La sanction applicable en cas de violation sera dcide par le Cabinet des ministres dans un dlai de deux mois compter de la date dentre en vigueur des amendements.

    Donateurs locaux :

    La liste des donateurs locaux enregistrs a t tendue, et le Cabinet des ministres a t charg de mettre jour cette liste. Tous les organes de ltat qui accordent des subventions des ONG sont tenus dassurer la coordination avec le Conseil dappui aux ONG.

    ce jour, le Cabinet des ministres naurait pas encore dfini les procdures et responsabilits mentionnes ci-dessus.

    ***En rsum :

    1. la lgislation interdit dsormais aux ONG non enregistres dobtenir des subventions, ce qui exclut de facto un grand nombre dorganisations qui nont jamais pu se faire enregistrer auprs du ministre de la Justice ;

    2. toute subvention doit tre enregistre auprs du ministre de la Justice ; or si une ONG ne parvient pas se faire enregistrer, il lui est de facto impossible de faire enregistrer les subventions quelle reoit ;

    3. ces subventions sont alors considres par les autorits comme le revenu personnel de leurs destinataires, pour justifier les accusations pnales leur encontre.

    Les nouveaux amendements ont par ailleurs donn au gouvernement la possibilit de couper le financement des ONG non enregistres en gelant arbitrairement les comptes bancaires des organisations et de leurs dirigeants.

    Fin avril 2014, les comptes de lInstitut pour la Paix et la Dmocratie (IPD), organisation non enregistre, ont t gels, tout comme que ceux de la Socit pour lenseignement du droit, qui, elle, tait enregistre. En juillet 2014, le Club des droits de lHomme, non enregistr, a connu le mme sort. En aot 2014, les comptes bancaires dautres ONG et de leurs reprsentants ont t gels de la mme manire sur la base des articles 308.1 ( abus dautorit professionnelle ) et 313 ( falsification administrative ) du Code pnal la demande du Parquet gnral, y compris ceux de lInstitut des droits des mdias, prsid par M. Rashid Hajili, de lUnion publique pour les institutions dmocratiques et les droits humains, prside par M. elchin Abdullayev, du Centre de ressources pour la dmocratie et les droits humains, prsid par M. Asabali mustafayev, de lAssociation des avocats dAzerbadjan, prside par Annagi Hajibayli, et du Centre dtudes nationales et internationales, prsid par Mme Leyla Aliyeva. Par ailleurs, les comptes bancaires

  • Azerbadjan : la rpression des dfenseurs sintensifie lapproche des Jeux de Bakou21

    personnels dun certain nombre de dfenseurs, dont Mme mirvari Gahramanli, prsidente du Comit de protection des droits des travailleurs du secteur ptrolier (Oilman Rights Protection Committee), de M. Rasul Jafarov, et de M. Elchin Abdullayev, ont galement t gels.

    Deux ONG internationales, lInternational Media Support (IMS) et lInternational Research and Exchanges Board (IREX), ont galement t touches par la rpression de lt 2014 :

    ims (international media support)

    LInternational Media Support (IMS), avec son partenaire en Azerbadjan, lInstitute for Reporters Freedom and Safety (IRFS), uvre la promotion du dbat public, du dialogue sur Internet et de la libert dexpression dans le pays. Dans le cadre dune affaire pnale intente contre lIRFS et plusieurs ONG locales et internationales recevant des subventions trangres, aprs ladoption des amendements la loi sur les ONG en fvrier 2014, la famille de la responsable de programme de lIMS et experte rgionale, Mme Gulnara Akhundova, a t victime de harclement. Le 5 novembre 2014, sa mre a t convoque au bureau du Procureur de la Rpublique o elle a t interroge sur les activits de dfense des droits humains de sa fille. Par la suite, lappartement de sa mre a t perquisitionn. Mme Gulnara Akhundova vit aujourdhui Copenhague o elle continue de travailler pour IMS.

    iRex (international Research and exchanges Board)

    Le 8 octobre 2014, le Conseil international de recherches et dchanges International Research and Exchanges Board (IREX), une organisation amricaine but non lucratif qui promeut les changes universitaires et le dveloppement des mdias indpendants, a annonc la suspension de ses activits en Azerbadjan. Cette dcision est intervenue la suite dune srie de mesures de rtorsion au cours de lanne 2014 : le 31 juillet 2014, son compte bancaire a t gel et en septembre, la police a perquisitionn ses locaux Bakou dans le cadre de la procdure pnale visant des ONG ayant reu des subventions trangres comme voques prcdemment. Tous les quipements ainsi que les documents et rapports organisationnels ont t confisqus.

    Auparavant, en octobre 2013, avant mme ladoption des amendements relatifs aux lois sur les ONG et les subventions, les comptes bancaires utiliss par le Centre de surveillance des lections et dtudes de la dmocratie avaient dj t gels la suite de louverture dune procdure pnale.

    Cette lgislation sur les ONG contrevient un grand nombre de normes internationales et rgionales en matire de libert dassociation. Pour plus dinformations, se rfrer lannexe 2 du prsent rapport.

    LAzerbadjan a galement t condamn plusieurs reprises par la Cour europenne des droits de lHomme (CEDH) pour violation de ses obligations en matire de libert dassociation41. Rcemment, la CEDH a communiqu plusieurs affaires lies larrestation de dfenseurs des droits humains entre 2012 et 2014, notamment celles dAnar Mammadli, dHilal Mammadov, dIntigam Aliyev, de Leyla Yunus, dArif Yunusov et de Rasul Jafarov42.

    41. Cf. en particulier le cas Nabat Ramazanova et autres (n 44363/02, 1er fvrier 2007), li une association publique nomme Aide la protection des droits de lHomme des rsidents sans abri et vulnrables de Bakou ; Demokratik Fealiyyet Cemiyyeti and Zeynilli (n 37094/03, 20 septembre 2007, dec. annule), li une association publique nomme Association of Democratic Activity base Nakhitchevan ; Sheyda Nasibova (n 4307/04, 18 octobre 2007), li une association publique nomme The Journalist Inquiry Centre ; Ismayil Ismayilov (n 4439/04, 17 janvier 2008), li une association publique nomme Humanity and Environment ; Intiqam Aliyev and Others (n 28736/05, 18 dcembre 2008), li une association publique nomme Azerbaijani Lawyers Forum ; Tebiyeti Muhafize Cemiyyeti and Israfilov (n 37083/03, 8 octobre 2009), li une association publique nomme Association for Protection of Nature et Islam-Ittihad Association and Others (requte n5548/05, 13 novembre 2014).42. Cf. affaires n 47145/14 et 68762/14, Anar Asaf Oglu Mammadli c. Azerbadjan (dpose le 17 juin et le 16 octobre 2014), affaire n 81553/12, Hilal Mammadov c. Azerbadjan (dpose le 19 novembre 2012), affaire n 71200/14, Intigam Aliyev c. Azerbadjan (dpose le 6 novembre 2014), affaires n 59620/14 et 68817/14, Leyla Yunusova et Arif Yunusova c. Azerbadjan (dpose le 1er septembre et le 17 octobre 2014) et affaire n 69981/14, Rasul Agahasan Oglu Jafarov c. Azerbadjan (dpose le 10 octobre 2014).

  • Azerbadjan : la rpression des dfenseurs sintensifie lapproche des Jeux de Bakou22

    ii - 2 Dispositions pnales utilises pour rprimer les dfenseurs des droits humains

    Comme expos plus haut, plusieurs lgislations drastiques relatives aux ONG ont pouss ces dernires annes les dfenseurs des droits de lHomme agir aux marges de la lgalit. Un grand nombre daccusations pnales portes contre les dfenseurs actuellement en dtention, dtournement , vasion fiscale , fraude grande chelle , activit professionnelle illgale , etc., ont trait la rception et lutilisation par ces derniers de subventions quil leur est impossible de faire enregistrer auprs du ministre de la Justice, en raison de restrictions contraires au droit international des droits de lHomme, et qui sont donc considres comme leur revenu personnel.

    Par ailleurs, dautres articles du Code pnal sont galement rgulirement utiliss de manire abusive contre les dfenseurs afin de les criminaliser.

    Lannexe 2 du prsent rapport prsente les principaux articles du Code pnal retenus contre les dfenseurs actuellement en dtention arbitraire.

  • Azerbadjan : la rpression des dfenseurs sintensifie lapproche des Jeux de Bakou23

    iii Les DfeNseuRs Des DROits HumAiNs ARBitRAiRemeNt DteNus Au 1er AVRiL 2015

    Les dfenseurs des droits humains ci-aprs restaient en dtention arbitraire au 1er avril 2015 : M. intigam Aliyev, M. Rasul Jafarov, Mme Leyla Yunus, M. Arif Yunusov, Mme Khadija ismailova, M. Hilal mammadov, M. Anar mammadli et M. Rauf mirqadirov.

    Il est important de noter que le 18 mars 2015, la veille de la fte de Norouz (Nouvel an), le prsident Ilham Aliyev a graci plus de 100 dtenus dont M. Bashir suleymanli, dont le profil est dcrit plus bas.

    intigam Aliyev Profession : avocatArbitrairement dtenu depuis le : 8 aot 2014

    Accusations :

    vasion fiscale (article 213.1), Abus de pouvoir (article 308.2)Activit professionnelle illgale (article 192.2)Dtournement (article 179.3.2l)Faux et usage de faux (article 313)

    Profil :

    M. intigam Aliyev est un avocat spcialis dans les droits humains et directeur de la Socit pour lenseignement du droit, qui dfend des victimes de violations des droits humains devant les tribunaux nationaux et qui reprsente prs de 100 victimes auprs de la Cour europenne des droits de lHomme (CEDH).

    Au total, M. Intigam Aliyev a soumis plus de 200 plaintes devant la CEDH, et gagn 40 dentre elles. Sur ces 40 affaires, 14 portent sur les lections parlementaires de 2005, deux sur des questions de libert dexpression, quatre sur des violations du droit la libert de runion, et trois sur des cas de torture. Il a reu le prix des droits civiques Homo Homini par lorganisation People in Need.

    Lors de son arrestation, lorgane charg des enqutes a saisi tous ses dossiers professionnels, ses ordinateurs, ses cahiers et ses cls USB, sans documenter cette saisie comme le prvoit la loi, et bien que ces lments naient aucun lien avec les accusations portes son encontre. Les autorits ont par ailleurs refus de procurer les copies des documents saisis la dfense de M. Aliyev, scell les bureaux de la Socit pour lenseignement du droit, et interdit laccs quiconque. Ces agissements laissent craindre une volont des autorits dempcher lexamen des dossiers ports par M. Intigam Aliyev devant la CEDH.

    Ces dernires annes, M. Intigam Aliyev a galement particip de nombreux vnements au niveau du Conseil de lEurope, de lUnion europenne (UE), des Nations unies (ONU), ainsi quaux runions annuelles sur la mise en uvre de la dimension humaine de lOrganisation pour la scurit et la coopration en Europe (OSCE). Il est rgulirement intervenu sur des sujets tels que les liberts de runion et dassociation, le droit des lections libres et non fausses, la prohibition de la torture, le droit un procs quitable et les prisonniers politiques.

  • Azerbadjan : la rpression des dfenseurs sintensifie lapproche des Jeux de Bakou24

    la veille de louverture de la session de lAssemble parlementaire du Conseil de lEurope (APCE) de juin 2014, lors de laquelle le prsident Ilham Aliyev devait prononcer une allocution en plnire, M. Intigam Aliev est intervenu sur le panel dun vnement organis destination des membres de lAPCE et des mdias. Lors de cet vnement, il a critiqu la dtrioration de la situation des droits humains dans le pays en amont de la prsidence azrie du Comit des ministres du Conseil de lEurope.

    Enfin, peu avant son arrestation, il travaillait avec Leyla Yunus et Rasul Jafarov sur une liste actualise de prisonniers politiques.

    Le 19 novembre 2014 et 2 fvrier 2015, la CEDH a communiqu sur deux affaires lies sa dtention et au harclement judiciaire dont il fait lobjet (cf. plus haut).

    son procs sest ouvert le 16 janvier 2015. Laffaire est actuellement juge devant la cour de Bakou sur les crimes graves

    Lieu de dtention : Kurdakhani

    tat de sant :

    Ltat de sant de M. Aliyev en dtention sest fortement dtrior. Des membres de sa famille lui ont rendu visite le 7 novembre 2014 et ont rapport quau bout de deux heures, il ne pouvait plus parler ou se tenir debout. Il souffre de graves maux de tte, de perte dapptit et dinsomnie. Fin octobre, un examen a rvl quil souffrait dostochondrose cervicale et dune saillie du disque intervertbral ce qui ncessite une hospitalisation.

  • Azerbadjan : la rpression des dfenseurs sintensifie lapproche des Jeux de Bakou25

    Rasul JafarovProfession : directeur du Club des droits de lHommeArbitrairement dtenu depuis le : 2 aot 2014

    Accusations :

    Activit professionnelle illgale (article 192.2)vasion fiscale (article 213)Abus de pouvoir (article 308.2)Dtournement (article 179.3.2)Faux et usage de faux (article 313)

    Profil :

    Rasul Jafarov est directeur du Club des droits de lHomme. En dcembre 2012, il a lanc une campagne intitule lArt pour la dmocratie , encourageant les jeunes se mobiliser pour la justice par le biais de lart et de la non-violence, et documentant les diffrentes attaques contre la libert dexpression. La campagne aide galement les artistes dissidents victimes de harclement de la part des autorits.

    Dbut 2012, Rasul Jafarov figurait parmi les organisateurs principaux de la campagne Chantez pour la dmocratie en amont du Concours de lEurovision organis Bakou. La campagne visait mettre en lumire la rpression croissante des liberts publiques en Azerbadjan, mais aussi documenter les victions forces ralises pour la construction du Crystal Hall , lieu du concours. La campagne a connu un succs fulgurant lorsque Loreen, la gagnante du concours de lEurovision, a apport un soutien public aux militants de la campagne Chantez pour la dmocratie , et a tweet son soutien Rasul Jafarov.

    Plus rcemment, M. Jafarov a particip llaboration dune liste de 142 prisonniers politiques en Azerbadjan, publie en amont de llection prsidentielle de 2013. Le nombre de prisonniers politiques figurant sur cette liste est beaucoup plus lev que le recensement effectu par dautres organisations. Cela est d principalement au fait que le Club des droits de lHomme incluait sur cette liste des militants religieux de plusieurs groupes emprisonns de 2007 2013. Peu avant son arrestation, M. Jafarov travaillait avec Leyla Yunus et Intigam Aliyev sur une liste actualise de prisonniers politiques.

    Enfin, peu avant son arrestation, Rasul Jafarov travaillait sur une autre campagne, intitule le Sport pour la dmocratie , visant alerter sur la situation dramatique des droits de lHomme en Azerbadjan en amont des Jeux europens qui se tiendront Bakou en juin 2015.

    Le 3 dcembre 2014, la CEDH a communiqu sur une affaire concernant les poursuites dont il fait lobjet (cf. plus haut).

    son procs sest ouvert le 15 janvier. Le 16 avril 2015, la cour des crimes graves de Bakou a condamn m. Jafarov 6 ans et demi de prison.

    Lieu de dtention : Kurdakhani

    Tou

    s droits rservs

  • Azerbadjan : la rpression des dfenseurs sintensifie lapproche des Jeux de Bakou26

    Leyla Yunus Profession : directrice de lInstitut de la Paix et la Dmocratie (IPD),membre de lAssemble gnrale de lOMCTArbitrairement dtenue depuis le : 30 juillet 2014

    Accusations :

    Trahison dtat (article 274 du Code pnal)Fraude grande chelle (article 178.3.2)Contrefaon (articles 320.1 et 320.2)vasion fiscale grand chelle (article 213.2.2)Activit professionnelle illgale gnrant des profits importants (article 192.2.1)

    Profil :

    Leyla Yunus mne un combat de longue date en faveur des droits humains et des droits des minorits ethniques dans son pays. Elle est la tte de lIPD depuis 1995. En octobre 2014, Leyla Yunus a reu le Prix polonais Srgio Vieira de Mello et a t parmi les trois finalistes pour le Prix Sakharov. Elle sest galement vu remettre les insignes de Chevalier de lOrdre national de la Lgion dHonneur par le gouvernement franais en 2013. Elle travaille sur de nombreux projets relatifs aux droits humains, aux perscutions politiques, la corruption, au trafic des tres humains, aux questions de genre, ou encore aux violations du droit la proprit. Mme Yunus ainsi que MM. Intigam Aliyev et Rasul Jafarov faisaient tous partie dun groupe qui compilait une liste de prisonniers politiques en Azerbadjan.

    Avec son mari, Mme Yunus uvre galement pour la rconciliation entre lAzerbadjan et lArmnie, deux pays diviss par la question du Haut-Karabakh. Leyla Yunus est implique depuis 2005 dans une initiative de Track II Diplomacy , et est lorigine dun projet de dialogue entre azris et armniens, dvelopp conjointement avec un Centre de recherche rgional en Armnie.

    Le 29 avril 2014, Mme Yunus a t appele tmoigner par le dpartement des crimes graves du bureau du procureur gnral dans le procs pnal intent contre le journaliste Rauf mirqadirov, chroniqueur et correspondant du journal azri Zerkalo en Turquie. M. Mirqadirov, priv de son accrditation de journaliste sans raison officielle, avait t extrad la veille par la Turquie vers lAzerbadjan, arrt son arrive Bakou, et plac en dtention pour des accusations despionnage pour le compte de lArmnie (cf. infra).

    Linterrogatoire de Mme Yunus a dur neuf heures, et les questions ont toutes port sur les projets conjoints mens par lIPD avec des ONG armniennes, ainsi que sur ses relations avec le journaliste Rauf Mirqadirov. Suite cet interrogatoire, les bureaux de lIPD ont t fouills, et les autorits auraient saisi tous les ordinateurs, des ouvrages appartenant M. Yunusov, ainsi que des documents imprims, dont la carte de visite dun historien armnien. Peu aprs, les comptes bancaires de lIPD ont t gels.

    Le 30 juillet 2014, Mme Yunus a t de nouveau conduite de force au dpartement des crimes graves du bureau du procureur gnral, o elle a subi un interrogatoire de six heures. Prvenu par tlphone, son mari sest ensuite rendu sur place, avant dtre interrog son tour. Mme Yunus et M. Yunusov ont alors tous deux t accuss, puis placs en dtention provisoire. M. Yunusov a par la suite t assign rsidence, puis nouveau arrt le 5 aot, pour violation des conditions de son assignation.

    Le 5 janvier 2015 et le 2 fvrier 2015, la CEDH a communiqu sur deux affaires son sujet (cf. plus haut).

  • Azerbadjan : la rpression des dfenseurs sintensifie lapproche des Jeux de Bakou27

    Le 18 fvrier 2015, la dtention prventive de mme Yunus a t prolonge jusquau 28 juillet. elle reste en dtention prventive, dans lattente de son procs.

    Lieu de dtention : Kurdakhani

    tat de sant :

    Les conditions de sant de Mme Yunus en dtention sont proccupantes. Cette dernire souffre en effet dune maladie connue sous le nom dhpatomgalie, caractrise par un grossissement et une dtrioration du foie. Elle a t examine en dcembre 2014 par un mdecin allemand, Christian Witt, dont le diagnostic officiel na pas t rendu public. Lavocat de Leyla Yunus, qui lui a rendu visite le 8 fvrier, a signal que cette dernire tait proccupe par le manque dinformations sur le diagnostic du mdecin, quelle souffrait de problmes de vue et quelle continuait de perdre du poids. Par le pass, Mme Yunus na pas pu avoir accs aux mdicaments dont elle avait besoin en prison. Elle a perdu 16 kilos depuis son arrestation. Elle souffre galement dun diabte svre et ne peut recevoir les paquets de nourriture ncessaires son rgime pour diabtique.

  • Azerbadjan : la rpression des dfenseurs sintensifie lapproche des Jeux de Bakou28

    Arif YunusovProfession : chef du dpartement de conflictologie de lIPDArbitrairement dtenu depuis le : 5 aot 2014

    Accusations :

    Trahison dtat (article 274 du Code pnal)Fraude grande chelle (article 178.3.2)

    Profil :

    Avec sa femme, Leyla Yunus, M. Yunusov uvre pour la rconciliation entre lAzerbadjan et lArmnie, deux pays diviss par la question du Haut-Karabakh.

    Le 29 avril 2014, Mme Yunus a t interroge pendant neuf heures sur les projets conjoints mens par lIPD avec des ONG armniennes, ainsi que sur ses relations avec le journaliste Rauf Mirqadirov. Suite cet interrogatoire, les bureaux de lIPD ont t fouills, et les autorits auraient saisi tous les ordinateurs, des ouvrages appartenant M. Yusunov, ainsi que des documents imprims, dont la carte de visite dun historien armnien. Peu aprs, les comptes bancaires de lIPD ont t gels.

    Suite la nouvelle arrestation de Mme Yunus le 30 juillet 2014, suivie de six heures dinterrogatoire au dpartement des crimes graves du bureau du procureur gnral, M. Yunusov a t prvenu par tlphone et sest ensuite rendu sur place, avant dtre interrog son tour. Mme Yunus et M. Yunusov ont alors tous deux t accuss, puis placs en dtention provisoire. M. Yunusov a par la suite t assign rsidence, puis nouveau arrt le 5 aot, pour violation des conditions de son assignation.

    Le 5 janvier 2015 et le 2 fvrier 2015, la CEDH a communiqu sur deux affaires son sujet (cf. plus haut).

    Le 23 fvrier fvrier 2015, la dtention provisoire de m. Yunusov a t prolonge jusquau 5 aot 2015. m. Yunusov reste en dtention prventive, dans lattente de son procs

    Lieu de dtention : prison dinvestigation du ministre de la Scurit nationale. Cette prison est la seule ne pas tre subordonne au ministre de la Justice. Plusieurs organes de protection des droits humains tels que le Comit de lONU contre la torture (CAT) et le Comit europen pour la prvention de la torture (CPT) ont exprim leurs proccupations quant au niveau extrme disolement des dtenus et labsence dunits mdicales adquates dans cette prison. Le CAT de lONU a recommand la fermeture de cette prison ou son transfert au ministre de la Justice.

    tat de sant :

    Arif Yunusov se trouve dans des conditions de sant proccupantes : il souffre en effet dinsomnie et dhypertension.

  • Azerbadjan : la rpression des dfenseurs sintensifie lapproche des Jeux de Bakou29

    Khadija ismayilovaProfession : journaliste dinvestigation, collaboratrice de Radio Free Europe / Radio LibertyArbitrairement dtenue depuis le : 5 dcembre 2014

    Accusations :

    Incitation au suicide (article 125 du Code pnal)

    Suivies de :

    Activit professionnelle illgale (article 192.2.2)vasion fiscale (article 213.1)Abus de pouvoir (article 308.2)Dtournement grande chelle (article 179.3.2)

    Profil :

    Khadija Ismayilova est une journaliste dinvestigation indpendante reconnue en Azerbadjan. Elle sest vu dcerner plusieurs rcompenses, dont le prix Gerd Bucerius pour la libert de la presse en Europe de lEst par la fondation Zeit-Stiftung, le 24 mai 2012, le prix du Courage en journalisme par la Fondation internationale des femmes dans les mdias (IWMF) base Washington, le 24 octobre 2012 et le prix Global Shining Light, le 14 octobre 2013. Depuis 2010, elle a publi une srie darticles portant sur des affaires de corruption impliquant le Prsident Ilham Aliyev et sa famille. Les autorits nont jamais comment publiquement ces rvlations.

    Dans lun de ces articles, Mme Ismayilova a dmontr lampleur des participations de la fille du Prsident, Arzu Aliyeva, dans le secteur bancaire, mais aussi la co-dtention par cette dernire dune holding qui a remport ces dernires annes plusieurs appels doffre non publis, et pris le contrle de tous les services associs la compagnie arienne tatique Azerbaijan Airlines, linstar des services de taxis aroportuaires, du Duty Free, ou encore du service technique aux aronefs.

    En juin 2011, Mme Ismayilova a par ailleurs rvl le nom de plusieurs socits offshore enregistres au nom des filles du Prsident Aliyev.

    Enfin, dans un rapport publi en mai 2012, Mme Ismayilova a dmontr que le consortium AIMROC, charg de lextraction dor et dargent dans la mine de Chovdar dont les rserves sont values 2,5 milliards de manat, appartenait trois socits panamennes prsides et diriges par la femme et les filles du Prsident Aliyev. Le bureau de la prsidence de la Rpublique a refus de commenter cette rvlation.

    Mme Ismayilova a galement particip plusieurs confrences sur les droits humains ltranger ces dernires annes. Peu avant son arrestation, le 5 septembre, cette dernire avait t retenue pendant deux heures laroport international de Bakou alors quelle rentrait dune runion de lOSCE organise Tbilissi. Le 5 octobre, elle a nouveau t retenue laroport suite un dplacement Strasbourg lors duquel elle a rencontr des officiels du Conseil de lEurope. Le 12 octobre et le 18 novembre, elle a t interdite deux reprises de quitter le territoire.

    RF

    E-R

    L / Tw

    itter.com/kh

    adija0576

  • Azerbadjan : la rpression des dfenseurs sintensifie lapproche des Jeux de Bakou30

    Le 5 dcembre 2014, Mme Khadija Ismayilova a t condamne deux mois de dtention prventive aprs avoir t accuse davoir incit son ex-compagnon Tural Mustafayev au suicide , sur la base de larticle 125 du Code pnal. Ces accusations font suite une enqute ouverte fin octobre. Avant dtre accuse par la Cour, Mme Ismayilova avait t convoque par le procureur pour un interrogatoire. La veille de laudience, le chef de ladministration prsidentielle, Ramiz Mekhtiev, a fait un discours sur le deux poids deux mesures de lordre mondial et de lAzerbadjan contemporain , et a accus, entre autres, Mme Ismayilova de propager des ides haineuses envers le pays . La dtention de Mme Ismayilova semble donc constituer un acte direct de reprsailles contre ses activits de dfense des droits humains, sur la base de fausses accusations. Depuis le 3 octobre, Mme Ismailova fait lobjet de nouvelles accusations pour diffamation, la suite dune plainte dpose par lhomme politique Elman Trkoglu.

    Le 27 janvier 2015, la dtention prventive de mme ismayilova a t prolonge dun mois et 19 jours. Le 6 mars 2015, sa dtention prventive a t nouveau prolonge jusquau 24 mai

    2015. elle reste actuellement en dtention, dans lattente de son procs

    Le 13 fvrier 2015, de nouvelles charges d activit professionnelle illgale (article 192.2.2 du Code pnal), vasion fiscale (article 213.1), abus de pouvoir (article 308.2) et dtournement grande chelle (article 179.3.2) ont t portes contre Mme Khadija Ismayilova.

    Ces accusations sont lies la perquisition du 26 dcembre dans les locaux de RFE-RL (cf. infra), que Mme Ismayilova a dirig jusquau dbut de lanne 2011.

    Lieu de dtention : Kurdakhani

  • Azerbadjan : la rpression des dfenseurs sintensifie lapproche des Jeux de Bakou31

    Hilal mammadovProfession : dfenseur des droits de la minorit ethnique Talysh, dirigeant du Centre culturel Talysh et rdacteur en chef du journal Tolishi-Sado (La Voix des Talysh, seul mdia en langue talyshe en Azerbadjan)Arbitrairement dtenu depuis le : 21 juin 2012

    Accusations :

    Trahison dtat (article 274 du Code pnal)Incitation la haine nationale, raciale ou religieuse (article 283.2.2) Production illgale, achat, stockage, transport, transfert ou vente de narcotiques et de substances psychotropes (article 234.4.3)

    Profil :

    Journaliste, activiste, Hilal Mammadov est considr comme le leader de la communaut Talysh et un dfenseur de leurs d