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Baromètre de l’attractivité industrielle de la France Le grand paradoxe Novembre 2018

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Baromètre de l’attractivité industrielle de la France

Le grand paradoxeNovembre 2018

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Baromètre EY de l’attractivité industrielle de la France : le grand paradoxe

Nombreux et riches sont les commentaires, les études, les statistiques sur l’industrie française. Nombreuses sont les crises, mais aussi les réussites industrielles qui continuent de marquer nos territoires. Dans cette somme d’informations, difficile d’avoir un point de vue objectif sur sa situation réelle.

Pour les plus pessimistes, l’industrie française, c’est un déficit commercial qui perdure depuis 2003, une fuite des emplois vers les services ou le chômage, des délocalisations d’outils industriels, un avenir incertain, compte tenu de la mondialisation et de la robotisation désormais largement engagée…

Ce constat brutal est à la fois juste et réducteur. Surtout, il ne dit pas quelle est la place réelle de notre industrie dans l’économie, les territoires et la société française.

Certes, la France n’a plus la position dominante qu’elle eut naguère sur l’industrie. Qui se rappelle qu’elle comptait 185 constructeurs automobiles en 1914 et que de leurs usines sortait la moitié de la production mondiale ? Qui se souvient que la France était le premier constructeur d’avions et de moteurs d’avions avant la Grande Guerre ? Que sa chimie, sa pharmacie, son agroalimentaire s’imposaient aux quatre coins du monde ? Que Alcatel était il y a peu le numéro un mondial des équipementiers télécom ?

Certes, l’industrie reste fragile en France. En 2017, pour la première fois depuis 2000, elle créait des emplois : 5 400 au total.

Mais la flamme n’est pas éteinte, loin de là. En dépit de ces difficultés, de ces fragilités, d’autres chiffres existent, plus encourageants, qui témoignent avec force du pouvoir d’attraction de notre industrie auprès des dirigeants étrangers.

Selon le Baromètre EY, la France est la première destination européenne des investissements étrangers dans l’industrie depuis plusieurs années. Ce n’est pas un hasard. Si leurs maisons-mères ont choisi notre pays pour accélérer leur développement, faire de la recherche, c’est au fil de choix complexes, objectifs, factuels.

Notre observation est que ces choix reposent sur un ensemble de paradoxes. Au cours de nos échanges avec ces industriels, nous en avons relevé trois principaux. Ils expliquent le décalage entre la perception que l’on a de notre pays et de son industrie et sa capacité à attirer les capitaux et les cerveaux du monde entier. Ils nous donnent de nouvelles clés de compréhension de son fonctionnement et plus globalement de celui de l’économie française. Ils cassent certaines idées reçues, et apportent un éclairage nouveau sur les ressorts de nos industries.

Vous l’aurez compris, ce Baromètre EY de l’attractivité industrielle n’est pas un portrait angélique du Made in France, même si les innovations présentées ce mois-ci au Grand Palais lors de “L’Usine Extraordinaire” invitent à l’enthousiasme. Ce Baromètre n’est pas non plus une photographie à 360° de l’industrie tricolore, mais le reflet tout en contrastes du regard des investisseurs étrangers, qui témoigne de leur confiance mais aussi de leur retenue, parfois, vis-à-vis de la France.

Et qui explique pourquoi, à leurs yeux, elle reste encore, finalement, un pays extraordinaire. Si eux y croient, pourquoi pas nous ?

AVA

NT-

PRO

POS

Jean-Pierre LetartrePrésident d’EY France, CEO d’EY France, Luxembourg et Maghreb

Baromètre EY de l’attractivité industrielle de la France : le grand paradoxe

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Baromètre EY de l’attractivité industrielle de la France : le grand paradoxe

Sommaire

La France est leader en Europe, avec 323 projets industriels menés par des investisseurs étrangers, contre 216 au Royaume-Uni et 163 en Allemagne.

L’industrie capte le tiers des projets d’investissement étranger en France. À titre de comparaison, ce ratio ne s’élève qu’à 20 % au Royaume-Uni et en Allemagne.

77 % des décideurs internationaux ont confiance en l’avenir de l’industrie en France.

73 % des consommateurs sont prêts à payer plus pour des produits garantis Made in France.

38 % des répondants du Baromètre EY de l’attractivité 2018 souhaitent une baisse du coût du travail en France.

41 % des répondants du Baromètre EY de l’attractivité 2018 souhaitent plus de simplification administrative.

Seuls 32 emplois sont créés par IDE* industriel, contre 50 au Royaume-Uni et 60 en Allemagne.

Entre 2014 et 2016, seules 51 % des entreprises de 10 salariés ou plus ont innové.

* IDE : investissements directs à l’étranger Sources : Baromètre EY de l’attractivité de la France (2018), INSEE (2018), Enquête LSA (février 2018)

Le constat Certes, l’industrie en France est au milieu du gué, mais elle se révèle attractive

Paradoxe 1 La France a un coût élevé, mais elle est plus compétitive qu’on ne le croit

Paradoxe 2 La France a su développer de grands champions, mais nos PME et nos ETI industrielles doivent développer leur rayonnement mondial

Paradoxe 3 Bien que complexe et centralisée, la France industrielle parvient à irriguer tous les territoires

L’industrie française face aux défis de son attractivité

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Baromètre EY de l’attractivité industrielle de la France : le grand paradoxe

Le constat

Certes, l’industrie en France est au milieu du gué, mais elle se révèle attractive

L’Europe - et la France en particulier - continuent d’attirer les investissements industriels étrangers

Depuis la fin de la crise financière, les investissements étrangers dans l’industrie sont repartis à la hausse en Europe, avec un taux de croissance annuel moyen de près de 20 % ces cinq dernières années, exprimé en nombre de projets d’implantation ou d’extension portés par les investissements directs étrangers (IDE).

Notons que l’Europe de l’Ouest et l’Europe de l’Est se « partagent » de manière quasi égale ces investissements (51 % vs. 49 %), même si les implantations dans les pays d’Europe centrale et orientale (PECO) sont évidemment plus intensives en emplois (60 % vs. 40 % selon le Baromètre de l’attractivité de la France 2018).

2013

1 018

2014

1 237

2015

1 455

2016

1 562

2017

1 982

Taux de croissance annuel moyen 2013-2017 +19 %

+7 %

+27 %

I Nombre de projets industriels portés par des investisseurs étrangers en Europe

Source : Baromètre EY de l’attractivité de la France 2018 (données IBM 2017)

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Baromètre EY de l’attractivité industrielle de la France : le grand paradoxe

I Implantations et extensions d’usines réalisées en 2016 et 2017 par des investisseurs étrangers en Europe (nombre de projets)

Rang Pays Projets 2016

Projets 2017

Évolution 2016/2017

Pourcentage total 2017

1 France 212 323 52 % 16 %

2 Royaume-Uni 184 216 17 % 11 %

3 Turquie 98 201 105 % 10 %

4 Russie 136 178 31 % 9 %

5 Allemagne 129 163 26 % 8 %

6 Serbie 34 88 159 % 4 %

7 République Tchèque 74 83 12 % 4 %

8 Hongrie 58 81 40 % 4 %

9 Pologne 119 71 -40 % 4 %

10 Belgique 52 67 29 % 3 %

11 Espagne 59 61 3 % 3 %

12 Roumanie 56 47 -16 % 2 %

13 Portugal 35 46 31 % 2 %

14 Bosnie Herzégovine 28 46 64 % 2 %

15 Slovaquie 42 33 -21 % 2 %

Autres 246 278 13 % 14 %

Total 1 582 1 982 27 % 100 %

Source : Baromètre EY de l’attractivité de la France 2018

Un marché européen de 500 millions de consommateurs, la puissance mondiale de grands donneurs d’ordre dans certaines industries clés (automobile, aéronautique, santé...), la compacité de ses chaînes logistiques, la variété des structures de coûts et des mécanismes fiscaux incitatifs... Les raisons de cette progression des IDE sont multiples et évidemment très spécifiques à chaque filière. Plus de 22 000 entreprises à capitaux étrangers sont implantées en France, et près de 1 salarié sur 9 travaille dans une filiale de groupe étranger.

C’est notamment le cas de 1 salarié sur 5 dans l’industrie manufacturière.Dans ce contexte de résilience européenne et d’attractivité plus soutenue, la France accueillait 16 % des projets européens en 2017. Contre toute attente, compte tenu des difficultés de certaines filières, la France est le pays qui accueille le plus d’investissements industriels étrangers en Europe. Cette situation n’est pas nouvelle. Elle dure depuis 2000, année de publication du premier Baromètre EY de l’attractivité. Mieux, la France creuse l’écart avec le Royaume-Uni et l’Allemagne entre 2016 et 2017.

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I Évolution 2013-2017 des investissements industriels en France, en Allemagne et au Royaume-Uni (nombre de projets)

Source : Baromètre EY de l’attractivité de la France 2018 (données IBM 2017)

2013 2014 2015 2016 2017

France

Royaume-Uni

Allemagne

+ 17 %

+ 26 %

+52 %

124

165

216

184183

166

323

212213

231

131142 142

129

163

Parmi ces observations factuelles et positives, notons que le solde de créations (ouverture de nouvelles usines - fermetures d’usines existantes) est redevenu positif au troisième trimestre 2016, l’Observatoire Trendeo de l’emploi et de l’investissement recensant alors près de 40 ouvertures contre 38 fermetures.

Ce même observatoire relève que le mouvement de relocalisations industrielles s’est affirmé au cours des douze derniers mois avec 18 relocalisations contre 20 délocalisations. Ce phénomène est encourageant, mais il faudrait qu’il s’intensifie vivement pour effacer les traces des délocalisations massives qui ont frappé nos bassins industriels et leurs emplois dans les années 1990 et 2000.

Lourd bémol, ces projets industriels sont moins créateurs d’emplois en France que chez la plupart de ses concurrents. Deux explications peuvent être avancées. D’une part, l’essentiel des projets sont des extensions de sites déjà existants, qui représentent 86 % des projets en France, contre seulement 75 % au Royaume-Uni et 62 % en Allemagne.

D’autre part, on ne peut occulter le fait que les investisseurs sont – ou ont été – très prudents face au coût du travail, à la législation sociale, à l’image que reflète – ou reflétait – notre pays. Notons toutefois que le nombre total d’emplois créés par les IDE dans l’industrie en France est assez proche de ceux observés au Royaume-Uni et en Allemagne.

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Baromètre EY de l’attractivité industrielle de la France : le grand paradoxe

I Top 10 européen en nombre d’emplois créés par des projets industriels

Rang Pays Projets 2017 Emplois 2017 Emploi/projet 2017

1 Russie 178 23 450 132

2 Serbie 88 15 757 179

3 Hongrie 81 12 183 150

4 Royaume-Uni 216 10 825 50

5 France 323 10 211 32

6 Pologne 71 9 886 139

7 République Tchèque 83 9 834 118

8 Allemagne 163 9 737 60

9 Turquie 201 9 286 46

10 Bosnie Herzégovine 46 7 674 167

Autres 368 25 392 69

Total 1 982 173 958 88

Source : Baromètre EY de l’attractivité de la France 2018

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Baromètre EY de l’attractivité industrielle de la France : le grand paradoxe

L’industrie est au centre de l’attractivité tricolore

En dépit de ces handicaps structurels, l’industrie représentait en 2017 le tiers des projets d’investissement étranger en France. À titre de comparaison, ce ratio ne s’élève qu’à 20 % au Royaume-Uni et en Allemagne.

Plus éclairant, sur la même année, ces investissements comptent pour 40 % des emplois créés par les IDE, contre 22 % au Royaume-Uni et 31 % en Allemagne. À noter, enfin, que 61 % des projets de Recherche & Développement sont réalisés dans l’industrie.

Selon le Baromètre EY 2018, l’attractivité de la France s’améliore considérablement. Et cette tendance devrait se prolonger puisque 80 % des investisseurs étrangers trouvent désormais le site France attractif ou très attractif. La proportion de dirigeants envisageant son amélioration à trois ans a même doublé entre 2017 et 2018.

Quand on les interroge sur le sujet, 77 % des décideurs internationaux ont confiance en l’avenir de l’industrie en France.

Source : Baromètre EY de l’attractivité de la France 2018 (enquête janvier 2018, 144 répondants, entreprises implantées en France uniquement)

Source : Baromètre EY de l’attractivité de la France 2018 (données EY 2016, IBM 2017)

I Poids des activités industrielles dans le flux d’investissement étranger

Avez-vous confiance en l’avenir de l’industrie en France ?

2017 2018

Oui, tout à fait

Oui, plutôt

Non, plutôt pas

Non, pas du tout

Oui 65 %

Oui 77 %

Non 35 % Non

23 %

52 %59 %

29 %

22 %

6 % 1 %

13 % 18 %

77 % Oui

216

Projets

50Emplois

par projet

163

Projets Emplois par projet

323

Projets Emplois par projet

32

31

60 %*

40 %*

* % des emplois crées par les investissements industriels étrangers par rapport au nombre total d’emplois créés par les IDE

22 %*

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Baromètre EY de l’attractivité industrielle de la France : le grand paradoxe

Le portrait de notre attractivité industrielle est fait d’ombres et de lumières

Nombreux sont les sujets de réjouissances ou d’inquiétudes qui pourraient fragiliser ou accélérer le renouvellement de l’industrie. D’un côté, le rythme des réformes, les marges de manœuvre fiscales offertes par la réduction de la dépense publique, la relative robustesse de la demande en France et en Europe, et les opportunités de relocalisation liées au Brexit permettent d’envisager avec plus de confiance les prochaines années. De l’autre, les tensions commerciales entre les grandes régions du monde, la compétition fiscale au sein de l’Europe mais aussi avec les États-Unis incitent à la prudence.

Mais en attendant que ces événements se produisent ou non, une question demeure : comment expliquer le pouvoir de séduction de l’industrie française sur les investisseurs étrangers ?

Ne compte-t-elle que des atouts ? Bien sûr que non. La France industrielle cumule les paradoxes. Nous en avons identifié trois, majeurs, qui résument ses forces et ses handicaps.

Ils nous permettent de dresser son portrait qui, à travers le regard des investisseurs étrangers, témoignent de la renaissance du Made in France ou, à tout le moins, de sa résilience.

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Baromètre EY de l’attractivité industrielle de la France : le grand paradoxe

Le facteur RH est à la fois un fort handicap…mais aussi la 1re satisfaction des investisseurs étrangers

Selon le Baromètre EY de l’attractivité de la France, le coût du travail reste un des grands obstacles à une nouvelle amélioration de notre attractivité. C’est en tout cas, parmi les grands enjeux relevés par 208

dirigeants internationaux, le seul qui inquiète toujours davantage. En revanche, la fiscalité, l’environnement administratif et la législation sociale recueillent nettement moins de reproches en 2018 qu’en 2017.

Paradoxe n° 1

La France a un coût élevé, mais elle est plus compétitive qu’on ne le croit

I Les réformes qui pourraient jouer en faveur de l’attractivité de la France selon les décideurs (résultats et évolution 2017 et 2018)

Améliorer la compétitivité fiscale de la France -12 pts

43 %55 %

-5 pts41 %

46 %Intensifier l’action de simplification administrative pour les entreprises

+7 pts38 %

31 %Poursuivre l’action de réduction

du coût du travail

34 % -5 pts39 %Aller plus loin dans la réforme du droit

du travail vers une plus grande flexibilité

2017 2018

Source : Baromètre EY de l’attractivité de la France 2018 (enquête janvier 2018, 144 répondants, entreprises implantées en France uniquement)

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Baromètre EY de l’attractivité industrielle de la France : le grand paradoxe

I Niveau du coût de l’heure de travail (en €)

Enquête 2000

Enquête 2008

Enquête 2018

Zone euro* 21,93 27,02 33,83

Allemagne 28,48 33,37 41,04

Royaume-Uni 23,50 23,49 25,80

Espagne 15,12 20,28 23,07

France 24,01 33,16 39,60

Italie 18,28 24,02 28,03

Pologne - 6,85 8,98 * zone euro à 11 en 2000, à 19 depuis 2004 Source : Eurostat - Calcul Rexecode

Comment envisager l’avenir ? Depuis 2012, la progression du coût horaire du travail dans le secteur marchand – qui intègre l’industrie – a été plus modérée en France qu’en zone euro (+5,4 % contre +7,1 % en zone euro). L’écart est encore plus prononcé entre la France et l’Allemagne (+11,4 %). Si l’on observe le coût salarial unitaire, qui tient compte de la productivité, l’amélioration est également très nette.

Conséquence des réformes fiscales et des allégements de charges décidés ces dernières années par l’exécutif, le coût de la main d’œuvre dans l’industrie était plus faible qu’en Allemagne en 2017 (38,8 € contre 40,2 €).

La transformation du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) en allégements de charges en 2019 pourrait réduire le coût du travail en France dans certains secteurs.

Tentant d’alléger cette pression des coûts, notamment en direction des entreprises à capitaux étrangers, l’exécutif a une nouvelle fois retouché le régime fiscal des impatriés. Réformé en 2017, il sera encore plus favorable grâce aux dispositions contenues dans la loi Pacte qui sera votée par le Parlement d’ici la fin de l’année.

I Comparaison des montants d’impôts à acquitter selon les régimes d’impatriation (en €)

Impôt sur le revenu sans régime favorable

Impôt sur le revenu avec régime impatrié

Durée du régime

Royaume-Uni 15 813 11 007 7 ans

France 23 335 5 155 8 ans

Pays-Bas 35 341 19 466 5 ans Source : IGF - Attractivité du territoire pour les talents internationaux, avril 2016, ministère de l’ÉconomieNote : les calculs ont été réalisés sur les bases suivantes : une rémunération nette totale de 100 k€, une prime d’impatriation de 50 k€, 20 % de jours à l’étranger, profil célibataire.

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Baromètre EY de l’attractivité industrielle de la France : le grand paradoxe

Certes, faire le choix de la France a un coût, mais celui-ci est en partie compensé par nos arguments en termes de productivité et de compétences. Depuis le début des années 2000, les gains de productivité du travail ont été plus soutenus et les coûts salariaux unitaires plus modérés dans l’industrie manufacturière en France que dans la moyenne de la zone euro (et en particulier en Allemagne, en Espagne et en Italie). Parmi tous les autres facteurs de compétitivité-coût, dont cette étude n’a pas vocation à faire la liste, notons par exemple le champ de l’énergie.

Selon Eurostat, le prix du kWh au tarif réglementé pour les entreprises était de 0,089 € en 2016 en France contre 0,149 € en Allemagne et 0,114 € en moyenne dans la zone euro.Enfin, et les industriels étrangers le relèvent très fréquemment, nos compétences en matière industrielle sont jugées parmi les plus élevées au monde. Dans l’enquête IMD World Competitiveness Yearbook 2018, la main d’œuvre tricolore se classe au 6e rang pour sa compétence et au 12e pour la productivité horaire.

La fiscalité pesant sur l’industrie reste élevée, mais évolue dans le bon sens

Selon Rexecode, les prélèvements obligatoires pesant sur l’industrie manufacturière atteignaient 27,9 % de la valeur ajoutée en France en 2016, comparé à 17,2 % en Allemagne, en grande partie en raison du poids des impôts de production qui frappent les entreprises industrielles, parmi lesquels on trouve notamment la Cotisation sur la valeur ajoutée (CVAE), la Contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S), la Cotisation foncière des entreprises (CFE) qui a remplacé la Taxe professionnelle en 2010. À ces impôts s’ajoutent des taxes spécifiquement sectorielles. Concrètement, cet écart se traduit par un différentiel de 13,5 milliards d’euros au détriment des industriels français.

Toutefois, cet écart doit être relativisé car son calcul repose sur les taux nominaux des prélèvements obligatoires et n’intègre pas les nombreux crédits d’impôts dont peuvent bénéficier les entreprises françaises. Néanmoins, les investisseurs étrangers interrogés dans le cadre du Baromètre EY de l’attractivité 2018 réclament toujours un allègement de la fiscalité tricolore. La perception de la pression fiscale pourrait changer. Une baisse progressive de l’impôt sur les sociétés (IS) au niveau de la moyenne européenne (25 %) est programmée jusqu’en 2022.

I Poids des prélèvements obligatoires qui pèsent sur les entreprises manufacturières en % de la valeur ajoutée

France Allemagne

Cotisations sociales effectives à la charge des employeurs

14 % 9,4 %

Impôts de production 9,7 % 4 %

Impôts sur les salaires 1,5 % 0 %

Autres impôts sur la production 3,2 % 0,5 %

Impôts sur les produits requalifiés en impôts de production

4,1 % 2,6 %

Taxes de prestations reclassées en impôts de production

0,9 % 0,9 %

Impôts sur les sociétés 4,2 % 3,8 %

Total des prélévements obligatoires sur la production

27,9 % 17.2 %

Source : Rexecode, 2016

I Évolution du taux nominal d’impôt sur les sociétés

28 %28 %

33,3 %31 %

28 %26,5 % 25 %

33,3 %

Ancien taux

2018 2019 2020 2021 2022

Jusqu’à 500 000 € de bénéfices : 28 %

Plus de 500 000 € de bénéfices

Source : Business France (2018)

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Baromètre EY de l’attractivité industrielle de la France : le grand paradoxe

TÉMOIGNAGE

Benoit d’IribarneDélégué général Europe Centrale et responsable Programmes d’Excellence Industrielle chez Saint-Gobain

En dépit de certaines faiblesses, notamment dans le domaine de la compétitivité-coût, pourquoi la France industrielle est-elle si attractive ? Il est délicat d’avoir un avis tranché. Pour créer de nouveaux sites industriels, la France est attractive. Avec le crédit impôt recherche (CIR), une main-d’œuvre qualifiée et abondante - à la différence de l’Allemagne -, les perspectives de relocalisation liées au Brexit, la taille du marché français et sa position géographique, notre pays dispose de nombreux atouts en Europe de l’Ouest. Toutefois, la France est une destination « coûteuse » qui souffre de la concurrence des pays de l’Est.L’équation est différente pour la rénovation d’usine existante. La complexité administrative, la difficulté à établir un dialogue social serein peuvent, entre autres, être des freins à la modernisation de nos « vieilles » usines.

Comment votre entreprise se transforme-t-elle ?Je dirais qu’il y a deux axes, selon la nature des produits. Il y a les produits de base ou commodités, pour lesquels le coût minimum est la clé de la compétitivité et qui demandent des performances industrielles et une productivité maximum. L’autre axe concerne les produits pour lesquels une personnalisation est possible. Notre enjeu est de réaliser cette personnalisation de manière très réactive, en liaison étroite avec le client à des coûts abordables.

Pour créer de

nouveaux sites industriels,

la France est attractive.

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Baromètre EY de l’attractivité industrielle de la France : le grand paradoxe

TÉMOIGNAGE

Guillaume AlvarezSenior vice-président Europe, Middle-East and Africa chez Steelcase

Quels sont les atouts de la France industrielle ? La France profite d’une réelle qualité d’infrastructure. C’est le cas du maillage de province à province qui est nettement plus complet qu’il ne l’était il y a 20 ans, même si les opérations de blocages sur les routes ou dans les ports ont parfois paralysé la circulation des biens dans nos chaînes de valeur interconnectées. La France retrouve aussi le goût de l’industrie. On le sent dans les discours des pouvoirs publics et dans les écoles, les universités. La performance industrielle ? Elle est bonne parce que nous avons en France, des équipes souvent dédiées, passionnées, efficaces et parce que nos usines sont productives (coût, qualité, conformité, respect des délais…). Cependant, nous rencontrons des difficultés de recrutement et nous sommes toujours en quête d’une certaine stabilité dans nos effectifs, notamment dans nos rôles clefs. Nos métiers sont fondés sur des savoir-faire très riches et en évolution rapide. Former un employé pendant un an ou deux puis le voir partir vers des métiers plus valorisés socialement est une perte importante. Apaisées par rapport aux années passées, les relations sociales pourraient cependant être davantage axées sur le développement et la transformation de l’entreprise. Enfin, si la France dispose d’experts dans l’AI ou la robotique, ceux-ci semblent plus attirés par les grandes entreprises, perçues comme prestigieuses ou moins risquées, ou les secteurs de pointes comme l’aéronautique. Nos talents nationaux doivent aider notre tissu industriel, en particulier en province, à aborder en tête le virage de la digitalisation, de la robotisation et de l’augmentation du potentiel humain par l’AI.

Quels sont les axes de transformation de votre entreprise ?Nous avons trois sujets de transformation. Le premier porte sur la performance industrielle et logistique, et notamment la réduction constante des délais, c’est à dire le just-on-time, tout en augmentant notre capacité de personnalisation des commandes, dont les demandes sont de plus en plus fréquentes.Le deuxième a trait à l’arrivée de nouveaux matériaux intelligents, comme les tissus composites ou anti-germes. De plus en plus variés, ils mobilisent davantage de compétences et d’investissements que les matériaux classiques. Ils satisfont de nouveaux besoins et ceci nous permet de conserver un leadership international. Notre troisième défi est humain. En favorisant la visibilité de nos clients dans nos usines, nous apportons plus de sens au travail, davantage d’ouverture sur l’extérieur et nous conjuguons travail bien fait, clients satisfaits et atteinte de nos objectifs de croissance et de transformation.

La France

retrouve le goût de l’industrie.

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Baromètre EY de l’attractivité industrielle de la France : le grand paradoxe

La France est forte de ses leaders mondiaux industriels

Quel pays n’envie pas notre CAC 40 et notre armada de grands groupes ? Leaders mondiaux ou, à défaut, européens, ces fleurons sont autant de moteurs de leurs écosystèmes sectoriels : Danone et Limagrain (agroalimentaire), Pernod-Ricard (boissons), Danone et Lactalis (produits laitiers), Carrefour (grande distribution), Adéo (bricolage), Vivendi (divertissement), EDF et Engie (électricité), Total (industrie pétrolière), AXA (assurance), L’Oréal (cosmétique), LVMH et Kering (luxe), Schneider Electric (équipement électrique),

Airbus Group (aéronautique) Saint Gobain et Vinci (BTP), Sanofi (pharmacie), CMA-CGM (transport maritime), LafargeHolcim et Vicat (ciment,) l’alliance Renault-Nissan-Mitsubishi (automobile), Air France KLM (compagnie aérienne)... Tous ont fait du globe leur terrain de jeu. Tirée par ces leaders, la France excelle dans certains secteurs industriels. Dans son argumentaire sur l’attractivité de la France, Business France dresse la liste du classement international de certains secteurs :

Paradoxe n° 2

La France a su développer de grands champions, mais nos PME et nos ETI industrielles doivent développer leur rayonnement mondial

Aéronautique

1er en Europe

2e exportateur mondial

Chimie

2e en Europe

7e dans le monde

Agroalimentaire

2e en Europe

4e exportateur mondial

Luxe

1er dans le monde

Nucléaire

1er en Europe

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Baromètre EY de l’attractivité industrielle de la France : le grand paradoxe

Ces grands champions réalisent aujourd’hui plus de la moitié de leur chiffre d’affaires à l’international (54 % selon l’Insee), ce qui témoigne de notre savoir-faire et de notre capacité à le vendre à travers le monde. Par ailleurs, les investisseurs étrangers détenaient 42,7 % du CAC 40 en 2017.

Certes, ce pourcentage recule légèrement. Mais après trois années de baisse consécutives, la détention des non résidents dans les sociétés françaises cotées hors CAC 40 a augmenté en 2017 de 0,6 point pour s’élever à 28 %. L’économie française est clairement une économie ouverte.

Source : Douanes françaises, Eurostat

Le principal handicap français est la faiblesse de son « Mittelstand »

Cependant, à cause de la faiblesse de notre Mittelstand, c’est à dire nos PMI et nos ETI, notre puissance industrielle patine, notamment à l’international. Notre tissu d’entreprises exportatrices est en effet très limité. Bon an mal an, la France ne compte que 120 000 entreprises exportatrices quand l’Allemagne en recense plus de 300 000...

Résultat, le secteur manufacturier affiche un solde commercial négatif depuis 2003 et les parts de marché à l’international de la France s’érodent. Ainsi, la part de marché mondiale

de la France était de 3 % en 2017 contre 5,1 % en 2000. La part de marché de la France en Europe s’élevait à 12,9 % en 2017 contre 17 % en 2000.

Cette faible densité de notre tissu productif ne laisse pas les investisseurs étrangers insensibles. C’est un regret souvent exprimé par les entreprises internationales, qui cherchent en France des partenaires industriels (fournisseurs, sous ou co-traitants, clients…) d’envergure au moins européenne et pas uniquement cantonnés au marché domestique.

Allemagne

Italie

France

48524242

29

10

-26-30

-6-13

-9-20

-9

-62

-14

-50

20142008 20132009 20152010 20162011 201720122005 2006 2007

-43-56

-45-52

-75 -68 -62 -59

-45 -48

249252248

216

199192

157154

139

178

194

160156

I Solde commercial de l’Allemagne, de l’Italie et de la France (en Md €)

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Baromètre EY de l’attractivité industrielle de la France : le grand paradoxe

En tête des atouts de la France, l’innovation et la recherche

Sa capacité d’innovation et de recherche reste l’atout majeur de l’attractivité de la France pour 38 % des dirigeants étrangers interrogés, même si le Baromètre EY 2018 voit cet avantage concurrencé par

d’autres critères (l’Europe, les secteurs, les talents, le rayonnement). Les industriels considèrent que cette inventivité compense toujours certains des handicaps du site France.

La nature de leurs projets en témoigne : avec 78 nouveaux centres de R&D en 2017 (+53 % contre +31 % au Royaume-Uni et +23 % en Allemagne), la France s’affirme comme un pays compétitif en matière d’innovation. Selon le Baromètre EY de l’attractivité 2018, 35 % des dirigeants interrogés citent les capacités de la France dans ce domaine. La France attire notamment l’attention en affichant ses ambitions de leader européen sur des sujets d’avenir comme l’intelligence artificielle (IA). Le début de l’année 2017 a en effet été marqué par les annonces de plusieurs

grands groupes. Tour à tour, Facebook, Microsoft, Google, Fujitsu ou encore Samsung ont décidé d’ouvrir en France des laboratoires de recherche spécialisés dans ce domaine. À la suite du rapport Villani dévoilé en mars 2018, l’exécutif français a par ailleurs anoncé un programme d’investissement d’1,5 milliard d’euros dédiés à l’intelligence artificielle d’ici 2022. Deux secteurs sont particulièrement ciblés : les transports, avec le véhicule autonome, et la santé, via la création d’un centre de données de santé exploitables par des programmes d’intelligence artificielle.

Source : Baromètre EY de l’attractivité de la France 2018 (enquête janvier 2018, 208 répondants, 2 réponses possibles)

Quels sont les atouts qui permettront à la France de renforcer son rôle dans l’économie mondiale ?

Sa capacité d’innovation et de recherche 43 %

Son rayonnement touristique 33 %

Son rôle dans le projet européen 26 %

Ses spécificités sectorielles fortes 25 %

Sa capacité à former et attirer des talents 25 % Moyenne des

citations 2017-2018

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Baromètre EY de l’attractivité industrielle de la France : le grand paradoxe

En dépit de certaines faiblesses, notamment dans le domaine de la compétitivité-coût, pourquoi la France industrielle est-elle si attractive ? On a toujours intérêt à produire à proximité de son point de consommation. Or, la France reste un marché très significatif en Europe, dynamique, ce qui explique l’attractivité française, indépendamment de toute difficulté ou facilité industrielle à s’y développer. Ensuite, il n’y a pas de fatalité quant à notre capacité à produire de manière efficiente en France, même si un certain nombre d’obstacles doivent être surmontés. Il y a de la place pour une production industrielle de très bon niveau en France.Ceci étant dit, si l’on se base sur les principaux paramètres d’une performance industrielle (coût du travail, performance qualité…), l’Espagne est plus attractive que la France aujourd’hui. Mais la France est mieux placée que l’Allemagne. Sur le terrain, nous constatons des disparités entre les régions dans lesquelles nous opérons, une agilité différente dans le soutien qu’elles apportent à leur industrie. Par exemple, en Espagne, à Vigo, nous observons une collaboration très étroite entre les autorités publiques locales, les entreprises, les centres d’innovation ou la R&D. En France, nous avons encore des marges de progrès pour créer cette alchimie.

Comment votre entreprise se transforme-t-elle ?Le Groupe PSA se transforme autour de trois axes : le premier est structurant pour notre industrie puisqu’il concerne les motorisations hybrides ou électriques ; le second consiste à saisir toutes les opportunités des nouvelles technologies pour améliorer nos performances et notre compétitivité dans un environnement extrêmement concurrentiel ; le troisième consiste à améliorer notre couverture mondiale de production et donc à cibler les marchés émergents.

La France est

mieux placée que l’Allemagne.

TÉMOIGNAGE

Yann VincentDirecteur industriel de Groupe PSA

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Baromètre EY de l’attractivité industrielle de la France : le grand paradoxe

L’industrie a besoin d’un pays à la fois moins centralisé et moins émietté...

Régulièrement, au fil des enquêtes menées auprès d’eux, les dirigeants d’entreprises appellent de leurs vœux un État plus agile et un environnement administratif « simplifié ». C’est le cas de 41 % des répondants du Baromètre EY de l’attractivité 2018. Ils pointent en particulier le nombre de normes et règlements, mais aussi leur réversibilité, problème dont l’exécutif semble désormais avoir pris conscience.

Parfois, le poids et la stratégie de l’État actionnaire sont également critiqués. C’est notamment le cas des décrets réglementant l’investissement étranger en France. Que disent-ils ? En résumé, tout groupe étranger souhaitant prendre le contrôle d’une entreprise française dans les secteurs de l’énergie, des télécoms, des transports, de l’eau ou de la santé doit obtenir préalablement l’autorisation de l’État. Notons que la France ne fait que dupliquer des principes de défense existants chez ses concurrents…

Le fonctionnement de l’économie française se caractérise à la fois par une hyper-concentration des centres de décision à Paris (État et administrations, finance, médias, influenceurs…) et par une grande diversité – pour ne pas dire dispersion – des acteurs et responsables publics (régions, départements, intercommunalités, réseaux consulaires…) quand bien même certains d’entre eux disparaissent progressivement du champ de l’action industrielle.

L’écosystème dédié à l’innovation industrielle reste particulièrement émietté. Renforcer les synergies entre les nombreux acteurs (pôles de compétitivité, clusters, Instituts Carnot, French Tech, French Fab, les Territoires d’innovation de grande ambition [TIGA] du Programme des investissements d’avenir [PIA]…) mais également inciter les territoires à se différencier semblent une évidence.

La France tire profit de sa diversité économique. La très grande variété de ses savoir-faire sectoriels se traduit en effet par des investissements étrangers dans tous les pans de l’économie française : industries traditionnelles et de pointe, services aux entreprises et aux consommateurs, transport et logistique… Ainsi, les cinq premiers secteurs d’activité en matière d’IDE ne représentent qu’un peu plus de la moitié du total des projets accueillis en 2017 en France, contre 58 % en Allemagne et 60 % au Royaume-Uni.

Paradoxe n° 3

Bien que complexe et centralisée, la France industrielle parvient à irriguer tous les territoires

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Baromètre EY de l’attractivité industrielle de la France : le grand paradoxe

... pour soutenir les dynamiques territoriales, en particulier dans les villes moyennes

La France est riche de ses territoires. Loin des drames industriels dans des zones en souffrance qui rythment parfois l’actualité, le Baromètre attractivité EY 2018

indique que 65 % des investissements se réalisent dans des villes moyennes, territoires ruraux ou péri-urbains.

Signée Trendeo, une autre étude témoigne du dynamisme industriel d’un certain nombre de villes moyennes. Ainsi, dans la zone de Vitré, en Ille-et-Vilaine, l’emploi industriel est 7,4 fois plus concentré que dans le reste de la France. Parmi les régions françaises, les Hauts-de-France, Auvergne-Rhône-Alpes et Grand Est sont en tête des classements pour la création ou l’extension de sites industriels portés par des investisseurs étrangers. Ainsi, 138 des 323 projets recensés en 2017 y sont localisés, dans des secteurs aussi divers que l’automobile et l’aéronautique, la chimie et la plasturgie ou encore l’agroalimentaire.

Les industriels étrangers investissent les écosystèmes, tels que la FrenchTech, la FrenchFab ou les pôles de compétitivité. À titre d’exemple, le nombre d’interventions d’investisseurs étrangers dans des levées de fonds de start-up françaises a bondi de 62 % entre 2016 et 2017. Les collaborateurs internationaux soulignent pour leur part la qualité de vie et la culture locale (pour 90 % des répondants), l’accès aux services de santé (pour 85 % des répondants), la qualité des infrastructures de transport et de télécommunications (pour 75 %), ainsi que la garde et la scolarité des enfants (67 %).

Source : Trendeo

I Les villes moyennes les plus dynamiques pour l’emploi industriel en France (2017)Rang Ville Nombre

d’emplois% de la population employée en France

% des emplois industriels en France

Sur-représentation

1 Vitré 22 667 0,1 % 0,74 % 773,7 %

2 Cherbourg - Octeville 75 963 0,3 % 2,24 % 692,2 %

3 Saint-Nazaire 106 392 0,4 % 3,09 % 681,7 %

4 Flers 38 888 0,1 % 0,91 % 32,2 %

5 Sarreguemines 35 455 0,1 % 0,79 % 501,5 %

6 Le Creusot-Montceau 36 075 0,1 % 0,69 % 412,4 %

7 Belfort - Montbéliard - Héricourt 139 777 0,5 % 2,59 % 398,0 %

8 Coutances 20 703 0,1 % 0,38 % 392,9 %

9 Fougères 25 614 0,1 % 0,47 % 389,7 %

10 Valenciennes 128 025 0,5 % 2,25 % 371,8 %

Source : Baromètre EY de l’attractivité de la France 2018 (données IBM 2017)

I Répartition des projets d’investissement étranger par activité et type de territoire

Zone rurale et petite ville Moins de 20 000 habitants

Moyenne et grande ville De 20 000 à 200 000 habitants

Très grande ville et métropole > 200 000 habitants

Centres de décision Centres R&D

84 %

8 %8 %

75 %

17 %

8 %

Fonctions tertiaires et commerciales

88 %

9 %3 %

Activités industrielles

42 %

28 %

30 %

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Baromètre EY de l’attractivité industrielle de la France : le grand paradoxe

TÉMOIGNAGE

Thierry HerningPrésident de BASF France

Pour quelles raisons la France est-elle encore un pays qui compte dans le domaine industriel ? La France est un pays majeur de la chimie mondiale. C’est le 2e pays en Europe après l’Allemagne, le 7e dans le monde. Un large spectre d’industries clientes y sont présentes : plastique, construction, pharmacie, aéronautique, santé, agriculture… C’est donc un marché incontournable pour BASF.La France a des atouts aussi remarquables que singuliers : une ouverture à l’innovation, une fiscalité favorable – notamment grâce au crédit d’impôt recherche – et un vivier d’ingénieurs d’une grande richesse. C’est en raison de cet environnement que nous avons décidé d’y implanter deux nouveaux centres de recherche ces dernières années. En contrepartie, nos sièges sont parfois surpris par la réglementation française. Il est déroutant de constater à la fois le plaidoyer pro-européen de la France et la facilité avec laquelle son cadre réglementaire va au-delà des textes européens, en surtransposition, créant un handicap pour l’attractivité industrielle.

Comment envisagez-vous la suite ? Les récentes réformes vont dans le bon sens : charges salariales, code du travail. Nous suivons avec intérêt la mise en place de ces dispositions. Il faut aller plus loin. Par exemple, la baisse programmée de l’IS à 25 % est positive, mais une réforme d’impôts de production est nécessaire. Là encore, ils singularisent la France en Europe.

Il faut aller

plus loin dans les réformes.

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Baromètre EY de l’attractivité industrielle de la France : le grand paradoxe

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Baromètre EY de l’attractivité industrielle de la France : le grand paradoxe

Perspective

L’industrie française face aux défis de son attractivité

Aimer l’industrie ne suffira pas

À cause ou en dépit de ces paradoxes, 75 % des investisseurs étrangers croient en notre industrie selon le Baromètre EY de l’attractivité. Ils auraient tort de bouder leur plaisir puisque leur choix s’avère payant. En effet, les filiales de groupes étrangers sont plus performantes que les entreprises franco-françaises. Selon une étude du Conseil d’analyse économique (CAE), les filiales de groupes étrangers sont 18 % plus grandes et emploient 10 % de plus de personnes que les entreprises domestiques, toutes choses égales par ailleurs. Quant aux différences de productivité, elles sont également avérées, mais plus modérées puisqu’elles n’atteignent jamais plus de 4 % en moyenne entre les filiales étrangères et les firmes domestiques.

Les chefs d’entreprises ne sont pas les seuls à être convaincus du potentiel industriel tricolore. Les Français y croient également et ils y sont très attachés : 73 % des consommateurs sont prêts à payer plus pour des produits garantis Made in France. C’est ce qui ressort d’une enquête publiée par le magazine LSA en février 2018.

Bien entendu, l’industrie française ne peut rester statique si elle veut rester compétitive, se montrer encore plus innovante et renforcer sa capacité d’exportation. Et continuer à séduire les investisseurs étrangers qui représentent justement 35 % de nos exportations industrielles.

Poursuivre la transformation de notre attractivité

Les dirigeants le disent, la priorité des priorités est de retrouver des marges de manœuvre financière et de la compétitivité-coût. De ce point de vue, la transformation en 2019 du CICE en baisse de charges et la réduction programmée d’ici 2022 du taux de l’IS à 25 % - c’est-à-dire au niveau de la moyenne européenne - vont dans le bon sens. Mais le sujet des impôts de production reste sur la table.

Bien sûr, il faut inciter à l’innovation, pour qu’elle devienne une priorité pour les entreprises. Ce n’est pas encore le cas. Entre 2014 et 2016, seules 51 % des sociétés de 10 salariés ou plus ont innové. L’État ne fait guère mieux. Il ne représente qu’un tiers de la dépense intérieure de Recherche & Développement (DIRD) de la France. Soutenir la robotisation et miser sur l’industrie du futur, et en particulier sur l’intelligence artificielle, sont des évidences.

Il est également impératif de trouver et de former de nouvelles compétences puisque si les prévisions du Conseil d’orientation pour l’emploi (COE) s’avèrent justes, 80 000 emplois dans le numérique pourraient naître d’ici 2020.

À l’évidence, il faut partir à la chasse de nouvelles ressources financières, puisque si le nombre des levées de fonds dans le capital-risque et le capital développement progressent vite, les montants restent encore faibles par rapport à ceux levés au Royaume-Uni, aux États-Unis et en Chine.

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Baromètre EY de l’attractivité industrielle de la France : le grand paradoxe

Faire confiance aux industriels n’est pas un pari insensé

Ce sont eux qui ont lancé les pôles de compétitivité en 2004 avec l’idée de faire jouer les synergies entre les acteurs d’un même secteur.

Dans la vallée de la chimie, dans le sillon rhodanien, ce sont eux qui se sont mobilisés pour prendre en main leur avenir à travers l’Appel des 30.

Ce sont eux qui, lors de la crise de 2008 dans la vallée de l’Arve, ont fait jouer les solidarités pour sauver l’industrie de la plasturgie alors que plus aucun client ou fournisseur ne pouvait payer ses factures.

Ce sont eux qui, à Toulouse, ont créé des écoles de peinture industrielle dans le secteur aéronautique pour lutter contre la pénurie de compétences.

Ce sont eux qui, pour compenser le niveau du coût du travail en France, ont permis à l’économie française d’être si productive, dans une adaptation si darwinienne…

Par leur savoir-faire, par leur esprit d’initiative, leur esprit de conquête, ce sont eux qui, in fine, ont permis à la France de rester à la pointe de l’innovation, de la créativité et de l’excellence dans de nombreux secteurs. Sans nul doute, c’est en leur donnant les moyens d’être encore plus forts que la France pourra rester attractive.

En effet, que nous disent les dirigeants étrangers que nous rencontrons tous les jours ? Pour que l’industrie retrouve son lustre d’antan et joue à nouveau pleinement son rôle d’aiguillon de l’économie française, leur idée est simple : qu’on leur fasse confiance, toujours, qu’on soutienne leurs projets, parfois, et qu’on aligne les normes avec la moyenne européenne afin de leur permettre d’agir, de se transformer mieux et plus rapidement, de réagir plus vite aux opportunités qui se présentent à elles, et aux ruptures qui s’imposent à elles.

À ce prix, la France industrielle révèlera encore davantage son extraordinaire potentiel.

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Baromètre EY de l’attractivité industrielle de la France : le grand paradoxe

Publications EY

Baromètre de l’attractivité de la France - Juin 2018 1

Retour gagnant ? Baromètre EY de l’attractivité France

2018

Retour gagnantBaromètre de l’attractivité de la France 2018

Game changersEY’s Attractiveness SurveyEurope June 2018

Game changersBaromètre de l’attractivité de l’Europe 2018

Croire en l’Industrie du futur et au futur de l’industrie

Croire en l’industrie du futur et au futur de l’industrie 2017

Baromètre EY de l’investissement dans les entreprises innovantes en France1er semestre 2018

Baromètre EY de l’investissement dans les entreprises innovantes en France 1er semestre 2018

Baromètre EY de la croissance 2018France

The better the question. The better the answer.The better the world works.

Quelle stratégie de développement dans un monde qui change ?Comment les PME et ETI françaises prennent leur avenir en main

Baromètre EY de la croissance des PME et ETI en France 2018

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Contacts

Aymeric de La Morandière Associé Responsable de l’animation du secteur Industrie pour EY en France Ernst & Young et Associés01 46 93 72 [email protected]

Marc LhermitteAssocié Responsable du Secteur Public en France, en charge des baromètres de l’attractivité Ernst & Young Advisory01 46 93 72 [email protected]

Olivier LluansiAssocié Manufacturing Ernst & Young Advisory01 46 93 84 [email protected]

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Remerciements

Nous tenons à remercier particulièrement David Cousquer, le fondateur du cabinet Trendeo ainsi que Sylvie Montout, économiste en chef chez Business France qui ont pris le temps de partager avec nous leur expertise de l’industrie tricolore. Nous remercions également Benoit d’Iribarne, Délégué général Europe Centrale et responsable Programmes d’Excellence Industrielle chez Saint-Gobain, Guillaume Alvarez, Senior vice-président Europe, Middle-East and Africa chez Steelcase, Yann Vincent, Directeur industriel de Groupe PSA et Thierry Herning, Président de BASF France pour leurs précieux témoignages.

Ce baromètre de l’attractivité industrielle de la France a été réalisé par l’équipe EY : Anne-Sophie Bluzat, Dalhia Chekaoui, Sandrine da Cunha, Amélie Fournier, Marc Jouan, Jean-Pierre Letartre, Marc Lhermitte, Jean-Pierre Lieb, Olivier Lluansi, Aymeric de La Morandière, Fabien Piliu, Vincent Raufast, Emmanuelle Raveau, Sabrina Rebrab, Laïlani Ridjali, Florent Schmidt, François Weill et Hugo Zelli.

Méthodologie

Ce baromètre de l’attractivité industrielle de la France a été réalisé principalement à partir des éléments suivants :

• Les résultats de l’enquête d’opinion réalisée en janvier 2018 par le CSA auprès de 208 dirigeants impliqués dans des décisions d’investissement international, représentatifs de l’origine géographique, du secteur ou de la taille des investisseurs étrangers en France et en Europe ;

• L’analyse des implantations et des extensions menées par les industriels étrangers en France et en Europe (plus de 25 000 investissements au cours des années 2013 à 2017) ;

• Des entretiens avec plusieurs industriels et acteurs de l’attractivité de la France, dont certains ont bien voulu témoigner de leurs convictions dans ce rapport ;

• Les analyses des équipes « Industrie », « Attractivité » et du « Content Lab » d’EY ;

• De multiples données statistiques et diverses études sur l’industrie, l’attractivité, l’innovation, la compétitivité, et notamment : - Business France, « Tableau de bord de

l’attractivité 2018 » ; - CAE « Investissement direct étranger et

performances des entreprises » ; - Eurostat, « Données sur la fiscalité dans l’Union

européenne » ; - IMD, « World Competitiveness Yearbook 2018 » ; - Insee, « Les entreprises en France en 2017 » ; - Inspection générale des finances, « Attractivité

du territoire français pour les talents internationaux » ;

- Rexecode, « La compétitivité en 2017 » ; - Trendeo, « Les zones plus ou moins dynamiques

pour l’emploi industriel en France ; - World economic forum, « Global competitiveness

report 2017-2018 ».

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EY | Audit | Conseil | Fiscalité & Droit | Transactions

EY est un des leaders mondiaux de l’audit, du conseil, de la fiscalité et du droit, des transactions. Partout dans le monde, notre expertise et la qualité de nos services contribuent à créer les conditions de la confiance dans l’économie et les marchés financiers. Nous faisons grandir les talents afin qu’ensemble, ils accompagnent les organisations vers une croissance pérenne. C’est ainsi que nous jouons un rôle actif dans la construction d’un monde plus juste et plus équilibré pour nos équipes, nos clients et la société dans son ensemble.

EY désigne l’organisation mondiale et peut faire référence à l’un ou plusieurs des membres d’Ernst & Young Global Limited, dont chacun est une entité juridique distincte. Ernst & Young Global Limited, société britannique à responsabilité limitée par garantie, ne fournit pas de prestations aux clients. Retrouvez plus d’informations sur notre organisation sur www.ey.com.

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Ce baromètre a valeur d’information générale et ne saurait se substituer à un conseil professionnel en matière comptable, fiscale ou autre. Pour toute question spécifique, vous devez vous adresser à vos conseillers.

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