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1 L’OFFICE DU JUGE Conférence du 12 novembre 2012 B. Bernabé Textes INTRODUCTION 1. G. Cornu : « L’une des tendances majeures du code est d’exalter l’office du juge, non seulement dans la marche de l’instance pour son bon déroulement […] mais sur la matière du procès dans l’exercice plénier du pouvoir juridictionnel » (« L’élaboration du code de procédure civile », RHFD, 1995, n°16) 2. « Mais attendu que si, parmi les principes directeurs du procès, l’article 12 du nouveau code de procédure civile oblige le juge à donner ou restituer leur exacte qualification aux faits et actes litigieux invoqués par les parties au soutien de leurs prétentions, il ne lui fait pas obligation, sauf règles particulières, de changer la dénomination ou le fondement juridique de leurs demandes ; qu’ayant constaté, par motifs propres et adoptés, qu’elle était saisie d’une demande fondée sur l’existence d’un vice caché dont la preuve n’était pas rapportée, la cour d’appel, qui n’était pas tenue de rechercher si cette action pouvait être fondée sur un manquement du vendeur à son obligation de délivrance d’un véhicule conforme aux stipulations contractuelles, a légalement justifié sa décision de ce chef […] » (Ass. Plén., 21 déc. 2012) 3. Art. 12 CPC : Le juge tranche le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables. Il doit donner ou restituer leur exacte qualification aux faits et actes litigieux sans s'arrêter à la dénomination que les parties en auraient proposée. Toutefois, il ne peut changer la dénomination ou le fondement juridique lorsque les parties, en vertu d'un accord exprès et pour les droits dont elles ont la libre disposition, l'ont lié par les qualifications et points de droit auxquels elles entendent limiter le débat. Le litige né, les parties peuvent aussi, dans les mêmes matières et sous la même condition, conférer au juge mission de statuer comme amiable compositeur, sous réserve d'appel si elles n'y ont pas spécialement renoncé. 4. Cornu et Foyer, Procédure civile, Paris, PUF, Thémis, 1996, p. 435 et 447. I. ROME A. Avant la procédure extraordinaire 5. « Mais peu à peu les actions de la loi cessèrent d’être estimées, parce que, par une subtilité excessive dans la rédaction de la loi, il résultait que l’erreur la plus légère dans la manière de poursuivre entraînait la perte du procès. » (Set istae omnes legis actiones paulatim in odium venerunt. Namque es nimia subtilitate veterum, qui tunc iura condiderunt, e ores perducta est, ut vel qui minimum errasset, litem perderet. ») (Gaius sur la procédure des actions de la loi, Institutes, IV, 30) 6. Cicéron, De officiis, énoncé des vertus de tous, notamment celles du magistratus : « Ainsi, c’est le devoir propre du magistrat de comprendre qu’il représente la Cité, qu’il doit soutenir son prestige et don honneur, sauvegarder les lois, définir les droits et se souvenir que tout cela a été confié à sa bonne foi. » (Off. 34, 124) « Or le fondement de la justice, c’est la bonne foi, c’est-à-dire la fidélité et la sincérité dans les paroles et les engagements pris » (Off. 7, 23)

B. Bernabé Textes I - IHEJ€¦ · 2. « Mais attendu que si, parmi les principes directeurs du procès, l’article 12 du nouveau code de procédure civile oblige le juge à donner

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L’OFFICE DU JUGE Conférence du 12 novembre 2012

B. Bernabé Textes

INTRODUCTION 1. G. Cornu : « L’une des tendances majeures du code est d’exalter l’office du juge, non seulement

dans la marche de l’instance pour son bon déroulement […] mais sur la matière du procès dans l’exercice plénier du pouvoir juridictionnel » (« L’élaboration du code de procédure civile », RHFD, 1995, n°16)

2. « Mais attendu que si, parmi les principes directeurs du procès, l’article 12 du nouveau code de procédure civile oblige le juge à donner ou restituer leur exacte qualification aux faits et actes litigieux invoqués par les parties au soutien de leurs prétentions, il ne lui fait pas obligation, sauf règles particulières, de changer la dénomination ou le fondement juridique de leurs demandes ; qu’ayant constaté, par motifs propres et adoptés, qu’elle était saisie d’une demande fondée sur l’existence d’un vice caché dont la preuve n’était pas rapportée, la cour d’appel, qui n’était pas tenue de rechercher si cette action pouvait être fondée sur un manquement du vendeur à son obligation de délivrance d’un véhicule conforme aux stipulations contractuelles, a légalement justifié sa décision de ce chef […] » (Ass. Plén., 21 déc. 2012)

3. Art. 12 CPC :

Le juge tranche le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables. Il doit donner ou restituer leur exacte qualification aux faits et actes litigieux sans s'arrêter à la dénomination que les parties en auraient proposée. Toutefois, il ne peut changer la dénomination ou le fondement juridique lorsque les parties, en vertu d'un accord exprès et pour les droits dont elles ont la libre disposition, l'ont lié par les qualifications et points de droit auxquels elles entendent limiter le débat. Le litige né, les parties peuvent aussi, dans les mêmes matières et sous la même condition, conférer au juge mission de statuer comme amiable compositeur, sous réserve d'appel si elles n'y ont pas spécialement renoncé.

4. Cornu et Foyer, Procédure civile, Paris, PUF, Thémis, 1996, p. 435 et 447. I. ROME A. Avant la procédure extraordinaire 5. « Mais peu à peu les actions de la loi cessèrent d’être estimées, parce que, par une subtilité

excessive dans la rédaction de la loi, il résultait que l’erreur la plus légère dans la manière de poursuivre entraînait la perte du procès. » (Set istae omnes legis actiones paulatim in odium venerunt. Namque es nimia subtilitate veterum, qui tunc iura condiderunt, e ores perducta est, ut vel qui minimum errasset, litem perderet. ») (Gaius sur la procédure des actions de la loi, Institutes, IV, 30)

6. Cicéron, De officiis, énoncé des vertus de tous, notamment celles du magistratus :

« Ainsi, c’est le devoir propre du magistrat de comprendre qu’il représente la Cité, qu’il doit soutenir son prestige et don honneur, sauvegarder les lois, définir les droits et se souvenir que tout cela a été confié à sa bonne foi. » (Off. 34, 124)

« Or le fondement de la justice, c’est la bonne foi, c’est-à-dire la fidélité et la sincérité dans les paroles et les engagements pris » (Off. 7, 23)

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B. Avec la procédure extraordinaire 7. Institutes de Justinien. 4, 17, pr : « Nous devons maintenant traiter de l’office du juge. Il ne doit

juger que conformément aux lois, aux constitutions du prince et aux coutumes. » (Superest ut de officio iudicis dispiciamus. Et quidem in primis illud observare debet iudex, ne aliter iudicet quam legibus aut constitutionibus aut moribus proditum est.) II. LE MOYEN ÂGE A. Le droit savant 8. Ordo Tractaturi de judiciis (vers 1170 à Paris), (C. Gross éd., Innsbruck, 1870, sous le titre

Incerti auctores ordo iudiciarius), p. 97, ch. V « De judiciis » : §1. Judicium a peritis juris sic describitur : Juditium est animi arbitrium publica auctoritate introductum propter singulorum utilitates inventum. Oportet enim, quod judex publice constituatur cum sollempnitate maxima. Et ad quid ? Ad singulorum utilitates. Ad hoc enim institutus est, ut singuli ablata repetere, sua recipere possint. §2. Hoc modo constituendum est juditium, ut ibi habeatur electus trium personarum et electus rei et electus mutae causae. Singula prosequamur. […] §8. Judicis offitium est, partes ante se vocare tribus edictis vel uno peremptorio pro omnibus. Qualiter edicta constitui debeant, sequentibus prosequamur. Nota autem, quod inter edictum et edictum triginta debent esse dies. Antiquitus non nisi decem fuerunt, licet autentico sic correctum sit. Quod tamen quidam de vocando auctore intellexerunt, quod non approbamus. Jam partibus praesentibus et jam lite contestata, cum jam utraque pars allegare ceperit, judex interponere partes suas et ab utraque parte perquirere, si plus allegare velint, et hoc sepius, ne possint conqueri, ipsum ei esse impedimento. […]

9. Damase, Summa de ordine iudiciario (début XIIIe s.), Aalen, 1962 (L. Wahrmund éd.), p. 61, lxxxvii « De officio iudicis » : « Ad officium iudicis pertinet, recepto libello ab actore, reum citare, et cum venerit, cautio est exigenda a partibus, ut notatur supra in primo titulo ; vel si aliqua pars per contumaciam non veniat, faciet missionem causa rei servandae, ut notatur supra, de in ius vocando. […] Post terminum illum faciet litem contestari per narrationem actoris et responsionem rei ad illam. Post haec faciet iuramentum de calumpnia praestari, ut supra notatur : de iuramento calumpniae. » p. 35, xlviii « Quae contineantur in iuramento calumpniae » : « Debet autem actor ista iurare, quae continentur in his versibus : Istud iuretur, quod lis sibi iusta videtur, Et si quaeretur, verum non inficietur ; Nil promittetur nec falsa probatio detur, Quod lis tardetur, dilatio nulla petetur.

10. Tancrède de Bologne (1185-1236), Ordo iudiciarius, p. 94-95, §3 : Officium cuiuslibet iudicis

latissimum est. Debet enim omnia, quae ad causam pertinet, diligenter inquirere et ordinem rerum plena inquisitione discutere […] ; tutum locum ad litigadum partibus assignare […] ; omnem timorem debet a testibus removere […] ; dilationes, secundum quod expedire viderit, moderari […] ; item indicentes quaestiones per interlocutoriam sententiam terminare, et ipsas interlocutorias, si expedire viderit, revocare […] ; item per diffinitivam sententiam negotium diffinire, et sententiam suam, si ordinarius est vel a principe delegatus, exsecutioni mandare […]. Et etiam in multis aliis consistit iudicis officium, quae ex sequentibus titulis dilucide apparebunt.

11. Guillaume Durand (1230-1296), Speculum juris, Venise, 1585, 1ère partie, fol. 99 : Officium ordinarii et cuiuslibet iudicis est latissimum […], debet enim cuncta diligenter inquirere, et rerum ordinem plena inquisitione discutere […]. Item tutum locum partibus assignare […] id est timorem a testibus, et a partibus removere […]. Dilationes prout expedire viderit, moderari […]. Item incidentes questiones per suam interlocutoriam terminare, et interlocutorias, cum expedire viderit, revocare […]. Item negotia sententialiter diffinire, et suas sententias et suorum delegatorum. Item sententias delegatorum principis, si eis iniuctum fuerit, exsecutioni debitae demandare […]. Item

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curam subditorum habere […]. Item singulos juvare, et cunctis velle prodesse […]. Item alienam necessitatem, suam existimare […]. Item ius suum unicuique tribuere […] et sine delectu personarum […]. Item delinquentes canonicè punire […]. Item scelera inquirere, et ea inventa punire […]. Item gratis, et sine expensis ius reddere […]. Item in correctionibus et poenis misericordiam adhibere […]. Item spectat ad eum, qui sunt de lege dioecesana, et iurisdictionis […].

12. Nature de l’office noble (nobile) (qui s’exerce en dehors de toute action) : « Et c’est ainsi qu’un principe finit par être admis en droit canonique, principe suivant lequel deficiente actionis datur officium iudicis » (C. Lefebvre, « L’"officium iudicis" d’après les canonistes du Moyen Âge », L’année canonique, Paris, 1953, t. ii, p. 115, p. 120, citant en note 29 I. P. Xammar, De officio iudicis et advocati, p. i, q. ix, n. 162, 277 : « Succedit alia ad rem de qua agimus propositio et regula quod officium iudicis datur ubi deficit actio. »)

13. Nature de l’office mercenaire (deserviens) (au service de l’action) : « […] le juge n’est pas un

simple porteur de balance ; il doit être impartial – nec ira, nec furor sed ratio selon Gratien –, mais sa neutralité ne peut être de l’indifférence ; il doit pour remplir son office rechercher la vérité mais aussi l’équité sans laquelle il ne peut y avoir de justice » (P. Ourliac, « L’office du juge en droit canonique classique », Mélanges offets à Pierre Hébraud, Toulouse, 1981, p. 631 : « Dans la mesure même où les ordines iudiciarii fixent plus précisément les règles du procès civil, le juge est invité à en corriger les rigueurs et à faire prévaloir l’équité car il est le ministre de Dieu sur terre »)

B. L’office du juge dans le royaume de France 14. Beaumanoir, Coutumes de Beauvaisis, 1283, sur l’office du bailli :

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15. Beaumanoir, idem, sur la loyauté :

III. DEPUIS LA MODERNITÉ A. L’époque moderne 16. Jean de Coras, Discours des parties et office d’un bon et entier juge, Lyon, 1605 : « Adrien l’Empereur ne donnait la charge du Tribunat à aucun qui n’eût la barbe pleine et fournie, ou qui ne fut de tel âge qui remplît la vertu du Tribunat & d’années & de prudence » 17. Bernard de La Roche Flavin, Treze livres des Parlemens de France, Bordeaux, 1617 : « Anciennement, les Présidents et Conseillers, comme faisaient aussi les rois et presque tous, portaient la barbe rase, et la chevelure longue, couvrant les oreilles, ainsi qu’il se voit ès tableaux et tapisseries et vieux portraits : mais depuis cinquante ans on fait le contraire. Ce qu’a taillé de la besogne aux barbiers, de diversifier la façon des barbes, autant qu’il y a d’humeurs volages et bigarrés d’aucuns. Ce que ne sera imité par nos Magistrats, lesquels s’accommoderont en cela et autres choses à l’usage commun : car il est vrai que la barbe apporte de la gravité et respect, et représente un âge mûr et rassis. Mais si elle est trop longue, elle est fort empêchante et préjudicie à la santé, rendant les personnes tristes et mélancoliques [...]. Est aussi fort indécent de voir aucuns

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jeunes Conseillers, le menton presque rasé, ou fort ras coupé, avec de grandes moustaches, fort relevées, retroussées et frisées avec certains fers chauds à la Turcque. » B. L’époque contemporaine 18. Barnave, Archives parlementaires, XV, p. 353, 1er mai 1790, à propos de l’admission de l’appel,

discusison sur la loi des 16 & 24 août 1790 : « Les premiers juges, plus rapprochés des justiciables, pourront avoir des motifs d’intérêt, de préférence ou de haine, et vous livreriez sans retour les citoyens aux effets que ces motifs pourraient produire. Le juge d’appel, plus éloigné d’eux, échappera plus aisément à la séduction » 19. Boncenne, Théorie de la procédure civile, Poitiers, 1828, p. 1 s. :

[…]

INTRODUCTION.

CHAPITRE I".

DES LOIS. DES JUGES. DE LA PROCEDURE. —

DE SON OBJET. DES ABUS. DU STYLE DE LAPROCÉDURE.

IL y a sur l'administration de la justice desidées fondamentales qui se trouvent par-tout,et que le simple instinct de notre existencesociale a dû suggérer.Je ne veux les placer ici qu'en substance,

et comme des points de départ.

Quand l'esprit de propriété s'introduisitdans le monde, l'intérêt se développa, l'in-dustrie créa des besoins et des arts, l'hommeeut des lois.Les moeurs, les transactions civiles, touti- i

2 INTRODUCTION.

était simple encore; seulement l'équité natu-relle se changea en justice exacte, et l'autoritéde la raison en droit positif.Chez les peuples actifs, riches, entrepre-

nans, au sein desquels la civilisation fit écloreces combinaisons infinies qui agitent et croi-sent tous les intérêts, les lois se multiplièrentsuccessivement pour embrasser les relationsdiverses des individus avec la société, et cellesdes individus entre eux.

Les lois civiles, considérées en elles-mêmes,sont des abstractions. des principes inanimés,qui ne peuvent être mis en action que parleur application aux circonstances pour les-

quelles ils ont été établis.Il leur faut donc des voix vivantes , s'il est ,

permis d'ainsi parler, qui les appliquent etles fassent exécuter.Dans les premiers âges qui suivirent le règne

barbare du droit du plus fort, lorsqu'un débats'élevait sur quelque possession, il est naturelde croire que les chefs de famille, les amis, lesvoisins, intervenaient ou étaient appelés^pourle terminer, et que l'administration de la jus-tice se bornait alors â ce naïf usage.Mais la législation, en s'étendant, devint

2 INTRODUCTION.

était simple encore; seulement l'équité natu-relle se changea en justice exacte, et l'autoritéde la raison en droit positif.Chez les peuples actifs, riches, entrepre-

nans, au sein desquels la civilisation fit écloreces combinaisons infinies qui agitent et croi-sent tous les intérêts, les lois se multiplièrentsuccessivement pour embrasser les relationsdiverses des individus avec la société, et cellesdes individus entre eux.

Les lois civiles, considérées en elles-mêmes,sont des abstractions. des principes inanimés,qui ne peuvent être mis en action que parleur application aux circonstances pour les-

quelles ils ont été établis.Il leur faut donc des voix vivantes , s'il est ,

permis d'ainsi parler, qui les appliquent etles fassent exécuter.Dans les premiers âges qui suivirent le règne

barbare du droit du plus fort, lorsqu'un débats'élevait sur quelque possession, il est naturelde croire que les chefs de famille, les amis, lesvoisins, intervenaient ou étaient appelés^pourle terminer, et que l'administration de la jus-tice se bornait alors â ce naïf usage.Mais la législation, en s'étendant, devint

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20. Boncenne, idem, p. 91 :

21. Jeremy Bentham, Déontologie ou science de la morale, Paris, 1834, p. 32 : « La base de la déontologie, c'est donc le principe de l'utilité, c'est-à-dire, en d'autres termes, qu'une action est bonne ou mauvaise, digne ou indigne, qu'elle mérite l'approbation ou le blâme, en proportion de sa tendance à accroître ou à diminuer la somme du bonheur public. »

CHAPITRE I. 3

plus compliquée; la connaissance de toutes

ses règles, de toutes ses distinctions, exigeades études profondes, suivies, et une expé-rience consacrée : les juges furent institués.

Les juges sont les organes de la loi. Ils nefont pas le droit, ils le déclarent. Ils en sontles dispensateurs et non les maîtres.

« Si lés jugemens étaient une opinion par-ticulière du juge , on vivrait dans là sociétésans savoir précisément les engagemens qu'ony contracte. » (Esp. des Lois. )L'établissement des juges dut conduire à

la nécessité d'un régime judiciaire qui donneà tous l'accès des tribunaux, la faculté de

s'y faire entendre et des garanties contre les

surprises, les erreurs, l'arbitraire ou la faveur.Ces garanties se trouvent dans la méthode

et les formes de procéder. Cette méthode,ces formes n'étaient, dans l'origine, que des

précautions imaginées pour un petit nombred'événemens prévus; les législateurs les ont

multipliées, à mesure que leur prévoyanceplus éclairée a pu calculer les efforts des

passions et les ruses de la mauvaise foi.

Répéterai-je ici tout ce qu'on a dit et écrit

90 INTRODUCTION.

CHAPITRE VI.

DE LA JURIDICTION. DE IA COMPÉTENCE. — DESTRIBUNAUX ORDINAIRES , ET DES TRIBUNAUX EX-TRAORDINAIRES.

LA juridiction est cette émanation de la puis-sance souveraine, qui est communiquée aux

magistrats, pour rendre la justice au nom du

prince (i).La juridiction, jurisdictio , est le pouvoir

du juge ; la compétence est la mesure de ce

pouvoir.On dit le ressort, le détroit (2) ou l'arron-

dissement d'une juridiction, pour exprimerle territoire sur lequel elle s'étend. C'est la

sphère d'activité du juge.Lorsqu'une personne est traduite devant

(1) Toute justice émane du Roi. Elle s'administreen son nom par des juges qu'il nomme et qu'il insti-tue. Charte constit., art. 5y.(2) Du vieux mot districtus, district, qui a été

rajeuni de nos jours.