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Page 1 sur 12 L’ICEBERG DU BÉGAIEMENT BÉGAIEMENT : L’ANALOGIE AVEC UN ICEBERG DE JOSEPH SHEEHAN Par Russ Hicks Traduit par Richard Parent Russ Hicks est un membre de la NSA (National Stuttering Association) et s’est distingué auprès des Toastmasters International. Tout comme l’Hexagone du Bégaiement de John Harrison 1 , l’analogie de l’iceberg avec le bégaiement, formulée par Joseph Sheehan en 1970, a substantiellement contribué à préciser la vraie nature de ce trouble de la communication, nonobstant sa cause qui nous est encore inconnue. R.P. J’adore les analogies. Bien formulées, elles nous permettent de mieux comprendre ce qui est compliqué. « Le cerveau est comme un ordinateur. » « Un milliard de dollars équivalent à une pile de billets de cent dollars sur 93 km de hauteur. » La parabole de Jésus sur le Bon Samaritain ne ressemble-t-elle pas à une analogie ? Lorsque vous en comprenez le concept de base, vous en saisissez les vrais enjeux. En résumé, comprendre quelque chose de vraiment compliqué commence souvent par une bonne analogie. Le bégaiement est-il compliqué ? Et comment ! S’il ne l’était pas, on n’en parlerait même pas en ce moment. Vous avez une grippe ? Buvez beaucoup de liquide et gardez le lit. Vous n’avez presque plus d’essence ? Arrêtez-vous à une station et faites le plein. Vous bégayez ? Prenez cette petite pilule rose. Des problèmes simples demandent des solutions simples. Le bégaiement est parmi nous depuis la nuit des temps. Il y a même un hiéroglyphe égyptien pour le désigner. Et chaque civilisation ayant vécu depuis ce temps avait sa propre analogie pour le bégaiement. « Les Dieux lui ont jeté un sort ! Tuons-le ! » (Wow !) « Sa langue est trop longue. Coupons-la ! » (Autre wow !) « Il pense plus vite qu’il ne peut parler. Ralentissez-le ! » (Nous progressons, mais ce n’est pas encore suffisant.) Pour qu’une analogie soit efficace, elle doit au moins représenter la vérité d’une situation complexe. Ce n’est que récemment (et je l’affirme avec confiance) que nous commençons à comprendre quelques-unes des « vraies vérités » du bégaiement. En 1970, Joseph Sheehan écrivit cette phrase dans un livre qu’il rédigea : « Le bégaiement se compare à un iceberg : la plus petite partie est au-dessus de la ligne d’eau alors que la partie la plus massive se trouve sous l’eau. » Jusqu’à cette époque, les orthophonistes conventionnels traitaient uniquement la partie visible de l’iceberg, 2 le bégaiement que vous entendez, ignorant presque totalement cette imposante masse de bagage émotionnel se cachant sous l’eau. La théorie à la mode se résumait à dire que si vous pouviez « contrôler » le bégaiement, le bagage émotionnel disparaitrait de lui-même. Pour être équitable, ce ne sont pas tous les orthophonistes qui pensaient ainsi. Hélas, parce que trop peu d’entre eux savaient comment travailler sous la ligne d’eau, la plupart se contentèrent de travailler sur le bégaiement qu’ils pouvaient entendre. Et je peux en témoigner car ce fut précisément le genre de thérapie que j’ai suivie dans les années 1950 alors que j’étais adolescent. « Contrôle » ton bégaiement et tu seras fluent. Ha bon ! Probable que cela ait fonctionné pour un très petit nombre de PQB, mais certainement PAS pour moi. J’étais fluent pendant environ un mois suite à chacune de mes 8 semaines de séances intensives en thérapie tenues pendant quatre étés de suite. Mais chaque fois, ce bégaiement 1 C’est en 1985 que John Harrison formula, pour la première fois, son concept de l’Hexagone du Bégaiement. RP 2 Les symptômes. RP

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L’ICEBERG DU BÉGAIEMENT

BÉGAIEMENT : L’ANALOGIE AVEC UN ICEBERG DE JOSEPH SHEEHAN

Par Russ Hicks Traduit par Richard Parent

Russ Hicks est un membre de la NSA (National Stuttering Association) et s’est distingué auprès

des Toastmasters International. Tout comme l’Hexagone du Bégaiement de John Harrison1,

l’analogie de l’iceberg avec le bégaiement, formulée par Joseph Sheehan en 1970, a

substantiellement contribué à préciser la vraie nature de ce trouble de la communication,

nonobstant sa cause qui nous est encore inconnue. R.P.

J’adore les analogies. Bien formulées, elles nous permettent de mieux comprendre ce qui est

compliqué. « Le cerveau est comme un ordinateur. » « Un milliard de dollars équivalent à une

pile de billets de cent dollars sur 93 km de hauteur. » La parabole de Jésus sur le Bon Samaritain

ne ressemble-t-elle pas à une analogie ? Lorsque vous en comprenez le concept de base, vous en

saisissez les vrais enjeux. En résumé, comprendre quelque chose de vraiment compliqué

commence souvent par une bonne analogie.

Le bégaiement est-il compliqué ? Et comment ! S’il ne l’était pas, on n’en parlerait même

pas en ce moment. Vous avez une grippe ? Buvez beaucoup de liquide et gardez le lit. Vous

n’avez presque plus d’essence ? Arrêtez-vous à une station et faites le plein. Vous bégayez ?

Prenez cette petite pilule rose. Des problèmes simples demandent des solutions simples.

Le bégaiement est parmi nous depuis la nuit des temps. Il y a même un hiéroglyphe égyptien

pour le désigner. Et chaque civilisation ayant vécu depuis ce temps avait sa propre analogie pour

le bégaiement. « Les Dieux lui ont jeté un sort ! Tuons-le ! » (Wow !) « Sa langue est trop

longue. Coupons-la ! » (Autre wow !) « Il pense plus vite qu’il ne peut parler. Ralentissez-le ! »

(Nous progressons, mais ce n’est pas encore suffisant.) Pour qu’une analogie soit efficace, elle

doit au moins représenter la vérité d’une situation complexe. Ce n’est que récemment (et je

l’affirme avec confiance) que nous commençons à comprendre quelques-unes des « vraies

vérités » du bégaiement.

En 1970, Joseph Sheehan écrivit cette phrase dans un livre qu’il rédigea : « Le bégaiement se

compare à un iceberg : la plus petite partie est au-dessus de la ligne d’eau alors que la partie la

plus massive se trouve sous l’eau. » Jusqu’à cette époque, les orthophonistes conventionnels

traitaient uniquement la partie visible de l’iceberg,2 le bégaiement que vous entendez, ignorant

presque totalement cette imposante masse de bagage émotionnel se cachant sous l’eau. La théorie

à la mode se résumait à dire que si vous pouviez « contrôler » le bégaiement, le bagage

émotionnel disparaitrait de lui-même. Pour être équitable, ce ne sont pas tous les orthophonistes

qui pensaient ainsi. Hélas, parce que trop peu d’entre eux savaient comment travailler sous la

ligne d’eau, la plupart se contentèrent de travailler sur le bégaiement qu’ils pouvaient entendre.

Et je peux en témoigner car ce fut précisément le genre de thérapie que j’ai suivie dans les

années 1950 alors que j’étais adolescent. « Contrôle » ton bégaiement et tu seras fluent. Ha bon !

Probable que cela ait fonctionné pour un très petit nombre de PQB, mais certainement PAS pour

moi. J’étais fluent pendant environ un mois suite à chacune de mes 8 semaines de séances

intensives en thérapie tenues pendant quatre étés de suite. Mais chaque fois, ce bégaiement

1 C’est en 1985 que John Harrison formula, pour la première fois, son concept de l’Hexagone du Bégaiement. RP

2 Les symptômes. RP

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L’ICEBERG DU BÉGAIEMENT

revenait avec toute sa vigueur. Tout le monde se disait que je ne travaillais pas assez fort, que je

ne prenais pas cela suffisamment au sérieux… Peut-être n’étais-je pas assez intelligent… Même

moi, c’est ce que je croyais. Alors vous voyez ? Si on peut le contrôler pendant un mois, alors

pourquoi ne pouvons-nous pas le contrôler en permanence ? Il vous faut simplement travailler

plus fort - et y mettre plus d’attention – ou devenir plus intelligent. Personne ne comprenait ce

qui se passait VRAIMENT. En pénétrant dans l’Iceberg du Bégaiement de Joseph Sheehan,

lentement mais sûrement, certaines thérapies commencèrent à évoluer. Pas TOUTES, bien

entendu, mais au moins CERTAINES d’entre elles. Oui, cette analogie avec un iceberg

représentait bel et bien la réalité – et avec le passage du temps, les gens commencèrent à utiliser

l’analogie sur un plus grand nombre d’aspects du bégaiement. On commençait, enfin, à voir plus

clair ! Voyons le modèle de base…

BÉGAIEMENT : ANALOGIE AVEC UN ICEBERG

Wow ! … Plutôt impressionnant, n’est-ce pas ?

Si on identifie les parties de l’iceberg, on constate que la partie la plus apparente, celle qu’on

voit au-dessus de l’eau, représente le bégaiement qu’on entend. Cette partie visible/audible ne

représente que 10% de l’iceberg. Ce n’est que 10% du vrai problème que constitue le bégaiement.

Le reste de l’iceberg, le 90 % sous l’eau, est invisible. Et c’est là que se trouve tout le bagage

émotionnel. Toutes ces émotions de peur, de honte, de culpabilité, d’anxiété, ces sentiments

d’impuissance et d’isolement, le déni… et bien d’autres.

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L’ICEBERG DU BÉGAIEMENT

Wow… c’est donc ça, le bégaiement ?

Eh oui ! C’est tout ça3.

Donc, si on ne travaille que sur la partie visible de l’iceberg, nous ne nous attaquons pas au

problème dans son entier, c’est bien cela ?

Exactement ! Vous avez tout compris.

COMPRÉHENSION

Aucune analogie n’étant parfaite, on doit « ajuster » la plupart d’entre elles afin de bien

comprendre le concept plus large. Plongeons donc dans cet iceberg afin de l’examiner de « plus

près et de manière plus personnelle. »

Oublions le bégaiement pour un instant. Ne pensons qu’à l’iceberg. Qu’arriverait-il si nous

avions un chalumeau géant et que nous fassions rapidement fondre la partie visible de l’iceberg ?

Il se retrouverait alors avec un sommet plat, n’est-ce pas ? Et alors ? La glace étant moins dense

que l’eau, l’iceberg remonterait lentement vers la surface afin de rétablir le ratio 10/90, partie

visible/partie immergée. (Merci Archimède pour ton coup de main !)

Bon, revenons au bégaiement. Quelle est l’analogie ? Nous éliminons le bégaiement audible

(ce qui ne représente pas de difficulté particulière) mais ne faisons rien pour le bagage

émotionnel sous l’eau et, en peu de temps, nous connaissons… UNE RECHUTE !! Bingo ! C’est

précisément ce qui nous est arrivé, à moi ainsi qu’à bien d’autres PQB qui avons, il y a plusieurs

décennies, été traités par des orthophonistes qui ignoraient tout de l’analogie avec l’iceberg.4

Coupez sa pointe et l’iceberg remontera vers la surface et vous vous retrouverez ENCORE avec

le 10 % au-dessus de la ligne d’eau. Simple loi de nos cours de physique du secondaire/high

school/Collège et lycée.

Tel que mentionné plus haut, aucune analogie n’est parfaite. Vous pensez qu’en faisant cela

(avec un chalumeau géant) une bonne centaine de fois, vous finirez par faire fondre l’iceberg au

complet ? Hélas pour le bégaiement, c’est ici que l’analogie ne tient plus la route. Pour le

bégaiement, quand vous faites fondre la pointe de l’iceberg, la partie immergée prend

généralement plus d’ampleur. Enlevez 10 % en haut et vous ajoutez au moins 15 % en bas. Vous

vous retrouvez en présence d’une PQB ayant échoué. Il (ou elle) n’a pas travaillé suffisamment

fort. Il n’a pas pris cela suffisamment au sérieux. Ou il n’est simplement pas assez intelligent.

Paresseux, manque de sérieux, stupide… culpabilité, colère, honte… la partie immergée n’a fait

que prendre de l’ampleur. Non seulement bégaie-t-il – DE NOUVEAU – mais il se retrouve avec

ENCORE PLUS de bagages émotionnels. Je le sais pour l’avoir vécu. Et ce n’est pas drôle du

tout. Faites cela à plusieurs occasions et vous finissez par créer un monstrueux problème qui

durera toute une vie5.

Si vous voyez s’échapper de la fumée bleue de votre système d’échappement, vous ne

changerez PAS un pneu pour régler le problème, n’est-ce pas ? Changer un pneu est bien plus

facile que d’effectuer un travail sur les pistons du moteur ; mais tout bon mécanicien s’efforcera

de régler LE problème en appliquant LA solution qui s’impose. Travailler sur une solution qui ne

3 Mark Irwin désigne Syndrome de la Parole Bégayée (SPB) l’ensemble de l’Iceberg.

4 Ou de l’Hexagone du Bégaiement. RP

5 Je vous recommande de lire Pourquoi le bégaiement est si insidieux de votre humble serviteur. RP

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L’ICEBERG DU BÉGAIEMENT

serait pas appropriée ne ferait qu’empirer le problème. Relevez vos manches et travaillez sur ce

moteur. Ne pensez plus aux pneus. Le problème n’est pas là. (Vous voyez : je vous avais bien dit

que j’aimais les analogies !)

Voilà pourquoi il est si important pour une orthophoniste de savoir ce qui se passe

RÉELLEMENT. Si le bégaiement se compare à un iceberg, alors l’orthophoniste doit devenir une

habile ingénieure en icebergs. En comprenant qu’en adoucissant la pointe de l’iceberg, cela aura

pour conséquence de faire monter celui-ci ; vous commencez alors à comprendre que vous

DEVEZ, simultanément, vous attaquer à la partie immergée de l’iceberg.

Que contient la partie inférieure de l’iceberg ? Des ÉMOTIONS ! « Bagage émotionnel » est

le terme populaire. On ne s’attaque pas au bagage émotionnel avec une meilleure manière de

respirer, des contacts légers ou un débit ralenti. On doit faire appel à la psychologie. Car la

psychologie est la « job de pistons » du bégaiement. Il ne s’agit certes pas d’un travail facile.

Non, le bégaiement n’est pas CAUSÉ par des facteurs psychologiques, mais la psychologie fait

certainement partie de la solution. Comme le montre l’iceberg, 90 % du bégaiement est de nature

émotive. Ces émotions n’y étaient probablement pas lorsque vous avez commencé à bégayer ;

mais il n’y a pas de doute qu’on les retrouve chez les adultes affichant un bégaiement chronicisé.

VARIATIONS

Bon, très bien. Tournons-nous maintenant vers quelques autres variables… Tout comme les

flocons de neige, il n’y a pas deux icebergs au monde qui soient exactement identiques – tout

comme il n’y a pas deux individus exactement pareils. Encore moins deux Personnes qui

bégaient!

FORMAT

C’est la variable la plus évidente. Un iceberg MASSIF représenterait un GROS problème de

bégaiement. Peu importe la masse au-dessus de la surface, le problème n’en est pas moins

extrêmement sérieux. Parlez-en au capitaine du Titanic ! Inversement, un iceberg minime ne

mériterait probablement pas d’être appelé iceberg – on parlerait plutôt d’un CUBE de glace. Un

gros iceberg est un gros problème. Un petit cube de glace n’est qu’un petit problème. Un iceberg

dont la masse serait moyenne serait un problème moyen. Il s’agit de considérer l’iceberg dans son

ENSEMBLE, pas juste la pointe de cet iceberg.

DENSITÉ

Si nous pouvions varier la densité de l’iceberg, on apercevrait quelques étonnantes

caractéristiques de la glace – et du bégaiement ! On peut parler, en effet, d’une glace légère,

moyenne ou épaisse…

Légère : on parle alors d’une densité comparable à celle du polystyrène expansé (styrofoam) ;

95 % au-dessus, 5 % sous l’eau. Selon la MASSE de l’iceberg, cela peut encore représenter un

sérieux problème – mais on peut facilement y travailler à l’aide des techniques de fluency

shaping. Il s’agit de la condition généralement rencontrée chez les jeunes enfants. Par un

travail sur la fluence, accompagné d’une participation parentale, d’une modélisation de la parole

et du développement du langage, il est possible de GUÉRIR cette condition ! Hourra !

Moyenne : 10 % au-dessus, 90 % sous la surface. Il s’agit du bégaiement chronique adulte, celui

qu’on rencontre le plus souvent. La Fluency Shaping ne suffira probablement pas à elle seule. Il

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L’ICEBERG DU BÉGAIEMENT

vous faudra également vous attaquer au bagage émotionnel. (Gardez à l’esprit que, chaque PQB

étant différente, diverses techniques seront pertinentes pour une PQB mais pas nécessairement

pour les autres.)

Épaisse : 1 % (ou moins !) au-dessus, 99 % (ou plus !) sous la surface. C’est le bégaiement

MASQUÉ ou « intériorisé ».6 Les PQB masquées – c.-à-d. celles qui ne bégaient pas ! – passent

parfois pour des personnes parfaitement fluides ! Mais le bagage émotionnel qu’elles cachent

sous l’eau est simplement phénoménal ! Pour ce genre de personnes, un programme de Fluency

Shaping sera rarement efficace. Vous DEVEZ faire appel à beaucoup d’outils psychologiques

pour travailler sous la ligne d’eau. Un tel sujet se prête probablement à d’autres ouvrages dans le

cadre de l’ISAD7, quelques-uns ayant d’ailleurs déjà été rédigés. Je vous recommande, à ce sujet,

l’article de Leiven Grommen que vous trouverez à http://www.mnsu.edu/comdis/isad2/papers/grommen.html (version

anglaise). Les ateliers très courus de Cathy Olish, « Covert Stuttering Exposed, » donnés lors de

plusieurs conférences de la NSA, constituent d’autres exemples de l’émergence du concept de

bégaiement masqué.

DURETÉ :

La glace peut être douce ou dure, ou entre les deux.

Douce : Cela représente un client très coopératif, disposé à écouter et à explorer de nouvelles

avenues. Ce sont des clients avec qui il est « plaisant » de travailler puisqu’il est aisé de travailler

avec une glace douce.

Entre les deux : Voilà le client adulte « typique » ; quelque peu méfiant, mais disposé à écouter et

à apprendre. Bien que ce genre de personne exige pas mal d’efforts, les récompenses peuvent être

au rendez-vous lorsque les choses fonctionnent bien pour eux.

Dure : Ce sont les clients très réticents, qui ne veulent pas changer, puisque seulement EUX

savent quoi faire – ou pensent le savoir. Il est TRÈS difficile de travailler sur leur iceberg à cause

de cette dureté de la glace. J’ai déjà connu un gars comme cela qui finit par se suicider, et cela

malgré tous les efforts de plusieurs excellents orthophonistes. Un cas très malheureux…

EN RÉSUMÉ

Le capitaine du Titanic regarda au-devant et aperçut un petit iceberg. Puis il se rappela que

son bateau avait été conçu pour être insubmersible. C’est alors qu’il donna l’ordre : « Toute

vapeur devant ! » Mais il n’avait PAS vu le 90 % de l’iceberg sous l’eau. Et son bateau coula…

parce qu’il n’avait vraiment pas compris l’imposante puissance d’un iceberg. Il aurait fait un

orthophoniste pourri. S’il avait été un bon orthophoniste, il aurait reconnu qu’il ne voyait pas tout

l’iceberg et que son bateau – malgré sa solidité tant vantée – NE résisterait PAS face à un

gigantesque iceberg. Il aurait DÛ composer avec l’iceberg DANS SON ENSEMBLE, pas

seulement avec la partie visible de celui-ci.

Traduction de The Iceberg Analogy of Stuttering, par Russ Hicks.

Traduction de Richard Parent, Mont St-Hilaire, Québec. Novembre 2014. (Hors résumé) Rév. : 04/03/2015

Pour consulter la liste des traductions françaises et les télécharger gratuitement, cliquez ICI

6 Voir aussi, sur Goodbye Bégaiement, Bégaiement masqué : le grand secret.

7 Journée internationale du bégaiement.

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ICEBERG ET SYNDROME DE LA PAROLE BÉGAYÉE

(BÉGAIEMENT + TROUBLE D’ANXIÉTÉ SOCIALE) = SYNDROME DE LA PAROLE BÉGAYÉE

Par Mark Irwin, D.D.S. Traduit par Richard Parent

Puisque nous sommes à définir la vraie nature du bégaiement (et non la cause), continuons avec

l’utilisation d’un vocabulaire plus précis. La plupart des précisions apportées ci-après sont de

Mark Irwin8 qui, tout comme John Harrison dont il défend depuis longtemps les idées, préconise

un vocabulaire plus précis pour parler du “bégaiement.” Mark, qui est dentiste Australien, a été,

jusqu’en mai 2011, président du Conseil de l’International Stuttering Association (ISA) et se

considère comme un défenseur des intérêts des PQB. Le matériel de ce texte provient de

plusieurs échanges sous forme de courriels publiés sur le site de Bob Bodenhamer dédié au

bégaiement (neurosemanticsofstuttering). RP

Dan Onovako : Il ne s’agit pas (d’un problème) de parole, cette dernière n’étant qu’un

symptôme (du véritable problème). Je crains, en effet, que nous ne canalisions pas nos efforts

dans la bonne direction. La parole ne devrait pas être, pour nous, un sujet d’inquiétude puisque

nous pouvons nous exprimer avec fluence en certaines circonstances.

Bob Bodenhamer : Nous croyons qu’un individu qui bégaie en certaines situations mais qui

est fluent en d’autres, s’exprime selon deux stratégies apprises : 1) une stratégie de bégaiement

et 2) une stratégie de fluence. Nous croyons que ce qui déclenche l’une ou l’autre de ces

stratégies est inconsciemment déterminé par les significations attribuées par la PQB à un certain

contexte dans lequel elle se retrouve. Si la PQB attribue inconsciemment une signification

menaçante à un contexte quelconque (Trouble d’Anxiété Sociale - TAS), elle bégaiera. Si elle

attribue inconsciemment à un autre contexte des significations de sécurité, d’aisance et

d’absence de menace, elle parlera avec fluence. Parlant de son article, Comment créer une bonne

dose de bégaiement, Bob précise : un certain nombre de ces croyances ou de ces structures

mentales négatives qu’entretient la PQB sur Soi, les Autres et le Pouvoir se retrouvent

simultanément activées pour “donner corps” au Trouble d’Anxiété Social.

Lorsqu’une PQB atteint une étape de sa vie

Où elle ne craint plus le bégaiement et

Qu’elle n’y pense plus,

Non plus qu’à « la manière » dont elle s’exprime,

Alors, cette personne cesse d’être une PQB. En vérité,

Cette personne s’exprime selon une stratégie de fluence.

C’est la raison pour laquelle Bob donne le conseil suivant aux PQB : « Surveillez-vous.

Qu’est-ce qui diffèrent dans vos schèmes de pensée et vos états d’esprit entre les moments où

vous êtes fluents et ceux où vous bégayez ? »

Mark Irwin : Comme je l’ai souvent dit… le bégaiement est un symptôme du Syndrome de la

Parole Bégayée (SPB). Pour enfoncer davantage le clou, il nous faut modifier l’utilisation du mot

bégaiement comme métaphore de l’iceberg alors que nous désignons aussi “bégaiement” la partie

visible de cet iceberg.9 On désigne l’iceberg dans son ensemble en lui accolant la même étiquette

que la partie visible. Avouez avec moi que cela ne fait pas de sens !

8 Mark est, depuis 2011, président de l’Australian Speak Easy Association (ASEA).

9 Cette partie visible, au-dessus de la ligne d’eau, est devenu, en français, bégayage.

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ICEBERG ET SYNDROME DE LA PAROLE BÉGAYÉE

Il est plus logique d’utiliser “Syndrome de la Parole Bégayée (SPB)” comme métaphore de

l’iceberg composé du bégaiement visible/audible (bégayage) et du Trouble d’Anxiété Sociale

(TAS - souvent conditionné par la peur de bégayer – que nos amis anglo-saxons désignent

psellismophobia) qui se cache sous la surface de l’eau. La peur de bégayer est une condition

nécessitant un recadrage des schèmes de pensée.

Les PQB n’ont généralement pas de problème lorsqu’elles ne se retrouvent pas en situation

sociale. Ajoutons ici que de récentes études indiquent que ce ne sont pas tous les enfants qui

bégaient qui sont socialement anxieux. Cependant, certains enfants peuvent être extrêmement

socialement anxieux même si leur bégaiement est léger.

Mark : « Pour moi, le SPB est un trouble très important, l’anxiété perpétuant le bégaiement

et engendrant un problème multiforme. Il est extraordinairement perturbateur pour la qualité de

vie et se traduit par une importante détérioration du fonctionnement éducatif, professionnel et

social de l’individu. De plus, parce qu’il est tellement significatif (et bien plus que tout bégayage

mineur dépourvu d’anxiété), on doit lui coller un terme spécial si on veut qu’il reçoive l’attention

qu’il mérite. » Mes efforts en ce sens sont appuyés par les informations résultant de recherches

démontrant que le TAS impacte négativement sur une thérapie de restructuration de la parole ET

que les conseils donnés en thérapie de la parole auront souvent un impact négatif sur le traitement

du TAS.

Dans le cas du Syndrome de la Parole Bégayée (SPB), nous avons donc affaire au Trouble

d’Anxiété Sociale (TAS) combiné au - et renforçant le - bégaiement. La sévérité de l’anxiété

sociale ne dépend pas de la sévérité du bégaiement. Des études sur les rechutes ont démontré

qu’on doit s’adresser en premier au TAS et qu’il est préférable de s’y attaquer par une thérapie

d’exposition dans un environnement de groupe où on demande aux sujets d’adopter un locus

externe10

. L’individu doit aussi abandonner ses comportements de protection (les comportements

dits de protection étant des stratégies pour composer avec une situation mais qui, bien que

permettant un succès temporaire en situations sociales, maintiennent une croyance de menace).

Dans le bégaiement, les comportements de protection peuvent faire appel à une technique de

fluence qui produira la fluence mais au prix du maintien d’un haut niveau d’anxiété, ou

l’adoption d’une stratégie sociale particulière comme de se contenter de poser des questions,

choisir des interlocuteurs conversationnels « sécuritaires » ou s’en tenir à des sujets faciles.

Certes, ces stratégies augmenteront la fluence, mais au prix d’un niveau d’anxiété élevé et donc

d’une moindre qualité de vie. Enfin, je crois que vous ne pouvez pas bien connecter avec les

autres (en parlant et en écoutant) si vous êtes très anxieux, peu importe votre niveau de fluidité.

Dans le cas du “Bégaiement par Habitude”11

(dépourvu de TAS, et donc d’anxiété

consciente), nous sommes confrontés à une respiration inappropriée. Geoff Johnston12

faisait

d’ailleurs remarquer : « Puis il y a cette « habitude » automatique de bégaiement qui se produit

inconsciemment même en l’absence de peur et d’anxiété. » On peut changer cela également ;

10

Références interne/externe : Ultimement, nous nous référons en nous-même pour percevoir les choses, on

regarde en nous, on vit selon notre Soi intérieur, tirant profit de nos propres connaissances et de notre vécu. Mais on

peut aussi changer notre perspective vers ce qui nous est extérieur, se fiant à des indices provenant de sources

externes, sur ce que veulent les autres, ce qu’ils pensent ou leurs besoins afin de faire nos choix. On dit aussi locus

externe de contrôle (external locus of control - on emploie également le terme locus en français). 11

Mark parle de « Habitual Stuttering. » 12

Courriel du 10/10/2015. Re : Actors who seemingly have overcome their stutter.

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ICEBERG ET SYNDROME DE LA PAROLE BÉGAYÉE

mais, comme toute autre habitude, ce sera bien plus facile d’y arriver avant l’âge de 40 ans

qu’après.

Bégaiement déclenché par l’anxiété : ici, Mark nous dit qu’il s’agit d’une question de

sémantique. « Lorsque je parle de bégaiement déclenché par l’anxiété (anxiety induced stuttering), je

veux dire que « l’anxiété de bégayer » occasionne ce dernier, elle précède le bégaiement. En

d’autres mots, il s’agit de bégaiement secondaire ou d’un bégaiement composé de réactions

négatives envers l’expérience du bégaiement. En plus d’accroitre les bégayages, ces réactions

négatives incluent la peur du bégaiement, une estime de soi inférieure et le Trouble d’Anxiété

Sociale. À l’opposé, le bégaiement primaire peut être causé par des limitations

neurodéveloppementales ou un traumatisme psychologique (psychogène) ou un traumatisme

cérébral (en anglais neurogenic). À moins de reconnaître l’existence d’un bégaiement secondaire,

nous ne pouvons accepter la prétention de certaines PQB à l’effet qu’elles soient guéries, même

si elles continuent à bégayer. Ce qui s’est produit, c’est qu’elles sont guéries du bégaiement

secondaire, ce qui veut dire guéries du bégaiement associé à la peur de bégayer, à une estime de

soi inférieure et au Trouble d’Anxiété Sociale. Elles ne craignent plus les prises de parole et ne

passent pas des heures à ruminer sur de prétendus désastres sociaux suite à des expériences de

bégaiement. »13

Mark suggère d’utiliser trois termes différents pour parler du bégaiement :

1. “Bégaiement Développemental” (respiration et mouvements musculaires mal coordonnés) chez

l’enfant qui fait l’apprentissage de la parole.

2. “Syndrome de la Parole Bégayée” (soit le bégaiement renforcé et exacerbé par le Trouble d’Anxiété

Sociale (TAS) en une boucle sans fin).

3. “Bégaiement par Habitude” (respiration inappropriée en parlant devenue une habitude et qui se

déclenche de manière inconsciente chaque fois que nous nous exposons à une situation de “bégaiement”

pénible déjà vécue auparavant.)

Il va de soi que les exigences thérapeutiques varient pour chacun de ces trois groupes.

Mark apporte les précisions suivantes : Une habitude (réaction/réponse apprise) persiste

longtemps après la disparition de la situation initiale ayant provoqué une telle réaction (rappelons-

nous des chiens de Pavlov). Ce ne sont pas tous les problèmes physiologiques qui exigent d’être

recadrés par des pensées conscientes. Certains schémas physiologiques s’imprègneront avec le

temps comme, par exemple, un swing de golf. Oh, bien sur ! Certains golfeurs auront un swing

inadéquat à cause de la peur de performer. Mais on doit aussi considérer la possibilité que leur

technique soit inadéquate. On doit découvrir si ces golfeurs ont besoin d’un coach ou d’un

psychologue sportif. Même chose pour les PQB. La disfluence est-elle causée par des peurs de

performance ou une mauvaise habitude respiratoire ? A t-on besoin de l’une (thérapie

psychologique ou TCC14

) ou l’autre (modification du bégaiement/fluency shaping) ou de l’une et

l’autre (car souvent, les deux s’imposeront).15

Et puis, quand une et quand l’autre ? La seconde

alternative devrait suffire pour un client qui ne souffre plus du TAS et qui n’est plus susceptible

13

Courriel de Mark Irwin à Alex, 13 septembre 2015, 07 h 32, objet : The King’s Speech. 14

Thérapie cognitivo-comportementale. 15

Pour approfondir davantage ce sujet, voir l’excellent article sur Goodbye Bégaiement : Bégaiement et anxiété

sociale : pourquoi une simple rééducation de la parole n’est souvent pas suffisante.

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ICEBERG ET SYNDROME DE LA PAROLE BÉGAYÉE

de recourir à une technique de modification comme comportement sécuritaire. C’est une question

de jugement dont le résultat aura un impact sur le succès et la rentabilité d’une thérapie.

Parlant de comportement sécuritaire, Mark précise : « L’utilisation du terme Syndrome de la

Parole Bégayée (SPB) signifie que les clients et les thérapeutes sauront que ceux qui sont atteints

du SPB auront besoin de plus qu’une simple thérapie de parole. Cela les sensibilisera au fait que

les conseils en thérapie de parole, pour ceux qui sont socialement très anxieux, pourraient résulter

en l’instauration de ce que les psychologues désignent comportement sécuritaire. Les

comportements sécuritaires sont des stratégies favorisant le succès social (une parole fluente) en

distrayant l’individu de son problème sous-jacent d’anxiété sociale. En d’autres termes,

l’individu s’exprimera avec plus de fluence en utilisant ses techniques de fluence (volume

doublé, un ton de voix plus profond, liaison entre les mots, etc.) tout en demeurant socialement

très anxieux. L’individu aura appris à dépendre de son comportement sécuritaire pour la fluence

tout en négligeant la restructuration et la désensibilisation nécessaires pour composer avec son

anxiété sociale (et, ainsi, améliorer sa qualité de vie). »

John Harrison : « Ma conception du bégaiement chronicisé/blocage est celle d’un SYSTÈME

dans lequel la psychologie occupe un rôle majeur sans toutefois occuper toute la place. Tout

comme pour votre voiture, ce système se compose d’éléments qui doivent fonctionner

efficacement et en harmonie les uns avec les autres. Et c’est justement cette interconnexion qui

fait du bégaiement/blocage un problème qui s’avère, pour s’en sortir, un défi bien particulier. »

Dans un autre ordre d’idée, nous savons que les experts ne s’entendent pas sur la ou les

cause(s) du bégaiement. Il est temps pour nous de réaliser qu’il y a une différence entre observer

un événement et trouver une cause. Il est bien plus logique de se concentrer sur le rétablissement.

Mais avant de s’embarquer dans un parcours en ce sens, il nous faut savoir à quoi on s’attaque

afin de savoir sur quoi travailler. Comme le dit le Dr Phil… « Tu ne peux changer ce que tu n’as

pas reconnu ».

Mark raconte l’anecdote suivante : « Parlant du Bégaiement par Habitude, j’allai à un party

d’anniversaire d’une PQB qui s’en était fort bien rétabli. Tous ses nouveaux amis l’avaient vu

progresser pendant sa transition jusqu’à ce qu’il devienne un locuteur presque parfaitement

fluide. Il se mouvait avec aisance dans la pièce, riant avec et présentant les gens. Mais nous

pouvions aisément deviner qui étaient ses vieux amis… c’étaient ceux avec lesquels il bégayait. Il

était évident que, dans le cas de mon ami, son bégaiement refaisait surface par habitude. Et ce qui

était encore plus étonnant : il n’était même pas conscient qu’il bégayait. »

Voici le témoignage de Dan (une PQB) :

« J’essaie souvent de comprendre pourquoi quelqu’un qui se sait génial, confiant, intelligent

et capable de communiquer, pourquoi donc une telle personne bégaie. J’ai de la difficulté à

concevoir cela. Un état mental aussi positif devrait encourager une liberté dans tous les aspects de

la vie d’une telle personne – y compris sa parole. Si quelqu’un semble être tout cela mais

continue à bégayer, alors quelque chose doit lui échapper. Il entretient peut-être un mensonge

selon lequel il ne possède pas ces qualités. Bien qu’il ne donne pas l’impression d’en avoir, on ne

peut entendre ses pensées/bavardages internes (conscients ou inconscients). Lorsque les racines

sont solides, de même pour l’arbre. Voici un paradoxe : il m’arrive d’exhiber une telle

confiance que les gens ne devineraient jamais ce qui se passe en mon for intérieur. Et cela

fonctionne puisque, en réalité, je n’ai aucune raison de ne pas être confiant. Je ne mime donc pas

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cela ; je ne fais que forcer mon esprit à s’enligner sur ce que je suis réellement. Et devinez quoi

– ça fonctionne. Tout ce dont j’ai besoin, c’est de rester dans cet état mental en tout temps et ne

pas en sortir chaque fois que je me sens dans un état négatif. »

Dan poursuit : « J’étais dans un groupe alors que nous échangions entre nous à voix haute.

J’avais eu des difficultés à m’exprimer. Lorsque je quittai cette rencontre, je me demandai

pourquoi il en était ainsi. En vérité, je ne voulais pas parler autant, car je craignais de bégayer. Je

me retrouvais donc en mode bégaiement. Mais qu’est-ce qui se présenta en premier ? Était-ce ma

parole qui m’amenait à croire que j’allais bégayer ? Ou était-ce ma croyance/attitude/mode

mental qui permettait à mon blocage de s’épanouir ? Je crois que c’était cette dernière possibilité.

Mon blocage n’était qu’un symptôme d’une fausse croyance (et autres éléments tout aussi

charmants de mon Hexagone du Bégaiement), rien de plus. Juste mon corps qui me disait

« Quelque chose va de travers dans ta façon de penser, car, honnêtement, il n’y a pas de raison

pour que tu bégaies. »

Jane écrit : « Peut-être que lorsque nous étions enfants, nous (PQB) sommes tous passés par

le ‘Bégaiement Développemental’ ; mais étant plus émotifs16

(et 83 % des personnes qui bégaient

sont considérées très émotives17

), nous interprétons notre lutte pour parler (lors de la phase du

bégaiement développemental) comme un échec (néfaste, inacceptable, embarrassant, etc.). Nous

tentons alors de contrôler notre parole. Et parce que nous voulons être ‘bon’ dans tout ce que

nous faisons, nous ne tolérons ni erreurs, ni faiblesses – et le fait d’essayer de se contrôler ne fait

qu’empirer la situation. C’est ainsi que nous ‘progressons’ vers ce que nous désignons

‘Syndrome de la Parole Bégayée’ et/ou ‘Bégaiement par Habitude.’ Je ne faisais que penser tout

haut !!! »

Mark : (Ce pourcentage de 83 % des PQB qui sont très émotives) implique qu’il existe deux

groupes de PQB. Les individus qui sont très émotifs et ceux qui ne le sont pas. J’avance qu’il y a

de fortes chances que ceux qui appartiennent au groupe des plus émotifs soient également ceux

qui sont atteints du TAS. Étant donné que le TAS dénote une déficience additionnelle avec

laquelle les PQB doivent composer ET que la présence du TAS influence la thérapie à

sélectionner/mettre au point, nous gagnerions certainement tous à utiliser un vocabulaire qui nous

permettrait d’établir des distinctions claires et précises entre ces deux groupes. Les termes

“Bégaiement par Habitude” (où il y a bégaiement sans anxiété ni émotivité) et “Syndrome de la

Parole Bégayée” (où le TAS et le bégaiement fusionnent pour ne faire qu’un) me conviennent

parfaitement.

En terminant, voici ce que je désigne la Prière de la PQB :

« Merci Dieu de m’avoir aidé à réaliser que je vivais un mensonge, mensonge reposant sur

de fausses perceptions et croyances (« Je suis inadapté » ; « Je n’ai aucune valeur » ; « Les autres

se moquent de moi, » etc., etc.). Merci de m’avoir donné la chance de découvrir que j’avais une

valeur (« Je suis honnête » ; « Je suis sincère » ; « Je m’efforce, chaque jour, d’être une meilleure

personne et un meilleur père, » etc.) Merci de m’avoir fait prendre conscience que je jouissais

d’un mécanisme de la parole intact (la preuve en ayant été faite à maintes reprises par la fluence).

Enfin, merci de m’avoir donné les outils et la chance de découvrir la bonne voie à emprunter afin

que ma fluence s’améliore progressivement. » Luis

16

Le texte original utilise le terme « sensitive » qui pourrait également se traduire par sensible ou émotif. 17

Ce pourcentage est de 10 à 15 % dans la population en général.

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ICEBERG ET SYNDROME DE LA PAROLE BÉGAYÉE

Rédigé à partir de diverses sources. Document en cours de rédaction (work in progress). 04/03/2015

Encore une fois, ceux et celles qui voudront approfondir le sujet, voir Goodbye Bégaiement, Bégaiement et anxiété sociale : pourquoi une simple rééducation de la parole n’est souvent pas suffisante.

Rév : 13/09/2015; 04/10/2015; 11/10/2015; 03/11/2016.

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BÉGAIEMENT MASQUÉ

Théorie de Mark Irwin

Dans son article sur le Syndrome de la Parole Bégayée (SPB), Mark Irwin, ancien président

de l’International Stuttering Association, nous propose les visions de plusieurs théoriciens sur

cette appellation de bégaiement intériorisé : Pour David Shapiro, il s’agit des sentiments et

pensées intériorisées tandis que pour Moore et Rigo, cette notion renvoie aux symptômes cachés

du bégaiement. Les pays du Commonwealth, quant à eux, considèrent que le terme de

bégaiement intériorisé s’applique aux « personnes bègues avec un bégaiement masqué, aussi

appelées cachées ou honteuses ».

Face à ces visions différentes, Mark Irwin a pu proposer une définition plus précise qui

permettrait de différencier bégaiement masqué et bégaiement intériorisé.

Il définit le Syndrome de la Parole Bégayée (S.P.B.) où le bégaiement est intériorisé. Il s’agit

donc d’un bégaiement avec non seulement des évitements au niveau de la parole, mais également

des évitements au niveau des situations. Il s’intéresse ici aux répercussions que peut avoir le

bégaiement sur toute la vie sociale du patient : le choix des études ou encore ses relations avec

ses pairs par exemple.

Afin de mettre en avant un lien entre le bégaiement et ses répercussions sur la vie

quotidienne, Irwin s’appuie sur la notion d’anxiété sociale qui « est un handicap en soi qui peut

soit être spécifique à certaines situations sociales ou se généraliser à la plupart. La grande

majorité des sujets qui souffrent de TAS (Trouble d’Anxiété Sociale) disent combien leur

carrière, leurs études et leur vie en général ont été gravement perturbées par leurs peurs ».

Cette notion d’anxiété sociale renvoie à celle de phobie sociale, définie par le DSM IV

comme « un trouble de l’anxiété caractérisé par une crainte (appréhension, inconfort émotionnel

ou inquiétude) persistante et intense causant un détresse considérable et une capacité diminuée de

quelques fonctions dans la vie quotidienne ».

Pour Christophe André et Patrick Légeron, dans leur ouvrage « La peur des autres : trac,

timidité et phobie sociale », le phobique social a « une peur persistante d’une ou plusieurs

situations dans lesquelles il est exposé à l’éventuelle observation attentive d’autrui et craint d’agir

de façon humiliante ou embarrassante. Il évite donc ces situations ou éprouve une anxiété intense

à leur approche. Cette tendance à l’évitement interfère avec la vie professionnelle ou les relations

sociales habituelles. La personne reconnait la nature excessive ou irrationnelle de ses craintes »

Le Syndrome de la Parole Bégayée se définit alors comme un bégaiement avec un Trouble

d’Anxiété Sociale (T.A.S.).

Pour Irwin, le terme de bégaiement « masqué » se définit par l’acte volontaire de masquage,

de la part d’un locuteur. Cela signifie qu’après avoir terminé sa phrase, la personne est en mesure

d’expliquer ce qu’elle n’a pas voulu dire, les mots qu’elle n’a pas employés. Elle est donc

consciente de ce qu’elle masque. Dans le cas du bégaiement intériorisé, il ne s’agit plus

seulement de mots mais aussi de situations sociales.

Pour autant, j’ai fait le choix de donner à ce site le nom de bégaiement masqué. En effet, ces

termes sont encore aujourd’hui les plus couramment utilisés pour nommer ce type de bégaiement.

(Cet article provient d’un site internet sur le bégaiement masqué.)