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Besoins nutritionnels et croissance des nourrissons – H Henri – 2019 Page 1
Besoins nutritionnels et croissance des nourrissons
Dr Hélène HENRI, pédiatre, IBCLC
I - Besoins nutritionnels des nourrissons
Les apports nutritionnels doivent assurer un état de santé normal (couvrant la
dépense énergétique de repos, la thermorégulation, la transformation des nutriments
en source d’énergie et l’activité physique) et la croissance. Il existe une grande
variabilité individuelle de ces besoins justifiant donc de considérer les apports
recommandés comme des données statistiques utilisables à l’échelle d’une
population, mais avec prudence pour un individu donné.
Les apports nutritionnels conseillés (ANC) estiment les apports souhaitables pour un
groupe (moyenne plus ou moins deux écarts-types) ; ils couvrent donc les besoins de
95% de la population, ils ne s’appliquent pas aux besoins de chaque individu.
1/ Besoins en énergie
La dépense énergétique comporte :
- la dépense énergétique de base (métabolisme au repos),
- la dépense énergétique liée à l’activité physique,
- la dépense énergétique de la thermorégulation ,
- le coût énergétique de la croissance (synthèse de nouveaux tissus), maximal dans
les 6 premiers mois de vie, 25% des dépenses énergétiques au cours de la première
année.
Les besoins énergétiques sont fonction de l’âge. L’apport énergétique est assuré par
les glucides (50-55% des apports énergétiques, 1g = 4 Cal), les lipides (30-35 % des
apports énergétiques, 1g = 9 Cal) et par les protides (10-12% des apports
énergétiques, 1g = 4 Cal).
2/ Besoins en protéines
Besoins quantitatifs
L’apport protéique correspond à la quantité d’azote et d’acides aminés nécessaire
pour le renouvellement cellulaire, pour la compensation des pertes obligatoires
(sueurs, selles, urines, phanères) et pour une croissance staturo-pondérale normale.
Besoins nutritionnels et croissance des nourrissons – H Henri – 2019 Page 2
Durant la première année, les ANC sont d’environ 1 g/kg/jour (en moyenne 10
g/jour). En règle générale, la consommation de protéines en France est excessive, très supérieure aux recommandations. En pratique, il est difficile de respecter celles-ci, sauf chez l’enfant nourri au lait maternel (Rappel : lait maternel= 0,9 g/100ml, lait de vache = 3,5g/100ml, lait industriel =1,2 à 1,8 g/100ml). Les enfants nourris avec des préparations pour nourrissons reçoivent 66 à 70 % de protéines en plus que ceux nourris au lait maternel. Des études récentes montrent que des apports de protéines trop élevés dans l’enfance ont des effets délétères à moyen et à long terme : obésité, hypertension artérielle1.
Besoins qualitatifs
Sur le plan qualitatif, l’alimentation doit couvrir les besoins en 9 acides aminés
indispensables : Histidine, Leucine, Thréonine, Lysine, Tryptophane, Phénylalanine,
Valine, Méthionine, Isoleucine (Mnémotechnique = « Hystérique, le très lyrique
Tristan fait vachement méditer Yseult »).
Durant les 6 premiers mois de vie, les apports protéiques proviennent d’un
seul aliment : le lait. Le lait maternel est le « gold standard » et sa composition sert
de base aux recommandations nutritionnelles tant au plan qualitatif (profil d’acides
aminés) que quantitatif (taux de 0,8 à 1 g/100ml). A noter : l’apport azoté total du lait
maternel provient pour 25 % d’azote non protéique (immunoglobulines IgA, IgM, IgG,
urée, lactoferrine) : ces protéines ne sont pas disponibles pour la croissance mais ont
un rôle fonctionnel (immunitaire).
Qu’en est-il des sources protéiques végétales ?
Les protéines végétales diffèrent des protéines du lait sur le plan qualitatif : elles sont
pauvres en méthionine, lysine, proline, trop riches en aspartate, glycine, arginine et
cystine. L’élaboration d’une préparation pour nourrissons à base de protéine
végétale implique une adaptation des protéines par enrichissement en méthionine.
Les boissons non enrichies de soja, noisettes, amandes, ou riz ne répondent pas aux
exigences légales. Elles ne doivent pas servir de source protéique unique dans
l’alimentation des nourrissons et jeunes enfants. Lorsque l’usage des œufs, du lait et
des produits laitiers (régime lacto-ovovégétarien) ou seulement ces derniers (régime
lactovégétarien) est autorisé, il est possible, moyennant quelques précautions, de
couvrir les besoins en protéines des enfants en croissance. Il faudra néanmoins
s’assurer que l’apport protéique est adapté, et les besoins en fer et en vitamines
couverts. La situation est très différente lorsque tout aliment d’origine animale est
banni (végans) et que ne sont utilisés en complément de l’allaitement maternel que
1 Protein intake from 0 to 18 years of age and its relation to health: a systematic literature review for the 5th Nordic Nutrition Recommendations. Hörnell A, Lagström H, Lande B, Thorsdottir I. Food Nutr Res. 2013; 57. Epub 2013 May 23)
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des bouillies de céréales à l’eau ou des légumes. Ce type d’alimentation peut
conduire à des malnutritions sévères (risque neurologique lié à la carence en
vitamine B12). Il est nécessaire, pour couvrir les besoins en acides aminés
essentiels, d’introduire des protéines d’origine animale : produits lactés, œufs,
poisson, viande.
3/ Besoins en lipides et acides gras essentiels
Les lipides sont les nutriments les plus énergétiques (1g = 9 Cal). Compte tenu des
besoins nutritionnels élevés, en particulier énergétiques, durant les premières
années de vie, il n’y a pas lieu de restreindre les apports lipidiques chez le nourrisson
et le jeune enfant.
Les lipides dans l’alimentation doivent assurer les besoins en acides gras essentiels :
principalement deux acides gras polyinsaturés à longues chaines (AGPI-LC) : l’acide
linoléique (oméga 6), précurseur de l’acide arachidonique (ARA) et l’acide α-
linolénique (oméga 3), précurseur de l’acide docosahexanoïque (DHA). Ce sont les
constituants indispensables des membranes cellulaires, en particulier du tissu
cérébral. Le lait maternel est riche en acides gras essentiels (AGPI-LC) en particulier
il contient une proportion équilibrée de ARA et DHA (ratio ARA/DHA = 2 à 3 selon
l’alimentation maternelle).
L’alimentation occidentale traditionnelle est en générale beaucoup trop riche en
oméga 6 (huile de tournesol, maïs), et pas assez en oméga 3 (huiles de poisson,
poissons gras, huile de colza, huile de lin, huile de noix, graines de lin, fruits à
coques). Les huiles courantes qui permettent le plus facilement d’apporter de l’acide
linoléique et de l’acide α-linoléique dans les proportions adéquates sont les huiles de
soja, de colza, de noix, d’olive, ou les mélanges de « 4 huiles ».
4/ Besoins en eau
Le capital hydrique du nourrisson est faible, sa surface cutanée élevée, ses pertes
extra-rénales importantes et ses capacités de concentration rénales médiocres. Les
besoins en eau du nourrisson sont donc plus importants que chez l’enfant plus
grand.
Les apports conseillés sont de 150 ml/kg/jour de 0 à 4 mois, de l’ordre de
125 ml/kg/jour de 4 à 8 mois, et tendent progressivement vers 100 ml/kg/jour à
l’âge de 1 an, alors que chez l’adulte, les apports hydriques oscillent entre 35 et
50 ml/kg/jour. Ces apports hydriques correspondent aux besoins habituels d’un
sujet sain dans des conditions stables et recevant un apport énergétique et
protéique normal.
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Il n’y a pas lieu de donner au nourrisson bien portant, en dehors de toute pathologie
entraînant des pertes d’eau (telle que la diarrhée), ni plus ni moins d’eau que les
volumes recommandés.
5/ Besoins en calcium et vitamine D
Calcium
La minéralisation optimale du squelette, d’autant plus importante que la
croissance est rapide, requiert des apports de calcium important. L’apport calcique
ne contribue pas uniquement à assurer une minéralisation adéquate à court terme,
mais aussi à augmenter la densité minérale pour atteindre, en fin de croissance, un
pic de masse minérale osseuse optimal. Le « stock » osseux en calcium se fait
surtout au cours des 3 premières années. Les apports doivent donc être optimaux
durant cette période. Il existe une corrélation entre les apports alimentaires de
calcium, la masse osseuse et le risque fracturaire tout au long de la vie2.
Le lait de femme contient 320 mg/l de calcium. Les préparations pour nourrissons en
contiennent réglementairement au moins 430 mg/l. Cette quantité est suffisante si
l’enfant n’a pas de carence en vitamine D.
Vitamine D
L’absorption intestinale du calcium et la minéralisation du squelette requièrent
la présence de vitamine D. Celle-ci a une double origine : exogène (apport
alimentaire et médicamenteux) et endogène (synthèse cutanée sous l’effet des
rayons du soleil). Les concentrations de vitamine D dans le lait de femme sont très
faibles (25-70 UI/l). Les préparations pour nourrissons, quant à elles, sont enrichies
en vitamine D mais les concentrations sont inférieures aux besoins (environ 200 UI/l).
De nombreuses enquêtes réalisées en pays industrialisés montrent que les taux
moyens de vitamine D, principalement à la fin de l’hiver, mais fréquemment toute
l’année, chez les nourrissons, les enfants plus grands et les adolescents sont bas.
L’alimentation apporte en effet peu de vitamine D (poissons gras, certaines huiles), et
les enfants et adolescents sont peu exposés au soleil. Il y a donc lieu de prescrire
systématiquement à tout enfant et jusqu’à la fin de la croissance une
supplémentation en vitamine D (600 UI /j si préparation pour nourrisson industriel,
800 UI à 1000 UI /j si allaitement maternel, 1000 à 1200 UI /j si peau noire). Après
18-24 mois on peut supplémenter uniquement l’hiver par des ampoules de 100 000
UI tous les 3 mois, jusqu’à la fin de la croissance.
2 Calcium intake, calcium bioavailability and bone health. Cashman KD. Br J Nutr. 2002 May; 87 Suppl 2:S169-77.
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6/ Besoins en fer
La carence en fer est la plus fréquente des carences nutritionnelles dans les pays
industrialisés. Les facteurs de risque en sont : antécédents de prématurité, retard de
croissance intra-utérine, gémellité. La carence en fer provoque chez le
nourrisson une anémie microcytaire mais également des troubles du comportement
(irritabilité, apathie) et une moindre résistance aux infections. Elle peut
probablement avoir un retentissement également sur les capacités d’apprentissage
et les performances cognitives de l’enfant. Les besoins en fer pendant les premiers
mois de vie sont peu importants chez l’enfant né à terme en raison de l’hémolyse
physiologique et de la réutilisation du fer contenu dans les globules rouges. Il n’en va
pas de même chez le prématuré : en effet, le transfert du fer de la maman vers le
fœtus se produit principalement pendant le 3e trimestre de la grossesse.
La biodisponibilité très élevée du fer contenu dans le lait de femme (plus de
50 %) explique la rareté de la carence en fer chez le nourrisson au sein. La
lactoferrine présente dans le lait maternel augmente l’absorption du fer, ainsi que la
vitamine C. Aucune supplémentation en fer n’est nécessaire chez l’enfant nourri au
sein de façon exclusive jusqu’à l’âge de 6 mois ; mais si l’allaitement exclusif est
poursuivi au-delà de cet âge, les besoins en fer peuvent ne pas être couverts et il
peut y avoir lieu de donner un complément. Cependant l’apport de fer sous forme
médicamenteuse sature et bloque l’action de la lactoferrine.
Le fer héminique (viande, poisson) est mieux absorbé que le fer non héminique (lait,
végétaux, œufs). Les aliments les plus riches en fer sont le foie de veau et le boudin
noir.
7/ Besoins en zinc
La carence en zinc provoque chez l’enfant un ralentissement de la croissance
staturo-pondérale. Les formes plus sévères peuvent entraîner des déficits de
l’immunité cellulaire, des troubles cutanés et des phanères, des anomalies du
renouvellement cellulaire (muqueuses), de la diarrhée...
La biodisponibilité du zinc du lait de femme est très supérieure à celle des
préparations à base de protéines du lait de vache. L’enfant nourri exclusivement au
sein pendant les premiers mois de la vie ne court aucun risque de carence (sauf en
cas de régime végétarien chez la mère).
A noter cependant que des cas de carence ont été décrits chez des prématurés dont
les besoins élevés, imposés par la croissance très rapide, n’ont pu être couverts par
les apports en zinc dans le lait maternel.
Attention, comme pour le fer, l’éviction de viande ou de poisson dans l’enfance
expose l’enfant en croissance à un risque élevé de carence en zinc. Après 6 mois,
l’introduction de la viande et du poisson sont importants pour couvrir les besoins en
zinc des nourrissons allaités.
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8/ Besoins en sodium
Les besoins de sodium sont faibles, de l’ordre de 1 mEq/kg/jour (environ 120
mg/jour) en climat tempéré. Un nourrisson de moins de 6 mois, au sein, reçoit en
moyenne 1,16 mEq de sodium/kg/jour (17mg/100ml). Les apports de sodium sont
plus élevés chez les enfants nourris au biberon (en moyenne 22mg/100 ml). Ils
augmentent encore avec le passage au lait de suite, puis au
lait de vache, et avec la diversification alimentaire, qui multiplie par 2 à 3
l’apport de sodium entre 4 mois et un an. Un apport de sodium dépassant les
besoins ne présente aucun avantage nutritionnel, mais augmente la charge
osmolaire rénale et favorise, à long terme, l’hypertension
artérielle. Il est donc justifié de ne pas augmenter les apports de sodium et de ne
pas habituer les enfants à manger salé en rajoutant du sel aux aliments qui en
contiennent naturellement des quantités suffisantes.
9/ Besoins en vitamines
Seules 2 vitamines sont insuffisamment apportées par le lait maternel :
- La vitamine K : pour la prévention de la maladie hémorragique du nouveau-né.
Il est recommandé de le supplémenter en vitamine K à la naissance (4h), au
cours de la première semaine (4e jour) et à un mois (4 semaines). Cette
troisième dose n’est pas obligatoire pour les enfants nourris au lait industriel.
- La vitamine D : pour la prévention du rachitisme. Les enfants allaités doivent
recevoir entre 800 et 1000 UI (4 gouttes) par jour.
En conclusion, les besoins nutritionnels du nourrisson sont assurés parfaitement
par l’alimentation au lait maternel et dans une moindre mesure par les préparations
pour nourrisson industrielles (trop de protéines, trop de sel, peu ou pas d’AGPI-LC).
Le lait maternel par sa richesse en protéines, lipides et minéraux dans un faible
volume permet de couvrir seul (jusqu’à six mois) puis en association avec d’autres
nutriments, les besoins nutritionnels quotidiens, d’assurer une croissance et un
développement cérébral normaux et une minéralisation osseuse adéquate.
II- Croissance des nourrissons allaités 1/ Le poids des premiers jours aux premiers mois
Chez tous les nouveau-nés, le poids diminue au cours des premiers jours après la
naissance, en raison d’une perte d’eau liée à l’adaptation à la vie extra-utérine.
Il y a près de 10% d'eau en moins dans le corps d'un nouveau-né entre la naissance
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et le huitième jour. Le bébé ne maigrit pas, c'est à dire qu'il ne perd pas des éléments
de ses organes. Il est plus léger parce que moins riche en eau. C'est une adaptation
physiologique normale. Le bébé reprend ensuite du poids de façon plus ou moins
rapide. Le poids de naissance est atteint en général entre 4 et 8 jours de vie et au
maximum au 15è jour. Si ce n’est pas le cas, c’est que la mère a besoin d’aide pour
l’allaitement.
Le gain de poids du bébé doit toujours être calculé par rapport au poids le plus bas
enregistré dans les premiers jours après la naissance.
Une perte de poids initiale d’environ 5-7% est normale, tandis qu’une perte de poids
de 10% indique qu’il faut aider la mère à augmenter le transfert de lait.
Ensuite, si les signes de transfert de lait sont bons (tétées avec déglutitions
nombreuses et prolongées, couches bien remplies), une pesée par semaine est
suffisante le premier mois, puis une pesée mensuelle.
Certains bébés ont une croissance très rapide au départ qui se ralentit ensuite
D’autres ont une croissance plus faible, mais plus régulière.
2/ La croissance en quelques chiffres
La prise de poids attendue pour un bébé allaité est de :
- 200 g par semaine de 0 à 3 mois (soit 800 à 1000 g par mois)
- 150 g par semaine de 3 à 6 mois (soit 500 g par mois)
La croissance staturale moyenne pendant les premiers mois de vie est de :
- 2,5 cm/mois pour la taille
- 1,25 cm/mois pour le périmètre crânien.
Repères chiffrés : - 6 mois : Poids de naissance x2 - 8 mois = 8 kg - 1 an = Poids de naissance x 3 Taille de naissance x1,5 (ou +25cm) - 3 ans = Poids de naissance x4 Taille de naissance x 2
3/ Moins d’obésité chez les bébés allaités
Les nourrissons allaités présentent moins de risque d’obésité. En effet, ils
apprennent à régler leur appétit selon leurs besoins réels. Même si leurs mères leur
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présentent très souvent le sein, ils ne tèteront pas toujours de la même façon et
recevront des quantités variables de lait 3,4.
A croissance égale, les bébés allaités au sein consomment une quantité de lait
inférieure de 20 % environ à celle prise par les nouveau-nés recevant du lait artificiel.
Ceci s'explique par la remarquable bio-disponibilité du lait humain : quasiment tous
les nutriments absorbés sont utilisés.
4/ Surveiller la courbe de poids
Il est très important de reporter les mesures de poids sur une courbe afin d’en étudier
l’évolution : toute cassure de la courbe de poids doit conduire à une évaluation de
l’état du bébé et de sa manière de téter.
On évaluera en particulier :
- les signes d’une tétée efficace : une fois au sein, le bébé tète activement, présente
des mouvements de succion amples et réguliers et fait parfois du bruit au moment où
il déglutit ;
- les signes de bon transfert du lait (urines et selles) ;
- l’éveil psychomoteur : dès le premier mois, le bébé bien portant accroche le regard,
écoute la voix de sa mère et cherche activement le sein quand il se réveille.
En dehors du poids, les éléments permettant d’évaluer le transfert de lait sont :
- les urines : leur volume est directement corrélé à celui du lait ingéré. Des urines
abondantes (changes mouillés 6 à 8 fois par jour) et claires témoignent d’un bon
transfert du lait.
- les selles : en début d’allaitement, un retard à l’émission du méconium ou des selles
rares (< 3 par jour) peut signifier que l’enfant ne reçoit pas assez de lait. Lorsque tout
va bien, les selles sont liquides ou grumeleuses, mais très molles, de couleur jaune
d’or ou verte. Leur fréquence est très variable : elle est souvent élevée au cours du
premier mois (3 à 8 par jour), puis peut diminuer de façon très importante et rapide
vers la fin du premier mois (6 par jour à 1 par semaine !). C’est normal : l'absorption
du lait maternel est alors optimale et l'intestin ne contient pas de résidus. Mais même
lorsqu’elles sont peu fréquentes, les selles restent molles ou liquides.
A noter : certains bébés peuvent présenter une prise de poids faible alors que tout va
bien par ailleurs. Il s’agit souvent de bébés ayant des réveils peu fréquents. Ces
bébés ne tètent que 4 à 5 fois par jour, ce qui limite la quantité de lait ingérée. On
3 Full Breastfeeding and Obesity in Children: A Prospective Study from Birth to 6 Years. Juan Antonio Ortega-García, Nicole Kloosterman, Lizbeth Alvarez, Esther Tobarra-Sánchez, Alberto Cárceles-Álvarez, Rebeca Pastor-Valero, Fernando Antonio López-Hernández, Manuel Sánchez-Solis, Luz Claudio Child Obes. 2018 Jul 1; 14(5): 327–337. Published online 2018 Jul 1. doi: 10.1089/chi.2017.0335 4 The association between breastfeeding and childhood obesity: a meta-analysis. BMC Public Health. 2014 Dec 13;14:1267. doi: 10.1186/1471-2458-14-1267.
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peut alors conseiller aux parents de proposer à leur enfant des tétées
supplémentaires lors des phases d’éveil.
5/ Différence de croissance entre nourrissons allaités et non-allaités
La croissance pondérale du bébé allaité est caractéristique : elle est plus rapide que
celle de l’enfant nourri au lait industriel pendant les 3 - 4 premiers mois, puis elle
s’infléchit pour être légèrement inférieure à la fin de la première année.
La croissance en taille et en PC sont sensiblement identiques.
A un an, les bébés allaités sont en moyenne plus minces que les bébés nourris au
lait industriel.
A deux ans, il n’y a plus de différence évidente entre les deux.
Comment expliquer cette différence ?
- Faible teneur en protéine du lait maternel par rapport au lait industriel.
- Auto-régulation des besoins chez les bébés allaités (ils consomment en moyenne
20% de lait en moins, ils ne sont pas poussés à « finir le biberon »)
Les courbes de croissance des anciens carnets de santé français avaient été
établies à partir des données de l’étude séquentielle française de la croissance CIE-
INSERM (Rolland-Cachera, Sempé), en suivant 588 enfants nés en 1953 et 1954.La
grande majorité de ces enfants avait été nourrie au lait industriel de l’époque.
Ces courbes (poids, taille et périmètre crânien) avaient donc deux défauts :
- elles remontaient à plus de 30 ans et ne tenaient pas compte des caractéristiques
staturo-pondérales actuelles des nourrissons ;
- elles étaient basées sur des données recueillies chez des bébés alimentés en
majorité au lait industriel des années 50 (lait de vache peu modifié à l’époque).
Les courbes de croissance des anciens carnets de santé n’étaient donc
absolument pas adaptées pour suivre la croissance des nourrissons allaités.
6/ Les courbes de croissance de l’OMS
L’OMS a publié en 2006 de nouvelles courbes dans le but d’offrir des normes de
croissance globales, décrivant la croissance staturo-pondérale des enfants de la
naissance à 5 ans dans des conditions nutritionnelles optimales. Ces courbes
définissent l’alimentation au lait maternel comme la norme biologique et prennent le
nourrisson allaité comme point de comparaison pour mesure la croissance saine.
Le recueil de données (1997-2002) a concerné un échantillon international de
nourrissons (n = 8440) allaités au sein (exclusif jusqu’à 4 mois et au moins jusqu’à
12 mois) vivant dans 6 pays différents (Brésil, Etats-Unis d’Amérique, Ghana, Inde,
Norvège, Oman) et dans un environnement favorable. Les données récoltées lors de
ces études démontrent que lorsque les conditions sont optimales au début de la vie,
Besoins nutritionnels et croissance des nourrissons – H Henri – 2019 Page 10
les enfants nés dans différentes régions du monde peuvent grandir et se développer
pour atteindre la même gamme de taille et de poids pour un âge donné.
- 75 % des enfants ont été allaités au moins 4 mois
- 68% un an
- 52 % deux ans
Cette étude a montré en outre une différence significative de prise de poids entre les
filles et les garçons (différence d’environ 600g entre les poids moyens après 3 mois).
7/ Comparaison des courbes des anciens carnets de santé et des
courbes de l’OMS
Pour les bébés entre 0 et 6 mois, une prise de poids jugée normale selon les critères
français peut être considérée insuffisante selon l’étude de l’OMS. La prise de poids
est en effet directement liée au nombre de tétées et à leur efficacité et plus
généralement au respect du rythme propre du bébé, rythme qui varie suivant les
périodes pour un même bébé et d’un bébé à l’autre.
Les mères impliquées dans l’étude de l’OMS ont scrupuleusement suivi ces principes
qui permettent une croissance optimale des bébés et ont, pour ce faire, bénéficié
d’un soutien important de la part d’une conseillère en allaitement attitrée.
Par 24 h, les bébés de l’étude tétaient en moyenne 10 fois à 3 mois mais encore 9
fois à 6 mois et 5 fois à 12 mois ! Il est logique que dans ces conditions, pour un
même poids de naissance, la prise de poids des bébés de l’OMS soit supérieure les
premiers mois à ce qu’on observe souvent en France. Dans notre pays, les pratiques
en maternité sont inégales et les idées reçues encore bien vivaces sur l’importance
de « régler » le rythme du bébé, et sur le nombre « idéal » - c’est-à-dire réduit - de
tétées.
A l’inverse, pour les bébés qui prennent « beaucoup de poids » les premiers mois, on
comprend que les parents (et les professionnels de santé avec eux) s’inquiètent vis-
à-vis du risque de surpoids et d’obésité. En effet, un bébé allaité qui prend tout le lait
dont il a besoin peut se trouver très au-dessus de la courbe française alors qu’il suit
simplement la courbe établie par l’OMS !
Pour les bébés garçons de petit poids, les données de l’OMS restent au-dessus des
données françaises : l’écart est plus faible que dans les premiers mois, de 200 à 400
g (voir la comparaison sur le 3ème percentile). Pour les bébés garçons de poids
Besoins nutritionnels et croissance des nourrissons – H Henri – 2019 Page 11
élevé, les données françaises coïncident globalement avec les données de l’OMS
pour la deuxième année de vie (voir la comparaison sur le 97ème percentile).
Pour les bébés filles, à l’inverse, à partir de 9 mois, on peut être alerté par une prise
de poids qui paraît trop faible selon les critères français alors qu’elle est tout à fait en
accord avec les données de l’OMS, l’écart pouvant aller jusqu’à 600 g (97ème
percentile à 13 mois). Cette inquiétude peut conduire à accélérer l’introduction
progressive des solides, à inciter l’enfant à manger plus qu’il ne le fait
spontanément… et à faire des repas un moment de stress pour toute la famille.
L’étude multicentrique de l’OMS apporte des informations rassurantes pour les
parents qui rencontrent cette situation d’une petite fille « trop » mince selon les
données françaises.
Comparaison du 97ème percentile (en partie haute) et du 3ème percentile (en
partie basse) pour les 24 premiers mois des bébés garçons entre :
- les données OMS (trait fort) ;
- les données du carnet de santé français (trait pointillé).
Besoins nutritionnels et croissance des nourrissons – H Henri – 2019 Page 12
Comparaison du 97ème percentile (en partie haute) et du 3ème percentile (en
partie basse) pour les 24 premiers mois des bébés filles entre :
- les données OMS (trait fort) ;
- les données du carnet de santé français (trait pointillé).
Report sur la courbe OMS des courbes du carnet de santé (en bleu) :
Besoins nutritionnels et croissance des nourrissons – H Henri – 2019 Page 13
Courbes de poids des nouveaux carnets de santé pour les filles (avec report des -
3e et 97e percentiles des courbes OMS)
Courbes de poids des nouveaux carnets de santé pour les garçons (avec report
des 3e et 97e percentile des courbes OMS)
Besoins nutritionnels et croissance des nourrissons – H Henri – 2019 Page 14
Pour conclure, les courbes de croissance de l’OMS doivent être la référence pour
suivre la croissance des bébés allaités. Les courbes des nouveaux carnets de santé
induisent moins les professionnels de santé en erreur qu’avant.
TAKE HOME MESSAGES
Les apports nutritionnels conseillés sont destinés à couvrir les besoins de 95%
d’une population ; ils ne s’appliquent pas aux besoins de l’individu.
L’alimentation du nourrisson doit être uniquement lactée (idéalement
constituée de lait maternel) jusque 4 à 6 mois.
Une supplémentation en vitamine D est nécessaire en France
quotidiennement jusque 18-24 mois puis au cours des saisons automne-hiver
durant toute la croissance.
Une supplémentation en vitamine K est nécessaire (4heures, 4 jours 4
semaines).
La diversification est à débuter entre 4-6 mois, de façon progressive et souple.
Le bébé allaité récupère son poids de naissance au 15è jour de vie au plus
tard.
Une pesée par semaine est suffisante le premier mois, puis une pesée
mensuelle si tout va bien.
Les courbes de l’OMS constituent la référence pour la croissance staturo-
pondérale des nourrissons.
La croissance staturo-pondérale du bébé allaité est supérieure à celle des
enfants nourris au lait industriel pendant les 4 premiers mois, puis s’infléchit
au cours des mois suivants.
La vitesse de croissance présente d’importantes variations d’un enfant à
l’autre.
Toute cassure de la courbe de poids doit conduire à une évaluation de l’état
physique de l’enfant, de sa manière de téter (signes d’une succion efficace et
d’un bon transfert de lait) et de son éveil psychomoteur.