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Patrick Audebert BIEN NÉGOCIER Troisième édition © Éditions d’Organisation, 1995, 1999, 2005. © Eyrolles, 1995, 1999, 2005. ISBN : 2-7081-3270-9

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Patrick Audebert

BIEN NÉGOCIER

Troisième édition

© Éditions d’Organisation, 1995, 1999, 2005.

© Eyrolles, 1995, 1999, 2005.

ISBN : 2-7081-3270-9

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DE LA NÉGOCIATION1« Il est beaucoup plus facile de faire la guerre

que de faire la paix. »Clémenceau

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Sommaire du chapitre

La pseudo-négociation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5Comment définir la négociation ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7Quels principaux paramètres influencent la négociation ? . . . 10La gestion des conflits . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11Quelles conditions sont nécessaires à toute négociation ? . . . 22Quel échange entretenir ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 31Quelle est la marge de manœuvre ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 40Qu’entend-on par processus de négociation ? . . . . . . . . . . . . 41Le résultat / l’issue . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 42

Liste des tableaux et synthèse

Différences de définitions (d’après Lax et Sébénius) . . . . . . . . . 9Système de gestion de conflits (Source : M. Ghazal et Y. Halipha) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 15 Comparatif des méthodes allemandes et françaises (sources : D. Muller) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 21

Index du chapitre

Absence de marge, 40Affaires

internationales, 34Autonomie, 36Chantage, 38Commerce

international, 34Communication, 41

Compensation, 37Comportement, 23Concessions, 32Conditions, 22Conduite, 41Confiance, 31Conflit, 8Conflit ouvert, 20

Contrepartie, 35, 39Convergences, 15, 23Déroulement

de la négociation, 41Déséquilibré, 29Devoirs, 36Divergences, 15, 23Dominant, 29

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Don, 39Droit, 15, 36Échange, 31Échange malhonnête, 34Échange

non monétaire, 37Efficacité, 8Escroquerie, 34Faible marge, 40Faux pivot, 25Fond, 41Forme, 41Francs, 34Gestion des conflits, 11Gestion du temps, 41Image de marque, 37Impasses, 8Information, 31Interdépendance, 8, 22Intérêts, 15Intransigeance, 25L’issue, 42Manipulation physique, 7Marchandage

de tapis, 34Marge de manœuvre, 40

Mauvaise foi, 23Médias, 29Négociations internes, 33Objectifs communs, 20Obstruction, 23Opinion publique, 29Opportunité, 8, 9Outils, 15, 20Paramètres, 10Phases, 41Points d’accord, 23Possibilité d’un accord, 9Pouvoir, 15, 28Presse, 29Pression extérieure, 22Processus d’échanges, 16Processus d’expertise, 16Processus

de domination, 16Processus

de négociation, 41Processus liés

au temps, 16Processus politiques, 16Projets, 8Pseudo-négociation, 5

Psychologique, 7Qualitatif, 32Quantitatif, 32Rapport de force, 29Rapport de force

équilibré, 28Réalités économiques, 42Relation, 42Relations affectives, 33Relations négatives, 23Résultat, 42Situation d’infériorité, 29Situation

de monopole, 29Solution, 20Stratégie, 41Supériorité militaire, 29Tactiques, 41Techniques, 41Techniques

de négociation, 25Tempérament joueur, 22Troc, 37Types de décision, 15Volonté d’accord, 25

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Aujourd’hui, le manager est confronté à tous types de négociation :sociale, commerciale et interne (hiérarchique et organisation-nelle). Il peut même se retrouver dans des situations spécifiques,telles que la négociation internationale, avec les problèmes cultu-rels que cela sous-tend, ou les négociations bancaires, de projets,d’embauche ou de restructuration. Pour toutes ces raisons, lanégociation est devenue un outil incontournable de la formation etde la « boîte à outils » du manager, quel que soit son métier ou saposition hiérarchique dans l’entreprise.Les pressions internes et / ou externes ne sont pas négligeables, ilest même courant d’entendre au fil des conversations :« Négociez, négociez, il en restera toujours quelque chose... »Cela est faux, ou tout du moins tendancieux, car la négociationn’est pas une panacée. Elle ne résout pas, loin de là, tous lesproblèmes et son utilisation est conditionnée à un certain nombrede contraintes…

LA PSEUDO-NÉGOCIATION

Il existe de nombreuses situations où l’un des partenaires annoncequ’il va « négocier » pour en réalité gagner du temps, car il n’a pasdu tout l’intention d’arriver à un accord négocié ! Dans ce cas, ilfait de la « pseudo-négociation ».

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Exemples

Les plus hautes autorités ministérielles françaises ont toujours eu la mêmestratégie vis-à-vis des preneurs d’otages. Magistrats et policiers sont obligésd’appliquer les consignes suivantes1 : l’issue du conflit (la prise d’otage) nepeut se faire que de deux manières ; soit par la reddition, soit par la force.Et pourtant, les policiers « négocient » avec les truands, par téléphone,mégaphone ou parfois en direct. Ils discutent pour, d’une part, faire un étatdes lieux : combien sont-ils ?, quel est leur profil psychologique ?, leursmotivations profondes ?, leur état de fatigue ?, leur degré de cohésion auniveau du groupe s’ils sont plusieurs ?, etc. et d’autre part, gagner du tempsafin que les forces de police puissent s’organiser, prévoir les contre-offen-sives ou tout simplement avoir les preneurs d’otages « à l’usure ». Enaucun cas, les policiers ou magistrats n’ont le pouvoir d’arriver à unaccord négocié du type : « Si vous libérez les otages, on met une voitureà votre disposition pour vous permettre de vous échapper. »

A contrario, Denis Seltemann affirme : « Bien que les techniques seressemblent, qu’il s’agisse de la signature d’un contrat de plusieursmillions d’euros ou la reddition d’un preneur d’otages, il n’en demeurepas moins que le contexte d’application, l’état émotionnel exacerbé del’interlocuteur et les enjeux humains remettent profondément en causel’existence de similitudes certaines. Dans une situation de prise d’otages,c’est à travers la négociation que l’on pourra analyser et comprendre lasituation dans son aspect humain et ainsi parvenir soit à une résolutionpacifique de la crise, soit à repenser au plus loin l’usage de la force. »2

1. Ces consignes nous ont été longuement expliquées et détaillées par MichelMarie, commissaire au RAID (Unité de Recherche, Assistance, Intervention etDissuasion de la Police nationale), qui est en charge de la négociation lorsdes prises d’otages. Il a créé, avec ses collègues, un logiciel très performantqui permet de définir le profil psychologique du ou des preneurs d’otages afinde mettre au point, pour les forces de police, la meilleure politique d’actionspossible.

2. Dans un article publié sur son site Internet www.auditriskmanagement.com

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Un autre exemple nous est donné par les conférences de Rambouilletet quelques semaines plus tard de Paris, où Milosevic a utilisé le tempsdes négociations pour installer l’armée serbe au Kosovo et planifierl’épuration ethnique des Kosovars albanais1.

La pseudo-négociation relève ainsi plus du domaine de la manipu-lation physique et / ou psychologique que de la négociation réelle.

COMMENT DÉFINIR LA NÉGOCIATION ?

La négociation étant plus un art qu’une science exacte, il est difficile dela définir. Elle peut être considérée comme un outil à long terme : « Jepense que nous avons une occasion de créer une vision conjointe de ceque notre futur puisse être et ceci grâce à la négociation. »2 ; comme uneactivité quasi sportive : « Négocier, c’est agir, faire bouger, faire circuler,échanger, c’est le contraire de l’inertie. »3 ou encore sentimentale :« D’ailleurs, les journaux allemands ont très vite qualifié ce conflit de« schmusestreik », une « grève câline », en quelque sorte. »4

Christophe Dupont donne de la négociation une vue beaucoupplus pragmatique : « La négociation est l’activité mettant enprésence deux ou plusieurs parties (individus, groupes, déléga-tions) qui, en raison de leur interdépendance, veulent trouver uneissue satisfaisante et non violente à une situation exigeant, de lapart de chacun, la prise en compte de la réalité de l’autre. »5

1. Nous n’avons pas la preuve de cette affirmation, mais cette hypothèse a étéreprise par l’ensemble de la presse internationale.

2. J.R. Strepp, haut fonctionnaire américain, dans Les relations sociales de Dimi-tri Weiss : Encyclopédie de la Gestion, Vuibert, 1992.

3. Dimitri Weiss, Les relations du travail, Dunod, 1976.4. Au sujet du conflit dans la métallurgie dans la ville-État de Berlin in article de

Lamia Oualalou in Le Figaro Économie du 20 mai 2002.

5. Christophe Dupont, La Négociation, Dalloz, 4e édition, 1994.

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Nous nous contenterons d’une définition qui a l’avantage, bienqu’elle ne soit pas complète, de couvrir l’ensemble du champ dela négociation : la négociation est un processus de décision parmid’autres. Elle est loin d’en représenter la majorité bien qu’elle yoccupe parfois une place décisive. Sa finalité est de trouver une (oudes) solution(s) à des situations qui risquent, soit de se maintenir(ou tomber) dans des impasses (conflits), soit de pouvoir aboutir(projets). Elle n’est ni omnipotente ni un subterfuge. Elle a desavantages mais aussi des inconvénients. Elle peut, dans certainscas, être un mode à privilégier, par rapport à d’autres systèmes dedécision. Mais elle peut aussi ne pas remplir les conditions vouluesd’opportunité ou d’efficacité.

L’approche de Lax et Sébénius est considérée comme l’une desplus novatrices. Les auteurs définissent la négociation comme un« processus d’interaction opportuniste dans lequel deux ouplusieurs acteurs (parties) en situation de conflit apparent, tententd’obtenir par un accord un résultat meilleur que par d’autresmoyens de décision »1.

Ils distinguent dans la négociation quatre éléments essentiels, àsavoir :

❑ l’interdépendance des acteurs et la notion de conflit perçu

Ces deux premiers éléments sont la traduction classique desconvergences / divergences. Les auteurs ont néanmoins unevue plus fine du conflit. La situation peut être simplementperçue comme conflictuelle sans qu’il y ait vraiment unconflit ; il peut s’agir, par exemple, de préférences diffé-rentes ou de perceptions d’intérêts partagés. Dans cedomaine et par rapport à beaucoup d’autres auteurs, Lax etSébénius mettent en évidence que les intérêts, les croyances

1. Lax et Sébénius, The manager as Negociator, Éditions The Free Press, 1986.

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et les règles ne sont pas nécessairement fixes et peuventévoluer et / ou changer au cours d’une négociation.

❑ une caractéristique d’opportunité et la possibilité d’unaccordLe mot opportunité est pris dans le sens de stratégie, à savoirque chaque acteur tente de tirer avantage de la situation. Ilessaye de maximiser ses gains en tenant compte des actionset des plans des autres. La négociation est donc un exercicede maximisation sous contrainte, à savoir atteindre sesobjectifs tout en assurant une satisfaction acceptable parl’autre partie. Henry Kissinger exprime la même idée àtravers une formulation différente : « La négociation est unmode de décision fondé sur la recherche d’une actionunilatérale. »1

Lax et Sébénius ont également « rénové » le langage de la négocia-tion. Le tableau suivant en donne quelques exemples.

1. Henry Kissinger, À la Maison- Blanche 1968 / 1973, Fayard, 1979.

Différences de définitions (d’après Lax et Sébénius)

Définitions courantes LAX et SÉBÉNIUS

– intérêt commun – interdépendance

– divergences – élément conflictuel perçu

– finalité d’accord – possibilité d’un accord

– mutuellement acceptable – opportunisme stratégique

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QUELS PRINCIPAUX PARAMÈTRES INFLUENCENT LA NÉGOCIATION ?

À la question : « Quels sont, d’après vous, les éléments, les varia-bles, les paramètres qui influencent le déroulement et le résultatd’une négociation ? », les dirigeants, cadres et étudiants auprèsdesquels nous avons enquêté pendant plusieurs années nous ontrépondu1 :

❑ la gestion du temps ;❑ la présence d’un leader, initiateur du débat ;❑ la qualité de l’animateur ;❑ le charisme ;❑ la différence d’objectifs ;❑ le rythme ;❑ la personnalité des acteurs ;❑ les rapports entre acteurs ;❑ le pouvoir de persuasion ;❑ les pouvoirs ;❑ la volonté de rupture ;❑ la volonté de conciliation ;❑ les vues à plus ou moins long terme ;❑ la disposition autour d’une table ;❑ la sécurité ;❑ les enjeux ;❑ la rapidité de réaction ;❑ les alliances ;❑ les possibilités d’échange ;

1. La liste suivante fournit les paramètres qui ont été le plus souvent cités. Cesderniers ne sont classés selon aucun critère (fréquence, degré d’importance).Ils sont simplement descriptifs.

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❑ la collusion ;❑ l’attention portée au débat ;❑ l’historique ;❑ le bluff ;❑ l’environnement ;❑ l’effet de surprise ;❑ la créativité ;❑ la préparation.

Une autre enquête, faite auprès de cent deux négociateurs profes-sionnels, a identifié les points suivants comme positifs et avanta-geux dans les négociations1 :

❑ proposer des alternatives ;❑ souligner les convergences plus que les divergences ;❑ faire des suggestions ;❑ se référer au long terme ;❑ structurer positivement les attitudes ;❑ ne pas entrer dans la spirale attaque / défense ;❑ tester pour comprendre ;❑ poser des questions.

LA GESTION DES CONFLITS

Dans la littérature spécialisée, qu’elle soit de type psychologique,sociologique, politique, économique ou autre, les conflits sontdécrits de manière assez différente, chaque école définissant leconflit en fonction de ses orientations disciplinaires. Nous nous

1. Enquête menée par N. Rackam et H. Carlisle et publiée dans Journal of Euro-pean Industrial Training, 1978.

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attacherons ici à la conception que provoque cette notion chez lesdirigeants d’entreprise qui sont confrontés à presque tous les typesde négociation – commerciales, sociales, internationales ouinternes à l’entreprise.Nous avons eu la possibilité, grâce à l’APM1 de réunir des chefsd’entreprise à qui nous avons posé la question suivante : « Dans lesconflits que vous devez gérer directement ou indirectement,quels problèmes rencontrez-vous ? » Les participants ont identifiéles problèmes suivants :

❑ comment poser les problèmes correctement pour éviter toutmalentendu ?

❑ comment obtenir les informations remontantes ?❑ comment faire bouger les interlocuteurs qui considèrent la

situation de droit ou de fait (exemple : l’Administration) ?❑ comment clarifier ma situation par rapport au conflit ?❑ comment faire passer le message aux salariés (exemple : il

faut abaisser les charges) ?❑ ne pas aimer les conflits.❑ avoir des problèmes de communication concernant la clarté

des messages.❑ comment éviter les conflits ?❑ comment rendre les discussions constructives ?❑ comment dégager (séparer) les intérêts personnels des inté-

rêts collectifs et séparer les facteurs permanents des facteurscirconstanciels ?

1. APM – Association pour le Progrès du Management – a été créé par leMEDEF et le CRC en 1986. Cette association regroupe aujourd’hui plus de4 000 chefs d’entreprise répartis dans 200 clubs en France et en Europe.APM, 108, rue St -Honoré – 75001 Paris.

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❑ décrypter les enjeux cachés des entités en conflit.❑ comment ne pas oublier la cohérence par rapport à la

culture d’entreprise ?❑ avoir une vision stratégique suffisante de la société pour faire

la bonne chose au bon moment.❑ comment se mettre à la place de l’autre (des autres) pour

faire la bonne chose au bon moment ?❑ comment conserver ses marges en période de crise ?❑ comment régler de façon équitable un conflit ?❑ comment trouver le temps pour régler le conflit ?❑ comment faire le bon choix ?❑ on persuade, alors que l’on se rend compte après que l’on

s’est trompé.❑ choisir la décision à prendre.❑ comment perdre dans l’immédiat sans se « planter » dans le futur ?❑ faire dialoguer des hommes quand ils n’ont pas le même

référentiel de pensée et / ou système de valeur ?❑ mesurer l’impact des personnes par rapport au projet.❑ gérer les acceptation des priorités dans l’entreprise.❑ comment faire admettre la part entre les intérêts personnels

et collectifs ?❑ quand et comment me préparer ?❑ anticiper le conflit.❑ comment intervenir dans les conflits des autres quand la

gestion des conflits ne vous est pas confiée ? (délégation).❑ respecter la règle du jeu, le contrat, l’engagement.❑ choisir le moment crucial pour intervenir.❑ casser les jeux de rôle préétablis et les scenarii d’échec.❑ veiller à faire connaître les décisions par rapport au conflit

(et les limites).

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❑ comment motiver avec rigueur dans l’analyse et l’exécutiontout en alliant créativité et liberté d’initiative dans la phasede conception et d’adaptation ?

❑ quelle communication développer pour éviter lesconflits ?

❑ créer le conflit.

❑ suivre au jour le jour les positions (motiver sur les tâches quiparaissent « bêtes » et répétitives mais qui sont indispensa-bles à l’entreprise).

❑ comment conserver la motivation et l’engagement enpériode de conflit ?

❑ avoir et entretenir un niveau de conflit acceptable.

❑ conflit résultant d’un niveau d’information insuffisant face àdes besoins client en situation concurrentielle.

❑ langues et cultures différentes.

❑ susceptibilité, respect de la personne et de la fonction.

❑ rentabilité, investissements lourds, marché.

❑ interférence des acteurs non dévoilée dans les conflits (sous-marins).

❑ comment privilégier le conflit sur le cloisonnement ?

❑ comment conclure un conflit ?

Nous entendons par « conflit » le fait que les partenaires aient desdivergences entre eux. « Je suis en conflit avec mes fournisseurset / ou avec mes clients car si nous avons des points qui nousrapprochent (convergences) nous avons aussi des points qui nousséparent (divergences). Il en va de même avec mes partenairessociaux, les autres services de mon organisation ou avec certainsmembres de la hiérarchie. »

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Si nous raisonnons à l’extrême, deux cas peuvent se présenter,valables quel que soit le type de négociation, commerciale,sociale, interne :

1) Je n’ai pas de divergence avec mes partenaires, autrementdit nous n’avons que des convergences. Dans ce cas, ils’agira de résoudre un problème (problem solving) et detrouver une solution optimisée. L’argumentation et laconviction d’une part, les outils informatiques (logicielsd’optimisation) d’autre part, seront en principe les outils àprivilégier.

2) Nous n’avons que des divergences avec mon partenaire. Sil’un des deux, ou éventuellement les deux, décident denégocier, ils ne pourront trouver un accord. Dans lemeilleur des cas, ils tomberont d’accord sur un constatd’échec. Au pire, le plus fort imposera sa loi et l’autre severra « laminé »...

La notion de conflit ayant été définie, nous pouvons maintenantexplorer l’ensemble des outils à la disposition des managers pourgérer ces situations. Autrement dit : quels sont les différents typesde décision qu’un manager peut prendre devant une situationdonnée ?Michel Ghazal voit, pour gérer les conflits, trois grands systèmes : lepouvoir, le droit et les intérêts qu’il représente par le tableau suivant.

Système de gestion de conflits (source : M. Ghazal et Y. Halipha)

Pouvoir GuerresGrèves

Conflit avant sanction

Droit TribunalArbitrage

Trancher en faveur de l’un ou de l’autre jugement

Intérêts MédiationsNégociations

Solution équitable, librement accpetée et mutuellement avantageuse

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D’une manière beaucoup plus élaborée, C. Dupont distingue, dansl’ensemble des systèmes de décision, cinq situations bien typées :

1) Les processus politiques ; ce sont les décisions hiérarchi-ques, judiciaires ou quasi-judiciaires et la décision par vote.

2) Le processus de domination ; c’est l’affrontement par coer-cition ou force pure et la pseudo-négociation par manipula-tion.

3) Les processus d’échanges dans une mise en commun quivont de l’adjudication à la résolution de problèmes enpassant par la négociation.

4) Les processus d’expertise ; c’est la décision prise par ougrâce aux experts.

5) Les processus liés au temps ; c’est la décision différée,remise à plus tard – refus par l’esquive, l’évitement ou lepourrissement.

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On peut représenter ces situations de la manière suivante :

La négociation dans l’ensemble des systèmes de décision (source : C. Dupont)

Grâce aux interviews des chefs d’entreprise listés plus haut, nousavons pu identifier neuf outils de prise de décision, avec, pourchacun, les conditions nécessaires d’application, leurs avantageset leurs inconvénients.

Décision par la

négociation

Décision par adjudication

ou marché

Décision par pseudo- négociation

Décision hiérarchique Décision

judiciaire

Décision par vote

Décision par affrontement

Décision par experts

Décision par consultation

Décision par résolution de problèmes

Décision par évitement

(fuite)

Décision par Argumentation/

débat

Décision par adjudication

ou marché

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Les différents outils de gestion des conflits

Conditions Avantages Inconvénients

Délégation – avoir une structure– définir la délégation– volonté du décideur de déléguer– prise de conscience du problème au niveau bas– formation obligatoire du délégué

– on peut prendre du recul– sert de fusible– motive les délégués– conforte l’autorité intermédiaire– temps gagné par celui qui délègue

– les conflits peuvent être mal gérés– risques d’erreurs– le problème n’est pas réglé, c’est un transfert

Pouvoir – autorité nécessaire– reconnaissance par la compétence ou le poste hiérarchique– être certain de pou-voir l’utiliser– dernier recours

– rapide– facile– permet d’imposer sa solution

– les causes peuvent demeurer– risques d’erreurs– plus de recours

Fuite – ambiance politique dans les grosses entre-prises– lorsque le jeu n’en vaut pas la chandelle– sortie possible

– prendre du recul– gagner du temps– solution naturelle

– pourrissement de la situation– être débordé– non-reconnaissance du système attendu

Négociation – faire accepter le principe par les deux parties– il faut être au moins deux– il faut une plage de négociation (marge de manœuvre)– sorties possibles

– bonne solution de conflits– consensus– moins passionnel– un des meilleurs outils– on peu aborder les problèmes de fond

– long, prend du temps– elle peut ne pas aboutir– résultat médiocre ou mauvais– débordements possi-bles

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(Suite)

Coalition – être convaincu du bien-fondé de nos arguments

– gain de temps– quasiment sûr de gagner– gain de pouvoir

– dangereuse à long terme– ça peut se retourner– très mal ressentie– crée des engage-ments avec les alliés– « sales coups » pos-sibles

Arguments – être convaincant et médiatique– le propre de ceux qui ont de l’expérience

– règlement immédiat– coût nul– développement des relations humaines

– prend du temps– on peut s’engager trop vite– déboucher sur un échec (refus de l’autre)

Arbitrage – volonté des partenai-res– reconnaissance de l’arbitrage– pour grosses entre-prises

– gagner du temps– temporiser– rester en réserve– repositionnement du problème– solution trouvée

– abandon de ses pré-rogatives– les solutions peu-vent être non satisfai-santes– se voir imposer une solution– l’arbitre qui ne joue pas le jeu– temps nécessaire

Médiation – grande entreprise– conflit grave– reconnaissance par les parties en conflit– volonté d’accord– choix du médiateur par le pouvoir

– plus simple– agit sur les causes– calme les esprits

– solution plus lente– pas de solutions– temps

Conditions Avantages Inconvénients

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(Suite)

Il est intéressant, sans empiéter sur le chapitre 11, de citer l’étudesuivante qui éclaire la prise de décisions dans un contexte intercul-turel1. L’auteur de cette recherche a interviewé une centaine decollaborateurs français et allemands travaillant dans un grandgroupe européen. La question posée était « Quels outils utilisez-vous lorsque vous êtes dans ces trois situations ? » :

❑ quand vous devez trouver une solution avec voscollaborateurs ;

❑ quand vous êtes en conflit ouvert avec des collaborateurs ;❑ quand vous devez définir des objectifs communs dans le

cadre d’un projet.

Règles du jeu imposées

– qu’elles existent– soient communes et acceptées– pour toute entreprise

– cadre tracé– on n’a pas à les gérer– a le mérite d’exister– choix limpide

– tout ne peut pas être réglé– les faire respecter– mécaniques– hors-jeu impossible

1. Davy Muller, thèse professionnelle pour le Master d’Affaires Internationalesde l’ESC Rennes, février 2004.

Conditions Avantages Inconvénients

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Comparatif des méthodes allemandes et françaises (sources : D. Muller)

L’étude démontre que la négociation est l’outil le plus facilementet le plus largement utilisé. Néanmoins, les Allemands ont unepréférence certaine pour l’utilisation du pouvoir et les règles du jeuimposées. Ils ont également une forte propension à respecter lecadre et la hiérarchie. Les Français, eux, n’hésitent pas à utiliser lacoalition. Les règles du jeu imposées sont vraiment un dernierrecours.

Solution Conflit Projet

Allemand Français Allemand Français Allemand Français

Négociation X X X X X X

Délégation X X

Utilisation du pouvoir

X X X

Fuite

Coalition X X

Argumentation X X X X X X

Arbitrage X X X

Médiation X

Imposition des règles du jeu(ex : Vote)

X X X

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QUELLES CONDITIONS SONT NÉCESSAIRES À TOUTE NÉGOCIATION ?

Avant de mettre en avant les conditions nécessaires, il est légitimede se poser la question suivante : pourquoi les protagonistesdécident, à un moment donné, d’utiliser la négociation ? LionelBellenger1 propose un certain nombre de raisons telles que la pres-sion extérieure, le tempérament joueur, le besoin de sauver la face,l’impossibilité de gagner sur le terrain ou l’intérêt de l’interdépen-dance.

Exemples

Dans la guerre civile qui a traversé l’Algérie il y a quelques années,certaines situations de conflit ont pu évoluer vers une négociation :« Le Haut Comité d’état (HCE) – présidence collégiale et provisoire del’Algérie, sous contrôle de l’armée – vient de laisser entendre qu’undialogue avec certains « courants » de la société était désormais envi-sageable, à condition que ceux-ci respectent la Constitution. Deux ansde bras de fer entre l’armée et les islamistes ont ainsi fini parconvaincre les adversaires que, militairement, aucun ne pouvaitl’emporter. Depuis quelque temps, les deux camps ont donccommencé à en tirer les conséquences. Et à préparer militants, opinionpublique et partis politiques à la situation nouvelle engendrée par desnégociations. »2 Il apparaît clairement que les protagonistes algériensen sont venus à la négociation, soit parce que le conflit coûtait tropcher, soit parce que personne ne pouvait s’imposer. Même dans ce casprécis, si les protagonistes veulent négocier, ils devront respectercertaines conditions de base.

Lors de la guerre du Kosovo, Milosevic a refusé, dans un premiertemps, de négocier (négociations de Rambouillet) mais devant ladestruction de son pays par les forces de l’OTAN et la non-assistance

1. Lionel Bellenger, La négociation, Collection PUF « Que sais-je ? », 1984.2. Article dans L’Express du 2 décembre 1993.

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des Russes, il s’est vu dans l’obligation de signer un accord de paix.Dans ce cas, ne s’agit-il pas d’une « soumission » plutôt d’un accordnégocié ?

Dans le domaine des affaires, penchons-nous sur le dossier CréditLyonnais – Executive Life qui a défrayé la chronique. Le journaliste EricLeser pose la question suivante à Gary Fontana, avocat des partiesciviles : « Est-ce qu’en menaçant en permanence d’un procès devantun jury populaire, que vous annoncez particulièrement défavorableaux Français, vous ne tentez pas de contraindre les accusés à unetransaction ? Vous étiez, la semaine dernière, dans les négociationsavec Artemis, qui tentait alors d’obtenir à la fois un accord pénal etcivil. »1 Réponse de l’avocat : « Oui, mais cela n’a pas abouti. Nousavons fait une proposition sans obtenir de réponse. Je pense que toutel’affaire se terminera sans doute comme cela, par un accord négocié.D’ailleurs, nous allons passer, au civil, par une procédure demédiation. »

Les convergences

Il faut des convergences dans les divergences, c’est-à-dire unminimum de points d’accord possibles. Identifier ces conver-gences – avant la négociation – sera donc le premier problèmeposé aux partenaires. Dans le cas contraire, la « négociation » nepourra se dérouler. Au pire, l’un imposera sa volonté à l’autre. Lasituation peut même induire des relations négatives qui n’ont paslieu d’être : le partenaire A « accusera » le partenaire B de faire del’obstruction, de ne pas vouloir « avancer » dans la négociation,d’être de mauvaise foi, sans être conscient que c’est l’absence deconvergence et non le comportement de l’autre qui bloque lasituation.

1. Le Monde du 3 décembre 2003.

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Exemple de divergences

À propos de négociations médecins / caisse d’assurance maladies :« Il n’aura fallu qu’une heure hier aux syndicats médicaux et auxcaisses pour constater que leurs divergences étaient trop profondespour espérer un accord. Sans même prendre le temps de parler chiffres(…) les deux parties se sont séparées après que deux des trois syndicatsmédicaux aient réitéré leur refus d’accepter le principe d’un objectifcontraignant imposant aux médecins une obligation de résultat. »1

Sur les négociations franco-chinoises entre Li Peng et Alain Juppé, àl’époque Premier ministre : « Les deux hommes ont eu un tête-à-têtetendu de trois quart d’heures. M. Li Peng demande une fois encore lasuppression du passage incriminé (sur le respect des droits del’homme). Refus ferme d’Alain Juppé. C’est le fameux constat de désac-cord qui débouche sur l’annulation pure et simple des toasts. »2

Dans le conflit israélo-palestinien : « Yasser Arafat déclare : j’espèreque nous aurons un état indépendant très bientôt. C’est un droit derêver et de penser. Réponse de Shimon Peres : la différence entre unrêve et un accord est que le rêve peut être unilatéral. »3

En l’absence de convergence, si les partenaires souhaitent néan-moins résoudre le conflit par la négociation, ils devront (indivi-duellement ou en binôme) porter leur réflexion sur la questioncentrale : « Comment créer des convergences ? » Cependant, ilest souvent très difficile d’identifier les convergences a priori,l’analyse a posteriori s’avérant en général beaucoup plus facile.

1. Le Figaro du 15 février 1996.2. Le Monde du 12 mars 1996.3. Le Monde du 26 octobre 1996.

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Exemple

En 1998, les journalistes du Journal de Genève se sont mis en grèvecontre la société Edipresse, propriétaire du journal. Le communiqué depresse officiel annonçant l’accord entre les parties est clair sur lesconvergences : « Tenant compte des remarques de la rédaction,Edipresse a décidé de séparer clairement les responsabilités deconduite de l’entreprise de la supervision du contenu rédactionnel. »L’accord prévoit la nomination de deux responsables distincts sansliens hiérarchiques : un pour la gestion, l’autre pour la rédaction.1

Une volonté d’accord

« On ne peut faire boire un âne qui n’a pas soif. » Cette maximepourrait s’appliquer pleinement à la négociation tant cette dernièrerequiert, de la part des partenaires, une ferme volonté d’arriver à unaccord par la négociation (ferme ne voulant pas dire à n’importe quelprix ou à n’importe quelle condition). Ainsi, celui qui arriverait au« tapis vert » en affirmant « Je veux bien négocier tout ce que vousvoulez, comme vous voulez, sur les sujets que vous voulez, mais jene céderai sur rien ! » aurait de fortes chances de ne pas négocier.Il faut néanmoins distinguer l’intransigeance réelle du ou despartenaires – dans ce cas il n’y a pas de négociation possible – del’affirmation de positions affichées – « Je ne négocierai pas sur cepoint » – qui peut être également une manœuvre de type fauxpivot2. C’est à l’autre partenaire, grâce à l’application des techni-ques de négociation, de décoder ce qui est du domaine del’intransigeance et ce qui est du domaine du négociable. Il estévident que dans ce dernier cas, l’expérience et le talent du parte-naire qui subit cette fausse intransigeance seront des facteurs déci-sifs pour entrer dans le processus de la négociation.

1. Le Journal de Genève du 25 février 1998.2. Voir l’explication détaillée dans le chapitre « Les techniques ».

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Exemples du refus de négocier

GEC-Alsthom : la direction refuse de rediscuter. « La direction de lafiliale transport et distribution d’énergie de GEC-Alsthom a faitconnaître hier son refus de la table ronde proposée par les pouvoirspublics pour évoquer la restructuration de son activité transformateurs,notamment dans son usine du Havre. La direction estime qu’une telleréunion est sans objet. »1

Ou une attitude encore plus radicale, celle de l’écrivain algérienRachid Boudjedra, répondant à la question du journaliste : « Pensez-vous qu’il faut négocier avec d’anciens tueurs ? » par : « Non. Jamais.On ne négocie pas avec des égorgeurs de bébés ! (…) La solution estmilitaire. Il n’y a rien à faire d’autre. Il reste juste des poches à nettoyer(…) Il ne sert à rien de dialoguer avec Abassi Madani. »2

Ou encore cette affirmation de la Cour fédérale américaine : « Réduireles forces de l’ordre à la négociation nuirait à leur capacité de fairerespecter la loi et compliquerait gravement leur tâche. »3

Dans les conflits armés, la négociation apparaît souvent comme unacte de faiblesse : « Il n’y a pas plus de 1 300 rebelles indépendantistesactifs en Tchétchénie, dont au moins 300 sont des mercenairesétrangers, a déclaré hier le ministre russe de la Défense Sergueï Ivanov.Avec eux, il ne peut y avoir qu’une sorte de discussion, leurélimination. »4

Dans d’autres situations, est imposée une condition préalable quiempêche tout début de négociation : « L’Inde a dit au monde que tantque le Pakistan n’aura pas éradiqué le terrorisme et ne cessera pas dele soutenir, il ne peut y avoir aucune négociation. »5

1. Article dans La Tribune Desfossées du 2 février 1994.2. Le Figaro du 18 septembre 1997.3. Courrier International du 4 décembre 1997.4. Le Figaro du 17 juillet 2003.5. Vidya Sagar Verma, ambassadeur de l’Inde au Kazakhstan in

News.yahoo.com du 3 juin 2002.

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Exemples de la volonté d’accord affichée

Au sujet des négociations du GATT, au terme des entretiens qui sesont déroulés les 22 et 23 novembre 1993 à Washington, entre LéonBrittan pour les Européens et son homologue américain MickeyKantor : « Une source européenne dans la capitale américaine confiaitnéanmoins mercredi que « tout est sur la table » et que la partie améri-caine est désormais disposée à discuter de l’accord agricole de BlairHouse. Sans faire preuve du même optimisme, l’entourage de Sir Léons’est montré plutôt satisfait du climat des entretiens et, plus précisé-ment, de la volonté affichée par le négociateur américain de faireaboutir la négociation. On en voulait pour preuve la poursuite desdiscussions à Washington au niveau des hauts fonctionnaires pourpréparer la nouvelle réunion Brittan-Kantor du premier décembre àBruxelles. »1

Sur la privatisation du Crédit Lyonnais : « Dominique Strauss-Kahn,estime un négociateur bruxellois, voulait une solution et ce dès lundi,K. van Miert aussi. La volonté est là, des deux côtés, de tracer un traitfinal. »2

Au sujet de la négociation pour l’autonomie de la Nouvelle-Calé-donie, Alain Christnacht, conseiller du Premier ministre, affirme : « J’aisenti une vraie volonté d’aboutir et de discuter auprès des partenaires.(…) Il estime que trouver un consensus avant la fin de l’année n’est pasimpossible. » Et le journaliste conclut : « On revient de loin ! »3

Lors de la grève de l’audiovisuel public fin 2002, Le Monde écrivait :« La direction et les syndicats étaient d’accord lundi sur une chose : lareprise du dialogue. » « Nous sommes dans une situation compliquée,mais pas encore dans une impasse » souligne la CGT – SNRT.4

1. La Tribune Desfossées du 25 novembre 1993.2. Le Figaro Économique du 20 mai 1998.3. Le Journal du Dimanche du 15 février 1998.4. Le Monde du 26 novembre 2002.

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Un rapport de force équilibré

« La logique et le sentiment ne pèsent pas lourd en comparaisondes réalités de la puissance. »1 Cette phrase courte et incisiveexplique l’importance du rapport de force – nous entendons par làle pouvoir que l’on a sur l’autre et réciproquement2 – omniprésentdans toute négociation.

Exemples

À l’international : « Washington préfère les relations bilatérales, danslesquelles s’exerce mieux le rapport du fort au faible. »3

Dans le social : « Mais si les relations avec ses interlocuteurs politiquesou patronaux sont plutôt cordiales, le syndicaliste n’oublie jamais quela négociation s’appuie toujours sur le rapport de force construit par lesdélégués et les salariés sur le terrain. »4

Dans les affaires : « Les chaînes de grande distribution ont l’obsessiond’acheter toujours moins cher. Ces enseignes se sont très déconcen-trées et leurs centrales d’achat se comptent désormais sur les doigtsd’une seule main. Le rapport de force avec les fournisseurs, dans denombreux cas, est déséquilibré. Il me semble, dès lors, que l’abus deposition dominante est souvent avéré. »5

À l’inverse, privilégier le rapport de force peut s’avérer un incon-vénient…

1. Philippe de Gaulle, De Gaulle, mon Père, tome 1, Plon, 2003.2. Une analyse détaillée du rapport de force se trouve dans le chapitre « Les

jeux d’acteurs ».3. Le Figaro du 12 décembre 2003.4. Interview d’Antoine Fatiga, délégué syndical FGTE par Hélène Goyet in

La Tribune du 17 décembre 2003.5. Interview de Jean Auguste, in Le Figaro Économie du 12 novembre 2003.

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À propos de Patrick Le Lay, PDG de TF1 : « Dans toute négocia-tion, il joue le rapport de force et recherche le contrôle des opéra-tions. Ce qui le handicape à l’international, où TF1, numéro 1 dela télévision européenne, est quasi absente. »1

L’expérience, en particulier dans le conseil, démontre que tropsouvent un ou des partenaires tentent de négocier un accord alorsque le rapport de force est déséquilibré. Il est bien évident quepour arriver à un accord négocié, le rapport de force entre lespartenaires doit être relativement équilibré, en tout état de causepas trop déséquilibré. Les situations professionnelles et / ou publi-ques montrent souvent que celui qui est « dominant » dans lerapport de force – par exemple, lorsqu’il est en situation de mono-pole, il a une supériorité militaire ou un pouvoir normatif lié à unstatut – a une forte tendance à imposer sa solution à l’autre. Parcontre, celui qui est en situation d’infériorité cherchera souvent ànégocier, en prenant par exemple à témoin l’opinion publique parvoie de presse ou dans les médias, pour essayer de modifier lerapport de force et / ou espérer « grappiller » quelques avantagesgrâce à la négociation.

Exemples

À propos de la grève à Air France : « Entre la direction d’Air France etles pilotes, auxquels il est proposé une réduction de salaires de 15 %en échange d’actions de la compagnie (10 % du capital environ), lanégociation s’annonce ardue. En effet, après une consultation orga-nisée par le comité d’entreprise auprès des 3 600 pilotes de la compa-gnie, 1 929 – sur les 2 010 qui ont répondu – sont hostiles au trocproposé par la direction. En répondant massivement non, les pilotesont voulu placer la barre très haut afin d’arriver en position de force à

1. Les Enjeux, juin 2003.

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la négociation qui va s’ouvrir. Dire que celle-ci sera dure relève del’évidence. En outre, elle sera longue et certainement pas achevée àl’été alors que le ministre des Finances a déclaré, le 23 février, quel’ouverture du capital d’Air France – y compris l’opération d’échangeconcernant les pilotes ainsi que les hauts salaires de la compagnie –pourrait se faire d’ici à six mois. »1

Sur l’instauration d’un service minimum dans la fonction publique :« Selon le rapporteur Claude Huriet (UC), la grève constitue l’échec dudialogue social dans le secteur public. La grève devrait être « l’ultimerecours », lorsque toutes les voies de la négociation ont échoué,comme c’est le cas chez la plupart de nos voisins. Or, en France, elleest considérée comme « un moyen de pression que l’on met en œuvreavant d’ouvrir la négociation ». D’où les dispositions votées hier par leSénat. Jean-Pierre Foucade (RDSE) a souligné les « spécificitésfrançaises » en la matière : la grève est, en effet, « l’acte initial de lanégociation » ; les syndicats l’entretiennent par « leurs surenchères ».2

Nous pouvons synthétiser l’ensemble de ces conditions grâce àl’exemple suivant. Lors de la réalisation du projet Eurodisney àMarne-la-Vallée, un conflit éclata entre le pool bancaire chargé dufinancement et la société Disney (USA) commanditaire du projet.La situation paraissait bloquée, et pourtant l’analyse des paramè-tres permettait d’espérer une issue efficiente pour l’ensemble despartenaires.

1) Les convergencesLes banques n’avaient aucun intérêt à acculer le parc de loisirs àla faillite car leur engagement était trop lourd. En outre, Eurodisneyavait une réputation à défendre et un arrêt de l’activité aurait eudes répercussions très négatives car l’Europe est devenue lepremier enjeu stratégique pour le groupe Disney.

1. Le Figaro du 15 mars 1998.2. Le Figaro du 12 février 1999.

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2) La volonté d’aboutirAvant la négociation, alors que le conflit par médias interposésfaisait rage, un représentant des banquiers a déclaré : « Quand onvoit ce que Disney et nous-mêmes avons en tête, l’écart peut serégler par la négociation. »1

3) Le rapport de forceLes banques étaient trop engagées et ne pouvaient revenir enarrière. Elles avaient déjà investi 9 milliards d’euros tandis que legroupe Disney seulement 300 millions.L’analyse du rapport de force est un élément clé de la négociation.Un des problèmes est que ce rapport peut se modifier tout au longde la négociation, comme nous le détaillerons plus tard.

QUEL ÉCHANGE ENTRETENIR ?

L’action même de la négociation est basée sur l’échange, qui doitse faire :

❑ au niveau de l’information : donner de l’information peutamener son partenaire à revoir certaines de ses positions.

❑ au niveau de la confiance : elle ne se décrète pas, et nouscroyons que c’est une « maladie » contagieuse. S’il n’y a pasun minimum de confiance entre les partenaires, l’échangeen général, sera impossible. Si l’on donne tout ou partie desa confiance, vraisemblablement l’autre, s’il souhaite unaccord optimisant, rendra la pareille.

Exemple pas très moral mais très explicatif pour la notion deconfiance : L’Hawala (confiance en hindoustani). « Un terroriste se

1. Le Monde du 3 février 1994.

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rend chez un agent de change à Delhi, chez qui il dépose des roupies.En échange, il reçoit un morceau de papier sur lequel figure un simplenuméro. Le courtier avertit son correspondant à Londres via unmessage e-mail. Dans la capitale britannique, ledit extrémiste ou l’unde ses complices, se présente au guichet du correspondant, qui, aprèsavoir vérifié le code, lui remet l’équivalent de la somme de départ enlivres sterling (…) Aucun transfert compromettant de fonds n’a étéeffectué lors de cette opération. (…) Pas besoin d’être grand clerc pourcomprendre l’Hawala multi-séculaire qui s’est développée avec l’essordu commerce dans l’Empire ottoman. Ce système archaïque, légal,impossible à localiser et difficile à combattre permet de mettre à ladisposition de « taupes » de l’argent liquide (…) indique RowanBosworth-Davies expert en argent noir. « My word is my bond » – maparole vous sert de garantie – est le mode opératoire de cette techniquebasée sur la confiance. »1

❑ au niveau des concessions : toute concession amène unecontrepartie. C’est le noyau dur de la négociation.

La problématique de l’échange, tout du moins en ce qui concerneles concessions, est la suivante. Un des partenaires va demander àl’autre du quantitatif (de l’argent en négociation commerciale, uneaugmentation de salaire en social) contre du qualitatif (un service,la possibilité d’augmenter son image de marque ou sa part demarché, la paix sociale, un réaménagement des horaires, etc.).

Exemple d’échange qualitatif / quantitatif : « Il procurait auxpauvres les trésors des riches et aux riches les prières des pauvres ;heureux médiateur de ce commerce tout divin qui produit un intérêtimmortel. »2

1. Article de Marc Roche in Le Monde du 25 septembre 2001.2. Inscription gravée sur le tombeau de Jean-Baptiste Joseph Languet de Gergy,

ancien curé de la paroisse Saint-Sulpice à Paris (1674-1750).

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La réaction première de celui à qui l’on demande du quantitatifsera d’essayer de quantifier du qualitatif pour pouvoir comparer cequi est comparable. C’est une des difficultés majeures de la négo-ciation que d’organiser cet échange-là. Dans les négociationsinternes, le problème peut se révéler encore plus compliqué,puisqu’il s’agira souvent d’échanger du qualitatif contre du quali-tatif. La situation pourra encore se complexifier du fait des relationsaffectives, bonnes ou mauvaises, qu’ont les partenaires entre eux.

Exemple d’échange lors d’une négociation commerciale : « LaFrance vend quinze hélicoptères à l’Espagne. La France achète enéchange à l’espagnol Casa sept avions CN 235 et offre d’autrescompensations. »1

Mais l’échange n’est pas toujours en termes quantitatifs : « Jean-Marc Vernes aurait chargé Paribas de trouver, après sa disparition,une solution pour assurer l’avenir de sa banque. L’accord aurait étépassé au printemps de 1995 entre les dirigeants de la compagnieet le banquier, en échange de son soutien pour prendre le contrôlede la navigation mixte et débarquer son patron, Max Fournier. »2

L’échange peut aussi être refusé : « Le 27 mars, Jean Gandois a jetéun véritable pavé dans la mare : échanger une possible augmenta-tion de pouvoir d’achat contre de l’emploi, cela a rarement du sensdans une entreprise et ce peut être une provocation pour lessalariés. »3 ou complètement déséquilibré : « La direction de laconcurrence a engagé depuis quelques années des actions decontentieux en matière de coopération commerciale. Exemple : unpetit producteur avait dû payer un budget de référencement de

1. Le Figaro du 21 février 1996.2. L’Express du 11 avril 1996.3. Les Enjeux, mai 1995.

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20 000 euros à un grand distributeur, qui lui a passé, en définitive,15 000 euros de commande… Un groupe d’hypermarchés quiavait repoussé pendant six mois une hausse de tarif d’un fabriquantavait récupéré la hausse à son profit, les prix ayant été relevés dansles magasins. »1

En outre, on peut considérer l’échange comme du « marchandagede tapis » et / ou de l’escroquerie pure et simple, bien qu’il soitsouvent issu de négociations.

Exemples

Dans les affaires internationales : « Le ministre libanais de la Justice,Bahige Tabbara, a qualifié hier de « scandaleuse » la décision de laCour suprême israélienne de retenir 10 Libanais comme « monnaied’échange » contre 4 militaires israéliens disparus au Liban. Huit des10 détenus sont membres du Hezbollah pro-iranien, qui mène laplupart des opérations militaires anti-israéliennes au Liban-Sud. »2

Dans le commerce international : « Pour les mercantilistes, lecommerce extérieur ne constitue pas un échange mutuellement béné-fique, mais un jeu d’adresse dans lequel des étrangers mal intentionnéstentent de nous délester de nos réserves d’or durement gagnées contrequelques babioles sans intérêt. L’auteur déplore « la fuite de réservesque subit la nation du fait du déficit commercial. Pour en illustrer lesconséquences, il suffit d’imaginer un jeu de poker dans lequel vousperdez plus d’argent que vous n’en possédez. »3

Enfin, l’échange malhonnête pur existe : « Voyages tous frais payés auxSeychelles ou aux Maldives, bons d’essence gratuits : un juge d’instruc-tion de Bobigny s’intéresse aux contreparties qu’auraient accordées deux

1. Les Échos du 16 février 1996.2. Le Figaro du 11 mars 1998.3. Le Figaro Économique du 5 janvier 1995.

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filiales d’Elf-Aquitaine, Mesa et Petro-Valres, à des syndics de la régionparisienne en échange de l’achat de fioul. Une information judiciairepour « escroquerie et complicité d’escroquerie » a été ouverte au débutdu mois de décembre par le parquet de Bobigny. Depuis la semainedernière, l’enquête sur les syndics d’immeubles est répartie dans les tribu-naux compétents des différents départements de la région. »1

Certaines contreparties originales et / ou étonnantes peuvent favo-riser l’échange.

Exemples

Au sujet d’Andrew Fastow, ancien directeur financier du groupeEnron : « Et dans une de ces négociations (plea bargain) dont la justiceaméricaine a le secret, Andrew Fastow a donc échangé sa collabora-tion à l’enquête sur le scandale financier contre une peine d’emprison-nement limitée à dix ans. »2

En politique, Jean-Marie Le Pen, président du Front national, interrogésur le maintien de ses candidats au second tour des élections législa-tives de 2002, déclara : « Ça dépendra un peu de ce que feront lescandidats du RPR et de l’UDF. S’ils se retirent quand nous sommes entête, on peut trouver un moyen de se retirer s’ils sont en tête ; mais pasde façon unilatérale. »3

En social, lors du dépôt de bilan de la compagnie Air Lib, s’est poséela question de l’affectation de ses créneaux horaires : « Les créneauxd’Air Lib pourraient être affectés en priorité aux compagnies proposantde reprendre une partie du personnel. »4

Enfin, un échange quasiment secret qui a permis de débloquer unesituation critique : « Le gouvernement israélien a accepté, à la

1. Le Figaro du 15 janvier 1995.2. In Challenges n° 216, janvier 2004.3. Interrogé au « Grand Jury RTL – Le Monde » in Le Monde du 16 avril 2002.4. Les Échos du 20 février 2003.

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demande du président G. W. Bush, de lever le dispositif militaireautour du président Yasser Arafat, assiégé depuis le 29 mars dans sonquartier de Ramallah en Cisjordanie et de retirer ses forces de la ville[…]. En échange, l’Autorité palestinienne a accepté de livrer cinqmembres du FPLP impliqués dans l’assassinat du ministre duTourisme israélien. »1

Il est étonnant de constater que la notion d’échange ne s’appliquepas seulement à des négociations mais aussi dans des situationsoriginales : Mey Y Zhu2 explique le succès de la diasporachinoise3 par l’échange entre les membres de ce réseau. L’échangea des règles immuables, qui, lorsqu’elles ne sont pas respectées àla lettre, excluent définitivement le membre déficient du réseau.Ces règles disent que chaque membre de la diaspora a :

❑ des droits (reconnaissance, aide morale et matérielle) maisaussi des devoirs (réciprocité, prêts d’honneur) ;

❑ une autonomie (créer sa propre affaire, s’implanter où ilveut, choisir ses partenaires) mais dans une interdépendance(ne pas rompre la communication avec le réseau, privilégierses membres).

Ces règles peuvent être transférées aux négociateurs :❑ chaque partenaire a des droits (de recevoir et de refuser une

offre, au respect et à la confiance) et des devoirs (de faire descontre-offres, de respecter et de rendre la confiance) ;

1. Le Monde du 30 avril 2002.2. Spécialiste des réseaux internationalement reconnue, également experte

auprès du réseau APM.3. La diaspora chinoise est estimée à 30 millions d’individus, hors Chine, Singa-

pour, Hong kong et Taiwan. Pour l’exemple, ce réseau contrôle 95 % des fluxmonétaires indonésiens et 100 % du réseau bancaire en Malaisie. Le montantdes capitaux contrôlés par cette diaspora représente un tiers du PNB nord-américain.

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❑ chaque partenaire a une autonomie (définir ses propres objec-tifs, enjeux, points de rupture) mais aussi une interdépendance(tenir ses engagements, ne pas trahir le ou les partenaires).

Le troc

Il constitue l’une des formes les plus ancestrales d’échanges. Letroc « se dit de l’échange brut des produits qu’on fait avec lessauvages qui ne se servent pas de la monnaie »1

Aujourd’hui, le troc a évolué et l’on parle de « compensation »,mais c’est toujours le même principe, un échange non monétaire.Il y a souvent confusion entre échange strictement qualitatif ettroc ; lorsqu’il s’agit de marchandises, le troc ou la compensationn’ont pas une mauvaise image de marque. C’est même devenu unmode de vie pour une association regroupant 30 000 personnes,les SEL (Systèmes d’Échanges Locaux) : « Quelque 312 SEL regrou-pent ces pionniers qui troquent des objets ou des services sansutiliser d’euros. L’idée, c’est qu’un bon bricoleur stoppera une fuited’eau chez un informaticien tout disposé à installer l’ordinateur del’apprenti plombier. »2

Le système se développe également au niveau des entreprises :« Canapé en cuir, bureaux alliant le noyer et l’aluminium brossé :chez FET International, la douzaine de salariés travaille dans unenvironnement design. Du haut de gamme plutôt inattendu danscette jeune PME du transport, installée à Roissy. Plus surprenantencore : elle n’a pas déboursé un kopeck pour ce mobilier derniercri. Comme ses fax et ses ordinateurs, FET l’a échangé contre sespropres prestations. »3

1. Définition du Littré.2. Article de Franck Dedieu in l’Expansion n° 681 de décembre, 2003.3. Article de Julien Bouyssou in Management de novembre 2003.

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L’IRTA – International Reciprocal Trade Association – basée auxÉtats-Unis affirme que 450 000 entreprises nord-américainesrecourent au « barter », traduction américaine de « troc ».Toujours selon cette association, « le barter mondial » avait repré-senté 8 milliards de dollars en 2001.Par contre, le « troc » peut avoir une connotation négative. Il estsouvent assimilé soit à du « marchandage de tapis », soit à desaffaires incongrues, voire immorales : « Le troc proposé étaitsimple et de bon goût : Ben Laden devait cesser toute activité anti-américaine et, en échange, il pourrait regagner son pays natal,quoique déchu de la nationalité saoudienne. »1

Le chantage

Le troc, tout comme l’échange, peut, dans certaines situations, êtreégalement perçu, à tort ou à raison, comme du chantage.

Exemple

Une entreprise des pays de l’Est, sollicitée pour fabriquer des produitsl’Oréal par des contrefacteurs, a décidé d’avertir la société enproposant un échange : « Elle se serait déclarée prête à ne pas fournirces contrefacteurs si elle pouvait travailler pour le groupe l’Oréal. »Réponse du groupe par la voix de José Monteiro, directeur des marqueschez l’Oréal : « Ce n’est pas parce que cette entreprise nous tient cetype de langage que nous allons travailler avec elle. Bien au contraire,il s’agit d’une entreprise potentiellement suspecte »2 Où l’on constateque non seulement l’échange ou le troc sont refusés, mais qu’ils sontperçus comme une menace pouvant être assimilée à du chantage.

1. Richard Labévière, Les coulisses de la terreur, Grasset ; repris par Le CanardEnchaîné du 12 novembre 2003.Ce « troc » a été proposé avant les événements du 11 septembre 2001.

2. Article de Frédéric Hastings, in La Tribune du 27 janvier 2004.

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Maintenant, un exemple de troc inattendu : « Bruxelles estsommée par la Thaïlande d’ouvrir ses frontières à un Himalaya decrevettes, en échange d’un nombre indéterminé d’Airbus. Faute dequoi, Thaï Airways ira faire son marché aéronautique ailleursmenace le Premier ministre Thaksin Shinawatra. En Amérique, parexemple et au hasard. Bangkok commandera des escadrilles deBoeing aux États-Unis qui, eux, se feront un plaisir d’accueillir àdes tarifs préférentiels les nuées de crustacés qui agitent leurspetites pattes en mer de Chine. »1

Cet exemple de compensation pourrait prêter à sourire, et pour-tant, Renault, il y a quelques années, a bien échangé du café brési-lien contre des voitures, la France du blé contre des tracteurssoviétiques… Compensation ou troc, l’échange est bien à la basedes négociations.

Cas particulier : le don

Le Littré définit le don comme « Action d’accorder gratuitement àquelqu’un la propriété ou la jouissance de quelque chose ». Laquestion suivante peut néanmoins se poser : lorsque nous faisonsun don à quelqu’un, attendons-nous à recevoir systématique-ment une contrepartie ?Natalie Zemon Davis2, professeur à Yale et Princeton, illustre cetteproblématique en comparant la religion catholique et lecalvinisme : « Calvin entreprit de déconstruire l’ensemble del’édifice catholique du don qui préside au système des échangesentre le monde d’ici-bas et le monde de l’au-delà. Calvin plaça aucentre de sa théologie la totale gratuité du salut. C’est une ruptureessentielle : le don vient de Dieu seul, d’en haut, sans réciprocité.

1. Article de Vézianne de Vezius, in Le Figaro du 19 décembre 2003.2. Natalie Zemon Davis, Essai sur le don dans la France du XVIe siècle, Seuil

(2003).

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En épargnant à l’homme l’aliénation du don, le Dieu de Calvin l’arendu libre. »1

QUELLE EST LA MARGE DE MANŒUVRE ?

Cela va de l’absence de marge, donc une non-possibilité denégocier : « Bruno Dalberto, secrétaire national de la CFDT-Rail,commente : « Les directeurs n’ont aucune marge de manœuvrepour négocier. »2 à une faible marge : « Le Hezbollah sait quel’actuel « temps mort » qui précède la conclusion d’un accord(israélo-syrien) ne laissera qu’une étroite marge de manœuvre aucourant pro-iranien. Le compte à rebours a commencé. »3

Ou une marge qui peut faciliter les négociations : « En fait, leprésident de la Lyonnaise des eaux a su se préserver dans cetteaffaire une marge de manœuvre. »4

Dans les négociations internationales, comme dans toute négocia-tion, il est fondamental que les négociateurs aient un minimum de« biscuits », autrement dit d’objets à négocier, appelés égalementmarge de manœuvre : « Les dix-neuf ministres ou diplomates enont appelé aux membres de l’OMC afin qu’ils fournissent à leursnégociateurs des instructions suffisamment flexibles pour pouvoirconduire les négociations sur le chemin du succès. En clair, quechacun accepte de faire des sacrifices. »5

1. Article in L’Histoire n° 276 bis de mai 2003.2. L’Express du 3 décembre 1998.3. Courrier International du 1er février 1996.4. La Tribune Desfossées du 4 juillet 1995.5. Article de Jean-Pierre Robin in Le Figaro Économie du 25 janvier 2004.

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QU’ENTEND-ON PAR PROCESSUS DE NÉGOCIATION ?

Nous entendons par là l’ensemble des éléments qui vontinfluencer la conduite et le déroulement de la négociation, dupoint de vue de la forme, puisque le fond est constitué par l’emploide la communication, des techniques et des tactiques au service dela stratégie. Les processus de la négociation comprennent :

❑ les phases : la négociation est décomposée en plans qui sesuccèdent et / ou s’interpénètrent ;

❑ les techniques : méthodes qui permettent d’échanger lesobjets de la négociation. Les techniques sont liées au jeu desconcessions, qui sont elles-mêmes un des éléments majeursde la négociation. La qualité de leur maniement et l’habiletédes négociateurs vont influencer très fortement la conduiteet le résultat des négociations ;

❑ la gestion du temps : le temps est un élément indispensablede toute négociation.

Pour exemple, la nomination d’un évêque en France. Dans cecas1, les premières « négociations » entre le Vatican et l’état françaissont secrètes et peuvent durer plusieurs mois. Il n’y aura négociation« officielle » que lorsque l’accord sur le candidat sera obtenu. Grâceà cette démarche, il n’y a pas eu, depuis le Concordat, de conflitouvert entre le Saint-Siège et la France, tout du moins sur ce sujet. Iln’empêche que le processus de négociation est étonnammentélaboré. En voici la preuve : « Bien qu’il s’agisse d’une prérogative duprésident de la République, la désignation des évêques concor-dataires, titulaires ou coadjuteurs, est laissée dans la pratique à lalibre décision du Saint-Siège. Cependant, certaines formes sont

1. Cette procédure nous a été expliquée par Monseigneur Arrighi de Casanova,membre de la Curie romaine.

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respectées en vertu du Concordat qui est toujours en vigueur dans lesdépartements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin, et de la Moselle qui étaientsous administration allemande lors de la séparation de l’église et del’état en 1905. Le choix initial du Vatican est communiqué à l’Élysée,de telle sorte que le décret de nomination puisse être pris et notifié àl’intéressé qui doit se pourvoir en cours de Rome. La bulle d’institu-tion canonique est remise, le moment venu, à l’ambassadeur deFrance, puis examinée par le Conseil d’état. Dès lors, le chef de l’Étatprend un second décret portant réception de la bulle… Ainsi, le nomdu nouvel archevêque sera annoncé le même jour par un décretparaissant au Journal Officiel et par la bulle de nomination publiéepar l’Osservatore Romano. »1

LE RÉSULTAT / L’ISSUE

Dans toute négociation, il faut distinguer le résultat de l’issue.Autrement dit, le négociateur devra toujours avoir « en ligne demire » l’incidence (mesurée en termes économiques, sociologi-ques, psychologiques, relationnels ou autre) que pourrait avoirl’accord – ou le non-accord – à moyen et long terme sur son entre-prise ou sur son organisation. Il est confronté en permanence audilemme suivant : « Comment construire et préserver une rela-tion avec l’autre sans obérer l’avenir de mon organisation ? »Bien souvent, nous avons tendance à vouloir sauver à tout prix unclimat coopératif (ou conflictuel) au détriment des réalités écono-miques à long et moyen terme.

Exemples

Au sujet des négociations indo-pakistanaises pour l’interdiction desessais nucléaires : « C’est la quadrature du cercle. Si le traité est de

1. Le Figaro du 31 août 1997.

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grande portée, il ne sera pas ratifié. S’il emporte l’adhésion, c’est qu’ilne sera pas significatif. »1

Dans les deux exemples suivants, l’« issue » de la négociation a puêtre, en quelque sorte, mesurée.

Exemples

« Il aura fallu quatre mois à Richard Holbrooke, surnommé le Kissingerdes Balkans, pour arriver à un accord de paix en ex-Yougoslavie. LesEuropéens, eux, avaient piétiné durant quatre ans. Une fumée blancheest sortie du conclave de Dayton. Mais, comme tout accord, celuiconclu hier à l’arraché sera ce qu’en feront ses signataires. Le Secré-taire général de l’ONU ne s’y est pas trompé. « Les accords annoncésà Dayton nous donnent l’espoir que la paix peut maintenant devenirune réalité », a-t-il dit. L’espoir, mais pas la certitude. Cinq plans depaix ont déjà échoué dans le passé… La différence, toutefois, est qu’ilsn’avaient pas le plein soutien américain. » L’accord de Dayton date de1995. On sait ce qu’il est advenu dans les Balkans quatre ans plustard…

La ville du Touquet, joyau de la Côte d’Opale, est une charmantestation touristique du nord de la France qui a la particularité de vivreQuatre Saisons, à savoir que des événements culturels et sportifs y sontofferts tout au long de l’année. Ce concept a été « inventé » et mis enapplication par le maire de l’époque, actuellement député-maire,Léonce Deprez.

Un groupe d’investisseurs britannique, la Brent Walker Compagny, étaitdevenu propriétaire du domaine golfique du Touquet ainsi que del’hôtel qui y était rattaché. Ce groupe avait des ambitions et souhaitaracheter un des deux casinos situé en plein centre-ville. Le maire,premier concerné par l’animation de sa ville et par la créationd’emplois, servit d’intermédiaire entre l’actuel propriétaire du casino et

1. Le Figaro du 27 juin 1996.

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le groupe Brent Walker, représenté par son PDG, G. Walker. Ce dernier,lors de la négociation finale qui regroupa le propriétaire du casino, lemaire du Touquet et différents experts, en particulier des notaires, vintavec son avocat personnel, qui utilisa à outrance la tactique « du bon etdu méchant »1 pour essayer de déstabiliser le maire. Il fit de grandesdéclarations sonores et négatives sur les conditions demandées parl’actuel propriétaire. Le maire du Touquet, peu habitué à une telle agres-sivité et étonné que G. Walker revienne sur un accord oral obtenu quel-ques semaines auparavant, montra sa déception, pour ne pas dire sonindignation. L’accord se signa néanmoins entre le propriétaire du casinoet le groupe Brent Walker.

Le maire avait depuis longtemps en tête un autre grand projet pour saville, à savoir un port de plaisance. Quelques mois plus tard,G. Walker, qui venait de construire la marina de Brighton, proposa aumaire du Touquet de réaliser ce projet. Le maire refusa en arguant, encatimini, qu’il avait perdu sa confiance en G. Walker depuis cettefameuse négociation. Il fit réaliser le projet par un promoteur français.G. Walker n’avait peut-être pas assez mesuré l’importance qu’accor-dait le maire à la confiance dans les relations d’affaires. Il avait certesobtenu le casino mais perdu le port, alors qu’il aurait pu avoir lesdeux…

1. Tactique expliquée dans le chapitre « Les tactiques ».