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Progrès en urologie (2014) 24, 67—69 Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com CAS CLINIQUE Bilharziome testiculaire à Schistosomia haematobium : à propos de deux observations Testicular bilharzioma by Schistosomia haematobium: About two cases C. Ze Ondo a , A. Sarr a,, Y. Sow a , I. Thiam b , B. Fall a , D. Sow c , A. Thiam a , B. Diao a , P.A. Fall a , G.W. Gaye b , A.K. Ndoye a , M. Ba a , B.A. Diagne a a Service d’urologie-andrologie, CHU Aristide-Le-Dantec, Sénégal avenue Pasteur, BP 35354, Dakar, Sénégal b Laboratoire d’anatomopathologie, CHU Aristide-Le-Dantec, avenue Pasteur, BP 35354, Dakar, Sénégal c Laboratoire de parasitologie UCAD, faculté de médecine, de pharmacie et d’odontostomatologie, BP 5005, Dakar, Sénégal Rec ¸u le 15 mars 2013 ; accepté le 17 avril 2013 MOTS CLÉS Pseudotumeurs ; Schistosomia haematobium ; Orchidectomie ; Histologie Résumé Les bilharziomes sont des pseudotumeurs inflammatoires qui posent souvent le pro- blème du diagnostic différentiel avec des processus néoplasiques. En utilisant les mots clés testicular et schistosomiasis, il n’existe que 14 cas de bilharziome testiculaire recensés sur PubMed. Les auteurs rapportent deux nouveaux cas, chez un enfant de six ans et un adulte de 38 ans, colligés sur une période de cinq ans. Dans les deux cas une orchidectomie a été réalisée et l’analyse histologique de la pièce opératoire avait permis de poser le diagnostic bilharziome testiculaire à Schistosomia haematobium. Les auteurs insistent sur la nécessité d’évoquer un bilharziome devant tout nodule testiculaire chez un sujet vivant en zone d’endémie. © 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. KEYWORDS Pseudotumors; Schistosomia haematobium; Orchidectomy; Histology Summary Bilharzioma are inflammatory pseudotumors, which often pose the problem of differential diagnosis with neoplastic processes. Using the keywords ‘‘testicular’’ and ‘‘schistosomiasis’’, there are only 14 cases of testicular bilharzioma identified on PubMed. The authors report two new cases in a 6-year-old child and an adult of 38 years, collec- ted over a period of 5 years. In both cases, orchidectomy was performed and histological Auteur correspondant. Adresses e-mail : [email protected] (A. Sarr), [email protected] (Y. Sow), [email protected] (B. Fall), [email protected] (B. Diao), [email protected] (P.A. Fall), [email protected] (B.A. Diagne). 1166-7087/$ see front matter © 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. http://dx.doi.org/10.1016/j.purol.2013.04.016

Bilharziome testiculaire à Schistosomia haematobium : à propos de deux observations

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Page 1: Bilharziome testiculaire à Schistosomia haematobium : à propos de deux observations

Progrès en urologie (2014) 24, 67—69

Disponible en ligne sur

www.sciencedirect.com

CAS CLINIQUE

Bilharziome testiculaire à Schistosomiahaematobium : à propos de deux observations

Testicular bilharzioma by Schistosomia haematobium: About two cases

C. Ze Ondoa, A. Sarra,∗, Y. Sowa, I. Thiamb, B. Fall a,D. Sowc, A. Thiama, B. Diaoa, P.A. Fall a, G.W. Gayeb,A.K. Ndoyea, M. Baa, B.A. Diagnea

a Service d’urologie-andrologie, CHU Aristide-Le-Dantec, Sénégal avenue Pasteur, BP 35354,Dakar, Sénégalb Laboratoire d’anatomopathologie, CHU Aristide-Le-Dantec, avenue Pasteur, BP 35354,Dakar, Sénégalc Laboratoire de parasitologie UCAD, faculté de médecine, de pharmacie etd’odontostomatologie, BP 5005, Dakar, Sénégal

Recu le 15 mars 2013 ; accepté le 17 avril 2013

MOTS CLÉSPseudotumeurs ;Schistosomiahaematobium ;Orchidectomie ;Histologie

Résumé Les bilharziomes sont des pseudotumeurs inflammatoires qui posent souvent le pro-blème du diagnostic différentiel avec des processus néoplasiques. En utilisant les mots cléstesticular et schistosomiasis, il n’existe que 14 cas de bilharziome testiculaire recensés surPubMed. Les auteurs rapportent deux nouveaux cas, chez un enfant de six ans et un adulte de38 ans, colligés sur une période de cinq ans. Dans les deux cas une orchidectomie a été réaliséeet l’analyse histologique de la pièce opératoire avait permis de poser le diagnostic bilharziometesticulaire à Schistosomia haematobium. Les auteurs insistent sur la nécessité d’évoquer unbilharziome devant tout nodule testiculaire chez un sujet vivant en zone d’endémie.© 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

KEYWORDS Summary Bilharzioma are inflammatory pseudotumors, which often pose the problemith neoplastic processes. Using the keywords ‘‘testicular’’ and

Pseudotumors; of differential diagnosis w

Schistosomiahaematobium;Orchidectomy;Histology

‘‘schistosomiasis’’, there are only 14 cases of testicular bilharzioma identified on PubMed.The authors report two new cases in a 6-year-old child and an adult of 38 years, collec-ted over a period of 5 years. In both cases, orchidectomy was performed and histological

∗ Auteur correspondant.Adresses e-mail : [email protected] (A. Sarr), [email protected] (Y. Sow), [email protected] (B. Fall),

[email protected] (B. Diao), [email protected] (P.A. Fall), [email protected] (B.A. Diagne).

1166-7087/$ — see front matter © 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.http://dx.doi.org/10.1016/j.purol.2013.04.016

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68 C.Z. Ondo et al.

analysis of the surgical specimen was allowed to diagnose testicular bilharzioma by Schistosomiahaematobium. The authors emphasize the need to evoke a bilharzioma before any testicularnodule in a patient living in an endemic area.© 2013 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

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ntroduction

es bilharzioses ou schistosomiases sont des affections para-itaires dues à des trématodes, vers plats, à sexes séparés,ématophages, vivant au stade adulte dans le système circu-atoire des mammifères et évoluant au stade larvaire chezn mollusque d’eau douce. La pénétration du parasite seait par voie transcutanée par un bain en eau douce et stag-ante contaminée [1]. En zone endémique, le Schistosomaaematobium affecte plus fréquemment les voies urinairest se manifeste volontiers par une hématurie. Plus rare-ent, la bilharziose se manifeste cliniquement sous formee bilharziomes qui sont des pseudotumeurs inflammatoires.es localisations testiculaires des bilharziomes sont rares etosent souvent le problème du diagnostic différentiel aveces processus néoplasiques [2,3]. Les auteurs rapportenteux cas de bilharziome testiculaire et à travers ces obser-ations et une revue de la littérature. Nous allons discuteres aspects diagnostiques, thérapeutiques et médicolégauxes bilharziomes testiculaires.

bservation 1

.S, enfant de six ans était amené en consultation, par sesarents, pour des douleurs inguinales droites intermittentesvoluant depuis deux mois. Il était originaire de la région dueuve Sénégal et n’avait pas d’antécédents d’hématurie ;ais l’enfant avait signalé qu’il se baignait régulièrementans le fleuve Sénégal.

À l’examen clinique, l’enfant avait un bon état généralt était apyrétique. Le testicule droit était au fond de laourse droite de taille et de consistance normale. Il exis-ait une vacuité de la bourse gauche et la palpation de la

égion inguinale homolatérale permettait de mettre en évi-ence une masse arrondie, discrètement sensible, à surfacerrégulière et de consistance dure.

igure 1. Bilharziome testiculaire à S. haematobium.

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Une exploration par voie inguinale avait permis de mettren évidence un nodule blanchâtre du testicule gauche quiesure 1 cm de grand axe. Devant ce nodule, une orchi-ectomie a été réalisée. L’analyse histologique de la piècepératoire avait permis de poser le diagnostic de bilhar-iome testiculaire à S. haematobium (Fig. 1).

L’examen du culot urinaire était normal. Un traitementomplémentaire à base de praziquantel (40 mg/kg) a étédministré. Afin de prévenir une reinfestation nous avonséconseillé à notre patient les baignades dans le fleuveénégal et après un suivi régulier de 24 mois l’enfant n’avaitas de signe clinique ou biologique d’une bilharziose.

bservation 2

.F, patient de 38 ans originaire de la zone sylviopastorale duénégal était venu consulter pour une grosse bourse droite,ndolore évoluant depuis trois ans. Dans ses antécédents ilxistait une notion d’hématurie terminale intermittente.

À l’examen clinique, il existait une masse intrascrotale,ure, irrégulière ; la masse n’était pas séparée du testiculear un sillon.

L’examen cytobactériologique des urines était stérile et’échographie concluait à un nodule hypoéchogène bienimité de 3 cm de grand axe.

Le dosage des marqueurs tumoraux (bêta-hCG, LDH,lphafœtoprotéine) était normal et l’intra-dermoréaction àa tuberculine était négative.

L’indication d’une orchidectomie par voie inguinaletait posée. L’analyse de la pièce opératoire avait per-is de mettre en évidence une fibrose collagène extensive

t de nombreux granulomes inflammatoires épithélio-

igantocellulaires entourant des œufs de S. haematobiumacilement reconnaissables grâce à leur éperon terminalFig. 2).

igure 2. Granulomes épithélio-gigantocellulaires avec des œufse S. haematobium reconnaissables grâce à leur éperon terminal.

Page 3: Bilharziome testiculaire à Schistosomia haematobium : à propos de deux observations

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1998;167:631—6.

Bilharziome testiculaire à Schistosomia haematobium : à pro

La cystoscopie était normale. Le patient avait recu untraitement à base de praziquantel en une prise unique enraison de 40 mg/kg.

Après un suivi régulier de quatre ans il n’existait pasd’anomalie au niveau du testicule gauche.

Discussion

S. haematobium manifeste un tropisme électif pour le terri-toire mésentérique inférieur. La femelle pond ses œufs àéperon terminal qui par effraction vasculaire provoquentdes microsaignements expliquant ainsi l’hématurie [1]. Uncertain nombre d’entre eux reste bloqué dans la paroivésicale. Ils sont à l’origine d’une réaction inflammatoire :le granulome bilharzien ou bilharziome [1]. La localisa-tion testiculaire est attribuée à la présence d’anastomoseportocave entre les veines gonadiques et mésentériques[2].

Les bilharziomes testiculaires sont des lésions rares etposent souvent le problème du diagnostic différentiel avecdes processus néoplasiques et sont souvent à l’origine d’uneorchidectomie inutile [3]. La perte d’un organe pour unetumeur bénigne pourrait être le point de poursuites judi-ciaires.

Sur le plan échographique, le bilharziome testiculaireréalise typiquement une lésion nodulaire hypoéchogènebien limitée entourée de tissus hyperéchogènes [2]. Toute-fois, tout nodule hypoéchogène doit être considéré commemalin, jusqu’à preuve du contraire, car c’est le signe radio-logique le plus commun d’un cancer testiculaire [3]. L’IRMest plus sensible que l’échographie pour détecter des ano-malies testiculaires, toutefois aucune technique d’imageriene peut différencier une tumeur bénigne d’une tumeurmaligne ; seule l’histologie permet de faire la part deschoses [4]. Connolly et al. [5] avaient réalisé une biopsieexérèse suivie d’un examen extemporané chez 80 patients

qui avaient des tumeurs testiculaires primaires suspectes demalignité. Les critères d’inclusion étaient les patients quiavaient une tumeur inférieure à 5 cm, des marqueurs tumo-raux normaux et une absence de maladie métastatique. La

[

de deux observations 69

aleur prédictive négative de la présence de tumeur maligne été rapportée à 92,6 %. Cette étude prouve que le dogmee l’orchidectomie totale devant toute tumeur testiculaireoit être remis en question.

Un traitement conservateur des bilharziomes testicu-aires est possible. Il consiste à une exérèse du nodule suivie’une prescription de praziquantel en raison de 40 mg/kg2].

onclusion

l n’existe aucun signe clinique, biologique ou radiologiquepécifique d’un bilharziome testiculaire ; d’où la nécessitéevant tout nodule testiculaire, chez un sujet vivant en zone’endémie, de penser à un bilharziome. Ce diagnostic serait’autant plus évoqué qu’il existe une notion de baignade enau douce ou d’hématurie.

éclaration d’intérêts

es auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts enelation avec cet article.

éférences

1] Ross AGP, Bartley PB, Sleigh AC, et al. Schistosomiasis. N Engl JMed 2002;346:1212—20.

2] Lopes RI, Lopes RN, Leite KR, Prando D. Testicular schistosomia-sis simulating malignancy. Lancet Infect Dis 2003;3(9):556.

3] Lee Jr FT, Thornbury JR. The urinary tract. In: Juhl JH, CrummyAB, Kuhiman JE, editors. Essentials of radiologic imaging. 7thed. Philadelphia: Lippincott-Raven; 1998. p. 635—735.

4] Thurnher S, Hricak H, Carroll PR, et al. Imaging of thetestis: comparison between MR imaging and US. Radiology

5] Connolly SS, D’Arcy FT, Bredin HC, et al. Value of frozensection analysis with suspected testicular malignancy. Urology2006;67:162—5.