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Bioaccumulation du slnium et effets biologiques induits
chez le bivalve filtreur Corbicula fluminea.
Prise en compte de lactivit ventilatoire, de la spciation du slnium
et de la voie de contamination. Elodie FOURNIER Octobre 2005 IRSN-2005/58 - FR
Laboratoire de Radiocologie et dEcotoxicologie IRSN - Sige social - 77, av. du Gnral-de-Gaulle - 92140 Clamart Standard +33 (0)1 58 35 88 88 - RCS Nanterre B 440 546 018
T H S E
Thse
Prsente Luniversit Bordeaux 1
Ecole Doctorale
Sciences du Vivant, Gosciences et Sciences de lEnvironnement
Par
Elodie Fournier
Pour lobtention du titre de Docteur Mention Sciences
Spcialit Ecotoxicologie
Bioaccumulation du slnium et effets biologiques induits
chez le bivalve filtreur Corbicula fluminea.
Prise en compte de lactivit ventilatoire, de la spciation du slnium
et de la voie de contamination.
Thse soutenue le 10 octobre 2005
Aprs avis de : Mr Campbell P., Professeur, INRS-ETE, Universit du Qubec Rapporteur Mr Fisher N., Professeur, Universit de New-York Rapporteur
Devant la commission dexamen forme de : Mlle Adam C., Chercheur, IRSN Cadarache, encadrante IRSN Mr Bourdineaud J.P., Professeur, LEESA, Universit de Bordeaux 1, Prsident Mr Campbell P., Professeur, INRS-ETE, Universit du Qubec Mr Fisher N., Professeur, Universit de New-York Mme Garnier-Laplace J., HDR, IRSN Cadarache, Directrice de thse Mr Massabuau J.C., Directeur de recherche, CNRS 5805, Co-directeur de thse Mme Potin-Gautier M., Professeur, Universit de Pau
N dordre : 3029
Remerciements
Je tiens adresser mes trs sincres remerciements tous les membres du jury qui ont
accept de juger ce travail et lensemble des personnes qui ont contribu llaboration de
cette thse.
Tout dabord, je souhaiterais remercier Mme Jacqueline Garnier-Laplace et Mr Jean-
Christophe Gariel de mavoir accueillie au sein de leur quipe et de mavoir confi ce sujet
de thse. Un merci particulier Jacqueline, en tant que directrice de thse, pour la confiance
quelle a su me porter et la disponibilit dont elle a fait preuve tout au long de cette thse. Je
tiens galement exprimer ma reconnaissance Jean-Charles Massabuau pour avoir co-
dirig avec grand intrt ce travail. Malgr la distance, Jean-Charles a toujours su me
conseiller et apporter ses enseignements aviss sur la partie physiologie du bivalve. Je tiens
galement adresser ma gratitude Christelle Adam pour son encadrement en temps que
tuteur IRSN et laide prcieuse quelle ma apporte lors de la rdaction de ce manuscrit.
Merci Christelle pour sa bonne humeur permanente, son immense gentillesse, ses
encouragements et sa confiance.
Je suis trs sensible lhonneur que mont fait Mrs les Professeurs Campbell et
Fisher, en acceptant dtre rapporteurs de ce travail de thse. Je tiens galement remercier
Mr le Professeur Bourdineaud qui a gentiment accept dtre membre du jury.
Je ne saurai oublier de saluer, dans ces remerciements, Monsieur Damien Tran, qui
est le premier mavoir initie lcophysiologie et lcotoxicologie chez le bivalve, en
matrise, puis en DEA. Damien a su me donner le got de la recherche, lenvie et la
motivation ncessaire pour poursuivre dans cette voie. Je tiens galement remercier tous les
membres du LEESA, o le sjour est toujours rendu agrable. Aprs mavoir accueillie en
matrise, puis en DEA, ils ont contribu la ralisation des analyses dexpressions
gntiques au cours de cette thse.
Je remercie enfin tous les membres du laboratoire qui ont particip, de prs ou de
loin, au bon droulement de ce doctorat. Merci plus particulirement :
- Marcel Morello, pour les nombreux et rapides dosages en scintillation liquide quil a
effectus pour moi.
- Virginie Camilleri, avec qui il est trs agrable et apprciable de travailler. Je la
remercie pour lefficacit et limplication dont elle a fait preuve lors de mes dernires
exprimentations.
- Isabelle Cavali pour mavoir enseign lart et la manire de dompter le FIAS,
appareil de mesure du slnium.
- Magali Floriani, et son jouet, le MET, pour les heures quelle a passes inclure,
couper, recouper, observer, analyser, sonder, photographier, Je la remercie dune
part pour sa rigueur et son implication dans le travail, mais aussi pour son amiti,
coute et soutien tout au long de cette thse.
- Brigitte Ksas pour tous ses petits services rendus facilitant la vie au laboratoire :
gestion des dchets, des corbis, des commandes,
- Olivier Simon, pour sa promptitude leffort de pche.
- Herv Spor, pour sa disponibilit, pluri et multi fonctionnalit, diplomatie, patience et
sa confiture aux abricots.
- Sabrina Barillet, ma voisine de bureau, pour tous ses enseignements et dpannages
informatiques.
- Hlne Morlon, pour mavoir initie la culture algale, mais aussi au monde des
grimpeurs et plongeurs.
- Christophe et Thomas, pour leurs blagues orientes et douteuses, qui finissent
toujours par faire rire.
- Claudine, pour sa gentillesse, disponibilit et ses carambars la fraise.
- Super Roro, pour sa Grande Gentillesse (parfois trop grande !).
- et tous les autres.
Enfin, merci tous mes proches de mavoir toujours soutenue et encourage.
Liste des abrviations
AE : Assimilation Efficiency (Efficacit dAssimilation)
AFSSA : Agence Franaise de Scurit Sanitaire des Aliments
ANDRA : Agence Nationale de la gestion des Dchets Radioactifs
BCF : BioConcentration Factor (Facteur de BioConcentration)
CAT : Catalase
CE : Coefficient dExtraction
coxI: Gne de la cytochrome c oxydase 1
Cyst : Cystine
DPM : Dsintgration Par Minute
EC : Effect Concentration (Concentration dEffet)
EPA : Environmental Protection Agency
ERO : Espces Ractives de lOxygne
FC : Facteur de Concentration
GPx : Glutathion Peroxydase
GSH : Glutathion rduit
GSSG : Glutathion oxyd
HG-QFAAS : Hydride Generation - Quartz Furnace Atomic Absorption Spectrometry
HSM : High Salt Medium (milieu de culture des algues)
ICP-AES : Spectromtrie dEmission Atomique Source Plasma Couplage Inductif
LC : Lethal Concentration (Concentration Ltale)
MET : Microscope Electronique Transmission
mt1: Gne de la mtallothionine 1
NOEC : No Observed Effect Concentration (concentration sans effet observ)
rpS9: Gne de la protine ribosomique S9
SeCyst : Slnocystine
SeMet : Slnomthionine
SOD : Superoxyde dismutase
S9 : Fraction obtenue aprs centrifugation 9000 g pendant 30 minutes
RDA : Recommended Dietary Allowance
bT : Priode biologique
TCA : Acide TrichloroActique
tit : Gne de la titine
W.
V : Dbit ventilatoire
Table des matires 1. BASES BIBLIOGRAPHIQUES....................................................... 7
1.1. Le contaminant tudi : le slnium.......................................... 7 1.1.1. Proprits gnrales................................................................................... 7
1.1.2. Sources et concentrations de Se dans lenvironnement........................... 11
1.1.3. Cycle biogochimique du slnium......................................................... 13
1.1.4. Mtabolisme du slnium chez les animaux ........................................... 15
1.1.5. Bioaccumulation du slnium chez les organismes aquatiques .............. 17
1.1.6. Rle physiologique et toxicit du slnium............................................. 27
1.2. Le modle biologique tudi : Corbicula fluminea ................. 39 1.2.1. Origine..................................................................................................... 39
1.2.2. Intrt cotoxicologique : espce bioindicatrice ..................................... 39
1.2.3. Ecologie................................................................................................... 39
1.2.4. Anatomie et physiologie.......................................................................... 41
1.2.5. Branchies et mcanique ventilatoire........................................................ 43
1.2.6. Facteurs du milieu influenant la physiologie respiratoire de C. fluminea .
................................................................................................................. 47
2. DEMARCHE EXPERIMENTALE ET PRINCIPAUX
PARAMETRES ETUDIES .............................................................................. 51 2.1.1. Dmarche exprimentale ......................................................................... 51
2.1.2. Paramtres tudis ................................................................................... 55
2.1.3. Articulation du mmoire.......................................................................... 65
3. MATERIELS ET METHODES ..................................................... 69
3.1. Conditions exprimentales ....................................................... 69 3.1.1. Origine et maintenance des organismes .................................................. 69
3.1.2. Choix du milieu dexposition .................................................................. 69
3.1.3. Dispositif exprimental ........................................................................... 69
3.1.4. Voies de contamination ........................................................................... 71
3.2. Mesure du dbit ventilatoire .................................................... 73
3.3. Mthodes danalyses du slnium............................................ 75
3.3.1. Dosage du slnium stable ...................................................................... 75
3.3.2. Dosage du 75Se ........................................................................................ 79
3.4. Dosages biochimiques ............................................................... 81 3.4.1. Protocoles de prparations des fractions S9 pour le dosage des
biomarqueurs ................................................................................................................. 81
3.4.2. Protocole de dosage des activits enzymatiques ..................................... 83
3.5. Expression de gnes................................................................... 87
3.6. Le Microscope Electronique Transmission (MET) et la
spectromtrie par dispersion dnergie (EDS)............................................ 89 3.6.1. Appareillage ............................................................................................ 89
3.6.2. Prparation des chantillons .................................................................... 89
3.7. Fractionnement subcellulaire et chromatographie basse
pression ..................................................................................................... 91 3.7.1. Prparation des fractions subcellulaires .................................................. 91
3.7.2. La chromatographie dexclusion strique ............................................... 93
3.8. Bases thoriques de la modlisation des transferts du
slnium ..................................................................................................... 97
3.9. Analyses statistiques des rsultats ......................................... 101
4. RESULTATS ET DISCUSSION.................................................. 103
4.1. Bioaccumulation du slnium chez C. fluminea : rle de la
ventilation du bivalve et de la spciation du slnium ............................. 103 4.1.1. Bioaccumulation du slnium par la voie directe : effet de la ventilation
du bivalve et de la spciation du slnium..................................................................... 105
4.1.2. Bioaccumulation du slnium par la voie trophique : effet de la
ventilation du bivalve et de la spciation du slnium................................................... 123
4.1.3. Comparaison de la bioaccumulation du slnium par la voie directe et par
la voie trophique............................................................................................................. 147
4.1.4. Principales avances et conclusions du chapitre ................................... 165
4.2. Bioaccumulation du slnium diffrents niveaux
dorganisation biologique chez C. fluminea .............................................. 167 4.2.1. Introduction ........................................................................................... 167
4.2.2. Rsultats ................................................................................................ 171
4.2.3. Discussion.............................................................................................. 179
4.2.4. Principales avances et conclusions ...................................................... 189
4.3. Toxicit subcellulaire du slnium......................................... 193 4.3.1. Suivi du statut anti-oxydant de C. fluminea lors dune exposition au Se....
............................................................................................................... 193
4.3.2. Effet du slnium sur lexpression de gnes ......................................... 207
4.3.3. Effet dune exposition au Se sur lultrastructure des cellules branchiales
de C. fluminea ............................................................................................................... 213
4.3.4. Principales avances et conclusions du chapitre ................................... 225
5. CONCLUSION GENERALE ....................................................... 227
5.1. Synthse des principales avances ......................................... 227 5.1.1. Avances concernant lcophysiologie du bivalve................................ 227
5.1.2. Avances concernant la bioaccumulation du slnium......................... 231
5.1.3. Avances concernant la toxicit du slnium........................................ 235
5.2. Perspectives de recherches ..................................................... 237 5.2.1. Concernant lcophysiologie de C. fluminea......................................... 237
5.2.2. Concernant la bioaccumulation ............................................................. 239
5.2.3. Concernant la toxicit............................................................................ 241
1
Introduction gnrale
Le dveloppement de lindustrialisation a conduit des contaminations de plus en plus
importantes de lensemble des cosystmes. Une fois prsents dans lenvironnement, les
polluants subissent de nombreux phnomnes de transport, par lair, ou par leau et
aboutissent gnralement dans le domaine aquatique. La contamination des milieux
aquatiques devient donc un problme fondamental car elle peut constituer un risque pour la
biocnose et la prservation des ressources. Lune des priorits de la Directive Cadre
europenne sur leau (2000/60/CE) du 23/10/2000 est la protection de tous les milieux
aquatiques naturels avec un objectif de bon tat cologique pour les eaux de surface
lhorizon 2015. Parmi les substances classes comme toxiques, le slnium est un lment
pour lequel la concentration maximale admissible pour les eaux de surface, 10 gL-1, est
rgulirement dpasse. Des anomalies en slnium ont ainsi t releves dans les eaux de
captage ou de redistribution dans de nombreux dpartements franais (AFSSA, 1999;
AFSSA, 2004). Le dpassement des concentrations en Se peut provenir des nombreuses
utilisations du slnium par lhomme (mdecine, agriculture, industrie) qui font quil va
pouvoir tre relargu dans lenvironnement, par les eaux uses, lirrigation de zones agricoles
naturellement riches en Se ou encore la production et la combustion du charbon (Barceloux,
1999; Lemly, 2004). Dans le domaine du cycle du combustible nuclaire, son isotope
radioactif, le 79Se, fait partie de la liste des radionuclides vie longue et est prsent comme
lment prioritaire au sens de lvaluation de la sret selon la mthodologie dveloppe par
lANDRA (Agence Nationale de la gestion des Dchets RAdioactifs) (ANDRA, 2001). Dans
ce cadre gnral, ltude des processus daccumulation et de toxicit du slnium dans les
cosystmes aquatiques continentaux est primordiale.
Le slnium est un lment essentiel chez les organismes vivants dans une gamme
troite de concentrations (Hodson et Hilton, 1983; EPA, 2004). La toxicit du slnium dans
lenvironnement sest dj manifeste plusieurs reprises, notamment par des effets sur la
reproduction ou une mortalit accrue chez des populations de poissons et doiseaux
aquatiques (Lemly, 2002a; Ohlendorf, 2002; Hamilton, 2004; Lemly, 2004). Cependant, la
comprhension de limpact de cette pollution est limite par la complexit de nombreux tats
doxydation du slnium, qui vont gouverner son cycle biogochimique et sa toxicit. Dans le
milieu aquatique en conditions oxydantes modrment oxydantes, il a tendance former des
oxyanions, slnite Se(+IV) et slniate Se(+VI) (Coughtrey et al., 1983), qui sont trs
mobiles et donc potentiellement biodisponibles pour les organismes.
2
3
Lors de son transfert dans les rseaux trophiques, il pourra tre converti en diffrentes
formes organiques et inorganiques. Peu dtudes ont t menes concernant les effets lis
ces diffrents tats redox sur les organismes de niveau trophique suprieur. De plus, pour un
mme modle biologique, la bioaccumulation est rarement apprhende par les 2 voies de
contamination (directe-trophique). La majorit des tudes en laboratoire prenant en compte la
spciation du slnium, ont t ralises sur des modles unicellulaires phytoplanctoniques ou
bactriens (Kiffney et Knight, 1990; Riedel et al., 1991; Hu et al., 1996; Riedel et Sanders,
1996; Riedel et al., 1996; Morlon, 2005). Cest pour ces raisons, que nous avons choisi
dtudier un modle biologique consommateur primaire, appartenant la classe des bivalves.
Parmi ces animaux, diverses espces vivent linterface eau/sdiment et sont trs utilises en
cotoxicologie en tant que bioindicateurs de contamination.
Ils peuplent de nombreux systmes aquatiques o les caractristiques du milieu
peuvent tre trs variables. Leur activit ventilatoire sert deux fonctions primordiales :
respiration et nutrition. Ainsi, leurs branchies sont la fois une voie de passage pour des
contaminations directes et trophiques. Le bivalve Corbicula fluminea a t choisi car de
nombreux aspects de sa physiologie respiratoire ont dj t largement tudis (Tran, 2001).
Rcemment, il a t montr que chez cet organisme, deux facteurs vont pouvoir conditionner
lentre de polluants : la spciation chimique du contaminant considr et lintensit de
lactivit ventilatoire du bivalve (Tran et al., 2004b).
Ainsi, pour comprendre les processus impliqus dans laccumulation du slnium et sa
toxicit chez C. fluminea, les facteurs qui ont t pris en compte sont la spciation chimique
du slnium, la dpendance de lactivit ventilatoire du bivalve vis vis des conditions
environnementales et la voie de contamination. Notre dmarche exprimentale a consist tout
dabord tudier limpact de diffrentes formes chimiques de Se et de diffrentes intensits
ventilatoires du bivalve, obtenues en modifiant les apports trophiques, sur la bioaccumulation
aprs une exposition de trois jours par la voie directe et par la voie alimentaire. Limpact du
slnium lui-mme sur la ventilation a t valu.
Dans un deuxime temps, afin dapprcier plus finement les processus daccumulation
du slnium chez C. fluminea par la voie directe, des cintiques daccumulation et de
dpuration de diffrentes formes chimiques de Se ont t ralises sur 70 jours. La
distribution tissulaire du slnium a galement t caractrise diffrents niveaux
dorganisation biologique, tissulaire et subcellulaire.
4
5
Pour finir, les effets potentiellement toxiques du slnium ont t apprhends aux
niveaux cellulaire et molculaire. Ainsi, leffet de diffrentes formes chimiques de Se sur la
morphologie du tissu branchial, le statut antioxydant du bivalve et lexpression gntique de
certaines protines a t analys.
Ce mmoire sarticule en 5 parties. La premire partie est une synthse
bibliographique, rassemblant des donnes concernant dune part le slnium, ses proprits
chimiques et biologiques, sa prsence dans les cosystmes aquatiques ainsi que sa
bioaccumulation et ses impacts chez les organismes, et dautre part, le bivalve, son cologie,
son anatomie et sa physiologie respiratoire. Dans la seconde partie, la dmarche
exprimentale et les principaux paramtres tudis sont exposs. La troisime partie prsente
les principaux matriels et mthodes utiliss. Dans la quatrime partie, sont exposs et
discuts lensemble des rsultats exprimentaux. Enfin, la cinquime partie tablit une
synthse et la conclusion du travail effectu en ouvrant sur de nouvelles perspectives.
6
Tableau 1 : Principales formes chimiques des composs naturels slnis.
Formes Nom Etat de valence Formes chimiques
Slniate Se(+VI) H2SeO4; HSeO4-; SeO42-
Slnite Se(+IV) H2SeO3 ; HSeO3- ; SeO32-
Slnium lmentaire Se(0) Inorganiques
Slniure Se(-II) H2Se ; HSe- ; Se2-
Slnocystine Se-CH2CHNH2COOH
Slnomthionine CH3CH2Se(CH2)2CHNH2COOH
Dimthylslniure (CH3)2Se
Dimthyldislniure (CH3)2Se2
Dimthylslnone (CH3)2SeO2
Se-mthylslnocystine MeSeCH2CHNH2COOH
Organiques
Se-mthylslnomthionine
Se(-II)
(CH3)2Se(CH2)2CHNH2COOH
7
1. BASES BIBLIOGRAPHIQUES
1.1. Le contaminant tudi : le slnium
1.1.1.Proprits gnrales
1.1.1.1. Proprits chimiques
Le slnium (symbole Se, numro atomique 34) est un mtallode qui appartient au
groupe VI (oxygne, soufre, polonium, tellurium) du tableau priodique. Il ressemble
troitement au soufre (S) par ses proprits chimiques telles que taille atomique, nergies de
liaison, potentiels dionisation et principaux degrs doxydation (Tinggi, 2003; Johansson et
al., 2005).
Dans lorganisme, le slnium est prsent sous forme de slnol (R-SeH) ou de
slnother (R-Se-R). Il peut galement se combiner au soufre (R-S-Se-H ou R-S-Se-S-R) ou
sy substituer pour former de nombreux composs analogues slnis : slnomthionine
(SeMet) et slnocystine (SeCyst) (Ducros et Favier, 2004). Des diffrences existent dans la
chimie du soufre et du slnium, notamment entre les potentiels doxydorduction ou
dionisation des composs homologues. Par exemple, les composs slnis ont tendance
tre beaucoup plus nuclophiles que les composs soufrs (Arteel et Sies, 2001). Le slniure
dhydrogne (pKa = 3.7 pour le couple H2Se/HSe- ; pKa = 5.7 pour le couple HSe-/Se2-) est un
acide plus fort que le sulfure dhydrogne (pKa = 6.9 pour le couple H2S/HS- ; pKa = 8.5 pour
le couple HS-/S2-) (Johansson et al., 2005). Ainsi, le slnium sous forme de slnol (R-SeH)
est aisment dissoci aux pHs physiologiques, ce qui est important pour son rle catalytique
(Tinggi, 2003). La cystine (Cyst) est le plus souvent sous forme protone aux pHs
physiologiques alors que la SeCyst est principalement sous forme anionique (pKa = 5.2 pour
la SeCyst et pKa = 8.3 pour la Cyst), ce qui facilite le rle catalytique du slnium dans les
slnoprotines (Ducros et Favier, 2004; Johansson et al., 2005) .
Les diffrentes formes chimiques des composs slnis naturels sont prsentes dans
le Tableau 1. Il existe plusieurs composs slnis dans les tissus de plantes et
danimaux (Whanger, 2002). La SeCyst (acide amin slni) est la forme prdominante dans
les tissus animaux lorsque du slnite leur est administr (Hawkes et al., 1985; Schrauzer,
2000; Whanger, 2002).
8
Figure 1 : Etats doxydation du slnium en solution (daprs Sby et al., 2001),
25 C, 1000 hPa (pression atmosphrique) et [Se] = 0.1 M. La zone dlimite en
gris reprsente la zone doxydo-rduction susceptible dtre rencontre dans
lenvironnement.
Tableau 2 : Les isotopes du slnium (Nuclide 2000, 1999).
Masse atomique relative (gmol-1) 78.96
Nombre disotopes : 25
Nombre disotopes stables : 5
Nombre disotopes quasi stables : 1
Nombre disotopes metteurs + : 9
Nombre disotopes metteurs - : 10
9
Si lon donne de la SeMet aux animaux, la SeMet sera le compos majeur trouv initialement
mais il sera rapidement converti en SeCyst (Whanger, 2002). Les crales et les plantes
fourragres convertissent le slnium inorganique principalement en SeMet (Schrauzer,
2000). La SeMet est la forme majoritaire dans les graines de crales et levures (Whanger,
2002). Chez Saccharomyces cereviciae 90 % du slnium est sous forme de SeMet
(Schrauzer, 2000). Dune manire gnrale, la SeMet est rapporte comme tant la forme
prdominante dans les tissus de plantes et dalgues (Guo et Wu, 1998; Tinggi, 2003).
Dans les cosystmes aquatiques, le slnium existe sous quatre tats de valence :
slniate (+VI) ; slnite (+IV) ; slnium lmentaire (0) et slniure (-II). Le slniate (+VI)
et le slnite (+IV) sont les formes les plus communes des eaux de surface en conditions
oxydantes modrment oxydantes (Coughtrey et al., 1983). La stabilit des diffrents tats
redox est fonction du potentiel lectrochimique du milieu (Sby et al., 2001) (Figure 1). Dans
la nature, le slnium sous forme Se(-II) peut tre associ des mtaux tels que HgSe, PbSe,
CdSe, CuSe (EPA, 2004). Un certain nombre de donnes concernant la spciation du
slnium dans les eaux continentales et marines a t rapport dans la littrature (Robberecht
et Grieken, 1982; Conde et Sanz Alaejos, 1997; Cutter et Cutter, 2004). Dune manire
gnrale, les formes majoritaires sont slnite et slniate. Il y a assez peu de donnes sur les
composs organiques slnis. Ils sont gnralement minoritaires (Robberecht et Grieken,
1982). Cependant, dans une tude rcente (Cutter et Cutter, 2004), il a t montr que dans la
baie de Sacramento, les slniures organiques reprsentaient 40 % du slnium total, tandis
que le slnite en reprsentait 13 % et le slniate 47 %. Ltude de la distribution du
slnium dans 11 eaux de surface diffrentes, indique quen moyenne, 16 % du slnium total
est fix sur la phase particulaire (EPA, 2004).
1.1.1.2. Proprits nuclaires
Le slnium possde 6 isotopes stables ou quasi-stables (Tableau 2). Sa masse
atomique relative est de 78.96 gmol-1. Il possde galement plusieurs isotopes radioactifs, qui
sont exclusivement artificiels. Le 79Se est un produit de fission nuclaire (metteur -, demi-
vie : 1.1106 ans). Il sagit dun radionuclide vie longue, qui est class comme lment
prioritaire pour lvaluation des risques associs aux sites de stockage des dchets selon la
mthodologie dveloppe par lANDRA pour son rfrentiel biosphre de 2001 (ANDRA,
2001). Le 75Se (metteur + / , demi-vie : 120 jours) est utilis en radiologie et pour les
traages.
10
11
1.1.1.3. Proprits biochimiques gnrales
Le slnium est un lment trace essentiel pour les humains et pour une grande varit
despces animales (Tinggi, 2003). Il est essentiel pour le fonctionnement denzymes anti-
oxydantes, notamment la glutathion peroxydase (GPx) qui contient de la SeCyst dans son site
actif. Il existe galement de nombreuses autres slnoprotines (la slnoprotine P ou encore
la thioredoxine rductase) qui ont besoin de Se pour leur activit catalytique (Himeno et
Imura, 2000; Ducros et Favier, 2004). Il a galement t montr quil pouvait constituer un
agent prventif du cancer (Tapiero et al., 2003) et de maladies inflammatoires (Ducros et
Favier, 2004).
La frontire entre concentrations en slnium physiologiquement essentielles et
toxiques est trs troite. La dose minimale requise par jour chez lhomme est de 55 gkg-1
(RDA : Recommended Dietary Allowance) et la dose maximale acceptable est de 350 gkg-1
(UL : tolerable Upper intake Level) (Goldhaber, 2003). La dficience en Se chez lHomme
est responsable de la maladie de Keshan (Bokovay, 1995). Les symptmes dune intoxication
au slnium peuvent tre lapparition de troubles digestifs (diarrhes), de signes
neurologiques (convulsions, coma), des irritations cutanes, des troubles respiratoires et une
odeur alliace de lhaleine (INRS, 2002).
1.1.2. Sources et concentrations de Se dans lenvironnement
Le slnium est naturellement prsent dans lcorce terrestre une concentration
denviron 0.05 mgkg-1 (Coughtrey et al., 1983). Deux inventaires des concentrations pouvant
tre retrouves dans le milieu aquatique sont disponibles dans la littrature (Robberecht et
Grieken, 1982; Conde et Sanz Alaejos, 1997). Les concentrations en Se dans les eaux de
surface, marines et continentales, sont rarement suprieures au gL-1 en milieu non
contamin (allant du ngL-1 au 1/10 de gL-1). Sa large utilisation par lhomme peut induire
une augmentation de ces niveaux, jusqu des concentrations pouvant atteindre plusieurs
centaines de gL-1.
12
Figure 2 : Cycle biogochimique du slnium dans les cosystmes aquatiques
(daprs Fan et al., 2002).
Les flches pleines indiquent les processus qui peuvent mener des risques cotoxicologiques tandis
que les flches en pointill indiquent les processus de volatilisation du slnium lorigine dune perte nette de
slnium de la part du systme aquatique. Les flches avec des points dinterrogation reprsentent des processus
supposs. (a, a) prise en charge et transformation des espces inorganiques par les producteurs primaires
aquatiques (b) relargage de composs organiques par les producteurs primaires aquatiques (c) prise en charge
de composs organiques par les producteurs primaires aquatiques (d) oxydation abiotique de composs
organiques en oxyanions (e) relargage dalkyslniures par raction abiotique (f) relargage dalkyslniures
par les producteurs primaires aquatiques (g) volatilisation des alkyslniures dans latmosphre (h) oxydation
des alkyslniures en formes inorganiques (i) formation de slnium lmentaire par les organismes plagiques
et benthiques (j) formation de dtritus par les producteurs aquatiques (k) bioaccumulation dans la chane
trophique et consquences potentielles en termes dcotoxicit (l,l) assimilation des oxyanions de slnium aux
sdiments depuis la colonne deau (m,m) oxydation du slnium lmentaire en oxyanions de slnium (n)
ractions redox entre Se(0) et Se(-II) (o) assimilation de Se(-II) depuis le sdiment vers les organismes
benthiques (p) oxydation de Se(-II) du sdiment en slnite.
slnite slniate
dimthylslniure dimthyldislniure
slniure
slnium lmentaire
13
Il est largement utilis par lHomme des fins industrielles et mdicales. La
production mondiale de slnium est de 1900 tonnes par an (Bokovay, 1995). Les usages
industriels de ce mtallode et de ses composs peuvent tre diviss en diverses catgories :
applications lectriques/lectroniques (30 %), fabrication de pigments (19 %), industrie de
verre (20 %), mtallurgie (14 %), applications agricoles et biologiques (6 %), autres usages
comme vulcanisation de caoutchouc ou oxydation de catalyseurs (11 %) (Bokovay, 1995).
Dans le domaine mdical, le slnium est utilis comme complment alimentaire, mais aussi
dans le traitement des pellicules, de la dermatite sborrhique et dautres maladies de la peau
(George, 2003). Ainsi, un certain nombre dactivits anthropiques conduisent aux rejets de Se
dans lenvironnement : production et combustion du charbon, exploitation de mines de Cu,
Zn, Ni, Ag ; dcharges municipales ; eaux uses ; fertilisation et irrigation des fins
agricoles ; processus industriels (Barceloux, 1999; Lemly, 2004).
Dans le milieu aquatique, les sources de slnium dans leau viennent des dpts sec
et humide, de latmosphre, et du drainage de la surface. Certains sites contamins sont
relativement bien documents. Cest le cas de la rserve de Kesterson (Californie, US) o
lagriculture est intensive (Barceloux, 1999). Les eaux dirrigation sont draines dans des sols
avec de fortes concentrations en slnium. Suite dimportantes pluies, on peut noter des
concentrations en Se allant jusqu 162 gL-1 au niveau de certaines tendues deau
(Ohlendorf, 2002). Un autre site pollu trs document est le lac Belews (Caroline du Nord,
US), qui a t contamin par des eaux uses provenant dune centrale lectrique charbon
(Barceloux, 1999). Des eaux uses charges en Se (150-200 gL-1) ont t relargues de
1974 1986. La concentration moyenne dans ce lac est de 10 gL-1 (Lemly, 1999).
1.1.3.Cycle biogochimique du slnium
Le cycle du slnium est troitement li aux premiers niveaux de la chane trophique
(dcomposeurs et producteurs primaires), qui reprsentent une biomasse importante dans les
cosystmes. Ils conditionnent les cintiques de bioaccumulation et de biotransformation vis
vis des maillons trophiques suprieurs. Les principales connaissances concernant le cycle
biogochimique du slnium sont rsumes dans la Figure 2.
14
15
- Se(+IV) et Se(+VI) sous forme doxyanions dissous sont accumuls par les
producteurs primaires et biotransforms en formes organiques Se(-II)
(Vandermeulen et Foda, 1988; Fan et al., 2002; Simmons et Wallschlger,
2005).
- Le slnium ainsi pris en charge par les producteurs primaires est ensuite
transfr aux maillons trophiques suprieurs (Zhang et al., 1990; Fan et al.,
2002).
- Les producteurs primaires volatilisent du slnium (slniures mthyls, Se(-
II)) qui peut tre vacu vers latmosphre ou retransform en slnite.
- Les producteurs primaires peuvent aussi relarguer des composs organiques
Se(-II) ou du Se(0), forms par rduction biologique (Hu et al., 1996).
- Ce Se(0) peut tre rduit en slniures inorganiques ou organiques et roxyd
en selnite ou slniate, par les microorganismes du sdiment (Fan et al.,
2002). La prise en charge de Se(0) par un consommateur (le bivalve) a
galement t rapporte dans la littrature (Luoma et al., 1992).
- Parmi les phnomnes abiotiques, il y aurait des phnomnes doxydation et
de rduction dans la colonne deau (Fan et al., 2002) ainsi que des
prcipitations du slnium avec les mtaux pour donner des slniures
mtalliques (EPA, 2004).
La bioaccumulation du slnium par la voie trophique apparat plus importante que la
bioaccumulation par la voie directe (Zhang et al., 1990; Besser et al., 1993). Ainsi les
phnomnes de biotransformations au niveau des premiers maillons de la chane alimentaire,
vont conditionner les niveaux de bioaccumulation du slnium chez les organismes de niveau
trophique suprieur.
1.1.4.Mtabolisme du slnium chez les animaux
Le mtabolisme du slnium a t abord par plusieurs auteurs (Ganther, 1999;
Schrauzer, 2000; Whanger, 2002; Ducros et Favier, 2004). Le mtabolisme du slnium chez
les mammifres a t clairement dcrit par Ducros et Favier (2004) et indique que :
16
Figure 3 : Voies mtaboliques des diffrentes formes dapport en slnium (daprs
Ducros et Favier, 2004).
Figure 4 : Mtabolisme cellulaire du slnium (daprs Ducros et Favier, 2004).
17
Labsorption intestinale du slnium est leve (50-95%) et dpend de la forme
dapport du slnium, ainsi que du statut physiologique vis vis du slnium. La SeMet est
mieux absorb que le slnite et lest par un transport actif analogue celui de la mthionine.
Le slnite est absorb par simple diffusion et le slniate, presque aussi efficacement
transport que la SeMet, lest par un transport actif commun avec celui des sulfates.
Lensemble des formes de slnium organiques et inorganiques peut tre utilis par
lorganisme mais leur mtabolisme est diffrent.
Le mtabolisme du slnium dpend de la forme chimique ingre (Figure 3). Le
slnite entre dans les cellules par transport anionique et est rapidement conjugu au
glutathion sous forme de slnodiglutathion (Ganther, 1999; Ducros et Favier, 2004). Les
acides amins slnis utilisent les transporteurs membranaires destins leurs homologues
soufrs et sont mtaboliss en utilisant les voies mtaboliques des enzymes soufres. Le
slnium absorb est rduit ltat de slniures (H2Se) puis incorpor dans les protines sous
forme de SeCyst par lintermdiaire dun ARNt spcifique (Figure 4). La SeCyst est
considre comme le 21e acide amin. Elle est code par un codon UGA qui est normalement
considr comme un codon stop. Lacide amin est inclus dans les protines par un
mcanisme co-traductionnel assez complexe. Une partie du slnium va tre utilise pour
produire des slnoprotines, qui sont des protines qui vont avoir besoin du slnium pour
leur activit catalytique. Elles incorporent du slnium sous forme de SeCyst dans la chane
polypeptidique. Dautres formes de Se vont directement dans des protines que lon nomme
protines contenant du slnium , mais ces protines nont pas besoin du slnium pour leur
activit catalytique, contrairement aux slnoprotines. Elles incorporent le slnium par
substitution de la mthionine par la SeMet.
Lexcrtion du slnium absorb se fait sous forme de drivs mthyls
(mthylslnol, dimthylslniure et trimthylslnonium) ou de slnosucres excrts dans
les urines et/ou par les poumons.
1.1.5.Bioaccumulation du slnium chez les organismes
aquatiques
1.1.5.1. Processus de bioaccumulation et de prise en charge du
slnium
18
19
Rappels sur les processus de bioaccumulation
Chez les organismes aquatiques, et plus particulirement les bivalves, les barrires
biologiques traverser, sont lpithlium branchial, la paroi du tube digestif, et la coquille
(qui est souvent rapporte comme un site de bioaccumulation). Les contaminants de la phase
dissoute sont plus facilement absorbs par les surfaces directement en contact avec le milieu
extrieur, tandis que les mtaux/mtallodes associs la phase particulaire seront plutt
ingrs et internaliss aprs solubilisation dans le tube digestif, ou transfrs par endocytose
pour subir ensuite une digestion lysosomale. Une fois cette premire barrire passe, les
mcanismes de transfert des mtaux/mtallodes vers le milieu intracellulaire font appel la
diffusion (passive ou facilite), au transport actif et lendocytose (phagocytose et
pinocytose). La diffusion, quelle soit simple ou facilite par la liaison avec un ligand, se fait
dans le sens du gradient de concentration. Le transport actif est contraire au gradient de
concentration, il ncessite donc de lnergie.
Prise en charge
La prise en charge du slnium a principalement t tudie chez des modles
unicellulaires. Riedel et al. (1991) se sont intresss 3 espces phytoplanctoniques
(Anabaenas flos aquae, Chlamydomonas reinhardtii, et Cyclotella meneghiania) et 3 formes
chimiques de slnium (slnite, slniate et SeMet). Ces auteurs suggrent que le slnite
serait fix par une sorption passive, tandis que slniate et SeMet impliqueraient un processus
biologique. Morlon (2005) montre au contraire lexistence dun double systme de transport
du slnite, de faible et de forte affinit, chez Chlamydomonas reinhardtii.
Une inhibition du transport du slnium par certains anions, et notamment du transport
du slniate par le sulfate est admise chez les organismes phytoplanctoniques (Williams et al.,
1994; Riedel et Sanders, 1996) ainsi que chez la daphnie (Ogle et Knight, 1996). Certains
auteurs soulignent dautres inhibitions de transport, telles que linhibition du transport du
slnite par le phosphate (Riedel et Sanders, 1996; Lee et Wang, 2001), par le sulfate
(Morlon, 2005) et par le nitrate (Morlon, 2005).
Linfluence des cations en solution a galement t explore. Laccumulation du
slniate chez Chlamydomonas reinhardtii augmente avec laugmentation du calcium,
magnsium et ammonium dans le milieu (Riedel et Sanders, 1996).
20
Tableau 3 : Facteurs de bioconcentration (BCF) du slnium par la voie directe,
exprims sur la base du poids sec (p.s.) (non exhaustif).
Modle biologique Biotope Forme chimique de
Se
Temps
dexposition BCF p.s.
Rfrence
bibliographique
slnite 2-10 jours BCF
267-1004
slniate 2-10 jours BCF
30-115
Anabaena flos aquae
Cyanobactrie dulaquicole
SeMet 2-10 jours BCF
1520-12193
Kiffney et
Knight, 1990
slnite 1 jour
BCF
441-1600
slniate
1 jour
BCF
414-493
Chlamydomonas
reinhardtii
Algue verte
unicellulaire
dulaquicole
SeMet
1 jour
BCF
5320-36300
Besser et al.,
1993
Chlorella vulgaris
Algue verte
unicellulaire
dulaquicole slniate 12 24 jours BCF
400
Dobbs et al.,
1996
slnite 4 jours
BCF
221-3650
slniate 4 jours
BCF
65-293 Daphnia magna
Daphnie dulaquicole
SeMet 4 jours
BCF
30300-
382000
Besser et al.,
1993
Lysmata seticaudata
Crevette marin slnite 6-52 jours
BCF
10 - 30
Fowler et
Benayoun, 1976
Mytilus edulis
Moule marin slnite 10-63 jours
BCF
20 100
Fowler et
Benayoun, 1976
Lepomis macrochirus
Poisson dulaquicole
slniate-slnite
6 : 1 60 jours
BCF
5-7
Cleveland et al.,
1993
21 1BCF : Le BCF est le rapport entre la concentration de Se accumule dans lorganisme et la concentration de Se dans leau.
Dans le cas des animaux, un effet antagoniste du slnium et du mercure a t montr
chez deux espces de poisson (Chen et al., 2002). La concentration de Hg diminuait
exponentiellement avec laugmentation de concentration en slnium dans le muscle.
Aucune tude sur les mcanismes de transport du slnium na t ralise chez le
bivalve. Cependant, quelques tudes ont t menes sur les mcanismes de transport dacides
amins tels que la mthionine ou danions tels que les sulfates, in vitro, sur des cellules
branchiales de bivalves. Ainsi, il a t montr que labsorption de la mthionine par les
branchies du bivalve Mya arenaria tait ralise via un transport actif (Stewart, 1978). En ce
qui concerne le transport du sulfate chez les bivalves, il a t montr chez la moule Dreissena
polymorpha quil est relativement lent par rapport celui des autres ions (Dietz et Byrne,
1999).
1.1.5.2. Bioaccumulation par la voie directe
La bioaccumulation dpend troitement des formes de Se tudies. Les principales
valeurs de BCF trouves dans la littrature sont rapportes dans le Tableau 3. Il a t montr
chez plusieurs espces vgtales et animales (allant de lalgue unicellulaire au poisson) que la
SeMet tait la forme la plus bioaccumule suivi du slnite puis du slniate (Kiffney et
Knight, 1990; Riedel et al., 1991; Besser et al., 1993). Les valeurs des facteurs de
bioconcentration (BCF1), exprims sur la base du poids sec sont cependant trs variables. En
ce qui concerne la SeMet, le BCF est de 1520-12193 pour la cyanobactrie Anabaena flos
aquae (Kiffney et Knight, 1990), 5320-36300 pour lalgue verte Chlamydomonas reinhardtii
(Besser et al., 1993) et 30300-382000 pour la daphnie Daphnia magna (Besser et al., 1993).
En ce qui concerne le slnite, le BCF est de 267-1004 pour la cyanobactrie Anabaena flos
aquae (Kiffney et Knight, 1990), 441 1600 pour lalgue verte Chlamydomonas reinhardtii
(Besser et al., 1993) et 221-3650 pour la daphnie Daphnia magna (Besser et al., 1993). Pour
le slniate, le BCF est de 30-115 pour la cyanobactrie Anabaena flos aquae (Kiffney et
Knight, 1990) , 414-493 pour lalgue verte Chlamydomonas reinhardtii (Besser et al., 1993)
et 65-293 pour la daphnie Daphnia magna (Besser et al., 1993).
En ce qui concerne les modles bivalves, les niveaux de base en slnium mesurs
chez des populations vivant dans des milieux non contamins (< 1 gL-1) sont de lordre de
3.1 gg-1 p.s. pour Macoma balthica et de 2.8 gg-1 p.s. (soit environ 0.4 gg-1 p.f.) pour
Corbicula sp. (Johns et al., 1988).
22
23
Nous navons pas trouv de donnes dans la littrature concernant la bioaccumulation des
diffrentes formes chimiques de Se chez ces organismes. En effet, les tudes ralises sur les
bivalves ne sintressent quau slnite dissous, ou bien son transfert par la voie trophique.
Chez la moule Mytilus edulis, le slnium prsent naturellement, se retrouve
essentiellement au niveau des branchies et du manteau, puis, de la masse viscrale et des
muscles (Fowler et Benayoun, 1976). Ces auteurs montrent quaprs une contamination au 75slnite dissous, le slnite saccumule dans tous les organes de la moule, mais
prfrentiellement au niveau de viscres (puis au niveau des branchies, du muscle et enfin du
manteau). Au bout de 63 jours le BCF a une valeur denviron 100, mais le plateau nest
toujours pas atteint (Fowler et Benayoun, 1976). Zhang et al. (1990) montrent que la
bioaccumulation du 75slnite est plus importante par la voie trophique que par la voie directe,
de plus dun ordre de grandeur. Ces auteurs soulignent que par la voie directe, le slnite est
principalement accumul ou fix sur la coquille (> 50 %). Au niveau du corps mou, la masse
viscrale et les branchies sont les organes cibles. Chez la crevette Lysmata seticaudata, aprs
contamination par la voie directe avec du 75Slnite, la plus forte concentration de Se est
retrouve au niveau de lexosquelette (BCF = 10 30) (Fowler et Benayoun, 1976). En ce qui
concerne le modle biologique poisson, les tudes rapportes sur Lepomis macrochirus
montrent une biodisponibilit faible des formes inorganiques de Se avec un BCF < 5 aprs 60
jours dexposition (Cleveland et al., 1993).
La localisation intracellulaire du slnium a t tudie chez les bactries contamines
avec du slnite, pour lesquelles on observe classiquement lapparition de granules denses
aux lectrons dans le cytoplasme, signe dune dtoxication par rduction du slnite en
slnium lmentaire (Garbisu et al., 1996; Kessi et al., 1999; Roux et al., 2001). Chez
lalgue verte Chlamydomonas reinhardtii, Morlon et al. (2005) ont observ du slnium
associ du calcium et du phosphore, lintrieur de vacuoles granuleuses, aprs exposition
du 75Selenite. En ce qui concerne la localisation cellulaire du slnium, des granules minraux
constitus dagglomrats de particules cristallines dans le foie des ctacs dents, otaries et
cormorans ont t observs (Nigro et Leonzio, 1996). Ces granules, contenant du Hg et du
slnium taient principalement localiss dans le cytoplasme et les macrophages.
24
Tableau 4 : Facteurs de bioconcentration (BCF) et efficacits dassimilation (AE) du
slnium par la voie trophique (non exhaustif).
Modle biologique Biotope Forme chimique de Se
initiale
Temps
dexposition
BCF p.s.
ou AE
Rfrence
bibliographique
Lepomis
macrochirus
poisson
dulaquicole SeMet 90 jours BCF
0,5 1,0 Cleveland et al., 1993
Brachionus
calyciflorus
rotifre
dulaquicole Algues contamines avec
du slniate 11 20 jours
BCF
500 Dobbs et al., 1996
Pimephales
promelas
poisson
dulaquicole Rotifres contamins
avec du slniate 11 jours
BCF
154 - 400 Dobbs et al., 1996
Lysmata seticaudata
Crevette marin
Moules contamine avec
du slnite 6-52 jours BCF 6-20
Fowler et Benayoun,
1976
Diatomes contamines
avec du slnite
AE
86 % Macoma balthica
bivalve
marin Se lmentaire
(biorduction du
sdiment contamin avec
du slnite)
2.5 heures
AE
22 %
Luoma et al., 1992
Phytoplancton contamin
avec du slnite
AE
34-66 % Elminius modestus
patelle marin
Zooplancton contamin
avec du slnite
30-45
minutes AE
74 %
Rainbow et Wang,
2001
Crassostrea
virginica
bivalve
marin Phytoplancton contamin
avec du slnite
40-60
minutes
AE
70 %
Reinfelder et al.,
1997
Macoma balthica
bivalve marin
Phytoplancton contamin
avec du slnite
40-60
minutes
AE
78 %
Reinfelder et al.,
1997
Mercenaria
mercenaria
bivalve
marin Phytoplancton contamin
avec du slnite
40-60
minutes
AE
92 %
Reinfelder et al.,
1997
Mytilus edulis
bivalve marin
Phytoplancton contamin
avec du slnite
40-60
minutes
AE
86 %
Reinfelder et al.,
1997
Menidia menidia
poisson juvenile marin
Zooplancton contamin
avec du slnite 1-4h
AE
29 %
Reinfelder et Fisher,
1994
25 1AE : LAE est le pourcentage de Se restant dans lorganisme aprs la vidange du tube digestif, par rapport la quantit totale ingre.
1.1.5.3. Bioaccumulation du slnium par la voie trophique
Trs peu dtudes se sont intresses au transfert trophique en prenant en compte les
formes chimiques de slnium initiales. Seule une tude montre chez le poisson chat Ictalarus
punctatus que la SeMet est mieux bioaccumule que le slnite lorsque ces formes sont
incorpores dans la nourriture (Wang et Lovell, 1997). La plupart des tudes de transfert
trophique ralises ont utilis le slnite comme premire source de slnium.
Les principales donnes trouves dans la littrature sont rsumes dans le Tableau 4.
Ltude du transfert trophique du slnium au clam Puditapes philippnarum (phytoplancton
marin Phaeodactylum tricornutumin contamin avec du 75slnite) montre que laccumulation
est un processus rapide, et induit une contamination plus importante que par la voie directe
(Zhang et al., 1990). Aprs 18 jours de contamination, laccumulation du slnium se fait
essentiellement au niveau des viscres puis des branchies. De mme, le poisson Lepomis
macrochirus accumule plus de slnite par la voie trophique que par la voie directe (Besser et
al., 1993). Laccumulation du slnite par ces deux voies seraient additives chez Lepomis
macrochirus (Besser et al., 1993) et Pimephales promelas (Bertram et Brooks, 1986).
Bertram et Brooks (1986) indiquent que les taux de dpuration du slnite suggrent
lexistence de 2 compartiments fonctionnels : un pool de Se non li (inorganique)
correspondant une dpuration rapide (voie directe) et un pool de Se organiquement li
correspondant une dpuration dpendante du mtabolisme cellulaire (voie trophique).
Chez la crevette Lysmata seticaudata, le slnium apport par la voie trophique
(broyat de Mytilus galloprovincialis contamin avec du 75slnite) saccumule principalement
au niveau de la masse viscrale (BCF = 6 20) (Fowler et Benayoun, 1976).
Plusieurs tudes concernant lefficacit dassimilation (AE1) du slnium ont t
ralises, et notamment sur bivalves marins. Le bivalve Macoma balthica a une efficacit
dassimilation du slnium de 86 % lorsquil est nourri avec des diatomes pr-exposes au
slnite et de 22 % lorsquil est nourri avec du slnium lmentaire (sdiment contamin en 75slnite ayant subi une rduction bactrienne) (Luoma et al., 1992). Chez la patelle Elminius
modestus nourrie avec du phytoplancton contamin en 75slnite, lefficacit dassimilation du
slnium varie de 34 66 %. Lorsquelle est nourrie avec du zooplancton, son efficacit
dassimilation est plus importante, de lordre de 74 % (Rainbow et Wang, 2001).
26
27
Chez quatre bivalves marins (Crassostrea virginica, Macoma balthica, Mercenaria
mercenaria et Mytilus edulis), il a t montr que lefficacit dassimilation du slnium tait
proportionnelle la fraction de Se prsente dans le cytoplasme des algues ingres (Isochrysis
galbana contamin en 75slnite), avec une efficacit dassimilation comprise entre 72 et 92
% (Reinfelder et al., 1997). Chez lamphipode L. plumulosus, il ny a pas de relation entre Se
dans le cytoplasme des cellules algales et efficacit dassimilation (Schlekat et al., 2002). Par
contre, ces auteurs ont montr que lefficacit dassimilation du slnium chez le bivalve
Macoma balthica, variait proportionnellement la fraction de Se cytoplasmique dans les
algues ingres et que le bivalve Potamocorbula amurensis pouvait assimiler du slnium non
cytoplasmique partir du phytoplancton.
En ce qui concerne les consommateurs secondaires, ltude du transfert trophique
entre des rotifres contamins avec du slniate et le poisson, montre un assez important
facteur de bioconcentration (BCF = 154-400 p.s.), cependant il est infrieur celui calcul
lors du transfert entre algues et rotifres (BCF = 500 p.s.) (Dobbs et al., 1996). Il a t montr
que lefficacit dassimilation du slnium entre le coppode Acartia sp. (expos au 75Slnite) et le poisson juvnile Menidia sp. ntait que de 29 % (Reinfelder et Fisher, 1994).
Ceci est mettre en relation avec le fait que le 75Slnite saccumulait 60 % dans
lexosquelette des coppodes. Le poisson devait absorber les tissus mous des coppodes et
rejeter lexosquelette chitineux. Ainsi, outre leffet de la spciation des polluants, les
mcanismes de nutrition et de digestion propres chaque organisme modulent les entres du
polluant et conditionnent lefficacit dassimilation dun polluant.
1.1.6.Rle physiologique et toxicit du slnium
Le slnium est essentiel pour la plupart des organismes vivants, mais dans une
gamme de concentrations trs troite, au-del de laquelle il devient toxique (Hodson et Hilton,
1983; EPA, 2004).
A faible concentration, il permet de lutter contre les dommages engendrs par le stress
oxydant, par sa prsence au niveau de la glutathion peroxydase slnium dpendante (Himeno
et Imura, 2000; Arteel et Sies, 2001; Tapiero et al., 2003; Tinggi, 2003; Ducros et Favier,
2004). Cependant, il peut exercer des effets toxiques de plus fortes concentrations.
28
29
Parmi tous les polluants classs comme prioritaires, le slnium est celui qui se
caractrise par la gamme la plus troite entre les concentrations bnfiques pour le biota et les
concentrations dltres. Ainsi, la concentration ncessaire au maintien des processus
mtaboliques est de 0.5 gg-1 p.s. pour les organismes aquatiques et terrestres. Des
concentrations suprieures ce seuil dun ordre de grandeur, pourraient tre toxiques chez le
poisson (EPA, 2004). Des concentrations infrieures 0.1 gg-1 (poids sec) dans la nourriture
de la truite arc-en-ciel peuvent conduire des symptmes de dficience svre, tandis quau-
dessus de 10 gg-1, des effets toxiques commencent se manifester (Hodson et Hilton, 1983).
Chez le poisson, la toxicit (sur la reproduction et le dveloppement) peut se manifester suite
des expositions chroniques dans leau < 5 gL-1 (Lemly, 1999).
1.1.6.1. Rles physiologiques
Le slnium est un lment essentiel pour la majorit des organismes vivants,
indispensable comme cofacteur minral pour la biosynthse de la glutathion peroxydase
(GPx) (Himeno et Imura, 2000; Arteel et Sies, 2001; Tapiero et al., 2003; Tinggi, 2003;
Ducros et Favier, 2004).
De plus, chez les mammifres 30 slnoprotines ont t identifies, ayant un rle
physiologique de premire importance ou bien non encore identifi (Arteel et Sies, 2001).
Jusqu prsent, les protines caractrises fonctionnellement (12) contiennent toutes lacide
amin SeCyst.
Parmi les diffrentes slnoprotines connues, on peut notamment citer (Himeno et
Imura 2000, Arteel, 2001, Ducros et Favier 2004) :
La famille des GPx
Les GPx, enzymes antioxydantes, constituent une des principales lignes de dfense
contre les agressions produites par les radicaux libres de loxygne.
Dans la famille des GPx (subdivise en 4), la plus abondante chez lanimal est la GPx
cellulaire (Himeno et Imura, 2000). Localise essentiellement dans le cytosol, son rle est de
piger le H2O2 (alors que le H2O2 produit dans les peroxysomes est pig par la catalase
localise dans ces organites). La GPx membranaire (phospholipide hydroperoxyde GPx) a un
rle dans la protection des biomembranes contre la peroxydation lipidique. Il existe galement
la GPx extracellulaire (plasmatique) et la GPx gastrointestinale qui, elles aussi, inhibent la
production de radicaux libres (Ducros et Favier, 2004).
30
31
Thiordoxine rductase
Elle est situe dans le cytoplasme des cellules et catalyse la rduction de la
thiordoxine, qui est une protine de faible poids molculaire responsable de la rduction de
biomolcules oxydes. La rduction de la thiordoxine serait un mcanisme important de
rgulation de la croissance cellulaire normale ou tumorale, mais aussi de la mort cellulaire
programme (Ducros et Favier, 2004).
Slnoprotine P
Elle est principalement localise dans le plasma et a la particularit de possder 10
atomes de Se par polypeptide. Sa fonction na pas encore t lucide (Ducros et Favier,
2004). On lui attribue plusieurs rles : un rle antioxydant extracellulaire et une activit
peroxydase spcifique des phospholipides.
En plus de laction de ces slnoprotines, un effet anticancer du slnium est attribu
certains mtabolites du slnium (Tapiero et al., 2003).
1.1.6.2. Mcanismes de toxicit
Substitution Soufre-Slnium
La premire cause de toxicit du slnium est une erreur dans le processus de synthse
protique (Lemly, 2002b). Le soufre, constituant cl des protines, forme des ponts disulfures
entre les diffrents acides amins ce qui confre la protine sa structure tertiaire. Cette
structure est ncessaire pour le bon fonctionnement des protines en tant que composant
cellulaire ou enzyme. Lorsque le slnium est prsent en trop grande quantit, il se substitue
au soufre et forme des ponts trislniures (Se-Se-Se) ou slnotrisulfure (S-Se-S) ce qui
empche la formation des ponts disulfures ncessaires. Les protines ne sont alors plus
fonctionnelles et ne peuvent plus jouer leur rle. Les consquences peuvent tre nombreuses,
la plus documente est un effet tratogne chez le poisson (Lemly, 1993b).
Le slnium peut se substituer au soufre pour former de la SeMet. Lincorporation de
la SeMet la place de la mthionine (Met) naltre pas la structure des protines mais peut
influencer lactivit des enzymes si la SeMet remplace la Met proximit du site actif
(Schrauzer, 2000). Chez les plantes, la toxicit du slnium peut tre explique par la
participation de la SeMet ( la place de la Met) dans linitiation du processus de traduction qui
diminuerait le taux de synthse protique (Eustice et al., 1981).
32
Tableau 5 : Donnes dcotoxicit du slnium
Modle biologique Voie de
contamination
Forme
chimique de Se
Effet observ, dure, et
critre statistique choisi Valeur
Rfrence
bibliographique
slnite LOEC 4 jours
= 3 mgL-1
slniate LOEC 4 jours
= 3 mgL-1
Anabaenas flos aquae
cyanobactrie
Directe
SeMet
Diminution chlorophylle a
aprs 2 et 4 jours, LOEC
LOEC 2 jours
= 0.1 mgL-1
Kiffney et
Knight, 1990
slnite LOEC
> 79 mgL-1
Slniate LOEC
< 79 gL-1
Thalassiosira pseudonana
algue
Directe
slniate
Inhibition du taux de
croissance en phase
exponentielle, LOEC et
EC100 EC100
79 mgL-1
Price et al., 1987
Chlorella pyrenoidosa
algue Directe slniate
Inhibition de croissance en
tat stationnaire, EC50
IC50 = 800
gL-1 Bennett, 1988
Chlamydomonas
reinhardtii algue verte Directe slnite
Inhibition de croissance
96h, EC50
IC50 96h
= 6320 gL-1
Morlon et al.,
2005
slnite NOEC
= 58 gL-1
slniate NOEC
= 116 gL-1
SeMet LC50 96h
= 1.5 gL-1
Corophium sp.
amphipode Directe
slnocystine
Survie 96h, NOEC et
LC50
LC50 96 h
= 12.7 gL-1
Hyne et al.,
2002
Diminution du dbit
ventilatoire aprs 1h, EC50
EC50 1h
= 200 gL-1 Perna perna
moule Directe slnite
Augmentation du dbit
ventilatoire aprs 1h, EC50
EC50 1h
~ 500 gL-1
Watling et
Watling, 1982
slnite Inhibition de croissance,
aprs 12 jours, EC100 Mle Kunming
souris Trophique
Se lmentaire Inhibition de croissance,
aprs 12 jours, EC50
6 mgkg-1j-1 Zhang et al.,
2005
slnite EC100 24 h =
25 mgL-1 Kratinocytes de souris
Directe
(cultures
cellulaires) Slnocystamine(C4H12N2Se2)
Apoptose aprs 24h, EC100
EC100 24 h =
250 mgL-1
Stewart et al.,
1999
33
Formation de radicaux libres
La toxicit du slnium peut provenir de la gnration danions superoxydes due
linteraction du slnium avec des groupements thiols. Un important mcanisme met en cause
la formation de mthyl slnium CH3Se- qui, soit entre dans le cycle redox et gnre du
superoxyde ou un stress oxydant, ou bien forme des radicaux libres qui se lient
dimportantes enzymes ou protines et les inhibent. Par exemple, la SeMet peut donner du
mthylslnol et gnrer un superoxyde en prsence de glutathion (Palace et al., 2004).
Accumulation de slniure dhydrogne
Un second mcanisme met en cause la SeCyst, qui, prsente en excs, induit
linhibition du mtabolisme de mthylation du slnium, engendrant une accumulation de
slniure dhydrogne (mtabolite intermdiaire) dans les animaux et pouvant ainsi causer des
troubles hpatocytaires (Nakamuro et al., 2000).
1.1.6.3. Donnes dcotoxicit concernant les organismes aquatiques
et terrestres
Quelques tudes ont t ralises concernant la toxicit des diffrentes formes de
slnium sur les organismes vivants. Les donnes de toxicit trouves dans la littrature (aussi
bien au niveau de la reproduction, de la croissance, que des activits enzymatiques) sont
rapportes dans le Tableau 5.
Organismes aquatiques
La cyanobactrie Anabaenas flos aquae est 30 fois plus sensible la SeMet quau
slnium inorganique (aussi bien slnite que slniate). Le premier effet (LOEC) sur la
synthse de la chlorophylle a a t observ aprs une exposition de 4 jours 3.0 mgL-1 (38
M) de slnium inorganique (slniate, slnite) versus aprs une exposition de 2 jours 0.1
mgL-1 de SeMet (Kiffney et Knight, 1990).
34
35
Les concentrations essentielles et toxiques de slnite et slniate pour la croissance de
la diatome marine Thalassiosira pseudonana, ont t values (Price et al., 1987). Les
rsultats indiquent que cette algue est plus sensible au slniate quau slnite. Une lgre
inhibition du taux de croissance en phase exponentielle est observe chez T. pseudonana
partir des concentrations suprieures 1 mM (79 mgL-1) de slnite (LOEC). Aucune
dficience de croissance na t observe pour des valeurs atteignant 1 nM (79 ngL-1).
En ce qui concerne le slniate, pour des concentrations infrieures 0.1 M (7,9
gL-1), Thalassiosira a des difficults crotre, le taux de croissance ne reprsente quun
quart de la croissance maximale. Laddition de 1 mM (79 mgL-1) de slniate la culture est
toxique et la croissance est compltement inhibe.
Chez lamphipode Corophium sp. les acides amins slnis, slno-L-mthionine et
slno-DL-cystine, sont plus toxiques (LC50 96h = 1.5 et 12.7 gL-1) que les formes
inorganiques, slnite et slniate (NOEC 96h = 58 et 116 gL-1 ) (Hyne et al., 2002).
Une inhibition de croissance de 50 % chez Chlorella pyrenoidosa a t rapporte pour
une concentration de 800 gL-1 (10 M) de slniate dans le milieu (Bennett, 1988).
Chez E. Coli, la thymidylate synthase ayant de la SeMet substitue la Met, prsente
une activit spcifique 40 fois plus importante que lenzyme normale. De mme, si plus de la
moiti des 150 rsidus de Met sont substitus par de la SeMet, la Galactosidase est inactive
(Schrauzer, 2000).
Des effets toxiques du slnite ont pu tre observs en termes de modifications de
lultrastructure de cellules algales (Morlon et al., 2005) et de lamelles branchiales de poisson
(Lemly, 1993a). Les effets pathologiques observs par Lemly (1993b) au niveau de la
branchie du poisson tlosten Lepomis cyanellus (exposs une contamination au slnium
dans le lac Belews, Caroline du Nord, US) sont une dilatation des sinus et un gonflement des
lamelles branchiales. Cette dilatation des lamelles branchiales due au slnium, pose des
problmes de flux sanguin, dchanges gazeux inefficaces et une rponse mtabolique accrue
(augmentation de la demande respiratoire et de la consommation doxygne). Des effets
tratognes ont aussi t observs dans ce lac. Des effets sur la reproduction et le
dveloppement du poisson peuvent se manifester suite des expositions chroniques dans
leau des concentrations de Se infrieures 5 gL-1 (Lemly, 1999).
36
37
Des dommages ultrastructuraux chez la daphnie ont t observs ds 16 h dexposition
2 mgL-1 de slnite (Schultz et al., 1980). Dans tous les tissus observs (muscles, nerf), les
premiers organites touchs taient les mitochondries. Elles commenaient par gonfler et
semblaient se dsorganiser. Le gonflement tait suivi par lapparition de granules denses dans
la matrice mitochondriale. Les mitochondries pouvaient finir par dgnrer avec le temps.
Mammifres terrestres
Plusieurs auteurs ont montr une toxicit du slnium chez la souris qui tait
largement dpendante de la forme chimique de Se considre. Ainsi, Zhang et al. (2005),
montrent que le slnite prsente une toxicit plus importante que le slnium lmentaire
pour la souris. Ils observent dans le foie de souris, aprs administration de slnite, une
diminution de la catalase et de la superoxyde dismutase, une augmentation du malonaldhyde
A, ainsi quune diminution du glutathion et paralllement, une augmentation des glutathion
peroxydase et transfrase. Les modifications de ces marqueurs sont le signe dun stress
oxydant aprs exposition au slnite.
Stewart et al. (1999), montrent galement par des tudes in vitro sur cultures
cellulaires de souris, que le slnium peut induire un stress oxydant et lapoptose. Ils montrent
que le slnite et la slnocystamine cre des adduits lADN, lapoptose et quils sont
cytotoxiques pour les kratinocytes de souris. En revanche, aucun effet ntait observ aprs
exposition la SeMet.
La dose ltale moyenne de SeMet (LD50) chez des rats ayant reu une injection
intraperitonale est de 4.25 mgkg-1 et ainsi, comparable celle du slnite et slniate. Les 2
isomres de la SeMet ( L- et D- slnomthionine) prsentent la mme toxicit chez le rat et
sont tous les 2 accumuls dans le muscle squelettique, cur, foie et rythrocytes des degrs
quivalents, il ny a que le taux de Se plasmatique qui est plus faible dans le cas de la slno-
L-mthionine (Schrauzer, 2000).
Il a galement t montr que le slnite de sodium pouvait altrer le potentiel de
membrane de la mitochondrie et donc contribuer lapoptose (Kim et al., 2002) chez le rat.
Loxydation des groupements thiols par le slnite, entranerait une chute du potentiel de
membrane mitochondriale engendrant un relargage de cytochrome c, conduisant lapoptose.
Leffet anticancer du slnium pourrait tre du ce phnomne.
38
Figure 5 : Modle biologique, C. fluminea, positionn dans le substrat.
1 cm
39
1.2. Le modle biologique tudi : Corbicula fluminea
Le bivalve Corbicula fluminea a t choisi car il est trs reprsentatif des cosystmes
aquatiques continentaux. Il peut tre retrouv dans de nombreux cosystmes aussi bien
lotiques que lentiques. Dautre part, sa physiologie respiratoire a largement t tudie
rcemment (Tran et al., 2000; Tran et al., 2001; Tran et al., 2002; Tran et al., 2003; Fournier
et al., 2004; Tran et al., 2004a; Tran et al., 2004b).
1.2.1.Origine
C. fluminea ou palourde asiatique est un bivalve deau douce fouisseur vivant
linterface entre le substrat et la colonne deau (Figure 5). Cest une espce invasive qui a tout
dabord colonis les continents asiatique, africain, australien et la Nouvelle guine, pour
ensuite coloniser le continent nord amricain. Elle est lheure actuelle en pleine phase
dexpansion en Europe. Des densits allant jusqu 2500 individusm-2 ont t rencontres au
sein de rivires anglaises (Aldridge et Muller, 2001).
1.2.2.Intrt cotoxicologique : espce bioindicatrice
C. fluminea est un modle biologique trs utilis en cotoxicologie aquatique. Il
rpond aux critres dun bon bioindicateur de pollution : il est prsent en grande quantit, il
est sdentaire, ubiquiste, de collecte facile, de taille et de dure de vie ncessaire et suffisante
(3-4 ans) et il possde une relativement large rsistance aux pollutions.
1.2.3.Ecologie
C. fluminea est une espce benthique peu exigeante quant son habitat. Elle colonise
aussi bien les systmes lotiques que lentiques. Espce opportuniste, elle prfre les substrats
composs de sable et de graviers, mais peut saccommoder de substrats mous comme les
fonds vaseux. Elle peut coloniser des milieux dont les tempratures extrmes sont comprises
entre 2 et 34 C. Loptimum thermique se situe entre 20 et 25 C (Foe et Knight, 1986). Elle
peut vivre dans des milieux dont la salinit est comprise entre 0 3 (Gunther et al., 1999).
40
Figure 6 : Schma des principaux organes de C. fluminea (Britton et Morton, 1982).
41
Une tolrance de C. fluminea des salinits allant jusqu 13 a t dcrite par
certains auteurs (Morton et Tong, 1985). Son rgime alimentaire est microphage slectif, se
nourrissant prfrentiellement dalgues, organismes zooplanctoniques, bactries et dtritus
organiques. Il sagit dune espce hermaphrodite (Dillon, 2000).
1.2.4.Anatomie et physiologie
Dans un contexte de bioaccumulation de contaminants, on peut distinguer 2
compartiments chez C. fluminea : la coquille (ou exosquelette), forme de 2 valves
quilatrales et le corps mou qui comprend la masse des organes (Figure 6). Le manteau
recouvre entirement la face interne de la coquille et englobe lensemble du corps mou. Les 2
lobes du manteau fusionnent postro-latralement pour former les siphons inhalant et
exhalant. Les branchies permettent C. fluminea de filtrer leau pour assurer les changes
respiratoires (leau passe sur lpithlium respiratoire des branchies o loxygne va diffuser
de leau vers le sang) et se nourrir en pigeant des particules dont la taille peut atteindre
quelques m (algues unicellulaires phytoplanctoniques, bactries ou bien particules
organiques). Leau entre par le siphon inhalant, circule dans la cavit pallale et les branchies
pour ressortir par le siphon exhalant.
Lactivit ventilatoire est provoque par les battements des cils latraux situs sur les
branchies. Les mouvements des valves ne sont pas responsables de larrive de leau sur les
surfaces dchange, mais leur fermeture interdit toute circulation deau en protgeant la masse
des organes. Les muscles adducteurs sont lorigine de lactivit valvaire. Le pied de C.
fluminea sert la locomotion dans le substrat.
42
Figure 7 : Reprsentation schmatique de la branchie de bivalve (Le Pennec et al., 2003)
Figure 8 : Organisation dune branchie filaments rflchis (Mytilus edulis)
(daprs Le Pennec et al., 2003)
Lame interne Lame externe
Manteau
Feuillet direct (= descendant)
Axe branchial
Septe interfolliaire Feuillet rflchi (= ascendant)
Cavit interfollaire
Gouttire alimentaire
Espace lacuneux
Jonction interfilamentaire
Cils fontaux
Cils latro- fontaux
Cils latraux
43
1.2.5.Branchies et mcanique ventilatoire
1.2.5.1. Anatomie des branchies
La branchie existe de chaque ct du corps sous forme de 2 lames, externe et interne
(Figure 7). Chaque lame est constitue dun feuillet descendant et dun feuillet ascendant
relis laxe branchial. Cest dans cet axe que se trouvent les troncs vasculaires affrent et
effrent et les principaux muscles assurant les mouvements branchiaux (Le Pennec et al.,
2003). Llment de base de la branchie est le filament. Tous les filaments sont disposs en
srie, parallles entre eux. Chez C. fluminea, comme chez tous les eulamellibranches, ils sont
longs troits et rflchis (Figure 8). Sur une mme lame, tous les feuillets sont semblables, on
parle de branchie lisse. La ciliature des filaments consiste essentiellement en cils frontaux,
latro-frontaux et latraux. Leau circule dans le tissu branchial grce au mouvement des cils
latraux. On considre que les ostiums participent, en fonction de leur degr
douverture/fermeture, la rgulation du dbit. Chaque filament est soutenu par un tissu
conjonctif, par des fibres musculaires et un tissu de soutien (chitine).
1.2.5.2. Fonction des branchies
Les branchies remplissent plusieurs fonctions : lhmatose du sang et la capture de
particules alimentaires. Les cellules ciliaires et mucus attirent, slectionnent, capturent et
conduisent les particules vers les palpes et la bouche. Lintensit de lactivit dpend de
nombreux facteurs extrieurs dclencheurs comme la temprature, la charge particulaire et de
facteurs internes de rgulation (Tran et al., 2002; Le Pennec et al., 2003).
1.2.5.3. Mcanique ventilatoire
La rgulation du dbit ventilatoire dpend dune part de lactivit des cils et dautre
part de la contraction des muscles branchiaux (Gardiner et al., 1991; Medler et Silverman,
2001; Gainey et al., 2003).
44
Figure 9: Schma de deux filaments branchiaux montrant les cils impliqus dans
lactivit ventilatoire du bivalve (modifi daprs Jorgensen, 1990).
Figure 10 : Structure branchiale (daprs Medler et Silverman, 2001).
Figure 11 : a. Dimension des tubes aquifres chez 3 bivalves lors du relchement et de
la contraction musculaire de 3 bivalves. b : coupe transversale de branchies relches de M.
mercenaria ; c : coupe transversale de branchies contractes de M. mercenaria (Gardiner et
al., 1991).
a b
c
Eau inspire
ostium
Cils latraux (mouvement deau)
Cils frontaux (dplacement des particules)
Cils latro-frontaux (collecte des particules)
Fibres musculaires Ostium externe
Ostium interne Tissu conjonctif
filament
45
Le rle des cils
Les trois types de cils qui se trouvent sur les filaments ont chacun une fonction bien
prcise dans la mcanique ventilatoire (Figure 9). Les cils latraux, situs dans les canaux
interfilamentaires o se trouve un pithlium respiratoire, crent un mouvement deau et sont
donc responsables de lactivit ventilatoire (Jorgensen, 1990). Il existe aussi les cils latraux
frontaux qui vont collecter les particules alimentaires (Silverman et al., 1996). Les cils
frontaux vont quant eux vont fonctionner comme un tapis roulant sur lequel sont
transportes les particules alimentaires pour tre emportes vers les palpes labiaux, la bouche
et le tractus digestif. Les particules sont piges par un tapis de mucus et les cils frontaux
dplacent ce mucus.
Le rle des muscles
Le diamtre des passages deaux travers les branchies dpend des contractions de la
musculature branchiale (Figure 10). Jorgensen (1990) dcrit la mcanique ventilatoire chez
les bivalves filtreurs. Il indique que lactivit ventilatoire varie avec le degr douverture des
valves et louverture des siphons. Suite la fermeture des valves, une modification de
lextension du siphon et du manteau est observe, ce qui peut affecter la pompe branchiale en
affectant les distances interfilamentaires. Les muscles qui rtractent le manteau et le siphon
sont en continuation des muscles qui se trouvent la base des branchies. Ainsi, la rtractation
du manteau et siphon peut diminuer laxe branchial et donc celui des hmibranchies. Une
diminution des canaux interfilamentaires est alors constate, cependant, la largeur des
filaments reste identique. Cette rduction de la largeur du canal interfilamentaire (drive
dune fermeture des valves) participerait la diminution du dbit ventilatoire. Une relaxation
excessive des muscles namplifie pas ou que trs peu la capacit ventilatoire.
Medler et Silverman (2001), qui ont tudi leffet dune modification de la
musculature branchiale de C. fluminea sur les processus de ventilation, indique que les
muscles des Eulamellibranches sont organiss dune faon rguler la dimension des
passages deau. Ils montrent que la contraction des muscles branchiaux diminue la distance
interfilamentaire, la taille des ostiums internes et du tube aquifre (Figure 11). Ceci indique
que laltration du tonus musculaire des muscles lisses peut modifier le dbit ventilatoire.
46
Figure 12 : A : Coupe transversale de branchie montrant 3 filaments chez Dreissena
polymorpha. f : cils frontaux ; c : cils latro-frontaux ; l : cils latraux ; e : cellules
pithliales ; o : ostium ; i : ostium interne ; w : tube aquifre ; w : tube aquifre central ;
trait = 25 m. B : Dtails des cellules pithliales de filaments f : cellules pithliales
frontales ; p : cellules pro-latro-frontales ; c : cellules latro-frontales ; l : cellules
pithliales latrales ; e : cellules pitheliales indiffrencies; m : cellules mucus, ct : tissu
conjonctif. trait = 5 m (Silverman et al., 1996).
Figure 13 : A : Coupe transversale de branchie dAnodonta (antrio-postrieure de
gauche droite). B : Coupe transversale de filaments (dorso-ventral). F : filament ; NM :
bande musculaire ; O : ostiums. trait = 50 m. (daprs Gardiner et al., 1991).
A B
A B
47
Gardiner et al. (2001), montrent que chez les moules deau douce, il existe 2 types de
bandes de muscles stris. Il y a dune part, les bandes de muscles situes la base des
filaments. Elles alternent avec les ostiums. Lors de la contraction de ces muscles, on a
diminution du canal interfilamentaire. Dautres fibres musculaires se trouvent au niveau de
lpithlium qui borde le tube aquifre et autour de lostium interne. Ils contrlent le diamtre
des ostiums internes.
1.2.6.Facteurs du milieu influenant la physiologie respiratoire de C. fluminea
Certains facteurs du milieu sont susceptibles dinfluencer lactivit valvaire
(mouvement douverture et de fermeture des valves) et ventilatoire des bivalves, ce qui peut
entraner des variations tout fait importantes dans les taux daccumulation dun polluant
(Tran et al., 2001; Tran et al., 2002; Tran et al., 2004b). Loxygne, la variation de
concentration de plancton, la temprature, le stress ainsi que la nature du contaminant, sont
parmi les facteurs qui peuvent entraner des variations de dbit ventil.
Oxygnation du milieu
C. fluminea est capable de maintenir constante sa consommation doxygne lorsque
loxygnation du milieu varie de lhypoxie (10 % de saturation lair) jusqu lhyperoxie
(200 % de saturation lair) (Tran et al., 2000). C. fluminea maintient lhomostasie de son
milieu intrieur en termes doxygnation via un ajustement de la ventilation et sans
modification du dbit cardiaque.
Ces changements doxygnation du milieu (de 4 40 kPa) modifient profondment les
processus de contamination par le cadmium (Tran et al., 2001). LO2 peut influencer les
cintiques de charge du polluant et lorganotropisme en modifiant les teneurs relatives de
bioaccumulation dans les organes. Lorsque lO2 diminue dans le milieu, C. fluminea
hyperventile pour maintenir constant lapprovisionnement en O2 dans ses cellules. En
hypoxie, les flux de cadmium traversant les cavits branchiales augmentent,
lhydrodynamisme de leau ventile est modifi et lanimal se contamine plus vite par voie
directe.
48
Tableau 6 : Facteurs environnementaux pouvant modifier la physiologie respiratoire
de C. fluminea.
Facteur du milieu
tudi
Effet physiologique
observ
Rfrence
bibliographique
Densit algale Ajustement du dbit
ventilatoire
Tran et al., 2002.
Temprature Ajustement du dbit
ventilatoire
Tran et al., 2002.
pO2 Ajustement du dbit
ventilatoire
Tran et al., 2000 ;
Tran et al., 2004
pCO2 Ajustement du dbit
ventilatoire Tran et al., 2004
Polluant U Fermeture des valves Fournier et al., 2004
Polluant Cd Fermeture des valves Tran et al., 2003
Polluant Cu Fermeture des valves Tran et al., 2004
Polluant U
Ajustement du dbit
ventilatoire
Ajustement de
louverture/fermeture
des valves
Tran et al., 2004
49
Densit de phytoplancton
La nourriture a une influence fondamentale sur lactivit ventilatoire et ceci dpend de
la temprature. A 15 C, la ventilation dpend de lapport trophique quand la concentration de
plancton dans le milieu est < 2105 cellsmL-1, tandis qu 25 C la ventilation dpend de
lapport trophique quand la concentration de plancton est < 5105 cellsmL-1 (Tran et al.,
2002).
Temprature
Lactivit ventilatoire de C. fluminea dpend de la temprature via son influence sur le
mtabolisme. Une augmentation de mtabolisme demande un approvisionnement en oxygne
(comburant) et en nourriture (carburant) plus important, ainsi quune augmentation de la
vitesse dlimination du CO2, un des produits finaux du mtabolisme (Tran et al., 2002). Le
phnomne a t montr chez divers bivalves dont Brachidontes striatulus (Masilamoni et al.,
2002). Tran et al. (2002) montrent que les niveaux de base en termes de dbit ventilatoire de
C. fluminea sont de 12.8 mLh-1g-1 pour des concentrations de plancton non limitantes (>
2105 cellsmL-1) 15 C et de 26.5 mLh-1g-1 pour des concentrations de plancton non
limitantes (> 5105 cellsmL-1) 25 C.
pH
Fournier et al. (2004) nont pas observ deffet direct dune modification du pH de 6.5
5.5 sur lactivit valvaire de C. fluminea, cependant un effet indirect a t observ. En
prsence duranium, la chute de pH entrane une modification de la spciation chimique de
lU(VI) en solution et entrane la fermeture des valves. Une diminution des priodes dactivit
a t observe chez un autre bivalve Anadonta cygnea quand le pH passait de 8 4 (Pynnnen
et Huebner, 1995).
Prsence dun contaminant
Les bivalves possdent un moyen de protection vis vis de la survenue dun
contaminant qui est la fermeture rapide de leurs valves. Diffrents valvomtres actuellement
sur le march, permettent lenregistrement de lactivit valvaire des bivalves.
50
51
Lenregistrement de ces mouvements peut tre utilis sur le terrain pour la dtection
de pollutions aigus (Slooff et al., 1983; Kramer et al., 1989; Sluyts et al., 1996) ou en
laboratoire pour valuer la toxicit de composs chimiques (Markich et al., 2000). Les auteurs
dterminent des seuils de sensibilit aux polluants pour une espce de bivalve donne, au-del
desquels lactivit valvaire de ces bivalves est perturbe (Markich et al., 2000; Tran et al.,
2003; Fournier et al., 2004; Tran et al., 2004a). Des modifications de lactivit ventilatoire de
C. fluminea ont galement t rapportes dans la littrature. Tran et al. (2004) montrent une
chute du dbit ventilatoire en prsence duranium. A notre connaissance, une seule
publication (Watling et Watling, 1982) a rapport des effets du slnium au niveau de
lactivit ventilatoire dun bivalve. Chez la moule Perna perna, ils ont test leffet dune
exposition directe au slnite sur 1 heure. Ils rapportent une inhibition de la ventilation des
concentrations de slnite allant de 100 300 gL-1, une stimulation de 300 700 gL-1 et
puis une inhibition aux valeurs plus leves.
2. DEMARCHE EXPERIMENTALE ET PRINCIPAUX PARAMETRES ETUDIES
2.1.1.Dmarche exprimentale
Le slnium est prsent dans lenvironnement sous plusieurs tats doxydation
et sous diverses formes chimiques ( 1.1.1.1). Il a t montr que sa bioaccumulation et sa
toxicit dpendaient des diffrentes formes chimiques mises en jeu ( 1.1.5 et 1.1.6). Les
effets des diffrentes formes chimiques de Se sur sa biodisponibilit, sa bioaccumulation et sa
toxicit ont t trs tudis chez les organismes phytoplanctoniques. En revanche, peu
dtudes se sont intresses aux maillons trophiques suprieurs. De plus, ltude de la voie
trophique et de la voie directe sur un mme modle biologique a rarement t fait.
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Dans ce