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Bioaccumulation du sélénium et effets biologiques induits chez le bivalve filtreur Corbicula fluminea. Prise en compte de l’activité ventilatoire, de la spéciation du sélénium et de la voie de contamination. Elodie FOURNIER Octobre 2005 IRSN-2005/58 - FR Laboratoire de Radioécologie et d’Ecotoxicologie IRSN - Siège social - 77, av. du Général-de-Gaulle - 92140 Clamart Standard +33 (0)1 58 35 88 88 - RCS Nanterre B 440 546 018 T H È S E

Bioaccumulation du sélénium et effets biologiques induits ... · Bioaccumulation du sélénium et effets biologiques induits chez le bivalve filtreur Corbicula fluminea. Prise en

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  • Bioaccumulation du slnium et effets biologiques induits

    chez le bivalve filtreur Corbicula fluminea.

    Prise en compte de lactivit ventilatoire, de la spciation du slnium

    et de la voie de contamination. Elodie FOURNIER Octobre 2005 IRSN-2005/58 - FR

    Laboratoire de Radiocologie et dEcotoxicologie IRSN - Sige social - 77, av. du Gnral-de-Gaulle - 92140 Clamart Standard +33 (0)1 58 35 88 88 - RCS Nanterre B 440 546 018

    T H S E

  • Thse

    Prsente Luniversit Bordeaux 1

    Ecole Doctorale

    Sciences du Vivant, Gosciences et Sciences de lEnvironnement

    Par

    Elodie Fournier

    Pour lobtention du titre de Docteur Mention Sciences

    Spcialit Ecotoxicologie

    Bioaccumulation du slnium et effets biologiques induits

    chez le bivalve filtreur Corbicula fluminea.

    Prise en compte de lactivit ventilatoire, de la spciation du slnium

    et de la voie de contamination.

    Thse soutenue le 10 octobre 2005

    Aprs avis de : Mr Campbell P., Professeur, INRS-ETE, Universit du Qubec Rapporteur Mr Fisher N., Professeur, Universit de New-York Rapporteur

    Devant la commission dexamen forme de : Mlle Adam C., Chercheur, IRSN Cadarache, encadrante IRSN Mr Bourdineaud J.P., Professeur, LEESA, Universit de Bordeaux 1, Prsident Mr Campbell P., Professeur, INRS-ETE, Universit du Qubec Mr Fisher N., Professeur, Universit de New-York Mme Garnier-Laplace J., HDR, IRSN Cadarache, Directrice de thse Mr Massabuau J.C., Directeur de recherche, CNRS 5805, Co-directeur de thse Mme Potin-Gautier M., Professeur, Universit de Pau

    N dordre : 3029

  • Remerciements

    Je tiens adresser mes trs sincres remerciements tous les membres du jury qui ont

    accept de juger ce travail et lensemble des personnes qui ont contribu llaboration de

    cette thse.

    Tout dabord, je souhaiterais remercier Mme Jacqueline Garnier-Laplace et Mr Jean-

    Christophe Gariel de mavoir accueillie au sein de leur quipe et de mavoir confi ce sujet

    de thse. Un merci particulier Jacqueline, en tant que directrice de thse, pour la confiance

    quelle a su me porter et la disponibilit dont elle a fait preuve tout au long de cette thse. Je

    tiens galement exprimer ma reconnaissance Jean-Charles Massabuau pour avoir co-

    dirig avec grand intrt ce travail. Malgr la distance, Jean-Charles a toujours su me

    conseiller et apporter ses enseignements aviss sur la partie physiologie du bivalve. Je tiens

    galement adresser ma gratitude Christelle Adam pour son encadrement en temps que

    tuteur IRSN et laide prcieuse quelle ma apporte lors de la rdaction de ce manuscrit.

    Merci Christelle pour sa bonne humeur permanente, son immense gentillesse, ses

    encouragements et sa confiance.

    Je suis trs sensible lhonneur que mont fait Mrs les Professeurs Campbell et

    Fisher, en acceptant dtre rapporteurs de ce travail de thse. Je tiens galement remercier

    Mr le Professeur Bourdineaud qui a gentiment accept dtre membre du jury.

    Je ne saurai oublier de saluer, dans ces remerciements, Monsieur Damien Tran, qui

    est le premier mavoir initie lcophysiologie et lcotoxicologie chez le bivalve, en

    matrise, puis en DEA. Damien a su me donner le got de la recherche, lenvie et la

    motivation ncessaire pour poursuivre dans cette voie. Je tiens galement remercier tous les

    membres du LEESA, o le sjour est toujours rendu agrable. Aprs mavoir accueillie en

    matrise, puis en DEA, ils ont contribu la ralisation des analyses dexpressions

    gntiques au cours de cette thse.

  • Je remercie enfin tous les membres du laboratoire qui ont particip, de prs ou de

    loin, au bon droulement de ce doctorat. Merci plus particulirement :

    - Marcel Morello, pour les nombreux et rapides dosages en scintillation liquide quil a

    effectus pour moi.

    - Virginie Camilleri, avec qui il est trs agrable et apprciable de travailler. Je la

    remercie pour lefficacit et limplication dont elle a fait preuve lors de mes dernires

    exprimentations.

    - Isabelle Cavali pour mavoir enseign lart et la manire de dompter le FIAS,

    appareil de mesure du slnium.

    - Magali Floriani, et son jouet, le MET, pour les heures quelle a passes inclure,

    couper, recouper, observer, analyser, sonder, photographier, Je la remercie dune

    part pour sa rigueur et son implication dans le travail, mais aussi pour son amiti,

    coute et soutien tout au long de cette thse.

    - Brigitte Ksas pour tous ses petits services rendus facilitant la vie au laboratoire :

    gestion des dchets, des corbis, des commandes,

    - Olivier Simon, pour sa promptitude leffort de pche.

    - Herv Spor, pour sa disponibilit, pluri et multi fonctionnalit, diplomatie, patience et

    sa confiture aux abricots.

    - Sabrina Barillet, ma voisine de bureau, pour tous ses enseignements et dpannages

    informatiques.

    - Hlne Morlon, pour mavoir initie la culture algale, mais aussi au monde des

    grimpeurs et plongeurs.

    - Christophe et Thomas, pour leurs blagues orientes et douteuses, qui finissent

    toujours par faire rire.

    - Claudine, pour sa gentillesse, disponibilit et ses carambars la fraise.

    - Super Roro, pour sa Grande Gentillesse (parfois trop grande !).

    - et tous les autres.

    Enfin, merci tous mes proches de mavoir toujours soutenue et encourage.

  • Liste des abrviations

    AE : Assimilation Efficiency (Efficacit dAssimilation)

    AFSSA : Agence Franaise de Scurit Sanitaire des Aliments

    ANDRA : Agence Nationale de la gestion des Dchets Radioactifs

    BCF : BioConcentration Factor (Facteur de BioConcentration)

    CAT : Catalase

    CE : Coefficient dExtraction

    coxI: Gne de la cytochrome c oxydase 1

    Cyst : Cystine

    DPM : Dsintgration Par Minute

    EC : Effect Concentration (Concentration dEffet)

    EPA : Environmental Protection Agency

    ERO : Espces Ractives de lOxygne

    FC : Facteur de Concentration

    GPx : Glutathion Peroxydase

    GSH : Glutathion rduit

    GSSG : Glutathion oxyd

    HG-QFAAS : Hydride Generation - Quartz Furnace Atomic Absorption Spectrometry

    HSM : High Salt Medium (milieu de culture des algues)

    ICP-AES : Spectromtrie dEmission Atomique Source Plasma Couplage Inductif

    LC : Lethal Concentration (Concentration Ltale)

    MET : Microscope Electronique Transmission

    mt1: Gne de la mtallothionine 1

    NOEC : No Observed Effect Concentration (concentration sans effet observ)

    rpS9: Gne de la protine ribosomique S9

    SeCyst : Slnocystine

    SeMet : Slnomthionine

    SOD : Superoxyde dismutase

  • S9 : Fraction obtenue aprs centrifugation 9000 g pendant 30 minutes

    RDA : Recommended Dietary Allowance

    bT : Priode biologique

    TCA : Acide TrichloroActique

    tit : Gne de la titine

    W.

    V : Dbit ventilatoire

  • Table des matires 1. BASES BIBLIOGRAPHIQUES....................................................... 7

    1.1. Le contaminant tudi : le slnium.......................................... 7 1.1.1. Proprits gnrales................................................................................... 7

    1.1.2. Sources et concentrations de Se dans lenvironnement........................... 11

    1.1.3. Cycle biogochimique du slnium......................................................... 13

    1.1.4. Mtabolisme du slnium chez les animaux ........................................... 15

    1.1.5. Bioaccumulation du slnium chez les organismes aquatiques .............. 17

    1.1.6. Rle physiologique et toxicit du slnium............................................. 27

    1.2. Le modle biologique tudi : Corbicula fluminea ................. 39 1.2.1. Origine..................................................................................................... 39

    1.2.2. Intrt cotoxicologique : espce bioindicatrice ..................................... 39

    1.2.3. Ecologie................................................................................................... 39

    1.2.4. Anatomie et physiologie.......................................................................... 41

    1.2.5. Branchies et mcanique ventilatoire........................................................ 43

    1.2.6. Facteurs du milieu influenant la physiologie respiratoire de C. fluminea .

    ................................................................................................................. 47

    2. DEMARCHE EXPERIMENTALE ET PRINCIPAUX

    PARAMETRES ETUDIES .............................................................................. 51 2.1.1. Dmarche exprimentale ......................................................................... 51

    2.1.2. Paramtres tudis ................................................................................... 55

    2.1.3. Articulation du mmoire.......................................................................... 65

    3. MATERIELS ET METHODES ..................................................... 69

    3.1. Conditions exprimentales ....................................................... 69 3.1.1. Origine et maintenance des organismes .................................................. 69

    3.1.2. Choix du milieu dexposition .................................................................. 69

    3.1.3. Dispositif exprimental ........................................................................... 69

    3.1.4. Voies de contamination ........................................................................... 71

    3.2. Mesure du dbit ventilatoire .................................................... 73

    3.3. Mthodes danalyses du slnium............................................ 75

  • 3.3.1. Dosage du slnium stable ...................................................................... 75

    3.3.2. Dosage du 75Se ........................................................................................ 79

    3.4. Dosages biochimiques ............................................................... 81 3.4.1. Protocoles de prparations des fractions S9 pour le dosage des

    biomarqueurs ................................................................................................................. 81

    3.4.2. Protocole de dosage des activits enzymatiques ..................................... 83

    3.5. Expression de gnes................................................................... 87

    3.6. Le Microscope Electronique Transmission (MET) et la

    spectromtrie par dispersion dnergie (EDS)............................................ 89 3.6.1. Appareillage ............................................................................................ 89

    3.6.2. Prparation des chantillons .................................................................... 89

    3.7. Fractionnement subcellulaire et chromatographie basse

    pression ..................................................................................................... 91 3.7.1. Prparation des fractions subcellulaires .................................................. 91

    3.7.2. La chromatographie dexclusion strique ............................................... 93

    3.8. Bases thoriques de la modlisation des transferts du

    slnium ..................................................................................................... 97

    3.9. Analyses statistiques des rsultats ......................................... 101

    4. RESULTATS ET DISCUSSION.................................................. 103

    4.1. Bioaccumulation du slnium chez C. fluminea : rle de la

    ventilation du bivalve et de la spciation du slnium ............................. 103 4.1.1. Bioaccumulation du slnium par la voie directe : effet de la ventilation

    du bivalve et de la spciation du slnium..................................................................... 105

    4.1.2. Bioaccumulation du slnium par la voie trophique : effet de la

    ventilation du bivalve et de la spciation du slnium................................................... 123

    4.1.3. Comparaison de la bioaccumulation du slnium par la voie directe et par

    la voie trophique............................................................................................................. 147

    4.1.4. Principales avances et conclusions du chapitre ................................... 165

  • 4.2. Bioaccumulation du slnium diffrents niveaux

    dorganisation biologique chez C. fluminea .............................................. 167 4.2.1. Introduction ........................................................................................... 167

    4.2.2. Rsultats ................................................................................................ 171

    4.2.3. Discussion.............................................................................................. 179

    4.2.4. Principales avances et conclusions ...................................................... 189

    4.3. Toxicit subcellulaire du slnium......................................... 193 4.3.1. Suivi du statut anti-oxydant de C. fluminea lors dune exposition au Se....

    ............................................................................................................... 193

    4.3.2. Effet du slnium sur lexpression de gnes ......................................... 207

    4.3.3. Effet dune exposition au Se sur lultrastructure des cellules branchiales

    de C. fluminea ............................................................................................................... 213

    4.3.4. Principales avances et conclusions du chapitre ................................... 225

    5. CONCLUSION GENERALE ....................................................... 227

    5.1. Synthse des principales avances ......................................... 227 5.1.1. Avances concernant lcophysiologie du bivalve................................ 227

    5.1.2. Avances concernant la bioaccumulation du slnium......................... 231

    5.1.3. Avances concernant la toxicit du slnium........................................ 235

    5.2. Perspectives de recherches ..................................................... 237 5.2.1. Concernant lcophysiologie de C. fluminea......................................... 237

    5.2.2. Concernant la bioaccumulation ............................................................. 239

    5.2.3. Concernant la toxicit............................................................................ 241

  • 1

    Introduction gnrale

    Le dveloppement de lindustrialisation a conduit des contaminations de plus en plus

    importantes de lensemble des cosystmes. Une fois prsents dans lenvironnement, les

    polluants subissent de nombreux phnomnes de transport, par lair, ou par leau et

    aboutissent gnralement dans le domaine aquatique. La contamination des milieux

    aquatiques devient donc un problme fondamental car elle peut constituer un risque pour la

    biocnose et la prservation des ressources. Lune des priorits de la Directive Cadre

    europenne sur leau (2000/60/CE) du 23/10/2000 est la protection de tous les milieux

    aquatiques naturels avec un objectif de bon tat cologique pour les eaux de surface

    lhorizon 2015. Parmi les substances classes comme toxiques, le slnium est un lment

    pour lequel la concentration maximale admissible pour les eaux de surface, 10 gL-1, est

    rgulirement dpasse. Des anomalies en slnium ont ainsi t releves dans les eaux de

    captage ou de redistribution dans de nombreux dpartements franais (AFSSA, 1999;

    AFSSA, 2004). Le dpassement des concentrations en Se peut provenir des nombreuses

    utilisations du slnium par lhomme (mdecine, agriculture, industrie) qui font quil va

    pouvoir tre relargu dans lenvironnement, par les eaux uses, lirrigation de zones agricoles

    naturellement riches en Se ou encore la production et la combustion du charbon (Barceloux,

    1999; Lemly, 2004). Dans le domaine du cycle du combustible nuclaire, son isotope

    radioactif, le 79Se, fait partie de la liste des radionuclides vie longue et est prsent comme

    lment prioritaire au sens de lvaluation de la sret selon la mthodologie dveloppe par

    lANDRA (Agence Nationale de la gestion des Dchets RAdioactifs) (ANDRA, 2001). Dans

    ce cadre gnral, ltude des processus daccumulation et de toxicit du slnium dans les

    cosystmes aquatiques continentaux est primordiale.

    Le slnium est un lment essentiel chez les organismes vivants dans une gamme

    troite de concentrations (Hodson et Hilton, 1983; EPA, 2004). La toxicit du slnium dans

    lenvironnement sest dj manifeste plusieurs reprises, notamment par des effets sur la

    reproduction ou une mortalit accrue chez des populations de poissons et doiseaux

    aquatiques (Lemly, 2002a; Ohlendorf, 2002; Hamilton, 2004; Lemly, 2004). Cependant, la

    comprhension de limpact de cette pollution est limite par la complexit de nombreux tats

    doxydation du slnium, qui vont gouverner son cycle biogochimique et sa toxicit. Dans le

    milieu aquatique en conditions oxydantes modrment oxydantes, il a tendance former des

    oxyanions, slnite Se(+IV) et slniate Se(+VI) (Coughtrey et al., 1983), qui sont trs

    mobiles et donc potentiellement biodisponibles pour les organismes.

  • 2

  • 3

    Lors de son transfert dans les rseaux trophiques, il pourra tre converti en diffrentes

    formes organiques et inorganiques. Peu dtudes ont t menes concernant les effets lis

    ces diffrents tats redox sur les organismes de niveau trophique suprieur. De plus, pour un

    mme modle biologique, la bioaccumulation est rarement apprhende par les 2 voies de

    contamination (directe-trophique). La majorit des tudes en laboratoire prenant en compte la

    spciation du slnium, ont t ralises sur des modles unicellulaires phytoplanctoniques ou

    bactriens (Kiffney et Knight, 1990; Riedel et al., 1991; Hu et al., 1996; Riedel et Sanders,

    1996; Riedel et al., 1996; Morlon, 2005). Cest pour ces raisons, que nous avons choisi

    dtudier un modle biologique consommateur primaire, appartenant la classe des bivalves.

    Parmi ces animaux, diverses espces vivent linterface eau/sdiment et sont trs utilises en

    cotoxicologie en tant que bioindicateurs de contamination.

    Ils peuplent de nombreux systmes aquatiques o les caractristiques du milieu

    peuvent tre trs variables. Leur activit ventilatoire sert deux fonctions primordiales :

    respiration et nutrition. Ainsi, leurs branchies sont la fois une voie de passage pour des

    contaminations directes et trophiques. Le bivalve Corbicula fluminea a t choisi car de

    nombreux aspects de sa physiologie respiratoire ont dj t largement tudis (Tran, 2001).

    Rcemment, il a t montr que chez cet organisme, deux facteurs vont pouvoir conditionner

    lentre de polluants : la spciation chimique du contaminant considr et lintensit de

    lactivit ventilatoire du bivalve (Tran et al., 2004b).

    Ainsi, pour comprendre les processus impliqus dans laccumulation du slnium et sa

    toxicit chez C. fluminea, les facteurs qui ont t pris en compte sont la spciation chimique

    du slnium, la dpendance de lactivit ventilatoire du bivalve vis vis des conditions

    environnementales et la voie de contamination. Notre dmarche exprimentale a consist tout

    dabord tudier limpact de diffrentes formes chimiques de Se et de diffrentes intensits

    ventilatoires du bivalve, obtenues en modifiant les apports trophiques, sur la bioaccumulation

    aprs une exposition de trois jours par la voie directe et par la voie alimentaire. Limpact du

    slnium lui-mme sur la ventilation a t valu.

    Dans un deuxime temps, afin dapprcier plus finement les processus daccumulation

    du slnium chez C. fluminea par la voie directe, des cintiques daccumulation et de

    dpuration de diffrentes formes chimiques de Se ont t ralises sur 70 jours. La

    distribution tissulaire du slnium a galement t caractrise diffrents niveaux

    dorganisation biologique, tissulaire et subcellulaire.

  • 4

  • 5

    Pour finir, les effets potentiellement toxiques du slnium ont t apprhends aux

    niveaux cellulaire et molculaire. Ainsi, leffet de diffrentes formes chimiques de Se sur la

    morphologie du tissu branchial, le statut antioxydant du bivalve et lexpression gntique de

    certaines protines a t analys.

    Ce mmoire sarticule en 5 parties. La premire partie est une synthse

    bibliographique, rassemblant des donnes concernant dune part le slnium, ses proprits

    chimiques et biologiques, sa prsence dans les cosystmes aquatiques ainsi que sa

    bioaccumulation et ses impacts chez les organismes, et dautre part, le bivalve, son cologie,

    son anatomie et sa physiologie respiratoire. Dans la seconde partie, la dmarche

    exprimentale et les principaux paramtres tudis sont exposs. La troisime partie prsente

    les principaux matriels et mthodes utiliss. Dans la quatrime partie, sont exposs et

    discuts lensemble des rsultats exprimentaux. Enfin, la cinquime partie tablit une

    synthse et la conclusion du travail effectu en ouvrant sur de nouvelles perspectives.

  • 6

    Tableau 1 : Principales formes chimiques des composs naturels slnis.

    Formes Nom Etat de valence Formes chimiques

    Slniate Se(+VI) H2SeO4; HSeO4-; SeO42-

    Slnite Se(+IV) H2SeO3 ; HSeO3- ; SeO32-

    Slnium lmentaire Se(0) Inorganiques

    Slniure Se(-II) H2Se ; HSe- ; Se2-

    Slnocystine Se-CH2CHNH2COOH

    Slnomthionine CH3CH2Se(CH2)2CHNH2COOH

    Dimthylslniure (CH3)2Se

    Dimthyldislniure (CH3)2Se2

    Dimthylslnone (CH3)2SeO2

    Se-mthylslnocystine MeSeCH2CHNH2COOH

    Organiques

    Se-mthylslnomthionine

    Se(-II)

    (CH3)2Se(CH2)2CHNH2COOH

  • 7

    1. BASES BIBLIOGRAPHIQUES

    1.1. Le contaminant tudi : le slnium

    1.1.1.Proprits gnrales

    1.1.1.1. Proprits chimiques

    Le slnium (symbole Se, numro atomique 34) est un mtallode qui appartient au

    groupe VI (oxygne, soufre, polonium, tellurium) du tableau priodique. Il ressemble

    troitement au soufre (S) par ses proprits chimiques telles que taille atomique, nergies de

    liaison, potentiels dionisation et principaux degrs doxydation (Tinggi, 2003; Johansson et

    al., 2005).

    Dans lorganisme, le slnium est prsent sous forme de slnol (R-SeH) ou de

    slnother (R-Se-R). Il peut galement se combiner au soufre (R-S-Se-H ou R-S-Se-S-R) ou

    sy substituer pour former de nombreux composs analogues slnis : slnomthionine

    (SeMet) et slnocystine (SeCyst) (Ducros et Favier, 2004). Des diffrences existent dans la

    chimie du soufre et du slnium, notamment entre les potentiels doxydorduction ou

    dionisation des composs homologues. Par exemple, les composs slnis ont tendance

    tre beaucoup plus nuclophiles que les composs soufrs (Arteel et Sies, 2001). Le slniure

    dhydrogne (pKa = 3.7 pour le couple H2Se/HSe- ; pKa = 5.7 pour le couple HSe-/Se2-) est un

    acide plus fort que le sulfure dhydrogne (pKa = 6.9 pour le couple H2S/HS- ; pKa = 8.5 pour

    le couple HS-/S2-) (Johansson et al., 2005). Ainsi, le slnium sous forme de slnol (R-SeH)

    est aisment dissoci aux pHs physiologiques, ce qui est important pour son rle catalytique

    (Tinggi, 2003). La cystine (Cyst) est le plus souvent sous forme protone aux pHs

    physiologiques alors que la SeCyst est principalement sous forme anionique (pKa = 5.2 pour

    la SeCyst et pKa = 8.3 pour la Cyst), ce qui facilite le rle catalytique du slnium dans les

    slnoprotines (Ducros et Favier, 2004; Johansson et al., 2005) .

    Les diffrentes formes chimiques des composs slnis naturels sont prsentes dans

    le Tableau 1. Il existe plusieurs composs slnis dans les tissus de plantes et

    danimaux (Whanger, 2002). La SeCyst (acide amin slni) est la forme prdominante dans

    les tissus animaux lorsque du slnite leur est administr (Hawkes et al., 1985; Schrauzer,

    2000; Whanger, 2002).

  • 8

    Figure 1 : Etats doxydation du slnium en solution (daprs Sby et al., 2001),

    25 C, 1000 hPa (pression atmosphrique) et [Se] = 0.1 M. La zone dlimite en

    gris reprsente la zone doxydo-rduction susceptible dtre rencontre dans

    lenvironnement.

    Tableau 2 : Les isotopes du slnium (Nuclide 2000, 1999).

    Masse atomique relative (gmol-1) 78.96

    Nombre disotopes : 25

    Nombre disotopes stables : 5

    Nombre disotopes quasi stables : 1

    Nombre disotopes metteurs + : 9

    Nombre disotopes metteurs - : 10

  • 9

    Si lon donne de la SeMet aux animaux, la SeMet sera le compos majeur trouv initialement

    mais il sera rapidement converti en SeCyst (Whanger, 2002). Les crales et les plantes

    fourragres convertissent le slnium inorganique principalement en SeMet (Schrauzer,

    2000). La SeMet est la forme majoritaire dans les graines de crales et levures (Whanger,

    2002). Chez Saccharomyces cereviciae 90 % du slnium est sous forme de SeMet

    (Schrauzer, 2000). Dune manire gnrale, la SeMet est rapporte comme tant la forme

    prdominante dans les tissus de plantes et dalgues (Guo et Wu, 1998; Tinggi, 2003).

    Dans les cosystmes aquatiques, le slnium existe sous quatre tats de valence :

    slniate (+VI) ; slnite (+IV) ; slnium lmentaire (0) et slniure (-II). Le slniate (+VI)

    et le slnite (+IV) sont les formes les plus communes des eaux de surface en conditions

    oxydantes modrment oxydantes (Coughtrey et al., 1983). La stabilit des diffrents tats

    redox est fonction du potentiel lectrochimique du milieu (Sby et al., 2001) (Figure 1). Dans

    la nature, le slnium sous forme Se(-II) peut tre associ des mtaux tels que HgSe, PbSe,

    CdSe, CuSe (EPA, 2004). Un certain nombre de donnes concernant la spciation du

    slnium dans les eaux continentales et marines a t rapport dans la littrature (Robberecht

    et Grieken, 1982; Conde et Sanz Alaejos, 1997; Cutter et Cutter, 2004). Dune manire

    gnrale, les formes majoritaires sont slnite et slniate. Il y a assez peu de donnes sur les

    composs organiques slnis. Ils sont gnralement minoritaires (Robberecht et Grieken,

    1982). Cependant, dans une tude rcente (Cutter et Cutter, 2004), il a t montr que dans la

    baie de Sacramento, les slniures organiques reprsentaient 40 % du slnium total, tandis

    que le slnite en reprsentait 13 % et le slniate 47 %. Ltude de la distribution du

    slnium dans 11 eaux de surface diffrentes, indique quen moyenne, 16 % du slnium total

    est fix sur la phase particulaire (EPA, 2004).

    1.1.1.2. Proprits nuclaires

    Le slnium possde 6 isotopes stables ou quasi-stables (Tableau 2). Sa masse

    atomique relative est de 78.96 gmol-1. Il possde galement plusieurs isotopes radioactifs, qui

    sont exclusivement artificiels. Le 79Se est un produit de fission nuclaire (metteur -, demi-

    vie : 1.1106 ans). Il sagit dun radionuclide vie longue, qui est class comme lment

    prioritaire pour lvaluation des risques associs aux sites de stockage des dchets selon la

    mthodologie dveloppe par lANDRA pour son rfrentiel biosphre de 2001 (ANDRA,

    2001). Le 75Se (metteur + / , demi-vie : 120 jours) est utilis en radiologie et pour les

    traages.

  • 10

  • 11

    1.1.1.3. Proprits biochimiques gnrales

    Le slnium est un lment trace essentiel pour les humains et pour une grande varit

    despces animales (Tinggi, 2003). Il est essentiel pour le fonctionnement denzymes anti-

    oxydantes, notamment la glutathion peroxydase (GPx) qui contient de la SeCyst dans son site

    actif. Il existe galement de nombreuses autres slnoprotines (la slnoprotine P ou encore

    la thioredoxine rductase) qui ont besoin de Se pour leur activit catalytique (Himeno et

    Imura, 2000; Ducros et Favier, 2004). Il a galement t montr quil pouvait constituer un

    agent prventif du cancer (Tapiero et al., 2003) et de maladies inflammatoires (Ducros et

    Favier, 2004).

    La frontire entre concentrations en slnium physiologiquement essentielles et

    toxiques est trs troite. La dose minimale requise par jour chez lhomme est de 55 gkg-1

    (RDA : Recommended Dietary Allowance) et la dose maximale acceptable est de 350 gkg-1

    (UL : tolerable Upper intake Level) (Goldhaber, 2003). La dficience en Se chez lHomme

    est responsable de la maladie de Keshan (Bokovay, 1995). Les symptmes dune intoxication

    au slnium peuvent tre lapparition de troubles digestifs (diarrhes), de signes

    neurologiques (convulsions, coma), des irritations cutanes, des troubles respiratoires et une

    odeur alliace de lhaleine (INRS, 2002).

    1.1.2. Sources et concentrations de Se dans lenvironnement

    Le slnium est naturellement prsent dans lcorce terrestre une concentration

    denviron 0.05 mgkg-1 (Coughtrey et al., 1983). Deux inventaires des concentrations pouvant

    tre retrouves dans le milieu aquatique sont disponibles dans la littrature (Robberecht et

    Grieken, 1982; Conde et Sanz Alaejos, 1997). Les concentrations en Se dans les eaux de

    surface, marines et continentales, sont rarement suprieures au gL-1 en milieu non

    contamin (allant du ngL-1 au 1/10 de gL-1). Sa large utilisation par lhomme peut induire

    une augmentation de ces niveaux, jusqu des concentrations pouvant atteindre plusieurs

    centaines de gL-1.

  • 12

    Figure 2 : Cycle biogochimique du slnium dans les cosystmes aquatiques

    (daprs Fan et al., 2002).

    Les flches pleines indiquent les processus qui peuvent mener des risques cotoxicologiques tandis

    que les flches en pointill indiquent les processus de volatilisation du slnium lorigine dune perte nette de

    slnium de la part du systme aquatique. Les flches avec des points dinterrogation reprsentent des processus

    supposs. (a, a) prise en charge et transformation des espces inorganiques par les producteurs primaires

    aquatiques (b) relargage de composs organiques par les producteurs primaires aquatiques (c) prise en charge

    de composs organiques par les producteurs primaires aquatiques (d) oxydation abiotique de composs

    organiques en oxyanions (e) relargage dalkyslniures par raction abiotique (f) relargage dalkyslniures

    par les producteurs primaires aquatiques (g) volatilisation des alkyslniures dans latmosphre (h) oxydation

    des alkyslniures en formes inorganiques (i) formation de slnium lmentaire par les organismes plagiques

    et benthiques (j) formation de dtritus par les producteurs aquatiques (k) bioaccumulation dans la chane

    trophique et consquences potentielles en termes dcotoxicit (l,l) assimilation des oxyanions de slnium aux

    sdiments depuis la colonne deau (m,m) oxydation du slnium lmentaire en oxyanions de slnium (n)

    ractions redox entre Se(0) et Se(-II) (o) assimilation de Se(-II) depuis le sdiment vers les organismes

    benthiques (p) oxydation de Se(-II) du sdiment en slnite.

    slnite slniate

    dimthylslniure dimthyldislniure

    slniure

    slnium lmentaire

  • 13

    Il est largement utilis par lHomme des fins industrielles et mdicales. La

    production mondiale de slnium est de 1900 tonnes par an (Bokovay, 1995). Les usages

    industriels de ce mtallode et de ses composs peuvent tre diviss en diverses catgories :

    applications lectriques/lectroniques (30 %), fabrication de pigments (19 %), industrie de

    verre (20 %), mtallurgie (14 %), applications agricoles et biologiques (6 %), autres usages

    comme vulcanisation de caoutchouc ou oxydation de catalyseurs (11 %) (Bokovay, 1995).

    Dans le domaine mdical, le slnium est utilis comme complment alimentaire, mais aussi

    dans le traitement des pellicules, de la dermatite sborrhique et dautres maladies de la peau

    (George, 2003). Ainsi, un certain nombre dactivits anthropiques conduisent aux rejets de Se

    dans lenvironnement : production et combustion du charbon, exploitation de mines de Cu,

    Zn, Ni, Ag ; dcharges municipales ; eaux uses ; fertilisation et irrigation des fins

    agricoles ; processus industriels (Barceloux, 1999; Lemly, 2004).

    Dans le milieu aquatique, les sources de slnium dans leau viennent des dpts sec

    et humide, de latmosphre, et du drainage de la surface. Certains sites contamins sont

    relativement bien documents. Cest le cas de la rserve de Kesterson (Californie, US) o

    lagriculture est intensive (Barceloux, 1999). Les eaux dirrigation sont draines dans des sols

    avec de fortes concentrations en slnium. Suite dimportantes pluies, on peut noter des

    concentrations en Se allant jusqu 162 gL-1 au niveau de certaines tendues deau

    (Ohlendorf, 2002). Un autre site pollu trs document est le lac Belews (Caroline du Nord,

    US), qui a t contamin par des eaux uses provenant dune centrale lectrique charbon

    (Barceloux, 1999). Des eaux uses charges en Se (150-200 gL-1) ont t relargues de

    1974 1986. La concentration moyenne dans ce lac est de 10 gL-1 (Lemly, 1999).

    1.1.3.Cycle biogochimique du slnium

    Le cycle du slnium est troitement li aux premiers niveaux de la chane trophique

    (dcomposeurs et producteurs primaires), qui reprsentent une biomasse importante dans les

    cosystmes. Ils conditionnent les cintiques de bioaccumulation et de biotransformation vis

    vis des maillons trophiques suprieurs. Les principales connaissances concernant le cycle

    biogochimique du slnium sont rsumes dans la Figure 2.

  • 14

  • 15

    - Se(+IV) et Se(+VI) sous forme doxyanions dissous sont accumuls par les

    producteurs primaires et biotransforms en formes organiques Se(-II)

    (Vandermeulen et Foda, 1988; Fan et al., 2002; Simmons et Wallschlger,

    2005).

    - Le slnium ainsi pris en charge par les producteurs primaires est ensuite

    transfr aux maillons trophiques suprieurs (Zhang et al., 1990; Fan et al.,

    2002).

    - Les producteurs primaires volatilisent du slnium (slniures mthyls, Se(-

    II)) qui peut tre vacu vers latmosphre ou retransform en slnite.

    - Les producteurs primaires peuvent aussi relarguer des composs organiques

    Se(-II) ou du Se(0), forms par rduction biologique (Hu et al., 1996).

    - Ce Se(0) peut tre rduit en slniures inorganiques ou organiques et roxyd

    en selnite ou slniate, par les microorganismes du sdiment (Fan et al.,

    2002). La prise en charge de Se(0) par un consommateur (le bivalve) a

    galement t rapporte dans la littrature (Luoma et al., 1992).

    - Parmi les phnomnes abiotiques, il y aurait des phnomnes doxydation et

    de rduction dans la colonne deau (Fan et al., 2002) ainsi que des

    prcipitations du slnium avec les mtaux pour donner des slniures

    mtalliques (EPA, 2004).

    La bioaccumulation du slnium par la voie trophique apparat plus importante que la

    bioaccumulation par la voie directe (Zhang et al., 1990; Besser et al., 1993). Ainsi les

    phnomnes de biotransformations au niveau des premiers maillons de la chane alimentaire,

    vont conditionner les niveaux de bioaccumulation du slnium chez les organismes de niveau

    trophique suprieur.

    1.1.4.Mtabolisme du slnium chez les animaux

    Le mtabolisme du slnium a t abord par plusieurs auteurs (Ganther, 1999;

    Schrauzer, 2000; Whanger, 2002; Ducros et Favier, 2004). Le mtabolisme du slnium chez

    les mammifres a t clairement dcrit par Ducros et Favier (2004) et indique que :

  • 16

    Figure 3 : Voies mtaboliques des diffrentes formes dapport en slnium (daprs

    Ducros et Favier, 2004).

    Figure 4 : Mtabolisme cellulaire du slnium (daprs Ducros et Favier, 2004).

  • 17

    Labsorption intestinale du slnium est leve (50-95%) et dpend de la forme

    dapport du slnium, ainsi que du statut physiologique vis vis du slnium. La SeMet est

    mieux absorb que le slnite et lest par un transport actif analogue celui de la mthionine.

    Le slnite est absorb par simple diffusion et le slniate, presque aussi efficacement

    transport que la SeMet, lest par un transport actif commun avec celui des sulfates.

    Lensemble des formes de slnium organiques et inorganiques peut tre utilis par

    lorganisme mais leur mtabolisme est diffrent.

    Le mtabolisme du slnium dpend de la forme chimique ingre (Figure 3). Le

    slnite entre dans les cellules par transport anionique et est rapidement conjugu au

    glutathion sous forme de slnodiglutathion (Ganther, 1999; Ducros et Favier, 2004). Les

    acides amins slnis utilisent les transporteurs membranaires destins leurs homologues

    soufrs et sont mtaboliss en utilisant les voies mtaboliques des enzymes soufres. Le

    slnium absorb est rduit ltat de slniures (H2Se) puis incorpor dans les protines sous

    forme de SeCyst par lintermdiaire dun ARNt spcifique (Figure 4). La SeCyst est

    considre comme le 21e acide amin. Elle est code par un codon UGA qui est normalement

    considr comme un codon stop. Lacide amin est inclus dans les protines par un

    mcanisme co-traductionnel assez complexe. Une partie du slnium va tre utilise pour

    produire des slnoprotines, qui sont des protines qui vont avoir besoin du slnium pour

    leur activit catalytique. Elles incorporent du slnium sous forme de SeCyst dans la chane

    polypeptidique. Dautres formes de Se vont directement dans des protines que lon nomme

    protines contenant du slnium , mais ces protines nont pas besoin du slnium pour leur

    activit catalytique, contrairement aux slnoprotines. Elles incorporent le slnium par

    substitution de la mthionine par la SeMet.

    Lexcrtion du slnium absorb se fait sous forme de drivs mthyls

    (mthylslnol, dimthylslniure et trimthylslnonium) ou de slnosucres excrts dans

    les urines et/ou par les poumons.

    1.1.5.Bioaccumulation du slnium chez les organismes

    aquatiques

    1.1.5.1. Processus de bioaccumulation et de prise en charge du

    slnium

  • 18

  • 19

    Rappels sur les processus de bioaccumulation

    Chez les organismes aquatiques, et plus particulirement les bivalves, les barrires

    biologiques traverser, sont lpithlium branchial, la paroi du tube digestif, et la coquille

    (qui est souvent rapporte comme un site de bioaccumulation). Les contaminants de la phase

    dissoute sont plus facilement absorbs par les surfaces directement en contact avec le milieu

    extrieur, tandis que les mtaux/mtallodes associs la phase particulaire seront plutt

    ingrs et internaliss aprs solubilisation dans le tube digestif, ou transfrs par endocytose

    pour subir ensuite une digestion lysosomale. Une fois cette premire barrire passe, les

    mcanismes de transfert des mtaux/mtallodes vers le milieu intracellulaire font appel la

    diffusion (passive ou facilite), au transport actif et lendocytose (phagocytose et

    pinocytose). La diffusion, quelle soit simple ou facilite par la liaison avec un ligand, se fait

    dans le sens du gradient de concentration. Le transport actif est contraire au gradient de

    concentration, il ncessite donc de lnergie.

    Prise en charge

    La prise en charge du slnium a principalement t tudie chez des modles

    unicellulaires. Riedel et al. (1991) se sont intresss 3 espces phytoplanctoniques

    (Anabaenas flos aquae, Chlamydomonas reinhardtii, et Cyclotella meneghiania) et 3 formes

    chimiques de slnium (slnite, slniate et SeMet). Ces auteurs suggrent que le slnite

    serait fix par une sorption passive, tandis que slniate et SeMet impliqueraient un processus

    biologique. Morlon (2005) montre au contraire lexistence dun double systme de transport

    du slnite, de faible et de forte affinit, chez Chlamydomonas reinhardtii.

    Une inhibition du transport du slnium par certains anions, et notamment du transport

    du slniate par le sulfate est admise chez les organismes phytoplanctoniques (Williams et al.,

    1994; Riedel et Sanders, 1996) ainsi que chez la daphnie (Ogle et Knight, 1996). Certains

    auteurs soulignent dautres inhibitions de transport, telles que linhibition du transport du

    slnite par le phosphate (Riedel et Sanders, 1996; Lee et Wang, 2001), par le sulfate

    (Morlon, 2005) et par le nitrate (Morlon, 2005).

    Linfluence des cations en solution a galement t explore. Laccumulation du

    slniate chez Chlamydomonas reinhardtii augmente avec laugmentation du calcium,

    magnsium et ammonium dans le milieu (Riedel et Sanders, 1996).

  • 20

    Tableau 3 : Facteurs de bioconcentration (BCF) du slnium par la voie directe,

    exprims sur la base du poids sec (p.s.) (non exhaustif).

    Modle biologique Biotope Forme chimique de

    Se

    Temps

    dexposition BCF p.s.

    Rfrence

    bibliographique

    slnite 2-10 jours BCF

    267-1004

    slniate 2-10 jours BCF

    30-115

    Anabaena flos aquae

    Cyanobactrie dulaquicole

    SeMet 2-10 jours BCF

    1520-12193

    Kiffney et

    Knight, 1990

    slnite 1 jour

    BCF

    441-1600

    slniate

    1 jour

    BCF

    414-493

    Chlamydomonas

    reinhardtii

    Algue verte

    unicellulaire

    dulaquicole

    SeMet

    1 jour

    BCF

    5320-36300

    Besser et al.,

    1993

    Chlorella vulgaris

    Algue verte

    unicellulaire

    dulaquicole slniate 12 24 jours BCF

    400

    Dobbs et al.,

    1996

    slnite 4 jours

    BCF

    221-3650

    slniate 4 jours

    BCF

    65-293 Daphnia magna

    Daphnie dulaquicole

    SeMet 4 jours

    BCF

    30300-

    382000

    Besser et al.,

    1993

    Lysmata seticaudata

    Crevette marin slnite 6-52 jours

    BCF

    10 - 30

    Fowler et

    Benayoun, 1976

    Mytilus edulis

    Moule marin slnite 10-63 jours

    BCF

    20 100

    Fowler et

    Benayoun, 1976

    Lepomis macrochirus

    Poisson dulaquicole

    slniate-slnite

    6 : 1 60 jours

    BCF

    5-7

    Cleveland et al.,

    1993

  • 21 1BCF : Le BCF est le rapport entre la concentration de Se accumule dans lorganisme et la concentration de Se dans leau.

    Dans le cas des animaux, un effet antagoniste du slnium et du mercure a t montr

    chez deux espces de poisson (Chen et al., 2002). La concentration de Hg diminuait

    exponentiellement avec laugmentation de concentration en slnium dans le muscle.

    Aucune tude sur les mcanismes de transport du slnium na t ralise chez le

    bivalve. Cependant, quelques tudes ont t menes sur les mcanismes de transport dacides

    amins tels que la mthionine ou danions tels que les sulfates, in vitro, sur des cellules

    branchiales de bivalves. Ainsi, il a t montr que labsorption de la mthionine par les

    branchies du bivalve Mya arenaria tait ralise via un transport actif (Stewart, 1978). En ce

    qui concerne le transport du sulfate chez les bivalves, il a t montr chez la moule Dreissena

    polymorpha quil est relativement lent par rapport celui des autres ions (Dietz et Byrne,

    1999).

    1.1.5.2. Bioaccumulation par la voie directe

    La bioaccumulation dpend troitement des formes de Se tudies. Les principales

    valeurs de BCF trouves dans la littrature sont rapportes dans le Tableau 3. Il a t montr

    chez plusieurs espces vgtales et animales (allant de lalgue unicellulaire au poisson) que la

    SeMet tait la forme la plus bioaccumule suivi du slnite puis du slniate (Kiffney et

    Knight, 1990; Riedel et al., 1991; Besser et al., 1993). Les valeurs des facteurs de

    bioconcentration (BCF1), exprims sur la base du poids sec sont cependant trs variables. En

    ce qui concerne la SeMet, le BCF est de 1520-12193 pour la cyanobactrie Anabaena flos

    aquae (Kiffney et Knight, 1990), 5320-36300 pour lalgue verte Chlamydomonas reinhardtii

    (Besser et al., 1993) et 30300-382000 pour la daphnie Daphnia magna (Besser et al., 1993).

    En ce qui concerne le slnite, le BCF est de 267-1004 pour la cyanobactrie Anabaena flos

    aquae (Kiffney et Knight, 1990), 441 1600 pour lalgue verte Chlamydomonas reinhardtii

    (Besser et al., 1993) et 221-3650 pour la daphnie Daphnia magna (Besser et al., 1993). Pour

    le slniate, le BCF est de 30-115 pour la cyanobactrie Anabaena flos aquae (Kiffney et

    Knight, 1990) , 414-493 pour lalgue verte Chlamydomonas reinhardtii (Besser et al., 1993)

    et 65-293 pour la daphnie Daphnia magna (Besser et al., 1993).

    En ce qui concerne les modles bivalves, les niveaux de base en slnium mesurs

    chez des populations vivant dans des milieux non contamins (< 1 gL-1) sont de lordre de

    3.1 gg-1 p.s. pour Macoma balthica et de 2.8 gg-1 p.s. (soit environ 0.4 gg-1 p.f.) pour

    Corbicula sp. (Johns et al., 1988).

  • 22

  • 23

    Nous navons pas trouv de donnes dans la littrature concernant la bioaccumulation des

    diffrentes formes chimiques de Se chez ces organismes. En effet, les tudes ralises sur les

    bivalves ne sintressent quau slnite dissous, ou bien son transfert par la voie trophique.

    Chez la moule Mytilus edulis, le slnium prsent naturellement, se retrouve

    essentiellement au niveau des branchies et du manteau, puis, de la masse viscrale et des

    muscles (Fowler et Benayoun, 1976). Ces auteurs montrent quaprs une contamination au 75slnite dissous, le slnite saccumule dans tous les organes de la moule, mais

    prfrentiellement au niveau de viscres (puis au niveau des branchies, du muscle et enfin du

    manteau). Au bout de 63 jours le BCF a une valeur denviron 100, mais le plateau nest

    toujours pas atteint (Fowler et Benayoun, 1976). Zhang et al. (1990) montrent que la

    bioaccumulation du 75slnite est plus importante par la voie trophique que par la voie directe,

    de plus dun ordre de grandeur. Ces auteurs soulignent que par la voie directe, le slnite est

    principalement accumul ou fix sur la coquille (> 50 %). Au niveau du corps mou, la masse

    viscrale et les branchies sont les organes cibles. Chez la crevette Lysmata seticaudata, aprs

    contamination par la voie directe avec du 75Slnite, la plus forte concentration de Se est

    retrouve au niveau de lexosquelette (BCF = 10 30) (Fowler et Benayoun, 1976). En ce qui

    concerne le modle biologique poisson, les tudes rapportes sur Lepomis macrochirus

    montrent une biodisponibilit faible des formes inorganiques de Se avec un BCF < 5 aprs 60

    jours dexposition (Cleveland et al., 1993).

    La localisation intracellulaire du slnium a t tudie chez les bactries contamines

    avec du slnite, pour lesquelles on observe classiquement lapparition de granules denses

    aux lectrons dans le cytoplasme, signe dune dtoxication par rduction du slnite en

    slnium lmentaire (Garbisu et al., 1996; Kessi et al., 1999; Roux et al., 2001). Chez

    lalgue verte Chlamydomonas reinhardtii, Morlon et al. (2005) ont observ du slnium

    associ du calcium et du phosphore, lintrieur de vacuoles granuleuses, aprs exposition

    du 75Selenite. En ce qui concerne la localisation cellulaire du slnium, des granules minraux

    constitus dagglomrats de particules cristallines dans le foie des ctacs dents, otaries et

    cormorans ont t observs (Nigro et Leonzio, 1996). Ces granules, contenant du Hg et du

    slnium taient principalement localiss dans le cytoplasme et les macrophages.

  • 24

    Tableau 4 : Facteurs de bioconcentration (BCF) et efficacits dassimilation (AE) du

    slnium par la voie trophique (non exhaustif).

    Modle biologique Biotope Forme chimique de Se

    initiale

    Temps

    dexposition

    BCF p.s.

    ou AE

    Rfrence

    bibliographique

    Lepomis

    macrochirus

    poisson

    dulaquicole SeMet 90 jours BCF

    0,5 1,0 Cleveland et al., 1993

    Brachionus

    calyciflorus

    rotifre

    dulaquicole Algues contamines avec

    du slniate 11 20 jours

    BCF

    500 Dobbs et al., 1996

    Pimephales

    promelas

    poisson

    dulaquicole Rotifres contamins

    avec du slniate 11 jours

    BCF

    154 - 400 Dobbs et al., 1996

    Lysmata seticaudata

    Crevette marin

    Moules contamine avec

    du slnite 6-52 jours BCF 6-20

    Fowler et Benayoun,

    1976

    Diatomes contamines

    avec du slnite

    AE

    86 % Macoma balthica

    bivalve

    marin Se lmentaire

    (biorduction du

    sdiment contamin avec

    du slnite)

    2.5 heures

    AE

    22 %

    Luoma et al., 1992

    Phytoplancton contamin

    avec du slnite

    AE

    34-66 % Elminius modestus

    patelle marin

    Zooplancton contamin

    avec du slnite

    30-45

    minutes AE

    74 %

    Rainbow et Wang,

    2001

    Crassostrea

    virginica

    bivalve

    marin Phytoplancton contamin

    avec du slnite

    40-60

    minutes

    AE

    70 %

    Reinfelder et al.,

    1997

    Macoma balthica

    bivalve marin

    Phytoplancton contamin

    avec du slnite

    40-60

    minutes

    AE

    78 %

    Reinfelder et al.,

    1997

    Mercenaria

    mercenaria

    bivalve

    marin Phytoplancton contamin

    avec du slnite

    40-60

    minutes

    AE

    92 %

    Reinfelder et al.,

    1997

    Mytilus edulis

    bivalve marin

    Phytoplancton contamin

    avec du slnite

    40-60

    minutes

    AE

    86 %

    Reinfelder et al.,

    1997

    Menidia menidia

    poisson juvenile marin

    Zooplancton contamin

    avec du slnite 1-4h

    AE

    29 %

    Reinfelder et Fisher,

    1994

  • 25 1AE : LAE est le pourcentage de Se restant dans lorganisme aprs la vidange du tube digestif, par rapport la quantit totale ingre.

    1.1.5.3. Bioaccumulation du slnium par la voie trophique

    Trs peu dtudes se sont intresses au transfert trophique en prenant en compte les

    formes chimiques de slnium initiales. Seule une tude montre chez le poisson chat Ictalarus

    punctatus que la SeMet est mieux bioaccumule que le slnite lorsque ces formes sont

    incorpores dans la nourriture (Wang et Lovell, 1997). La plupart des tudes de transfert

    trophique ralises ont utilis le slnite comme premire source de slnium.

    Les principales donnes trouves dans la littrature sont rsumes dans le Tableau 4.

    Ltude du transfert trophique du slnium au clam Puditapes philippnarum (phytoplancton

    marin Phaeodactylum tricornutumin contamin avec du 75slnite) montre que laccumulation

    est un processus rapide, et induit une contamination plus importante que par la voie directe

    (Zhang et al., 1990). Aprs 18 jours de contamination, laccumulation du slnium se fait

    essentiellement au niveau des viscres puis des branchies. De mme, le poisson Lepomis

    macrochirus accumule plus de slnite par la voie trophique que par la voie directe (Besser et

    al., 1993). Laccumulation du slnite par ces deux voies seraient additives chez Lepomis

    macrochirus (Besser et al., 1993) et Pimephales promelas (Bertram et Brooks, 1986).

    Bertram et Brooks (1986) indiquent que les taux de dpuration du slnite suggrent

    lexistence de 2 compartiments fonctionnels : un pool de Se non li (inorganique)

    correspondant une dpuration rapide (voie directe) et un pool de Se organiquement li

    correspondant une dpuration dpendante du mtabolisme cellulaire (voie trophique).

    Chez la crevette Lysmata seticaudata, le slnium apport par la voie trophique

    (broyat de Mytilus galloprovincialis contamin avec du 75slnite) saccumule principalement

    au niveau de la masse viscrale (BCF = 6 20) (Fowler et Benayoun, 1976).

    Plusieurs tudes concernant lefficacit dassimilation (AE1) du slnium ont t

    ralises, et notamment sur bivalves marins. Le bivalve Macoma balthica a une efficacit

    dassimilation du slnium de 86 % lorsquil est nourri avec des diatomes pr-exposes au

    slnite et de 22 % lorsquil est nourri avec du slnium lmentaire (sdiment contamin en 75slnite ayant subi une rduction bactrienne) (Luoma et al., 1992). Chez la patelle Elminius

    modestus nourrie avec du phytoplancton contamin en 75slnite, lefficacit dassimilation du

    slnium varie de 34 66 %. Lorsquelle est nourrie avec du zooplancton, son efficacit

    dassimilation est plus importante, de lordre de 74 % (Rainbow et Wang, 2001).

  • 26

  • 27

    Chez quatre bivalves marins (Crassostrea virginica, Macoma balthica, Mercenaria

    mercenaria et Mytilus edulis), il a t montr que lefficacit dassimilation du slnium tait

    proportionnelle la fraction de Se prsente dans le cytoplasme des algues ingres (Isochrysis

    galbana contamin en 75slnite), avec une efficacit dassimilation comprise entre 72 et 92

    % (Reinfelder et al., 1997). Chez lamphipode L. plumulosus, il ny a pas de relation entre Se

    dans le cytoplasme des cellules algales et efficacit dassimilation (Schlekat et al., 2002). Par

    contre, ces auteurs ont montr que lefficacit dassimilation du slnium chez le bivalve

    Macoma balthica, variait proportionnellement la fraction de Se cytoplasmique dans les

    algues ingres et que le bivalve Potamocorbula amurensis pouvait assimiler du slnium non

    cytoplasmique partir du phytoplancton.

    En ce qui concerne les consommateurs secondaires, ltude du transfert trophique

    entre des rotifres contamins avec du slniate et le poisson, montre un assez important

    facteur de bioconcentration (BCF = 154-400 p.s.), cependant il est infrieur celui calcul

    lors du transfert entre algues et rotifres (BCF = 500 p.s.) (Dobbs et al., 1996). Il a t montr

    que lefficacit dassimilation du slnium entre le coppode Acartia sp. (expos au 75Slnite) et le poisson juvnile Menidia sp. ntait que de 29 % (Reinfelder et Fisher, 1994).

    Ceci est mettre en relation avec le fait que le 75Slnite saccumulait 60 % dans

    lexosquelette des coppodes. Le poisson devait absorber les tissus mous des coppodes et

    rejeter lexosquelette chitineux. Ainsi, outre leffet de la spciation des polluants, les

    mcanismes de nutrition et de digestion propres chaque organisme modulent les entres du

    polluant et conditionnent lefficacit dassimilation dun polluant.

    1.1.6.Rle physiologique et toxicit du slnium

    Le slnium est essentiel pour la plupart des organismes vivants, mais dans une

    gamme de concentrations trs troite, au-del de laquelle il devient toxique (Hodson et Hilton,

    1983; EPA, 2004).

    A faible concentration, il permet de lutter contre les dommages engendrs par le stress

    oxydant, par sa prsence au niveau de la glutathion peroxydase slnium dpendante (Himeno

    et Imura, 2000; Arteel et Sies, 2001; Tapiero et al., 2003; Tinggi, 2003; Ducros et Favier,

    2004). Cependant, il peut exercer des effets toxiques de plus fortes concentrations.

  • 28

  • 29

    Parmi tous les polluants classs comme prioritaires, le slnium est celui qui se

    caractrise par la gamme la plus troite entre les concentrations bnfiques pour le biota et les

    concentrations dltres. Ainsi, la concentration ncessaire au maintien des processus

    mtaboliques est de 0.5 gg-1 p.s. pour les organismes aquatiques et terrestres. Des

    concentrations suprieures ce seuil dun ordre de grandeur, pourraient tre toxiques chez le

    poisson (EPA, 2004). Des concentrations infrieures 0.1 gg-1 (poids sec) dans la nourriture

    de la truite arc-en-ciel peuvent conduire des symptmes de dficience svre, tandis quau-

    dessus de 10 gg-1, des effets toxiques commencent se manifester (Hodson et Hilton, 1983).

    Chez le poisson, la toxicit (sur la reproduction et le dveloppement) peut se manifester suite

    des expositions chroniques dans leau < 5 gL-1 (Lemly, 1999).

    1.1.6.1. Rles physiologiques

    Le slnium est un lment essentiel pour la majorit des organismes vivants,

    indispensable comme cofacteur minral pour la biosynthse de la glutathion peroxydase

    (GPx) (Himeno et Imura, 2000; Arteel et Sies, 2001; Tapiero et al., 2003; Tinggi, 2003;

    Ducros et Favier, 2004).

    De plus, chez les mammifres 30 slnoprotines ont t identifies, ayant un rle

    physiologique de premire importance ou bien non encore identifi (Arteel et Sies, 2001).

    Jusqu prsent, les protines caractrises fonctionnellement (12) contiennent toutes lacide

    amin SeCyst.

    Parmi les diffrentes slnoprotines connues, on peut notamment citer (Himeno et

    Imura 2000, Arteel, 2001, Ducros et Favier 2004) :

    La famille des GPx

    Les GPx, enzymes antioxydantes, constituent une des principales lignes de dfense

    contre les agressions produites par les radicaux libres de loxygne.

    Dans la famille des GPx (subdivise en 4), la plus abondante chez lanimal est la GPx

    cellulaire (Himeno et Imura, 2000). Localise essentiellement dans le cytosol, son rle est de

    piger le H2O2 (alors que le H2O2 produit dans les peroxysomes est pig par la catalase

    localise dans ces organites). La GPx membranaire (phospholipide hydroperoxyde GPx) a un

    rle dans la protection des biomembranes contre la peroxydation lipidique. Il existe galement

    la GPx extracellulaire (plasmatique) et la GPx gastrointestinale qui, elles aussi, inhibent la

    production de radicaux libres (Ducros et Favier, 2004).

  • 30

  • 31

    Thiordoxine rductase

    Elle est situe dans le cytoplasme des cellules et catalyse la rduction de la

    thiordoxine, qui est une protine de faible poids molculaire responsable de la rduction de

    biomolcules oxydes. La rduction de la thiordoxine serait un mcanisme important de

    rgulation de la croissance cellulaire normale ou tumorale, mais aussi de la mort cellulaire

    programme (Ducros et Favier, 2004).

    Slnoprotine P

    Elle est principalement localise dans le plasma et a la particularit de possder 10

    atomes de Se par polypeptide. Sa fonction na pas encore t lucide (Ducros et Favier,

    2004). On lui attribue plusieurs rles : un rle antioxydant extracellulaire et une activit

    peroxydase spcifique des phospholipides.

    En plus de laction de ces slnoprotines, un effet anticancer du slnium est attribu

    certains mtabolites du slnium (Tapiero et al., 2003).

    1.1.6.2. Mcanismes de toxicit

    Substitution Soufre-Slnium

    La premire cause de toxicit du slnium est une erreur dans le processus de synthse

    protique (Lemly, 2002b). Le soufre, constituant cl des protines, forme des ponts disulfures

    entre les diffrents acides amins ce qui confre la protine sa structure tertiaire. Cette

    structure est ncessaire pour le bon fonctionnement des protines en tant que composant

    cellulaire ou enzyme. Lorsque le slnium est prsent en trop grande quantit, il se substitue

    au soufre et forme des ponts trislniures (Se-Se-Se) ou slnotrisulfure (S-Se-S) ce qui

    empche la formation des ponts disulfures ncessaires. Les protines ne sont alors plus

    fonctionnelles et ne peuvent plus jouer leur rle. Les consquences peuvent tre nombreuses,

    la plus documente est un effet tratogne chez le poisson (Lemly, 1993b).

    Le slnium peut se substituer au soufre pour former de la SeMet. Lincorporation de

    la SeMet la place de la mthionine (Met) naltre pas la structure des protines mais peut

    influencer lactivit des enzymes si la SeMet remplace la Met proximit du site actif

    (Schrauzer, 2000). Chez les plantes, la toxicit du slnium peut tre explique par la

    participation de la SeMet ( la place de la Met) dans linitiation du processus de traduction qui

    diminuerait le taux de synthse protique (Eustice et al., 1981).

  • 32

    Tableau 5 : Donnes dcotoxicit du slnium

    Modle biologique Voie de

    contamination

    Forme

    chimique de Se

    Effet observ, dure, et

    critre statistique choisi Valeur

    Rfrence

    bibliographique

    slnite LOEC 4 jours

    = 3 mgL-1

    slniate LOEC 4 jours

    = 3 mgL-1

    Anabaenas flos aquae

    cyanobactrie

    Directe

    SeMet

    Diminution chlorophylle a

    aprs 2 et 4 jours, LOEC

    LOEC 2 jours

    = 0.1 mgL-1

    Kiffney et

    Knight, 1990

    slnite LOEC

    > 79 mgL-1

    Slniate LOEC

    < 79 gL-1

    Thalassiosira pseudonana

    algue

    Directe

    slniate

    Inhibition du taux de

    croissance en phase

    exponentielle, LOEC et

    EC100 EC100

    79 mgL-1

    Price et al., 1987

    Chlorella pyrenoidosa

    algue Directe slniate

    Inhibition de croissance en

    tat stationnaire, EC50

    IC50 = 800

    gL-1 Bennett, 1988

    Chlamydomonas

    reinhardtii algue verte Directe slnite

    Inhibition de croissance

    96h, EC50

    IC50 96h

    = 6320 gL-1

    Morlon et al.,

    2005

    slnite NOEC

    = 58 gL-1

    slniate NOEC

    = 116 gL-1

    SeMet LC50 96h

    = 1.5 gL-1

    Corophium sp.

    amphipode Directe

    slnocystine

    Survie 96h, NOEC et

    LC50

    LC50 96 h

    = 12.7 gL-1

    Hyne et al.,

    2002

    Diminution du dbit

    ventilatoire aprs 1h, EC50

    EC50 1h

    = 200 gL-1 Perna perna

    moule Directe slnite

    Augmentation du dbit

    ventilatoire aprs 1h, EC50

    EC50 1h

    ~ 500 gL-1

    Watling et

    Watling, 1982

    slnite Inhibition de croissance,

    aprs 12 jours, EC100 Mle Kunming

    souris Trophique

    Se lmentaire Inhibition de croissance,

    aprs 12 jours, EC50

    6 mgkg-1j-1 Zhang et al.,

    2005

    slnite EC100 24 h =

    25 mgL-1 Kratinocytes de souris

    Directe

    (cultures

    cellulaires) Slnocystamine(C4H12N2Se2)

    Apoptose aprs 24h, EC100

    EC100 24 h =

    250 mgL-1

    Stewart et al.,

    1999

  • 33

    Formation de radicaux libres

    La toxicit du slnium peut provenir de la gnration danions superoxydes due

    linteraction du slnium avec des groupements thiols. Un important mcanisme met en cause

    la formation de mthyl slnium CH3Se- qui, soit entre dans le cycle redox et gnre du

    superoxyde ou un stress oxydant, ou bien forme des radicaux libres qui se lient

    dimportantes enzymes ou protines et les inhibent. Par exemple, la SeMet peut donner du

    mthylslnol et gnrer un superoxyde en prsence de glutathion (Palace et al., 2004).

    Accumulation de slniure dhydrogne

    Un second mcanisme met en cause la SeCyst, qui, prsente en excs, induit

    linhibition du mtabolisme de mthylation du slnium, engendrant une accumulation de

    slniure dhydrogne (mtabolite intermdiaire) dans les animaux et pouvant ainsi causer des

    troubles hpatocytaires (Nakamuro et al., 2000).

    1.1.6.3. Donnes dcotoxicit concernant les organismes aquatiques

    et terrestres

    Quelques tudes ont t ralises concernant la toxicit des diffrentes formes de

    slnium sur les organismes vivants. Les donnes de toxicit trouves dans la littrature (aussi

    bien au niveau de la reproduction, de la croissance, que des activits enzymatiques) sont

    rapportes dans le Tableau 5.

    Organismes aquatiques

    La cyanobactrie Anabaenas flos aquae est 30 fois plus sensible la SeMet quau

    slnium inorganique (aussi bien slnite que slniate). Le premier effet (LOEC) sur la

    synthse de la chlorophylle a a t observ aprs une exposition de 4 jours 3.0 mgL-1 (38

    M) de slnium inorganique (slniate, slnite) versus aprs une exposition de 2 jours 0.1

    mgL-1 de SeMet (Kiffney et Knight, 1990).

  • 34

  • 35

    Les concentrations essentielles et toxiques de slnite et slniate pour la croissance de

    la diatome marine Thalassiosira pseudonana, ont t values (Price et al., 1987). Les

    rsultats indiquent que cette algue est plus sensible au slniate quau slnite. Une lgre

    inhibition du taux de croissance en phase exponentielle est observe chez T. pseudonana

    partir des concentrations suprieures 1 mM (79 mgL-1) de slnite (LOEC). Aucune

    dficience de croissance na t observe pour des valeurs atteignant 1 nM (79 ngL-1).

    En ce qui concerne le slniate, pour des concentrations infrieures 0.1 M (7,9

    gL-1), Thalassiosira a des difficults crotre, le taux de croissance ne reprsente quun

    quart de la croissance maximale. Laddition de 1 mM (79 mgL-1) de slniate la culture est

    toxique et la croissance est compltement inhibe.

    Chez lamphipode Corophium sp. les acides amins slnis, slno-L-mthionine et

    slno-DL-cystine, sont plus toxiques (LC50 96h = 1.5 et 12.7 gL-1) que les formes

    inorganiques, slnite et slniate (NOEC 96h = 58 et 116 gL-1 ) (Hyne et al., 2002).

    Une inhibition de croissance de 50 % chez Chlorella pyrenoidosa a t rapporte pour

    une concentration de 800 gL-1 (10 M) de slniate dans le milieu (Bennett, 1988).

    Chez E. Coli, la thymidylate synthase ayant de la SeMet substitue la Met, prsente

    une activit spcifique 40 fois plus importante que lenzyme normale. De mme, si plus de la

    moiti des 150 rsidus de Met sont substitus par de la SeMet, la Galactosidase est inactive

    (Schrauzer, 2000).

    Des effets toxiques du slnite ont pu tre observs en termes de modifications de

    lultrastructure de cellules algales (Morlon et al., 2005) et de lamelles branchiales de poisson

    (Lemly, 1993a). Les effets pathologiques observs par Lemly (1993b) au niveau de la

    branchie du poisson tlosten Lepomis cyanellus (exposs une contamination au slnium

    dans le lac Belews, Caroline du Nord, US) sont une dilatation des sinus et un gonflement des

    lamelles branchiales. Cette dilatation des lamelles branchiales due au slnium, pose des

    problmes de flux sanguin, dchanges gazeux inefficaces et une rponse mtabolique accrue

    (augmentation de la demande respiratoire et de la consommation doxygne). Des effets

    tratognes ont aussi t observs dans ce lac. Des effets sur la reproduction et le

    dveloppement du poisson peuvent se manifester suite des expositions chroniques dans

    leau des concentrations de Se infrieures 5 gL-1 (Lemly, 1999).

  • 36

  • 37

    Des dommages ultrastructuraux chez la daphnie ont t observs ds 16 h dexposition

    2 mgL-1 de slnite (Schultz et al., 1980). Dans tous les tissus observs (muscles, nerf), les

    premiers organites touchs taient les mitochondries. Elles commenaient par gonfler et

    semblaient se dsorganiser. Le gonflement tait suivi par lapparition de granules denses dans

    la matrice mitochondriale. Les mitochondries pouvaient finir par dgnrer avec le temps.

    Mammifres terrestres

    Plusieurs auteurs ont montr une toxicit du slnium chez la souris qui tait

    largement dpendante de la forme chimique de Se considre. Ainsi, Zhang et al. (2005),

    montrent que le slnite prsente une toxicit plus importante que le slnium lmentaire

    pour la souris. Ils observent dans le foie de souris, aprs administration de slnite, une

    diminution de la catalase et de la superoxyde dismutase, une augmentation du malonaldhyde

    A, ainsi quune diminution du glutathion et paralllement, une augmentation des glutathion

    peroxydase et transfrase. Les modifications de ces marqueurs sont le signe dun stress

    oxydant aprs exposition au slnite.

    Stewart et al. (1999), montrent galement par des tudes in vitro sur cultures

    cellulaires de souris, que le slnium peut induire un stress oxydant et lapoptose. Ils montrent

    que le slnite et la slnocystamine cre des adduits lADN, lapoptose et quils sont

    cytotoxiques pour les kratinocytes de souris. En revanche, aucun effet ntait observ aprs

    exposition la SeMet.

    La dose ltale moyenne de SeMet (LD50) chez des rats ayant reu une injection

    intraperitonale est de 4.25 mgkg-1 et ainsi, comparable celle du slnite et slniate. Les 2

    isomres de la SeMet ( L- et D- slnomthionine) prsentent la mme toxicit chez le rat et

    sont tous les 2 accumuls dans le muscle squelettique, cur, foie et rythrocytes des degrs

    quivalents, il ny a que le taux de Se plasmatique qui est plus faible dans le cas de la slno-

    L-mthionine (Schrauzer, 2000).

    Il a galement t montr que le slnite de sodium pouvait altrer le potentiel de

    membrane de la mitochondrie et donc contribuer lapoptose (Kim et al., 2002) chez le rat.

    Loxydation des groupements thiols par le slnite, entranerait une chute du potentiel de

    membrane mitochondriale engendrant un relargage de cytochrome c, conduisant lapoptose.

    Leffet anticancer du slnium pourrait tre du ce phnomne.

  • 38

    Figure 5 : Modle biologique, C. fluminea, positionn dans le substrat.

    1 cm

  • 39

    1.2. Le modle biologique tudi : Corbicula fluminea

    Le bivalve Corbicula fluminea a t choisi car il est trs reprsentatif des cosystmes

    aquatiques continentaux. Il peut tre retrouv dans de nombreux cosystmes aussi bien

    lotiques que lentiques. Dautre part, sa physiologie respiratoire a largement t tudie

    rcemment (Tran et al., 2000; Tran et al., 2001; Tran et al., 2002; Tran et al., 2003; Fournier

    et al., 2004; Tran et al., 2004a; Tran et al., 2004b).

    1.2.1.Origine

    C. fluminea ou palourde asiatique est un bivalve deau douce fouisseur vivant

    linterface entre le substrat et la colonne deau (Figure 5). Cest une espce invasive qui a tout

    dabord colonis les continents asiatique, africain, australien et la Nouvelle guine, pour

    ensuite coloniser le continent nord amricain. Elle est lheure actuelle en pleine phase

    dexpansion en Europe. Des densits allant jusqu 2500 individusm-2 ont t rencontres au

    sein de rivires anglaises (Aldridge et Muller, 2001).

    1.2.2.Intrt cotoxicologique : espce bioindicatrice

    C. fluminea est un modle biologique trs utilis en cotoxicologie aquatique. Il

    rpond aux critres dun bon bioindicateur de pollution : il est prsent en grande quantit, il

    est sdentaire, ubiquiste, de collecte facile, de taille et de dure de vie ncessaire et suffisante

    (3-4 ans) et il possde une relativement large rsistance aux pollutions.

    1.2.3.Ecologie

    C. fluminea est une espce benthique peu exigeante quant son habitat. Elle colonise

    aussi bien les systmes lotiques que lentiques. Espce opportuniste, elle prfre les substrats

    composs de sable et de graviers, mais peut saccommoder de substrats mous comme les

    fonds vaseux. Elle peut coloniser des milieux dont les tempratures extrmes sont comprises

    entre 2 et 34 C. Loptimum thermique se situe entre 20 et 25 C (Foe et Knight, 1986). Elle

    peut vivre dans des milieux dont la salinit est comprise entre 0 3 (Gunther et al., 1999).

  • 40

    Figure 6 : Schma des principaux organes de C. fluminea (Britton et Morton, 1982).

  • 41

    Une tolrance de C. fluminea des salinits allant jusqu 13 a t dcrite par

    certains auteurs (Morton et Tong, 1985). Son rgime alimentaire est microphage slectif, se

    nourrissant prfrentiellement dalgues, organismes zooplanctoniques, bactries et dtritus

    organiques. Il sagit dune espce hermaphrodite (Dillon, 2000).

    1.2.4.Anatomie et physiologie

    Dans un contexte de bioaccumulation de contaminants, on peut distinguer 2

    compartiments chez C. fluminea : la coquille (ou exosquelette), forme de 2 valves

    quilatrales et le corps mou qui comprend la masse des organes (Figure 6). Le manteau

    recouvre entirement la face interne de la coquille et englobe lensemble du corps mou. Les 2

    lobes du manteau fusionnent postro-latralement pour former les siphons inhalant et

    exhalant. Les branchies permettent C. fluminea de filtrer leau pour assurer les changes

    respiratoires (leau passe sur lpithlium respiratoire des branchies o loxygne va diffuser

    de leau vers le sang) et se nourrir en pigeant des particules dont la taille peut atteindre

    quelques m (algues unicellulaires phytoplanctoniques, bactries ou bien particules

    organiques). Leau entre par le siphon inhalant, circule dans la cavit pallale et les branchies

    pour ressortir par le siphon exhalant.

    Lactivit ventilatoire est provoque par les battements des cils latraux situs sur les

    branchies. Les mouvements des valves ne sont pas responsables de larrive de leau sur les

    surfaces dchange, mais leur fermeture interdit toute circulation deau en protgeant la masse

    des organes. Les muscles adducteurs sont lorigine de lactivit valvaire. Le pied de C.

    fluminea sert la locomotion dans le substrat.

  • 42

    Figure 7 : Reprsentation schmatique de la branchie de bivalve (Le Pennec et al., 2003)

    Figure 8 : Organisation dune branchie filaments rflchis (Mytilus edulis)

    (daprs Le Pennec et al., 2003)

    Lame interne Lame externe

    Manteau

    Feuillet direct (= descendant)

    Axe branchial

    Septe interfolliaire Feuillet rflchi (= ascendant)

    Cavit interfollaire

    Gouttire alimentaire

    Espace lacuneux

    Jonction interfilamentaire

    Cils fontaux

    Cils latro- fontaux

    Cils latraux

  • 43

    1.2.5.Branchies et mcanique ventilatoire

    1.2.5.1. Anatomie des branchies

    La branchie existe de chaque ct du corps sous forme de 2 lames, externe et interne

    (Figure 7). Chaque lame est constitue dun feuillet descendant et dun feuillet ascendant

    relis laxe branchial. Cest dans cet axe que se trouvent les troncs vasculaires affrent et

    effrent et les principaux muscles assurant les mouvements branchiaux (Le Pennec et al.,

    2003). Llment de base de la branchie est le filament. Tous les filaments sont disposs en

    srie, parallles entre eux. Chez C. fluminea, comme chez tous les eulamellibranches, ils sont

    longs troits et rflchis (Figure 8). Sur une mme lame, tous les feuillets sont semblables, on

    parle de branchie lisse. La ciliature des filaments consiste essentiellement en cils frontaux,

    latro-frontaux et latraux. Leau circule dans le tissu branchial grce au mouvement des cils

    latraux. On considre que les ostiums participent, en fonction de leur degr

    douverture/fermeture, la rgulation du dbit. Chaque filament est soutenu par un tissu

    conjonctif, par des fibres musculaires et un tissu de soutien (chitine).

    1.2.5.2. Fonction des branchies

    Les branchies remplissent plusieurs fonctions : lhmatose du sang et la capture de

    particules alimentaires. Les cellules ciliaires et mucus attirent, slectionnent, capturent et

    conduisent les particules vers les palpes et la bouche. Lintensit de lactivit dpend de

    nombreux facteurs extrieurs dclencheurs comme la temprature, la charge particulaire et de

    facteurs internes de rgulation (Tran et al., 2002; Le Pennec et al., 2003).

    1.2.5.3. Mcanique ventilatoire

    La rgulation du dbit ventilatoire dpend dune part de lactivit des cils et dautre

    part de la contraction des muscles branchiaux (Gardiner et al., 1991; Medler et Silverman,

    2001; Gainey et al., 2003).

  • 44

    Figure 9: Schma de deux filaments branchiaux montrant les cils impliqus dans

    lactivit ventilatoire du bivalve (modifi daprs Jorgensen, 1990).

    Figure 10 : Structure branchiale (daprs Medler et Silverman, 2001).

    Figure 11 : a. Dimension des tubes aquifres chez 3 bivalves lors du relchement et de

    la contraction musculaire de 3 bivalves. b : coupe transversale de branchies relches de M.

    mercenaria ; c : coupe transversale de branchies contractes de M. mercenaria (Gardiner et

    al., 1991).

    a b

    c

    Eau inspire

    ostium

    Cils latraux (mouvement deau)

    Cils frontaux (dplacement des particules)

    Cils latro-frontaux (collecte des particules)

    Fibres musculaires Ostium externe

    Ostium interne Tissu conjonctif

    filament

  • 45

    Le rle des cils

    Les trois types de cils qui se trouvent sur les filaments ont chacun une fonction bien

    prcise dans la mcanique ventilatoire (Figure 9). Les cils latraux, situs dans les canaux

    interfilamentaires o se trouve un pithlium respiratoire, crent un mouvement deau et sont

    donc responsables de lactivit ventilatoire (Jorgensen, 1990). Il existe aussi les cils latraux

    frontaux qui vont collecter les particules alimentaires (Silverman et al., 1996). Les cils

    frontaux vont quant eux vont fonctionner comme un tapis roulant sur lequel sont

    transportes les particules alimentaires pour tre emportes vers les palpes labiaux, la bouche

    et le tractus digestif. Les particules sont piges par un tapis de mucus et les cils frontaux

    dplacent ce mucus.

    Le rle des muscles

    Le diamtre des passages deaux travers les branchies dpend des contractions de la

    musculature branchiale (Figure 10). Jorgensen (1990) dcrit la mcanique ventilatoire chez

    les bivalves filtreurs. Il indique que lactivit ventilatoire varie avec le degr douverture des

    valves et louverture des siphons. Suite la fermeture des valves, une modification de

    lextension du siphon et du manteau est observe, ce qui peut affecter la pompe branchiale en

    affectant les distances interfilamentaires. Les muscles qui rtractent le manteau et le siphon

    sont en continuation des muscles qui se trouvent la base des branchies. Ainsi, la rtractation

    du manteau et siphon peut diminuer laxe branchial et donc celui des hmibranchies. Une

    diminution des canaux interfilamentaires est alors constate, cependant, la largeur des

    filaments reste identique. Cette rduction de la largeur du canal interfilamentaire (drive

    dune fermeture des valves) participerait la diminution du dbit ventilatoire. Une relaxation

    excessive des muscles namplifie pas ou que trs peu la capacit ventilatoire.

    Medler et Silverman (2001), qui ont tudi leffet dune modification de la

    musculature branchiale de C. fluminea sur les processus de ventilation, indique que les

    muscles des Eulamellibranches sont organiss dune faon rguler la dimension des

    passages deau. Ils montrent que la contraction des muscles branchiaux diminue la distance

    interfilamentaire, la taille des ostiums internes et du tube aquifre (Figure 11). Ceci indique

    que laltration du tonus musculaire des muscles lisses peut modifier le dbit ventilatoire.

  • 46

    Figure 12 : A : Coupe transversale de branchie montrant 3 filaments chez Dreissena

    polymorpha. f : cils frontaux ; c : cils latro-frontaux ; l : cils latraux ; e : cellules

    pithliales ; o : ostium ; i : ostium interne ; w : tube aquifre ; w : tube aquifre central ;

    trait = 25 m. B : Dtails des cellules pithliales de filaments f : cellules pithliales

    frontales ; p : cellules pro-latro-frontales ; c : cellules latro-frontales ; l : cellules

    pithliales latrales ; e : cellules pitheliales indiffrencies; m : cellules mucus, ct : tissu

    conjonctif. trait = 5 m (Silverman et al., 1996).

    Figure 13 : A : Coupe transversale de branchie dAnodonta (antrio-postrieure de

    gauche droite). B : Coupe transversale de filaments (dorso-ventral). F : filament ; NM :

    bande musculaire ; O : ostiums. trait = 50 m. (daprs Gardiner et al., 1991).

    A B

    A B

  • 47

    Gardiner et al. (2001), montrent que chez les moules deau douce, il existe 2 types de

    bandes de muscles stris. Il y a dune part, les bandes de muscles situes la base des

    filaments. Elles alternent avec les ostiums. Lors de la contraction de ces muscles, on a

    diminution du canal interfilamentaire. Dautres fibres musculaires se trouvent au niveau de

    lpithlium qui borde le tube aquifre et autour de lostium interne. Ils contrlent le diamtre

    des ostiums internes.

    1.2.6.Facteurs du milieu influenant la physiologie respiratoire de C. fluminea

    Certains facteurs du milieu sont susceptibles dinfluencer lactivit valvaire

    (mouvement douverture et de fermeture des valves) et ventilatoire des bivalves, ce qui peut

    entraner des variations tout fait importantes dans les taux daccumulation dun polluant

    (Tran et al., 2001; Tran et al., 2002; Tran et al., 2004b). Loxygne, la variation de

    concentration de plancton, la temprature, le stress ainsi que la nature du contaminant, sont

    parmi les facteurs qui peuvent entraner des variations de dbit ventil.

    Oxygnation du milieu

    C. fluminea est capable de maintenir constante sa consommation doxygne lorsque

    loxygnation du milieu varie de lhypoxie (10 % de saturation lair) jusqu lhyperoxie

    (200 % de saturation lair) (Tran et al., 2000). C. fluminea maintient lhomostasie de son

    milieu intrieur en termes doxygnation via un ajustement de la ventilation et sans

    modification du dbit cardiaque.

    Ces changements doxygnation du milieu (de 4 40 kPa) modifient profondment les

    processus de contamination par le cadmium (Tran et al., 2001). LO2 peut influencer les

    cintiques de charge du polluant et lorganotropisme en modifiant les teneurs relatives de

    bioaccumulation dans les organes. Lorsque lO2 diminue dans le milieu, C. fluminea

    hyperventile pour maintenir constant lapprovisionnement en O2 dans ses cellules. En

    hypoxie, les flux de cadmium traversant les cavits branchiales augmentent,

    lhydrodynamisme de leau ventile est modifi et lanimal se contamine plus vite par voie

    directe.

  • 48

    Tableau 6 : Facteurs environnementaux pouvant modifier la physiologie respiratoire

    de C. fluminea.

    Facteur du milieu

    tudi

    Effet physiologique

    observ

    Rfrence

    bibliographique

    Densit algale Ajustement du dbit

    ventilatoire

    Tran et al., 2002.

    Temprature Ajustement du dbit

    ventilatoire

    Tran et al., 2002.

    pO2 Ajustement du dbit

    ventilatoire

    Tran et al., 2000 ;

    Tran et al., 2004

    pCO2 Ajustement du dbit

    ventilatoire Tran et al., 2004

    Polluant U Fermeture des valves Fournier et al., 2004

    Polluant Cd Fermeture des valves Tran et al., 2003

    Polluant Cu Fermeture des valves Tran et al., 2004

    Polluant U

    Ajustement du dbit

    ventilatoire

    Ajustement de

    louverture/fermeture

    des valves

    Tran et al., 2004

  • 49

    Densit de phytoplancton

    La nourriture a une influence fondamentale sur lactivit ventilatoire et ceci dpend de

    la temprature. A 15 C, la ventilation dpend de lapport trophique quand la concentration de

    plancton dans le milieu est < 2105 cellsmL-1, tandis qu 25 C la ventilation dpend de

    lapport trophique quand la concentration de plancton est < 5105 cellsmL-1 (Tran et al.,

    2002).

    Temprature

    Lactivit ventilatoire de C. fluminea dpend de la temprature via son influence sur le

    mtabolisme. Une augmentation de mtabolisme demande un approvisionnement en oxygne

    (comburant) et en nourriture (carburant) plus important, ainsi quune augmentation de la

    vitesse dlimination du CO2, un des produits finaux du mtabolisme (Tran et al., 2002). Le

    phnomne a t montr chez divers bivalves dont Brachidontes striatulus (Masilamoni et al.,

    2002). Tran et al. (2002) montrent que les niveaux de base en termes de dbit ventilatoire de

    C. fluminea sont de 12.8 mLh-1g-1 pour des concentrations de plancton non limitantes (>

    2105 cellsmL-1) 15 C et de 26.5 mLh-1g-1 pour des concentrations de plancton non

    limitantes (> 5105 cellsmL-1) 25 C.

    pH

    Fournier et al. (2004) nont pas observ deffet direct dune modification du pH de 6.5

    5.5 sur lactivit valvaire de C. fluminea, cependant un effet indirect a t observ. En

    prsence duranium, la chute de pH entrane une modification de la spciation chimique de

    lU(VI) en solution et entrane la fermeture des valves. Une diminution des priodes dactivit

    a t observe chez un autre bivalve Anadonta cygnea quand le pH passait de 8 4 (Pynnnen

    et Huebner, 1995).

    Prsence dun contaminant

    Les bivalves possdent un moyen de protection vis vis de la survenue dun

    contaminant qui est la fermeture rapide de leurs valves. Diffrents valvomtres actuellement

    sur le march, permettent lenregistrement de lactivit valvaire des bivalves.

  • 50

  • 51

    Lenregistrement de ces mouvements peut tre utilis sur le terrain pour la dtection

    de pollutions aigus (Slooff et al., 1983; Kramer et al., 1989; Sluyts et al., 1996) ou en

    laboratoire pour valuer la toxicit de composs chimiques (Markich et al., 2000). Les auteurs

    dterminent des seuils de sensibilit aux polluants pour une espce de bivalve donne, au-del

    desquels lactivit valvaire de ces bivalves est perturbe (Markich et al., 2000; Tran et al.,

    2003; Fournier et al., 2004; Tran et al., 2004a). Des modifications de lactivit ventilatoire de

    C. fluminea ont galement t rapportes dans la littrature. Tran et al. (2004) montrent une

    chute du dbit ventilatoire en prsence duranium. A notre connaissance, une seule

    publication (Watling et Watling, 1982) a rapport des effets du slnium au niveau de

    lactivit ventilatoire dun bivalve. Chez la moule Perna perna, ils ont test leffet dune

    exposition directe au slnite sur 1 heure. Ils rapportent une inhibition de la ventilation des

    concentrations de slnite allant de 100 300 gL-1, une stimulation de 300 700 gL-1 et

    puis une inhibition aux valeurs plus leves.

    2. DEMARCHE EXPERIMENTALE ET PRINCIPAUX PARAMETRES ETUDIES

    2.1.1.Dmarche exprimentale

    Le slnium est prsent dans lenvironnement sous plusieurs tats doxydation

    et sous diverses formes chimiques ( 1.1.1.1). Il a t montr que sa bioaccumulation et sa

    toxicit dpendaient des diffrentes formes chimiques mises en jeu ( 1.1.5 et 1.1.6). Les

    effets des diffrentes formes chimiques de Se sur sa biodisponibilit, sa bioaccumulation et sa

    toxicit ont t trs tudis chez les organismes phytoplanctoniques. En revanche, peu

    dtudes se sont intresses aux maillons trophiques suprieurs. De plus, ltude de la voie

    trophique et de la voie directe sur un mme modle biologique a rarement t fait.

  • 52

  • 53

    Dans ce