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Biographie complète de 1920 à 1950 Début sans histoire Boris Vian naît le 10 Mars 1920 à Ville-d'Avray. Son père Paul est rentier, fils de Henri Vian ferronnier d'art de son état et Jeanne Brousse, héritière des Papeteries Brousse Navarre. Malheureusement, ils meurent jeunes, quant au frère de Paul, il est enterré vivant dans un trou d'obus durant la guerre de 14-18 puis interné à Ville-Évrad, et sa soeur se jette sous un bus par dépit amoureux. Paul se retrouve donc seul mais avec une rente suffisante pour vivre bourgeoisement comme il l'a toujours fait. La mère de Boris, Yvonne Woldermar Ravenez (dite mère Pouche), a pour parents Louis Paul Woldemar, propriétaire, directeur ou administrateur de quelques sociétés industrielles, dont les Pétroles de Bakou et les établissements Decauville. Sa mère Elizabeth Marshall, anglaise, a six enfants. Malheureusement, encore, la mère de Boris Vian se retrouve orpheline très tôt, et en charge de sa soeur Alice. Le frère aîné de Boris, Lélio est né le 17 Octobre 1918. Après Boris, vient Alain, le 24 Septembre 1921, et Ninon le 15 Septembre 1924. La vie à Ville d'Avray est paisible, on y prône un certain libéralisme, une vie cultivée, mais on refuse de se soumettre aux lois cléricales et plus encore aux lois militaires. Au fur et à mesure des revers de fortune le train de vie des Vian s'amoindrit, les obligeant à quitter l'hôtel particulier rue de Versailles pour une villa plus modeste. Ce qui leur fait rencontrer Jean Rostand et son fils François, leurs voisins. Mais la crise de 29 ne les épargne pas et ils sont obligés de louer la villa à la famille Menuhin (dont le fils Yehudi fut un grand violoniste international), et d'habiter la maison du gardien. Paul Vian, contraint à travailler pour gagner sa vie, traduit d'abord des textes anglais Mais cela ne suffisant pas, il travaille comme représentant pour les médicaments homéopathiques de l'Abbé Chaupitre. C'est à l'âge de douze ans que Boris Vian a une crise de rhumatisme articulaire aiguë, ce qui entraîne une insuffisance aortique. En clair, il ne pourra vivre une vie paisible et longue à cause de son coeur faible. Après des rudiments inculqués à domicile par une institutrice privée, Vian entre en petite classe au lycée de Sèvres puis entre en 3ème au lycée Hoche en 1932 où il étudie le latin et le grec. Il obtient son premier Bac à 15 ans. Malheureusement en 1935 il est atteint d'une fièvre typhoïde grave. Sa mère redouble de vigilance à son égard, ce que Boris trouve excessif. À dix-sept ans, il obtient un baccalauréat de philosophie et de mathématiques au lycée Condorcet à Paris. Quelques amis devant la salle 1

Boris Vian Biographie complète de 1920 à 1950

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Biographie complète de 1920 à 1950

Début sans histoire

Boris Vian naît le 10 Mars 1920 à Ville-d'Avray. Son père Paul est rentier, fils de Henri Vian ferronnier d'art de son état et Jeanne Brousse, héritière des Papeteries Brousse Navarre. Malheureusement, ils meurent jeunes, quant au frère de Paul, il est enterré vivant dans un trou d'obus durant la guerre de 14-18 puis interné à Ville-Évrad, et sa soeur se jette sous un bus par dépit amoureux. Paul se retrouve donc seul mais avec une rente suffisante pour vivre bourgeoisement comme il l'a toujours fait. La mère de Boris, Yvonne Woldermar Ravenez (dite mère Pouche), a pour parents Louis Paul Woldemar, propriétaire, directeur ou administrateur de quelques sociétés industrielles, dont les Pétroles de Bakou et les établissements Decauville. Sa mère Elizabeth Marshall, anglaise, a six enfants. Malheureusement, encore, la mère de Boris Vian se retrouve orpheline très tôt, et en charge de sa soeur Alice.Le frère aîné de Boris, Lélio est né le 17 Octobre 1918. Après Boris, vient Alain, le 24 Septembre 1921, et Ninon le 15 Septembre 1924.

La vie à Ville d'Avray est paisible, on y prône un certain libéralisme, une vie cultivée, mais on refuse de se soumettre aux lois cléricales et plus encore aux lois militaires.Au fur et à mesure des revers de fortune le train de vie des Vian s'amoindrit, les obligeant à quitter l'hôtel particulier rue de Versailles pour une villa plus modeste. Ce qui leur fait rencontrer Jean Rostand et son fils François, leurs voisins. Mais la crise de 29 ne les épargne pas et ils sont obligés de louer la villa à la famille Menuhin (dont le fils Yehudi fut un grand violoniste international), et d'habiter la maison du gardien. Paul Vian, contraint à travailler pour gagner sa vie, traduit d'abord des textes anglais Mais cela ne suffisant pas, il travaille comme représentant pour les médicaments homéopathiques de l'Abbé Chaupitre.

C'est à l'âge de douze ans que Boris Vian a une crise de rhumatisme articulaire aiguë, ce qui entraîne une insuffisance aortique. En clair, il ne pourra vivre une vie paisible et longue à cause de son coeur faible.Après des rudiments inculqués à domicile par une institutrice privée, Vian entre en petite classe au lycée de Sèvres puis entre en 3ème au lycée Hoche en 1932 où il étudie le latin et le grec. Il obtient son premier Bac à 15 ans. Malheureusement en 1935 il est atteint d'une fièvre typhoïde grave. Sa mère redouble de vigilance à son égard, ce que Boris trouve excessif.À dix-sept ans, il obtient un baccalauréat de philosophie et de mathématiques au lycée Condorcet à Paris.Quelques amis devant la salleIl devient membre du Hot Club Jazz de France en tant que trompettiste. Son père fait construire une salle de Bal au fond du jardin, ce qui fait le bonheur de ses enfants qui animent dès lors des surprises-parties pouvant réunir jusqu'à 400 personnes.

C'est en 1938 que Paul Vian se fait démarcheur d'une agence immobilière. Boris se produit dans quelques maisons mondaines de Ville d'Avray avec son premier orchestre "Accord Jazz" (se composant d'Alain, Lélio, François Rostand, et quelques autres).C'est en 1938 aussi que Boris Vian vit le premier de ce qu'il appellera les " trois grands moments de son existence " : le concert de Duke Ellington à Paris (qui deviendra plus tard un grand ami de Boris). Mais une chose le tourmente : "Les filles" ; il y a bien eu des baisés volés, des accolades sensuelles, mais la mère Pouche lui a tellement fait peur avec la syphilis, les croqueuses d'hommes, et autre qu'il ne se sent pas l'âme d'un Don Juan.

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En Juin 39, Boris est reçu au concours d'entrée à l'École Centrale des Arts et Manufactures (125ème sur 313). Puis vient l'été, 10 jours de délivrance, c'est la première fois qu'il part ailleurs qu'à Lerdamer en vacances, et rencontre Monette, sa première petite amie ("officielle") à Saint-Jean-de-Monts. Mais, à peine rentré à Ville d'Avray, le 3 Septembre, la guerre éclate.

La guerre quand on a 20 ans

Michelle et Patrick VianDébut Novembre, Boris passe au conseil de réforme et est exempté pour sa maladie de coeur (sa maladie l'a sauvé cette fois), par contre Lélio est mobilisé. Le 6 Novembre Boris part à Angoulême pour l'école Centrale (réfugiée dans l'immeuble inachevé de la nouvelle bibliothèque municipale). En Juin 1940 la famille Vian s'exile pour Caudéran en Gironde, Boris les rejoint en bicyclette. D'abord confiné dans une seule pièce, le parrain de Boris, Ralph Lepointe, chargé de loger les déportés, leur trouve une petite maison à CapBreton.C'est le 21 Juillet, durant une surprise-partie sur la plage qu'il rencontre Michelle Léglise, elle a vingt ans et prépare son bac philo, comme tout le monde, elle a quitté Paris. Mais l'ombre de Monette est encore là dans l'esprit de Boris.Le 29, Boris rencontre Jacques Loustalot, ami de Michelle. Il a quinze ans, mais en paraît vingt. C'est le "bienheureux Major revenu des Indes", personnage loufoque et borgne que Vian apprécie, il lui prend quelques fois l'envie de faire le funambule en se promenant sur les corniches des toits, peut "foutre en l'air une soirée" parce qu'elle ne lui plait pas, et il a la fâcheuse habitude de sortir de chez quelqu'un toujours par la fenêtre et de descendre de c'elle-ci à l'aide d'une corde confectionnée par les draps de la maison. Le major est tout ce que Vian aurait voulu être, extravaguant tant dans ses mots que dans ses gestes.Août 40, les Vian reviennent à Paris, tout d'abord en voiture, puis faute d'essence ils la vendent et continuent en train.C'est le 1er Septembre que Michelle rentre à Paris. Elle revoit Alain au "Pam Pam" qui l'invite à Ville-d'Avray. C'est à ce moment que Boris et Monette se disputent, elle claque la porte pour ne plus revenir. Alain s'efface et laisse Boris seul avec Michelle.Dès lors qu'elle viendra tous les jours après les cours de l'école centrale chercher Boris et le raccompagner à la gare de Saint-Lazare.

En Juin 41 ils se fiancent, se marient civilement le 3 Juillet, et religieusement le 5 à l'église de Saint-Vincent-de-Paul à Paris.1941 est aussi l'année des premiers écrits pour Vian encouragé par Michelle. Il s'attellera, entre autre, à reprendre quelques poèmes de son père, de ses frères, de Jean Rostand et son fils François, et de ses camarades de l'École Centrale aussi bien que du musicien Jacques Besse et du fantaisiste, aujourd'hui comédien réputé, Jean Carmet. Il participe aussi à quelques courts-métrages qu'il a lui-même écrits, et commence l'écriture d'un roman.Les conditions matérielles du couple Vian sont difficiles. Heureusement, Michelle qui vit chez ses beaux-parents gagne un peu d'argent en écrivant des articles pour le magazine "nègre" Vedettes. C'est en se promenant sur les quais de Paris accompagné de Michelle et du Major, qu'il découvre la littérature américaine qui a échappé à la censure, principalement des romans policier. Michelle initie Boris à l'anglais en lui traduisant quelques passages de romans ainsi que des chansons jazz qu'il aime tant.Toujours en 1941, sa soeur Ninon épouse Jean Lhespitaou, un ami centralien de Boris. Paul abandonne les médicaments pour se retourner vers l'immobilier. Et enfin, Lélio est libéré, et leur raconte la débâcle française, les cartouches qui ne rentraient pas dans leurs fusils, leur seul rempart face aux chars allemands.

L'orchestre Abadie-VianPrintemps 1942, Alain joue de la batterie dans le trio amateur du clarinettiste Claude Abadie. Le groupe remporte la grande coupe du Hot Club de France. Alain présente ses frères à Claude. Ils forment alors un groupe qui prend le nom de

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"groupe Abadie-Vian" (pour faire plaisir à Michelle) et répète deux fois par semaine. Entre temps Patrick Vian, fils de Boris et Michelle naît le 12 Avril 1942.Ne se fondant pas dans la masse des centraliens, Boris obtient quand même son diplôme d'ingénieur en Juin. Il entre le 24 Août à l'AFNOR (Association Française de normalisation) où il y restera jusqu'en 1946. Il s'installe avec Michelle dans le grand appartement que les Léglise louent au 98 rue Faubourg Poissonnière. Le père de Michelle a été déporté au cours de l'été 1941 vers Berlin pour ses compétences en physique aéronautique, sa femme le suit. L'appartement reste donc vide. Boris commence à écrire Trouble dans les Andains qu'il terminera un an plus tard. Fin 1942 début 43, il rédige un Conte de fées à l'usage des moyennes personnes pour Michelle alors en séjour à l'hôpital pour une opération.L'orchestre Abadie-Vian se produit de plus en plus souvent en public et participe à de nombreux concours. Il se compose désormais des trois frères Vian, Jackie Daubois au piano, Edouard Lassal au violoncelle et Claude Abadie à la clarinette et à la direction de l'ensemble. Ces représentations lui permettent d'échapper à son métier d'ingénieur à l'Afnor qui lui pèse de plus en plus. Boris s'amuse même à décrire le mode de vie de quelques-uns uns de ses collègues dans Vercoquin et le plancton ainsi que dans le Manifeste du COCU.En Septembre 1943, Alain et Lélio partent pour le STO ( Service du Travail Obligatoire ), et le Major est envoyé en Avril dans un chantier de jeunesse par son père.Boris rencontre Claude Luter grand jazzman de style "Nouvelle-orléans" en Janvier 1944, ils projettent même d'enregistrer ensemble.

Le 2 Janvier 1944, l'orchestre Claude Abadie prend part au septième Tournoi des amateurs ; La presse spécialisée en garde une excellente impression mais comme l'orchestre a joué une oeuvre américaine (ce qui était interdit sous l'Occupation), il est déclassé. En Mars Boris envoie, sous le pseudonyme Bison Ravi, un poème intitulé Référendum en forme de ballade à la revue "Jazz Hot", qui le place second du concours. Après la libération, le groupe Abadie-Vian est sollicité de toute part. C'est là que Boris se lie d'amitié avec Claude Léon revenu d'un camp de concentration et ancien batteur du groupe Abadie, amateur de voiture et de course automobile, comme Boris. Il revient dans l'orchestre qui prend sa forme définitive. Le groupe est alors considéré comme l'un des meilleurs groupes de jazz amateurs de l'époque par les connaisseurs. Bien qu'ils se produisent devant les GI's américains, ils doivent se battrent (et parfois physiquement) pour jouer du Jazz (américain) confondu avec la musique nègre décadente.Boris écrit des chansons jazz en français, ainsi que des nouvelles qu'il envisage de regrouper sous le titre Les lunettes fourrées.

Dans la nuit du 22 au 23 Novembre 1944, Paul Vian est assassiné dans la maison de Ville-d'Avray par des cambrioleurs ( enfin on le suppose, car les coupables ne seront jamais retrouvés ). Boris étant "le plus sage de ses fils", comme l'a écrit Paul dans son testament, il doit veiller sur sa famille. La maison des fauvettes est vendue dans la précipitation ainsi que les meubles et les bibelots. Yvonne et sa soeur se retrouvent dans un minuscule appartement du XVIème arrondissement de Paris.Entre-temps, les parents de Michelle sont revenus d'Allemagne, ne laissant plus qu'une pièce pour Boris et sa petite famille.

En Mars 1945, Boris donne un premier article à un petit journal bimensuel qui a pour titre Les Amis des Arts. Il est chargé de la rubrique de littérature ; Michelle Vian s'occupe du cinéma et Raymond Fol de la musique. Malheureusement, il ne participera qu'à trois numéros et pour cause : ils oubliaient de le payer.

Entre écriture et jazz

François Rostand a confié le manuscrit de Vercoquin et le Plancton à ses parents. Jean qui publie ses ouvrages à la NRF, transmet le roman à Queneau, secrétaire général des éditions Gallimard.

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Queneau et Vian se rencontrent, débute alors une grande amitié qui ne cessera jamais. Le 18 Juillet 1945, Boris signe son premier contrat d'auteur, suivra un autre pour Les lunettes fourrées.Mais Vercoquin et le Plancton ne sera imprimé que deux ans plus tard.

Le groupe Abadie se produit énormément cette année là, il est même dans un film intitulé Madame et son flirt de Jean Marguenat. Cette courte apparition cinématographique inspira Boris pour l'écriture de la nouvelle le figurant dans Les fourmis.Le 10 Juillet, L'orchestre Abadie enregistre pour la marque swing un 78 tours. Les musiciens sont : Boris Vian (trompette), Raymond Janet (trombone), Claude Abadie (clarinette), Hubert Fol (saxophone alto), Raymond Fol (piano), Paul Vernon (guitare), Alix Bret (basse), Claude " Dody " Léon (batterie). Le 17 Novembre 1945, au Premier Tournoi International de Jazz Amateur organisé par le Hot Club de Bruxelles, l'orchestre enlève quatre coupes, un prix et le titre de champion international. Conséquence de ce succès : l'orchestre est invité à animer les réveillons de Noël et du Jour de l'An à la taverne le Zénith à Bruxelles, en échange de cachets somptueux.

Boris Vian quitte l'AFNOR pour l'Office professionnel des industries et des commerces du papier et du carton, le 15 Février 1946, sur les recommandations de Claude Léon qui y travaille déjà.Livre de l'écume des joursCe nouvel emploi lui demande peu de travail, ce qui lui permet d'écrire L'écume des jours de Mars à Mai. Mais il y existe une autre raison pour laquelle il écrit ce livre : le prix de la pléiade, créé en Juin 1943, sert à récompenser de nouveaux auteurs et ainsi de se faire connaître. Boris avait déjà signé Vercoquin chez Gallimard il ne pouvait donc le présenter au prix, mais aurait pu le vendre mieux avec un prix Pléiade pour L'écume des jours.Le jury se compose d'André Malraux, Paul Éluard, Marcel Arland, Maurice Blanchot, Joël Bousquet, Albert Camus, Jean Grenier, Jacques Lemarchand, Jean Paulhan, Jean-Paul Sartre, Roland Tual et Raymond Queneau. Boris sait que Queneau et Lemarchand appuieront son livre sans réserves. Jean Paulhan, très influent au sein de la NRF (qui a raflé tous les anciens prix), s'est engagé à lui donner le prix. Pour Sartre grand philosophe à la mode, très respecté dans les soirées mondaines, Vian fait une caricature à l'extrême dans l'écume des jours, il lui fait également lire ces passages. L'humour touche Sartre qui accepte de voter pour son livre.Boris est donc persuadé de remporter le prix face à l'abbé Jean Grosjean et son recueil de poèmes Terre du temps (qui, soit dit en passant, est complètement oublié de nos jours).Mais Malraux est un grand ami de Grosjean et a mené une vive campagne en faveur de son recueil. Arland est hostile à L'écume des jours, et se laisse convaincre par Malraux, de plus, il a une grande influence sur Blanchot, Bousquet et Grenier. Pour couronner le tout, Paulhan retourne sa veste et vote pour Grosjean.Le 25 Juin, le prix Pléiade est décerné à Grosjean par huit voix contre trois, et une pour Henri Pichette qui n'était pas candidat. Paul Éluard refusant tout combat, aurait voté pour Pichette.Le résultat abasourdit Vian qui ne supporte pas cet échec. Pour se soulager, il écrit L'Automne à Pékin de Septembre à Novembre 1946, où l'on retrouve "L'abbé Petitjean";Ursus de Janpolent" et l'infâme "Arland" dont Boris ponctue chaque référence d'un définitif : "un beau salaud".

Au mois de Juillet, Boris rencontre Jean d'Hallin, un jeune éditeur qui tente de lancer sa maison d'édition : "les éditions du Scorpion". Par jeu et provocation face a cette société bien pensante, Vian lui propose un livre pastiche de roman noir américain parsemé d'érotisme ( dont Vian veut démocratiser la lecture ) pour le mois d'Août. C'est en quinze jours, durant ses vacances, que Boris écrit J'irai cracher sur vos tombes. Pour faire croire qu’il s’agit une traduction, il prend un pseudonyme américain : Vernon Sullivan, Vernon en hommage à Paul Vernon, musicien de l'orchestre Abadie, et Sullivan en l'honneur de Joe Sullivan, pianiste de Jazz.

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L'éditeur en est ravi et l'imprime en Novembre 1946 ( c'est le premier livre édité de Boris ).

Boris Vian est alors sur tous les fronts, en plus de sa Chronique du menteur publié aux Temps modernes, il écrit des chansons, traduit des livres, joue de sa trompinette, et s'adonne aux arts plastiques, comme la peinture, la sculpture, et autres inventions.J'irai cracher sur vos tombes ne démarre pas comme prévu, il ne se vend pas beaucoup, alors, Boris part en guerre et demande aux journaux d'en faire des articles. La suspicion commence à se naître, comme quoi Vernon Sullivan n'existe pas et que ce n'est autre que Boris Vian lui-même. Au nom de cette suspicion, Gallimard refuse l'Automne à Pékin.Fin 46, Boris fréquente de plus en plus les caves de Saint-Germain-des-Prés pour y écouter Claude Lutter à la clarinette et François Galépidès à la batterie.Dès Janvier 1947, plus personne n'ignore que Sullivan est Vian. Boris délaisse Vercoquin, qui vient de paraître, pour ne parler que de J'irai cracher.Le 7 Février, Daniel Parker attaque le livre pour outrage aux bonnes moeurs. Les ventes s'envolent. Devant la justice, Boris tente de prouver que ce n'est pas lui Vernon Sullivan, il risque deux ans d'emprisonnement et 300 000 francs d'amende.Le 30 Mars 1947, un ancien milicien, Émile Rougé, a assassiné sa maîtresse en laissant près du corps le livre J'irai cracher sur vos tombes ouvert à la page où le héros tue sa maîtresse de la même façon. Vian est accusé alors d'être un "assassin par procuration". (NDR: Les auteurs de Scream n'ont rien inventé ;-).Pour prouver son innocence Vian n'a qu'une chose à faire : publier la version américaine du livre. Aidé par Milton Rossenthal ( un collaborateur des temps modernes ), Boris traduit son livre.Août 1947, le tribunal décide de suspendre les poursuites.

Prince de Saint-Germain-des-PrésBoris reçoit Duke Ellington lors de son arrivée à Paris

En Avril 1947, au 33 rue Dauphine, la cave du Tabou-Club ouvre ses portes, et les frères Vian en font leur quartier général. Alain est le principal animateur du Tabou, Boris, le trompettiste officiel, fait figure de personnage à ne pas manquer, et c'est grâce à lui et son parler slang ( son américain ) que les grands noms du jazz, Miles Davis, Sidney Bechet, Roy Eldridge viennent y jouer, et ses amis écrivains, comme Queneau, Sartre, Camus, etc., s'y retrouvent.Dans le public, qui afflue, il y a les journalistes ( dit pisse-copie ) qui se complaisent à décrire les soirées du tabou comme la débauche équivalente à ce que l'on peut trouver dans l'oeuvre de "Boris Sullivan" prince du Tabou.Boris n'a plus un moment à lui, il ne dort que quatre à cinq heures par nuit, car "dormir ne sert pas à travailler". C'est ainsi qu'il créera bon nombre de scénarios et, avec Michel Arnaud et Raymond Queneau, la société de production ARQUEVIT (ARnaud, QUEneau, VIan, T en plus) qui ne vit que très peu de temps.

Avril 47, sort le livre L'écume des jours qui ne reçoit pas le succès escompté.En Août 1947, Boris abandonne le métier d'ingénieur, et quitte l'Office : les ventes de J'irai craché lui rapportent assez d'argent pour vivre.En Automne 47, les responsables de la Radiodiffusion Française, forts de la nouvelle émission Les temps modernes qui diffuse enfin les idées progressistes de Sartre et Merleau-Ponty, acceptent de donner du temps d'antenne Carte blanche (libre de tout contrôle) à des personnalités. Le 12 Octobre, Vian fait une émission mémorable nommée Radio-Massacre, et commence par dire qu'il à blessé deux hommes pour parvenir à être le directeur de la radio, puis, après moultes péripéties, fini par faire jouer l'orchestre Abadie en vitesse, car les policiers font une entrée fracassante.Le Major

L'Automne à Pékin et Les morts ont tous la même peau sont édités fin 47.Le 7 Janvier 1948 au petit matin, le Major sort par la fenêtre d'un appartement du 7ème étage. Accident ou Suicide, personne ne le saura. Boris qui n'était pas de

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cette soirée est très affecté. Comme si le sort s'acharnait, il tombe en panne avec sa voiture alors qu'il partait pour l'enterrement du Major.

Boris s'ennuie à adapter J'irai cracher sur vos tombes au théâtre et préfère travailler sur la pièce l'Équarrissage pour tous.Il écrit et publie le dernier Sullivan Et on tuera tous les affreux. Le 16 Avril 1948, naissance de Carole Vian, un peu de fraîcheur dans ce monde si noir.Malheureusement, cela n'empêche pas le couple Vian de s'étioler de plus en plus. Boris n'assume que très mal son rôle de père, car il n'est que trop souvent irresponsable, voire infantile.

Infatigable il collabore pour Combat, Jazz Hot (dit: Jazote), crée un nouveau roman qu'il intitule Le Ciel crevé, écrit des projets de conférence, des traductions, etc.Et quand il n'écrit pas, il bricole sa vieille BMW dans un atelier de réparation à Colombes en compagnie de Maurice Gournelle, un fils de commerçant fortuné qui s'était mis à la mécanique.

Le soir de la première de l'adaptation de J'irai cracher, le 22 Avril, est catastrophique, le décor s'effondre, le rideau tombe au milieu de la scène, Boris se dispute avec l'acteur principal. Les critiques qui cherchaient de la pornographie sont déçus.

La seule éclaircie dans ces deux années vient de Jean Paulhan. Jacques Lemarchand a apprécié la version remaniée de L'équarrissage et le soumet à Paulhan qui le publie dans Les cahiers de la Pléiades. Vian accepte d'en faire une pièce en un acte.I shall split on your graves (roman que Vian à traduit de J'irai craché sur vos tombes) est publié dans l’indifférence générale.

En Août, Vian effectue en compagnie de Jean-François Devay un voyage en Allemagne dans la zone d'occupation américaine ; il y forme le projet de L'herbe rouge et en écrit les premières lignes.Du côté de Saint-Germain, le Tabou s'essouffle par trop de scandales et de ragots, Boris passe désormais au Club Saint-Germain.

Boris rencontre Jean Boullet, un passionné de cinéma fantastique, homosexuel vivant avec un handicapé privé de ses deux mains. Ils créent ensemble Barnum's digest, un recueil de poèmes de Boris agrémenté de dessins de Boullet.

Livre J'irai cracher sur vos tombesLe 24 Novembre 1948, Vian se reconnaît l'auteur de J'irai cracher sur vos tombes devant le juge d'instruction Baurès. Daniel Parker porte plainte contre le second Sullivan : Les Morts.

Le 3 Juillet 1949, J'irai cracher sur vos tombes est interdit par décret ministériel. Boris, Jean d'Halluin et leurs imprimeurs sont inculpés.Le fisc enfonce le clou : n'ayant jamais payé ses impôts, Boris leur doit beaucoup d'argent. De plus le percepteur n'ignore plus que Vian et Sullivan ne font qu'un, donc qu'il a gagné énormément d’argent grâce à son livre.

Vian alors travaille sans relâche pour récupérer de l'argent et honorer ses dettes. Il collabore à la revue des chemins de fer, Dans le train, à La Bouteille à la mer, à Constellation, fait des traductions pour Gallimard etc. Quant à ses propres écrits, paraît en Avril 1949, Cantilènes en gelée, un recueil de poèmes illustré par Christiane Alanore et publié en 200 exemplaires. Le recueil de nouvelles Les Fourmis est publié en Juillet aux éditions du Scorpion. Il signe aussi un contrat pour le Manuel de Saint-Germain-des-Prés qu'il finira en Mai 1950, Mais ne sera publié qu'en 74<.

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Vian et Michelle s'éloignent l'un de l'autre. Ils font partie de ces jeunes qui n'ont pu profiter de la vie à 20 ans, et se rattrapent après la guerre. Boris s'amuse avec des actrices, Michelle se venge avec des jazzmen.Durant l'été 49, Boris et Michelle se mettent d'accord pour occuper à tour de rôle la maisonnette de Saint-tropez qu'ils louent, nouveau lieu de prédilection des bourgeois de Saint-Germain-des-Prés.Du 4 au 11 Septembre 49, il est membre du jury du Festival international du film amateur à Cannes.

Henri Salvador, fait un tabac avec la chanson : C'est le be-bop, écrite par Vian. C'est le début d'une grande complicité.

Le 11 Avril 1950, est représentée la pièce L'équarrissage pour tous par André Reybaz au Théâtre des Noctambules. Peu de critiques approuvent cette pièce, Jean Cocteau, Michel Déon et René Parjavel en font un éloge. Dès la fin Avril, la pièce est retirée de l'affiche.

En Mai, Vian est condamné à 100 000 francs d'amendes pour outrage aux bonnes moeurs.

Cela ne l'empêche pas d'acheter une Richard Brasier 1911 qui fait le bonheur de son propriétaire et aiguise la curiosité des passants qui ont le temps de l'admirer, vu qu'elle ne roule qu'à 45 km/h.Nouvelle vie conjugale

Le 8 Juin 1950, Boris fait une rencontre fortuite avec Ursula Kübler qui appartenait à la troupe de ballet de Roland Petit.

Quelques jours plus tard, sort le dernier des Sullivan Elles ne se rendent pas compte, ou plutôt le premier dont Vian ne se dit pas le "traducteur".

Les éditions Toutains publient L'Herbe rouge et L'équarrissage et projettent de publier Le manuel de Saint-Germain-des-Prés . Mais l'éditeur n'a pas versé l'acompte nécessaire aux diffuseurs et la majorité des livres croupissent dans leurs dépôts.

Ursula Vian-KüblerUrsula vient de plus en plus lui rendre visite rue Faubourg-Poissonnière, leur complicité s'installe. Un jour, Vian, grand timide, va chez elle et lui donne à lire L'herbe rouge s'évitant ainsi de se délivrer par la parole.

Le 6 Janvier, Boris passe son examen d'admission à la Sacem comme compositeur de chansons, acceptant ainsi le fait qu'écrire des chansons n'est pas qu'un passe-temps.

Le 25 Janvier 1951, Boris met le point final à L'arrache coeur, roman qu'il a commencé en 47. Bien que Queneau défende le manuscrit, Gallimard refuse de le publier. Et tous persistent à croire qu'il peut faire mieux. Malheureusement, à cause de cette obstination, Vian s'essouffle et refusera d'écrire d'autres romans.

En Avril, Boris met dans une valise les oeuvres complètes de Queneau, les livres de Marcel Aymé et les disques de Duke, et part rejoindre son ourson (Ursula) boulevard de Clichy dans une chambre de bonne.

Gallimard lui propose une traduction à faire en quelques semaines seulement : L'histoire d'un soldat, mémoires du général Omar Bradley. Il fera cette traduction en moins de trois semaines, et en l'intitulant "Mémoire d'un connard" sur son manuscrit.Il écrit aussi, mais pour son compte personnel, Le goûter des généraux, pièce qui ne sera pas mise en scène de son vivant.

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Cela fait deux ans que Boris s'intéresse au nouveau genre littéraire outre-atlantique : la science-fiction. C'est en Décembre qu'il fonde avec Queneau, Pierre Kast, France Roche, et quelques autres de Saint-Germain, le Club des Savanturiers, Club qui prône la science-fiction comme genre littéraire et cinématographique incontournable.

Parallèlement Vian s'occupe de politique en commençant à rédiger le Traité de civisme qu'il ne finira jamais. Les luttes d'indépendance en Tunisie et au Maroc, le travail, la politique intérieure, les conditions des femmes, la justice, sont des thèmes qui le poussent à commenter cette politique. Peut-être aussi pour se venger de Sartre et de ses Temps modernes mais surtout de son amante Michelle. Il prône et défend, à travers son traité, l'éducation individuelle de l'homme et des peuples et le droit aux hommes de disposer d'eux-mêmes.

Boris Vian et PasqualiLe 8 Avril 1952 est créé à la Rose Rouge dirigée par Nico, le spectacle Cinémassacre ou les cinquante ans du septième art, l'idée originale étant de Pierre Kast et Jean-Pierre Vivet, le scénario et les dialogues de Boris Vian. Les critiques l'applaudissent et le nombre des représentations s'élève à 400.

Le 8 Juin, Boris intègre le Collège de ‘Pataphysique et est nommé Équarrisseur de 1ère classe. Il peut donner libre cours à ses écrits pour le Collège de 'Pataphysique.

Son divorce d'avec Michelle étant inéluctable, Boris répète à qui veut l'entendre que le mariage est source d'ennuis.Les conditions financières d'Ursula étant plus favorables, Boris la charge de trouver un appartement, lui se sent trop fatiguer pour chercher.

Fort de son succès avec Cinémasacre, il propose à Jo Tréhard, directeur de la salle municipale des Beaux-Arts de Caen qu'il a rencontré lors d'une soirée, de présenter Chevalier de neige et Paris Varie ou Fluctuat nec mergitur. Mais cette dernière ne remporte pas autant d'enthousiasme que Cinémassacre.

En plus des éternelles traductions, qui le font vivre, Boris écrit la majorité des poèmes du recueil Je voudrais pas crever, qui traduisent ses jours sombres et sa période de dépression.

Le divorce est prononcé en sa défaveur le 20 Janvier 1953.Ursula a trouvé un appartement 6 bis Cité Vernon, derrière le Moulin Rouge qui le leur loue. Ils ont pour voisins Jacques et Janine Prévert nouvellement installés aussi. Ursula pousse Boris à faire des travaux, ses amis de Colombe l'aident aussi.

Le 15 Janvier, les éditions Vrille publient l'Arrache-Coeur dans l'indifférence totale des critiques et des lecteurs.

Le premier Avril 1953, Paris Varie est présenté sur L'Hirondelle, un bateau mouche sur la Seine, en compagnie de ses amis de la 'Pataphysique. Le bateau est comble, Boris s'en félicite.

Fin des années noirs

Le 22 Palotin 80 (Soit le 11 Mai 1953), Boris Vian devient " Satrape et Promoteur Insigne de l'ordre de la grande Gidouille, avec les Sublimes Privilèges que de droit ".

Au mois d'Août 53, le Chevalier de Neige, qui est présenté en plein air à Caen, remporte un grand succès du point de vue du public comme de celui des critiques.

Et comme un retour de fortune, en Octobre, Boris apprend que la loi d'amnistie du 6 Août 1953 annule le verdict touchant les oeuvres de Sullivan.

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Début 54, le scénariste Jacques Dopagne, propose à Boris d'adapter L'écume des jours au cinéma : le cinéma le tente trop pour qu'il refuse.Le 8 Février, Boris et Ursula se marient à la mairie du XVIIIème arrondissement de Paris. Boris a enfin cédé à la pression d'Ursula pour cette union.

Excédé par ce monde horrible, fait de massacre et de guerre, Boris écrit Le déserteur le 15 Février 1954.

C'est une période où Vian écrit beaucoup de chansons de toute sorte, avec l’aide de Jimmy Walter. En Novembre 1954, Michel de Ré demande à Boris de lui écrire quelques chansons pour un spectacle sur La bande à Bonnot d'Henry-Francois Rey

Le premier Mai 54, Cinémassacre est repris par le théâtre des Trois Bodets. Il restera neuf mois à l'affiche, confirmant ainsi le succès qu'il a eu à la Rose Rouge.

Le 8 Mai, Marcel Mouloudji interprète entre autre Le déserteur au théâtre de l'Oeuvre. La chanson passe inaperçue ou quelques fois appréciées.

Jacques Canetti, qui dirige le théâtre des Trois Baudets où passe Cinémassacre, est par ailleurs directeur artistique de Philips depuis 45. Il propose à Vian d'interpréter lui-même ses chansons.Boris hésite, et accepte enfin. Le 4 Janvier 1955, il monte sur la scène des Trois Baudets et y restera jusqu'au 28 Juillet. Il joue parallèlement à la Fontaine des Quatres Saisons jusqu'au 15 Juin. Ce n'est pas un chanteur né, il manquait d'aisance, remarquera Gainsbourg qui l'a vu jouer début Janvier.

Le 4 Février, Boris enregistre le disque Le Code de la route aux studios Magellan. Il récite et chante des articles du Code de la route sur des airs folkloriques, Eddie Barclay, complice de ce canular, le produit.

Le 18 Mars, la Rose Rouge présente une revue de science-fiction de Boris Vian intitulée Dernière heure, interprétée notamment par Rosine Luguet, Ursula Kubler, Edmond Tamiz, etc. Ce spectacle, pourtant bien élaboré, disparaît de l'affiche au bout de quelques jours.

Pochette du seul disque de VianLes 22, 27 et 29 Avril, Boris enregistre, aux studios Philips, le seul et vrai disque de sa carrière : Chansons possibles et impossibles en deux 45 tours simple face qui sortiront fin 55, et le 33 tours double face en Février 56.Vian écrit un éloge des chansons de Georges Brassens au dos d'un 33 tours.

Durant l'été 55 Boris entame une tournée en province, accompagné de Goraguer son compositeur et pianiste attitré. Mais, alors qu'à Paris les spectateurs étaient restés courtois face à la prestance maladroite de Vian, en province, dès les premiers tours de chant, les sifflets fusent et les insultes suivent : "En Russie ! En Russie !". A partir de Nantes, un groupe d'anciens combattants suit la tournée de Boris, et à Perrs-Guirec tente de l'empêcher de chanter : Goraguer est près d’en venir aux mains. A Dinard, le maire de la ville, M. Verney, aidé d'élus locaux se fond dans les spectateurs, et attend Boris Vian. A peine sur scène, le maire de Dinard, se lève et somme ce Russe, cet " anar " bon pour le mur, ce déserteur de l'"anti-France", de bien vouloir sortir. Le lendemain, au Touquet, une autre bande s'approche, Boris prend les devant, et leur demande de venir sur scène afin de s'expliquer. A Bruxelles, le 27 Août, Boris fait reprendre en choeur Le déserteur par une salle d'appelés du contingent, la télévision le filme. Boris en fini là pour sa tournée provinciale.Le 14 Septembre Le canard enchaîné relate les incidents de Dinard et met en cause M. Verney. Il est fortement déconseillé de diffuser Le déserteur sur les ondes, son disque ne se vend donc pas.

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Fin 55 le conseiller municipal de Paris, ancien combattant, demande au préfet de la Seine d'interdire Le déserteur et tente même de porter plainte pour outrage aux forces armées. Boris lui écrit une lettre ouverte.

En Octobre 55, Canetti, directeur artistique de Philips, propose à Vian d'être vacataire et d'avoir pour mission l'établissement d'un catalogue de Jazz.

Au cabaret l'Amiral est créé le 5 Novembre, la première Revue de science-fiction signée Boris Vian. Ce spectacle tiendra l'affiche jusqu'au 23 Novembre.

Boris Vian s'intéresse de plus en plus à la comédie musicale et à la comédie-ballet ; il en écrit plusieurs en 1955, dont Le Chasseur français.

Février 56, Boris présente au comité de lecture de l'Opéra de Paris Le Chevalier de neige dans une version opéra que lui a demandée Marcel Lamyn directeur du Grand Théâtre de Nancy. La musique, comme à Caen, est de Georges Delerue.

En Mai 1956, Michel Legrand, rapporte des États-unis quelques disques de Rock'n Roll qui font fureur outre-Atlantique. Henri Salvador et Boris Vian trouvent cette musique fort médiocre, et décident de la ridiculiser. En un après-midi, Salvador et Vian écrivent quatre titres parodiques et l'enregistrent dans les locaux de Philips le 21 Juin. Le 11 Octobre, Boris persiste et signe, en compagnie de Magali Noël avec Fais-moi mal, Johnny.

La maladie s'agrave

Une grave crise d'oedème pulmonaire, le terrasse en Juillet 56. La fatigue de sa tournée de 55 ne l'avait pas aidé. Après avoir joué le rôle du Cardinal dans le film Notre Dames de Paris de Jean Delannoy, il part à Saint-Tropez en convalescence pour un mois.

En Novembre, L'Automne à Pékin est réédité par les Éditions de minuit, Mais le livre n'a toujours pas de succès.

Le premier Janvier 1957, Boris Vian devient directeur artistique adjoint, un travail à plein temps qui lui demandera beaucoup de travail, mais il accepte pour oublier sa maladie, et revivre encore un peu.

Février 57, Le Chevalier de neige plaît à la critique. Vian reprend confiance en lui et écrit Les bâtisseurs d'empire, Fiesta, et Rue des Ravissantes.

Malgré la contre-indication que lui font ses médecins, il multiplie les traductions, les chansons et les piges pour le Canard enchaîné, entre autres, et il rend hommage à Brassens, Gainsbourg, Devois, Brel, et Salvador dans France-Observateur.

Septembre, une seconde crise d'oedème pulmonaire survient. Ursula arrête de travailler pour être plus présente à ses côtés.

Fin 57, Boris apprend qu'il doit remettre une adaptation dialoguée du film de 100 pages J'irai cracher pour le 10 Avril 1958. Il n'en a pas envie, et ne rend rien, les producteurs se font menaçant, il s'insurge mais rédige 75 pages.Mais il veut remettre de l'ordre dans sa vie et arrête sa collaboration bénévole avec Jazz Hot.Il offre le 22 Avril 58 au Collège de 'Pataphysique, en vue d'un dossier Vian, son Théâtre complet inédit.

Il continue d'écrire des chansons ( plus de 140 en 1958).

Boris passe directeur artistique Chez Fontanna.

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Le 3 Octobre 1958, est créé à Berlin Fiesta, mis en musique par Darius Milhaud.

Fin 1958, est édité En avant la zizique...et Par ici les gros sous, pamphlet contre le système des maisons de disque que Boris commence à bien connaître.

Durant l'hiver 58, Boris se réfugie avec Ursula au cap de la Hague, en Normandie, non loin de Lerdemer.

Le 14 Janvier 1959, Boris annonce sa démission au directeur commercial de Fontana, pour le 15 Avril.

On lui demande une adaptation plus conséquente de J'irai cracher car 75 pages ne sont pas suffisantes. Boris en prend bonne note et leur rend 177 pages. Inutilisable ! La SIPRO fera appel à d'autres adaptateurs, et nomme en Janvier 59 un réalisateur débutant.En Février 1959, ce même réalisateur déclare à la presse : "On a commencé par faire subir d'incroyables transformations au roman lui-même. Les incongruités "faciles" et les outrances du film élaguées, l'adaptation s'est enrichie de nombreuses trouvailles cinématographiques : cela nous a coûté huit mois de travail."Boris contre-attaque et rachète le titre du roman pour les revendre à la CTI (Cinéma Télévision Internationale) pour en faire un autre film. Mais la CTI s'est liguée avec le producteur du film en cours, et s'allie contre Boris.

Son coeur s'emballe, il accepte quand même le 1 Avril de devenir directeur artistique de Barclay ce qui lui laisse plus de liberté et un meilleur salaire que chez Fontana.

Marcel Lamy qui prendra la direction de l'Opéra-Comique de Paris en Septembre, demande à Vian et Delerue de reprendre Le Chevalier de neige.

Le 23 Février et le 13 Mars est édité Les Bâtisseurs d'empire dans la revue du Collège de 'Pataphysique.

En Mars, Vian reprend sa collaboration avec la revue Constellation.Il joue le rôle de Prévan dans Les Liaisons dangereuses de Vadim, avec Jeanne Moreau.

Boris Vian en grand pataphysicienLe 28 Mai, au restaurant l'Épi d'Or, les pataphysiciens honorent leur nouveau chef : le baron Mollet.Le 11 Juin, Boris Vian et Jacques Prévert donnent, chez eux, une grande fête pour " l’Acclamation Solennelle de Sa Magnificence Jean Mollet ". Parmi les invités, Salvador, Queneau, Ionesco, Jean Ferry, René Clair, etc.

Le 22 Juin, Denis Bourgeois, rappelle à Boris Vian que le lendemain est projeté le film J'irai cracher sur vos tombes en séance privée, et que sa présence est fortement recommandée.Le 23 Juin 1959, à 10 heure, Boris se rend au Petit Marbeuf près des Champs-Élysées, et meurt dès les premières scènes, trop d'émotions, trop de tapages...

Au cimetière de Ville-d'Avray, les employés des pompes funèbres sont en grève, ses amis doivent eux-mêmes mettre le cercueil en terre, scène digne d'un bon roman de Vian.

Sullivan a tué Vian, ou plutôt est-ce l'inverse ?Les pisses-copies n'ont pas vu Vian mais seulement Sullivan, ce qui faisait mieux vendre. Ils préféraient taper sur Gainsbar qu'applaudir Gainsbourg...

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Vian était en avance sur son temps, ce ne sera que dans les années 60 que l'on découvrira Boris Vian, surtout en 68 quand on dira "Faites l'amour, pas la guerre !"

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