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Tous droits réservés © Éditions Continuité, 2012 Ce document est protégé par la loi sur le droit d’auteur. L’utilisation des services d’Érudit (y compris la reproduction) est assujettie à sa politique d’utilisation que vous pouvez consulter en ligne. https://apropos.erudit.org/fr/usagers/politique-dutilisation/ Cet article est diffusé et préservé par Érudit. Érudit est un consortium interuniversitaire sans but lucratif composé de l’Université de Montréal, l’Université Laval et l’Université du Québec à Montréal. Il a pour mission la promotion et la valorisation de la recherche. https://www.erudit.org/fr/ Document généré le 10 août 2021 15:36 Continuité Bâtir pour travailler Martin Dubois Vie de quartiers Numéro 134, automne 2012 URI : https://id.erudit.org/iderudit/67518ac Aller au sommaire du numéro Éditeur(s) Éditions Continuité ISSN 0714-9476 (imprimé) 1923-2543 (numérique) Découvrir la revue Citer cet article Dubois, M. (2012). Bâtir pour travailler. Continuité, (134), 27–30.

Bâtir pour travailler - Érudittecture de leur ville, comme Edward Max-well (Grand-Mère), Ross et Macdonald (Témiscaming, Drummondville), William Lyon Somerville (Témiscaming,

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Page 1: Bâtir pour travailler - Érudittecture de leur ville, comme Edward Max-well (Grand-Mère), Ross et Macdonald (Témiscaming, Drummondville), William Lyon Somerville (Témiscaming,

Tous droits réservés © Éditions Continuité, 2012 Ce document est protégé par la loi sur le droit d’auteur. L’utilisation desservices d’Érudit (y compris la reproduction) est assujettie à sa politiqued’utilisation que vous pouvez consulter en ligne.https://apropos.erudit.org/fr/usagers/politique-dutilisation/

Cet article est diffusé et préservé par Érudit.Érudit est un consortium interuniversitaire sans but lucratif composé del’Université de Montréal, l’Université Laval et l’Université du Québec àMontréal. Il a pour mission la promotion et la valorisation de la recherche.https://www.erudit.org/fr/

Document généré le 10 août 2021 15:36

Continuité

Bâtir pour travaillerMartin Dubois

Vie de quartiersNuméro 134, automne 2012

URI : https://id.erudit.org/iderudit/67518ac

Aller au sommaire du numéro

Éditeur(s)Éditions Continuité

ISSN0714-9476 (imprimé)1923-2543 (numérique)

Découvrir la revue

Citer cet articleDubois, M. (2012). Bâtir pour travailler. Continuité, (134), 27–30.

Page 2: Bâtir pour travailler - Érudittecture de leur ville, comme Edward Max-well (Grand-Mère), Ross et Macdonald (Témiscaming, Drummondville), William Lyon Somerville (Témiscaming,

par Martin Dubois

De nombreuses villes québé-coises possèdent des quar-tiers ouvriers. Qu’ils soientissus d’un développementspontané, comme plusieursfaubourgs de Québec ou de

Montréal, ou d’un processus de planifica-tion urbaine, telles certaines villes de com-pagnie apparues au XXe siècle, cesquartiers participent grandement aux pay-sages identitaires des villes. Composésd’un bâti varié allant du simple logementouvrier aux maisons plus cossues réservéesaux dirigeants et aux cadres de grandescompagnies, en passant par les maisons defaubourg, les résidences en rangée et lescités-jardins, ces ensembles reflètent diffé-rentes époques du développement indus-triel québécois ainsi que les aspirations decertains architectes et urbanistes.

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Bâtirpour travaillerBâtirpour travailler

Quand elles disparaissent des

centres urbains, les grandes

industries manufacturières

provoquent bien sûr des pertes

d’emplois et des difficultés

économiques, mais elles

laissent aussi des témoins

de leur prospérité. Plusieurs

ont même carrément fait

naître des quartiers aux

caractéristiques fort

intéressantes. Redécouverte

d’un patrimoine bâti aux

richesses insoupçonnées.

Immeubles de type « plex » dans le quartier Limoilou à Québec. Avec leur revêtement de brique,leurs escaliers extérieurs et leur homogénéité architecturale, ils uniformisent le paysage urbain.

Photo : Martin Dubois

LES FAUBOURGS

Dans les villes anciennes comme Québecet Montréal, dont la cité a longtemps étéfortifiée, le développement urbain s’est faitplutôt spontanément. Les moins nantis, lesartisans et les ouvriers, n’ayant pas lesmoyens de se loger dans la ville intra-muros,s’installent à l’extérieur de l’enceinte pourcréer des faubourgs le long de certains che-

mins tracés pour rejoindre des villages si-tués en périphérie.À Montréal, les faubourgs des Récollets,Saint-Laurent, Québec et à M’lasse se for-ment dans le prolongement des rues Saint-Jacques, Saint-Laurent et Notre-Dame.Malheureusement, très peu d’architecture ty-pique de ces faubourgs ouvriers a survécu auxbouleversements qui ont secoué ces secteurs.

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À Québec, la trace des anciens faubourgsest beaucoup plus tangible. Mis à part lefaubourg Saint-Louis, entièrement détruitpour faire place aux immeubles de la colline Parlementaire, les faubourgs Saint-Jean, Saint-Roch et Saint-Sauveur, déve-loppés le long des chemins Saint-Jean etSaint-Vallier, sont encore bien vivants. Cesfaubourgs logeaient des artisans et des ouvriers travaillant dans le port, les tanneries, les brasseries et les chantiers navals. Hormis les chemins d’origine auparcours sinueux, les voies de ces fau-bourgs forment un plan en damier. Implan-tées serré, des maisons à l’architecturevariée témoignent du processus de densi-fication qui s’est échelonné sur plusieurssiècles. Au fil des incendies qui ont ravagéces quartiers, les parcelles ont été recons-truites de façon plus dense avec des maté-riaux incombustibles, ce qui a engendrédes paysages particuliers.Ailleurs, la période préindustrielle est à l’ori-gine de nombreux petits « faubourgs » àproximité de moulins et fabriques de toutessortes. La plupart d’entre eux, tel le villagedes Forges-du-Saint-Maurice à Trois-Rivières, sont disparus. Dans la région deQuébec, l’important commerce du bois au

Hyacinthe, Magog, Salaberry-de-Valleyfield,Lachute et Coaticook, par exemple, qui pos-sèdent des quartiers ouvriers à proximitéd’importantes industries. Certains ont descaractéristiques semblables aux faubourgsdes grandes villes, notamment en ce qui atrait à l’architecture. Vu la longue périoded’édification et les modifications succes-sives, ces quartiers présentent un paysagearchitectural souvent très diversifié.Au XXe siècle, le développement des nou-veaux quartiers ouvriers est souvent l’af-faire de promoteurs. Ceux-ci se plient à laréglementation d’urbanisme qui impose laprésence de ruelles et de marges de reculavant, des matériaux incombustibles et deshauteurs maximales. Pour rentabiliser leursactivités immobilières, ils emploient desmodèles de logements standardisés de type« plex » (duplex, triplex, etc.) qu’ils im-plantent de façon mitoyenne sur des ruesorthogonales. En plus d’être peu coû-teuses, ces constructions favorisent la den-sité urbaine. L’utilisation de la brique, laprésence d’escaliers extérieurs pour opti-miser l’espace intérieur et l’homogénéitéarchitecturale des façades entraînent unegrande uniformité du paysage urbain. Enrésultent des quartiers dont la forte densité

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début du XIXe siècle a donné naissance àplusieurs petits faubourgs ouvriers à Sillery(du Foulon, Bergerville, Nolansville, etc.) età Lévis (New Liverpool à Saint-Romuald),qui sont toujours reconnaissables.

LES FRUITS DE LA RÉVOLUTION

La révolution industrielle de la secondemoitié du XIXe siècle a énormément contri-bué au développement des villes. Lesusines et les manufactures dorénavant re-liées au réseau ferroviaire ont fait naître desquartiers en périphérie de grandes villescomme Montréal, Québec, Trois-Rivières,Sherbrooke et Gatineau. À Montréal, l’ou-verture et l’élargissement du canal de La-chine au XIXe siècle ont attiré la plusgrande concentration d’industries au Ca-nada. Les territoires limitrophes commeGriffintown, Saint-Henri et Pointe-Saint-Charles se sont densifiés pour loger l’affluxde travailleurs. Dans certains cas, comme àSaint-Henri, les nouveaux développementsenglobent d’anciens villages de type fau-bourg dont on peut encore percevoir la pré-sence, tels que Sainte-Marguerite ouSaint-Augustin.D’autres villes, plus petites, ont aussi large-ment profité de l’essor industriel : Saint-

Le faubourg Saint-Jean, à Québec, est caractérisé par des immeubles mitoyens enbrique implantés sur le trottoir et dotés de portes cochères permettant d’accéderaux cours arrière, qui ne sont pas desservies par des ruelles.

Photo : Martin Dubois

Dans la cité-jardin d’Arvida, ville de compagnie, les maisons unifamiliales sont issues d’un répertoire comprenant plusieursmodèles architecturaux pour créerdes paysages variés.

Photo : Martin Dubois

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est compensée par la présence d’arbres lelong de larges avenues et de parcs urbainsqui agrémentent le cadre de vie des travail-leurs. Les quartiers Limoilou à Québec,Sainte-Cécile à Trois-Rivières ainsi que le Plateau-Mont-Royal et Hochelaga-Maisonneuve, à Montréal, sont de bonsexemples de ce type d’ensembles urbains.

LES VILLES DE COMPAGNIE

Dès la fin du XIXe siècle, les matières pre-mières (hydroélectricité, pâtes et papiers,aluminium, mines, etc.) attirent d’impor-tantes industries dans les régions du Qué-bec où elles bâtiront ce qu’on appelle desvilles de compagnie. Ces villes ou quartierssont créés de toutes pièces, souvent au mi-lieu de nulle part. La compagnie prend encharge les installations industrielles, les services publics et la construction résiden-tielle.Les industries sont conscientes qu’ellesaméliorent la productivité de leur person-nel en lui offrant un logement adéquat.Elles font donc appel aux meilleurs urba-nistes et architectes, souvent américains,pour développer des villes modèles et polirleur image de marque. Parmi les cas les plusconnus, mentionnons la ville de Shawini-gan, planifiée par la Shawinigan Water and

Power dès 1899, la ville de Témiscaming,créée par la Riordon Pulp and Paper Com-pany en 1917 et, bien sûr, la ville d’Arvida,fondée par Alcoa en 1926 (la ville doit sonnom aux initiales du président de la compa-gnie à l’époque, Arthur Vining Davis).Planifiées à l’extrême, ces villes laissentune place importante à l’aménagement pay-sager. Par exemple, à Témiscaming, sur-nommée « la cité-jardin du Nord », l’urba-niste d’origine britannique Thomas Adamss’inspire des city gardens d’Angleterre pourdessiner le plan d’ensemble : rues courbespour s’adapter à la topographie du site, ave-nues créant des perspectives sur des édi-fices publics et zones résidentiellesdestinées à des clientèles précises. Arvidaconstitue un projet de cité-jardin encoreplus ambitieux. Aux 270 maisons d’origineconstruites en 135 jours s’ajoutent plus d’unmillier de résidences bâties lors de phasessubséquentes.Les villes de compagnie se caractérisent ha-bituellement par une très forte ségrégationdes classes sociales. Des zones sont réser-vées aux dirigeants, aux cadres, aux em-ployés spécialisés et aux ingénieurs, puisaux simples travailleurs. Ce zonage se tra-duit évidemment dans l’environnement ur-bain et l’architecture.

Les dirigeants et les cadres supérieurs,presque exclusivement anglophones, jouis-sent de grandes parcelles sur les sites lesplus recherchés. Leurs résidences à l’archi-tecture élaborée sont vastes et luxueuses.Le terme « quartier des Anglais » est mêmesouvent employé pour désigner ces secteurs.On en trouve à Grand-Mère (LaurentidePulp and Paper Co., 1897), à Kénogami (PriceBrothers & Co., 1912), à Cap-de-la-Madeleine (St. Maurice Paper Co., 1916), à Donnacona (Donnacona Paper Limited,1919), à Alma (quartier Riverbend, Price Brothers & Co., 1925) et à Beaupré (ruesMaple et Riverview, Abitibi Paper Co., 1927).Les zones réservées aux travailleurs nonspécialisés et le plus souvent franco-phones sont quant à elles plus modesteset possèdent rarement une architectureaussi distinctive.Si certaines compagnies font appel à des architectes de renom pour concevoir l’archi-tecture de leur ville, comme Edward Max-well (Grand-Mère), Ross et Macdonald(Témiscaming, Drummondville), WilliamLyon Somerville (Témiscaming, quartierdu moulin de Gatineau), David JeromeSpence (Shawinigan), d’autres s’en remet-tent à des architectes locaux pour créer différents modèles reproductibles.

Sur le Plateau-Mont-Royal à Montréal, lesescaliers des immeubles de type « plex » se

trouvent à l’extérieur pour augmenter l’espace intérieur.

Photo : Linda Turgeon

Dans le secteur des Maisons-de-la-Montreal-Cotton à Salaberry-de-Valleyfield,chaque rue possède son modèle architecturaldécliné en plusieurs exemplaires.

Photo : Martin Dubois

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UNE RECONNAISSANCE À BÂTIR

Les quartiers ouvriers anciens ont un grandpotentiel de patrimonialisation. Encorefaut-il leur reconnaître des qualités ur-baines, architecturales et sociales.Les municipalités peuvent mettre en placeplusieurs outils de connaissance et de sen-sibilisation pour valoriser ces milieux : in-ventaire, étude de caractérisation, guided’intervention, exposition, publication, vi-site guidée… Des outils réglementaires,tels des plans d’implantation et d’intégra-tion architecturale (PIIA), peuvent aussiaider à mieux gérer les transformations pourprotéger l’effet d’ensemble et les caracté-ristiques identitaires de ces quartiers.Bien que la population locale y associe sou-vent des souvenirs plus ou moins heureux,les quartiers ouvriers sont des témoins tan-gibles de l’histoire d’une ville et une partimportante de son patrimoine industriel.Ces milieux souvent banalisés et laissés àeux-mêmes sous le prétexte qu’ils sont ha-bités par une population défavorisée méri-tent eux aussi d’être mis en valeur.

Martin Dubois est consultant en patrimoine eten architecture.

Parfois, un seul modèle est utilisé pour unezone ou une rue donnée. C’est le cas duquartier des Maisons-de-la-Montreal-Cotton à Salaberry-de-Valleyfield ou du village de Val-Jalbert, qui possèdent despaysages architecturaux très homogènes.

Entrez, c’est notre mémoireLA COLLECTION NATIONALE, c’est le patrimoine à votre portée. Vous y trouverez l’ensemble quasi exhaustif de l’édition québécoise et les documents relatifs au Québec publiés hors frontières : livres, ouvrages de référence, revues, journaux, publications annuelles et gouvernementales.

BIBLIOTHÈQUE ET ARCHIVESNATIONALES DU QUÉBEC

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tEntrez, c’est notre mémoireLA COLLECTION NATIONALE, c’est le patrimoine à votre portée. Vous y trouverez l’ensemble quasi exhaustif de l’édition québécoise et les documents relatifs au Québec publiés hors frontières : livres, ouvrages de référence, revues, journaux, publications annuelles et gouvernementales.

Renseignements : banq.qc.ca/collections/collection_patrimoniale_quebecoise/collection_nationale

Le plus souvent, la compagnie se dote d’uncatalogue de modèles de maisons qui sontdistribués aléatoirement ou en alternance.Même si le nombre de modèles est limité,le paysage urbain s’en trouve plus diversi-fié, comme à Port-Alfred (ConsolidatedPaper Co., 1918) et dans le quartier Sainte-Amélie à Baie-Comeau (Ontario Paper Co.,1936). Lorsqu’on jumelle, comme à Arvida,ces modèles à des catalogues d’éléments ar-chitecturaux tels que des portes, des fenê-tres et des ornements, on crée une infinitéde variantes.

Le quartier des Anglais de Grand-Mère,dont les maisons ont été dessinées en 1897par l’architecte Edward Maxwell, est aménagé autour d’un grand parc paysager.

Photo : Martin Dubois