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Bulletin de la Société d'Études Psychiques DE MARSEILLE NOUVELLE SÉRIE, 4 Juillet-Août içoj SOMMAIRE : Le professeur Grasset et le Spiritisme (suite), Dr Goudard, page G>. Les Stigmates, Dr Goudard, page 74. Petite chronique : le danger d'être enterré vivant est conjuré, page 76 ; les idées de M, Albert Jounet, page 76 ; la res- ponsabilité des chefs de groupe, p3ge 76. Le Professeur Grasset et le Spiritisme" 1 Voyons comment les notions qui précèdent s'appli- quent au spiritisme : Ht d'abord « les tables tournantes ». La table tour- nante, pivot du spiritisme expérimental, n'est pas une mystification ; les tables tournent positivement. Com- ment cela se fait-il ? En vertu des mouvements incons- cients et coordonnes du ou des médiums. Chevreul avait déjà donné cette explication, dès 1834, à propos du « pendule explorateur » (odomètre d'Herbert Mayo) bien connu _ de .toutes les diseuses de bonne aventure. Arago, Faraday. Babinet, Moigno, Strombo la confir- mèrent successivement par des expériences aussi pro- bantes que variées. La « baguette divinatoire » (fourche de coudrier) employée surtout par les « sourciers » ou <r devineurs d'eau, de filons métalliques »... relève de la même explication. Sollas et Edw. Pease concluent de leurs expériences que « tout dépend de la perspi- cacité ordinaire du devin : l'action de l'objet caché ne porte pas sur la baguette mais sur l'esprit du devin ». Dans ce cas, comme pour le pendule, comme pour la table, O se concentre sur une idée et oriente le poly- gone. Celui-ci actionne alors machinalement les mus- (t) Voir le Bulletin de Mal-Juin too). La Direction la Revue qui s'honore d'accorder la plus large indépendance à ses collaborateurs, déclare décliner toute responsabilité au sujet des idée:, exprimées dans leurs articles. »

Bulletin du Centre d'études psychiques de Marseille · Puis il analyse rapidement la psychophysiologiedu ... La clairvoyance (vision ... relevé de la fraude consciente ou inconsciente,

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Bulletin de la Société d'Études Psychiques

DE MARSEILLE

NOUVELLE SÉRIE, N° 4 Juillet-Août içoj

SOMMAIRE :

Le professeur Grasset et le Spiritisme (suite), Dr Goudard, page G>. — LesStigmates, Dr Goudard, page 74. — Petite chronique : le danger d'être enterrévivant est conjuré, page 76 ; les idées de M, Albert Jounet, page 76 ; la res-ponsabilité des chefs de groupe, p3ge 76.

Le Professeur Grasset et le Spiritisme"1

Voyons comment les notions qui précèdent s'appli-quent au spiritisme :

Ht d'abord « les tables tournantes ». La table tour-nante, pivot du spiritisme expérimental, n'est pas unemystification ; les tables tournent positivement. Com-ment cela se fait-il ? En vertu des mouvements incons-cients et coordonnes du ou des médiums. Chevreulavait déjà donné cette explication, dès 1834, à proposdu « pendule explorateur » (odomètre d'Herbert Mayo)bien connu

_de .toutes les diseuses de bonne aventure.

Arago, Faraday. Babinet, Moigno, Strombo la confir-mèrent successivement par des expériences aussi pro-bantes que variées. La « baguette divinatoire » (fourchede coudrier) employée surtout par les « sourciers » ou<r devineurs d'eau, de filons métalliques »... relève dela même explication. Sollas et Edw. Pease concluentde leurs expériences que « tout dépend de la perspi-cacité ordinaire du devin : l'action de l'objet cachéne porte pas sur la baguette mais sur l'esprit du devin ».Dans ce cas, comme pour le pendule, comme pour latable, O se concentre sur une idée et oriente le poly-gone. Celui-ci actionne alors machinalement les mus-

(t) Voir le Bulletin de Mal-Juin too). La Direction dé la Revue qui s'honored'accorder la plus large indépendanceà ses collaborateurs, déclare décliner touteresponsabilité au sujet des idée:, exprimées dans leurs articles.

»

— 62 —des sans que O absorbé s'en rende compte. Le mou-vement lancé, O constate et... conclut (comme il peut).

Dans le Cnmberlandisme (le willing game des An-glais) c'est encore plus clair. Tous ceux (assez rares)qui ont eu la patience de faire des expériences suiviessont restés étonnas de la quantité de force inconscienteque le guide (quand il est bien doué) met à la disposi-tion du sujet (chercheur). Le polygone « actif » duguide, orienté par O, mène le polygone « passif » dusujet. Il faut, pour une bonne réussite, des aptitudesinverses chez l'un et chez l'autre. Une personne inter-posée entre les deux peut servir de transmetteuréga-lement inconscient. Enfin Pickmann et autres « liseursde pensées » font du Cnmberlandisme sans contact.Ceci, pour M. Grasset, ne serait pas justiciable desmêmes explications; mais il est d'avis qu'il faut atten-dre l'authentification des faits pour en chercher lathéorie.

Les mêmes données s'appliquent à la « crystal-vision,cristallomancie ». P. Janet décrit très bien l'expérienceet appelle « hallucinations subconscientes » les imagesplus ou moins nettes et vives que décrit ou dessinemême le « sujet » ; M. Graesst dit : « hallucinationspolygonales ». Le sujet n'est pas endormi. Le polygoneconstruit la scène : O peut y assister et, dès lors, lascène devient consciente.

Le cristal (ou le verre d'eau, ou le blanc d'oeuf) excitel'oeil ; le polygone stimulé, à l'abri du contrôle de O,construit l'hallucination seul et la décrit sans.on avecla collaboration de O. Et alors, il arrive que O décou-vre des faits de mémoire polygonale qu'il ignorait; ilne sait d'où cela sort ; de là l'apparence merveilleuseet divinatoire des expériences.

Jusque là nous n'avions que des « mouvements in-conscients» polygonaux : ici, nous sommes en présence« d'idées inconscientes » de même origine. Le systèmese complète.

Si on applique cette théorie à une séance de table

- (>3 -en commun, l'explication est tout aussi facile. Les O semettent en « expectant attention » ; c'est donc O quipréside à l'installation de l'expérience. Tout à coup, unpolygone fait un « mouvement inconscient » ; les au-tres polygones emboîtent le pas ; tout cela s'ajoute ;

voilà la table en mouvement. Alors O stupéfait assisteau mouvement, sans se rendre compte que ce mouve-ment est l'oeuvre du polygone. Il y a donc ici : i° désa-grégation du polygone qui, lancé par O, marche souslui, après avoir coupé les fils de communication ; 20

mouvements inconscients de ce polygone que O cons-tate sans se rendre compte de leur origine.

Tout cela cadre bien avec les conditions requisespour la bonne marche des expériences, sur lesquellesje ne puis pas insister et que connaissent bien ceux quisont un peu au courant de la question. Comme dans leCumberlandisme, il y a un polygone directeur et despolygones dirigés : le polygone plus actif que les au-tres, c'est le médium ; il peut y en avoir toute unegamme dans l'assistance.

Quand le médium est bien doué, le langage tabulairetyptologique peut être dépassé : la table écrivante (dontun pied est armé d'un crayon), la planchette écrivante,la main du médium écrivant automatiquement devien-nent possibles. Puis le polygone parle, gesticule, sesert de la machine à écrire, forge des alphabets ou desvocabulaires ou une langue spéciale, construit de tou-tes pièces des romans de fantaisie, comme HélèneSmith, le médium de Flournoy.

Le médium est donc, en somme, un désagrégé sus-polygonal avec très grande activité polygonale. Cetteactivité polygonale est intermittente. Elle se manifesteau maximum dans la « trance », état spécial obtenu parune préparation d'ordinaire intentionnelle, rappelant lesomnambulisme et présentant les mêmes parentés etconnexions pathologiques, la même « électivité », lesmêmes transformations (incarnations des spirites) àtravers les mêmes périodes extraphysiologiques, pour

- 64 -faire retour, après les mêmes avatars, à la personnalitéconsciente initiale,

, .A une objection de Binet sur la condition du centre

O dans les dédoublementsde personnalité comme ceuxde Félida, le sujet d'Azam, M. Grasset répond que laquestion reste obscure, mais que cette obscurité n'estpas aggravée, au contraire, parla théorie du polygone,et que le cas de Félida rentre dans celui des transfor-mations de la personnalité que réalisent les expériencesd'hypnotisme.

Puis il analyse rapidement la psychophysiologie dumédium : je suis forcé de m'en tenir à la reproductiondu tableau trop laconique placé en tête de cette ana-lyse. Ceux qui voudraient plus de détails devront re-courir à la source originale :

Psychophysiologie du Médium

/ Le médium fait tourner la table ou mou-] voir un objet qu'il touche (pendule,baguette):

rr Degré \ désagrégation sus-polygonale,activitépropreI polygonale, très simple, sans intervention\ des assistants.

f Le médium obéit à un assistant dont il

2* Degré j exécute les ordres : le polygone désagrégé( (du médium) obéit à O de l'assistant.

iLe médium obéit à un autre médium :

cumberlandisme, liseurs de pensées : le poly-gone désagrégé obéit au polygone désagrégéd'une autre personne : le premier au 2f de-gré, le second au Î".

/ Le médium répond à une question: le po»

* h v*

) ty#01ie désagrégé au lieu d'exécuter passive-"* e&* j ment un ordre donné, répond en faisant acte

( d'activité propre.

- 65 -!Le médium répond, comme au 4" degré,mais il fait des réponses beaucoup plus com-pliquées, en parlant ou en écrivant.

Î L'activité propre du polygone du médiumest à son sommum : spontanéité et imagina-tion; romans polygonaux des médiums.

En fait de romans de médiums, M. Grasset cite,d'après Bersot : « Juanita, » nouvelle par une chaise (laMartinique 1853) ; il parle de M"c Couesdon, de MM. Pi-per, le célèbre médium d'Hyslop, et enfin analyse assezlonguementun des romans (le « Cycle royal ») d'HélèneSmith si bien étudiée par Floumoy.

La question de la fraude des médiums est très biendiscutée et l'auteur aboutit à cette conclusion que, d'or-dinaire inconsciente chez les vrais médiums, elle pré-sente des caractères qui en font un phénomène intéres-sant pour la science ; ce n'est pas de la fraude au sensordinaire du mot.

Ce qui a été dit de l'activité polygonale, qui ne créerien de neuf, explique bien la pauvreté ordinaire desmessages sortis de sa fabrique. Toutefois, il y a despolygones intelligents et inventifs (•// apparence; maisune dissection attentive montre qu'il n'y a pas de vraiecréation; et le roman martien d'Hélène Smith donneà M. Grasset l'occasion de le démontrer par une criti-que détaillée et très pénétrante que je ne puis que si-gnaler.

En définitive les faits de spiritisme étudiés ne contien-nent pas plus de « divination » et de << surnaturel » queles .rêves ou les somnambulismes divers, en dépit desconditions qui favorisent l'illusion» tant pour le sujetque pour les spectateurs.

Les différents degrés de mémoire polygonale si fine-ment analysés par feu Myers montrent, à eux seuls,quelles précautions il faut prendre dans toute enquête

— 6b —

sur des matières de ce genre, avant de conclure qu'unfait est « paranormal ».

Un dernier chapitre est celui des terres inconnues ouà découvrir dans le monde du Spiritisme.

Il faut éliminer d'abord la « divination » et « l'évo-cation d'esprits ou êtres surnaturels » comme ne pou-vant être l'objet d'étude scientifique: car, le miracleétabli scientifiquement (avec sa loi) cesse d'être mi-racle.

Restent la « suggestion mentale», la « clairvoyance »,la « télépathie » et le déplacement d'objets sans contact.Non établis encore pour la science actuelle, ces faits leseront peut-être pour la science.de demain.

La suggestion mentale n'est pas péremptoirement dé-montrée pour notre auteur, en dépit du beau livred'OcHOROwicz, bourré de documents; cependant tousceux qui ont fait de l'hypnotisme « se sont sentis trèsprès de cette démonstration ». (Je possède, pour mapart, un petit nombre de cas tout à fait probants pourmoi et pour les personnes qui en ont été témoins : maisil va de soi que, pour le public, ils sont passibles desmêmes objections que tout fait que Ton n'a pas person-nellement vérifié.)

La clairvoyance (vision à travers les obstacles quiinterceptent la vue normale) n'est pas antiscientifique,l'opacité deà corps étant chose très relative comme leprouvent les expériences de radiographie, mais il fautl'établir d'une façon indiscutable. Le sujet de Ferroul,après un premier succès en présence de M. Grasset,échoua piteusement dans une seconde épreuve avectraces évidentes de fraude (consciente ou non).

La télépathie compte nombre de faits troublants ;

mais en présence des évocations et associations mémo-rielles polygonales si compliquées et si riches, on nesaurait se montrer trop sévère dans la critique des phé-nomènes ; et, en somme, là preuve indiscutable faitencore défaut.

Il en est encore de même, au dire de M. Grasset,

- 67 -des mouvements sans contact. Les expériences réussiessont nombreuses ; nombreuses aussi celles où l'on arelevé de la fraude consciente ou inconsciente, et, dèslors, on conserve le droit de se demander si les expé-riences classées comme bonnes ne sont pas entachéesaussi de quelque fraude inconnue ou non dépistée.

Cette étude sur le spiritisme se termine par la con-clusion suivante :

« Le spiritisme est une question dont le médecin n'apas le droit de se désintéresser. Il appartient à la bio-logie humaine en fait et en droit.

« En laissant de côté tout ce qui a trait à la jonglerieet au surnaturel, il y a une grosse partie du spiritismequi rentre dans un chapitre aujourd'hui bien connu déla physiopathologie des centres nerveux : le chapitrédu psychisme inférieur ou automatique, de l'automa-tisme supérieur, de l'activité polygonale.

« Le spiritisme scientifique est à la fois une applica-tion de cette doctrine biologique et le point de départde nouvelles études dans ce domaine. Il appartientdonc bien à la biologie.

« Cette étude scientifique laisse de côté certainesquestions intéressantes dont l'existence n'est pas encorescientifiquement démontrée : comme la suggestionmentale, la clairvoyance, la télépathie et l'extériorisa-tion de la motricité.

« Ce sont là des terrains livrés aux investigations dela science de l'avenir. »

J'ai condensé, autant qu'il m'a été possible en cespages., l'exposé des.idées du professeur Grasset. Celane peut donner qu'une pâte notion de l'original et jecrains même que la concision excessive de mon ré-sumé n'en rende la lecture difficile pour ceux qui nesont pas déjà familiarisés avec ces question ; mais j'es-père du moins que ceux qui auront la patience de lelire y trouveront un reflet fidèle des vues de l'auteur.

— 68 —Que faut-il penser de ce schéma de M. Grasset ? Je

le considère, quand à moi, comme le squelette dénudé,l'ossature élémentaire de la théorie que P. Janet ex-posa d'abord, il y a quinze ans, dans son beau livrel'Automatisme psychologique et qu'il a développéedepuis dans ses autres oeuvres ; et, de même que lesquelette caractérise très bien un embranchement ani-mal, le schéma en question s'adapte très bien, avec lesvariantes nécessaires, aux genres divers de phénomènesqui constituent le spiritisme scientifique.

Au point de vue de renseignement l'utilité en estévidente. L'enseignement exige que l'on ramène lesmille détails d'un sujet complexe à quelques lignes di-rectrices, de même qu'on jalonne une route à construireou qu'on allume des flambeaux dans un espace obscur.Mais il faut bien se garder de voir là autre chose qu'unsymbole, et d'ailleurs l'auteur lui-même insiste sur cepoint : c'est un canevas qui présente sous un coupd'oeil d'ensemble des faits complexes, au premier aborddisparates.

On a critiqué, de différents côtés, cette conception.Le polygone, d'apparence géométrique et le centre Oqui plane au-dessus, avec des lignes qui relient l'un àl'autre, sont des figurations faites pour captiver descerveaux encore imbus des souvenirs de Yalma Mater \

à ce titre, leur valeur est indiscutable. En réalité lefond des choses n'est pas enrichi sensiblement par desmots nouveaux ou des comparaisons nouvelles ; maison ne saurait se plaindre de'voir se multiplier les sen-tiers qui conduisent à la connaissance claire de la na-ture. Celui qui a étudié le spiritisme, en dehors detout parti pris, sait parfaitement que les termes iïcs-prit et de périsprit, âme et corps astral> conscience etinconscience (ou subconscience ou conscience sublimi-nale), polygone et centre O etc../sont des revêtementsdivers d'un même concept et, comme les mots diversde langues différentes désignent une même idée, il

saura écouter chaque interlocuteur parlant la langue

- 69 -qui lui est familière et traduire dans la sienne propreles paroles entendues \ mais pour le novice qui veutapprendre, il faut une méthode formulée dans l'idiomeusuel, et on peut dire qu'à ce point de vue, le canevasdu professeur de Montpellier est le meilleur de tous, àcette heure, pour l'élément auquel il s'adresse.

Au demeurant, M. Grasset sait mieux que personne,et il ne se fait pas faute de le proclamer, que la réalitéest plus embrouillée que son canevas.

Les faiseurs de systèmes de tous les temps se sontcomplu à proclamer je ne sais quel antagonisme irré-ductible entre le concept « force » et le concept « ma-tière »; ils ont opposé ensuite la « matière vivante » àla « matière brute » et « l'intelligence » (ou l'esprit) à

« la force aveugle ». Y a-t-il entre ces « catégories »de notre entendement une opposition et une incompa-tibilité véritables en dehors de notre manière de lesenvisager? Il me semble que l'échelle infinie des « pos-sibilités » de la nature est assez étendue pour les réunirtoutes en une « continuité sans solution ». Celui quidirait que l'intelligence se manifeste dans la matièrevivante au même titre que l'incandescence dans la ma-tière brute, quand certaines conditions excitatrices sontréalisées, la cause première restant une dans les deuxcas, soulèverait des tempêtes de protestations. Serait-ce sa faute, cependant, si les protestataires prêtent à lamatière, qu'ils ne connaissent point, une infériorité quin'a sa racine qu'en leurs cerveaux, et à la force et àl'esprit, qu'ils ne connaissent pas mieux, une supérioritéqui a même origine? Pourquoi cette rage d'exalter oud'abaisser ce qu'on ne connaît pas, ce qui dépasse laportée*actuelle de nos sens? Pourquoi se jeter des in-jures à la tête et se qucrelter sur des mots, alors qu'aufond on n'est d'accord que sur un point: la foncièreimpuissance de nos efforts jusqu'à ce jour?

Est-ce à dire qu'il faut se croiser les bras et renoncerà scruter les mystères de la nature ? Telle n'est pointma pensée. J'ai nu contraire le sens intime que les bar-

— yo —rières qui nous cachent cette nature reculeront toujoursdavantage. Les termes de « Physique » et de « Méta-physique » représentent des distinctions arbitraires del'esprit: la première science pénétrera toujours plusavant au détriment de la seconde, sans que pour cela lamajesté du vrai reçoive aucune atteinte. Les mots sontdes enveloppes où chacun met ce qui lui plaît. Quoid'étonnant si oii ne s'entend pas, faute de vérificationdu contenu? Les revêtements verbaux que nous prê-tons aux choses ne modifient pas leur essence ; la Na-ture reste une sous les oripeaux dont la couvre notrefantaisie. L'homme n'a d'accès que par ses sens versl'univers extérieur, et je ne vois pas la nécessité d'ad-mettre des moyens métaphysiques de connaissance. Lascience actuelle s'est établie sur l'expérience des sensdits normaux ; les sens normaux ne sont tenus tels quepar suite de la concordance constatée des pouvoirsmoyens de chacun d'eux. La qualité de « normal » estindéfinissable. Les Allemands disent que le « seuil dela sensation » varie, l'expérience le démontre ; s'il va-rie, peut-on dire entre quelles limites il est susceptiblede varier? Aux hiatus qui séparent nos divers sens,appareils adaptés pour l'enregistrement, dans des direc-tions diverses, des images extérieures, doivent corres-pondre des « hiatus d'inconnu » dans la nature. Jetezdes ponts entre les sens ou diminuez la largeur des.hiatus de séparation, vous augmenterez d'autant la ri-chesse de la « nature manifestée ». Les états « para-normaux » des sens élargissent l'univers connu. La na-ture sensible (au sens ordinaire du mot) n'est pas toutela nature ; ce que tel sens paranormal perçoit entre biendans le « réservoir de la connaissance ». On le déclaremétaphysique. Pourquoi? La corde tendue qui vibreassez vite pour cesser d'être perçue par mon oeil a-t-elle quitté le plan physique? Quelle idép faut-il se fairedes faits dits d'intuition ou de révélation? Ce sont desfaits enregistrés en dehors des « sens normaux » non« en dehors des sens », ceux-ci s'étant développés ou

— 7» -adaptés dans la direction voulue. Le monde des micro-bes que nous a « révélé » le microscope est-il métaphy-sique ? Qui peut dire que de l'autre côté de l'échelle un« macroscope » que nul ne conçoit bien présentementne nous révélera pas un jour un monde de « mac robes» ?

Ce monde sera-t-il métaphysique? Et qu'on ne dise pasque ceci est de la rêverie maladive, car la rêverie ma-ladive d'aujourd'hui peut devenir la vérité banale dedemain ; l'histoire est là pour le montrer et l'histoire serépète chaque jour.

La digression qui précède m'a entraîné, semble-t-it,hors du sujet; en réalité il n'en est rien. Je n'ai pasquitté le terrain de l'analyse de l'homme et c'est sur ceterrain qu'il faut chercher l'explication du spiritisme, detout le spiritisme.

L'homme est un complexus touffu de fonctions hié-rarchisées, dont, pour le besoin de l'étude, notre in-telligence bornée a « distingué » le côté organique etle côté psychique unis, dans la réalité, en une indisso-luble synthèse. Les considérations évolutives que lesnaturalistes ont appliquées à l'espèce organique et lesembryologistes à l'individu physiologique ne sauraientrester lettre morte en face du problème de l'évolutionde l'esprit inséparable de son support corporel. Chaqueélément a sa fonction à la fois psychique ou organique,suivant le point de vue. Il y a donc, dans l'être évolué,des légions de centres psychiques, de sous-consciencesélémentaires juxtaposées ou superposées, hiérarchi-sées, s'associant, s'amalgamant, s'intriquant dans lamême progression que les éléments anatomiques, dansla mesure de l'ascension évolutive des fonctions. Laconscience, siège suprême de la personnalité volontaireet libre, représente assez bien le chef d'usine, qui cen-tralise dans ses mains toutes les activités convergentesen travail au-dessous de lui, dont il ignore les menusdétails, s'en tenant à une vue d'ensemble, ou encore lechef d'état représentant, en face de l'étranger, l'ensem*

— 72 —ble des rouages politiques ou administratifs dont il estla synthétique expression, même s'il les connaît mal.

Pendant la majeure partie de son existence, l'hommen'est pas conscient ; le sommeil naturel est caractérisépar l'abolition de la conscience et le sommeil remplitle tiers de la vjc ; en dehors du sommeil, comme nousl'avons vu dans cette étude, de nombreuses manifesta-tions de l'activité psychique témoignent d'une cons-cience précaire ou absente.

La conscience qui est regardée comme la fonctionpsychique h plus haute, au point que l'homme prétends'en attribuer le privilège exclusif, nous apparaît doncmaintenant comme une lumière intermittente qui s'al-lume, diminue ou s'éteint tour à tour, éclairant unmonde psychique subalterne, ou le laissant dans l'om-bre, la pénombre ou la nuit. Est-il bien réellement« subalterne » ce monde caché qui fonctionne sans re-lâche, qui suit sa voie, sa direction logique, parallèle-ment à la conscience ? Magasin de la mémoire, c'est-à-dire de toutes les images venues du monde extérieur,avec la complication inouïe résultant de l'associationcomposite de toute cette multitude d'éléments, caphar-naûm de toutes les acquisitions que l'individu a faitesdans les divers milieux qui l'ont baigné depuis ses ori-gines, ce monde ne mérite-t-il pas d'être étudié avecplus d'intérêt qu'il n'en a suscité jusqu'ici ?

Les études bactériologiques sont en train de révolu-tionner la biologie. Pasteur qui leur a donné l'impul-sion a eu le rare bonheur' d'assister à leur triomphe.Des foules de travailleurs penchés sur l'oculaire du mi-

croscope, scrutent le monde nouveau qui leur est ré-vélé. L'étude de l'inconscient est la bactériologie dumonde de l'esprit. Les psychologues y récolteront unemoisson plus riche et plus utile encore que celle de lamicrogtaphie. Nombreux sont déjà les travailleurs quiont envahi ce champs ; mais il est à désirer que leurnombre augmente encore.

Et c'est par ce que l'initiative du professeur Grasset

- 73 -est de nature à encourager et à stimuler la curiositédes jeunes dans celte direction, que les indépendantsde toute nuance doivent l'applaudir.

Cherchez, jeunes gens, et n'oubliez jamais cette pa-role que Shakespeare met dans la bouche d'Hamlet :

« Il y a plus de choses sur la terre et dans le ciel

que n'en contient toute votre philosophie. »

Dr IL GOUDARD.

I$n*£it£i

page ligne45 2 au lieu de : classiques, lisez : cliniques

47 3 » neutralité, lisez : mentalité

47 16 lisez: ceux qui ne pourraient48 13 au lieu de : sépare, lisez : démarque

Lies Stigmates

Notre enquête sur les stigmates marche lentement,mais elle marche.

Des documents recueillis nous détachons le suivantqui intéressera nos lecteurs. Nous l'avons ainsi isoléparce qu'il sort du programme limité de l'enquête quine vise que les stigmates corporels. Il s'agirait ici d'unesorte de stigmate que l'on pourrait qualifier de « psy-chique », si toutefois l'interprétation de l'auteur étaitunanimement acceptée. Nous pensons que des objec-tions diverses peuvent être faites à cette interprétation,et que la cause du trouble psychique qui se manifesteainsi par accès provoqués par certaines circonstances,peut être considéré comme d'origine suggestive, remon-tant au cours de l'éducation première, dans l'enfance.Mais nous croyons que le fait est très intéressant à titredocumentaire et de nature à provoquer la discussion etdes recherches dans la même voie. Le voici (i):

Mil soeur aînée avait trois ans lorsqu'un jour clic jouait à la poupée

sous la surveillancede sa bonne. Celle-ci s'éloigna un instant en fer-

mant la porte derrière elle. Aussitôt elle entend la petite pousser descris perçants. Elle rentre clans la chambre et voit l'enfant faire desefforts énergiques, heureusement vains, pour casser une vitre, afin de

se précipiter dehors. Ce fait ne demeura pas isolé. La jeune fille, engrandissant, quoique saine, forte, nullement poltronneni nerveuse, \\Q

pouvait supporter de rester dans un endroit dont elle ne pouvait sortirà volonté.

Ma mère en parla un jour à son beau-frère, médecin de granderéputation. Celui-ci lui dit: « Je crois trouver l'explication de cettesingularité dans ce qui nous est arrivé lors de notre excursion le longdu Rhin en 18... ». Voici le fait auquel il faisait allusion: dans la pre-mière année de leur mariage, mes parents, accompagnés du frère de

mon père, firent un voyage en Allemagne. Ma mère était enceinte de

(i) L'auteur est une daine étrangère ayant occupé une haute situation offi-cielle dans le département de l'instruction publique de son pays, et qui désire

conserver l'anonymat; c'est pour cette raison que les noms propres ne sont pasdonnés.

~ 75 -quelques mois. Un jour, se promenant vers le soir dans la ville deBonn, ils entrèrent dans une église dont la porte était ouverte. Aprèsl'avoir parcourue et admirée, ils voulurent sortir. — Impossible ! le

sacristain, ignorant la présence des étrangers, avait fermé. Ma mères'alarma à l'idée de devoir passer la nuit dans l'église. Mon père lacalma : « Je vais heurter avec force à la porte, au besoin mon frère

me fera la courte échelle et je casserai un carreau du vitrail. » Ils fu-

rent entendus, délivrés, et l'incident n'eut pas de suite pour ma mère.Je suis de beaucoup la cadette de ma soeur aînée ; étant née après

son mariage avec un officier de marine et j'ignorais complètement

celte histoire.

« En 1S60 cette soeur vint passer quelque temps avec moi à B... oùje dirigeais alors un lycée tle jeunes filles. Nous causions au coin dufeu, lorsqu'une bonne entra et dit : « Je vais faire des courses ; si

vous le permettez, je prendrai la clef de la porte pour rentrer sansdéranger personne. » Dès cet instant ma soeur ne tenait pas en place.Je vis la sueur perler sur son front. « La bonne va-t-elle bientôt ren-trer, demanda-t-clle, en a-t-elle pour longtemps ? »

— Pourquoi ? désires-tu quelque chose ?

— Non (mais tu vas te moquer de moi) l'idée de ne pouvoir sortir,puisqu'elle a la clef de la porte, m'agite !

— Mais tu n'es pas enfermée ! S'il faut la clef pour entrer du cotéde la rue, à l'intérieur on n'a qu'à tirer la gâchette, viens voir plutôt.

Ma soeur me suivit et fut bientôt rassurée. (Les portes de maisondans les provinces de H... ne se ferment pas toutes de la même ma-nière.) C'est alors qu'elle me raconta ce que je viens de vous écrire.Elle ajouta : « Que mon mari soit avec moi ou en mer, jamais je neme couche sans mettre sur la table de nuit, à portée de ma main, laclef de la porte de la maison... ».

Veuillez agréer, etc.

Nous remercions vivement de son intelligente initia-tive l'auteur de cette lettre, qui est une femme instruiteet distinguée. Nous profitons de l'occasion pour remer-cier également les journalistes qui ont bien voulu in-sérer avec complaisance et libéralité l'annonce denotre enquête sur les stigmates, enquête si intéressanteet d'une utilité si pratique, comme on le reconnaîtrapar la suite.

IV IL GOUDARD.

PBIDUPE CHRONIQUE

Le danger d'être enterré vivant est conjuré. — Nous apprenonsavec plaisjr que notre excellent collègue et ami, le Docteur Icard,membre de la .Société d'études psychiques de Marseille, vient d'ajou-ter à la liste des distinctions dont il a été l'objet, celle d'être désigné

comme Vice-Président de la Société de Londres pour la prévention

des inhumations prématurées. On n'ignore pas que notre collègue estl'auteur de nombreux travaux spéciaux et notamment d'un remarqua-ble ouvrage sur la Mort apparente. Cette question, qu'on le veuille ounon, intéresse tout le monde, et il n'est pas de plus épouvantablemalheur à redouter quecelui d'être enterré vivant. Or le DocteurIcardest l'inventeur d'un ingénieux procédé à la fois simple et sûr, qui per-met d'écarter tout danger de mort apparente, et c'est le mérite decette belle et utile découverte qui a désigné le Docteur Icard au choixde la savante Société de Londres. Le grand prix, fondé par l'Institutde France pour récompenser l'auteur qui découvrirait le meilleur

moyen pour empêcher d'être enterré vivant, a été accordé par l'Aca-démie eles Sciences au Docteur Icard. Notre confrère, dans un but depropagande, enverra gratuitement une brochure explicative très détail-lée à tous ceux qui lui en feront la demande. Ecrire : S, rue Colbert,Marseille.

Les Idées de M. Albert Jounet. — La Société a reçu dernièrementla visite du sympathique Directeur de la Résurrection, M. AlbertJounet, qui a bien voulu nous remettre des notices intéressantes quiindiquent un vaste programme d'expériences à faire sur les rapportsde l'électricité, de POd et de l'extériorisation de la force psychique.Le défaut d'espace seul nous empêche d'exposer les idées expriméesdans ces notes ; mais nous les tenons à la disposition des chercheursqui voudront bien s'adresser à nous. On peut aussi s'adresser directe-

ment à M. Jounet, a Saint-Raphaël (Var).

La responsabilité des chefs de groupe. — Le Comité de la « Sociétéd'Etudes Psychiques de Marseille » rappelle au public que les expé-riences faites par les chefs de groupe en leur nom particulier, ainsique les idées et les théories qu'ils croiraient pouvoir en tirer, n'enga-gent nullement ta Société qui se borne a teur offrir son local à titregracieux.

le Gérant : H. MOXIER.

Afx, imprimerie J. KICOT, rue du Louvre. t(>. — j.jfii