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Université de Lyon IL Département des sciences de l'éducation. ANNEE 1983^1984 CA 34ss VERS UNE NOUVELLE CONCEPTION DE LA PRISE EN CHARGE SCOLAIRE DES ENFANTS "DITS" DEFICIENTS INTELLECTUELS MOYENS OU LEGERS? 1 (14 y '? Thèse pour l'obtention du doctorat de troisième cycle présentée par MIREILLE LINDEN sous la direction de Madame le Professeur MARCELLE DEHIS,

CA 34ss - Les thèses de l'Université Lumière Lyon 2

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Page 1: CA 34ss - Les thèses de l'Université Lumière Lyon 2

Univers i té de Lyon IL

Dépar tement des s c i e n c e s de l ' é d u c a t i o n . ANNEE 1983^1984

CA 34ss

VERS UNE NOUVELLE CONCEPTION DE LA PRISE EN CHARGE SCOLAIRE

DES ENFANTS "DITS" DEFICIENTS INTELLECTUELS MOYENS OU LEGERS?

1

(14 y '?

Thèse pour l'obtention du doctorat de troisième cycle présentée par MIREILLE LINDEN

sous la direction de Madame le Professeur MARCELLE DEHIS,

Page 2: CA 34ss - Les thèses de l'Université Lumière Lyon 2

- 7 -

SOMMAIRE

AVANT-PROPOS. 13

INTRODUCTION i*

PREMIERE PARTIE. 1905-1975. 70 ans d'enseignement spécialisé 21

CHAPITRE I L'INSTAURATION D UN SYSTEME DE PRISE EN CHARGE SCOLAIRE DES ENFANTS

DEFICIENTS INTELLECTUELS MOYENS ET LEGERS 24

a)La naissance d'une loi 24

1 -La commission de 1904 ou les artisans d 'une loi 24

2-La loi de 1909 ou une politique de prise en charge 32

3-1909-1920: Du dire au faire, .... 38

b)L'affirmation d'un choix • • .. 41

1- 1920-1936: Le droit d'exister; 41

2-1936-1939: L'espoir: 48

3-1940.-1945: La rupture:,..-. 51

CHAPITRE II L'ETOLUTIOS DO SYSTEME 60

a) Les diverses approches psychogénétiques de la débilité 64

1-Les approches séméiologiques: 64

i0- La notion d'inertie oligophrénique: 65

11 -La viscosité génétique: 67

12-La notion d'hétérochronie: 69

13-La rigidité mentale: 70

2-Les approches étiologiques: "73

L'approche psychanalytique de la débilité mentale chez l'enfant. 74

b)Une multitude de réalisations en faveur de l'enfance inadaptée... 76

1- Les classes et établissements relevant du Ministère de l'édu­

cation nationale 8 4

2- Les classes et établissements relavant du Ministère de

la Santé 86

c)Les nouvelles instructions de 1964 et 1965s 91

Page 3: CA 34ss - Les thèses de l'Université Lumière Lyon 2

-8-

CHAPITRE III IA REMISE Wl CMJSE DES INSTITUTIONS« » . . 101

a)La négation des valeurs traditionnelles . 102

1- La remise en cause des critères de la débilité 102

10-La terminologie 102

11- Le quotient intellectuel 104

12- -La débilité mentale 105

2-La remise en cause des Institutions 106

20-wFaut-il supprimer les classes spéciales?" 106

1 - les dangers de la ségrégation 106

2-La négation du débile type 106

3-Le mythe de la pédagogie spéciale 107

4-Le respect de la personnalité de 1 'enfant 107

5- Le droit à la commune culture 107

21 - La remise en cause de 1 ' école 109

b) de nouvelles approches de la déficience intellectuelle 110

1 - L ' approche psychosociologique 110

2-L'approche psychodynamique 117

c) La mobilisation des pouvoirs publics 123

1- Le rapport Bloch-lainé 123

10- La coordination. 125

11-Prévention ,dépistage, orientation 126

12- La formation des intervenants 126

13~La prise en charge des handicapés 127

2- Le Vlème plan et les inadaptations 127

3-Les solutions proposées par l'Institution scolaire. 128

a- Le handicap n'a pas encore provoqué d'inadaptation. 130

b-Une inadaptation s'est déjà installée 131

c- Le handicap est fixé et irréductible 132

4- , Les statistiques 133

DEUXIBC PARTIE. Aujourd'hui quelle intégration pour les déficients mentaux? 138

CHAPITRE IV La loi d'orientation * et ses corollaires 1 2

Page 4: CA 34ss - Les thèses de l'Université Lumière Lyon 2

-9-

CHAPITRE V Les discours théoriques 164

1- Le colloque du ministère de l'Education. Suresnes 1977. 167

2- Les journées d'étude du CTNERHI, 1980. 171

3- Le colloque de l'OCDEy Saint Maximin-sur-Var, 1980. 176

4- les journées d'étude de l'^&JH, mai 1981. 181

5- Le congrès de l'ANCE. Mai 1981. 184

6-Le congrès de l'AFPS, Octobre 1981. 187

7- Le colloque du CCAH, Paris, Novembre 1981. 191

CHAPITRE VI Les réalités 199

60 - Les formes d'aide privilégiées 199

a) En ce qui concerne les enfants pris en charge dans

les classes annexées aux écoles maternelles et élémentaires 200

b) En ce qui concerne le pourcentage de jeunes handicapés

intellectuels pris en charge par l'enseignement spécial du Ministère

de l'Education nationale à tous les niveaux d'enseignement 201

c) Politique de création de GAPP 202

61 - La sensibilisation des maîtres. 204

62- L'accueil des enfants handicapés et inadaptés en zone rurale.. 210

A- Les caractéristiques du secteur d ' étude 212

a- Une circonscription d'Inspection de l'Education

nationale rurale. . 212

b- Dans un département rural 213

c- Une répartition des classes et des écoles particu­

lière aux régions à caractère rural 213

d- Comme partout en France , plus d'institutrices

que d ' instituteurs •... 215

e- Un profil singulier de la courbe des âges. 218

B- La prise en charge scolaire des enfants en difficulté

dans notre secteur 221

1- troubles du langage 229

2- troubles de la personnalité 230

3- troubles du comportement - 231

Page 5: CA 34ss - Les thèses de l'Université Lumière Lyon 2

-10-

4- déficients visuels. . . 231

5- déficients auditifs 232

6- déficiences motrices graves 232

7- déficients intellectuels 233

8- cas sociaux • 235

9- polyhandicaps 235

10- Retards simples 236

TROISIEME PARTIE. Les a léas de l ' in téorat ion .,,...« . . . - - . .3-39

CHAPITRE VII Parents et enfants autour de la notion d'intégration. .... .2>42

1 -Les parents et la notion d'intégration .2.42

a) Les parents d'enfants normaux et l'idée d'intégra-cion .2.42

b) Les parents d'enfants en difficulté et l'idée d'intégrâtior&50

2-Les enfants et la notion d'intégration. 259

a)Les enfants ordinaires f et les situations d'intégration .2.60'

-Une approche sociométrique de la situation d'intégration.2.63

1 ) Méthodologie sociométrique .2.6 3

2)Organisation de l'expérience... .2.64

3 ) Collecte des résultats .2.66

4 ) Tableau des résultats bruts .2.69

5 ) Tableau récapitulatif .2.72

6) Analyse des résultats .2.73

b)Les enfants déficients intellectuels et "l'intégration"... J2.82

-Des interviews d'enfants "intégrés" .2.86

1 )Qui sont ces enfants? .2.86

2) Les questions que nous leur avons posées .2.87

3)Ce que les enfants ont répondu J2.89

CHAPITRE VIII Les enseignants et la notion d'intégration. .2.92

1-Objectifs et méthodologie .233

a)Hypothèse .253

1)Définition opératoire des termes .233

2)Etude des deux critères dégagés de l'hypothèse.. .234

a)influences normatives institutionnelles...... 94

Page 6: CA 34ss - Les thèses de l'Université Lumière Lyon 2

-11-

b)influences idéologiques et novatrices 295

b)Le questionnaire d'enquête psychosociale 295

-j) Construction d'un questionnaire.d'enquête destiné,

au personnel enseignant d ' une circonscription dé­

partementale rurale 4u ministère de l'éducation na-r

tionale •-%%%***%*«.*«*•>«.**.. 29s

2) Diffusion du questionnaire 298

c ) Programme d ' analyse statistique 298

2-Population d'étude et résultats bruts. ... 2§9

Résultats bruts 299

1 ) Système de notation 299

2}Tableau des résultats 304

3 ) tableaux récapitulatifs 307

3-Exploitation des résultats .. 309

a) L'échantillon des réponses 309

1 ) Implantation des écoles 309

2 ) Type d ' implantation des écoles rurales 310

3) Nombre de classes dans les écoles urbaines 310

4 )Niveau maternel ou élémentaire 310

5) Distribution du nombre de classes par école 310

6 ) Sexe des instituteurs 311

7)Tranches d'âges. 311

-chez les institutrices 311

-chez les instituteurs 311

S)Compléments relatifs à. 312

-structures scolaires 312

-Identité des instituteurs 312

b)Lfenfant en difficulté, sa prise en charge scolaire 316

DPrésence d'enfants en difficulté à l'école 316

-Etude de l'influence des

différentes variables retenues

sur le signalement d'enfants.... 317

2)Etude de la place du psychologue scolaire dans

1 * aide apportée au enfants en difficulté 318

3)Intégration/Ségrégation. 324

4)Le cas particulier de l'enfant déficient intellec­

tuel .... 329

Page 7: CA 34ss - Les thèses de l'Université Lumière Lyon 2

-12-

4-La représentation sociale de la prise en charge scolaire de l'enfant

en difficulté dans le monde enseignant» . • 333

a)Système de notation et résultats * 333

1 )Explications concernant le choix du système

de notation utilisé dans le tableau de la page

335 333

• :tj -2 )tableaux dés erésultats .. 334

b)La représentation sociale 341

1 ) Etude du niveau d • information 341

2)Etude de la focalisation 346

3)Etude de la pression à 1 ' inférence 352

5-Analyse de contenu du discours des enseignants autour de la notion

d * intégration 35J

a)Extraits des tableaux récapitulatifs de LA PAGE 340..... 357

b) Présentation des thèmes dégagés 358

c)Tableau des indicateurs de catégories avec leur fréquence

d ' apparition 360

1 ) tableau des résultats 360

2 ) tendance prépondérante 360

3)distribution des quatre grands thèmes 361

4 ) classement des sous-catégories 361

CONCLUSION , 366

BIBLIOGRAPHIE 370

INDEX NOMINAL 394 INDEX THEMATIQUE 400

ANNEXES. , . . . . „ . . . . , . _ . . . . . . . . . ,.,_e^..i 05 Annexe I :; Glossaire e t sigles.... .405

Annexe I I : Ou t i l s s t a t i s t i q u e s ..„ 409

A n n e x e l I I i P r o j e t s de t e x t e s e t t e x t e s o f f i c i e l s . . . . 411

Annexe IV :pocîiments divers.••••.-.'.•...••*—-»%•«—•.•• ........ . "484

Annexe V : c i r c u l a i r e en provenance des CCPE.. . . . . 501

Annexe VI; d o c u m e n t s SEIS . . 504

Annexe VII ; Enquête sociométrique 507

Annexe VIII:Questionnaire d'enquête psychosociale. 530

Page 8: CA 34ss - Les thèses de l'Université Lumière Lyon 2

-21-

PREMIERE PARTIE.

1905-1975

70 ans d'enseignement spécialisé.

*

Page 9: CA 34ss - Les thèses de l'Université Lumière Lyon 2

- 2 2 -

Les 70 ans qui séparent la naissance de l ' e n ­

seignement spéc ia l i sé de la promulgation de la l o i d 'o r ien ta t ion

en faveur des personnes handicapées n 'ont pas vu les modalités de

p r i se en charge des enfants inadaptés évoluer d'une manière uniforme

e t continue.

Dans "L 'h i s to i re de la pédagogie du XVIlème

s ièc le à nos jours."(1) rMonsieur Avanzini e t ses collaborateurs présen­

ten t différentes .approches â u sujet en s i tua t ion d'éducation} ce

sont respectivement:

-l 'approche biologique,

-l 'approche psychologique,

-l 'approche sociologique.

En ce qui concerne l 'enfance inadaptée,nous

retrouvons ces t r o i s mouvements d ' i d é e s , i l l u s t r é s par des morceaux

choisis d 'auteurs connus, dans: "La déb i l i t é mentale de l ' enfant"

de M.Mirabail (2)Monsieur Perron les évoque également dans "Les en­

fants inadaptés."(3) e t Monsieur Prévost précise l ' o rd re chronologique

d 'appari t ion de ces idées dans l e champ éducationnel de l 'enfance

inadaptée.(4)

Les revues consultées par nos soins (5) confi r ­

ment aussi l a présence de ces t r o i s points de vue successifs dans

l ' é labora t ion d'un système de pr i se en charge scola i re des enfants

inadaptés,en général , e t des jeunes déf icients i n t e l l ec tue l s moyens

(1 ) -AVANZINI (G. ) ,Ed ,H is to i re de la pédagogie du X X V I I è m e siècle à nos ioursypp. 117-172.

(2) -MIR ABA!L(M.) ,Ed,La débil i té mentale de l 'enfant . (3)J=>E R R 0 N { R . ) - l e s enfants inadaptés,pp.52-66. (A)-PR E V OST(C.)-Evo!ution de la notion d'inadaptation9Communautés éducat i ­

ves, AN CE f N°16/ l7 f pp.52-66 . (5)-Buliet in de la société libre pour l'étude psychologique de l'enf ant»1904-

1911. -Société libre pour l'étude psychologique de l'enfant,1911-1917.

-Société A.Binet , psychologie de l 'enfant et pédagogie expér imenta le , 1917-1923.

-Not re bullet in ,organe de l'association française des instituteurs publics d'enfants a r r ié rés , l923 - l940 . Les cahiers de l'enfance inadaptée,1950-1975.

Page 10: CA 34ss - Les thèses de l'Université Lumière Lyon 2

-23-

et légers ,en particulier.

L'analyse de contenu des sommaires permet

aussi de dégager différentes étapes dans l'évolution des structures^

les ruptures étant dues, non seulement à la présence plus ou moins

dominante d'un des trois courants de pensée, mais aussi à des événe­

ments historiques et à la conjoncture économique et politique* Enfin, un conflit de pouvoir permanent entre

les partisans de la médicalisation de l'enfance inadaptée et ceux

qui en font un simple problème d ' éducation semble dominer cette

période.

A travers l'exposé de ces différents facteurs

d'influence étroitement conjugués nous allons chercher si les créa­

teurs et les continuateurs de la loi de 1909 étaient réellement pour

la ségrégation des enfants déficients intellectuels, comme on l'a

affirmé récemment et comment cette opinion à pu s'imposer aux esprits

en 1975.

Page 11: CA 34ss - Les thèses de l'Université Lumière Lyon 2

- 2 4 -

CHAPITREI:

L'INSTAURATION D'UN SYSTEME DE PRISE EN CHARGE SCCHAIRE DES ENFANTS

DEFICIENTS INTELLECTUELS MOYENS ET LEGERS.

Les l o i s l a ï q u e s de 1881 s o n t l e r é s u l t a t d ' u n e s y n t h è s e :

" . . . d f i n f luence d iverses , mais à ce r ta ins égards conco rdan tes , qui c o n t r i b u a i e n t à c réer un c l i m a t d 'espr i t c r i t i q u e et de l i b re e x a m e n , et i n c i t a i e n t à une rév is ion des va leurs dans tous les domaines , à la remise en ques t ion des idées reçues."(1)

En e f f e t :

"Le positivisme et le Kantisme,qui récemment importé en France, présentait tout l'attrait de la nouveauté, se disputaient les faveurs d'une génération que Proudhon avait également marquée de son empreinte;Ie scientisme dont Renan et Taine allaient être les champions, commençait son règne d'un demi-siècIe."(2)

Dans ce contexte social et politique, où l'uniformi­

sation des méthodes et des contenus de l'enseignement s'imposait dans

un but d1égalisation,quand le souci d'efficacité immédiate devenait

prépondérant pour la promotion de l'ère industrielle,tous les écoliers

ne pouvaient pas se couler dans un tel moule.—-Ce sont les connaissan­

ces actuelles en psychologie de l'enfant qui nous permettent de faire <

cette remarque.—

Mais la société de 1"époque, étant également altruiste

et solidaire ne pouvait se désintéresser du problème des déviants,

d'où la création, en 1904, d'une commission ministérielle:

"...à l'effet d'étudier les conditions dans lesquel­les prescriptions de la loi du 28 mars 1882 sur l'obligation de l'enseignement primaire pour­raient être appliquées aux enfants anormaux des deux sexes (aveugles, sourds-muets,arrié­rés, etc...'(3)

a) La na i s sance d 'une l o i .

1-La commission de 1904 ou l e s a r t i s a n s d 'une l o i .

Comme en témoigne Madame Via l dans une r e c h e r c h e e f f e c -

( D - R E C L U S c i t é dans L E G R AN D(L . ) -L f inf luence du positivisme dans l'oeuvre scolaire de Jules Ferry ,p .102. (2) - ldem,lb. (3)-VI AL(M.) -Les débuts de l 'enseignement spécial en France.Cahier du CRESAS,

N°I8 , p, IT7

Page 12: CA 34ss - Les thèses de l'Université Lumière Lyon 2

-25-

tuée au sein de la SRESAS (1),ce n'pst pas à la diligence des institu­

teurs que l'on doit la nomination des membres de cette commission.

Leurs préoccupations essentielles, à la fin du XIXème

siècle, ne sont pas l'éducation de quelques enfants qui semblent

ne pas tirer bénéfice de l'enseignement proposé? mais plutôt, la

mise en application des lois laïques:

-tout d'abord le respect de l'obligation scolaire,

"Le nombre d'élèves passe de 4 756 000 en 1876 à 5 341 000 en I884, 5 526 000 en I886. C'est un chiffre plafond.L'as sidui-té est, en 1896, de 94,40% pour les garçons de 6 à 13 ans,de 92,59% pour les filles. Plus significative encore est la diminution des taux des absents de l'hiver ei de l'été, l'assiduité globale s'élevant de 79,10% en 1866 à 95,60 en 1896."(2)

-puis la reconnaissance de l'enseignement laïcf en

particulier dans les milieux ruraux% l'enseignement privé confession­

nel y "représente encore en 1883-1884 un peu plus d'un million d'en­

fants (les VA étaient des filles) en très légère augmentation sur

1866."(3)

-enfin l'étude d'une pédagogie efficace permettant

de mettre en pratique les principes rationalistes de Jules Ferry

concernant les aptitudes de chaque être humain à apprendre à lire,

à écrire et à compter.(4)

Ainsi les instituteurs continuent à pratiquer l'exclu­

sion scolaire lorsqu'un enfant gêne le fonctionnement de l'école,

surtout au cours des premières années de la mise en place des lois

laïques.

"Qu'on allège notre responsabilité, que l'on renfor­ce par de nouveaux moyens notre système discipli­naire; qu'on nous permette d'exclure de l'école un mauvais élève sans recourir à l'autorité du maire ou è celle de l'Inspecteur d'Académie..."

(D-VIAL (M.)-Les débuts de l'enseignement spécial en France,Cahiers de la SRESAS, N° 18, pp.7-161.

(2)-VlAL(J.)~Les instituteursfp-199. (3)-!dem,ib. (4)-LEGRAND (L O-L'influenee du positivisme dans Poeuvre scolaire de Jules

Ferry.

Page 13: CA 34ss - Les thèses de l'Université Lumière Lyon 2

-26-

Ainsi s'exprime L.Trautner, président de l'union des

instituteurs, en 1893 (1). Seuls les enfants indisciplinés sont ainsi

menacés; les autres, "ceux qui restent ignorants de ce que l'école

doit leur enseigner" ( 2) , sont tolérés dans les classes sans qu'on

puisse imaginer une autre façon ûe les prendre en charge.

Il faut chercher les racines de l'idée dfun enseignement

spécial chez les aliénistes et les éducateurs d'enfants anormaux des

asiles -écoles.

Monique Vial expose les arguments du Professeur Bourneville

concernant les possibilités de scolarisation des enfants des asiles

dans les écoles ordinaires et les réticences des autorités académiques

à étudier un problème qu'ils affirment ne pas être de leur compéten­

ce.(3)

La question des enfants anormaux est ainsi renvoyée

aux ..médecins,aux initiatives privées et au Ministère de l'Intérieur.

Bourneville/ disciple d'Itard et fondateur de l'asile-

école de Bicêtre, revendique pour les enfants dont il&la charge, la

possibilité de bénéficier des lois laïques récemment votées, soit

à l'intérieur de l'hôpital avec des maîtres ayant le même statut admi­

nistratif que les instituteurs des écoles publiques,soit dans les .

classes normales lorsque ces ~ "'enfants se sont suffisamment améliorés

pour pouvoir bénéficier de 1*enseignement commun,soit enfin, pour

éviter à certains un séjour en hôpital.

L'optique de Bourneville est de sépaxer le moins possible

les enfants de leur famille et des autres écoliers?le même type de

préoccupations animé les aliénistes der Lyon et de Bordeaux (4), et

à la même, époque^ la Société libre pour lfétude psychologique de l'en­

fant crée, en son sein, une commission des anormaux (5).

Des enquêtes sont effectuées dans les écoles,des élèves

en difficulté y sont repérés et les autorités académiques reprennent

^ bientôt les idées de Bourneville,non pour intégrer-..les enfants. anormaux

dans les écoles ordinaires* mais pour, séparer les arriérés scolaires

de leurs compagnons mieux doués, ceci afin d'éviter Mun trouble perpé-

CO-VI AL(M.)-l_ es débuts de l'enseignement spécial en France,cahier de la

SRESAS, N°18,p-34.

(2)-B0URGE0!S (L.)-Cité par M.VlaJ,dans Idem p.38-

(3)~ldem,p.4o et suivantes

(4)-M A RTIN EZ(M.)-Les débuts de ^éducation éem enfants arriérés « v France

au X X è m e siècle,Cahier de l'enfance inadaptée *J°5,février

1965,pp. 8-10*

(5)~AVANZiNI (G.)-Alfred bïnet et le pédagogie scientifique,p-97.

Page 14: CA 34ss - Les thèses de l'Université Lumière Lyon 2

- 2 7 -

t u e l , profond, un ralentissement du t r a va i l in te l l ec tue l ,un abaissement

du niveau moyen, aussi préjudiciable aux maîtres qu'aux élèves,éminem­

ment nuis ible à.l 'oeuvre commune de l 'éducat ion nat ionale."(1)

En conséquence, lorsque Léon Bourgeois demande la nomina­

t ion d'une commission spéciale le 4 octobre 1904, l ' ob jec t i f du Ministè­

re de l ' I n s t ruc t ion n ' e s t plus l ' i n t ég ra t i on des enfants anormaux

des asi les-écoles,mais l ' é tude de la création d 'écoles spécia les ,

susceptibles de répondre à la nécessi té de l ' ob l iga t ion sco la i re :

La lo i du 28 mars 1882 a é tab l i en F rance , l ' ense i ­gnement o b l i g a t o i r e . N ous sommes tenus de r e c e ­voir dans nos écoles tous les en fan ts quel que s o i t l e u r déve loppement i n t e l l e c t u e l , quel le que soit leur m o r a l i t é . Combien de fois n 'avons-nous pas cons ta té dans nos classes la présence d ' en fan t s , vé r i tab les i n f i rmes i n t e l l ec tue l s incapables de su ivre le p rog ramme de nos écoles p r ima i res } i ls ne sont d 'abord qu'une gêne, i ls ne t a rden t pas à deveni r un danger; car ne comprenan t r ien à ce qui se f a i t autour d'eux , i ls ne s ' in té ressent à r i e n , i ls dev iennent b i en tô t i nd isc ip l inés , sournois , v i c i eux . A côté de ceux -c i i l en est d 'au t res dont la présence est encore plus nu is ib le , ce sont les enfants qui ne peuvent ou ne veu lent se p l ier à aucune règ le . . . Il su f f i t de la présence d'un ou deux de ces enfants pour con tam ine r t ou te une c lasse. . . Que de fo is n 'avons-nous pas exp r imé le regre t que des écoles spéciales ne puissent recevo i r ces enfants dont la présence à l 'éco le est un danger pour leurs condisc ip les. " (2)

Nous notons, pour notre pa r t , le vocabulaire médical

e t moral u t i l i s é par Monsieur Levistre pour désigner les enfants

a r r i é ré s et instables.Ceux-ci s e r a i e n t - i l s contagieux?

Tout l e monde ne partage d ' a i l l e u r s pas ce t t e opinion,

par exemple Léon Bourgeois qui s'exprime a i n s i :

) ' •

Quel le t r is tesse de penser, par exemple que les enfants à qui une i n f i r m i t é o r ig ine l l e ou a c q u i s e , renda i t l ' i n s t r u c t i o n plus préc ieuse et plus nécessa i re , é ta ien t p réc i semmen t ceux qui se voya ien t exclus du béné f i ce des lois laïques.H(3) * * t«

(1)-JE A N N Q T ( M ) - C i t é par M.V ia l , dans Les débuts de l'enseignement en France,p.119.

( 2 ) - L E V l S T R E ( M . ) - C i t é par M.Vial dans I dem, p.127. (3 ) -BOURGEOIS(L ) -Les enfants anormaux,Préface à A . B i n e t , p . V l .

spécial

Page 15: CA 34ss - Les thèses de l'Université Lumière Lyon 2

-28-

La commission comprenait 21 membres, les uns issus

du Ministère de l'Instruction publique, les autres venant des Ministè­

res de l'Assistance Publique et de 1'Intérieur,il était également

fait appel à des techniciens de l'Enfance Anormale, parmi eux nous

retiendrons Alfred Binet, l'approche médico-pédagogique de l'enfance

inadaptée étant souvent attachée à son nom.

Il s'agissait pour ces responsables:

M-de déterminer les caractères auxquels se recon­naissent les diverses formes et les divers degrés de l'anomalie. -d'établir par une enquête générale,le nombre approximatif des enfants anormaux, -de fixer les types d'écoles dont la création s'imposait. -de dégager au moins dans les grandes lignes les procédés pédagogiques à employer, -d'étudier la formation d'un personnel nouveau; -de rechercher une répartition équitable en­tre l'état,les départements et les villes, des dépenses nécessaires,etc..."(1)

Après trois années d'études menées sur le t e r r a i n ,

à partir d'enquêtes et d'observations d'enfants en situation scolaire

dans des classes expérimentales et la mise au point d'un outil de

dépistage,les membres de la commission se prononcent, dans un projet

de loi qu'ils exposent à la chambre des députés le 13 juin 1907,

pour la création de classes ou d'écoles spéciales pour les enfants

anormaux.(2)

Il semble que les responsables n'aient eu aucune autre

solution à proposer. Le faisaient-ils dans un souci d'efficacité immédiate

songeant d'une part à l'alphabétisation rapide du plus grand nombre,

d'autre part, ^ t a m i s e à niveau des marginaux par l'intermédiaire de

moyens appropriés,les enfants concernés par ce projet étant appelés

anormaux perfectibles ou utilisables, les autres, ceux de Bourneville

étant ignorés?voulaient-ils au contraire éviter la contaminations

Quoi qu'il en soit, par ce texte, la ségrégation est

effective, la priorité étant donnée à des classes regroupées dans

une même école spéciale et, à défaut d'effectifs importants, les

(1)-B0URGE0IS(L.)-Les enfants anormaux,préface à A.Binet,pVl. (Z)-Voir annexe III, pp.424-426.

Page 16: CA 34ss - Les thèses de l'Université Lumière Lyon 2

-29-

classes annexées à des écoles ordinaires et leurs cours de récréations de­vraient être matériellement séparées des autres parties de rétablissement.

Mais i l ne s ' a g i t que d'un pro je t , e t les comptes-rendus

des séances de t r a v a i l de la Société l i b r e pour l ' é tude psychologique

de l'enfantff] a ins i que l 'ouvrage de Binet,"Les idées modernes sur

les enfan ts . " ( i ) # i l l u s t r e n t les hés i ta t ions e t les scrupules de

ce lu i - c i e t de ses col laborateurs .

Ainsi au cours de la séance du 14 juin 1906, les membres

de la SLEPE (3) ont acquis la cer t i tude qu'

" I I y a en e f f e t une plus grande d i f f i c u l t é pour ce r ta ins en fan ts à s 'ass imi le r les connaissances sco la i res et c 'est pour une large par t à la d i f f é ­rence d ' i n t e l l i gence qu ' i l f au t a t t r i b u e r cet éparp i l l e m ent sur la rou te sco la i re . "

( V a n e y , p.196)

I l s les ont repérés e t en comptent 797 e n m a r s

1906, pour la v i l l e de Pa r i s . Dans l e laboratoire de la rue de la

Grange aux B e l l e s , i l s ont observé leurs comportements,et recherché

lefïrs ap t i tudes? i l s ont constaté que:

" L a mémo i re sur tou t mécanique est moins a t t e i n ­te que l ' i n t e l l i gence et le j ugemen t . . . - I ls ont une p ré fé rence pour les t ravaux manuels, - l eu r voix est j us te . " ( B i n e t , S i m on ,Vaney ,p . I 0,séance de t r a v a i l du 13/12/06)

I l s en ont t i r é des indicat ions précieuses pour la

pédagogie e t " les programmes d'études q u ' i l faut leur imposer", mais

îlsfleveulent pas d 'écoles spéciales en France."

En 1907, les membres de la commission ont acquis une

nouvelle ce r t i t ude :

"11 para î t dès è présent démon t ré que la classe de p e r f e c t i o n n e m e n t annexée à l 'éco le o rd ina i re est une c r é a t i o n exce l l en te con t re laquel le on nour r i ssa i t des p réven t ions i n j us t i f i ées . " (B ine t ,p . I82 ,séance du 15 mai 1907)

(1 ) -Tou tes les c i t a t i o n s de c e t t e page sont t i rées des bu l le t ins de L i b r e pour l ' é tude psycholog ique de l ' e n f a n t , I904-19U.

(2)-BJN E T( A)-Les idées modernes sur les enfants,2ème éd i t i on ,1973. (3) -Sig le rep résen tan t l 'abrév iat ion pour :Soc ié té L i b re pour l 'E tude

que de l ' E n f a n t .

la Société

Psycho log i -

Page 17: CA 34ss - Les thèses de l'Université Lumière Lyon 2

-30-

Les deux classes existant à Bordeaux et les cinq autres

classes installées à Paris et dans la région parisienne ont donné

assez de satisfaction grâce aux effectifs réduits et aux maîtres volon­

taires et disponibles pour l'expérience.

Cependant le danger d'une mise à l'écart définitive

reste toujours présent à l'esprit des membres de la commission.

En ce qui concerne le choix de la terminologie Binet

affirme:

"Les classes par is iennes p o r t e n t le nom t rès heureux et qu 'on do i t adopter p a r t o u t de classes de p e r f e c t i o n n e m e n t . " ( 1 )

(séance du 1 5 / 0 5 / 0 7 . N ° 4 l , p . l 7 2 )

Plus tard M.Levistre précise:

" A f i n de ménager les suscep t ib i l i t és des fami l les» ces classes ont été appelées classes de p e r f e c t i o n ­n e m e n t . " (séance du 10/12/08,p.18)

Le qua l i f i ca t i f de perfectionnement: implique l 'amél iora­

t ion du niveau sco la i re des enfants concernés e t l a i s se planer un

doute quant à l ' o r i g i n e de l ' a r r i é r a t i o n e t à son caractère i r r é v e r s i ­

b l e , point universellement reconnu par les spéc ia l i s t e s de l 'époque.

En c e t t e même séance du 15 mai 1907, B i n e t d é c l a r e :

" C ' e s t un i l l us ion de c r o i r e qu 'e l les ( i l s 'ag i t d 'une classe de f i l l es ) pou r ron t souvent f a i r e re tou r à l*école o rd ina i re quand el les auront é té s u f f i s a m m e n t amél iorées."(p.176)

Mais i l se r é j o u i t de vo i r que les maîtres:

" . . . o n t r é u s s i à é t a b l i r une s o l i d a r i t é

e f f e c t i v e e n t r e les e n f a n t s des c l a s s e s

de p e r f e c t i o n n e m e n t e t l es g randes é l è v e s

du c o u r s c o m p l é m e n t a i r e . "

( séance du 1 5 / 0 5 / 0 7 , N ° 4 I , p . I 7 7 . )

Et i l déplore, avec Leborgne, à propos de la v i s i t e

de la c lasse spéciale de la rue des Ecluses:

" U n p a r e i l i so lemen t . . .Vo i l à des en fan ts qui n ' en tend ron t jamais une bonne réponse." (séance du 0 2 / 0 ? / 0 8 , p . 7 4 )

(1 ) -Toutes les c i t a t i o n s de c e t t e page sont t i rées des bu l l e t i ns de la S L E P E , I 9 0 4 - I 9 I I .

Page 18: CA 34ss - Les thèses de l'Université Lumière Lyon 2

- 3 1 -

Et s i en 1908, l ' ob jec t i f des é l u s de Bordeaux es t

encore de séparer les c lasses e t de regrouper les âges e t l es anoma­

l i e s (séance du 13/02/08,p.61) (1) , par contre à Pa r i s , on commence

à reconnaître la nécessi té d'échanges e t de rencontres entre les

enfants a r r i é r é s e t les élèves normaux en cour de récréa t ion , dans

les leçons de gymnastique de r éc i t a t i on ou de dessin.(séance du 2

J w , 1907 f p . 74.)

L ' incer t i tude du diagnostic de d é b i l i t é semble également

influencer les discours des membres de la commission? a ins i en décem­

bre 1908, M.Levistre déclares

"En résumé, notre double examen nous donne cet te conviction que les classes de per fect ion­

nement peuvent rendre de réels services! elles permet t ront à des enfants d'intell igence très lente d'acquérir l ' instruction qui leur est nécessai­re mais à condition d'en éliminer les enfants trop arriérés dont la présence rendrait encore plus pénible la tâche des maîtres sans profi t pour eux-mêmes et pour la société; enfin si parmi les élèves se glissent quelques enfants qui sont plutôt des arriérés pédagogiques que des arriérés intel lectuels, la préparation toute spéciale qu'ils reçoivent leur permet de reprendre bientôt leur place dans les écoles ordinaires."

( s é a n c e du 1 0 / 1 2 / 0 8 ,p .23 . )

Mais l ' a r t i c l e qui i l l u s t r e le mieux le souci d'une

ségrégation minimale e s t celui que nous l isons à la page 24 sous

l e t i t r e : " 5 rescapés."

Monsieur Belot, auteur de l ' a r t i c l e ,relate les f a i t s :

"Monsieur Roget, chargé de la classe de per fec­tionnement rue des Ecluses St. Mart in et Mon­sieur Leborgne , directeur, nous signalèrent à la rentrée d'octobre 5 élèves dont les progrès \ leur paraissent suffisants pour justif ier une ' ré intégrat ion dans les classes ordinaires.

Il ne semble guère possible ni désirable de renvoyer ces 5 élèves dans leurs classes d'origine: nous craindrions pour eux de la défaveur,un risque de se trouver en but te , comme par le passé, à des dif f icultés peu encourageantes,un empêchement è peu près absolu de recourir à ia classe spéciale si le besoin s'en faisait à nouveau sentir à bref déla i . 1

Us seront réintégrés de temps à autre dans ia classe de perfect ionnement pour des travaux manuels. Nous ne préjugeons de r ien.

(1)-Les citations de cet te page sont tirées des bulletins de la SLEPE, I904 - I9 I I .

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-32-

en cas de réussite, les avantages plus que soup­çonnés déjà de l'éducation sous un même toit des anormaux et des nor maux,apparaîtrait avec une évidence accrue et feraient entrevoir une simplification possible du problème social qui se pose avec force depuis quelque temps, devant l'opinion et les pouvoirs publics."

Quatre mois après cette déclaration, la 1 o i

sur les classes et écoles spéciales est votée.

2-La loi de 1909 ou une politique de prise en charge.

Cette loi votée le 15 avril 1909 (1) comporte 15 arti­

cles exposant successivement les conditions d'implantation des classes

et écoles spéciales,les types d'enfants concernés,les modes de finance­

ment ,1'encadrement et les responsabilités.

Les arrêtés des 17 et 18 août précisent les effectif s,ho­

raires, emplois du temps et programmes de ces classes.

Les instructions des 18 et 25 août définissent l'esprit

dans lequel l'enseignement devra être donné.

Enfin le décret du 14 août crée un certificat spécial

d'aptitude à l'enseignement des enfants arriérés.

L'analyse des différents articles qui constituent cette

loi permet d'affirmer chez le législateur, la volonté d'intégrer

l'enseignement spécial au Ministère de l'Instruction publique.

En effet, les classes sont annexées aux écoles ordinai­

res, les enfants y sont reçus de 6 à 13 ans,le principe de séparation

des sexes est respecté, les modes de financement sont régis par l'arti­

cle 7 du 20 juin 1885, les maîtres ont le même statut que les autres

instituteurs, les horaires de classe sont identiques et c'est le

Ministre de l'Instruction publique qui définit les conditions de

création et de fonctionnement.

Par contre,bien que les classes spéciales et les autres

sections se trouvent dans un même bâtiment et que les murs de sépara­

tion imaginés en 1907 aient disparu du texte final, le terme annexé

porte à lui seul un caractère restrictif.

En outre,la création de ces classes reste facultative

et est laissée à l'initiative des collectivités localesi tout se

passe comme si le législateur se contentait de suggérer,de donner

(1)-Voir annexe i M fPp..42 7-4 30.

Page 20: CA 34ss - Les thèses de l'Université Lumière Lyon 2

-33-

des avis, des solutions possibles mais se refusait à ériger en système

une prise en charge scolaire de certains enfants, différente de celles

arrêtées par les lois de 1881.

Ainsi tous les articles, à l'exception de ceux ayant

trait aux dépenses, au statut des enseignants et autres personnels

et au système de contrôle,contiennent, au moins une fois le verbe

pouvoir, donnant ainsi aux collectivités locales le pouvoir de déci­

sion ayx* responsables directs la conception d'un règlement intérieur

en rapport avec leur propre idéologie.

En ce qui concerne le type d'enfants concernés par

ces classes, le texte de loi est imprécis; elles sont destinées aux

enfants arriérés, mais pour délimiter la notion d'arriération, il

faut encore faire appel à Binet dans: "Les enfants anormaux.":

"Il est nécessaire de ne recevoir dans les éco­les spéciales que des anormaux perfectibles.-Cest là un principe de bon sens."(p.I 07)

Pour préciser sa pensée, reprenant la terminologie

aliénistes du XIXème siècle, il donne les définitions

^ E s t anormal tout sujet qui se sépare assez nettement de la moyenne sans constituer une anomalie p athologique...L es anormaux forment un groupe hétérogène avec un point commun: l'incapacité de profiter des méthodes ordinaires d'instruction et d'éducation qui sont dans les écoles publiques."(pp.6-7)

Si on élimine les sourds-muets et les aveugles qui

font déjà l'objet d'un alinéa spécial dans la loi de 1882, si on

supprime également les "idiots dits végétatifs, qui ne possèdent

pour ainsi dire aucune fonction de relation, qui ne peuvent ni parler

ni marcher, ni même se nourrir seuls." (p. 107) et qui sont promis

à l'hospice, il reste encore les idiots, les imbéciles et les débiles:

"Est idiot tout enfant qui n'arrive pas à commu­niquer par la parole avec ses semblables, c'est à dire qui ne peut exprimer verbalement sa pensée ni comprendre la pensée exprimée verbalement par d'autres, alors que ni un trouble de l'audition, ni un trouble des organes phonateurs n'explique cette pseudo aphasie qui est due entièrement à une déficience intellectuelle.

(1)-Toutes les citations de cette page sont tirées de l'ouvrage de Binet; "Les enfants anormaux."

des médecins

suivantes :

Page 21: CA 34ss - Les thèses de l'Université Lumière Lyon 2

- 3 4 -

Est imbéc i l e tou t en fan t qui n 'a r r i ve pas à commun ique r par é c r i t avec ses semblab les , c fest à d i re qui ne peut exp r ime r sa pensée par l ' é c r i t u r e , ni l i re l ' é c r i t u r e ou l ' i m p r i m é ou plus e x a c t e m e n t comprend re ce qu ' i l l i t , alors qu 'aucun t roub le de la v is ion et aucune para lys ie m o t r i c e du bras n 'exp l ique la non -acqu is i t i on de c e t t e f o r m e de langage,dé fau t d ' acqu i s i t i on qui est dû à une dé f i c i ence i n t e l ­l e c t u e l l e .

Est débi le tou t en fan t qui sai t commun ique r avec ses semblables par la paro le et par l ' é c r i t , mais qui mon t re un r e t a r d de 2 à 3 ans dans le cours de ses é tudes, sans que ce r e t a r d soi t dû à une insu f f i sance de s c o l a r i -t é . " (pp . l l l -H3)

Et Binet ajoute:

"A coup sûr, l ' i d io t est pour l ' hosp ice . A coup sûr, le débi le est pour l ' éco le . Reste l ' imbéc i l e au sujet duquel on peut

hés i te r .On recherchera dans quel le mesure i l p r o f i t e r a i t de l 'ense ignement spéc ia l . "

Si on se réfère à Binet, les enfants a r r i é ré s représen­

tent la frange, supérieure des déficients i n t e l l e c t u e l s : les débi les

légers e t moyens•Les classes de perfectionnement recruteront également

une autre catégorie d'enfants qui n'apprennent r ien e t perturbent

les c lasses , i l s ' a g i t des ins tables ca rac té r ie l s que nous pourrions

appeler arriérés moraux pour garder l ' e s p r i t de la l o i .

Le lég i s la teur donne la responsabi l i té du choix des

enfants à fa i re entrer dans les classes à une commission composée

de t r o i s membres:

-1 ' Inspecteur primaire.

-un directeur ou un maître de classe de perfectionne­

ment. -un médecin.

" Le rô le du médecin est de reconna î t re les maladies physiques ou menta les dont l ' ano rma l peut ê t re a t t e i n t . Il f au t le d iagnost iquer

pour deux raisons: d 'abord pour qu 'on ne confonde pas avec l ' a r r i é r a t i o n , les é ta ts ma lad i f s d 'un ordre d i f f é r e n t ; ensui te pour a t t é n u e r , suppr imer même, si possible des a f f e c t i o n s coex is tan tes dont la présence ne peut avoi r pour e f f e t que d 'aggraver l ' é t a t des en fan ts et d ' en t rave r l 'oeuvre de i *éco le . " (pp. 162-163) (1)

(1)- Toutes les c i t a t i o n s de c e t t e page sont t i rées de l 'ouvrage de B inet A. Les enfants anormaux.

Page 22: CA 34ss - Les thèses de l'Université Lumière Lyon 2

- 3 5 -

C'est encore à Binet que nous devons la déf ini t ion

des rôles de chaque membre de la commission.

" L e médec in n'a pas à chois i r les enfants anormaux p a r m i les enfants de l ' éco le : l ' app ré ­c i a t i o n du degré d ' i n f é r i o r i t é men ta l e , ce n'est pas l ' a f f a i r e du médecin."(p.129) (1 J

Mais comme les i n s t i t u t eu r s des classes n o r m a l e s

ne sont pas objec t i f s dans leurs choix, e t comme cer ta ins sont "

hos t i les à l'enseignement spécia l , les directeurs sur tout ," c ' e s t

un maître spéc ia l i sé qui siège à la commission.

Le rôle de l ' Inspecteur es t de contrôler , d'

in te rp ré te r , de juger, i l e s t l e coordinateur e t le modérateur de

la commission.

I l s ' a g i t d'une commission médico-pédagogique, des

précautions doivent ê t r e pr i ses pour évi te r des erreurs d 'o r ien ta t ion ,

mais l ' u t i l i s a t i o n d'un ou t i l de mesure de l ' i n t e l l i gence n ' e s t pas

mentionnée dans la l o i .

" L ' a r r i é r é est un en fan t chez lequel dominent l ' i n t e l l i g e n c e des sens et des percept ions conc rè tes et l ' ap t i t ude aux mouvements . "

( p . 3 9 ) (2 )

C'est pourquoi un enseignement spécial leur est donné

afin qu'ils puissent bénéficier eux aussi de l'éducation scolaire.

Le décret du 14 août, les arrêtés des 17 et 18 août

1909 précisent le contenu de cet enseignement:

Tout d'abord les maîtres sont titulaires d'un certifi­

cat d'aptitude spécial obtenu à la suite d'un stage et de l'étude

des caractéristiques de ces enfants.

L'effectif des élèves est "normalement de 15", nombre

très inférieur à celui rencontré, à cette époque, dans les classes

ordinaires. . ceci dans un but d'individualisation des apprentissages.

Quant au contenu de l'enseignement, il découle directe­

ment de la définition énoncée par Binet, à la page 39 de son ouvrage:

"Les enfants anormaux."

C'est un enseignement concret:

"Il sera donné par la vue directe des objets et des

(D-BIN E T( A.)-Les enfants anormaux. (2)-ldem

Page 23: CA 34ss - Les thèses de l'Université Lumière Lyon 2

-36-

êtres, par des images, par des causeries familières dirigeant l'atten­

tion de l'enfant vers l'observation de l'action et la vie,", "en

maniant et combinant des objets concrets. " (1)? les stades de développe­

ment de l'enfance sont repectés.

C'est un enseignement varié:

"Ils s'attacheront à provoquer et à retenir l'atten­

tion par l'attrait de ce qu'ils montrent et disent, par la variété

et 1'imprévu des exercices."(Ils,ce sont les maîtres.)%"On donnera

un développement particulier au chant et à la musique généralement

bien goûtés par les anormaux.Hj le législateur veut redonner le goût

de l'école et de l'instruction à ces enfants qui ont connu l'échec.

C'est un enseignement centré sur la vie;

Etudier le relief du soi", "raconter des histoires,

des anecdotes, en tirer des leçons de morale pratique.","commencer

les travaux...d'atelier et de jardinage."

C'est un enseignement fondé ' sur les qualités de

l'individu:

Mais c'est aussi un enseignement utilitaire donnant

une grande place à la rééducation, selon les principes énoncés par

Edouard Seguin, un demi-siècle avant:"Exercices de prononciation

et d'articulation","exercices spéciaux de gymnastique", et "exercices

de vie pratique."

Si on considère les modes d'enseignement en usage

dans les écoles en 1909, les programmes définis par les décrets et

arrêtés de 1909 sont très différents et peuvent prendre le qualifica­

tif dfenseignement spécial.

On peut reprocher à ces programmes leur manque d'ambi­

tion: on se réfère pour certains exercices, "au programme des écoles

maternelles", on commence "l'étude de la lecture et de l'écriture"

et "les travaux les plus simples d'atelier et de jardinage." etc..

Néanmoins, le souci du législateur est de limiter

l'écart entre l'enseignement spécialisé et l'enseignement ordinaire:

"Les maîtres suivront les programmes des écoles primaires dans la

mesure où le comporteront les aptitudes des élèves.","Les maîtres

s'efforceront de les (les exercices) rapprocher le plus possible

de ceux qui sont en usage dans les écoles élémentaires d'enfants

normaux.",ceci dans un double but:

-respecter les possibilités de retour dans les classes

<1)-Les citations de cette page sont tirées,, du texte de la loi du de I909.

Voir annexe IH,pp.^2?~4>0.

Page 24: CA 34ss - Les thèses de l'Université Lumière Lyon 2

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ordinaires de certains enfants débiles légers, "et on mettrait obsta­

cle à ce retour,on le rendrait même impossible si, du jour où l'enfant

entre dans la classe spéciale on l'aiguillait dans une direction toute

différente de l'école ordinaire."(Les enfants anormaux, p.49.)

-Eviter que "les enfants arriérés ne tombent à la

charge de la société.","Toute classe, toute école d * anormaux doit

être orientée vers l'utilisation sociale de ces enfants."(Les enfants

anormaux,p.171.)

Ainsi les classes de perfectionnement ont été créées

plus dans un souci de récupération sociale que dans le but de séparer

les enfants anormaux des autres élèves, la notion de rentabilité

amenant le législateur à imaginer un regroupement des individus concer-*

nés dans des classes spéciales ou dans des écoles avec internat,

lorsque ceux-ci sont disséminés dans la campagne, au lieu de les

laisser dans la structure normale avec prise en charge nuancée.

Nous pouvons regretter que la réflexion sur les en­

fants anormaux n'ait pas donné l'occasion de revoir les méthodes

pédagogiques en vigueur, bien que les programmes et instructions

relatifs aux classes de perfectionnement soient inspirés par les

mouvements d'éducation nouvelle suscités par un Claparède ou un Ferriè-

re.

En I9II, Binet écrivait:

" . . .nous sentons g rand i r en nous nos espérances et nos a mb i t i ons . . . su r t ou t parce que nous

avons le f e r m e espoir que l 'é tude des anormaux serv i ra aux no rmaux , de même que nous voyons dans un au t re domaine l 'é tude de l 'a l iéné serv i r à la psycho log ie de l ' i nd i v idu n o r m a l . Nous ne nous t rompons pas.Les méthodes bonnes pour l ' éduca t i on des anormaux r e n ­d ra ien t aux n o r m a u x , avec quelques var ian tes les plus grands serv ices.(1)

Une t e l l e ce r t i t ude , chez un homme qui a oeuvré à

l ' i n s t au ra t i on de l'enseignement spéc ia l , aura i t pu mener à une remise

en cause globale e t donner l i e u , à plus ou moins longue échéance,

à la pr ise en charge dans les c lasses ordinaires de tous les enfants

quelles que soient leurs apt i tudes e t leurs v i tesses de développement.

Or l ' h i s t o i r e nous apprend que les choses ne se sont

pas passées selon ce schéma,la su i t e de notre exposé le confirmera.

( 1 ) -B lNET(A . ) -Les idées modernes sur les enfants,p.130

Page 25: CA 34ss - Les thèses de l'Université Lumière Lyon 2

-38-

3-I909-I920: Du dire au faire.

Il y a toujours "un décalage temporel entre la procla­

mation de certains objectifs et la mise en oeuvre de moyens nécessai­

res pour les atteindre."(1)

L'histoire de la mise en place effective des classes

et écoles de perfectionnement témoigne en faveur de cette affirmation.

En 1909, la loi Strauss, traitant de la création de

classes et écoles spéciales pour les enfants arriérés perfectibles

est promulguée, des expériences ont eu lieu et ont donné satisfaction.

Binet en parle avec "plaisir*1 il est "charmé des résul­

tats. (2) Il constate avec les instituteurs que le progrès est net,

incontestable et même très grand"(3)

Une méthode de mesure de l'intelligence a été mise

au point par lui-même et ses collaborateurs, pour éviter les erreurs

de diagnostic et orienter les enfants d'une manière scientifique.

Il s'agit de l'échelle métrique de l'intelligence, dont on peut lire

l'exposé complet de la méthode dans L'ANNEE PSYCHOLOGIQUE, XIV, 1908,p.

Malgré la mort de Binet en 1911, la société bibre

pour l'étude psychologique de l'enfant continue ses recherches, affi­

ne l'échelle métrique et suit l'évolution des élèves dans les classes

de perfectionnement existantes.

Une campagne de sensibilisation a été menée à Paris

et en province pour expliquer l'intérêt de ces classes aux institu­

teurs, aux collectivités locales et à la population et pour susciter

des vocations parmi les enseignants.

Efe pourtant, au cours de cette période, Mathieu et

Blanguernon dans les leçons de pédagogief écrivent au chapitre XX

de l'éducation des anormaux:

" Nos lois et règlements scolaires ne se sont occupés jusqu'ici que des enfants d'organisation physiologique et intellectuelle normales; les anormaux ont été négligés. Soumis au régime commun dans les écoles ordinaires, quand leur cas n'était pas d'une gravité extrême, ils y ont souvent été considérés comme des cancres ou simplement des paresseux invétérés, qui excitaient les moqueries de leurs camarades. Dans les cas très graves, les familles pauvres les gardaient à la maison, tandis que les riches les plaçaient dans de rares écoles spéciales."(4)

(D-LEON(A.)-lntroduction à l'histoire des faits éducatif s,p.108. (2)et(3)-BIN ET( A.)-Les idées modernes sur les enfants,p.130. (If)-M ATHIEIKA.) et BL A N G U E R N 0 N(E)-Leçons de pédagogie,p.433.

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-39-

Ces auteurs décrivent une s i tua t ion nullement différen­

te de ce l l e qui e x i s t a i t avant la lo i de 1909. I l s connaissent cepen­

dant l ' ex i s tence de ce t t e l o i e t la c i t en t :

"Une lo i du 15 a v r i l 1909 a réglé les cond i t ions de la c r é a t i o n et de l ' o rgan isa t ion des classes

et écoles spéciales de p e r f e c t i o n n e m e n t pour les en fan ts ano rmaux . Les a r rê tés des 17 et 18 août c o m p l è t e n t la r é g l e m e n t a t i o n r e l a t i v e à l ' éduca t ion des jeunes anormaux diverses ca tégor ies . " (1 )

I l s constatent également l 'ambiguïté du terme anormal:

" La p r e m i è r e d i f f i c u l t é de c e t t e quest ion comp lexe est de savoir e x a c t e m e n t ce qu'on entend par a r r i é rés ou a n o r m a u x . "

I l s a d o p t e n t a l o r s l a c l a s s i f i c a t i o n de l a

commission spéciale de 1904 e t réservent les classes prévues par

la l o i aux anormaux psychiques ou i n t e l l e c t u e l s , autrement d i t ,aux

a r r i é rés e t aux ins t ab les , mais i l s avouent là aussi leurs i n c e r t i t u ­

des:

" Le d i f f i c i l e est de désigner ceux qui peuvent ê t re laissés dans les écoles ord ina i res et ceux qui do iven t ê t re t r a i t é s à pa r t ; car i l y a des degrés i n f i n i s dans l ' a r r i é r a t i o n et l ' i n s t ab i l i t é men ta les . "

I l s dénoncent enfin le manque d'information des parents :

" Souvent en méconnaissance des vé r i tab les i n t é r ê t s de l ' e n f a n t , la f a m i l l e s'oppose à ce d i s c e r n e m e n t , où e l le vo i t une a f f i r m a t i o n o f f i ­

c i e l l e , et qui pou r ra i t plus t a rd nui re à l ' en fan t , de sa d é b i l i t é . "

C'est pourquoi les auteurs pensent que:

" M a l g r é la lo i qui organise l ' éduca t ion des anormaux psychiques qu 'e l le nomme en bloc a r r i é r é s , en donnant au mot un sens étendu, les ma î t res et les maîtresses en auront souvent dans leurs classes."

Et i l s leur consei l lent de voir en eux:

( D - M A T H I E U ( A . ) e t BL A N G U E R N 0 N(E. ) -Leçons de pédagogïe ,pp .434-438. Toutes les c i t a t i o n s de c e t t e page sont issues de l 'ouvrage c i -dessus.

Page 27: CA 34ss - Les thèses de l'Université Lumière Lyon 2

- 4 0 -

"Mo ins des paresseux vo lon ta i res et des i nd i sc i ­pl inés que des déshér i tés de la n a t u r e , et tou t en su ivant avec eux les méthodes d ' i n s t r u c t i o n et d ' éduca t i on o rd ina i res , ils useront à leur égard de beaucoup de pa t ience et de bon té . . .

L ' obse rva t i on psycho log ique de ces enfants révé le ra aussi t rès souvent les moyens spéciaux qui p e r m e t t e n t d ' éc l a i r e r un peu leur i n t e l l i ­gence ou de d isc ip l i ne r leur n a t u r e . O )

Un cer ta in scepticisme quant à l ' appl ica t ion pratique

e t généralisée de la l o i de 1909 f i l t r e à t ravers ces propos e t les

auteurs , prudents, aver t i ssent les maîtres de l ' a t t i t u d e q u ' i l s de­

vront adopter en présence de t e l s enfants dans leurs c lasses .

La création de c lasses se f a i t , en ef fe t , t r è s l en te ­

ment. En 1907, on comptait déjà 7 classes expérimentales, les premiè­

res classes de Lyon e t de Po i t i e r s voient le jour en 1908 e t 1909,

Montpellier en ouvrira 2 en 1910, Tours e t Angers suivront le même

chemin quelques années plus t a rd .

Les r é s u l t a t s d'une enquête nationale sur l ' é t a t '

de l'enseignement spécial en France menée par le professeur E.Debray

e t le docteur J.Roubinovitch en 1922 permettent d ' é t ab l i r le tableau

suivant:(2)

1 Répartition en 1922 en France des établissements et classes

i de perfectionnement créés par des application de la loi de 1909.

5 internats publics

1 internat privé

2 externats autonomes

8 classes de garçons*! \ r * £•-! «i / a n n e x é e s

6 classes de filles J i

à des écoles publiques, soit en tout 14 classes de perfec­tionnement .

Répartition des élèves.

en avril 1922

internats externats

classes

annexées

totaux

garçons

280 52

127

i

459

\ filles

202 19

83

304

total

482 71

210

763

(1} -M A T H I E U ( A . ) et BL A N G U E R N 0 N(E.)-Leçons de pédagogie,p.438 (2) - M ARltN EZ(M. ) -Histo i re de renseignement spécial.Les cahiers de l ' en fance

inadap tée ,N°213 ,p .27 .

Page 28: CA 34ss - Les thèses de l'Université Lumière Lyon 2

-41-

Les chiffres retenus par l'enquête de 1922 montrent

que, plus de 10 -ans après la promulgation de la loi, celle-ci reste

pratiquement inappliquée•

Doit-on cette inertie aux pesanteurs administratives

ou aux réticences diverses devant la mise à l'écart d'un certain

nombre d'enfants?

Ce n'est ni l'administration, ni l'institution

scolaire, ni la peur de la ségrégation qui ont retardé la mise en

application de la loi^ mat^ des é\/ènemenbs dePB^ssxnt U ea-

are de l'éducation .

Les instituteurs nommés sur des postes dans les

classes nouvellement créées se trouvent mobilisés et ne sont pas

remplacés.Monsieur Martinez fait état d'une lettre envoyée par un

instituteur de Villeurbanne à l'Inspectrice générale Coirault,pour

l'informer d'un projet de réunion des membres de l'enseignement spé­

cial à Lyon les 30 et 31 mars 1923 en remplacement de celle qui aurait

dû avoir lieu le 5 août 1914.(1)

Dans le N°3 du bulletin de l'amicale des institu­

teurs d'enfants arriérés, l'instituteur précédemment cité, E. Roux,

écrit en janvier 1925:

" Je crois que par suite de ia guerre, la période d'essai de l'éducation des arriérés se prolonge un peu trop et dans des con­ditions qui font que l'essai ne peut pas donner des résultats suffisamment précis."(2)

Si l'enseignement spécial en France ne s'est pas

développé à cette époque, c'est donc à cause d'événements extérieurs

à l'éducation. Le calme revenu, il semble logique de penser à une

évolution rapide des structures nécessaires ,sauf si les mentalités,

ébranlées par la période de troubles, éprouvent le besoin de remettre

en cause les décisions prises auparavant.

L'étude de l'année 1923 doit pouvoir apporter des

éléments de réponse à cette interrogation.

b) L'affirmation d'un choix.

1-I920-I936: Le droit d'exister.

Le pays se relève lentement de la guerre:

(D-MARTINEZ(M.)-Histoire de l'enseigne ment spécial,Les cahiers de l'enfance inadaptée,N0l99, p.18.

(2)-R 0 U X(E.)-Bulletin de l'amicale des maîtres de l'enseignement spécial, N°3fjanvier~février 1925,p.12,

Page 29: CA 34ss - Les thèses de l'Université Lumière Lyon 2

- 4 2 -

11 II y ava i t une rancune des co m b a t t a n t s , e x c i ­tés par les matamores de l 'arr ie*re, con t re les députés , dont p lus ieurs , sans dou te , ava ient su se fa i re tuer b r a v e m e n t , mais p lus ieurs aussi se fa i re décorer comme commissa i res de gare : des e f f l uves a n t i - p a r l e m e n t a i r e s é v o l u ­a ient dans l ' a i r , plus ins is tants qu 'à aucun moment depuis le Boulangisme ou le Panama, comme on se senta i t d 'au t re par t au sein d'une pér iode de r econs t ruc t i on économique , le m i l i ­t an t po l i t i que s o u f f r a i t de son p res t ige au bénéf i ce du techn ic ien . . .L a gauche qui tenai t pour l ' ouv r i e r , pour le dépu té , pour le m i l i t a n t pâ t i ssa i t de tou t cela par s o l i d a r i t é . La guerre ne vous a donc rien appris? C e t t e f o r m u l e in lassab lement répétée en vena i t à s ign i f i e r que la v ie i l l e t r a d i t i o n répub l i ca ine ava i t f a i t son t emps , qu ' i l f a l l a i t ê t re moderne (soul igné dans le t e x t e ) , c 'est à dire changer c o m p l è t e ­ment l ' o r i e n t a t i o n po l i t i que et les méthodes de gouvernement . " (1 )

C'est dans cet e sp r i t que s ' e s t const i tué l e front

nat ional dest iné surtout à l u t t e r contre les idées bolcheviques véhicu­

lées par la révolution russe .

Les syndicats, eux-mêmes, se scindent en tendances /

les plus intransigeantes partageant les idées du pa r t i communiste.

Plus près de nos préoccupations, mais néanmoins en

rapport avec les événements l i é s à l ' après-guerre , nous notons la

création d'un grand Ministère de la Santé en 1920.

Nous savons l 'importance donnée à l ' a spec t médical

dans l ' a t t i t u d e à adopter avec les enfants arriérés , le "médico" précé­

dant le "pédagogique" dans la const i tut ion du terme composé (médico-

pédagogique) a l l a i t certainement augmenter son pouvoir en s ' i n s t i t u ­

t ionna l i san t .

En 1923, de nouvelles instruct ions viennent modifier

les horaires e t les programmes des écoles élémentaires (2).En réfor­

mant le système scola i re ,1e lég is la teur de 1923 reconnaît la valeur

des textes de 1887 e t rend hommage aux fondateurs de l ' é co le publique

mais i l t i e n t à:

" . . .p réc iser l ' emp lo i du temps , s i m p l i f i e r et graduer les p rog rammes , v i v i f i e r les méthodes , coordonner les d isc ip l ines . "

(D~ S1EGF R IED(A . ) -Tab leau des partis,relevé dans Cheva l l i e rQ . J.),H i s to i re des Ins t i t u t i ons et des rég imes po l i t i ques en France de I789 à nos jours,pp.503 et 504.

(2)-L EBETTRE(M. ) et VE R N A Y(L ^-Programmes et i ns t ruc t i ons eonf i i ï ientés fpp.31-40

Page 30: CA 34ss - Les thèses de l'Université Lumière Lyon 2

- 4 3 -

II précise que:

11 L ' e s s e n t i e l est qu 'on s ' e f f o r ce d 'app l iquer le nouvel hora i re aussi s t r i c t e m e n t que possib le, car i l accorde à chaque p a r t i e du p r o g r a m m e , dans chaque cours , la juste p lace qui lu i rev ien t en raison du rô le qu 'e l le do i t jouer dans le p lan généra l de l ' éduca t ion popu la i re . " (1 )

IL rappelle la "seule méthode à suivre dans l'enseignement primaire"

wLe ma î t re par t tou jours de ce que les en fan ts saven t . . .mé thode i n t u i t i v e et i n d u c t i v e , pa r t an t des f a i t s sensibles pour a l le r aux idées; méthode a c t i v e , fa isan t un appel cons tan t à l ' e f f o r t de l 'é lève et l 'assoc iant au ma î t r e dans la recherche de la v é r i t é . . . "

"Par chacun de ses ac tes , par chacune de ses paro les , i l ( l ' i n s t i t u t e u r ) do i t viser è la fo is le but u t i l i t a i r e et le but désintéressé de l ' éduca­t i o n . ' ^ )

Ni la méthode préconisée, ni le double but assigné à l ' é ­

cole primaire ne peuvent ê t re rendus responsables de l ' é l iminat ion

de cer ta ins enfants du système, mais l e cadre s t r i c t dans lequel ces

ins t ruct ions doivent ê t r e appliquées (cours séparés en années sco la i res ,

programmes administrés à un âge p r é c i s , e t c . . . ) ne donnent pas aux élèves le

d ro i t de s ' a t t a r d e r .

A ce su je t , dans une communication fa i t e à la séance

de t r a v a i l de la Société Alfred Binet(â) , le 30 juin 1919(4), à propos

des enfants en re tard dans leurs études, le Docteur Simon f a i t par t

de ses réf lexions:

"On a essayé pour ces enfants des classes de p e r f e c t i o n n e m e n t . En f a i t on a essayé m o l l e ­men t . La pa r t i e n'est pas jugée. . .Pour ce groupe d 'enfants(5) un p r o g r a m m e spécial para î t néces-

( D - L E B E T T R E ( M . ) e t VERN A Y(L)-Program mes et Instructions corn m entés,pp. 31-40 ( 2 ) - l d e m . ( 3 ) -Anc i ennemen t Soc ié té L ib re pour l 'E tude psycholog ique de l ' E n f a n t . ( 4 ) - S l M 0 N ( T . ) B u I l e t i n de la société A.Binet ,N l l I25 f I9èi i ie année,p.47 (5 ) -Le doc teur T.S imon d is t ingue 3 groupes de re ta rdés sco la i res ;

-pour cause de ma lad ie . -pour cause de sco la r i t é i r r é g u l i è r e . -pour manque d ' i n t e l l i gence ou de ca rac tè re .Seu l ce dern ie r groupe

concerne les classes de p e r f e c t i o n n e m e n t .

Page 31: CA 34ss - Les thèses de l'Université Lumière Lyon 2

-44-

saire, une sorte d'enseignement primaire d'un autre ordre, d'ordre surtout manuel et ménager... Leçons d'entraînement, écoles de plein air, enseignement particulier, voilà une solution.

il y en a une autre, le statu quo: n'est-il pas avantageux, pour les enfants qui précèdent^ de garder le contact avec les normaux? Et y~a-t'il pour les réguliers, de tels inconvénients à ce que les enfants d'une classe ne soient pas tous à peu près du même âge? l'inconvénient existe-t'il dans les classes peu nombreuses, et dans les autres cas, n'est ce pas le nombre des élèves plus que la présence d'élèves trop âgés qui empêche de s'occuper d'eux comme il faudrait?...

L'enseignement spécial pour retardés serait alors réalisé sur ce fait que le programme serait d'un CE si l'enfant ne dépasse pas celui-ci, et d'un CM1 s'il ne va pas au-delà."

La psychologie génétique nous a appris que les intérêts

de l'enfant changent lorsqu'il grandit, c'est pourquoi nous évitons au­

jourd'hui de laisser un élève dans une classe d'enfants plus jeunes

que lui.. à l'époque de T.Simon, l'accent étant mis uniquement sur

les apprentissages scolaires, l'idée d'un décloisonnement des âges

pouvait éviter la ségrégation.

Le docteur Simon propose donc deux directions possibles

pour la prise en charge scolaire des enfants arriérés? les instituteurs

spécialisés, nommés dans les classes de perfectionnement avant le

conflit mondial, vont avoir à choisir.

De retour dans leurs classes, ils éprouvent le besoin de

se rencontrer. Ils organisent une réunion de travail qui se déroule

à Lyon les 30 et 31 mars 1923.Dynamisés par la présence des instituteurs

spécialisés de l'Alsace-Lorraine, nouvellement rattachée à la France,

mais riche des expériences germaniques en matière d'enfance anormale,

ils se groupent en association type loi de 1901 et décident de rédiger

un bulletin de liaison.

Ce journal intitulé:

NOTRE BULLETIN

Organe de l'Association Amicale Française

des Instituteurs Publics d'Enfants Arriérés.(l)

d'un format et d'une présentation très simples, a pour but d'informer

et de créer un contact permanent entre les maîtres dispersés dans

toute la France.

(1)- Voir annexe IV,p.485 ,1a couverture d'un exemplaire de Notre

Bulletin.

Page 32: CA 34ss - Les thèses de l'Université Lumière Lyon 2

- 4 5 -

I I pa ra î t d'abord quatre fois par an, puis tous les deux

mois, à p a r t i r de l 'année scolai re 1929-1930.

Nous avons pu analyser le contenu des sommaires de ce t t e

revue pour l a période a l l an t d'Octobre I924 fdate de parution du N°1,

à Mars 1940.(1)

Nous ne pouvons affirmer avec cer t i tude que le N° 1 de mars

1940 so i t l e dernier de la col lec t ion , nous pensons cependant que

les événements de Mai 1940 ont pu marquer la f in de la publ icat ion.

Outre la rubrique des pe t i t e s annonces abondamment remplie

de renseignements e t de nouvelles concernant les membres de l ' a s soc i a ­

t ion , les comptes-rendus d'assemblées générales, de réunions de bureau

e t de congrès annuels j u s t i f i en t pleinement l e terme d 'associa t ion

amicale.

M N o t r e B u l l e t i n mon t re ra l ' a f f ec tueux dévouement et l ' i n t é r ê t passionné que nous appor tons à la cause de l ' en fance ano rma le . i l exposera nos modes­tes r evend i ca t i ons , i l sera no t re organe d 'en t ra ide et de p e r f e c t i o n n e m e n t m u t u e l . 11 di ra nos peines et nos jo ies . La pensée des maî t res f rança is et é t rangers a t tachés à une oeuvre un i t a i r e v iendra p e u t - ê t r e l ' en r i ch i r de temps en temps .

Nous en ferons une vé r i t ab le chaîne d 'un ion , par où passeront les idées généreuses en faveur des en fan ts déshér i tés . "

( M r . H u e t , No t re b u l l e t i n , N ° 5 , j u i l l e t 1934)

Mais la revue nous renseigne également sur l'atmosphère de l'enseignement spécial pendant la période concernée.

Les maîtres s ' in té ressen t à la pédagogie générale: orga­

nisa t ion de la c l asse , emplois du temps, u t i l i s a t i o n de manuels,

i n s t a l l a t i on m a t é r i e l l e . . . I l s semblent vouloir porter leur choix

vers l ' é co le act ive e t les méthodes d'éducation nouvelle, ayant

le souci d ' é v i t e r d 'au t res échecs à leurs é l èves . I l s connaissent

les grands maîtres psychologues e t pédagogues: Claparède,Montessori,

Decroly, Descoeudres e t même Pestalozzi figurent parmi les auteurs

d ' a r t i c l e s du bul le t in jde p lus , une importante bibliographie pa ra î t

dans chaque numéro..

( 1 ) - L a c o l l e c t i o n i n c o m p l è t e e s t à l ' I . N . R . D . P . , s e c t i o n des p é r i o d i ­ques anc iens , Co te I395, année I 9 2 4 - N ° 1 , à mars l 940 f N

o 1 , (N° manquants N°1 ,oc tob re i?33;N°4 e t - 5, mai et j u i l l e t 1935; N ° 1 , o c t o b r e . 1936.)

- les aut res numéros sont à la B ib l io thèque na t i ona le , annexe de V e r s a i l ­les ,sec t ion des pér iod iques anc iens, coteJo.73 956.

Page 33: CA 34ss - Les thèses de l'Université Lumière Lyon 2

-46-

Chaque discipline scolaire fait l'objet d'une réflexion

approfondie sur la manière de la faire acquérir aux enfants anormaux;

leurs aptitudes et leurs manques particuliers sont analysés.

On s ' interroge également sur ce qui se passe dans les

autres pays et on cherche à s'informer sur les autres types d'anoma­

lies : surdité, cécité,etc...

Mais les maîtres oeuvrent surtout à faire reconnaître

leur utilité en réclamant un salaire convenable et une formation

sérieuse:

"Les classes de perfectionnement, lorsqu'elles sont confiées à un personnel qualifié, produisent des résultats si appréciables que le nombre des élèves s'y accroît..."

(Notre Bulietin,N01,Oct.Nov.,l92S). -

I l s affirment la nécessi té d'un enseignement spéc ia l i sé

pour les enfants a r r ié rés ,dans des classes qui leur seront réser­

vées:

" I l est de f a i t que les p r i n c i p e s qui sont à la base

de l ' é d u c a t i o n des a n o r m a u x sont ceux m ê m e s

que r é c l a m e n t les p a r t i s a n s de l ' éco le r é n o v é e . "

( N o t r e B u l l e t i n , N 0 1 , O c t - N o v I926 )

Malgré les rappels des ins t ruct ions de 1923, i l ne semble

pas que ce type de pédagogie so i t courante dans les écoles françaises^

puisque les enfants anormaux doivent ê t re dans des classes

spéciales pour en bénéf ic ier .

Ceci es t f a i t dans un but u t i l i t a i r e :

" . . . l e s classes de p e r f e c t i o n n e m e n t sont ind ispensa­

bles pour r e m é d i e r en p a r t i e aux e f f e t s de la

d é p o p u l a t i o n qui m e n a c e n o t r e p a y s , car e l les

p e r m e t t e n t de r é c u p é r e r un c a p i t a l h u m a i n a p p r é ­

c i a b l e q u i , f a u t e d ' ê t r e a m é l i o r é , c o n s t i t u e r a

p e n d a n t le r e s t e de son e x i s t e n c e une t r è s lourde

c h a r g e pour les c o n t r i b u a b l e s . "

( E . D e b r a y , N o t r e B u l l e t i n , N ° 3 , A v r i l - M a i 1926)

C'est pourquoi i l s réclament:

-une meilleure information de tous les i n s t i t u t eu r s : " . . . c r é e r une classe de p e r f e c t i o n n e m e n t auprès

de chaque é c o l e n o r m a l e , de m a n i è r e a. ce q u ' a u c u ­

ne c a t é g o r i e de p e r s o n n e l de l ' e n s e i g n e m e n t publ ic

ne soit é t r a n g è r e à la p é d a g o g i e des e n f a n t s a r r i é r é s . "

( E . D e b r a y , N o t r e B u l l e t i n , N ° 3 , A v r i l - M a i 1926)

Page 34: CA 34ss - Les thèses de l'Université Lumière Lyon 2

- 4 7 -

-une formation de maîtres spécialisée en travaux manuels.

" J ' é m e t s le voeu que dans les écoles de p e r f e c t i o n ­nement on ne fasse pas seu lement du pédagogique^ mais que, s ' a t t achan t avant tou t à l ' aven i r mora l et m a t é r i e l de l ' e n f a n t , on fasse la p lace qu 'e l le m é r i t e à l ' éduca t i on physique et à l 'apprent issage d'un m é t i e r . " (Mr le Dr Reudon, No t re B u l l e t i n , N ° 5 , J u i l l e t 1931.)

-une sens ib i l i sa t ion de l 'opinion publique e t des parents .

" C e r t a i n s parents c ra ignen t une c e r t a i n e hon te , ne veu lent pas se débarrasser de leurs en fan t s , i ls l ' ob l igen t même à su ivre l 'éco le o rd i na i r e . " ( R a n d o u x . A , N o t r e Bu l l e t i n 9f4*5, m a i - j u i n 1)925)

Ils dénoncent:

"Le peu d'empressement des pouvoirs publics à accomplir leur devoir à l'égard de lènfance défavori­sée." (Mme VlillotjNotre, Bulletin, N°4, Mai-Juin 1933.)

Ils préconisent un dépistage plus serré et plus précis

afin que la population des classes corresponde à celle pour laquelle

elles ont été créées:

"... ces quatre derniers enfants, véritables arriérés médicaux dont le retard mental varie entre 6 et 8 ans, absorbent pour un résultat presque négatif la plus grande partie de mon activité et de mes forces au plus grand détriment de leurs camarades mieux doués et de ma propre santé. (M.Pernet,Notre Bulletin,N°4, Mars-Avril 1925.)

Toutes ces revendications seront reprises au cours du

congrès d'Yvetot en avril 1935.

Mais les pouvoirs publics n'ont pas attendu cette rencontre

pour réagir. Déjà en 1927, le Ministère de la Santé, momentanément

remplacé par l'Office National de l'Hygiène mentale, procède à une

vaste enquête sur l'enfance anormale.

Les résultats de cette recherche débouchent sur un projet

de loi présenté à la Chambre des députés en 1929 et dans laquelle

le caractère facultatif des classes de perfectionnement est transformé

en obligation. Les membres de la commission médico-pédagogique sont

assistés d'un psychiatre ou d'un spécialiste en neurologie. Le texte

est rejeté et présenté sous une autre forme en 1931; mais cette

nouvelle mouture, malgré sa clarté et sa précision, ne sera pas retenue.

Page 35: CA 34ss - Les thèses de l'Université Lumière Lyon 2

-48-

Est-elle trop audacieuse? Pour la première fois les enfants

dits récupérables sont séparés des incurables, les charges financières

sont précisées ainsi que la formation des maîtres, elle répond, en

grande partie, aux demandes des instituteurs spécialisés % ceux-ci

se réjouissent de voir enfin les pouvoirs publics et la société atten­

tifs à leurs problèmes, même si la loi est rejetée:

"Ce que l'on peut affirmer, c'est que vous avez forcé l'opinion publique à vous entendre, on vous écoute." ( C o m p t e - r e n d u du congrès de L Y O N , N o t r e B u l l e t i n

N°4 ,Ma i 1931.) " I l se dessine en France un grand mouvemen t en

f aveu r de l 'ense ignement spécia l et de l 'ass is tance à l ' en fance déb i le . " ( A . R u d o l f , N o t r e Bu l l e t i n ,N°4 > Mai I932.)

" I l semble que nous assist ions à un mouvemen t analogue à ce lu i q u i , dans d i f f é r e n t s congrès , en même temps que dans la presse, ag i ta l ' op in ion à p a r t i r de 1904 et décida le vote de la lo i de 15 a v r i l 1909."

(Dr Roubinoviteh, Notre bulletin,N°5, Juillet I933)

Nous voyons, "a travers la lecture de Notre Bulletin ,

que les maîtres de l'enseignement spécial emploient toute leur éner­

gie à faire reconnaître la nécessité d'une pédagogie particulière

pour les enfants arriérés, en toute légitimité• "Nos enfants sont

des malades" (Notre Bulletin,N°4, Mai 1932.) disent-ils? ils doivent

subir un traitement médico-pédagogique et ne pas être assistés toute

leur vie, d'où la présence d'un médecin pendant la scolarité spéciali­

sée.

2-I936-I939: L'espoir,

Une fois encore les pouvoirs publics se sont in téressés

au problème des enfants anormaux, mais i l s n 'ont pas continué leur

act ion, d'où la pression exercée sur eux par les maîtres de l 'enseigne­

ment spéc ia l i sé au Congrès d'Yvetot en av r i l 1935.

Comme en témoignent les a r t i c l e s du bu l l e t in , leurs revendi­

cations n 'ont pas changé? leur mode de pr i se en charge pr iv i lég ié

reste la c lasse de perfectionnement.

"11 n'y a pas d 'école pour eux . . .Eux , ce sont tous ceux qui ne peuvent pas s 'adapter è ta vie sco la i re t e l l e qu 'e l le est organisée pour les éco l ie rs n o r m a u x . 11 n'y a là aucune carence des ma î t res ; leur f o r m a ­t i on pédagogique ne les a pas préparés au t r a i t e m e n t spéc ia l que r é c l a m e n t des men ta l i t és d é f i c i e n t e s , et i ls ne pou r ra ien t en consc ience, sac r i f i e r l ' éduca ­t i on de t ou te une classe norma le pour essayer d 'éduquer sans techn ique spécia le ces en fan ts a r r i é rés . " ( J . M i l l e t , N o t r e B u l l e t i n , N ° 3 , f é v r i e r 1937)

Page 36: CA 34ss - Les thèses de l'Université Lumière Lyon 2

-49-

"Pendant longtemps les classes de perfectionnement ont été considérées comme un mode inférieur d'éducation et d'enseignement de l'enfant anormal. (Voir rapport de Monsieur ROUX présenté en août 1911 au congrès pour l'avancement des sciences.) On souhaitait même leur suppression et leur rempla­ce ment par des écoles autonomes.(R apport Gauthier-Save, approuvé par MMr Debray et Roubinovitch dans leur rapport du 06/11/22 à la troisième section de la ligue d'hygiène mentale.) Mon opinion était tout autre, je l'ai exposée en particulier en avril 1935, au congrès d'Yvetot." (M.PrudhommeaUjNotre Bulletin,N°5,Juin 1938.)

On voit ici se profiler l'influence des classes "dites"

homogènes en âges et en niveaux d'études, ce quif utilisé pour l'ensei­

gnement spécial aurait éliminé la classe unique de perfectionnement

annexée, et engendré ainsi une ségrégation encore plus importante.

On reconnaît également l'imprécision du terme anormal,

ce qui crée un climat d'insécurité chez les enseignants, d'où la

demande de plus en plus forte d'un fonctionnement réel des commissions

médico-pédagogiques.

On commence aussi à parler de prévention, dans le N° 1

d'octobre 1935, l'article de Madame l'Inspectrice générale Coirault

s'intitule: "Peut-on dépister les enfants anormaux à l'école maternelle?"

On évoque maintenant le problème des faux-arriérés, pour

lesquels le traitement médico- pédagogique serait sans doute décon­

seillé.

Pendant ce temps, la querelle entre le Ministère de la

Santé et celui de l'Instruction publique éclate au grand jour.

Le docteur debray s'insurge:

" . . . l ' ense ignemen t des a r r ié rés do i t ê t re d i r igé par le M in i s t è re de l ' I n s t r uc t i on pub l i que ; quant è les con f i e r à 1' Ass is tance?:(Ce t i t r e même p résen­te un c a r a c t è r e d ' hum i l i a t i on . ) NON*. N O N l t ro i s fo is N O N ! 1 . ! . "

(E .Deb ray , N o t r e B u l l e t i n , N °2 , janv ier 1927.)

Le Ministre Jean Zay rétorque:

" C ' e s t au M i n i s t è r e de la Santé qu ' i l appa r t i end ra de demander les c réd i t s nécessaires."(1)

C'est toutefois sous l e Ministère Jean Zay que se déroule

( 1 ) - Z A Y ( 3 . ) ~ C i t é dans les cahiers de l 'en fance i nadap tée , N ° 2 3 8 , M a r s - A v r i l I 980 ,pa r M . M a r t t n e z , Histoire de l 'enseignement spécial , p. 14

Page 37: CA 34ss - Les thèses de l'Université Lumière Lyon 2

-SO-

le premier stage de formation des maîtres de l'enseignement spécial. Nous sommes sous un gouvernement de FRONT POPULAIRE et les options rencontrées dans les débuts de la troisième République sont réactuali­sées.

Le Ministère comprend un sous-secrétariat à la Protection de l'enfance? une sous-commission, présidée par H.Wallon et chargée d'étudier le problème des enfants déficients, est alors créée, elle

vient compléter le groupe de recherche mis en place par le Ministère

de la Santé quelques années auparavant.

M.Prudhommeau raconte(1) comment cette commission a entre­

prend immédiatement la mise au point d'un dépistage étendu à l'échelon

national et l'étude d'un projet de loi (encore un'.) destiné à rempla­

cer les textes de 1909.

"Voici les chiffres officiels qu'elle donne (l'enquête nationale) On peut tabler en 1936 sur un peu plus de 6 millions d'enfants âgés de 5 à 14 ans. A la fin de 1934, il y a dans les écoles primaires élémentai­res publiques et privées 4 808 000 élèves des deux sexes auxquels il faut ajouter 300 000 élèves des écoles maternelles et 95 000 élèves des écoles supérieures... II est malheureusement impossible de mettre au point en temps utile un test approprié, le projet de ioi est établi mais le gouvernement ayant été renversé, les travaux de la commission n'ont plus de suite. On admit cependant désormais qu'il devait y avoir au moins 100 000 enfants arriérés en France et qu'il fallait prévoir l'équipement en conséquence."

Nous remarquons à quel point cette période est fertile

en essais visant à améliorer les outils de dépistage et les moyens

de rééducation des enfants arriérés, mais en allant toujours dans

le sens d'une mise à l'écart.

En matière d'enfance anormale les certitudes n'existent

pas, on admet l'existence d'un phénomène qu'on peut vérifier journelle­

ment, mais les causes restent obscures, la guérison semble impossible

par les moyens médicaux habituels. On pense à une pédagogie spéciale

comme thérapeutique visant à améliorer l'état de l'enfant, mais on

craint les erreurs de diagnostic et les effets malencontreux d'une

médication qui ne conviendrait pas.

Et si l'institution scolaire était responsable? la question

reste enfouie dans l'inconscient collectif.

Malgré les tâtonnements et les hésitations, le nombre

des classes de perfectionnement augmente lentement, la machine institu­

tionnelle est en routel

(1)-PRUDH0tvMEAU(M.)-Lf enfance anormale, p . 7T .

Page 38: CA 34ss - Les thèses de l'Université Lumière Lyon 2

-51-

"En 1924 il y avait pour toute la France 67 classes de perfectionnement soit annexées à des écoles ordinaires, soit groupées dans des internats ou des externats de perfectionnement. Dans ce total Paris comptait pour 16 classes. En 1927 il y avait 86 classes dont 15 pour Paris; en 1932 il y avait 118 classes dont 17 pour Paris; en 1936 il y avait 150 classes dont 31 pour Paris; en 1937 il y avait 225 classes dont 75 pour Paris et la Seine."(1)

Nous avons essayé d'affiner ce relevé statistique de M.Pru-

dhommeau en nous référant, une fois encore, au bulletin de l'amicale

des maîtres d'enfants arriérés et nous avons obtenu le tableau de

la page 52 et la représentation graphique de la page 5 5.

La lecture de cette courbe nous permet de constater que

l'idée d' école autonome à l'honneur en 1920 avec l'arrivée de 1'Alsa­

ce-Lorraine, perd vite du terrain au profit des classes annexées

aux écoles élémentaires.

Est-ce un choix politique en faveur d'une ségrégation

minimale ou une solution économique?

Quoi qu'il en soit, si on s'appuie sur le nombre d'enfants

arriérés indiqué par Mr.Prudhommeau, ce n'est pas 225 classes qu'il

faudrait pour couvrir les besoins, mais environ 7 000.

Si on étudie l'implantation de ces classes on s'aperçoit

également que de nombreuses régions en restent dépourvues.(2)

En 1938, la majorité des enfants arriérés sont encore

accueillis dans les classes ordinaires et l'ensemble des maîtres

ne semble pas s'insurger contre cet état de fait.

Nous notons enfin, sur le graphique, un ralentissement

des créations de postes pendant les années 1938 et 1939, ce qui corres­

pond au point de vue politique à un retour de pouvoir conservateur.

3- 1940-1945. La rupture.

La période précédente a vécu la prise en considération

des besoins de l'enseignement spécial fondés sur des bases médico-

pédagogiques :

"Les êtres vivants disposent de deux sortes de moyens . pour guérir leurs maladies: les moyens que j'appelle­rai volontiers chirurgicaux, qui suppriment l'organe atteint et les moyens médicaux, qui font intervenir

(IFPR U D H 0 M M E AU(M,)-Les enfants anormaux,p.78. (2)-Voir annexe IV, pp.486-487.

Page 39: CA 34ss - Les thèses de l'Université Lumière Lyon 2

- 5 2 -

Eta t des classes de p e r f e c t i o n n e m e n t f onc t i onnan t en France en t re 1920 et 1939.(1)

^ v année

TYPE \ v

Ecole

autonome

c l a s s e s

annexées

à des

i n s t i t u t s .

Classes

annexées

à des

écoles

p r i m a i r e s .

Tota l

! !

1924

40

13

14

67

i

1927 .

42

n

27

86

i

1932

54

26

38

118

" ' A

1936

54

28

68

150

l

1938

73

70

182

325

| "i

1939

75

82.

204

358

( D - d ' a p r è s les l i s tes de classes indiquées dans Not re B u l l e t i n .

Page 40: CA 34ss - Les thèses de l'Université Lumière Lyon 2

- 5 3 -

E v o l u t i o n du n o m b r e de c l a s s e s e t é c o l e s s p é c i a l i s é e s f o n c t i o n n a n t

en F r a n c e e n t r e 1 9 2 0 e t 1 9 3 9 .

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Page 41: CA 34ss - Les thèses de l'Université Lumière Lyon 2

- 5 4 -

une t hé rapeu t i que moins r a d i c a l e , ce r tes plus t â t o n ­nan te , mais moins b r u t a l e , qui t r a n s f o r m e l ' i nd i v i du et le régénère . La p rem iè re méthode a été long temps la seule emp loyée , pour é l im ine r du corps socia l tous ces é léments de t roub les , i l est f ac i l e d 'é lo igner t rès t ô t les en fan ts suspects des groupes où ils n 'appor ten t que désordre et mauvais e x e m p l e , sans plus se soucier d 'eux , q u i t t e à i n t e r ven i r v igoureuse­ment à la p rem iè re m a n i f e s t a t i o n an t i soc i a l e , à leur p rem ie r d é l i t . Dans no t re c i v i l i s a t i o n ac tue l l e i l ne nous est plus permis de laisser jouer la sé lec t i on na tu re l l e . . . L es so lut ions d ' é l i m i n a t i o n au p rob lème qui nous est posé sont des solut ions de défense quand le danger est i m m i n e n t et que nous n'en t rouvons pas d ' a u t r e . Elles sont paresseuse^, coûteuses, sans p r o f i t pour l ' i nd i v idu et en conséquence pour la s o c i é t é .

C'est pourquo i vous ( les maî t res de l ' ense ignement spécia l ) lu i p ré fé rez la seconde méthodes

Vous demandez avec ins is tance qu 'on vous con f i e ces e n f a n t s , prédest inés à un sort m isé rab le . En c réan t pour eux un m i l i eu f a v o r a b l e , en les s o u m e t ­tan t à un rég ime convenab le , non seu lement vous les amé l i o rez mais vous assurez une par t de jo ie et vous a t ténuez la somme des sou f f rances in jus tes . Y - a - t ' i l r ien de plus p i t oyab le que la sou f f rance d'un en fan t? (1)

Nous avons tenu à rapporter ce t t e al locution de Madame

l ' Inspec t r i ce générale Coirault , représentant Monsieur le Ministre

de l ' I n s t ruc t i on publique au congrès d'Yvetot.

Elle énonce clairement les deux pos s ib i l i t é s d 'ac t ion en

direct ion des enfants a r r i é r é s : élimination par ségrégation déf in i t ive

ou aide personnalisée? choisissant la seconde solution e t s1adressant

aux i n s t i t u t eu r s spéc ia l i sés , e l l e f a i t appel à la pédagogie comme

moyen thérapeutique.

C'est pourquoi nous voyons le nombre de classes de perfec­

tionnement augmenter e t les deux Ministères de l ' I n s t ruc t i on publique

e t de la Santé conjuguer leurs effor ts pour étudier l e problème de

l 'enfance anormale.

Mais une fois de p lus , l e s événements extér ieurs vont fa i re

obstacle à la continuation de la recherche.

En 1939, contrairement à ce qui s ' é t a i t passé pendant la

guerre 1914-1918, i l n 'y a pas mise en sommeil des i n s t i t u t i o n s , mais

changement radical de pol i t ique de pr ise en charge des enfants en

d i f f i c u l t é .

( O ) - N o t r e Bu l l e t i n , N ° 4 - 5 , M a i - J u i n 1935 .

Page 42: CA 34ss - Les thèses de l'Université Lumière Lyon 2

-55-

h la suite du désastre de la bataille de France et de l'en­

trée au pouvoir du Maréchal Pétain,l'ETAT FRANÇAIS se rallie aux idées

de l'Allemagne Hitlérienne, les français sont loin de partager les

points de vue du gouvernement en place, et le pays se trouve entière­

ment déstructuré, ce qui n'est pas sans perturber le monde de l'enfance

et de l'adolescence, d'où un accroissement considérable de la délinquan­

ce juvénile et de diverses déficiences physiques ou psychiques.

Le pouvoir en place "audacieux, autoritaire, social ,natio­

nal. ••"( 1) décide de procéder à la reprise en main de la jeunesse

par la voie de l'embrigadement et recence d'une manière précise les

différents types de déviances.

Les instituteurs, qui n'ont pas la confiance du gouverne­

ment, sont éliminés de cette entreprise.(2)

La parution du bulletin des maîtres d'enfants arriérés

est brusquement interrompue, et les articles de la Société Binet res­

tent dans les tiroirs. Des associations de type confessionnel ou laïque

ainsi que les Ministères de la Santé et de la Justice sont appelés

à prendre la responsabilité de cette lourde tâche qui consistera à

encadrer les jeunes en difficulté.

Chacun s'intéresse plus particulièrement à une catégorie

d'enfants et pour coordonner les actions, l'Etat Français crée un

conseil technique national qui fait appel "à tous les techniciens

et spécialistes qui se sont occupés de l'enfance déficiente."

C'est à ce comité que nous devons la loi du 3 juillet 1944

relative à la protection des mineurs déficients ou en danger moral

et la loi du 5 juillet 1944 instituant le remboursement aux organismes

privés des frais d'entretien et d'éducation des mineurs en danger

moral et des enfants anormaux. La direction des opérations est confiée

à des médecins psychiatres.

Une classification très précise des divers problèmes rencon­

trés chez les enfants et les adolescents est alors exposée et utilisée

pour éviter la promiscuité et rendre le travail des établissements

créés, plus efficace, chaque catégorie d'enfants réclamant des soins

particuliers.

Nous devons cette typologie au Professeur Lagache qui publie

en 1943:

"La nomenclature et classification des jeunes inadaptés"

Nous tenons à reproduire ici cette nomenclature qui a guidé

(1)-Dfaprès les paroles de Laval, citées dans:C H E V AL L !E R(J.3.)-Histoïre des institutions et des régimes politiques de la France de 1789 à nos jours, p.564.

(2)-Voir Pouvrage de C H A U ViE R £(M.)-Enfance inadoptée.Héritage de Vichy.

Page 43: CA 34ss - Les thèses de l'Université Lumière Lyon 2

-56-

pendant de longues années l a po l i t ique de créat ion d fétablissements

pour enfants inadaptés.

"Dans la d é f i n i t i o n et la c l a s s i f i c a t i o n des jeunes inadaptés, ! ! i m p o r t e de se p lacer à un po in t de vue aussi desc r i p t i f que poss ib le , c 'est à d i re que la sy mptom a to log ie do i t jouer un rô le plus i m p o r t a n t que l ' é t i o l og ie et la pa thogén ie : on peut m e t t r e l ' accen t t a n t ô t sur la r é a c t i o n sy mpto m a t i que , t a n t ô t sur la personna l i té de l ' i nadap té ; cet i nconvé ­n ient a été dé l i bé rémen t accep té parce qu ' i l c o r r e s ­pond aux éven tua l i t és rée l les de la p ra t i que c l in ique*

P a r m i les jeunes inadaptés on d is t ingue t ro is ca tégor ies selon la na tu re des t roub les qui dominen t le tab leau c l i n i que :

1-Les malades: . . . le jeune inadapté appara î t c o m m e un malade qu ' i l f au t soigner et qui re lève p a r t i c u l i è ­remen t du médec in . On d i s t i ngue : A - processus organ iques. B- Psychoses. C-Névroses et t roub les név ro t i ques . D-Troub les du déve loppement et syndromes pube r ta i res .

2-Les d é f i c i e n t s : Un d é f i c i t peut ê t re p a r t i e l ( c é c i t é , para lys ie d'un membre) ou g loba l ( a r r i é r a ­t ion)

Plus la na tu re de la f o n c t i o n a t t e i n t e est psych i ­que, plus le d é f i c i t est g l o b a l .

P a r m i les d é f i c i t s on d is t ingue les ca tégor ies su ivantes : A - inf i rm i t és . B- d é f i c i t s mo teu rs . C- d é f i c i t s du langage. D- Arr iérat ion mentale ou inte l lectuel le .

3- Les ca rac té r i e l s : . . . ce sont des sujets qui bien qu ' inadaptés . . .n 'appara issen t pas d 'emb lée c o m m e des dé f i c i en t s et encore moins c o m m e des malades: Ils se p résenten t c o m m e proches des normaux mais d'un c a r a c t è r e " f a i b l e " ou " m a u v a i s " . Sous la r u b r i ­que de ca rac té r i e l s on d é f i n i r a :

A - Les t roub les du c a r a c t è r e . B-Les t roub les de la m o r a l i t é . C- les types évo lu t i f s des t roub les du c a r a c t è r e et de la c o n d u i t e .

En ce qui concerne le chapitre sur l ' a r r i é r a t i o n mentale

ou i n t e l l e c t u e l l e , nous l i sons :

1 - L 'arr iérat ion mentale au intel lectuel le comprend les états de déf ic i t psychique présentant les ca rac tè ­

res suivants:

Page 44: CA 34ss - Les thèses de l'Université Lumière Lyon 2

- 5 7 -

a) le déf ic i t est global. b) ie t ra i t le plus marquant en est l 'insuffisance de l ' intel l igence que les tests permet tent d'évaluer. c) le déf ic i t ys'ii n'est pas congénital , s'est constitué et manifesté précocement. d) le développement psychique est plus lent et plus l i m i t é — e)le déf ic i t a pour cause une insuffisance du dévelop­pement ou des lésions de l 'écorce cérébrale .

2 - Le retardé se distingue de l 'arr iéré par les carac­tères suivants: a)Le déf ic i t porte sur les acquisitions culturelles et les connaissances scolaires plus que sur l ' in te l l i ­gence qui peut ê t re normale. b) le déf ic i t est une conséquence éducative et scolaire d'une maladie interrécurrente ou de condi­tions psychologiques et sociales. . . . c) le déf ic i t est amendable à la faveur de mesures médico-pédagogiques appropriées.

3-On distingue classiquement trois degrés d 'arr iéra­tion mentaIe: l ' id iot ie 9 l ' imbéci l l i té et la débil i té in te l lectue l le .

4- En se référant aux tests de Binet et Simon et à la notion d'âge d' intel l igence on a convenu de classer... les arriérés parvenus au terme de leur développe­ment psychique.

L.Bonnis a établ i des courbes de déve loppement 1} En se référant à la notion de quotient d f intel l igence,(2) on admet que l'idiot a un Q.I . inférieur à . 2 0 , l ' imbécile un Q. I . entre .20 et .40 et le débile un Q. I . entre .40 et .80.

5- On parle d' intel l igence l imi te lorsque l ' inte l l igen­ce sans être débi le, est lente et peu apte en par t icu ­lier à la pensée abstraite et symbolique.. . 6- Est perfect ib le un arr iéré susceptible de s 'amél io­rer , c'est à dire d'at teindre un âge d' intel l igence plus élevé,d'acquérir des connaissances scolaires et professionnelles, de s'adapter économiquement et socialement par ses propres moyens.

La per fect ib i l i té dépend de plusieurs facteurs: a)degré de débi l i té , b) mil ieu social . . . c)mil ieu fami l ia l . • • d) ca rac tè re , mot r ic i té , langage.. . e) précocité des mesure pédagogiques adéquates..."(3)

La c l a s s i f i ca t ion es t t r è s complète, e l l e désigne tous

les enfants qui ont besoin de mesures médicales e t éducatives, psycholo-

(D -BONNIS(L . ) -Thèse de doctorat .19265Courbes reproduites dans l'ouvrage de C . K 0 L H E R , L e s déficiences intel lectuel les chez l'enf ant,p.232

(2) -Not ion introduite par les psychologue allemand W.Stern en 1912 (3 ) -CH AU VIE RE( M. ) -0pus.c i té , Annexe,pp.262-28 3.

Page 45: CA 34ss - Les thèses de l'Université Lumière Lyon 2

- 5 8 -

giques et sociales p a r t i c u l i è r e s .

On peut consta ter , tout d'abord que ce t t e nouvelle conception

de la pol i t ique de protect ion de l 'enfance es t dérivée de ce l le qui

é t a i t préconisée depuis plusieurs années par le troisième Reich: d i s c r i ­

mination, ségrégation, embrigadement au prof i t du pouvoir, comme en

témoigne A.Spier dans son ouvrage: "Au coeur du troisième Reich."

" H i t l e r se p réoccupa i t beaucoup de savoi r c o m m e n t i l pouva i t assurer à son Re ich une re lève adéquate à la généra t ion ac tue l l e . . . L a c o n s t r u c t i o n d 'écoles dest inées aux jeunes e n f a n t s , les écoles " A d o l f H i t l e r " , et d ' i n s t i t u t s , les "châ teaux de l ' o rd re " donnant une f o r m a t i o n supér ieure . . .C oupés de la vie par la c l a u s t r a t i o n de leur jeunesse, i ls aura ien t cependant é té i m b a t t a b l e s pour leur a r rogance et leur su f f i sance . . .

On peut remarquer également que tous les enfants différents

de la "norme" vont être rassemblés sous le concept d'enfance inadaptée.

Dès lors les anciens anormaux d'écoles, chers à Binet se trouvent

noyés au milieu d'autres enfants "différents",ils ne sont plus les seuls à faire

l'objet de préoccupations éducatives spéciales.

Désormais ils forment un sous-ensemble délimité par la

notion de Q.I., ils sont séparés des "faux arriérés" appelés, ici ,retardés et

pour lesquels le Professeur Lagache propose comme seule rééducation le

placement dans un milieu social favorisé. Pour les débiles perfectibles il

préconise toujours les classes et écoles de perfectionne m ent,qu'il appelle

instituts d'éducation spécialisée pour débiles.

Le gouvernement continue donc à créer des classes de perfection­

nement parallèlement à des types de prises en charges différents réservés

à d'autres formes d'inadaptations,l'encadre ment des centres spécialisés est

choisi parmi des personnels extérieurs au ministère de l'instruction publique

et r.on voit s'ouvrir les premières écoles de rééducateurs, gérées par des

associations régionales influentes. (2)

# * *

(1 )~SPIER(AK Au câe' i i i dy t r o i s lèiïie Re i ch» P a r i s , Fayard» 1 9 7 1 , 816p ,

( 2 ) -CHAUVIERE(M. ) -Opus . c i t é , pp . I 09 -144

Page 46: CA 34ss - Les thèses de l'Université Lumière Lyon 2

- 5 9 -

Plus d'un demi-siècle après les premières déclarations du Profes­

seur Bourneville, la thèse médico-pédagogique n 'es t toujours pas remise en

cause.

Les principes de base res tent les mêmes:

1-trouble de même ordre que l ' imbécillité mais moindre degré

de gravité .

2-phénomène vraisemblablement d'origine organique e t inhérent

à l'individu.

3- carac tère irrémédiable de la maladie.

4- possibilité d'amélioration superficielle grâce à une pédagogie

éliminant tou t ce qui fai t appel à l 'abstraction.

Cependant les intervenants dans la réalisation des projets de

prise en charge, ont changé. Le Ministère de l 'Instruction publique, seul maître

d'oeuvre dans la mise au point de la loi de 1909, a dû céder une partie de

ses prérogatives au Ministère de la santé e t à diverses associations confession­

nelles ou laïques, semi-publiques ou privées.

Les enseignants, autrefois uniques responsables de l 'Education

des enfants , après la famille, doivent compter maintenant avec les éducateurs

spécialisés, formés selon des conceptions idéologiques divergentes e t réclamant

la priorité en matière d'éducation, la partie scolaire res tant le domaine de

l 'enseignant.

Enfin la population concernée es t devenue pléthorique. U n 'est

plus possible de ranger tous les enfants à problèmes sous le concept unique

d'arriérés? l 'échelle métrique a depuis longtemps permis de constater que

le déficit d'intelligence n 'es t pas le seul responsable des échecs scolaires-et

la psychologie nous a f a i t découvrir des jeunes en é t a t de souffrance mentale

efe» r é u s s i s s a n t normalement à l ' é c o l e .

C'est pourquoi dans un souci de clarification, une nomenclature

a é té établie. Les anciens anormaux d'école ou arriérés devenus déficients

intel lectuels ne représentent plus qu'une sous-catégorie, définie par la notion

de quotient intel lectuel , dans la grande famille de:

L'ENFANCE INADAPTEE.

Page 47: CA 34ss - Les thèses de l'Université Lumière Lyon 2

- 6 . 0 -

CHAPITRE II

L'ETOLUTIOW DU SYSTEME.

A la faveur d'un changement de régime politique et so­

cial, où à cause de celui-ci, (car on peut apprécier l'intérêt manifes­

té pour les problèmes de l'enfance, mais aussi déplorer l'amalgame

et l'étiquetage,) 1'ENFANCE INADAPTEE devient une réalité administrati­

ve avec ses lois, ses règlements et ses spécialistes.

En 1945, la guerre terminée, le pays songe d'abord à

sa reconstruction matérielle et idéologique. L'humanité a frôlé la

catastrophe, dans un dérèglement inhérent à elle-même, il est temps

de remettre en cause les valeurs communément admises,il devient urgent

de se pencher sur le problème des comportements humains; en jugeant

CRIMINELS DE GUERRE, les acteurs du GENOCIDE,les juges internationaux

présents au procès de Nuremberg n'ont pas seulement défini les limi­

tes autorisées en période de conflits, ils ont aussi posé la ques­

tion des déviances et de "La passion de détruire" ( 1 ) tandis que

des penseurs se penchaient sur les possibilités de résistance de l'ê­

tre humain lorsque sa vie est en danger.(2)

Dans un tel contexte, un pays comme la France, resté

jusqu'alors fidèle au cartésianisme et au positivisme d'Auguste Comte,

malgré les tentatives des philosophes pour imposer leurs i-

dées,se tourne vers de nouveaux modes de pensées (3) et des ouvrages

comme "l'être et le néant." de J.P. Sartre publié en 1943 (4 ) où "la

phénoménologie de la perception" de Merleau-Ponty en I94£{5) ont une

audience, la doctrine psychanalytique et les écrits de Freud font

également une timide entrée dans le monde médical.

Au point de vue pratique, les instituteurs qui n'avaient

pas pu s'exprimer dans l'Etat français, reprennent en main le système

éducatif et étendent leur action par le biais de créations d'associa­

tions; ils déclenchent une vaste opération de saavetage d'enfants

"malingres" et "souffreteux"; ils utilisent les bâtiments récupérables

(1)-FROMM(E.)- La passion de détruire,Editions P.Laffont, Paris I975,(traduc-tion,françeise), 527pages.

(2)-BETTELHEIM(B.)-Le coeur conscient, R-L af font, Paris, 1 98G,(trad.franc.),325p. (3)-CH ATELET(F.)-La philosophie au XXème siècle. (4)-SARTRE(J.P.)-Lfêtre et le Néant,Paris,GaUimardf1943f (5)-MERL EAU-PONT Y(M)~ Phénoménologie de la perception,Paris, Gallimard,

1945.

Page 48: CA 34ss - Les thèses de l'Université Lumière Lyon 2

-61-

pour les transformer en aériums et en préventoriums ou encore en refu­

ges pour enfants orphelins de toutes nationalités.

Ils participent activement à la création de 1'UNESCO

(en français. Organisation des Nations Unies pourl'Education ,1a Scien­

ce et la Culture.) et en matière d'Enfance Inadaptée ils fondent

l'ANCE (Association Nationale des Communautés d'Enfants, aujourd'hui

Communautés Educatives.) filiale de la FICE (Fédération Internationale

des Communautés d'Enfants.)

Parallèlement à cette action menée en faveur d'enfants

démunis momentanément, sur le plan physiologique et social, on assiste

à une augmentation sensible du rythme de création des classes et éco­

les de perfectionnement ( 1 ), malgré le projet de réforme globale de

l'enseignement présenté par Langevin et Wallon en 1947.

L'ENFANCE INADAPTEE apparaît désormais comme une institu­

tion autonome, fonctionnant avec l'aide de l'Etat, mais non intégrée

à la fonction publique; seules les classes de perfectionnement y sont

directement rattachées.

Les maîtres de l'enseignement spécial éprouvent à nouveau

le besoin de se rencontrer et d'échanger des idées, ils créent, à

partir de 1950, une revue intitulée: Les cahiers de l'enfance inadap­

tée, édités par SUDEL(Société Universitaire d'Editions et de Ir-B»ai-

rie)(2), en liaison avec les organisations syndicales et pédagogiques

d'instituteurs de l'enseignement public*.

"c'est une équipe de camarades dévoués du départe­ment de la Seine qui depuis quelques mois a publié avec une grosse dépense de bonne volonté et de travail, sous la forme modeste de pages ronéotypée s> les premiers cahiers de l'Enfance Inadaptée. Spécialis­tes des classes réservées aux élèves déficients, ils ont voulu apporter h leurs camarades placés dans les mêmes conditions qu'eux, pour faciliter leur tâche une documentation sûre et une provision de procédés s'inspirant de méthodes mûrement réfléchies: car il n'existe pas, à notre connaissance, une revue pédagogique susceptible d'apporter aux maîtres chargés de l'éducation de ces enfants, la documentation théori­que et pratique qui leur serait utile"(3)

Cette revue "d'avant garde" qui n'a jamais cessé de

(1)-Voir graphique, p.62 (2)-Voir Annexe IV, p.490 (3)-Les cahiers de l'Enfance lnadaptée,buts de la création des cahiers,N°1 /juil­

let I950,p.2.

Page 49: CA 34ss - Les thèses de l'Université Lumière Lyon 2

c nombre de classes de l'enseignement spécia l .

1914

_I950J 1939 W 1944 : I 9 5 l | 1958 | 1959 i 1963^ 19701' 1972 : 1973 :

25. classes

ioa_JL_"__. 240 : " " 274

1145 2000 2360 4020

12 5 00 13623 16667

I I

! If

•» »• t l

I I

; H

' f 1

d i r a i t . .du.. l j v r e d e : Ma rozl(CiiPéda gogia organisation de! l'enseignement spéciales

: 1 : : i : (p.; 14) i

orres (I)-le-chiffre indiqué pari Mardzi rie c pas à celui des'^otre; Bulletin". ;

i-Les; autres effectifs correspondent a vés du Ministèrejde l'éducation national^, (Les différences ! constatées en Ï939\ proviennent sans doute des difficultés tiques pour cett4 période)

à rétrouver des statis-*

e.

pond

tix rele-

§ \ • l-st s

Page 50: CA 34ss - Les thèses de l'Université Lumière Lyon 2

-63-

paraître depuis juillet 1950,remplit encore aujourd'hui la mission

qu'elle s'était définie au départ.

La richesse de son contenu nous a permis, à partir de

l'analyse de sommaires pour les années allant de 1950 à 1974 inclus,

de dégager différents modèles explicatifs de la débilité chez l'en­

fant, de cerner IBS applications psychopédagogiques liées à ces diverses

approches théoriques et de situer les textes administratifs qui leur

sont attachés.

Une lecture superficielle nous invite à superposer les

préoccupations des instituteurs spécialisés des années 50-60 à celles

des maîtres qui écrivaient dans "Notre Bulletin" avant la guerre 39-45.

"Mais la généralité d'un modèle ou d'une pratique mas­

que parfois d'importants changements de signification."(1)

Une seconde analyse nous amène à étudier le vocabulaire

présentement employé:

Dès 1951, une place importante est faite à l'aspect

psychologique de toute intervention pédagogique, on parle de "psycholo­

gie scolaire", les maîtres en formation font des "exercices pratiques

de psychologie de l'enfant", le comportement des élèves fait l'objet

d'une "observation continue" et des tests variés permettent d'appro­

cher scientifiquement les divers troubles associés, on accorde un

intérêt grandissant pour l'étude de la personnalité dès 1959 et les

problèmes liés à l'affectivité prennent la première place en 1962.

En 1967, on parle de rééducation psychothérapique et

de psychothérapie du débile moyen? pédagogie institutionnelle, rela­

tion maître-élève et communication font leur entrée dans le jargonù(

pédagogique de la revue.

A partir de 1968 une remise en cause des principales

notions : déf icience intellectuelle, Q.I., enseignement spécial,etc...

alimente les articles de fond.

L'approche médico-pédagogique de la débilité chez l'en­

fant, moteur de l'organisation de l'enseignement spécial pendant

la première moitié du siècle, cède progressivement la place à une

approche psychogénétique qui sera elle-même détrônée à partir des

années 68-69, par une thèse sociologisante qui fera l'objet de notre

troisième chapitre.

L'enfance inadaptée ne comprend pas seulement les défi­

cients intellectuels et les Cahiers nous renseignent également sur

(1)-LE0N(A.)- Opus. cité,p.43.

Page 51: CA 34ss - Les thèses de l'Université Lumière Lyon 2

-64-

les différents types d'inadaptation et les modes de prises en charge particuliers

à chacun .

Nous pouvons suivre, enfin ,les décisions gouvernementa­

les grâce à une information sur les principaux textes qui jalonnent

les étapes de l'évolution de la notion d'Enfance Inadaptée.

Le passage d'une attitude purement médico-pédagogique

à une volonté de compréhension du fonctionnement de la personnalité

déficiente nous semble être le moment qui a déclenché 1' évolution

de la notion d'inadaptation et a permis de dépasser le but qu'elle

s'était défini.

Cf,est pourquoi nous consacrerons une grande partie de

notre deuxième chapitre à l'étude des approches psychogénétiques de

la déficience intellectuelle chez l'enfant.

a) Les diverses approches psychogénétiques de la débilité.

Elles sont de deux ordres:

-Celles qui étudient la symptomatologie et qui prennent

appui sur la psychologie expérimentale ou clinique.

-Celles qui s'intéressent à l'étiologie et se tour*,

nent vers la science médicale ou la clinique psychologique.

Leur point de rencontre étant l'attitude critique devant

la méthode psychométrique.

1-Les approches séméiologiques:

Lorsque nous préparions le CAEI(1), en 1963, un des

cours qui nous était enseigné portait le titre suivant:

"Connaissance des enfants et adolescents déficients intellectuels!

méthodes d'approches;

Psychologie de la débilité mentale.

Trois thèses exposées dans la revue: La Raison en 1956,(2)

nous étaient présentées.(3)

- La théorie de Luria sur l'inertie oligophrénique.

-La thèse de B.Inhelder sur la viscosité génétique.

-La théorie de R.Zazzo sur 1'hétérochronie. ~v

(1)- Voir annexe I , pA06 (2)-ZAZZ0(R.)-Qu,est ce que la débilité mentale?,La Raison, N°I6, 1956, (3)-Ces trois thèses ne sont plus exposées aux maîtres actuellement en stage.

Page 52: CA 34ss - Les thèses de l'Université Lumière Lyon 2

-65-

IO-La notion d'inertie oligophrénique:

A.R.Luria, psychiatre soviétique, s'intéresse très tôt

à la psychologie expérimentale et à la psychopathologie; directement

issues des travaux de Pavlov, ses études comparatives de l'activité

physiologique des cerveaux d'enfants normaux et anormaux sont dues

à:

-une remise en cause de la méthode des tests:

" I l es t c l a i r q u f u n t e l s y s t è m e de s é l e c t i o n des

e n f a n t s j u g é s de f a i b l e n i v e a u i n t e l l e c t u e l d é m o n ­

t r e o u v e r t e m e n t un p r é j u g é s o c i a l de c l a s s e . " ( 1 )

-une concept ion o r g a n i c i s t e dans l ' é t i o l o g i e des r e t a r d s

mentaux:

" . . . l e s e n f a n t s r e t a r d é s m e n t a u x ne son t pas

des e n f a n t s n o r m a u x e t les t r o u b l e s de l e u r

a c t i v i t é c o g n i t i v e e t de l e u r c o m p o r t e m e n t

ne s o n t pas de s i m p l e s i n s u f f i s a n c e s de t a l e n t

ou de c a r a c t è r e .

Les e n f a n t s r e t a r d é s m e n t a u x ou o l i g o p h r è n e s ,

c o m m e les a p p e l l e n t les m é d e c i n s , o n t s o u f f e r t

d ' u n e m a l a d i e c é r é b r a l e , s o i t p e n d a n t la p é r i o d e

i n t r a - u t é r i n e , s o i t dans la p e t i t e e n f a n c e e t

c e l a a p e r t u r b é le d é v e l o p p e m e n t n o r m a l du

c e r v e a u . " ( 2 )

-une é tude c l i n i q u e amenant à d i s t i n g u e r l e s r e t a r d é s

pédagogiques des a r r i é r é s v r a i s e t à s é r i e r d i f f é r e n t s types comporte­

mentaux chez l e s enfan ts o l i g o p h r è n e s .

L ' ana lyse comparat ive des r é s u l t a t s expérimentaux permet

à Lur ia de découvr i r des p a r t i c u l a r i t é s dans l ' a c t i v i t é du cerveau

des enfan ts r e t a r d é s ? en é t a t de repos i l n ' y a aucune d i f f é r e n c e ,

mais après e x c i t a t i o n l e s ondes a lpha sont remplacées par des ondes

l e n t e s d e l t a .

Les r é f l e x e s d ' o r i e n t a t i o n p r é s e n t e n t un temps de l a t e n c e

p lus important ou sont supprimés.

On rencon t re également des p a r t i c u l a r i t é s dans l ' a c t i v i t é

nerveuse s u p é r i e u r e .

Enfin:

(I)-LURIA(A.R.) et COLL.,Lfenfant retardé mental, p.18,

(2)-ldem,p.28

Page 53: CA 34ss - Les thèses de l'Université Lumière Lyon 2

- 6 6 -

" L a p e r t u r b a t i o n de la p a r t i c i p a t i o n du l a n g a g e

dans la f o r m a t i o n de p r o c e s s u s m e n t a u x c o m ­

p l e x e s e t les t r o u b l e s de la f o n c t i o n g é n é r a l i s a -

t r i c e du l a n g a g e c o n s t i t u e n t une c a r a c t é r i s t i ­

que f o n d a m e n t a l e de l ' e n f a n t r e t a r d é m e n t a l . " ( 1 )

En d ' a u t r e s termes l e système de r é f l e x e s condi t ionnés

ne se met pas en p lace de l a même façon que chez l e s a u t r e s e n f a n t s ,

l e s i n h i b i t i o n s son t p lus r a p i d e s , l ' a p p r e n t i s s a g e e s t r a l e n t i .

De ses découver tes Lur ia t i r e l e s conclus ions su ivan­

t e s :

"Les expériences ont montré qu'un système éducatif correc­

tement organisé p o u v a i t p a r v e n i r , dans c e r t a i n e s

l i m i t e s , à a i d e r les e n f a n t s r e t a r d é s m e n t a u x

à c o m p e n s e r l e u r s t r o u b l e s , c e l a en l e u r

p e r m e t t a n t de m a î t r i s e r c e r t a i n e s p a r t i c u l a r i ­

t é s p a t h o l o g i q u e s de l e u r c o m p o r t e m e n t ,

de s ' a d a p t e r à la v i e q u o t i d i e n n e e t d ' a c c o m ­

p l i r un t r a v a i l s o c i a l e m e n t u t i l e . " ( 2 )

Toutes ces c i t a t i o n s sont t i r é e s de l ' ouvrage de Lur ia : wL'^nfant r e t a r d é m e n t a l . " , p u b l i é en langue f r ança i s e en I974 f mais

l e s recherches d a t e n t d 'une époque beaucoup p lus l o i n t a i n e e t l e compte-

rendu é d i t é en langue ru s se en 1956 par l 'Académie des sc iences de

Moscou compor ta i t deux volumes e t s ' i n t i t u l a i t : "Problèmes de l ' a c t i v i ­

t é nerveuse supé r i eu re de l ' e n f a n t normal e t anormal . " , i l fû t immédia­

tement connu en France par l ' i n t e r m é d i a i r e de l a revue "La r a i s o n . " ( 3 )

Cet te approche t r è s p a r t i c u l i è r e de l a dé f i c i ence

i n t e l l e c t u e l l e chez l ' e n f a n t n ' a pas l a i s s é l e s chercheurs occidentaux

i n s e n s i b l e s pu i squ ' en i960 , l a revue "Enfance" (4) pub l i e un a r t i c l e de

Serge Netchine e t G . -C .La i ry (5 ) : "Ondes c é r é b r a l e s e t niveau menta l .

Quelques a s p e c t s du t r a c é E.E.G.(6) su ivan t l e niveau m e n t a l . " . En

1964, l e Docteur J.Simon c i t e l e s t ravaux de Lur ia dans son ouvrage:"La

( D - L U R I A ( A . R . ) - O p u s . c i t é , p . 1 9 8 .

( 2 ) - i d e m , p p . 2 3 2 e t 2 3 3 .

( 3 ) - L a R a i s o n . O p u s c i t é

N ° 2 2 , I 9 5 8 , L e r ô l e du l a n g a g e dans la f o r m a t i o n des processus

p s y c h i q u e s , p p . 3 -2 5 .

( 4 ) - E n f a n c e , N ° 4 - 5 , s e p t - d é c i 9 6 0 , N o u v e l l e s r e c h e r c h e s sur la d é b i l i t é m e n t a l e .

( 5 ) - R e s p e c t i v e m e n t a t t a c h é de r e c h e r c h e s e t c h a r g é e de r e c h e r c h e s au C N R S ,

( 6 ) - E l e c t r o - e n c é p h a l o g r a m m e .

Page 54: CA 34ss - Les thèses de l'Université Lumière Lyon 2

- 6 7 -

d é b i l i t é mentale chez l ' e n f a n t . " { 1 ) , e t en 1981 nous l i s o n s dans l a

revue de n e u r o p s y c h i a t r i e i n f a n t i l e : (2)

" L a p r é s e n t a t i o n s u c c i n t e des o b j e c t i f s e t

de q u e l q u e s r é s u l t a t s de l ' a p p r o c h e p s y c h o p h y s i o ­

l o g i q u e de la d é b i l i t é m e n t a l e m o n t r e que

c e l l e - c i ne p e u t e t ne d o i t ê t r e c o n ç u e c o m m e

p o u v a n t se s u b s t i t u e r aux a u t r e s t y p e s d ' a p p r o ­

c h e . C e p e n d a n t si l ' h y p o t h è s e d ' u n e s p é c i f i c i t é

p s y c h o p h y s i o l o g i q u e de l ' a r r i é r a t i o n é t a i t v a l i d é e ,

l ' a p p r o c h e q u i f î t l ' o b j e t de c e t a r t i c l e s ' a v é r e ­

r a i t p a r t i c u l i è r e m e n t u t i l e p o u r le d i a g n o s t i c

e t a c q u e r r a i t une r e l a t i o n p r i v i l é g i é e p o u r

l ' a p p r o c h e p s y c h o m é t r i q u e . "

Loin de n i e r l a no t ion de d é b i l i t e r c e r t a i n s au t eu r s

cherchent à l a c a r a c t é r i s e r par des t r a i t s i n d i s c u t a b l e s ? l ' e n s e i g n e ­

ment s p é c i a l se t rouve a i n s i l é g i t i m é par l e f a i t que l e s d é f i c i e n t s

observent des comportements psychophysiologiques d ' a p p r e n t i s s a g e p r o ­

p res à l e u r c o n s t i t u t i o n .

Motons ,au passage , l e cô té s édu i san t de c e t t e t h é o r i e

qui supprime l e s i n c e r t i t u d e s .

I I - La v i s c o s i t é géné t ique :

Nous devons c e t t e no t ion à B . Inhe lde r , co l l abo ra t r i c e

de J . P i a g e t à l ' E c o l e de genève.

J . P i a g e t e t ses nombreux c o l l a b o r a t e u r s s ' a t t a c h e n t

à d é c r i r e l e s processus en jeu dans l ' a c q u i s i t i o n du s a v o i r .

Le p r i n c i p e de base de ces au t eu r s est que t o u t e con­

na i ssance r é s u l t e d 'une c o n s t r u c t i o n qui dépend elle-même d 'un mécanis­

me psychobiologique de r é g u l a t i o n e n t r a î n a n t l a c r é a t i o n c o n t i n u e l l e

de s t r u c t u r e s n o u v e l l e s . A chaque i n t é g r a t i o n d 'une donnée, l ' i n d i v i d u

re t rouve un é q u i l i b r e .

J . P i a g e t é l abore a i n s i une t h é o r i e des s t ades pour

exp l ique r l a c o n s t r u c t i o n de l a pensée chez l ' e n f a n t . ( 3 )

Chargée du dép i s t age e t du d i a g n o s t i c mental des en ­

f a n t s anormaux par l e département de l ' i n s t r u c t i o n publ ique du canton

de S a i n t - g a l l en 1939 , B . Inhe lder c o n s t a t e :

( D - S 1 M 0 N ( J . ) - L a d é b i l i t é m e n t a l e c h e z l ' e n f a n t . ( 2 ) - R e v u e de n e u r o p s y c h i a t r i e i n f a n t i l e , N ° I - 2 , J a n v i e r - F é v r i e r 1981 , p p . 1 1 7-1 2 2

( 3 ) - P l A G E T ( J . ) - P s y c h o l o g t e de I M n t e l I i g e n e e ^ a r i s , A r m a n d C o l i n , l 9 4 7 , l 9 2 p .

Page 55: CA 34ss - Les thèses de l'Université Lumière Lyon 2

- 6 8 -

" L ' i nsu f f i sance de la méthode des tes ts , car si ceux -c i fourn issent une expression mét r i que p réc ise , on ne sai t pas tou jours pour au tant ce qu ' i l s mesurent . " (1)

Ce qui l'intéresse n'est pas de:

"Constater qu'un sujet est capable de répondre à telle question" mais de "comprendre comment il y est parvenu."(2)

Partant des observations de Piaget concernant le

développement de l'intelligence de l'enfant et choisissant une métho­

de d'approche résolument clinique, sans aucun instrument de mesure,

elle essaie de mettre en évidence des signes de distorsion entre

les réponses des enfants normaux et celles des jeunes déficients

mentaux. Elle peut ainsi affirmer que les enfants débiles passent

par les mêmes stades d'évolution que les autres et que l'ordre d'appa­

rition des étapes n'est pas perturbé.

Cependant le passage d'un stade au suivant est beau­

coup plus long, une survivance de mécanismes archaïques peut ralentir

l'assimilation, des régressions à des stades antérieurs sont fréquen­

tes en cas de difficulté. L'enfant déficient mental accède très

lentement au stade des opérations concrètes et jamais à celui de

la logique formelle:

"...la débilité serait caractérisée par une

fixation pathologique de l'opérativité à des

niveaux d'une construction génétique inachevée...(3)

Cette recherche a le mérite de nous faire comprendre

que le débile est capable de logique et de raisonnement, s'il s'appuie

sur des objets effectivement perçus et manipulés ou représentés; un

enseignement de type formel est donc à bannir et les méthodes actives

sont à conseiller, ainsi qu'une grande finesse psychologique chez

les enseignants chargés de s'occuper de ces enfants.

Mais est-il nécessaire de créer une structure spéciale

pour que l'enseignement et ses maîtres possèdent ces qualités?

Le respect des stades de développement a quelquefois

provoqué "l'attentisme" dans les classes spéciales, ce qui était une

(1)- INHELDER (B.)-Le diagnostic du raisonnement chez les débiles mentaux. p.14.

(2)-ldem.lbid. (3)-ldem,p.XXI

Page 56: CA 34ss - Les thèses de l'Université Lumière Lyon 2

-69-

erreur grave, coirane le montrent les résultats des dernières expériences

effectuées par J.L. Paour à Aixen Provence(1) et qui mettent en éviden­

ce l'efficacité d'un entraînement aux mécanismes opératoires chez

les déficients alors qu'il est inutile chez les normaux.

I2-La notion d'hétérochronie.

Contrairement aux recherches précédentes, celles dont nous

allons parler maintenant découle directement de la méthode psychométri­

que. C'est à partir d'une première révision de l'échelle métrique

de l'intelligence(2 ) et dans le cadre d'une consultation journalière

organisée par le centre de prophylaxie mentale du département de la

Seine à l'hôpital Henry Rousselle que R.Zazzo et son équipe émettent

les hypothèses suivantes:

a) Le Q.I.(3) permet d'établir une dichotomie entre

l'enfant normal et le déficient, mais ce n'est qu'une première approche.

b) La structure psychique du déficient est différente

de celle de l'enfant normal à âge égal, l'enfant débile ne peut donc

être comparé à un enfant normal plus jeune.

c) La structure psychique du débile n'est pas compara­

ble à celle d'enfants présentant d'autres troubles spécifiques.(Rappe­

lons que nous sommes en i960 et que de nombreux types d'inadaptations

ont déjà été isolés.)

d) La débilité revêt des formes diverses.(cette hypothè­

se annonce une série de recherches qui seront faites plus tard et

donneront lieu à la publication de l'ouvrage: "Les débilités mentales."l4))

Les diverses formes psychiques de la débilité correspon­

dent fdans l'esprit de Zazzo; à des étiologies différentes.

Pour vérifier ses hypothèses le groupe de chercheurs

choisit une batterie d'épreuves composée de tests qui comportent les

caractéristiques suivantes :

-Chaque épreuve concerne une aptitude différente.

-Les tests sont tous étalonnés en âges mentaux.

(D-PAOUR(J .L . ) -Revue de neuro psychia t r ie infanti le.L'apprentissage des structures logiques comme instrument d'investigation du fonctionnement cognitif des arriérés mentaux,Opus. c i t é , pp . 31-38

(2)-Echelle Binet-Simon, révisée Z a z z o , 1949. (3)-Voir annexe I .. p, 408 (4)-ZAZZ0(R)-Les débil ités mentales , C ol lect ion Uf 1969.

Page 57: CA 34ss - Les thèses de l'Université Lumière Lyon 2

-70-

-Les enfants normaux et les déficients ne se comportent

pas de la même manière au cours des différentes épreuves.

Le résultat au Binet-Simon est l'indice de référence.

Après passation de ce test à des enfants présumés débiles,R.Zazzo

établit des profils psychologiques: les résultats traduits en quotients

d'âges sont hétérogènes, ils se répartissent de part et d'autre du

Q.I. obtenu au Binet-simon avec un minimum aux épreuves où intervient

l'organisation spatiale et un maximum pour celles où compte surtout

la vitesse psychomotrice: "Le développement mental du débile ne s'est

pas accompli au même rythme que son développement physique."(1)

Cette dispersion traduit une structure psychique spéci­

fique, car d'une part, l'âge mental calculé en faisant la moyenne des

différents résultats ne correspond pas à un âge mental global déterminé,

et d'autre part, chez l'enfant déficient il y a des difficultés d'inté­

gration entre vitesse et précision.

Ces découvertes permettent d'orienter l'enseignement

vers des activités susceptibles d'entraîner les aptitudes les moins

perturbées et une compensation des manques, d'où la recherche d'une

individualisation de l'éducation.

Pour R.Zazzo:

" L ' e n s e i g n e m e n t s p é c i a l , p r i m a i r e d ' a b o r d ,

p r o f e s s i o n n e l e n s u i t e , o f f r e a u x d é f i c i e n t s

m e n t a u x le c a d r e q u i l e u r es t i n d i s p e n s a b l e :

i l les s o u s t r a i t a u x e x i g e n c e s e x c e s s i v e s e t

à la c o m p é t i t i o n i n s o u t e n a b l e du c y c l e n o r m a l .

I l ne d e m a n d e au d é f i c i e n t q u e ce q u ' i l

es t c a p a b l e de r é a l i s e r , m a i s i l t e n t e c o n s t a m ­

m e n t — c o m m e t o u t e n s e i g n e m e n t — de l ' é l e v e r

a u - d e s s u s de l u i - m ê m e , de le d é v e l o p p e r . ( 2 )

13- La r i g i d i t é mentale.

Dans la revue "Enfance"(3), M.Hurtig(4)expose "une

étude expérimentale des pos s ib i l i t é s d 'apprentissage i n t e l l ec tue l d 'en­

fants débiles e t d 'enfants normaux"% l es r é s u l t a t s de ce t te recherche

en psychologie d i f f é ren t i e l l e démystifient la méthode des t e s t s tout

en nous renseignant sur les l imi tes des p o s s i b i l i t é s d'apprentissage

chez l ' enfant débi le .

(1)-Z A Z Z 0 ( R . ) - U n e recherche d 'équ ipe sur la d é b i l i t é m e n t a l e , En fance ; Opus c i t é ,p .339 .

( 2 ) - Z A Z Z 0 ( R . ) - L e s déb i l i t és mentales,p.*A87> (1ère ~écMtion tl969)

(3 ) -Opus .c i t é . t t. S A # ^ „ „ l ^ Ae* r o ^ K o r r ^ h o c a i t P M R Ç .

Page 58: CA 34ss - Les thèses de l'Université Lumière Lyon 2

-71 —

Il découle de cette étude que, pour des enfants nor­

maux lorsqu'une épreuve est présentée plusieurs fois, il y a apprentis­

sage, que l'épreuve soit précédée d'explications ou non, mais l'appren­

tissage avec explications est plus efficace. Lorsqu'il s'agit d'enfants

débiles, la première explication est très utile, les autres ne servent

à rien, ou presque.

"Ce qui les caractérise semble donc l'utilisation passive de leurs acquisitions, l'incapacité de fournir un effort créateur nécessaire tant pour comprendre ce qu'il faut faire que pour progresser à partir de ce que l'on a compris."(1)

"Et si l'exploitation des mécanismes acquis peut se faire au maximum, la difficulté d'acqui­sition de comportements nouveaux est aggravée par la rigidité qui progressivement paralyse le sujet."(2)

Le sujet débile ne remet pas en cause ses résultats,

la méthode des essais et erreurs n'est pas à conseiller dans ce cas.

Les différences constatées entre les résultats des enfants déficients

et ceux des autres élèves permettent de conclure que si un enfant

a progressé significativement au cours d'un retest, les seconds scores

correspondent à ses possibilités effectives, tandis que les premiers

indiquaient seulement l'efficience au moment de la passation.

Enfin,

" L a f a i b l e s s e p e r s i s t a n t e d ' u n t y p e de r a i s o n n e ­

m e n t l o g i q u e m a l g r é les r é p é t i t i o n s s u c c e s s i v e s

des e x p l i c a t i o n s e t l ' e n t r a t n e m e n t à la t â c h e ,

s e m b l e b i e n ê t r e une c a r a c t é r i s t i q u e de d i f f é r e n ­

c i a t i o n e n t r e les d é b i l e s e t les e n f a n t s n o r m a u x ,

à âge m e n t a l é g a l . " ( 3 )

Ces théories ne sont qu'un échantillon des multiples appro­ches séméiologiques de la débilité pendant toute la période concernée. Elles sont complémentaires e t ont le mérite d'avoir permis de donner un contenu au t e rme , jusque là vide le sens: Renseignement spécial.

Toutefois comme l e dénonce R.Zazzo, lui-même, dans

"Les d é b i l i t é s men ta le s" :

" P a r c e q u ' o n a v a i t s e u l e m e n t en vue l e

( D - Z A Z Z O ( R . ) - L e s d é b i l i t é s m e n t a l e s , p . 3 8 2 ( 2 ) - ! d e m , l b .

( 3 ) - l d e m , p . 3 8 3 .

Page 59: CA 34ss - Les thèses de l'Université Lumière Lyon 2

- 7 2 -

d e s t i n s c o l a i r e de l ' e n f a n t e t p a r c e que ce

d e s t i n n ' é t a i t f o r m u l é q u ' e n t e r m e s de c o n n a i s ­

s a n c e s e t d ' a p p r e n t i s s a g e s , on s ' e s t b o r n é

à ne voir c h e z l ' e n f a n t en q u e s t i o n que la d é b i l i t é

de son i n t e l l i g e n c e . " ( 1 )

Ce n'est pas tout à fait exact, toutes lès recherches que

nous venons" d^aftaiyser mettent l ' accen t sur les comportements perçus

au cours des expérimentations, aspects d i f f é ren t i e l s dûs, non pas

à la carac tér i s t ique i n t e l l e c t u e l l e dégagée de l 'expérience, mais

aux divers modes individuels d'appréhension du monde environnant.

Cependant ces constats ne sont suivis d'études précises ni sur la personna­

l i t é globale du déf ic ient , ni même sur son développement affect i f ,

a lors que les théories de H.Wallon sur l ' évolut ion psychologique de

l ' enfant sont déjà publiées depuis longtemps(2), ce qui nous f a i t

d i re avec R.Perron:(3)

" 1 ° - L a d é b i l i t é m e n t a l e é t a n t d é f i n i e c o m m e

un d é f i c i t de l ' i n t e l l i g e n c e , c ' e s t t o u t n a t u r e l ­

l e m e n t sur les f o n c t i o n s i n t e l l e c t u e l l e s que

s ' es t c e n t r é l ' i n t é r ê t de f a ç o n q u a s i - e x c l u s i v e *

2 ° - . . . l a p e r s o n n a l i t é e s t . . . c o n ç u e c o m m e e n g l o ­

b a n t l ' i n t e l l i g e n c e . M a i s , . . . c e t t e h i é r a r c h i e

s t r u c t u r e l l e es t p a r f o i s c o n ç u e c o m m e i m p l i ­

q u a n t une s u c c e s s i o n g é n é t i q u e : on s u p p o s e

a l o r s que la p e r s o n n a l i t é se c o n s t r u i t a p r è s

l ' i n t e l l i g e n c e , on en c o n c l u t q u e , le d é v e l o p p e ­

m e n t du d é b i l e c e s s a n t à un s t a d e p r é c o c e ,

sa p e r s o n n a l i t é d o i t ê t r e p a u v r e , si m ê m e

e l l e a le l o i s i r de se c o n s t r u i r e . "

R.Perron entreprend a lors l ' é tude de quelques t r a i t s

carac tér i s t iques de la personnali té du déf icient i n t e l l e c t u e l .

D'autres chercheurs abordent également ce problème

à p a r t i r de i960.

Cependant la thèse qui va révolutionner la conception

classique de la déficience i n t e l l e c t u e l l e chez l ' enfant à pa r t i r des

années 60 n 'appar t ient pas au groupe des recherches séméiologiques,

mais s 'apparente plutôt aux approches é t io logiques .

( D - Z A Z Z O ( R . ) - L e s d é b i l i t é s m e n t a l e s f p . l 6

(2 ) -W A L L O N ( H ) - L e s o r ig ines du c a r a c t è r e c h e z l ' e n ! a n t , P a r i s , P U F , l 9 4 5

- L ' é v o l u t i o n p s y c h o l o g i q u e de l ' en f a n t , P a r i s , A . C o l i n f I 9 4 J

( 3 ) - P E R R O N ( R . ) - P r o b l è m e s de p e r s o n n a l i t é c h e z les déb i l es m e n t â U 5 c s E n f a n c e

N ° 4 - 5 , s e p t - d é c i 9 6 0 , p p . 3 9 7 - 3 9 8 .

Page 60: CA 34ss - Les thèses de l'Université Lumière Lyon 2

-73-

2-Les approches étiologiques.

Nous passerons rapidement sur les découvertes dues

aux progrès dans la recherche biogénétique et neuro-physiologique

et qui nous amènent à considérer la débilité intellectuelle comme

un élément inclus dans un syndrome résultant d'une anomalie chromosomi­

que ou d'une séquelle de souffrance foetale péri ou post-natale; mais

les déficiences rencontrées ici sont ,en général, des débilités globa­

les profondes, les déficiences moyennes ou légères étant d'origine

beaucoup plus floue souvent indéterminée.

Les diverses explications causales aboutissent, très

vite, à une classification simplifiée.

C'est d'abord en 1931, la distinction entre débilité

endogène et débilité exogène,selon que l'enfant apporte le déficit

dans son patrimoine héréditaire ou qu'il l'acquiert après la naissance.

Puis, parce que parmi les

débiles exogènes, il en est pour lesquels la seule explication possible

est d'ordre psycho-affectif ou social,la notion de pseudo-débilité

apparaît.

Une troisième distinction;que nous devons à Vermeylen(1),

concerne la qualité du développement de l'enfant et sépare les débili­

tés harmoniques et les débilités dysharmoniques.

Enfin} la théorie> qui distribue les intelligences sui­

vant une courbe gaussienne .amène les chercheurs à considérer 2% de

la population comme étant porteuse d'une débilité normale (normal

étant utilisé ici au sens statistique du terme.), comme les investiga­

tions psychométriques évaluent à 5% le nombre des déficients i n t e l ­

lectuels, l'excédent est considéré comme provenant de débilités patholo­

giques.

Tous ces classements à structure dichotomique n'ont

pas les mêmes significations, et s'ils permettent de faire avancer

parallèlement les différentes branches scientifiques intéressées,

ils aboutissent à des confusions dans l'esprit des utilisateurs, c'est

à dire ceux qui ont pour fonction de s'occuper quotidiennement des

enfants déficients et non de la déficience.

D'une notion opératoire simple, destinée à orienter

des enfants dans des classes spéciales, on en arrive à une multitude

de schémas explicatifs qui ne se contredisent pas les uns les autres

mais qui ne peuvent être fondus dans un concept unique.

(1)- V E R M E YL EN(A)-Les débiles mentaux,Bruxelles, Lamertin, 1929.

Page 61: CA 34ss - Les thèses de l'Université Lumière Lyon 2

- 7 4 -

La première explication globale de la déficience intellectuelle chez l'enfant nous es t apportée par le b i a i s de l ' i n t e rp r é t a t i on psychana­lytique .

L'approche psychanalytique de la débilité mentale chez l'enfant.

C'est à S.Freud que nous devons la théorie et la théra­

peutique psychanalytique. Or Freud, sauf exception, n'était pas spécia­

lisé en médecine infantile, c'est peut-être pourquoi il ne mentionne

jamais la déficience intellectuelle dans ses travaux, c'est peut-être

aussi parce que dans la théorie freudienne l'intelligence n'occupe

pas la première place parmi les instances représentant l'appareil

psychique.

Mélanie Kleinf dansrLa psychanalyse des enfants."

ne donne pas d'exemples de déficiences intellectuelles, elle fait

seulement allusion à "des précocités intellectuelles singulières"(1)

ou à des "inhibitions intellectuelles."(2)

Dans : "Le traitement psychanalytique des enfants.",

Anna Freud fait référence à "la déficience mentale" et à un "rapport

...entre le développement des facteurs purement intellectuels et les

autres fonctions du Moi."(3), mais elle ne procède à aucune catégorisa­

tion dans le sens d'une prise en charge différenciée.

Par contre les CMPP (4), structures de cures ambulatoi­

res mises en place dès 1946 pour éviter les placements d'enfants,af-

firment:

"Les débiles vrais plus ou moins profonds ne peuvent être suivis au centre.Ils doivent être orientés vers des établissements scolaires ou professionnels spéciaux.(5)

En même temps, les médecins psychiatres, qui rencon­

trent les enfants débiles dans les établissements, peuvent évaluer

par expérience, les limites de leurs interventions, et dès 1957,

"L'heure semblait venue pour les équipes psychiatriques de ne pas se laisser enfermer dans des internats spécialisés, de ne pas se cantonner à une catégorie étroitement limitée d'enfants inadaptés."(6)

(D-KL EIN(M.)-La psychanalyse des enf ants,Paris, PUF, 1959, p.59 (2)-ldem,p.71. (3)-F R EU D(A)-Le t ra i tement psychanalytique des enf ants,Paris, P U F , I969. (4)-Votr annexe l , p.AGB (5)-M AU C 0(G.) et col l . ,L ' inadaptat ion scolaire et sociale et ses remèdes,

Paris, Bourrelier, p.34. (éJ-MISESCRO-L'enfant déf icient mental ,p.56

Page 62: CA 34ss - Les thèses de l'Université Lumière Lyon 2

--75-

Une volonté d'ouverture existant chez les thérapeutes,

la route était tracée vers une autre conception de la débilité mentale.

Avec B.Castets, F.Dolto, M.Mannoni et autres disciples

de Lacan, le problème de la débilité prend une nouvelle dimension.

M.Mannoni se situe "dans la tradition freudienne la

plus authentique" tout en empruntant à J.Lacan l'idée que le sujet

"est avant tout un être de dialogue et non un organisme"? psychiatre

pour enfants depuis de nombreuses années et confrontée au problème

de la défectuosité, elle finit par remettre en cause le principe même

de la débilité, ceci afin de comprendre en profondeur ce type d'enfants

sans être bloquée par l'hypothèse d'irrécupérabilité.

Pour M.Mannoni,la débilité serait due à une relation

pathogène entre la mère et l'enfant dans les premiers temps de la

vie, des comportements empêcheraient le jeune d'accéder à la relation

triangulaire oedipienne, lui interdisant ainsi de se construire comme

sujet autonome et lui autorisant seulement un état de vie fusionnelle

avec la mère.

Cette description est assez proche de celle de la

psychose infantile, mais ici, c'est le déficit intellectuel qui est

choisi par l'enfant comme refuge.

Ainsi l'intelligence est-elle un outil au service

de l'enfant pour devenir un sujet autonome,si tout se passe bien,

sinon elle est un moyen de défense contre la désintégration de

l'individu au profit des autres, les moyens intellectuels sont alors

mis au service de la passivité, ils jouent un rôle négatif.

Plusieurs points essentiels marquent l'originalité

de cette thèse:

1-Le caractère organique est relativisé:

M.Mannoni reconnaît que certains cas de débilité peu­

vent avoir des causes organiques, mais elle affirme que le développe­

ment intellectuel des sujets dépend surtout de l'attitude des parents

vis à vis de ces enfants "différents".

2-Le pronostic d'irrécupérabilité est remis en cause:

La psychothérapie est apte à dénouer les blocages

et les inhibitions, à condition de procéder à l'étude de la famille,ce

qui n'est pas toujours sans problème dans un environnement où l'enfant

débile est quelquefois le garant de l'équilibre familial.

3-La pédagogie n'est plus le moyen thérapeutique à

la disposition des enfants déficients pour leur récupération sociale,

Page 63: CA 34ss - Les thèses de l'Université Lumière Lyon 2

-76*

elle vient seulement en complément de la psychanalyse, encore doit-

elle être utilisée avec prudence et par des éducateurs avertis,afin

que ne se reproduise pas un contexte semblable à l'atmosphère familiale

dont l'enfant a pu s'extraire.

" La mission de l'Education nationale est de pouvoir s'adresser à tous les enfants (ce qui supposerait un système scolaire très souple, permettant à tous les "inadaptés une scolarisa­tion qui tienne compte de leurs difficultés.) Un système scolaire moins rigide permettrait sur un plan humain des récupérations en milieu normal.(ce qui n'est pas possible dans des classes surchargées.)(1)

A la parution de son livre: "L'enfant arriéré et

sa mère.", M.Mannoni est très critiquée par:

-Les éducateurs qui se sentent attaqués dans leurs

spécificités.

-Ses pairs, les psychanalystes qui considèrent que

la psychanalyse "qui met en jeu la parole, ne peut être destinée

quVà des êtres doués d'une intelligence normale."{2)

-Par les psychanalystes pour enfants, non-lacaniens,

qui craignent les conséquences d'une culpabilisation des mères, qu'el­

les aient un enfant déficient ou non.

Les résistances au changement s'activent,les alibis

se construisent , mais il n'est pas possible d'ignorer une thèse

qui permet à certains de mettre un terme à leurs incertitudes; car,

en effet,beaucoup de réalisations,fondées dans l'esprit "d'avant-

guerre", ou à partir de découvertes plus récentes, n'ont pas donné

entière satisfaction.

h) Une multitude de réalisations en faveur de l'enfance inadaptée.

La multiplication des intérêts manifestés pour le

problème de l'enfance inadaptée ne se limite pas au domaine de la

recherche théorique, elle se situe également au niveau de la prise

en charge réelle.

Les bonnes volontés se dévoilent, les associations

s'animent et les pouvoirs publics essaient de réglementer, d'institu­

tionnaliser ce flot de sollicitude.

(D-MANNONKM.R'enfant arriéré et sa mèrefp.136. (2)-ldem, p.69.

Page 64: CA 34ss - Les thèses de l'Université Lumière Lyon 2

-77-

En 1951, au cours des journées de l'enfance inadaptée, secteur Education nationale,E.Guilmain expose "la situation actuelle de l'ensei­gnement spécial en France."(1)

Il signale quatre projets de lois à l'étude et prêts

à être soumis aux assemblées législatives:

Le premier, à l'initiative du Ministère de la Santé

est relatif à la protection de l'enfance et de l'Adolescence en dan­

ger , il a été établi en accord avec les Ministères de l'Education

nationale et de la Justice, il permettrait en particulier de donner

un caractère obligatoire aux décisions des commissions médico-pédagogi­

ques.

Le second, émanant encore du ministère de la Santé

pose les problèmes de formation des personnels d'encadrement.

Le troisième, venant toujours du même Ministère, s'adresse aux établis­

sements privés recevant des mineurs atteints de déficiences physiques

ou psychiques, de troubles du comportement ou du caractère, délin­

quants ou en danger.

Enfin ,1e quatrième projet émane du Ministère de

l'Education, il est relatif à l'éducation des enfants inadaptés dans

les établissements publics ou privés.(2)

Cette étude repose sur un triple objectif:

a)Etendre à toutes les catégories d'enfants inadaptés

ou en danger, qui sont éducables, le bénéfice de l'enseignement spécial.

b)Rendre obligatoire la création de classes et établis­

sements publics destinés à recevoir tous les enfants qui ne peuvent

être accueillis ou maintenus dans les classes ordinaires.

c)Freiner le développement anarchique d'établissements

d'initiative privée, ne répondant pas toujours aux critères retenus

dans la loi de 1886.(3)

-pas de déclaration d'ouverture d'école, d'où une absence de

contrôle de la scolarisation des enfants.

-Un personnel d'encadrement non diplômé, c'est-à-dire ne présentant

pas de garanties d'aptitudes et de compétence.

L'exposé de Monsieur Guilmain témoigne du pouvoir

du Ministère de la Santé en matière d'enfance inadaptée à cette époque:

-trois projets aux chambres contre un seul émanant du ministère

de l'Education nationale.

(D-GUIL M AiN(E.)-Les cahiers de l'enfance inadaptéefN°8,oct-nov, 1951,pp.2-5 (2)~Les cahiers de l'enfance inadaptée,N°2,octobre 1950, pp.25-30. (3)-Loi organique fixant les conditions d'ouverture des écoles privées.

Page 65: CA 34ss - Les thèses de l'Université Lumière Lyon 2

- 7 8 -

-Une désinvolture e t un mépris t o t a l pour les conventions é tab l ies

entre les Ministères en ce qui concerne les formations de spéc ia l i s t es

e t la délivrance des diplômes.

-La p o s s i b i l i t é de financer des établissements privés sur des

fonds d ' é t a t , par le b i a i s des prix de journée (1) ,a lors que le Minis­

t è re de l 'Education nationale es t l imité dans les décisions d 'ouvertu­

re d 'établissements publics à cause du caractère facul ta t i f de ces

créa t ions , l e pouvoir de décision étant l a i s sé aux c o l l e c t i v i t é s

loca les .

Mais ce qui semble encore plus navrant, c ' e s t le

manque de coordination entre les différents services chargés de l ' é t u ­

de de la p r i se en charge des enfants inadaptés.

" L e c o n s e i l s u p é r i e u r de l ' E d u c a t i o n n a t i o n a l e

d e m a n d e que t o u s les t e x t e s c o n c e r n a n t l ' e n f a n ­

ce i n a d a p t é e a c t u e i i e m e n t s o u m i s au p a r l e m e n t

e t au c o m i t é i n t e r m i n i s t é r i e l de c o o r d i n a t i o n ,

n o t a m m e n t le p r o j e t é l a b o r é pa r le M i n i s t è r e

de l ' E d u c a t i o n n a t i o n a l e l u i s o i e n t s o u m i s

c o n c u r r e n c e n t p o u r l u i p e r m e t t r e d ' é m e t t r e

un a v i s d ' e n s e m b l e sur les d i f f é r e n t s t e x t e s

à l ' é t u d e , dans les d é l a i s les p l u s b r e f s . " ( 2 )

Si cette condition n'est pas respectée, il est certain que l'ouverture de structures et la formation d'encadrement se développeront d'une manière anarchique, au détriment des enfants qu'elles sont censées

a ider .

Malgré les sévères critiques dont elle est l'objet,

l'Education nationale n'est pas restée inactive; on compte, en 1951,

1145 classes spéciales contre 274 en 1944.

Dans la région parisienne des classes annexées aux

écoles primaires ont été ouvertes pour des handicaps autres que la

déficience intellectuelle.

Le Ministère a également fait un effort pour créer

des postes d'instituteurs dans les hôpitaux généraux ou psychiatriques

et dans les établissements relevant du secteur privé associatif lorsque

ceux-ci en ont fait la demande.

Mais la distribution des classes sur le territoire

français est irrégulière, comme le montrent les deux cartes de la

page suivante:

(1)-système de financement des établissements publics ou privés de

soins et de cures,Décret du 9 mars I956,Annexe 24,Dt.N°56 284.

(2)-Cité par G UIL M A IN(E.), Les cahiers de l'enfance inadaptéef0pus.cité,p.2

Page 66: CA 34ss - Les thèses de l'Université Lumière Lyon 2

- 7 9 -

1 - C a r t e de r é p a r t i t i o n de la p o p u l a t i o n f r a n ç a i s e

dans les d é p a r t e m e n t s .

( L a r o u s s e e n c y c l o p é d i q u e .

T o m e V ,

F r a n c e , p.192)

2 - C a r t e de r é p a r t i t i o n des c l a s s e s s p é c i a l e s

o b t e n u e à p a r t i r du b i l a n e f f e c t u é pa r E . G u i l m a i n »

Les c a h i e r s de l ' e n f a n c e i n a d a p t é e

N ° 8 , o c t - n o v 1 9 5 1 , p . 4 .

fcparhh'o* dt. /«.[»0p*ilc*.ïi*>n par . .

l J moins de 0.50 °.0 / !

| • l de 0.50 à 0.75 r

| ~ j de 0.75 à I "n

^ ^ | d e l " , à l .50° t

j j g j j ^ de 1.50 à 2 %

G S | plus de 2 %

Pourcentage de la populofic. du département par rapport j à la population totale

| * l H m*. 3 C/A.SS&£

Je te k. Co c/

Page 67: CA 34ss - Les thèses de l'Université Lumière Lyon 2

-80-

Si on compare la répartition des classes spéciales

dans les départements avec la distribution de la population, pour l'année

1954 (1), on obtient une corrélation excellente: (p=0,998) (2) , cependant

l1étude des départements, cas par cas, permet de constater la présence

de zones suréquipées( Pyrénées-Orientales,par exemple.) et de régions

sous-équipées,(Pas-de-Calais, Maine-et-Loire*) ce qui s'explique facile­

ment puisque la création des structures est laissée au bon vouloir des

collectivités locales, qui^ selon leurs disponibilités financières et

leurs options politiques,optent pour un mode de prise en charge ou pour

un autre.

D'après le bilan effectué par E.Guilmain(3), nous

notons également la concentration des classes spéciales nouvelles dans

la région parisienne:

"Quant au département de la Seine, il dispose de deux-cent-quatre-vingt-sept classes de perfectionnement, de sept classes pour amblyo­pes, de six classes pour paralysés et d'une classe pour demi-sourds rattachées à des écoles primaires, de trois centres spécialisés en exter­nats pour adolescents groupant douze classes (deux centres pour les garçons un pour les filles.)* de deux centres spécialisés avec internat pour garçons groupant six classes, de l'Institut départemental pour sourds-muets d'Asnières, (quatorze classes poux filles, douze classes pour garçons.) de l'Institut départemental pour aveugles de Saint-Mandé."

Ceci est sans doute dû au caractère expérimental de

ces classes, la généralisation de l'éducation à tous les types de

handicaps étant très récente.

Le nombre des classes augmente ensuite régulièrement

entre 1951 et 1959, puis l'accroissement s'amplifie entre 1959 et

1963. (voir le graphique de la page Si-)• Cette accélération ne correspond

pourtant pas exactement à la poussée démographique, un décalage existe

entre les deux phénomènes, ainsi que nous le voyons sur le graphique

de la page suivante.

(1)- Région parisienne exceptée. (2)-C oef f icient de corrélation par rang,pde Spearman.

6 ^ d * (p= T _ )

N (N*-1) ( 3 ) - G U l L M A I N (E. ) -Les cah iers de l ' en fance inadap tée ,Opus .c i té ,p .4 .

Page 68: CA 34ss - Les thèses de l'Université Lumière Lyon 2

-81-

La courbe de; natalité, s'accroît régulièrement jus­

qu'en 1947(1),tandis que celle qui représente les créations de classes

de perfectionnement continue son ascension jusqu'en 1958, ce qui reflè­

te uniquement la mise en place normale des structures; en accord avec

la loi de 1909; une accélération se produit à partir de 1958, alors

que ,si on tient compte de l'explosion démographique représentée sur

la courbe des natalités et du fait que les enfants entrent généralement

en classe spéciale vers 9 ans, quelquefois plus tôt, l'accélération

de l'accroissement du nombre des classes de perfectionnement aurait

dû commencer vers 1952.

(1)- la courbe des natalités a été relevée sur le Dictionnaire L encyclopédique, Tome V, France, p.192.

Page 69: CA 34ss - Les thèses de l'Université Lumière Lyon 2

- 8 2 -

A ce re tard nous voyons t r o i s raisons e s sen t i e l l e s :

La première e s t tout simplement l ' i n e r t i e administrative qui crée

un décalage entre l ' é tude des besoins e t la mise en place des s t ruc tu­

res nécessaires pour les s a t i s f a i r e .

La deuxième raison nous es t signalée par E.Guilmain qui note le peu

d'empressement des i n s t i t u t e u r s pour ce genre de t r ava i l*

" . . .ce qu ' i l nous f au t s u r t o u t , c 'es t t r ouve r des co l lègues qui veu len t bien se consacrer à l ' ense ignement spéc ia l isé . " (1)

Un centre national de formation des maîtres de l ' e n s e i ­

gnement spéc ia l i sé exis te à Beaumont-Sur-Oise depuis 1947(2), mais

i l se trouve dans la région parisienne e t , bien que les stages ne

durent que t r o i s mois e t demi, les i n s t i t u t eu r s in téressés hés i tent

à qu i t t e r famille e t maison pour a l l e r se spéc ia l i se r .

Un second centre dest iné à former des maîtres désireux

de s'occuper des enfants déf ic ients physiques es t créé à Suresnes

en 1954(3)\ mais i l faudra at tendre 1961 pour obtenir la décent ra l i sa­

t ion des formations e t l 'ouverture de centres régionaux rat tachés

aux écoles normales.(4)

Nous t i rons la troisième raison de l ' a l locu t ion de

Monsieur l ' Inspec teur de l'Académie de la Somme aux journées d'étude

de l 'enfance inadaptée à L i l l e en janvier 1957, cet exposé essaie

de démontrer q u ' i l n 'y a pas de rupture entre l'enseignement spécia l i sé

et l 'enseignement normal:

"Les classes créées pour répondre à tous besoins (ceux des en fan ts inadaptés) s ' insèrent dans les cadres a d m i n i s t r a t i f s de l 'Educa t i on na t iona le . " (5 )

Mais il énonce toutes les précautions à prendre pour que les "maisons d'enfants"(6) ne soient pas coupées du monde éducatif normal.

" U n ménaqe d ' i n s t i t u t e u r s chargé des fonc t i ons de d i r e c t i o n a d m i n i s t r a t i v e et pédagogique, et des fonc t i ons d ' é c o n o m a t , réa l i sera dans les me i l l eu res cond i t i ons , c e t t e a tmosphère f a m i l i a l e essent ie l le pour l 'épanouissement des en fan ts et le succès de l 'oeuvre de rééduca -t ion . " (7)

(1)-G U IL M AIN(E .)-L es cah iers de l ' en fance i nadap tée ,Opus .c i t é , p.4. (2)~Loi N°51-1487 du 31 décembre 1 9 5 1 , A r t i c l e V. (3 ) -Lo i N°54~405 du I0 av r i l 1954, a r t i c l e X I I I . ( 4 ) -Déc re t N°64-291 du 1er av r i l 1964. (5)~P E T lT( J . ) -L ia i son e n t r e l ' ense ignement n o r m a l e t l ' ense ignement spéc ia l i sé .

Les cah iers de l ' en fance i nadap tée ,N°4 , f é v r i e r 1957,p.9. (6 ) -Vo i r annexe l . ,p.407 r 7 U P F T I T f l . U n n u s . c i t e . D . I O .

Page 70: CA 34ss - Les thèses de l'Université Lumière Lyon 2

- 8 3 -

Ce voeu ne peut ê t r e r éa l i s é que dans un nombre l imité

de maisons d 'enfants , ce l l e s qui ont signé un protocole d'accord avec

l 'Education nat ionale , les autres éliminant quelquefois le projet

scola i re de leur oeuvre éducative, ranimant a ins i les querel les du

gouvernement de Vichy.

"Dans la p lupar t des é tab l i ssements avec i n t e r ­nat dest inés aux inadaptés et d é f i c i e n t s , on con f i e pendant les in te rc lasses , les en fan ts à des éduca teu rs , ces éducateurs sont des jeunes gens n 'ayant le plus souvent que de bien modestes t i t r e s un i ve rs i t a i r es et une bien modeste c u l t u r e ; i ls ne peuvent espérer f a i r e c a r r i è r e dans l 'enseigne men t .Un stage organisé par des organismes i ncon t rô l és , . . . , un examen qui n'a r ien d ' o f f i c i e l (1) , et vo ic i nos jeunes gens devenus éducateurs . I l s ne manquent d 'a i l l eu rs pas de p r é t e n t i o n . J ' a i entendu c e t t e a r g u m e n t a t i o n : i ls r emp lacen t la f a m i l l e , et c 'est à eux qu ' i ncombe l ' éduca­t i on c ' e s t - à - d i r e la f o r m a t i o n de l ' h o m m e ;

l ' i n s t i t u t e u r dispense seu lement l ' ense ignement ; i l f a i t p i è t r e f i gu re à cô té de l ' éduca teur l " (2 )

I l ex is te donc à côté de l ' op t ion "éducateur en i n t e r ­

nat " ins t i tuée en 1957(3) au sein de l 'Education nat ionale, des forma­

t ions p a r a l l è l e s .

Enfin:

" La mission p a r t i c u l i è r e de l 'ense ignement spécia l se d é f i n i t par son champ d ' a c t i o n ; d'une façon t rès géné ra le , on peut d i re qu ' i l lu i appa r t i en t d 'enseigner et de f o r m e r tous les en fan ts qui ne saura ient s 'accomoder du r y t h m e de t r a v a i l d'une classe normale . . . " (4 )

. Mais on espère que, après rééducation, les passages

doivent se f a i r e , chaque fois que possible , de la classe spécial isée

vers la c lasse normale, le rat t rapage une fois r é a l i s é . . . " ( 5 ) , b i en

qu'on estime, d'une part ,"que les échecs t iennent à l ' enfant l u i -

même, à son niveau mental insuff isant , à ses troubles du carac tère ,

dont l ' o r i g ine se trouve souvent dans le milieu famil ia l ."(6) e t qu 'on

se demande, d 'au t re p a r t , s i " l ' é co le s ' e s t efforcée de le comprendre,

(1)4_e d ip lôme d 'éduca teur spécia l isé dev iendra d ip lôme d 'E ta t en [967. (2 ) -PET lT(J . ) -Opus c i t é , p.Il ( 3 ) - A r r ê t é du 24 f é v r i e r I957. ( 4 ) -PET lT (J . ) -Ûpus . c i t é , p.8. (5 )~ ldem,p. l3 . (6)- lde m,p.15.

Page 71: CA 34ss - Les thèses de l'Université Lumière Lyon 2

-84-

de l'aider à résoudre ses propres problèmes? Lui a- t'elle donné un enseigne­ment susceptible de l'atteindre?1^ 1)

Visions floues ,confusions et incertitudes contribuent

à renforcer les querelles de pouvoir et à ralentir l'exécution des

projets.

Ainsi les enfants déficients intellectuels moyens

et légers peuvent être dirigés vers différents types d'établissements,

dont nous donnons un aperçu dans le tableau suivant:

jcUVo«K K09 1951 1956 1967 | crcaHov—=3* » f t t

.Ir6.D.P.*' t 5-I.M.P. * «x- -x-

(annexées écoles 4- E.N.P. * 6-E.M.P. * 9-S.E.S, primaires) * *

•x- -x-

2-écoles autonomes ^ 7-I.M.Pro .

de perfectionnement * * /. x x x x\ * 8-E.M.Pro, (internat-externat) $ J

4 4 &#^##***-^HHf##^ *"v -N'-fc-X-X*-X-X*-X~>BB<--X«--X-X-M -•'-•'-X--X-X-

$3-classes annexées à f. f f *-***** ministère de ^ J f l ^ e g i l i y x ^ ^ J la Santé.

Ces établissements relèvent de deux Ministères diffé­

rents :

-Le Ministère de l'Education nationale.

-Le ministère de la Santé.

1-Les classes et établissements relevant du Ministère

de l'Education nationale:

Ce sontf d'une part, les classes de perfectionnement

et les écoles autonomes spéciales, dont nous avons longuement parlé

dans notre premier chapitre puisqu'elles constituaient en 1909 le

seul mode de prise en charge des enfants débiles moyens et légers,

(1)-PETIT(J.)-0pus.ci té,p.15,

Page 72: CA 34ss - Les thèses de l'Université Lumière Lyon 2

en externat ou en internat pour l'éducation scolaire et professionnelle

et d'autre part, les écoles nationales de perfectionnement(ENP) et

les sections d'éducation spécialisée (SES).

Les écoles nationales de perfectionnement, instituées

par la loi budgétaire du 31 décembre 1951, sont une transformation

en établissements d'Etat, des anciens centres spécialisés pour l'enfance

inadaptée ouverts pendant l'occupation par le Commissariat général

à la jeunesse.

Elles reçoivent des enfants et des adolescents inadaptés

qui pour des raisons diverses ne peuvent être admis dans des classes

annexées aux écoles primaires, la plupart de ces écoles accueillent

des enfants de plus de douze ans, mais certaines les acceptent à partir

de l'âge de la scolarité obligatoire, elles fonctionnent en internat,

semi-internat et externat, le recrutement est national mais priorité

est donnée aux enfants habitant la région d'implantation de l'école?

elles donnent un enseignement professionnel.

Elles semblent faire double-emploi avec les écoles

autonomes de perfectionnement; en fait, elles sont les premiers établis­

sements publics gérés par le Ministère de l'Education nationale pour

l'enfance inadaptée, indépendants de la bonne volonté des collectivités

locales. Au cours des années, elles deviendront de plus en plus nombreu­

ses et certaines seront spécialisées dans la rééducation des handicaps

autres que le déficit intellectuel.

«Les sections d'éducation spécialisée sont créées à

la fin de la période que nous analysons dans ce chapitre^ elles décou­

lent directement de la réforme de l'enseignement de 1959 prolongeant

la scolarité obligatoire jusqu'à 16 ans et limitant la scolarité primai­

re élémentaire à 12 ans. Elles mettent fin à une situation transitoire

qui permet aux enfants des classes de perfectionnement un maintien

à l'école élémentaire jusqu'à 14 ans dans des classes intitulées "clas­

ses-ateliers", ces sections sont rattachées au collège d'enseignement

secondaire et sont censées INTEGRER les enfants en difficulté dans

le système d'enseignement secondaire mis au point par la réforme de

1959.

Créées en application des circulaires du 21 septembre

1965,du 2 mars 1966 et du 27 décembre 1967, elles reçoivent les enfants

déficients intellectuels légers à partir de 12 ans pour poursuivre

l'enseignement général qui sera complété par une éducation préprofes-

(D-Circulaire N°lV-67 530 du 27 décembre 1967.

Page 73: CA 34ss - Les thèses de l'Université Lumière Lyon 2

-86-

sionnelle à partir de l'âge de 14 ans.

Notons que les déficients moyens sont éliminés de

ce cursus scolaire INTEGRATIF. Après avoir été acceptés dans les struc­

tures les moins ségrégatives, les classes de perfectionnement annexées,

ils doivent rejoindre les ENP(1) ou les IMP(2) gérés par le Ministère

de la Santé.

2-Les classes et établissements relevant du ministère

de la santé.

En dehors des classes annexées aux hôpitaux psychiatri­

ques ou généraux et qui sont des établissements publics bien que rele­

vant du ministère de la santé, un type nouveau d'établissement apparaît

pendant et après la deuxième guerre mondiale. Il s'agit des maisons

d'enfants" gérées par des associations et destinées à recevoir, elles

aussi, des enfants inadaptés ou en danger.Le décret N°56-284 du 9 mars

1956 (Annexe XXIV) leur donne une existence légale.

Ils s'appellent désormais Instituts médico-pédagogi­

ques, ainsi le couple "médical, pédagogique" complète son identité:

il définit à présent une structure d'accueil destinée à recevoir des

"enfants atteints de déficience à prédominance intellectuelle liée

à des troubles neuro- psychiques exigeant, sous contrôle médical,

le recours à des techniques non exclusivement pédagogiques:

a) arriérés ou débiles profonds,

b) débiles moyens,

c) débiles légers présentant des troubles associés."(3)

Ces établissements fonctionnent en internat ou en exter­

nat , souvent ils continuent leur action auprès des adolescents, ils

se nomment Instituts médico-professionnels et accueillent les jeunes

jusqu'à leur entrée dans la vie active.

L'éducation scolaire est assurée à l'intérieur de

l'établissement, soit par des instituteurs de l'enseignement public

en position de détachement, soit par des éducateurs scolaires privés,

selon l'idéologie véhiculée par l'association gestionnaire et les

postes budgétaires disponibles au Ministère de l'Education nationale.

(1)- voir annexe N°l, p.407

(2)-ldem,

(3) -Décre t N°56-284 du 9 mars I956 (annexe XXIV).Titre p remie r .

Page 74: CA 34ss - Les thèses de l'Université Lumière Lyon 2

- 8 " 7 -

A partir de 1956, l'amélioration de la santé de la

population scolaire, le système de financement par prix de journée

et l'intérêt porté pour le problème de la débilité vont amener les

associations à reconvertir leurs maisons à caractère sanitaire en

instituts médico-pédagogiques.

Nous trouvons au Ministère de la Santé et à l'Education

nationale des établissements et classes similaires pour tous les

handicapsj bien que les différents types de structures correspondent

à des catégories distinctes d'enfants , les limites sont floues,l'orien­

tation difficile et souvent laissée à l'appréciation subjective des

parents, d'où une grande hétérogénéité dans les populations enfantines

fréquentant les structures médico-pédagogiques.

Ce qui n'est pas sans poser de problèmes d'encadrement.

Au sein de l'Education nationale il existe, depuis 1909, un certificat

d'aptitude à l'enseignement des enfants arriérés (CAEA)( 1 ) ,un. certifi­

cat d'aptitude à l'enseignement dans les écoles de plein air(CAEPA)

a également été créé en 1939 (2), mais d'une part, ils ne répondent

plus aux besoins et d'autre part ,ils établissent deux corps d' institu­

teurs spécialisés indépendants? une option "éducation en internat"

forme aussi de jeunes maîtres désireux de s'occuper des enfants en

dehors des heures de classe.(3)

Le Ministère de l'Education nationale met également

en place un diplôme de directeur d'établissements spécialisés (4)j

avec le concept de pseudo-débilité apparaît un corps de réédicateurs

en psychopédagogie.(5) Les psychologues scolaires qui avaient vu

leur formation supprimée en 1954 par mesure économique, retrouvent

leur place au sein de 1'Institution.(6)

A partir de 1963, le Ministère ressent le besoin de

coordonner les actions en faveur de l'enfance inadaptée; les diverses

formations d'instituteurs spécialisés sont alors regroupées en un

certificat d'aptitude à l'éducation des enfants et adolescents défi­

cients ou inadaptés (CAEI)(7) composé d'un tronc commun et d'un certain

nombre d'options qui augmentera au fur et à mesure que l'Education

nationale se jugera compétente pour la prise en charge de nouveaux

types d'inadaptations.

(1)-Décret du 18 août 1909.

(2)-Décret du 18 août 1939.

(3)-Arrêté du 24 février 1 9 $ f (4)- Arrêté du 24 février 1957.

(5)~Aucun texte ne précise l'organisation de cette formation avant l'arrêté

du 3 janvier 1964, Article 3, Option rééducations psychopédagogiques.

(é)-Circulaire N°205 du 8 nov e m b r e 1960. tn\ n x * M O / : T _ 7 1 7 A*, 19 î.. î I ! o h 1QA1

Page 75: CA 34ss - Les thèses de l'Université Lumière Lyon 2

- 8 8 -

Des commissions départementales (CMPD) sont chargées

de const i tuer un f ichier de l 'enfance inadaptée e t de coordonner les

travaux des commissions médico-pédagogiques de c i rconscr ipt ion. (1)

Le contrôle des personnels es t désormais assuré par

un corps d 'Inspecteurs de l'enseignement spécia l i sé . (2)

Enfin le Ministère lance une vaste enquête nationale

sur l'ensemble des classes de perfectionnement disséminées dans toute

la France. Ce t r a v a i l a pour but de recencer les classes e t les métho­

des pédagogiques prat iquées , a ins i que l ' impact de l'enseignement

spécia l i sé sur l ' adapta t ion sociale des élèves qui en ont bénéf ic ié .

Le contenu des réponses influera sur la décision du

Ministère qui élaborera de nouvelles ins t ruc t ions . (3)

les r é su l t a t s de l 'enquête font également le point

sur la r épa r t i t ion des classes de perfectionnement:

" I l y a en f r a n c e 3603 c l asses de p e r f e c t i o n n e ­

m e n t . P a r m i ces c l a s s e s , 3199 s o n t des c l a s s e s

p r i m a i r e s non p r o f e s s i o n n e l ! e s , 1 4 4 s o n t des

c l asses t r è s s p é c i a l e s d e s t i n é e s aux a m b l y o p e s ,

aux c a r a c t é r i e l s , aux p o l y o m y é l i t i q u e s , aux

de m i - s o u r d s , e t c . .

P a r m i ces c l a s s e s ( l e s

c l a s s e s p r i m a i r e s ) 2 8 7 9 son t a n n e x é e s à des

é t a b l i s s e m e n t s r é g i s pa r les M i n i s t è r e de l ' E d u ­

c a t i o n n a t i o n a l e , e t 234 son t a n n e x é e s à des

é t a b l i s s e m e n t s p r i v é s ou r é g i s p a r d ' a u t r e s

m i n i s t è r e s .

A u p o i n t de vue

g é o g r a p h i q u e , ces c l a s s e s o n t t e n d a n c e à se

g r o u p e r dans c e r t a i n e s r é g i o n s e t dans c e r t a i n s

d é p a r t e m e n t s . . . 5 0 % de ces c l a s s e s . . . s e t r o u v e n t

dans 9 d é p a r t e m e n t s . . . t r è s u r b a n i s é s e t i n d u s ­

t r i e l s .

C e p e n d a n t , s i

l ' o n r a p p o r t e le n o m b r e de ces c l a s s e s à la

p o p u l a t i o n s c o l a i r e du d é p a r t e m e n t , on s ' a p e r ­

ç o i t que l e u r d e n s i t é es t t r è s v a r i a b l e e t n ' o b é i t

pas à des o b j e c t i f s t r è s c l a i r s .

A u n i v e a u d e la

F r a n c e t o u t e n t i è r e . . . l e s c l asses de p e r f e c t i o n ­

n e m e n t c o u v r e n t e n v i r o n le s i x i è m e des b e s o i n s . . .

. . . I l y a une t e n d a n c e t r è s f o r t e des c l asses

à se t r o u v e r dans les v i l l e s de m o y e n n e i m p o r ­

t a n c e . . . I l y a b e a u c o u p p lus de c l a s s e s p o u r

g a r ç o n s que de c l a s s e s p o u r f i l l e s ou m i x t e s . . . l a

( 1 ) - A r r ê t é du 16 d é c e m b r e 1 9 6 4 , C i r c u l a i r e N ° 6 5 - 3 5 7 du 29 s e p t e m b r e 1 9 6 5 .

( 2 ) - C i r c u l a i r e du 1 0 o c t o b r e 1 9 6 1 .

( 3 ) - V o i r pages %\ £ ^ 0 0

Page 76: CA 34ss - Les thèses de l'Université Lumière Lyon 2

-89-

moitié des classes est tenue par des maîtres non-diplômés...19 % de ces classes contiennent plus de trois enfants qui ne sont pas débiles..."(1)

Ces précisions statistiques nous permettent àe constater

que malgré l'augmentation du nombre de classes, l'implantation reste

liée à la bonne volonté des collectivités locales comme en 1951,

Le Ministère semble pourtant satisfait des progrès réali­

sés:

"Finalement 1 'enfance inadaptée, à la suite d'un long et brillant effort de plus d'un demi-siécle, a à peu près trouvé un style et une orien­tation pédagogique. Elle a même quelques raisons de se croire un des éléments les plus dynamiques du progrès dans ce domaine. C'est pour elle une nécessité vit aie."(2)

Il est vrai que ces réflexions viennent à la suite

des nouvelles instructions officielles concernant la pédagogie des

classes spéciales et que le respect du pluralisme alimente l'esprit

de compétition et oblige le Ministère de L'Education nationale à faire

des efforts en matière d'enfance inadaptée s'il veut rester crédible.

En effet, le Ministère de la Santé crée ses propres

formations de directeurs d'établissements, d'éducateurs scolaires

et spécialisés et de rééducateurs. Des centres régionaux de l'Enfance

et de l'Adolescence Inadaptées, associations loi de 1901, ayant pour

but de conseiller le Ministère de la Santé se mettent en place en

1965 (CREAI) (3)

1964 et 1965 marquent un tournant dans l'histoire de

l'Enfance inadaptée, les actions jusqu'alors éparpillées commencent

à se structurer autour des deux grands ministères de tutelle? d'où

la création en septembre 1964 d'un intergroupe chargé par le commissa­

riat général au plan, d'étudier le problème et de prévoir les infra­

structures nécessaires pour une prise en charge efficace.

Le doute quant à la pertinence d'un enseignement spécia­

lisé semble s'évanouir et céder la place aux certitudes:

(1)-Comité pédagogique SUDEL,Ma classe de perfectionnement,pp.17-18. (2)-L ABR EGE RE(A.)-Pour un service public de l'Enfance inadaptée»l'Education

nationale,N°1,8 octobre 1964, pp.26,28 et 33. (3)-Arrêté du 12 janvier 1964.

Page 77: CA 34ss - Les thèses de l'Université Lumière Lyon 2

- 9 0 -

11 L 'Educa t i on na t iona le do i t sco lar iser les jeunes d é f i c i e n t s capables de t i r e r p r o f i t d 'un ense igne­ment adapté e t , par une f o r m a t i o n p ro fess ionne l ­l e , de ten i r leur p lace dans la vie a c t i v e , pour leur plus grand bien et pour ce lu i de la na t i on . . .

Le Vème plan a prévu l ' o u v e r t u r e , au niveau des écoles p r i m a i r e s , de 5320 classes de p e r f e c ­t i o n n e m e n t pour débi les men taux , de 200 c ia s s e s pour handicapés moteurs et de 400 pour hand ica ­pés sensor ie ls . Dans le second degré seront créées 300 annexes d 'ense ignement spéc ia l isé , à raison d'une annexe pour 4 CESj 67 écoles na t iona les pour débi les mentaux et enfants a t ­t e in t s de t roub les du c o m p o r t e m e n t , 6 pour handicapés moteurs et 4 pour handicapés senso­r i e l s ; 4 é tab l i ssements de second cyc le pour les handicapés physiques capables de poursu ivre des études longues et 50 cent res méd ico -psycho­pédagogiques. Un t o t a l de 9 mi l l ions de nouveaux f rancs sera consacré à ces réa l i sa t ions . . .

En plus de l 'éco le na t iona le de p e r f e c t i o n ­nement de Berck . . .qu i accue i l l e ra 150 handicapés mo teu rs , s 'achèvent en ce m o m e n t , ce l le de F l a v i g n y - s u r - M oselle pour handicapés moteurs é g a l e m e n t , de Perp ignan et de Rennes pour jeunes débi les men taux . Sept opérat ions( ENP pour débi les mentaux) sont f inancées par le budget de 1966 et 6 aut res opérat ions au t i t r e du budget de 1967(1 ENP pour dé f i c i en t s moteurs) et 5 pour débi les men taux . A ce nombre s 'a jou te ­ron t c e t t e année p lus ieurs opéra t ions , en pa r t i e f inancées par les c o l l e c t i v i t é s locales."(1)

Une v a s t e e n t r e p r i s e de cons t ruc t i on d ' é t a b l i s s e m e n t s

spéciaux d e s t i n é s à a c c u e i l l i r tous l e s inadap tés commence en 1965?

car i l ne f au t pas o u b l i e r l ' o e u v r e analogue engagée par l e s a s s o c i a ­

t i o n s p r i v é e s soutenues par l e Min i s t è re de l a San té .

On peut se demander l a r a i s o n de c e t t e f r énés i e soudaine

u i conduira à l a not ion de ségrégat ion .

La première réponse qu i v i e n t à l ' e s p r i t e s t d ' o r d r e

économique: l a France a f i n i de r é p a r e r l e s désordres de l a deuxième

guer re mondiale e t l e c o n f l i t f r a n c o - a l g é r i e n v i e n t d ' ê t r e r é g l é ,

l a product ion e s t en p l e i n e expansion, l ' E t a t e s t r i c h e , i l peut dé so r ­

mais répondre à des demandes formulées depuis longtemps.

Une deuxième r a i s o n émane du système s c o l a i r e , lui-même:

une seconde poussée démographique, à p a r t i r de 1960, a pour conséquence

un gonflement des e f f e c t i f s dans l e s c l a s se s? l e recrutement excess i f

de ma î t r e s formés "sur l e t a s " f a v o r i s e l ' i n s é c u r i t é chez l e s enfants?

l a f émin i sa t ion des ense ignan t s t ransforme l ' a t t i t u d e é d u c a t i v e . Tous

(1)-H ABIB-DEL ON C L K M . Î - L ' E d u c a t i o n na t i ona le et l 'En fance i nadap tée , l 'Educa ­t i on n a t i o n a l e , N°820 du 16 mars 1967, p.12.

(k

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- 9 1 -

ces éléments ont pour conséquence une élévation du seuil de tolérance à la différence.

le phénomène est illustré dans le domaine de la débilité, par la limite supérieure de quotient intellectuel pour entrer en classe de perfectionnement, qui passe de .75 à .80.(1)

Ajoutons à ce t t e remarque, que les enfants dont le

Q.I. s ' é t a b l i t entre .80 e t .100 sont considérés comme ayant leur

place dans des établissements de type normal, "mais dans des classes

qui leur soient propres où i l s pourront bénéficier d'une pédagogie

spéciale ."(2)

La tendance es t donc bien à l ' é l iminat ion de tous les

sujets qui s ' éca r ten t d'une manière ou d'une autre de l ' é c o l i e r standard.

Seul l ' a r t i c l e de la déclaration des d ro i t s de l ' enfan t , adoptée l e

29 novembre 1959 par l'Assemblée générale des Nations-Unies: (Tous

les enfants, sans exception aucune, ont d ro i t à l 'éducation e t à l ' i n s ­

t ruc t ion . " ( 3) ) impose au gouvernement une a t t i t ude constructive à

l 'égard des enfants défavorisés e t r e j e t é s par le système.

c) Les nouvelles instructions de 1964 e t 1965:

Parmi les textes que nous avons signalés dans notre

exposé sur les réa l i sa t ions concrètes r e la t ives à l'Enfance Inadaptée,

celui qui marque le plus la période de 1950 à 1968 es t l ' a r r ê t é du

12 août 1964 concernant "les programmes e t méthodes d'enseignement

dans les c lasses de perfectionnement recevant des débiles mentaux

de six à quatorze ans" (4) parce q u ' i l représente la première remise

en cause de la l ég i s la t ion de 1909 qui a i t dépassé le stade du pro je t .

En introduction à ces ins t ruct ions le recueil des lo i s

e t règlements précise :

"Les é tudes des e n f a n t s i n a d a p t é s sont t r è s d i f f é r e n t e s su ivant leur ca tégo r i e d ' i n a d a p t a t i o n . D'une par t les d é f i c i e n t s sensoriels' ou moteurs ne sont a t t e i n t s q u ' e x c e p t i o n n e l l e m e n t de t roub les de l ' i n t e l l i g e n c e ou du c o m p o r t e m e n t et peuvent suivre les p rog rammes Normaux- d 'ense ignement .

( 1)-L ' Educa t ion na t i ona le , Handicapés et déf icients,N°8,16 mars 1976, p.12. (2) - I d e m , Ib . (3) - I d e m , Ib. ( 4 ) -M in i s tè re de l ' éduca t ion na t i ona le ,Recue i l des lois et r èg lemen ts , Enfance

et Adolescence inadaptées, pp .833-854 .

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-92-

D'autre part, les déficients intellectuels légers ou moyens, dits débiles mentaux, sont beaucoup plus nombreux que les autres inadaptés; leur nombre même et le caractère spécifique de leur inadaptation ont permis la conception de programmes et de méthodes dfenseignement spéciai."(1)

Les recherches sur la débilité intellectuelle de l'enfant

et les essais de réponse pour y remédier ont fini par instituer les

déficients mentaux en groupe social indépendant entraînant des règle­

ments particuliers.

Véritable leçon de psychopédagogie , 1 " Arrêté du 12 août

1964 fait partie de ce train de mesures.

Il comprend un seul article très court précisant que

les "directives ci-annexées... se substituent à celles fixées par

les arrêtés et instructions des 18 et 25 août 1909."(2)jTrois annexes

développent les présents objectifs:

La première, modifiée par note du 11 septembre 1964,

concerne les enfants de 6 à 14 ans.

En première approximation, le texte de 1964 ne semble

pas s'écarter beaucoup des principes énoncés en 1909, sauf - dans la

dimension du discours. La loi en vigueur reste d'ailleurs celle du

15 avril 1909.

"L'enfant arriéré" devenu "débile mental" est toujours

considéré comme limité dans ses possibilités d'évolution intellectuelle:

"Au terme de son évolution, l'enfant débile n'aura pas dépassé le niveau mental d'un enfant sensiblement plus jeune."(3)

Le mode de prise en charge privilégié reste la classe

spéciale annexée à une école élémentaire, sauf pour les cas difficiles

et les enfants dispersés géographiquement:

"En premier lieu les différentes catégories d'enfants inadaptés doivent être scolarisées dans des conditions aussi proches que possibles de la normale en évitant de les séparer de leur milieu naturel, familial et scolaire...

(D-Ministère de l'Education nationale, Recueil des lois et règlements,Enfance et Adolescence Inadaptées, p.833. (2)-ldem.lb. (3)-ldem. p.834.

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- 9 3 -

L e r e c o u r s aux é t a b l i s s e m e n t s s p é c i a l i s é s

a v e c i n t e r n a t . . . d e m e u r e i n d i s p e n s a b l e dans

dans d e u x t y p e s de c a s , en r a i s o n :

- d e la c a u s e de l ' i n a d a p t a t i o n . . . ( d é f i c i e n t s i n t e l ­

l e c t u e l s a v e c t r o u b l e s a s s o c i é s pa r e x e m p l e ) . . .

- d e la d i s p e r s i o n g é o g r a p h i q u e des e n f a n t s

i n a d a p t é s q u i f e r a i t o b s t a c l e à la m i s e en p l a c e

d ' u n d i s p o s i t i f p é d a g o g i q u e c o m p l e t . f l ( 1 )

L'effect i f des classes es t l imité à 15 élèves e t on

essaie de regrouper les enfants par niveaux afin de rendre les classes

plus homogènes;

" O n s a i t l a d i f f i c u l t é de c o n d u i r e de t e l l e s

c l a s s e s [ u n i q u e s de p e r f e c t i o n n e m e n t . ) , m a l g r é

l e u r e f f e c t i f en p r i n c i p e l i m i t é à 15 é l è v e s ,

en r a i s o n de la d i v e r s i t é des âges c h r o n o l o g i q u e s ,

des âges m e n t a u x e t des n i v e a u x s c o l a i r e s . " ( 2 )

Dans certaines matières la pédagogie s ' i n sp i r e de ce l l e

des écoles maternelles:

" L e s m a î t r e s s ' i n s p i r e r o n t t r è s l a r g e m e n t des

a c t i v i t é s e t e x e r c i c e s en h o n n e u r dans les é c o l e s

m a t e r n e l l e s . . . " ( 3 )

Mais i l faut toujours avoir à l ' e s p r i t l e souci d 'adapter

les a c t i v i t é s :

" . . . n o n s e u l e m e n t aux p o s s i b i l i t é s e t aux

b e s o i n s des é l è v e s , m a i s auss i à l e u r d é v e l o p p e ­

m e n t p h y s i q u e e t à l ' é v o l u t i o n de l e u r s i n t é r ê t s . " ( 4 )

. . . c e s e n f a n t s ne d o i v e n t pas a v o i r l ' i m p r e s s i o n

que l ' e n s e i g n e m e n t q u ' i l s r e ç o i v e n t es t un e n s e i ­

g n e m e n t d i m i n u é . L e s a c t i v i t é s des c l a s s e s

q u i les a c c u e i l l e n t ne d o i v e n t pas ê t r e a p p a r e m ­

m e n t t r o p d i f f é r e n c i é e s de c e l l e s des a u t r e s

c l a s s e s du m ê m e c y c l e . " ( 5 )

Comme en 1909 on ne doi t pas trop s 'é loigner du contenu

proposé aux autres enfants, tout en sachant qu'on ne pourra pas dépas­

ser un cer ta in niveau.

L'enseignement res te concret et act i f :

( 1 ) - R e c u e i l des l o i s e t r é g i e m e n t s , C i r c u l a i r e N ° 6 5 - 3 4 8 du 21 s e p t e m b r e 1 9 6 5 ,

p . 7 0 .

( 2 ) - l d e m , A r r ê t é du 12 a o û t 1 9 6 4 , p . 8 3 4 .

( 3 ) - l d e m , p . 8 3 6 .

( 4 ) - » d e m , l b .

( 5 ) - l d e m , p . 8 4 1 .

Page 81: CA 34ss - Les thèses de l'Université Lumière Lyon 2

- 9 4 -

" L e s e x e r c i c e s q u i m e t t e n t l ' e n f a n t en " s i t u a t i o n "

e t qu i l ' i n c i t e n t à t e n i r e f f e c t i v e m e n t un r ô l e

s e r o n t t o u j o u r s t r è s e f f i c a c e s e t t r è s f or m a t e u r s . O )

Les e x e r c i c e s sont v a r i é s :

" I l es t i n d i s p e n s a b l e de d i v e r s i f i e r les a c t i v i t é s . . . ( 2 )

L'enseignement e s t centré sur l a v i e :

" O n e x p l o i t e r a t o u t e s les o c c a s i o n s de c a l c u l

q u ' o f f r e la v i e p r a t i q u e ,1a v i e de la c l a s s e ,

la g e s t i o n c o o p é r a t i v e p a r e x e m p l e . " ( 3 )

I l t i e n t compte des q u a l i t é s de l ' i n d i v i d u :

" O n e s s a i e r a de v a l o r i s e r au m a x i m u m ses i n t é r ê t s

ou a p t i t u d e s p a r t i c u l i e r s " ( 4 )

L'é tude du chant e t de l a musique t i e n t tou jours une

p l ace impor tan te :

" L e s e n f a n t s d é b i l e s y p r e n n e n t un i n t é r ê t

e t un p l a i s i r p a r t i c u l i e r s . " ( 5 )

I l r e s t e avant t o u t un enseignement u t i l i t a i r e :

"...l 'éducateur devra obéir à la loi d'urgence..."(6)

C ' e s t enf in un enseignement for tement i n d i v i d u a l i s é :

C ' e s t pa r l ' i n d i v i d u a l i s a t i o n des t â c h e s , le t r a v a i l

p a r f i c h e s n o t a m m e n t , . . . q u e l ' o n s ' e f f o r c e r a

d ' e n t r e t e n i r e t de p e r f e c t i o n n e r de f a ç o n c o n t i ­

nue les c o n n a i s s a n c e s de b a s e . " ( 7 )

Malgré tous l e s a s p e c t s qu i rapprochent l e s I n s t r u c t i o n s

de 1909 e t c e l l e s de 1964, i l e x i s t e e n t r e l e s deux é l a b o r a t i o n s des

d i f f é r e n c e s e s s e n t i e l l e s . Tout d ' abord l a mot iva t ion des l é g i s l a t e u r s

e s t animée, en 1964, par l e souci d ' ê t r e c r é d i b l e aux yeux des a u t r e s

i n t e r v e n a n t s :

" . . . i l s p e n s e n t dans un d o m a i n e ou d ' a u t r e s M i n i s t è ­

res a p p o r t e n t l e u r c o n t r i b u t i o n , q u ' i l l e u r a p p a r ­

t i e n t de d é f i n i r a v e c p l u s de p r é c i s i o n e n c o r e

q u ' a u t r e f o i s , l ' a p p o r t p a r t i c u l i e r e t i r r e m p l a ç a b l e

de l ' E d u c a t i o n n a t i o n a l e , l o r s q u ' i l s ' a g i t du d o m a i ­

ne p r o p r e des m o y e n s e t des f i n s d ' u n e p é d a g o g i e

s p é c i a l e . " ( 8 )

( 1 ) - r e c u e i l des l o i s e t r è g l e m e n t s , A r r ê t é du 12 a o û t 1 9 6 4 , p . 8 3 8 .

(2)-Idem, p .837. ( 3 ) - l d e m , p . 8 3 8 .

( 4 ) - l d e m , p . 8 4 1 .

( 5 ) - l d e m , p . 8 3 9 .

( 6 ) - l d e m , p . 8 3 $ .

( 7 ) - l d e m , p . 8 4 1 .

( 8 ) - l d e m , p . 8 3 4 .

Page 82: CA 34ss - Les thèses de l'Université Lumière Lyon 2

- 9 5 -

La c r a i n t e du regard e t du jugement de 1'AUTRE c r é e

des o b l i g a t i o n s , e t s i un c e r t a i n mode de p r i s e en charge c h o i s i depuis

f o r t longtemps n ' e s t pas encore remis en cause , par con t r e l e s appor t s

de l a psychologie sont maintenant p r i s en compte dans l ' é l a b o r a t i o n

des nouve l les I n s t r u c t i o n s .

Un rappe l des d i v e r s e s t h é o r i e s de l a d é b i l i t é f a i t

l ' o b j e t de l a deuxième p a r t i e de l 'Annexe I de l ' a r r ê t é .

Si l ' i r r é d u c t i b i l i t é du r e t a r d i n t e l l e c t u e l r e s t e l ' i d é e

fondamentale qui motive l a pédagogie s p é c i a l e , l a popu la t ion des

c l a s s e s de perfect ionnement e s t maintenant t r a d u i t e en q u o t i e n t s i n t e l ­

l e c t u e l s :

" L ' a p p r é c i a t i o n o b j e c t i v e de l ' i n t e l l i g e n c e pa r

les t e s t s se t r a d u i t en t e r m e s de q u o t i e n t i n t e l l e c ­

t u e l : On c o n v i e n t que les e n f a n t s d é b i l e s , r e l e v a n t

des c l a s s e s de p e r f e c t i o n n e m e n t , d o i v e n t a v o i r

un q u o t i e n t i n t e l l e c t u e l s i t u é e n t r e c i n q u a n t e

e t s o i x a n t e - q u i n z e aux t e s t s v e r b a u x de t y p e .

B i n e t - S i m o n . " ( 1 )

En 1909, les noms de Binet e t Simon n 'é ta ient pas ci tés ,

e t l a "notion d ' e n f a n t s a r r i é r é s , sans p r é c i s i o n complémentaire pouva i t

donner l i e u à de nombreux abus , sans danger t a n t que l e système ne se

déve loppa i t p a s .

Avec l a g é n é r a l i s a t i o n des c l a s s e s de perfec t ionnement

i l dev ien t n é c e s s a i r e de ce rner d 'une manière p r é c i s e e t o b j e c t i v e

l à popula t ion concernée .

Les t h é o r i e s de B . Inhe lde r , R.Zazzo, A.R. Lur ia e t

R.Perron(2) son t e n s u i t e exposées succintement , en i n t r o d u c t i o n aux

d i r e c t i v e s pédagogiques .

" C e t t e c o n n a i s s a n c e p s y c h o l o g i q u e es t i n d i s p e n s a ­

b l e à un é d u c a t e u r s o u c i e u x de p r o m o u v o i r

une p é d a g o g i e l u c i d e , p a t i e n t e e t s t i m u l a n t e . " ( 3 )

Après ces préambules, l ' exposé des I n s t r u c t i o n s prend

pour support l a no t ion de psychologie géné t ique :

" L a p é d a g o g i e de la c l a s s e de p e r f e c t i o n n e m e n t

p e u t se d i f f é r e n c i e r en c o n s i d é r a n t les n i v e a u x

d ' â g e q u i s o n t a u t a n t de p a l i e r s d o n t d o i t t e n i r

c o m p t e l ' é d u c a t e u r . " ( 4 )

( 1 ) - R e c u e i l des l o i s e t r é g i e m e n t s , A r r ê t é du 12 a o û t 1 9 6 4 , p . 8 3 5 .

( 2 ) - V o i r la p r e m i è r e p a r t i e de n o t r e c h a p i t r e N ° I I , p p . 6 0 - 7 5

( 3 ) - R e c u e i l des l o i s e t r è g l e m e n t s , A r r ê t é c i t é , p . 8 3 5 .

( 4 ) - l d e m , p . 8 3 5 .

Page 83: CA 34ss - Les thèses de l'Université Lumière Lyon 2

-96-

Partant du principe que l'enfant débile passe par les

mêmes stades que l'enfant normal mais avec un décalage dans le temps,

le législateur met en place une pédagogie d'at:tente qui s'appuie sur

la notion de "pré-requis" pour les apprentissages futurs. Il ne s'agit

pas d'une attente passive, mais d'un entraînement, d'une aide apportée

aux enfants pour une évolution plus rapide, le maître mettant son

dynamisme au service des petits débiles qui en sont dépourviB.

Les autres périodes de la vie scolaire suivent 1'ordre

de développement logique, selon les principes de Piaget.

Mais une place importante est faite à la pédagogie de

la réussite:

"On évitera l'échec prévisible au cours préparatoi­re, en faisant entrer l'enfant débile mental en classe de perfectionnement dès son admission à l'école primaire éié m en t aire."(1)

Ce conseil a d'ailleurs rarement été suivi, sans

doute à cause du manque de confiance dans la fiabilité des tests,

d*une réticence à confier les enfants jeunes à ces maîtres "différents"

et aussi en raison de la réputation des classes de perfectionnement,

classes de "fous" ou classes "poubelles".

Pour éviter de reproduire dans la classe spéciale

les situations d'échecs déjà vécues par les enfants avant leur entrée

dans ce circuit, il est fait appel à une pédagogie rénovée, fondée

sur des méthodes nouvelles d'éducation et d'instruction. Sans qu'ils

soient nommés, Decroly et Freinet deviennent les guides de la pédagogie

en classe de perfectionnement:

"L'enseignement pour la vie par la vie doit être le principe sur lequel reposera l'initiation au calcul."(2)

"Le langage écrit...(demande) un enseignement fortement motivé qui trouvera des modalités privilégiées dans le "texte libre", la "correspon­dance interscolaire" le" livre de vie", le journal scolaire"— imprimé si possible."(3)

La notion de pédagogie de la réussite implique un

nouveau regard sur l'enfant débile:

(1)-Recueil des lois et règlements,Arrêté du 12 août 1964,p.835. (2)- Idem,p.837. (3)-ldem, p.839.

Page 84: CA 34ss - Les thèses de l'Université Lumière Lyon 2

- 9 7 -

11 On p r o f i t e r a au m a x i m u m du r é c o n f o r t que d o n n e

ie s u c c è s , dans les a c t i v i t é s où le d é b i l e r é u s s i t

assez b i e n . f , ( D

A l a no t ion de manques se s u b s t i t u e l'idée d'ap­

t i t u d e s à r echercher e t à me t t r e en v a l e u r :

" O n s e r a b i e n i n s p i r é de c o n s i d é r e r c o m m e un p u i s s a n t

l e v i e r p é d a g o g i q u e l ' e x p l o i t a t i o n des a p t i t u d e s les

m o i n s a t t e i n t e s . f , ( 2 )

Au l i e u d ' e s s a y e r de combler l e s dé f i c i ences e t

de r é d u i r e l e s d é v i a t i o n s , i l s ' a g i t maintenant de f a i r e confiance

en l ' ê t r e humain e t en ses p o s s i b i l i t é s i n d i v i d u e l l e s e t on cherche

à "compenser", à " r e v a l o r i s e r " , ( 3 ) à " c u l t i v e r l e s a p t i t u d e s " ( 4)

Ce qui a b o u t i t à une r e l a t i v i s a t i o n de l a no t ion

de q u o t i e n t i n t e l l e c t u e l .

" L e s p o s s i b i l i t é s du d é f i c i e n t i n t e l l e c t u e l à ce n i v e a u

de la s c o I a r i t é ( 14 à 18 ans) ne d o i v e n t pas ê t r e

s o u s - e s t i m é e s . L e q u o t i e n t i n t e l l e c t u e l ne c o n s t i t u e

p l us un é l é m e n t e s s e n t i e l de son e f f i c i e n c e dans

les a c t i v i t é s d ' a t e l i e r s , n i dans c e l l e s que m o t i v e

le d é s i r d ' a c c é d e r à une v i e n o r m a l e . " ( 5 )

Si la préparation à la vie professionnelle reste un objectif important, e t ceci fait l 'objet de l 'Annexe m , si elle amène l 'adolescent, par paliers, à la pratique d'un métier ou à la tenue d'un poste de travail , elle doit aller de pair avec le souci de construction d'une personnalité équilibrée.

Tout ce qui peu t c o n t r i b u e r à l ' épanouissement de

l a personne , à l ' e x p r e s s i o n de s o i , aux r e l a t i o n s avec a u t r u i , à l ' i n t é ­

g r a t i o n s o c i a l e e x t r a - p r o f e s s i o n n e l l e se ra encouragé.

" I l f a u t h a b i t u e r les e n f a n t s à b i e n v i v r e

dans un c l i m a t é d u c a t i f f a v o r a b l e à l ' é q u i l i b r e p e r s o n ­

n e l e t à la s o c i a l i s a t i o n . " ( 6 )

" L e s d i f f i c u l t é s d ' é d i f i c a t i o n de la p e r s o n n e , p e u t -

ê t r e p l us i m p o r t a n t e s c h e z les a d o l e s c e n t s d é b i l e s

que c h e z les a u t r e s a d o l e s c e n t s , j u s t i f i e n t l ' a t t e n t i o n

s y s t é m a t i q u e q u ' o n d o i t p o r t e r à ces p r o b l è m e s . " (7 )

( 1 ) - R e c u e i l des l o i s e t r è g l e m e n t s , A r r ê t é du 12 a o û t 1 9 6 4 , p . 8 3 7 .

( 2 ) - l d e m , p . 8 3 7 .

( 3 ) - l d e m , I b .

( 4 ) ~ l d e m . p . 8 3 9 .

( 5 ) - l d e m , p . 8 4 7 .

( 6 ) - l d e m , p . B 4 0 .

( 7 ) - l d e m , p . 8 4 8 .

Page 85: CA 34ss - Les thèses de l'Université Lumière Lyon 2

-98-

C'est pourquoi:

" L e s a c t i v i t é s d e v r o n t ê t r e p o u r une l a r g e p a r t

des a c t i v i t é s de g r o u p e à la f a v e u r d e s q u e l l e s c o m ­

m e n c e r a l ' a p p r e n t i s s a g e des r e l a t i o n s s o c i a l e s . Sans

m é c o n n a î t r e le r ô l e q u i r e v i e n t à l ' a d u l t e dans

l ' o r g a n i s a t i o n de ces a c t i v i t é s , on f e r a a p p e l à l ' i n i t i a ­

t i v e des é l è v e s , on p e r m e t t r a à l e u r s p o n t a n é i t é

de s ' e x p r i m e r , on é v e i l l e r a en eux le sens de la

r e s p o n s a b i l i t é . L a p r é o c c u p a t i o n des m a î t r e s s e r a

de s u s c i t e r , d ' a n i m e r , de g u i d e r . " ( 1 )

Une autre différence entre les deux sér ies d ' i n s t r u c ­

t ions concerne l 'éducation physique e t e s t exposée dans l 'annexe .-2.

En 1909, le déf ic ient i n t e l l e c tue l é t a i t t r è s souvent

considéré comme déficient physique, d'où de nombreuses précautions

en gymnastique e t en spor t s .

En 1964,

" I l p a r a î t i n d i s p e n s a b l e de r a p p e l e r que l ' é d u c a t i o n

p h y s i q u e f a c i l i t e e t a c t i v e le j eu . n o r m a l des g r a n d e s

f o n c t i o n s du c o r p s h u m a i n . . .

C e s * c o n s i d é r a t i o n s t r è s g é n é r a l e s s ' a p p l i q u e n t

aux é l è v e s d é b i l e s m e n t a u x des c l a s s e s de p e r f e c t i o n ­

n e m e n t corn-me à t o u s les a u t r e s é l è v e s . " ( 2 )

Certes :

" L e s c a r a c t è r e s s p é c i f i q u e s de c e t t e c a t é g o r i e d ' e n ­

f a n t s j u s t i f i e n t une o r i e n t a t i o n p a r t i c u l i è r e , en

m a t i è r e d ' é d u c a t i o n p h y s i q u e . " ( 3 )

On préconise toujours une éducation gestuel le et

un approfondissement des s t ructures spatio-temporelles, déficientes

chez ces enfants, mais les autres d isc ip l ines ne sont plus déconseil­

l ée s :

" A l o r s q u ' à l ' é c o l e i l s n ' o n t c o n n u que des é c h e c s ,

i l s t r o u v e n t dans les a c t i v i t é s p h y s i q u e s , l ' o c c a s i o n

de s u c c è s q u i les v a l o r i s e n t v i s - à - v i s d ' e u x - m ê m e s ,

de l e u r s c a m a r a d e s e t de l e u r e n t o u r a g e ; on p e u t

m ê m e p e n s e r q u ' e l l e s f a v o r i s e n t l e u r d é v e l o p p e m e n t

m e n t a l . " ( 4 )

C'est par le b i a i s de l 'éducation physique que l 'on

peut r é a l i s e r une idée chère à Binet:1' intégration des déf ic ients

i n t e l l e c t u e l s aux ac t iv i t é s des autres é lèves .

( 1 ) - R e c u e i l des l o i s e t r è g l e m e n t s , A r r ê t é du 12 a o û t 1 9 6 4 , p . 8 4 l .

( 2 ) - i d e m , P . 8 4 3 .

( 3 ) - » d e m , l b .

( 4 ) - l d e m , p . 8 4 3 .

Page 86: CA 34ss - Les thèses de l'Université Lumière Lyon 2

-99-

"Dans la mesure où ils peuvent y tenir honorablement leur place il n'y aura que des avantages à intégrer des élèves débiles mentaux dans les équipes normales des établisse ments."(1)

Le texte montre enfin le souci d'associer les maîtres

à l'évolution de la pédagogie dans les classes de perfectionnement,

il ngvfaufcpas oublier que ces directives ont été élaborées à la suite

du dépouillement d'une enquête adressée à l'ensemble des instituteurs

en fonction dans les classes spéciales et que, le législateur, précise:

"Les présentes instructions sont destinées tout particulièrement aux maîtres auxquels il sera deman­dé de promouvoir dans leur classe une pédagogie rénovée; ils y trouveront non pas des recettes ou des procédés, mais des directives destinées à orienter leur effort, et qui leur laiss etit le choix des méthodes et des techniques. Le moment venu, une confrontation entre ces maî­tres permettra d'aller plus avant, et de retenir les plus efficaces de ces méthodes et techniques pédagogiques."( 2)

En résumérles Instructions de 1964 tiennent compte,

à la fois, de la psychologie génétique, des particularités de développe­

ment propres à l'enfant déficient intellectuel, des travaux effectués

par les maîtres pendant les décennies qui précèdent et des méthodes

nouvelles d'éducation scolaire.

Elles établissent une pédagogie par paliers, dont

les objectifs diffèrent selon les étapes:

-de 6 à 12 ans, c'est l'école élémentaire avec une

pédagogie d'attente, une période d'initiation et un temps d'apprentissa­

ges scolaires.

-De 12 à 14 ans, c'est l'école secondaire qui essaie

de consolider les connaissances et différencie les intérêts affectifs

et sociaux.

-de 1JJ. à 16 ou 18 ans, c'est l'initiation à la vie

sociale et professionnelle.

Cette nouvelle conception de la scolarité des enfants

déficients intellectuels permet de respecter les rythmes individuels,

tout en laissant les enfants fréquenter les structures scolaires norma­

les, mais dans des sections parallèles. Le principe fondamental réglant

la prise en charge des enfants débiles étant toujours le retard intel-

(1)-RecueiI des lois et régie ments, A rrêté du 12 août 1964,p.846. (2)-ldem, p.834.

Page 87: CA 34ss - Les thèses de l'Université Lumière Lyon 2

-100-

tuel accompagné d'un pronostic d'irrécupérabilité partielle avec pour

corollaires la lenteur d'acquisitions et le non-accès au stade des

opérations formelles, d'où la nécessité d'utiliser des moyens spécifi­

ques pour atteindre l'objectif final, c'est-à-dire une personnalité

équilibrée et capable d'autonomie sociale et professionnelle.

* * *

Nous venons de voir que l'Ecole,, en 1965, possède

un vaste réseau de classes et écoles de perfectionnement destinées

à la prise en charge scolaire des enfants déficients mentaux éducables.

Elle s'est donné des objectifs précis et sérieux tenant compte des

découvertes interdisciplinaires.Elle est aussi partie prenante dans

les Institutions de type paramédical où elle doit partager ses compéten­

ces avec d'autres intervenants et affirmer la nécessité de sa présence.

Mais c'est le système implanté en 1909 qui reste

en vigueur, toujours fondé sur la thèse médico-pédagogique, avec son

diagnostic de retard et de tare intellectuels dont l'enfant est porteur

et son pronostic d'irrécupérabilité qui démobilise certains pédagogues

et conduit les autres à pratiquer une pédagogie "fermée" ne donnant

pas à l'enfant la possibilité d'aller plus loin que ce qui a été prévu

pour lui, puisqu'il n'est pas en contact avec le monde des élèves

"dits" normaux, y compris dans les structures annexées aux écoles

élémentaires où il ne peut profiter de l'émulation véhiculée par l'hété­

rogénéité.

La thèse de M. Mannoni s'écarte radicalement de

ces principes, car si l'enfant reste le "support" de la déficience

il n'en est plus le seul responsable. M. Mannoni met en avant les

notions de relation et de communication interindividuelles dans la

construction d'une personnalité déficiente. Mais le plus important

est l'apport de solutions thérapeutiques à la débilité, d'où la nécessi­

té d'une attitude pédagogique à long terme.

L'analyse de la période suivante va peut-être nous

permettre de dégager l'influence de cette théorie sur l'évolution

des systèmes de prise en charge des enfants déficients intellectuels.

*

* *

Page 88: CA 34ss - Les thèses de l'Université Lumière Lyon 2

-101-

CHAPITRE III LA REMISE EN CAUSE DES INSTITUTIONS.

"En effet, ce qui transforme le plus une science c'est l'accès d'objets nouveaux. Et l'introduction de ces objets nouveaux n'est pas toujours la conséquence de l'apparition d'une technique nouvelle qui vient accroître l'équipement sensoriel, mais bien plutôt un simple changement dans la manière de regarder cet objet, de l'interroger et de formuler des questions auxquelles l'observation doit répondre. Parfois un simple changement d'éclairage fait disparaître un obstacle jusque-là infranchissable, ou bien fait émerger de l'ombre quelque aspect ou quelque relation jusque-là invisible parcequ'insoupçonnée.(l)

Cette réflexion de G.Broyer relative à l'approche

biologique de l'éducation pourrait s'appliquer, avec quelques varian­

tes, à l'approche psychogénétique de la déficience intellectuelle.

Il n'est pas possible d'affirmer que la thèse de

M.Mannoni constitue, à elle seule, le noyau du changement dans la

conception de la débilité mentale, par contre on peut émettre l'hypothè­

se que cette expression psychanalytique de la déficience, émise dans

un contexte philosophique favorable, va ouvrir la voie à des champs

d'étude jusque-là inexploités.

La pensée existentialiste vient, en effet, de céder

la place au structuralisme? courant issu du modèle linguistique moderne

développé par F. de Saussure. (2)

Le structuralisme a pour principe fondamental 1'Anti-

Humanisme, c'est dans ce sens que M.Foucault proclame la "fin prochai­

ne" de l'homme.(3)

En structuralisme comme en linguistique, chaque

vmhfe n'est signifiante ou pertinente que par le jeu de ses différences

et de ses oppositions avec les autres éléments. C'est encore M.Foucault

qui utilise ce modèle pour exposer la constitution des sociétés qui;

pour trouver leur identité, procèdent à un certain nombre d'exclusions;

ainsi le Moyen-âge rejetait le lépreux et l'âge classique a remplacé

le lépreux par le fou (4), cet autre avec lequel on ne communique pas

et qui permet de se situer, soi-même, comme être de raison.

(1)-BROYER(G.)-Histoire de la pédagogie du XVIIème siècle à nos jours,p.136. (2)-DE 5AUSSURE(F.)-Cours de linguistique générale,Paris,Payot,1961,33ip,

5ème éd i t ion. (3)-FOUCAULT(M.)-Les mots et les chosesfp.398. (4)-ldem,pp.13-17.

Page 89: CA 34ss - Les thèses de l'Université Lumière Lyon 2

-102-

De l'oeuvre de M.Foucault et des structuralistes

nous retiendrons donc qu'une société est un lieu d'échanges et de

communication qui secrète ses déviants et ses marginaux pour se recon­

naître elle-même comme unité pertinente.

E?.ans notre société ce sont les débiles mentaux et

les délinquants qui jouent ce rôle, les inadaptés scolaires étant

ceux qui permettent à l'institution ECOLE de situer ses propres limites.

Le volet de la pensée structuraliste qui intéresse

notre recherche concerne la subordination de l'homme au langage, l'être

humain apparaît ici comme le produit de structures, l'individu ne

peut donc plus se construire indépendamment des relations qu'il établit

avec autrui et que les autres échangent avec lui.

La critique radicale des systèmes de pensée humaniste

de 1'époque précédente correspond à une DESTRUCTURATION ( 1 ) que les

événements de mai 68 vont, semble-t'il , symboliser.

La lecture des cahiers de l'enfance inadaptée, à

partir de la rentrée scolaire 68/69, confirme l'influence de la pensée

structuraliste sur l'évolution de la notion d'inadaptation et l'essai

de destruction des théories explicatives en vigueur auparavant.

Nous avons relevé les articles les plus significa­

tifs, à notre avis, d'une profonde modification des schèmes de pensée,

l'attitude générale étant le scepticisme face aux vérités passées

et le questionnement par rapport à l'avenir.

a)La négation des valeurs traditionnelles.

1-la remise en cause des critères de la débilité.

10-La terminologie.

Dans le N°3 de décembre 1969, un article destiné

aux maîtres débutant dans les classes de perfectionnement s'intitule:

"Qu'est-ce qu'un enfant inadapté?"{2}

Le problème de la notion d'adaptation y est claire­

ment posé.

Pour exister tout individu doit s'adapter aux condi­

tions qu'il rencontre dans son environnement? il possède pour cela

un certain nombre de moyens, mais tous les êtres humains ne sont pas

(D.DESCOMBES(M.)-Le même et I'autrefp.?6 (2)-A D J AD JI(M.)-La classe de perfectionnement- Qu'est-ce qu'un enfant Inadapté?

Les cahiers de l'enfance inadaptéefN°8, septembre 1972»pp.14- 23.

Page 90: CA 34ss - Les thèses de l'Université Lumière Lyon 2

-103-

munis d'outils identiques et quelques uns doivent faire des efforts

supplémentaires pour arriver à vivre, à s'insérer dans la société

des hommes.

Depuis plusieurs années un terme nouveau a été asso­

cié à "inadapté", on parle des enfants "handicapés" et "inadaptés^

les handicapés étant ceux chez lesquels les outils de base nécessaires

à l'adaptation sont réduits ou imparfaits.

Dans l'article signalé, l'auteur cite les différents

types de handicaps possibles, et parmi eux nous lisons le handicap

mental appelé auparavant déficience intellectuelle ou débilité mentale.

Ce handicap particulier entraîne:

"...mauvaise intégration mnémonique, difficultés dans la coordination des représentations mentales, entraînant des troubles du langage, etc..."(1)

Nous lui adjoignons le handicap affectif:

"...hyperémotivité à l'origine d'états anxieux, de trou­bles allant de peurs excessives aux angoisses provo­quant désarroi et inhibitions,etc..."(2)

Ces deux types de handicaps sont susceptibles de

provoquer des formes d'inadaptation scolaire dont l'origine exacte

est difficilement décelable par les maîtres.

L'intérêt de cet article, publié à nouveau en 1972,

réside dans l'accent porté sur les différents termes utilisés:

-Le handicap n'entraîne pas obligatoirement l'inadaptation.

-Etre inadapté ne signifie pas être inadaptable.

-Mais le handicap peut entraîner une inadaptation plus ou moins impor­

tante que l'individu peut rarement surmonter sans une aide particulière.

D'où la nécessité de prendre en charge le handicap

si on veut éviter l'inadaptation.

Le professeur Lagache disait:

"Est inadapté un e n f a n t , un adolescent que l ' i nsu f f i sance de ses ap t i tudes ou les défauts de son c a r a c t è r e m e t t e n t en c o n f l i t avec la réa l i t é et les ex igences de l ' e n t o u r a -ge.(3)

L'enfant é ta i t le principal acteur de son inadaptation, i l n 'é ta i t pas question de modifier le milieu pour facili ter l 'adaptation;

( D - A D J A D J l ( M . ) - A r t i c l e c i t é , p.15. (2)~CH AUVlERE(M)~Opus .c i té ,p .262 . (3) -Les cah iers de l 'en fance inadap tée , N°3 ,1970.

Page 91: CA 34ss - Les thèses de l'Université Lumière Lyon 2

-104-

En 1969, c'est l'environnement qui prend la place importante et doit

pouvoir moduler son action en fonction des besoins.

Notons, pour finir, que le déficit intellectuel

est considéré comme un handicap, au même titre que les autres, ce

qui signifie la remise en cause du pronostic d'irrécupérabilité.

11-Le quotient intellectuel.

Les cahiers de l'enfance inadaptée, dans lesquels

nous relevons le titre suivant: "Age mental et quotient intellectuel-

Réflexions sur la mesure de l'intelligence." s'intéressent également

à ce problème.(l)

C'est cependant dans l'ouvrage de M.Tort:"Le quotient

intellectuel."(2),que nous rencontrons les arguments les plus significa­

tifs d'un désir d'élimination de la pratique psychométrique dans le f (monde de la psychologie de l ' enfant e t de l ' adolescent . I Dans ce l i v re M.Tort expose les raisons qui l'amènent

à réfuter la notion de quotient i n t e l l e c t u e l .

Ses arguments s 'appuient, d'une par t , sur les r é su l ­

t a t s d'enquêtes menées par des psychosociologues e t qui concluent

à l ' i n f é r i o r i t é des enfants des classes populaires e t j u s t i f i en t a ins i

la ségrégation e t la divis ion du t r a v a i l , e t d 'aut re par t , sur l ' obse r ­

vation de var ia t ions considérables du Q.I. d'un même individu en fonc­

t ion de l 'âge e t des conditions de passat ion.

Mais M.Tort ne se contente pas de ce t te c r i t ique

idéologique, i l nie aussi la valeur scientif ique des étalonnages,

mettant en cause l 'hypothèse d'une d is t r ibut ion des in te l l igences

suivant une courbe de Gauss e t la mesure de "quelque chose" qui n ' e x i s ­

te pas ou qui n ' e s t pas mesurable;

"On vo i t c o m m e n t le tes t d ' i n te l l i gence résoud a d m i r a b l e m e n t ce p rob lème apparemment inso lub le , grâce à l 'hypothèse de n o r m a l i t é ' ( d i s t r i b u t i o n en c loche des d i f f é r e n t s Q.I .) . I l y a d 'au t re par t une i n te l l i gence moyenne ( Q . I . = 1 0 0 ) qui est la plus nombreuse et par rappor t à laquel le toutes les autres sont dé f i n ies : l ' i d e n t i t é de la nature humaine est sauvée. Mais les d i f f é r e n c e s ne le sont pas moins: sous l ' e f f e t de mu l t i p l es f a c t e u r s , les ind iv idus s ' éca r ten t plus ou moins de la norme c o m m u n e . H ne reste plus qu'à énoncer : "à chacun selon son

(1)-Les cahiers de l ' en fance i nadap tée , N°3,1970. ( 2 ) - T 0 R T ( M . ) - L e q u o t i e n t i n t e l l e c t u e l , P ar is , Maspéro, 1974.

Page 92: CA 34ss - Les thèses de l'Université Lumière Lyon 2

- 1 0 5 -

i n t e l l i g e n e e " , ou e n c o r e : " à c h a c u n , s e l o n la d i f f é r e n c e

q u i le s é p a r e de la m e s u r e c o m m u n e . " ( 1 )

On peut remarquer le ton ironique de ce t te argumenta­

t ion e t la c r i t ique radicale de la méthode des t e s t s .

12-La déb i l i t é mentale.

La destruction dek.notion de quotient i n t e l l ec tue l

entraîne une a t t i t ude c r i t ique face à la d é b i l i t é mentale légère e t

moyenne, c e l l e - c i étant toujours dépistée à l ' a i d e des t e s t s d ' e f f i ­

cience i n t e l l e c t u e l l e .

Des réflexions sur la "notion de déb i l i t é " (2) ,

le "concept de débi l i té"(3) apparaissent dans les cahiers de l 'enfance

inadaptée, puis on se demande: "Que fa i re de la débi l i té?"(4)

Dans un a r t i c l e , publié dans la revue Epanouir,

le Docteur S.Tomkiewicz dénonce l ' a s s imi la t ion qui a été f a i t e entre

les déf ic ients i n t e l l ec tue l s d 'or igine organique e t des enfants l a i s sés

pour compte dans un milieu scola i re peu favorable au développement

i n t e l l ec tue l e t à la demande sco la i re , l'amalgame étant dû à la traduc­

t ion du dé f i c i t en r é su l t a t s ch i f f rés , dépouillés de toute nuance

c l in ique .

Mais S.Tomkiewicz s 'é lève également contre la p r a t i ­

que généralisée des psychothérapies qui contribue à masquer le problème

social de la déb i l i t é moyenne et légère .

" P a s p l us que l ' a c i d e g l u t a m i q u e , la p s y c h o t h é r a p i e ,

m ê m e b i e n r é u s s i e , n 'a j a m a i s f a i t passé le b a c c a l a u ­

r é a t à un e n f a n t issu des m i l i e u x p o p u l a i r e s e t é t i q u e t é

d é b i l e l é g e r ou m ê m e p s e u d o - d é b i l e . . . P I u s n a v r a n t s

s o n t le m é p r i s des p r o b l è m e s c o r p o r e l s e t de s a n t é ,

si i m p o r t a n t s c h e z les v r a i s d é f i c i e n t s m e n t a u x g r a v e s

ou m o y e n s , e t la m é c o n n a i s s a n c e du p r o b l è m e é c o n o m i ­

que e t s o c i a l de la d é f i c i e n c e m e n t a l e . . . A v e c la m e i l ­

l e u r e b o n n e v o l o n t é du m o n d e e t t o u t c o m m e l e u r s

a d v e r s a i r e s o r g a n i c i s t e s , les " p s y c h o l o g i s a n t s " c o n t r i ­

b u e n t à m a s q u e r un f a i t m a s s i f , à s a v o i r : l ' h é t é r o g é n é i -

t é du c o n c e p t e t le c a r a c t è r e p o l i t i q u e , c u l t u r e l

e t s o c i a l de la p r e s q u e t o t a l i t é des d é f i c i e n c e s l é g è r e s

e t d ' u n e p a r t i e des d é f i c i e n c e s m o y e n n e s . " ( 5 )

( D - T O R T ( M . ) - L e q u o t i e n t i n t e l l e c t u e l , p p . 1 7 9 - 1 80

( 2 ) - L e s c a h i e r s de l ' e n f a n c e i n a d a p t é e , N ° 7 , a v r i l 1 9 6 8 .

( 3 ) - l d e m , N ° 6 , m a r s 1 9 6 8 .

( 4 ) - l d e m , N ° £ d é c e m b r e 1 9 6 9 .

( 5 ) - T O M K I E W I C 2 ( S . ) - R e v u e E p a n o u i r , N ° 8 4 , J a n v i e r - F é v r i e r l 9 7 7 .

Page 93: CA 34ss - Les thèses de l'Université Lumière Lyon 2

-106-

Dans cette remise en cause, c'est le concept de

débilité mentale qui est attaqué et non pas l'existence d'enfants

qui, pour des raisons d'ordre génétique ou non, n'arrivent pas à suivre

une scolarité telle qu'elle a été prévue dans les textes et souhaitée

par les enseignants:

"Depuis vingt ans qufon mfa annoncé la mort du débile, ii me semble en avoir vu de bien réels..."(1)

Monsieur Inizan s'exprime ainsi, insinuant comme

S.Tomkiewicz qu'il existe de vrais déficients mentaux, mais cette

constatation ne l'empêche pas d'intituler son ouvrage: "Les enfants

"dits" débiles, c'est-à-dire "tous ceux qui fréquentent une classe

ouverte et conçue pour eux.•.(où) seules sont appropriées des interven­

tions inégales ajustées personnalisées."(2)

L'enfant débile n'est donc pas défini, ici, par 1

des critères organiques ou psychologiques mais par la ségrégation#y%

dont il est l'objet.

On peut alors se demander si, en supprimant les

classe spéciales on n'éliminerait pas, en même temps ,1a notion de

débilité, du moins en ce qui concerne la population des classes de

perfectionnement, les enfants plus profondément atteints étant pris \

en charge dans des institutions n'appartenant pas à l'éducation nationa- %J

le.

2-La remise en cause des institutions.

20-"Faut-il supprimer les classes spéciales?"

Tel est le titre d'un article publié dans les ca­

hiers de l'enfance inadaptée en octobre 1969.(3)L'auteur, G.Lautier,

appuie son raisonnement sur des propos tenus par différents chercheurs

et penseurs

Il aborde ainsi cinq thèmes:

1-Les dangers de la ségrégation.

"La psychodynamique se trouve lourdement grevée."(4)

d'après A.Busemann

2-La négation du débile type.

ttÎL'approche phénoménologique du problème du psychis-

( 1 ) - 1 N 1 Z A N ( A . ) , T E S T A Y R E ( R . ) - L e s e n f a n t s " d l t s ^ d é b i l e s , p .25 . ( 2 ) - I d e m , p .24 .

( 3 ) - L e s c a h i e r s de l ' e n f a n c e i n a d a p t é e , N ° 1 , o c t o b r e 6 9 , p p . 2 0 - 2 3 ( 4 ) - i d e m , p . 2 1

Page 94: CA 34ss - Les thèses de l'Université Lumière Lyon 2

- 1 0 7 -

me h u m a i n nous i n t e r d i t p r e s q u e l ' u s a g e des s t a t i s t i ­

ques dans l ' a p p l i c a t i o n de l e u r s l o i s aux cas i n d i v i d u e l s . " ( 1 )

3- Le mythe de la pédagogie spécia le .

En réponse au Docteur Schonberger qui pense que:

" L a s t r u c t u r e s c o l a i r e n o r m a l e p a r a î t une e n t r a ­

ve à l a d i f f é r e n c i a t i o n , à l ' i n d i v i d u a l i s a t i o n

de l ' e n s e i g n e m e n t q u i e s t n é c e s s a i r e p o u r l e s

h a n d i c a p é s . " ( 2 )

G. Lautier d i t :

"Se h â t e r de c o n c l u r e que le m i l i e u s c o l a i r e n o r m a l

ne c o n v i e n t pas aux i n a d a p t é s s u p p o s e r a i t que s o i t

r é s o l u le p r o b l è m e q u i es t a n t é r i e u r à c e t t e q u e s t i o n

e t q u i es t de s a v o i r si l ' i m p o s s i b i l i t é de d i f f é r e n c i a ­

t i o n e t d ' i n d i v i d u a l i s a t i o n n ' e s t pas t o u t a u t a n t

p r é j u d i c i a b l e aux e n f a n t s n o r m a u x q u ' a u x e n f a n t s

i n a d a p t é s . ( 3 )

" L a p é d a g o g i e r é s e r v é e aux h a n d i c a p é s n ' e s t sans

d o u t e pas auss i é l o i g n é e de c e l l e q u i , s e l o n les p é d a g o ­

gues m o d e r n e s d o i t ê t r e de r è g l e a v e c les e n f a n t s

n o r m a u x p u i s q u e c ' e s t en p a r t a n t de l ' é t u d e des

d é f i c i e n t s que M a d a m e M o n t e s s o r i e t D e c r o i y son t

p a r v e n u s à é d i f i e r l e u r s y s t è m e é d u c a t i f . " ( 4 )

4- Le respect de la personnali té globale de l ' en fan t .

Reprenant les propos du Docteur Kerschawf G.Lautier

estime que l ' éco le ne doi t pas ê t re considérée:

" . . . s e u l e m e n t c o m m e un l i e u d ' e n s e i g n e m e n t , n i

l ' e n f a n t u n i q u e m e n t c o m m e un é l è v e . " ( 5 )

5-Le droit à la commune culture.

C'est au philosophe Alain que G.Lautier emprunte cet­

te réflexion.

" L ' e n f a n t a c e t t e a m b i t i o n d ' ê t r e un h o m m e . A l l o n s -

nous c h o i s i r , nous a u t r e s , e t r e f u s e r le b a p t ê m e h u m a i n

au f r i v o l e e t à l ' e n d o r m i ? " ( 6 )

( 1 ) - L e s c a h i e r s de l ' e n f a n c e i n a d a p t é e , N ° 1 , o c t . 6 9 , p . 2 2 .

( 2 ) - l d e m , p . 2 1 .

( 3 ) - l d e m , p . 2 1 .

( 4 ) - l d e m , p . 2 2

( 5 ) - l d e m , p . 2 1

( 6 ) - l d e m , p . 2 2

Page 95: CA 34ss - Les thèses de l'Université Lumière Lyon 2

- 1 0 8 -

G.Lautier prend résolument p a r t i pour l ' i n t ég ra t ion

des enfants handicapés dans les classes normales, ceci afin de pou­

voir leur apporter l e maximum de chances d ' inser t ion socia le , mais

i l i n s i s t e sur un cer ta in nombre de conditions à remplir pour que

ce t t e intégrat ion so i t réuss ie :

" L a s o l u t i o n q u i e n t r a î n e r a i t une i n t é g r a t i o n des

e n f a n t s i n a d a p t é s à l ' é c o l e p e u t ê t r e c h e r c h é e dans

l ' i n s t a u r a t i o n d ' u n e n s e i g n e m e n t à la f o i s c o m m u n

e t à o p t i o n s q u i r o m p r a i t a v e c la d i v i s i o n en c l asses

i m m u a b l e s p o u r une a n n é e s c o l a i r e . C e t t e f o r m e

d ' e n s e i g n e m e n t p e r m e t t r a i t de s a t i s f a i r e les d i v e r s

g o û t s e t a p t i t u d e s en m ê m e t e m p s que de v i v r e

les v i t e s s e s d ' a p p r e n t i s s a g e d i f f é r e n t e s s u i v a n t les

m a t i è r e s . C e r t a i n e s des o p t i o n s p o u r r a i e n t r e p r é s e n t e r

p o u r les e n f a n t s h a n d i c a p é s , t o u s les e x e r c i c e s de

r é é d u c a t i o n s que nous c o n n a i s s o n s . . . " ( 1 )

On devrait également prévoir:

" L e s o u t i e n des m a î t r e s des c l a s s e s n o r m a l e s c o m p t a n t

p a r m i l e u r s é l è v e s des e n f a n t s h a n d i c a p é s p a r une

é q u i p e de s p é c i a l i s t e s du t y p e r é é d u c a t e u r s i t i n é r a n t s . " ( 2 )

Ces conditions réalisées, certaines limites sont à considérer:

" P o u r les g r a n d s p e r t u r b é s i l s e r a i t sans d o u t e n é c e s s a i r e

de p r é v o i r une p é r i o d e p r e m i è r e d ' i s o l e m e n t du m i l i e u

n o r m a l t e n d a n t à f a m i l i a r i s e r l ' e n f a n t h a n d i c a p é

a v e c la s i t u a t i o n de r é u s s i t e . S u i v r a i e n t une p é r i o d e

m i x t e , p u i s u n e p é r i o d e d ' i n s e r t i o n a v e c s o u t i e n

e t e n f i n , u n e p é r i o d e d ' a u t o n o m i e . C e p e n d a n t ne

nous l e u r r o n s p a s : c e r t a i n s cas e x t r ê m e s , c e r t a i n s

h a n d i c a p é s s e r o n t t o u j o u r s à é c a r t e r du m i l i e u n o r m a l

m ê m e r é n o v é . " ( 3 )

Nous ne sommes qu'en 1969, e t pourtant G.Lautier

ne semble r ien avoir oublié de ce qui para î t indispensable pour

organiser une pr i se en charge sérieuse e t non- ségrégative.

Ses propos ne sont d ' a i l l eu r s pas nouveaux, puisque,

malgré les nuances dues à l ' évolut ion des idées e t des techniques,

nous les l i s ions déjà dans les lignes éc r i t es par Binet avant la

« création de la lo i de 1909.(4)

Cependant, après le discours théorique e t le rappel

de t r o i s conditions fondamentales, à son avis :

( 1 ) - L e s c a h i e r s de l ' e n f a n c e i n a d a p t é e , N ° 1 , o c t o b r e 1 9 6 9 , p.24

( 2 ) - l d e m , p .22

( 3 ) 4 d e m , p . 2 3

(4)-Voix chapitre I, £p.50,31 et 36.

Page 96: CA 34ss - Les thèses de l'Université Lumière Lyon 2

- 1 0 9 -

- l 1 accue i l de tous les enfants à l ' é co l e maternelle.

- l a formation des enseignants.

- l a transformation de l ' é co le en l ieu d'éducation globale.

G.Lautier termine sur une note pessimiste:

"La suppression des classes spéciales n'est pas pour demain."(1)

Et i l inv i te tous les volontaires à t r a v a i l l e r dans

le sens de 1'INTEGRATION.

21- La remise en cause de l 'Ecole .

Au delà de la c r i t i que de la ségrégation des enfants

handicapés, G.Lautier remet en cause la pédagogie t rad i t ionne l le

et propose la général isat ion des pédagogies rénovées.

D'autres auteurs , plus v i ru lents attaquent vigoureuse­

ment l ' I n s t i t u t i o n scola i re ac tue l l e , à laquelle i l s reprochent

de ne pas avoir évolué depuis la création de l ' éco le obl iga to i re :

" L o r s q u ' e n 1932 le M i n i s t è r e de l ' I n s t r u c t i o n

p u b l i q u e es t d e v e n u M i n i s t è r e de l ' E d u c a t i o n

n a t i o n a l e , ce c h a n g e m e n t de d é n o m i n a t i o n

n 'a j a m a i s é t é s u i v i d ' u n e m o d i f i c a t i o n des

o b j e c t i f s e t du c a d r e i n s t i t u t i o n n e l . On v o u l a i t

s e u l e m e n t e x p r i m e r une v o l o n t é t o u t e f o r m e l l e

de d é m o c r a t i s a t i o n . I l es t d r a m a t i q u e p o u r

les é l è v e s , que la d é m o c r a t i s a t i o n de l ' é d u c a t i o n

n a t i o n a l e n ' a i t j a m a i s é t é c o n ç u e a u t r e m e n t

que c o m m e l ' e x t e n s i o n t h é o r i q u e m e n t à t o u s ,

— d ' u n s y s t è m e d ' i n s t r u c t i o n é l a b o r é dans le

c a d r e de la s o c i é t é b o u r g e o i s e e t de l ' é t a t

c e n t r a l i s t e des d é b u t s de la t r o i s i è m e R é p u b l i q u e . " ( 2 )

L ' é c o l e a p o u r e u x u n e f o n c t i o n r e p r o d u c t r i c e :

" U n e des f o n c t i o n s de l ' é c o l e es t sans d o u t e

de t r a n s m e t t r e le s a v o i r m a i s sa f o n c t i o n s o c i a l e

es t en d e r n i è r e i n s t a n c e de " m a s q u e r les m é c a ­

n i s m e s i d é o l o g i q u e s de la r e p r o d u c t i o n des

c o n d i t i o n s du m a i n t i e n de l ' o r d r e s o c i a l . " . . . " E 11 e

f o u r n i t à l ' o r d r e s o c i a l é t a b l i sa l é g i t i m a t i o n . "

p a r un d o u b l e m é c a n i s m e :

- d ' u n e p a r t l ' i n c u l c a t i o n d ' u n s y s t è m e de v a l e u r s

q u i es t c e l u i des c l a s s e s d o m i n a n t e s ;

- d ' a u t r e p a r t la s é l e c t i o n sur des c r i t è r e s

c u l t u r e l s de la c l a s s e d o m i n a n t e " q u i r é s e r v e

l ' a p p r e n t i s s a g e de la c u l t u r e aux g r o u p e s d o m i ­

n a n t s ou p l u t ô t à ses h é r i t i e r s . " ( 3 )

( 1 ) - L A U T I E R ( G . ) ~ A r t i c l e c i t é , p . 2 3 .

( 2 ) - C i T R 0 N ( S . ) - L , é c o I e b l o q u é e , p . 5

( 3 ) - H ON OR E ( S . ) - L a p é d a g o g i e au X X è m e s i è c l e , p . 127 , (des c i t a t i o n s de

du l i v r e " L e s h é r i t i e r s " , de B o u r d i e u e t P a s s e r o n s o n t

r e p r i s e s i c i . )

Page 97: CA 34ss - Les thèses de l'Université Lumière Lyon 2

-110-

Entre l'école reproductrice et gardienne des tradi­

tions et les enfants des classes dominées, le message ne passe pas,

il y a absence de communication? ces enfants pensent perdre leur

temps à l'école, parce que ce qui leur est enseigné leur semble

inutile pour leur vie future.

Ce sont eux qui constituent la grande majorité des

inadaptés que l'école est accusée de fabriquer.(1)

A moins que, allant encore plus loin dans l'analyse,

on considère que l'école est, elle-même, inadaptée aux enfants,

ce qui amène les partisans de cette affirmation à opter, soit pour

une transformation du système scolaire, par le biais, par exemple,

des pédagogies non-directives,(2)soit pour la suppression de 1'Insti­

tution-Ecole .( 3)

Toutes les remises en cause que nous venons de signa­

ler ont pour objectif commun de mettre l'accent sur l'attitude inéga-

litaire et l'intolérance d'une société jalouse de ses prérogatives.

La volonté de changement dans les rapports sociaux,

liée à l'attitude structuraliste des sociologues va permettre de

nouvelles approches de la débilité mentale.

b)de nouvelles approches de la déficience intellectuelle.

1-L'approche psychosociologique.

L'explication sociologisante de la déficience intel­

lectuelle n'est pas récente.

Dans "Les idées modernes sur les enfants", Binet

y fait allusion lorsqu'il dit, à propos des questions que se posent

les meilleurs maîtres s

"Ils semblent admettre implicitement que dans une classe où il y a des premiers, il doit y avoir aussi des derniers, que c'est là un phénomène naturel, inévitable, dont un maître ne doit pas se préoccuper, comme l'existence de riches et de pauvres dans une société."(4)

(D-MUEL(F.)-Qui fabrique les Inadaptés?,!. • Education, 01/05/75, p.19. (2)-BESSE(J.M.)-La pédagogie au XXème siècle, p.176. (3)-ILLICH(Y.)~Une société sans école,Paris, Seuil, 1971,187p. (4)-BINET(A.)-0pus. cité, p.20.

Page 98: CA 34ss - Les thèses de l'Université Lumière Lyon 2

-111-

C'est justement cette absence de remise en cause

de la légimité des différences constatées entre les groupes compo­

sant une société, qui est dénoncée par R.Perron dans sa critique

de la conception sociologisante traditionnelle de la débilité, celle-

ci étant fondée sur la croyance en une dominance( intellectuelle,éco­

nomique,) naturelle d'une classe sociale sur les autres,(1) élite

qui se perpétue d'une manière héréditaire ou par le biais de l'éduca­

tion et des soins matériels donnés aux enfants.

La conception innéiste et héréditaire du déficit

intellectuel a encore ses adeptes dont le mérite est de ne pas lais­

ser tomber dans l'oubli les premiers balbutiements de l'histoire

de l'enfance inadaptée et d'oser donner un avis dans un contexte

qui ne leur est pas favorable.

La conception qui évoque le rôle des carences familia­

les et sociales dans les accidents de construction de la personnalité

chez l'enfant est partagée par un grand nombre de pédiatres et

de psychiatres, mais ce sont encore les caractéristiques psychologi­

ques individuelles qui sont porteuses de l'échec à l'école, d'où

la préconisation d'une pédagogie de compensation réservée à ce type

d'enfants.

Par contre, R.Zazzo, s'il réaffirme l'existence de

la débilité mentale chez l'enfant ainsi que ses déterminants et

et l'impuissance de l'humanité à résoudre ces problèmes:

("La débilité est la première zone d'insuffisance m entale...insuffisance dont les déterminants sont biologiques( normaux ou pathologiques) et d'effet irréversible dans l'état actuel de nos connaissances.)(2)

met aussi en scène la société comme organisateur de certains détermi­

nants de la déficience:

"Certains déterminants sont indépendants de

la société, les autres dépendent d'elle exclusi­vement et sont donc extrêmement variables d'une époque à l'autre et différents selon qu'il s'agit de là petite enfance, de la période scolaire ou de l'âge adulte."(3)

R.Zazzo fait ainsi le partage entre les causes d'ordre bio-

(D-PERRON(R.)-Opus.cité, pp.56-61.

(2)-ZAZZ0(R.)~Les débilités mentales, p.46.

(3)-ldem, p.43.

Page 99: CA 34ss - Les thèses de l'Université Lumière Lyon 2

- 1 1 2 -

logique, ou psycho-biologique e t les éléments socio-affect i fs ou

socio-cul turels qui peuvent aussi influencer l ' é v e i l de l ' i n t e l l i g e n ­

ce de l ' en fan t .

I l met également l ' accent sur le caractère r e l a t i f

de la déb i l i t é dans un plan diachronique e t sur un plan synchroni-

que.Et pour l u i , c ' e s t la société en place qui déf in i t les c r i t è r e s

de la déb i l i t é pour chaque période de la vie des individus.

" L e s c r i t è r e s de l a s o c i é t é v a r i e n t d ' a i l l e u r s

a v e c le n i v e a u de ses e x i g e n c e s . L a b o r n e s u p é r i e u r e

de l a " d é b i l i t é f i x é e à . 70 p a r T e r m a n au d é b u t

du s i è c l e s 'é lève g r a d u e l l e m e n t de .75 à . 8 0 . Dans

les t r a v a u x de c o m m i s s i o n du 6 è m e p l a n on a m ê m e

p r o p o s é le c h i f f r é de . 8 5 . . .

A v e c la s c o l a r i t é o b l i g a t o i r e la d é b i l i t é a f a i t son

a p p a r i t i o n . a v e c la p r o l o n g a t i o n des é t u d e s e l l e

g a g n e du t e r r a i n . J u s q u ' o ù i r a - t ' e l l e , q u a n d l ' U n i v e r s i ­

t é d e v i e n d r a à son t o u r o b l i g a t o i r e . " ( 1 )

En France, e t pour la période qui nous concerne,

l 'exigence es t encore supérieure à ce l l e des autres pays, puisque

ce l l e - c i n 'a pas retenu la c l ass i f i ca t ion ar rê tée par l 'o rganisa t ion

mondiale de la santé (OMS) comme en témoigne l e tableau comparatif

ci-dessous:(2)

I 1 Q.I.

rso- •

bo 65,

50 .

[35

[30

[20

classification française

débile léger simple ou avec troubles associés. [

débile moyen

débile profond

arriéré profond

classification O.îvi.S. |

1

arriération légère I

arriération modérée

| arriération sévère

arriération profonde I

l I ( D - Z A Z Z O ( R . ) - O p u s . c i t é , N o t e l , p . 4 5 .

( 2 ) - T 0 M K l E W I C Z ( S . ) - D a n s E p a n o u i r , N ° 8 4 , J a n v i e r - f é v r i e r 1 9 7 7 .

Page 100: CA 34ss - Les thèses de l'Université Lumière Lyon 2

-113-

Le tableau indique la sévérité de la France vis à

vis des enfants déficients intellectuels, d'une part, mais aussi

le besoin de diviser en deux groupes le premier stade de la débilité.

Notre expérience personnelle de l'observation continue

des enfants à l'école nous permet d'affirmer que l'intolérance et

le manque d'adaptation des programmes aux besoins des jeunes varient

selon les groupes scolaires, et il n'est pas rare d'entendre dire

que pour réussir en sixième il faut avoir un quotient intellectuel

égal ou supérieur à .110; un redoublement au CM2 pour immaturité

ou l'entrée en sixième à un âge supérieur à la "normale" menant

l'enfant à un échec presque certain en secondaire.

Nous rejoignons donc entièrement R.Zazzo dans son

constat de l'influence des groupes sociaux sur la détermination

des limites de la débilité. Cependant^ ce point de vue reste lié

à un point de repère unique: le quotient intellectuel de l'enfant

au moment où on constate son échec.

C.Chiland, dans: "L'enfant de six ans et son avenir.",

à la suite d'une étude longitudinale, considère que 20 à 25% des

enfants sont en échec scolaire grave à la fin de leur scolarité

primaire, elle en déduit que l'enseignement élémentaire doit11 être

repensé" et que:

"Les ministres successifs de l'Education nationale

n'ont pas su ou n'ont pas pu le faire. Les textes

reflètent la conception intellectualiste de l'école

française, qui définit un p r o g r a m m e pour les mieux

doués.'f(1)

Dans une recherche publiée en 1959, M.J.Chombart

de Lauve a essayé de sélectionner des variables du milieu et de

l'hérédité dans l'étude des troubles du comportement.{2)

Les résultats de ce travail interdisciplinaire confir­

ment l'influence de certains facteurs sociaux sur le développement

physique et psychique des enfants.

Ce type d'étude portant sur le rôle des facteurs

sociaux dans la genèse de l'intelligence chez l'enfant a donné lieu

à une abondante littérature dont M.Gilly et L.Merlet-Vigier ont

entrepris de faire l'analyse.(3)

(l)-CHIL A N D(C.)-L'enfant de sîx ans et son avenir,p.66

( 2 ) - C H 0 M B A R D D E L A U V E (M. J .)-Psychopathologie sociale de l'enfant Inadapté.

(3)-GILL Y(M.) et M E R L E T-Vl G IE R(L .)-Milieu et débilité mentalefdans les "débîli-mentales", pp.204-208.

Page 101: CA 34ss - Les thèses de l'Université Lumière Lyon 2

- 1 1 4 -

Après les réserves d'usage, r e l a t ives aux pos s ib i l i t é s

de général isa t ion des r é s u l t a t s , les auteurs ont retenu t r o i s points

q u ' i l s considèrent comme non contestables:

" 1 - U n e c o r r é l a t i o n p o s i t i v e e x i s t e e n t r e la h i é r a r c h i e

des c a t é g o r i e s s o c i o - p r o f e s s i o n n e l l e s e t la h i é r a r c h i e

de q u o t i e n t s i n t e l l e c t u e l s m o y e n s des e n f a n t s q u i

en s o n t i ssus . A u s s i e s t - c e p a r m i les p l u s d é f a v o r i s é s

que l ' o n t r o u v e à la f o i s le n i v e a u i n t e l l e c t u e l m o y e n

le p l u s bas e t en m ê m e t e m p s , du f a i t du d é c a l a g e

des d i s t r i b u t i o n s de l ' i n t e l l i g e n c e , le p l u s g r a n d n o m ­

b r e de s u j e t s d é b i l e s m e n t a u x ,

2 - L ' a p p a r t e n a n c e à une c o m m u n a u t é u r b a i n e ou

r u r a l e i n f l u e sur le n i v e a u i n t e l l e c t u e l m o y e n , s y s t é m a ­

t i q u e m e n t m o i n s é l e v é en m i l i e u r u r a l . Ce q u i i m p l i ­

que é g a l e m e n t que l ' o n t r o u v e p l u s de d é f i c i e n t s

m e n t a u x à la c a m p a g n e q u ' à la v i l l e .

3 - l l y a une c o r r é l a t i o n n é g a t i v e e n t r e le n i v e a u

m o y e n d ' i n t e l l i g e n c e e t la d i m e n s i o n de la f r a t r i e .

A u t r e m e n t d i t la p r o b a b i l i t é de t r o u v e r des d é b i l e s

es t p l u s f o r t e dans les f a m i l l e s n o m b r e u s e s que dans

les f a m i l l e s a y a n t peu d f e n f a n t s . " ( 1 )

Mais ces facteurs e t d 'autres moins évidents dans

leuîrs conclusions, n'apportent pas la preuve de l ' e n t i è r e responsabi­

l i t é du milieu dans la const i tut ion de la d é b i l i t é .

" A u n i v e a u du d i a g n o s t i c i n d i v i d u e l , i l es t e n c o r e

la p l u p a r t du t e m p s i m p o s s i b l e de d i r e si un s u j e t

es t d é b i l e p a r c e que ses p a r e n t s le s o n t , e t q u ' i l

a " h é r i t é " de l e u r d é b i l i t é , ou p a r c e que l ' i n d i g e n c e

du m i l i e u s o c i o - f a m i l i a l dans l e q u e l i l es t né n 'a

pas p e r m i s l ' é p a n o u i s s e m e n t de ses f a c u l t é s p o t e n t i e l -

l es . (2 )

On constate cependant:

" . . . l ' i n f l u e n c e c a p i t a l e du m i l i e u au c o u r s des p r e m i è ­

res a n n é e s de la v i e , . . . a u c o u r s des deux p r e m i è r e s . " ( 3 )

" P a r la s u i t e , la c o m m u n a u t é de m i l i e u l o r s q u ' e l l e

p e u t ê t r e r é a l i s é e p o u r des e n f a n t s p l u s âgés issus

de m i l i e u x i n i t i a l e m e n t t r è s d i f f é r e n t s , n ' a pas l ' a c ­

t i o n q u e l ' o n p o u v a i t e s p é r e r . . .

S ' i l y a i n t e r v e n t i o n , e l l e d o i t de t o u t e é v i d e n c e ,

se p r o d u i r e b i e n a v a n t l ' a c c e s s i o n de l ' e n f a n t à

la v i e s c o l a i r e . . . " (4)

( D - G I L L Y ( M . ) e t M E R L E T - V I G IE R(L . ) - O p u s . c i t é , p . 2 0 4 .

( 2 ) - l d e m , p . 2 0 5 .

( 3 ) - î d e m , p . 2 0 6

( 4 ) - l d e m , p . 2 0 6

Page 102: CA 34ss - Les thèses de l'Université Lumière Lyon 2

-115-

L'abondante littérature consacrée, à partir de 60/65/

à l'influence du milieu comme déterminant de la débilité montre à

quel point les sociologues de tendance structuraliste ont aujoud'hui

un impact capital sur les théories explicatives de la déficience

intellectuelle .

L'influence du milieu sur la genèse de l'intelligence

est démontrée, mais à partir de ce point commun, les auteurs divergent

en ce qui concerne la part laissée à l'hérédité dans la genèse de

l'intelligence, certains auteurs allant jusqu'à nier tout apport

génétique,et le rôle de l'école dans la fixation des déficiences,

certains disant qu'il est déjà trop tard pour intervenir, d'autres

rendant l'institution scolaire entièrement responsable des inégalités

sociales

Il est peu probable que ces deux types de chercheurs

trouvent un terrain d'entente, les uns s'intéressant aux "cas indivi­

duels" pour lesquels ils veulent retrouver un moyen de communication

avec la société, les autres partant de l'hypothèse d'une société

qui cherche à survivre, donc à reproduire les inégalités qui lui

ont permis de naître,

A court terme, et si l'on prend pour base le modèle

des sociologues contestataires de mai 68(1), thèse qui a pour thème

la remise en cause d'une école reproductrice d'une société inégalitai-

re, on peut penser, avec G.Lautier(2) que l'enseignement spécial

vivra encore, car jamais aucune société n'a entrepris volontairement

sa destruction en supprimant les institutions qui lui permettent

de conserver son identité, et, en ce qui les concerne, les institu­

tions travaillent, elles aussi, à leur maintien.

Par contre, les événements de mai 68 ont permis aux

hommes d'exprimer leurs ressentiments et leurs souhaits, chacun

a pu reprendre la parole et être écouté, sinon entendu.Dans les moments

difficiles on a pu constater que l'écoute de 1'AUTRE, la tolérance

et la solidarité pouvaient encore exister.

Mai 68 n'a peut-être pas donné les résultats escomptés

au plan du changement de société, mais les événements ont, au moins,

permis de retrouver certaines valeurs enfouies depuis des décennies.

D'où une prise de conscience accrue des problèmes

de ségrégation, des difficultés de communication, des malaises à

vivre des personnes handicapées en général et des enfants d'âge

scolaire en particulier.

(1)-Voir Chapitre îil, p.109 (2)-ldem, p.108

Page 103: CA 34ss - Les thèses de l'Université Lumière Lyon 2

-116-

C'est pourquoi on ne peut oublier que:

" . . . l e s p r o g r è s de la p s y c h o p a t h o l o g i e de l ' e n f a n t

e t de la p s y c h i a t r i e p e r m i r e n t que s o i e n t d é f i n i e s ,

s i n o n r é s o l u e s , les d i f f i c u l t é s que r e n c o n t r e n t les

é c o l i e r s d i t s " i n a d a p t é s " . (1)

Ainsi les travaux de M.Mannoni e t de ses pa i rs gardent

toute leur valeur:

" C e r t e s d e p u i s p e u l ' a n a l y s e i n s t i t u t i o n n e l l e é l a r g i t

le d é b a t en s o u l i g n a n t que l ' é t i o l o g i e de " l ' i n a d a p t a ­

t i o n " d o i t i n c l u r e les d i m e n s i o n s s o c i a l e s e t que

son i n t e r p r é t a t i o n ne p e u t a b s t r a i r e l ' e n v i r o n n e m e n t

g l o b a l q u i en c o n d i t i o n n e l ' é m e r g e n c e ou l ' e n t r e t i e n ,

m a i s l ' a p p r o c h e p s y c h o l o g i q u e f u t e t r e s t e e s s e n t i e l l e . " ( 2 )

L'apport psychosociologique , s ' i l n ' e s t pas u t i l i s é

comme seul système expl ica t i f , permet à l ' individu inadapté de passer

du rôle d'objet—objet des inéga l i tés sociales ou biologiques, objet

des ressentiments de l 'entourage immédiat— au s t a tu t de sujet réag is ­

sant à un mode de fonctionnement de l'environnement proche ou lo in t a in .

D'où la pr i se de posi t ion de C.Chiland contre la

notion d ' inadaptat ion:

" . . . l a n o t i o n d ' i n a d a p t a t i o n es t f i n a l e m e n t à r e j e t e r ,

e l l e m a s q u e ce q u i dans la p e r t u r b a t i o n de l ' e n f a n t

ou de l ' a d u l t e , r e l è v e du m i l i e u p e r t u r b a n t e t non

du s u j e t p e r t u r b é . R e f u s e r de s ' a d a p t e r p e u t ê t r e

un s i g n e de s a n t é m e n t a l e v i g o u r e u s e . . . C e p e u t ê t r e

m a l g r é une p e r t u r b a t i o n m a n i f e s t e , un m o i n d r e m a l

dans la l u t t e c o n t r e un m i l i e u p e r t u r b a n t . L e p s y c h i a ­

t r e es t donc a m e n é à d é n o n c e r au n o m de sa t â c h e

s p é c i f i q u e , des a s p e c t s de l ' o r g a n i s a t i o n s o c i a l e n é f a s ­

t es p o u r l ' i n d i v i d u q u ' i l s o i g n e ; i l es t a m e n é auss i

à i n t e r p r é t e r au s u j e t q u ' i l s o i g n e c e r t a i n s r e f u s

des c o n t r a i n t e s s o c i a l e s c o m m e p o u r v u s d ' u n a u t r e

s e n s , ou à c o n s i d é r e r c o m m e t r o u b l e l ' é c h e c " d ' a d a p t a ­

t i o n " , m a i s en t e n a n t t o u j o u r s en é v e i l sa m é f i a n c e

d ' i n t r o d u i r e une " n o r m a l i t é c o n f o r m i s t e " à l ' o r d r e

s o c i a l ou à son p r o p r e i d é a l . . . " ( 3 )

I l ne s ' a g i t donc pas de manipuler l ' individu dans le

but d'une éventuelle . adaptation, mais de l ' a i d e r à prendre conscien­

ce de la s igni f ica t ion exacte de sa perturbation e t de lu i permettre

d ' ag i r sous son propre contrôle .

L'inadaptation pa r t i cu l i è r e qu 'es t la déb i l i t é chez

l ' enfant bénéficie également de ce t t e approche dynamique e t "multidi-

mentionnelle" en pa r t i cu l i e r grâce aux travaux de R.Misés e t de

( D - P I A T O N ( G . ) - L a p é d a g o g i e au 2 0 è m e s i è c l e , p . 1 1 4 .

( 2 ) - l d e m , I b . ( 3 ) - C H l L A N D ( C . ) - L ' e n f a n t de 6 ans e t son a v e n i r , p . 8 5 .

Page 104: CA 34ss - Les thèses de l'Université Lumière Lyon 2

- 1 1 7 -

son équipe à la Fondation Vallée.

2-L'approche psychodynamique:

En 1905# Binet e t Simon préconisaient déjà une appro­

che pluridimentionnelle de la déficience i n t e l l e c t u e l l e , i l s p réc i ­

saient que:

" I l n 'ex is te pas une méthode un ique, i l en ex is te p l u s i e u r s qu 'on d o i t emp loyer eu mu la t i vemen t . , f (1 )

I l s proposaient t r o i s méthodes: la méthode médicale,

la méthode pédagogique e t la méthode psychologique. Nous avons vu

que , parmi ces t r o i s approches, les deux premières f igura ient ,

seules , dans le texte de la l o i de 1909, malgré les préférences

de Binet pour la méthode psychologique.

" la plus d i r e c t e de tou tes car el le vise l f é t a t i n t e l l e c ­t u e l , t e l qu ' i l est dans le moment p résen t , pa r des expér iences qui ob l igent le sujet à f a i r e un e f f o r t qui mon t re ce dont i l est capable c o m m e c o m p r é h e n ­s ion, j ugement et inven t ion . " (2 )

Elle "peut révéler des signes à peu près cer ta ins

d ' a r r i é r a t i on" , la méthode pédagogique "des signes probables", la

méthode médicale "des signes possibles"(3)

La méthode psychologique "permet de reconnaître e t

de doser les a r r i é r é s d 'école ."(4)

Cependant R.Misés récuse cer ta ins aspects de l ' appro­

che psychologique classique de la déb i l i t é mentale chez l ' en fan t .

6 ' e s t d'abord la notion d 'organisation morbide, h é r i ­

tée des théories é t io logico-expl icat ives e t qui enferme l e jeune

dans un schéma r ig ide e t l u i i n t e r d i t tout changement,quelles que

soient les conditions de vie rencontrées.

"Les théor ies t r a d i t i o n n e l l e s de la dé f i c i ence i n t e l l e c ­tue l l e apparaissent souvent c o m m e un l ieu p r i v i l ég ié pour la surv ivance des modèles mécan ic i s tes . . .Tou t chercheur f o n d a m e n t a l i s t e dispose en e f f e t au jou rd 'hu i d 'une e x p l i c a t i o n géné t i que , b ioch im ique , neurophys io ­l o g i q u e , e t c . . de la déb i l i t é menta le qui lu i s u f f i t

(D -B INETCAO-L 'année psychologique, i 905-c ,p .193 . ( 2 ) - l d e m , p.194. ( 3 ) - l d e m , p.244. ( 4 ) - B l N E T ( A . ) - L f a n n é e psychologique, 1905-d, p.294«

Page 105: CA 34ss - Les thèses de l'Université Lumière Lyon 2

- 1 1 8 -

et ne l ' i n c i t e guère à s ' i n t e r roge r sur la s i g n i f i c a t i o n d'une approche d 'o rdre psychopatho log ique. " (1 )

C'est ensuite la focal isa t ion sur l e dé f i c i t i n t e l l e c ­

tue l qui empêche de considérer l ' enfant comme une personnali té en

construction e t l e rédui t à un manque d ' i n t e l l i gence .

" A l o r s que dans le domaine des névroses et des psycho­ses de l ' e n f a n t , on tend de plus en plus —dans les m i l i eux sc ien t i f i ques les plus d ivers—à l ie r les p e r t u r ­ba t ions observées à l ' i n t e r a c t i o n des f ac teu r s endogè­nes ou exogènes qui i n t e r v i e n n e n t , à des moments va r i ab les , dans un déve loppement complexe*, au c o n t r a i ­r e , dès qu ' i l s 'ag i t de la déb i l i t é m e n t a l e , la p lace f a i t e aux apprent issages, à la r e l a t i o n vécue , à la d i scon t i nu i t é du déve loppement se t r o u v e négl igée au p r o f i t de la p réva lence absolue accordée aux a l t é r a t i o n s d 'o rd re neuro -b io log ique qui apparaissent seules dé te rm inan tes et exp l i ca t i ves . " (2 )

C'est enfin une typologie excessive, qui a jadis o-

bl igé les auteurs à const i tuer deux sor tes de d é b i l i t é s , - l e s d é b i l i ­

t é s simples e t les déb i l i t é s avec troubles associés , avec impossibi l i ­

t é de passer d e ' l ' u n e à l ' a u t r e , e t à considérer les troubles "d i t s"

associés comme faisant pa r t i e intégrante de la déficience de l ' en fan t .

R.Misés reproche également aux psychanalystes pour

enfants la négation des bases organiques e t du rôle de l ' h i s t o i r e

de cet enfant dans la const i tu t ion de la d é b i l i t é , pour s ' in te r roger

uniquement sur la re la t ion mère-enfant, d'où une assimilat ion de

l ' a r r i é r a t i o n à la psychose.

" L a quest ion se pose donc au jou rd 'hu i avec plus d ' acu i t é encore , d'une par t de r é i n t ég re r le reg is t re du sens dans un modèle non r é d u c t e u r , d 'au t re par t , de séparer p a r m i les dé f i c i en t s mentaux les cas où la pesée d'un éven tue l l ien pathogène reste pr ise dans une s t r u c t u r e mob i l i sab le et ceux cor respondant au c o n t r a i r e à une o rgan isa t ion c i c a t r i c i e l l e ayant perdu son p o t e n t i e l é v o l u t i f . I l y a quelques chances de r e t r o u v e r , p a r m i les p r e m i e r s , des dé f i c i en t s dyshar moniques au sens où nous l ' en tendons , mais la recherche des t r a i t s d i f f é r e n t i e l s ne saura i t se f a i r e par la seule ré fé rence è la pos i t i on inconsc ien te , de la m è r e , a r b i t r a i r e m e n t isolée de l ' o rgan isa t ion i n te rne de l ' en fan t et de l ' h i s to i re de ce l ien p a t h o l o g i ­que."(3)

(1)-M1SES(R.)-L'enfant déf icient mental ,p.1 88. (2 ) -M lSES(R . ) -C i té par J .C.Chanceau dans la revue de neuropsychiatr ie

in fant i le , N ° l ^ a n v i e r - f é v r i e r 8 1 , p.45. (3) - M ISES(R. ) -L 'en fan t déf icient menta l , p .191 .

Page 106: CA 34ss - Les thèses de l'Université Lumière Lyon 2

- 1 1 9 -

R. Mises ne se démarque de la théorie psychanalytique

que pour l ' o u v r i r à d 'aut res approches de la déficience i n t e l l e c t u e l ­

le e t donner a ins i une vue synthétique de la déficience mentale.

Quatre mots-clés semblent ponctuer son discours,ce

sont:

dysharmonie,

évolutive,

atypique,

dé f ic i t f ixe .

Ces mots sont u t i l i s é s dans le contexte d'une approche

dynamique e t structurale de la d é b i l i t é .

"Echappan t ainsi à un système e x p l i c a t i f , r éduc teu r , on est condu i t à examiner les d ivers é léments en jeu pour en d iscu ter la s i g n i f i c a t i o n dans une d i m e n ­sion à la fo is synchron ique et d iachron ique où se dessine la d i scon t i nu i t é du mouvemen t vers la s t r u c t u ­r a t i o n d é f i c i t a i r e . Comme dans les aut res dysha rmo­nies é v o l u t i v e s , sans renoncer à préc iser les mécan is ­mes psychopatho log iques qui spéc i f i en t les p e r t u r b a ­t ions propres de l ' i n t e l l i g e n c e , i l conv ien t assurément de les s i tuer dans une s t r u c t u r e é la rg ie à l 'ensemble des pa ramè t res et n o t a m m e n t ceux qui assurent un l ien dynamique en t re l ' en fan t et son entourage." (1)

Loin de nier la dimension organique possible dans

la présence d'une déficience i n t e l l e c t u e l l e , R.Mises t i e n t compte

de tous les éléments qui entrent dans la formation de la personnalité

de l ' enfan t e t essaie d 'é tudier comment ces éléments in ter fèrent

entre eux l o r s q u ' i l y a un déséquilibre excessif entre le développe­

ment des d i f férents secteurs de la personnal i té , le tout se greffant

sur un fond d é f i c i t a i r e précoce.

" . . . i l est permis de déc r i re sous le nom de dé f i c ien ts dyshar moniques des enfants pr is dans une p e r t u r b a t i o n g loba le où l 'on découvre l iés à l ' i nsu f f i sance i n t e l l e c ­t u e l l e , des t r a i t s patho log iques de la personna l i té et assez souvent des t roub les ins t ru mentaux." (2)

Le trouble es t évolutif dans le sens où chaque secteur

es t susceptible de transformations progressives produisant des chan­

gement successifs dans la s t ructure globale de la personnal i té ,

jusqu'à ce que l ' i nd iv idu , tendant toujours vers un équi l ibre , ne

l ' a i t trouvé dans la f ixation du dé f i c i t i n t e l l e c t u e l .

( D - M I S E S ( R . ) - C i t é dans MiR A B A iL (M . ) . La débil i té mentale chez l 'enfant .p .261.

( 2 ) l d e m , i b . , p . 2 6 2 .

Page 107: CA 34ss - Les thèses de l'Université Lumière Lyon 2

- 1 2 0 -

" A u x d é f i c i e n c e s i n t e l l e c t u e l l e s f i x é e s , c o n s t i t u t i v e s

des f o r m e s les p lus r e p r é s e n t a t i v e s de la d é b i l i t é

m e n t a l e , de l ' a r r i é r a t i o n , de la d é m e n c e s ' o p p o s e n t

des s t r u c t u r e s c o m p l e x e s , e n c o r e é v o l u t i v e s m a i s

é g a l e m e n t pa r l ' e x i s t e n c e d ' u n e o r g a n i s a t i o n d é f i c i t a i r e ,

n o n e n t i è r e m e n t r é d u c t i b l e s au m o m e n t où on les

d é c o u v r e . " ( 1 )

On -nfc peut cependant superposer la formation d'une personna­

l i t é à une au t re , doù le refus d'une typologie:

" L e d é b i l e a p p a r a î t en r é a l i t é , d ' u n e o r i g i n a l i t é i n d i v i ­

d u e l l e q u i ne p e r m e t j a m a i s de le r é d u i r e à la d i m e n ­

s ion d é f i c i t a i r e q u e l l e s que s o i e n t la g r a v i t é , l ' a p p a r e n ­

t e " h o m o g é n é i t é " de l ' i n s u f f i s a n c e i n t e l l e c t u e l l e

e t l a f a ç o n d o n t i l nous o f f r e s e u l e m e n t c e t t e s y m p t o -

m a t o l o g i e dans les s t r u c t u r e s f a m i l i a l e s ou s o c i a l e s

où sa p l a c e es t t r o p é t r o i t e m e n t d é s i g n é e . . . P a r m i

les d é b i l e s p l u s " p u r s " a u c u n n ' e s t en o u t r e s u p e r p o s a -

b l e à l ' a u t r e . " ( 2 )

R.Mises définit ainsi sa thèse:

"S i les é t u d e s t r a d i t i o n n e l l e s sur la d é b i l i t é m e n t a l e

au sens l a r g e du t e r m e , s o n t t o u j o u r s r é a l i s é e s dans

la r é f é r e n c e é t r o i t e à un m o d è l e c e n t r a l q u i es t

c e l u i de la d é b i l i t é " h a r m o n i q u e " , " v r a i e " , nos h y p o t h è ­

ses r o m p e n t a v e c c e t t e c e n t r a t i o n ; e l l e s ne c o n d u i s e n t

v e r s c e t t e f o r m e de la d é f i c i e n c e i n t e l l e c t u e l l e que

s e c o n d a i r e m e n t , dans un m o u v e m e n t d i a l e c t i q u e

q u i ne la p l a c e j a m a i s pa r r a p p o r t au d é f i c i t d y s h a r m o -

n i q u e dans une o p p o s i t i o n s i m p l e . A t r a v e r s l ' é t u d e

de c e r t a i n e s d y s h a r m o n i e s é v o l u t i v e s , on d i s c e r n e

é g a l e m e n t les t r a n s i t i o n s i n s e n s i b l e s q u i c o n d u i s e n t

du n o n - d é f i c i t au d é f i c i t d y s h a r m o n i q u e au d é f i c i t

f i x é . " ( 3 )

On voit i c i se dessiner des pos s ib i l i t é s de l lmutation

s t ructurale"(4) s i on ag i t sur la f ixation du d é f i c i t , mais l ' expé­

rience montre que:

" b e a u c o u p d ' e n f a n t s s e m b l e n t f i x e r t r è s t ô t des

d i s t o r s i o n s d u r a b l e s de la s p h è r e c o g n i t i v e . " ( 5 )

D'où la nécessi té d 'ag i r t r è s t ô t , afin de permettre

l ' évolut ion vers une autre s t ructure mentale, au l ieu de ne concé­

der, par une intervention ta rd ive , que "des progrès mineurs par

des méthodes à visée adaptative."(6)

( 1 ) - M I S E S ( R . > O p u s . c i t é , p . 1 9 2 . ( 2 ) - l d e m , p p . 2 8 1 - 2 8 2 .

( 3 ) - l d e m , p . 2 8 3 .

( 4 ) - l d e m , p . 2 7 3 .

( 5 ) - l d e m , p . 2 7 3 .

( 6 ) - l d e m , p . 1 9 2 .

Page 108: CA 34ss - Les thèses de l'Université Lumière Lyon 2

- 1 2 1 -

Dans son étude R.Mises ne se contente pas d'exposer

une nouvelle théor ie , i l nous propose également des solutions p r a t i ­

ques .

O'après ce que nous venons de voi r , une intervention

précoce semble nécessaire afin de prévenir des organisations dé f i c i ­

t a i r e s u l t é r i eures chez des enfants à r isques:

" L a p r é v e n t i o n es t au p r e m i e r p l a n l o r s q u ' i l s f a g i t

d ' e n f a n t s s o r t a n t du c a d r e de la d é f i c i e n c e i n t e l l e c t u e l ­

le p r o p r e m e n t d i t e ; c h e z les s u j e t s q u i p r é s e n t e n t

d é j à au p r e m i e r e x a m e n une i n s c r i p t i o n i n d é n i a b l e

d e s m é c a n i s m e s de s t r u c t u r a t i o n d é f i c i t a i r e . " ( 1 )

Tous les intervenants doivent pa r t i c iper à ce t t e préven­

t ion au l ieu de minimiser les problèmes e t d'en fa i re des querel les

de spéc i a l i s t e s :

" D a n s la p r a t i q u e , en r é f é r e n c e au m o d è l e t h é o r i q u e

é b a u c h é d e v r a i t t o u j o u r s s ' i n s t i t u e r une c o l l a b o r a t i o n

p r é c o c e e n t r e o b s t é t r i c i e n s , p é d i a t r e s , é q u i p e s de

s a n t é m e n t a l e de m a n i è r e à m e n e r p r é c o c e m e n t

l e s a c t i o n s m u l t i d i m e n t i o n n e l l e s s o u h a i t a b l e s . " ( 2 )

Le rôle de la famille e t de l 'entourage social ne doit pas

ê t re oublié:

" L ' a c t i o n sur le m i l i e u f a m i l i a l ou s o c i a l o c c u p e

d o n c t o u j o u r s une p l a c e i m p o r t a n t e , s e l o n les m ê m e s

c r i t è r e s q u i g u i d e n t les c o n t a c t s q u i g u i d e n t les

p a r e n t s e t l ' e n t o u r a g e dans les a u t r e s d o m a i n e s

de la p s y c h i a t r i e de l ' e n f a n t . " ( 3 )

M ais ici encore il serait vain de vouloir agir de m anière

uniforme selon une attitude préétablie:

" L a s i t u a t i o n se p r é s e n t e sous un j o u r t r è s d i f f é r e n t

d ' u n e c o n s t e l l a t i o n f a m i l i a l e à l ' a u t r e . D a n s c e r t a i n s

m i l i e u x l ' e n f a n t a u t a n t que sa f a m i l l e — e t à t r a v e r s

e l l e — a p p a r a î t en e f f e t é c r a s é pa r la m a s s i v i t é des

c a r e n c e s s o c i a l e s , é c o n o m i q u e s , c u l t u r e l l e s . ( 4 )

Enfin la décision d'entreprendre une thérapie psychanaly­

t ique n 'exclut pas, chez Misés, une intervention éducative menée simul­

tanément par d 'aut res spéc i a l i s t e s .

" I l n ' y a pas c o n t r a d i c t i o n m a i s c o m p l é m e n t a r i t é

e n t r e le m a n i e m e n t du s e n s , la m a î t r i s e des m o u v e ­

m e n t s t r a n s f é r e n t i e l s e t le r e c o u r s à des a c t i o n s

où s ' e x p r i m e n t l a s y m p a t h i e , l ' e n c o u r a g e m e n t , le

s o u t i e n dans l ' e f f o r t . " ( 5 )

( D - M I S E S C R . J - L ' e n f a n t d é f i c i e n t m e n t a l , p p . 2 9 3 - 2 9 4 .

( 2 ) - l d e m , p . 2 9 5 .

( 3 ) , ( 4 ) - l d e m , p . 2 9 6

( 5 ) - l d e m , p . 3 1 0 .

Page 109: CA 34ss - Les thèses de l'Université Lumière Lyon 2

- 1 2 2 -

Ainsi , loin âe vouloir supprimer l ' é c o l e , i l l u i redonne

toute sa fonction soc ia l i san te , ce qui ne l'empêche pas de mettre

en cause les solutions apportées ,dans le passé, au problème de

l 'éducation des enfants déf ic ients i n t e l l e c t u e l s .

"Le dispositif mis à la disposition des débiles mentaux est né d'orientations classif icatoires, ségrégatives, orthopédagogiques* La tendance à isoler d'après le chi f f re du Q. I . . l 'enfant soumis à cet appareil , vient régulièrement annuler le mouvement en sens contraire où envisagé comme une personne dans toute sa comple­x i té , il disposerait d'une gamme étendue de moyens, ouverts aux déficients comme aux non-déficients et de préférence à proximité du milieu naturel."(1)

Le problème de l ' i d e n t i t é de l 'éducateur e t de la spéc i f i ­

c i t é de son rôle es t également abordé par R Misés qui refuse la

d i lu t ion des types d ' in tervent ion , ce qui conduit l ' enfant à ne

plus trouver de modèle d ' iden t i f i ca t ion . C'est pourquoi R.Misés i n s i s t e

sur l ' importance de l ' a t t i t u d e e t de la motivation de l 'éducateur

et de l ' ense ignant .

"Ils doivent être en mesure d'assurer pleinement leurs fonctions dans les aspects les plus spécifiques de leur profession, c'est une condition sans laquelle on ne saurait attendre que, réciproquement, ils recon­naissent à leur tour les désirs de l 'enfant pour lui permet t re d'occuper une place diversifiée dans leurs interrelations."(2)

Prévention ,collaborat ion i n t e r - professionnelle, approche

multidimentionnelle, optimisme thérapeutique e t pédagogique, motiva­

t ion , non-ségrégation semblent ê t r e les points d'ancrage pour une

pr i se en charge rénovée du problème de la déficience i n t e l l e c t u e l l e

chez l ' en fan t , selon la conception de R.Misés e t d 'aut res théoriciens

de l 'approche psychodynamique de la déb i l i t é mentale.

Afin de mesurer l ' impact de ces deux nouvelles thèses ,

nous al lons maintenant analyser l ' a c t i on des pouvoirs publics dans

ce domaine à p a r t i r du moment où ces conceptions ont commencé

à se répandre.

( 1 )-MISESCRO-L'enfant déf icient mental ,p .308. (2) - idem,p.310.

Page 110: CA 34ss - Les thèses de l'Université Lumière Lyon 2

-123-

c) La mobilisation des pouvoirs publics.

1-Le rapport Blocfo-Lainé.(1)

Chaque fois qu'une remise en cause sérieuse des Institu­

tions s1 est imposée en matière d'inadaptation, le gouvernement a

entrepris une enquête auprès de la population.

C'est pourquoi le 13 décembre 1966f Monsieur François

Bloch-lainé est chargé par le Premier Ministre: "d'étudier l'ensemble

des mesures permettant d'apporter une solution au problème général

de l'inadaptation des personnes handicapées."

A la suite d'une longue enquête auprès des administrations,

des services publics, des oeuvres et autres personnes compétentes,

un rapport de synthèse accompagné de six documents annexes est publié

en 1969.

Dans ce rapport , Monsieur BlocH~Lainé, parce qu'il estime

que les types d'inadaptation sont de plus en plus nombreux, que

les causes sont variées mais leurs effets difficiles à chiffrer,

préfère définir les "inadaptés" à "l'inadaptation".

D'après le rapport de synthèse, "sont inadaptés à la socié­

té dont ils font partie les enfants ,les adolescents et les adultes

qui , pour des raisons diverses, plus ou moins graves, éprouvent

des difficultés plus ou moins grandes à être et à agir comme les

autres."

Il ne faut pas oublier que cette étude est menée dans

le but d'orienter les actions en vue "d'assurer à ceux dont il s'agit

le maximum d'autonomie compatible avec leur état, afin de les insérer

dans le milieu normal autant qu'il est possible."

A ces définitions empreintes de prudence, monsieur Bloch-

Lainé ajoute une classification tirée de celle qui avait été adoptée

par l'intergroupe du Vème plan mais qu'il remanie pour pouvoir y

intégrer les handicapés adultes. (2)

Dans ce tableau des inadaptations composé de deux groupes

et dix rubriques, nous constatons que tout individu qui s'écarte

du "Français moyen" est considéré comme handicapé et suspect d'inadap­

tation avérée ou latente, selon les critères définis par la popula­

tion interrogée dans l'enquête.

(D-BL ÛCH-l A1NE(F.)-Etude du problème général de l'inadaptation des personnes handicapées. '

(2)-Voir tableau page suivante.

Page 111: CA 34ss - Les thèses de l'Université Lumière Lyon 2

' • T Ï 1 2 4 -

Groupe A: nersonnes souffrant, so i t de naissance, so i t par su i t e | de maladie ou d faccident: I

1- d'une insuffisance mentale avec Q.I. inférieur à .65 2 - d'une maladie mentale 3 - d'une déficience motrice 4- d'une déficience sensor ie l le 5 - d'une maladie chronique 6- ou de l ' assoc ia t ion de plusieurs de ces troubles

Groupe 3: Personnes n'ayant pas de handicap physique, qui nécessi te un traitement médical - e t dont le Q.I. est supérieur à .65

-mais qui oar su i te d'une déb i l i t é légère ou de troubles du comporte­ment et de la conduite.

const i tuent :

7-des inadaptés scolaires 8-des enfants dits en "danger moralM

9-des enfants et adolescents et adultes délinquants,ou des

adultes libérés de prison.

IO-divers "a-sociaux11.

A cette liste sont ajoutées certaines catégories pour lesquelles le

mot d'ffa-sociauxff est beaucoup trop fort.

Il s'agit plutôt de personnes mal à l'aise dans la Société,et qui

sont déjà ou sont susceptibles de devenir, de vrais inadaptés.

Ce

1

sont:

-les

-les -les -les

travailleurs valides mal a

personnes 'migrantsff

M soles "dai

âgées,isolées et les"gens du voya

is la vie urbaine

daptés au marché

sans ressources ne" (tziganes,etc

moderne

du travai

.. • • j

i i .

Les enfants ne sont plus considérés comme des êtres en

évolution puisqu'ils sont inscrits dans une liste commune avec les

adultes.

La barrière entre le déficit intellectuel lourd et la

déficience légère semble être définitivement fixée à .65.

TD~Tableau relevé dans:Etude du rapport B loch-Lai né, Document ANCE, p.2.

Page 112: CA 34ss - Les thèses de l'Université Lumière Lyon 2

- 1 2 5 -

F.Bloch-Lainé développe ensuite cinq points sur lesquels

i l faut se pencher pour améliorer l a s i tua t ion .

10- La coordination.

A toutes les étapes de l ' h i s t o i r e de l 'enfance inadaptée,

e l l e a toujours é té un souci pour les pouvoirs publ ics , comme nous

avons pu l e voir au cours de notre exposé, e t pourtant en 1968:

" . . . les dépa r temen ts m in i s té r i e l s intéressés ( A f f a i r e s soc ia les . Educa t ion na t iona le , Jus t i ce , Anciens c o m ­b a t t a n t s , Jeunesse et Spor ts) , les c o l l e c t i v i t é s locales

la Sécur i té soc ia le , les associat ions pr ivées qui ont des méthodes d i f f é r e n t e s , s ' ignorent par fo is et f on t double e m p l o i , ou s'opposent en de vains c o n f l i t s d ' a t t r i b u t i o n et de compétences . " (1 )

Monsieur Bloch-Lainé préconise la création d'un comité

i n t e rmin i s t é r i e l , chargé de "coordonner les recherches médicales,

pédagogiques, sociologiques", de "provoquer des actions urgentes",

de fa i re "une car te des établissements correspondant à l ' i nven ta i r e

des besoins", de "suivre l ' u t i l i s a t i o n des c réd i t s dégagés", de

"disposer d'un fonds supplémentaire de dépannage", de "résoudre

les problèmes de l ég i s la t ion e t de réglementation", de "pourvoir

à la formation des personnels spécia l i sés nécessaires."(2)

"A l 'éche lon r ég i ona l , des instances analogues susc i te ­ra ien t les réa l i sa t i ons , a d m i n i s t r e r a i e n t les aides, c o n t r ô l e r a i e n t les a c t i v i t é s . C'est au n iveau du dépar ­t e m e n t que sera ient organisés le dépistage et l ' o r i e n t a ­t i on et pr ises les responsabi l i tés f i nanc iè res , et que se s i t u e r a i t la responsab i l i té de la mise en place des serv ices manquants. " (3)

Ce partage des responsabilités, avec "sectorisation" et "quadrilla­

ge" permet t ra i t , sans aucun doute, une meilleure connaissance des

besoins, l a prévention de cer ta ins handicaps e t une action sans

gaspi l lage .

( D - L ' é d u c a t i o n na t i ona le , N°28 , 2 4 / 0 4 / 6 9 , Entret ien avec François Bloch-Lainé, p.8.

( 2 ) - l d e m , Ib . ( 3 ) - l d e m , Ib .

Page 113: CA 34ss - Les thèses de l'Université Lumière Lyon 2

- 1 2 6 -

11-Prévention ,Dépistage,Orientation.

Les t r o i s mots d 'ordre de F.Bloch-Lainé sont, en e f fe t ,

ceux que nous venons d'énoncer.

"Dans beaucoup de cas les handicaps aura ien t pu ê t re év i tés si on ava i t agi sur les causes qui les ont p rodu i t s ou si l 'on ava i t décelé à temps les i n f i r m i ­tés ou les t roub les bénins."(1)

F. Bloch-Lainé pa r l e , non seulement des progrès s c i e n t i f i ­

ques e t médicaux qui permettent de p a l l i e r cer ta ines malformations

e t troubles métaboliques mais aussi des problèmes sociaux e t éduca­

t i f s .

"Des mesures socia les peuvent empêcher que la mère doive t rop t ô t abandonner la n u t r i t i o n ou s i m p l e m e n t la su rve i l l ance personnel le de son bébé, pour rep rendre son t r a v a i l . 11 f a u t encore reméd ie r à ce r ta ines i m p e r f e c t i o n s du sys tème sco la i r e ; classes et p rog rammes surchar ­gés, e r reurs d ' o r i e n t a t i o n , méthodes pédagogiques s u r r a n é e s , absence d ' i n s t i t u t i o n s soc io -cu l t u re l l es dans les nouveaux q u a r t i e r s , insu f f i sance de l ia ison en t re l ' éco le et l 'apprent issage. . . " (2)

Mais l ' au teu r du rapport dénonce surtout une cer ta ine

psychose de l ' i nadap ta t ion :

"Ma is i l f au t é v i t e r aussi la "han t i se " de l ' i n a d a p t a ­t i on et ne pas c r o i r e la découvr i r chez tou t e n ­fan t chahuteur ou l amb in .T rans fé ré t rop h â t i v e m e n t et sans v ra ie ra ison à un éducateur spécia l isé ou à un p s y c h i a t r e , séparé par conséquent de ses cond is ­c ip les " n o r m a u x " et déjà t r a i t é comme un débi le ou un " c a r a c t é r i e l " , i l r isque de le devenir avant peu."(3)

On sent pointer i c i , la c r i t ique de la ségrégation e t

de l a normalisation outrancière qui a caractér isé les années précé­

dentes .

12- La formation des intervenants .

Afin d ' év i t e r ce t t e exagération des problèmes de l ' i nadap­

ta t ion ,F.Bloch-Lainé propose une formation psychologique des i n s t i t u ­

teurs e t un t r a v a i l en commun avec les médecins.

( D - L ' é d u c a t l o n n a t i o n a l e , N°28 ,24 /04 /69 ,p .8 . ( 2 ) - l d e m , p.8. ( 3 ) - l d e m , p.8.

Page 114: CA 34ss - Les thèses de l'Université Lumière Lyon 2

-127-

II souhaite également que les psychiatres s'intéressent

plus aux inadaptés et que les médecins aient une information en

psychiatrie•

Mais c'est, avant tout/ l'entraînement au travail en

équipe qui s'avère indispensable.

13- La prise en charge des handicapés.

En attendant que ces changements aient porté leurs fruits,

il est nécessaire d'aider handicapés et inadaptés actuels en créant

les établissements et classes nécessaires, en accordant des aides

financières substantielles, et surtout en: "substituant la notion de so­

lidarité et d'assurance à celle de charité."(1)

Ainsi le rapport Bloch-lainé semble s'apparenter aux

idées théoriques exposées plus haut, en ce qui concerne les notions

de prévention et de responsabilité de la société en matière d'inadap­

tation, mais il affirme la nécessité d'une ségrégation relative

qpi peut conduire à la réinsertion sociale, à long terme;

"...l'intégration est-elle toujours utile à la réadapta­tion? Ou plutôt, en constitue-t'eile toujours la meilleu­re forme? (2)

,11 est important de préciser, puisque cette recherche

était menée en vue de la préparation du Vlème plant 1970-1975), quel­

les idées ont été retenues.

2-Le Vlème plan et les inadaptations. (3)

L'idée de coordination des actions est reprise:

"...ces politiques ( de soutien des inadaptés) devront être menées dans le cadre d'une coordination entre toutes les administrations et tous les organismes..."La sectorisation" recevra une impulsion nouvelle."(4)

Mais le comité interministériel et la commission permanen­

te sont présidées par le Ministre de la Santé, ils n'ont donc pas

leur autonomie.

(D-L'éducation nationale, N°28,24/04/69,p.9. (2)-BL0CH-L AlNE(F.)-Opus, cité, p.27. (3)Rapports des Commissions du Vlème plan, 1971-1975, Handicapés, inadaptés. (4)-THERRE(P.)-Revue trimestrielle de Droit sanitaire et social, N°28,p115.

Page 115: CA 34ss - Les thèses de l'Université Lumière Lyon 2

-128—

La formation des personnels devient p r i o r i t a i r e , pour Mpermettre l a r éa l i sa t ion des object i fs du Vlème plan.% buts qui

ne pourront ê t r e a t t e i n t s qu'avec la par t i c ipa t ion d ' intervenants

divers e t t r è s qua l i f i és pu i squ ' i l s ' a g i t de prévention, d 'adapta­

t ion e t de réadaptation effectuées l e plus souvent possible en

milieu na tu re l , pour év i t e r la ségrégation.

Le plan s'engage donc dans une nouvelle voie, ce l l e

du respect de l ' i nd iv idu , i l compte mettre en place la prévention

à tous les niveaux e t t i e n t compte du caractère révers ible des

inadaptat ions.

En ce qui concerne le handicap qui nous in téresse i c i ,

c ' e s t - à - d i r e les enfants déf ic ients i n t e l l e c tue l s légers e t moyens,

les études théoriques reconnaissent depuis longtemps que le handicap

gêne la personne surtout pendant la période sco la i re , une étude

de L.Merlet-Vigier conclut dans ce sens:(1)

"En ce qui concerne les recherches sur les débiles moyens et légers, l'une des plus passionnantes est celle ef fectuée en France pour de jeunes conscrits de 20ans, les uns d'origine ci tadine, les autres d'origi­ne rurale, et dont la débilité intel lectuel le a été évaluée d'après des critères à la fois psychoteehni-ques, scolaires et cliniques...

Qu'il s'agisse de citadins ou de ruraux, les auteurs constatent l'absence de chômeurs, dans ces échant i l ­lons d'une population handicapée. L'éventai l des qualif ications est, comme il fa l la i t s'y at tendre, très fa ib le , le maximum atte int étant le niveau d'ouvrier qual i f ié . Mais lorsque les possibilités d'ap­prentissage sont offertes par la société, ce qui est le cas pour certains sujets d'origine ci tadine, on voit le nombre d'emplois qualifiés augmenter considé­rablement . C'est ainsi que chez les débiles ruraux 90% sont manoeuvres et seulement 9,7 S* ouvriers quali f iés. Alors que chez les citadins, 40,5% seule­ment sont manoeuvres contre 59,5% ouvriers qualif iés. . . Le débile s'intègre dans la production alors même que rien n'a été prévu pour lui faci l i ter l'accès à la vie professionnelle."

C'est donc au niveau de l ' é co le que doi t se s i tue r l ' e f ­

for t à accomplir pour diminuer les inadaptations chez les individus

appartenant à ce t t e catégorie de handicapés.

3-Les solut ions proposées par l ' I n s t i t u t i o n scolaire»

Une p r i o r i t é e s t donnée à la création de sections d'éduca-

(1)-ME RLET-V IG IE R(L.)-Dans sLes débilités mentales, sous la direction de R.Zazzo, Edition 1969, pp.416-417.

Page 116: CA 34ss - Les thèses de l'Université Lumière Lyon 2

- 1 2 9 -

t ion spécia l isée (SES) annexées aux col lèges , e t d 'écoles nationales

de perfectionnement (ENP), ceci afin de diminuer l ' é c a r t entre l e

nombre des enfants p r i s en charge dans les classes spéciales au

niveau élémentaire (CDP) e t l e quota de places disponibles pour

les adolescents qu i t t an t l ' é co le élémentaire, et dans l e but de

continuer une éducation scola i re spécial isée l a moins ségrégative

possible e t surtout non médicalisée lorsque cela n ' e s t pas nécessaire .

Nous constatons par ce choix qu'aucune autre solution

n ' e s t envisagée e t que l e système scolai re continue à donner un

enseignement pa ra l l è l e à ce type d 'enfants .

Pourtant, une solution or iginale es t décr i te dans la

c i r cu la i r e du 9 février 1970.(1)

Dans ce texte , l e Ministère de l 'éducation nationale

précise ses conceptions en matière de pr ise en charge scola i re des

enfants handicapés.

Répondant aux c r i t iques des sociologues contes ta ta i res

de mai 68, i l affirme que:

"Des enfants ont besoin pour un temps d'être retirés de la classe normale qui ne peut ni ne doit s'adapter à eux."(2)

"il ne suffit pas de poser le problème en termes de tolérance du milieu scolaire normal ou d'allonge­ment de la durée d'un cycle , ni de penser que les enfants en diff iculté,si on les laisse dans les classes normales, trouveront dans le contact avec leurs camarades et dans le zèle de leurs maîtres les moyens de résoudre leurs problèmes. Us peuvent s'installer dans l'échec et se détériorer progressivement. Il leur faut donc bénéficier après étude multidisciplinaire du cas de chacun ,de techniques de rééducation les plus appropriées et d'un cl imat de classe lui-même part icul ièrement adapté, pour franchir un cap diff ici le et réussir, ceci f a i t , une bonne insertion en milieu scolaire normal."(3)

I l n ' e s t absolument pas question de transformer l ' i n s t i t u ­

t ion sco la i r e , dans un but d ' in tégra t ion de tous les enfants dans

des classes indifférenciées; i l s ' a g i t au contra i re :

"...de poursuivre l 'action entreprise.. .en ne perdant pas de vue que la création de classes élémentaires

( D - C i r c u i a i r e N° IV -70 -83 , du Û9/O2/70,Recuei l des lois et règlements de l'éducation nationale.E nf ance et adolescence inadaptées, pp. 747-754. Voir annexe III pp449-454

(£)~ldem,p.748. Voir annexe 111, p M ? (3 ) - idem, p.74 . Voir annexe I I I , p.454

Page 117: CA 34ss - Les thèses de l'Université Lumière Lyon 2

-130-

annexées pour handicapés moteurs et sensoriels est aussi nécessaire que ta création de classes pour déficients inteilectuels."(1)

Ce qui correspond à ranger les enfants débiles dans

la famille des handicapés, mais une distinction est encore faite,

comme chez Mises, entre le handicap "durable" et "définitif" et

celui qui peut être amélioré;

"L'effort accompli au cours des dernières années, pour donner aux enfants dont le handicap est définitif ou durable, l'éducation spécialisée qui leur est nécessai­re, doit être complété par la mise en place de strustu-res de prévention."(2)

Le texte, quoiqu'il ne le dise pas d'une manière explici­

te distingue trois degrés dans les inadaptations:

a~Le handicap n'a pas encore provoqué d'inadaptation, mais celle-

ci risque d'apparaître si une aide spécifique n'est pas apportée.

Pour veiller à l'adaptation de tous les enfants à l'école, le ministè­

re de l'éducation nationale, par la circulaire du 9 février 1970,

crée les groupes d'aide psychopédagogiques.(GAPP)

Ce sont des équipes formées de trois instituteurs spéciali­

sés: un psychologue scolaire, un rééducateur en psychopédagogie

et un psychomotricien.

Le GAPP:

" . . .a la charge de un ou p lus ieurs groupes scola i res et ve i l l e à l ' a d a p t a t i o n des élèves en p a r t i c i p a n t à l ' obse rva t i on con t inue dont i ls sont l ' ob je t . Il i n t e r v i e n t sous f o r m e de rééducat ions psychopédagog i ­ques ou p s y c h o m o t r i c e s , p ra t iquées i nd i v i due l l emen t ou par p e t i t s groupes dès les p rem ie rs signes qui fon t appara î t re chez un en fan t le besoin d'un te l appo r t . "(3)

On pense que dans les cas les plus légers d ' inadaptat ion,

le GAPP pourra empêcher l ' évolu t ion vers un échec plus grave. L'avan­

tage de ce t t e s t ructure es t sa s i tua t ion à l ' i n t é r i e u r de l ' é c o l e ,

e t l e f a i t que les enfants peuvent continuer à fréquenter leur classe

d 'or igine tout en bénéficiant d'une action spécifique. Le GAPP es t

un ou t i l de prévention.

( D - C i r c u l a i r e du 0 9 / 0 2 / 7 0 , Opus c i t é , p.747. Voir annexe I l i ,p449 ( 2 ) - l d e m , p.747. vo i r annexe Hl,p.449 (3)~!dem, p.747. Voi r annexe 111,p.449

Page 118: CA 34ss - Les thèses de l'Université Lumière Lyon 2

-131-

b -Une inadaptation s'est déjà installée, du fait d'un handicap plus important

mais elle n'est pas irréversible.

Pour la prise en charge de ces enfants, la circulaire

prévoit un réseau complet de classes d'adaptation aux trois niveaux

de l'enseignement obligatoire et pour chaque catégorie de handicap.

Le texte précise que les sections:

"...accueilleront dès que nécessaire les enfants pour lesquels un handicap important et durable a été détecté et qui, pour que ce handicap ne se traduise pas par un retard et une inadaptation scolai­re caractérisée, doivent bénéficier dès que possible des rééducations... et d'une éducation spécialisée... données dans les conditions matérielles qui s'imposent.1^)

Il s'agit de sections pour handicapés physiques et senso­

riels à l'école maternelle, elles aussi, créées dans un but de préven­

tion, le souci de contact avec les autres enfants étant néanmoins

présent à ce niveau:

"Ces sections...devront fonctionner en liaison étroite avec les autres sections de l'école et éviter de constituer une ségrégation."(2)

Chaque fois que cela sera possible ,ces écoliers fréquen­

teront ensuite une classe normale à l'école élémentaire.

Une place particulière est faite aux élèves éprouvant

"des difficultés de développement intellectuel". Afin de ne pas

les classer prématurément dans la catégorie des déficients mentaux

irrécupérables sur le plan scolaire, le texte leur propose des clas­

ses d'attente" dans les écoles maternelles, favorisant ainsi, grâce

à un effectif allégé et à des rééducations, "un développement harmo­

nieux et une bonne insertion dans un cours préparatoire ou une classe

d'enseignement spécialisé."(3)

Au niveau élémentaire on trouve des classes d'adaptation

qui se différencient des classes de perfectionnement par "la nature

essentiellement temporaire du placement"(4) et par "la présence

systématique d'activités communes avec les autres classes"(5)

"Elles accueillent des enfants que leur quotient

(l)-Cireulaire du 09/02/70, Opus.cité, p.747.Voir annexe iil,p.450 (2)~ldem, p.748. Annexe Hltp.450 (3)-ldem,p.749. Annexe III,p.450 (4)-ldem, p.749. Annexe III,P.451 (5)-ldem, p.753. Annexe III, p.451

Page 119: CA 34ss - Les thèses de l'Université Lumière Lyon 2

-132-

intelleetuel conduirait à classer dans la catégorie des débiles légers mais pour lesquels l'anamnèse permet de formuler l'hypothèse que des causes circonstantielles ont provoqué une détérioration qui peut ne pas être définitive. Leur objectif est, au moyen d'un enseignement adapté à chaque person­nalité, mettant l'accent sur la communication et exploitant au maximum les ressources d'un milieu stimulant , de réduire les retards provoqués par les conditions dans lesquelles l'enfant s'est développé, afin de le réinsérer dans toute la mesure du possible dans une classe normale et de permettre que seuls ceux dont le retard se sera avéré irréductible soient dirigés vers des classes die déficients intellectuels."(1)

c- Le handicap est fixe et irréductible .Ce sont des classes de perfec­

tionnement qui prennent ces enfants en charge lorsqu'il s'agit d'un

handicap intellectuel, comme nous venons de le voir.

Le texte prévoit également la formation d'un personnel

spécialiser d'où la nécessité de "susciter des départs en stage"(2)f

il fait référence à la multidisciplinarité, surtout en ce qui concer­

ne les troubles relationnels et il consacre un chapitre à la coordina­

tion par l'intermédiaire des commissions médico-pédagogiques.

Bien que le système scolaire ne soit pas disposé à évo­

luer, la circulaire du 9 février 1970 se réfère à.de nouvelles condi­

tions de prise en charge des enfants handicapés, par l'ouverture

de structures pour tous types de handicaps, par la précocité des

interventions, par le souci d'une ségrégation minimale et par le

retour des classes de perfectionnement à leur rôle initial, c'est-

à-dire l'accueil des enfants débiles mentaux dûment reconnus.

(depuis quelques années, et l'enquête de 1964 le montrait,

les classes de perfectionnement recevaient une quantité de plus

en plus importante de jeunes handicapés sociaux, migrants(3) et

nomades(4). )

Certaines lacunes persistent cependant? ainsi aucune

disposition particulière n'est prévue pour les ruraux, la création

de sections étant subordonnée à un effectif minimum; ceux-ci doivent

donc continuer à quitter leur milieu naturel s'ils veulent bénéficier

d'une aide personnalisée.

Le problème des migrants demeure, lui aussi, marginal.

(D-Circulaire du 09/02/70,Opus. cité", p.749.Voir Annexe tllf p451 (2)-ldem, p.753. Annexe NI, p. 454 ( 3 ) - L ' é d u c a t i o n na t i ona le . Quelle école pouf eux?, N ° 2 1 1 , 0 9 / 0 5 / 7 4 , pp.22-58 (4 )L ' éduca t i on nat iona le .Obl igat ion scolaire et f iomadisnie.N°27,17/04/69 fpp.1 2-14

Page 120: CA 34ss - Les thèses de l'Université Lumière Lyon 2

-133-

Et les déficients intellectuels les plus gravement

atteints (les débiles profonds) n'ont toujours pas leur place au

sein de l'Education nationale.

Enfin, la notion de déficient intellectuel léger

est, plus que jamais, ambiguë * ils répondent à la définition des

classes d'adaptation et sont reconnus débilisés par un milieu peu

favorable, mais les classes de perfectionnement sont faites pour

eux. On pourrait étendre cette incertitude aux déficients intellec­

tuels moyens, ces derniers étant souvent des débiles légers dont

le déficit s'est aggravé faute d'intervention précoce.

En principe la création des GAPP, intervenant en

amont, devrait entraîner la fermeture d'un certain nombre de classes

de perfectionnement,les enfants fréquentant ces structures étant

fréquemment des "laissés pour compte*1 de la société et de l'enseigne­

ment traditionnel.

Seul, l'examen des statistiques peut nous éclairer

sur ce dernier point.

4-Les statistiques.

Les statistiques concernant l'enseignement spécial

sont floues jusqu'en 1964, nous avons donc consulté les archives

du Ministère de l'Education nationale à partir de cette année-là.

Nous avons retenu les chiffres concernant le nombre

d'élèves scolarisés dans l'enseignement public maternel et élémentai­

re français métropolitain et d'outre-mer, pour les années 1964

à 1975.

Nous avons mis en parallèle , pour chaque année,

la quantité d'enfants présents dans des classes spécialisées anne­

xées aux écoles maternelles et élémentaires publiques et le nombre

total de jeunes scolarisés, essayant de déterminer ainsi l'influence

des GAPP sur le maintien des enfants dans les classes normales.

A partir du tableau des effectifs, reproduit page

134 , nous avons calculé le pourcentage d'élèves pris en charge

dans l'enseignement spécial, classes d'adaptation comprises, puisque

celles-ci n'ont pas fait l'objet d'un traitement particulier de

la part du service des statistiques.(1)

(1)- Ministère de l'Education nationale.Service central des statistiques, INRDP, cote N°212 325 41.

Page 121: CA 34ss - Les thèses de l'Université Lumière Lyon 2

-134 -

I1 —————" Années

1964/1965

19 65/19 66

19 66/19 67

19 67/19 68

1968/1969

19 69/1970

1970/1971

1971/1972

1972/1973

197 3/197 4

197 4/197 5

1 -*- " •

Enfants s c o l a r i s é s enseignement p u b l i c préé lémenta i re et é lémenta i re

Normal

6 307 906

6 333 447

6 377 029

6 420 875

6 336 501

6 290 309

6 326 288

6 314 584

6 317 535

6 367 523

6 396 973

S p é c i a l i s é

100806

I I I 099

124 667

143 289

160 819

173 764

182 120

166 284

185 871

189 533

188 594

t o t a l

6 406 712

6 444 546

6 501 696

6 564 164

6 497 320

6 464 073

6 506 406

6 480 868

6 503 406

6 557 056

6 585 567

l J

Page 122: CA 34ss - Les thèses de l'Université Lumière Lyon 2

-135-

Le graphique de la page précédente rend compte de

l'évolution du nombre des enfants effectivement pris en charge

dans l'enseignement spécial entre 1964 et 1975.

Désirant savoir si la création de GAPP permet d'éviter

les classes ségrégatives à un certain nombre d'enfants en 'difficul­

té, nous avons utilisé pour l'établissement de la courbe, des

effectifs d'élèves et non de classes, le nombre d'unités étant

fluctuant dans chacune d'elles.

Le graphique ainsi établi traduit l'augmentation

régulière des prises en charge dans l'enseignement spécialisé annexé

aux écoles publiques entre les années scolaires 64/65 et 69/70,

puis une décélération s'amorce pendant l'année 70/71, ce qui est

dû plutôt à la limite d'âge impérative (12 ans ) dans les écoles

élémentaires et à l'ouverture d'un nombre important de sections

d'éducation spécialisée annexées aux collèges.

La chute constatée sur le graphique, pour lWinée

71/72, peut être due à l'action conjuguée de la mise en place de

SES et de la création de GAPP.

Ceci ne constitue pas, néanmoins ,une preuve de l'in­

fluence des GAPF sur la non-ségrégation scolaire, ils sont trop

nouveaux pour qu'on puisse tirer des conclusionsjquant à leur efficaci­

té.

Mais leur présence dans une école incite certainement

les maîtres à utiliser leurs compétences au lieu d'envoyer les

enfants dans un secteur parallèle.

N'oublions pas, non plus, les raisons économiques

qui poussent le Ministère à conserver ses postes budgétaires pour

les attribuer aux structures nouvelles au lieu de les donner en

vue de la création de classes traditionnelles.

D'ailleurs, dès l'année 72/73, la courbe remonte

et se stabilise au cours des deux années suivantes, légèrement

au-dessus du taux auquel on était arrivé pour l'année 70/71, reflé­

tant la préférence des maîtres pour une prise en charge continue

des enfants dans une classe spécialisée.L'attrait de la nouveauté

passé, ceux-ci préfèrent les situations déjà vécues aux innovations

incertaines.

* * *

* *

*

Page 123: CA 34ss - Les thèses de l'Université Lumière Lyon 2

-136-

Ainsi, la notion de déficience mentale n'a pas été

épargnée par les effets de la crise intellectuelle et politique

des années 60.

D'un concept opératoire, d'origine positiviste, visant

essentiellement à faciliter la mise en place de structures spéciali­

sées destinées à recevoir des enfants qui ne pouvaient ou ne vou­

laient pas se couler dans le "moule" scolaire, la notion de déficit

intellectuel moyen et léger est devenue de plus en plus complexe

au fur et à mesure que la science voulait prouver son existence

et décrire son fonctionnement, jusqu'à ce qu'elle finisse par écla­

ter dans diverses directions en fonction des explications causales

qu'on lui attribuait.L'unité étant détruite on a pu nier le concept

de débilité et prendre en considération l'individu porteur de défi­

cience en s'intéressant à la personne et non au symptôme.

Que le déficit soit d'origine biologique ,économique,

familiale ou sociale, s'agissant de la sphère intellectuelle, il

représente un handicap pour la personne si celle-ci veut s'insérer

dans la société que nous vivons actuellement, handicap qui se trans­

formera inévitablement en inadaptation si une action précoce n'est

pas entreprise.

Ainsi redéfini, le déficient intellectuel a sa place

dans le groupe social des handicapés et inadaptés et peut bénéficier

des actions de prévention adoptées au cours de l'élaboration du

Vlème plan dans le chapitre relatif aux objectifs d'action sociale.

Même si la déficience est antérieure à l'entrée à

l'école, ce handicap particulier prédispose l'enfant à l'inadapta­

tion scolaire plus que d'autres, d'où l'effort accompli par l'Insti­

tution pour organiser une structure susceptible de prévenir la

non-intégration à l'école.

Cependant ,et la circulaire du 9 février 1970 en

témoigne, l'école n'est pas prête à redéfinir ses limites. Si elle

accepte de prendre en charge l'éducation et l'accession à l'autono­

mie de tous les enfants, elle se réserve le droit de trier ceux

qui peuvent participer à un apprentissage commun et de mettre à

l'écart ceux pour lesquels une éducation sur mesure est nécessaire,

selon des critères qui lui sont propres.

Le système d'éducation spécialisée s'est construit

très lentement en France, il a dû faire ses preuves, se battre

pour être reconnu? il n'a pas pu se développer avant 1950; 25 ans

après et malgré l'évolution des mentalités, l'école n'est pas prête

Page 124: CA 34ss - Les thèses de l'Université Lumière Lyon 2

-T 3 7-

à se séparer d'une structure qu'elle a eu tant de mal à accepter

au départ et à installer par la suite pour lui permettre de niveler

ses interventions et de se décharger de certaines responsabilités.

*

* *

* # *

Si nous avons entrepris la rédaction d'un rappel

historique concernant la notion d'inadaptation et les différents

modes de prises en charge scolaire des enfants déficients intellec­

tuels moyens et légers, te n est fca.s pour- clarifier la problématique

actuelle mais pour la situer dans une perspective évolutive et

essayer de trouver une logique de son développement dans le contexte

présent.

Nous avons pu ainsi constater l'émergence de théories

successives mais ne s'excluant pas entre elles dans le champ des

applications pratiques, d'où une certaine lenteur d*évolution# les

thèses les plus anciennes étant les plus profondément ancrées

dans la mémoire collective.

Nous avons noté également une ambivalence vis-à-vis

de l'enseignement spécialisé à caractère ségrégatif.

Enfin , nous avons constaté des mouvements de replis

suivis de périodes d'expansion, des recentrations après des crises

et des incertitudes.

Mais nous avons surtout remarqué la permanence dans

le phénomène de rejet de la différence, quelle que soit l'attitude

adoptée. ^ — ^ ^ ^