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Que faire de la dette ? Un audit de la dette publique de la France

CAC Note Dette Publique

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  • maquetteStphane Dupont

    dit par Attac Francemai 2014

    Attac France21 ter rue Voltaire75011 Parisfrance.attac.org

    Que faire de la dette ?Un audit de la dette publique de la France

    Le Collectif pour un Audit citoyen de la dette publique

    Do vient la dette ? A-t-elle t contracte dans lintrt gnral, ou bien au bnfice de minorits dj privilgies ? Qui dtient ses titres ? Peut-on allger son fardeau autrement quen appauvrissant les populations ? Ces questions, de plus en plus nombreux sont ceux qui se les posent. Dans toute lEurope et en France un large dbat dmocratique est urgent, car les rponses apportes ces questions dtermineront notre avenir. Cest pourquoi des citoyens, organisations syndicales et associatives, soutenus par plusieurs formations politiques, ont dcid de crer un Collectif national pour un audit citoyen de la dette publique, afin de porter ce dbat au cur de la socit.www.audit-citoyen.org/

    Membres du Collectif pour un Audit citoyen de la dette publique Act Up-Paris, Agir ensemble contre le chmage (AC!), AITEC, Amis de la Terre, Attac, CADTM, CEDETIM, Collectif National pour les Droits des Femmes, Collectif Richesse, Confdration CGT, Convergence SP, Cooprative DHR, Economistes Atterrs, Emmas International, Fakir, Fdration Syndicale Unitaire, Finances CGT, Fondation Copernic, Indecosa-CGT, LAppel des Appels, Ligue des Droits de lHomme, Marches Europennes, Marche Mondiale des Femmes France, Mouvement Utopia, Rseau Education Populaire, Rsistance Sociale, SNESUP, Sud BPCE, Union SNUI-SUD Trsor Solidaires, Union syndicale Solidaires.

    En soutien Alliance Ecologiste Indpendante, Alternatifs, Association Nationale des Elus Communistes et Rpublicains, Convergences et Alternative, Dmocratie et socialisme, Europe Ecologie Les Verts, FASE, Gauche Anticapitaliste, Gauche Unitaire, MPEP, NPA, Parti Communiste Franais, PCOF, Parti de Gauche, Parti pour la dcroissance.

    Observateurs Acrimed, Alternatives Economiques, Droit au logement (DAL), Dsobissants

  • 1Que faire de la dette ? Un audit de la dette publique de la France

    Que faire de la dette ?Un audit de la dette publique de la France

    Cette tude a t ralise par un groupe de travail du Collectif pour un Audit citoyen de la dette publique. Elle se veut une contribution au ncessaire dbat public sur des questions cruciales : do vient la dette ? A-t-elle t contracte dans lintrt gnral, ou bien au bnce de minorits dj privilgies ? Qui dtient ses titres ? Peut-on allger son fardeau autrement quen appauvrissant les populations ? Les rponsesapportes ces questions dtermineront notre avenir.

    Ont particip son laboration :Michel Husson (Conseil scientique dAttac, coordination),Pascal Franchet (CADTM), Robert Joumard (Attac), Evelyne Ngo (Solidaires Finances Publiques), Henri Sterdyniak (Economistes Atterrs), Patrick Saurin (Sud BPCE).

  • Que faire de la dette ? Un audit de la dette publique de la France 3

    Sommaire

    p.5Rsum

    p.7I. La gense de la dette publique

    p.17II. Les collectivits locales : entre transferts de charges, prts toxiques et austrit

    p.19III. Le trou de la Scurit sociale

    p.21IV. A qui la faute ? Elments pour un audit de la dette de lEtat

    p.34Conclusion : Que faire de la dette ?

    p.36Annexe : Arithmtique de la dette publique

  • Que faire de la dette ? Un audit de la dette publique de la France 5

    Rsum59% de la dette publique proviennent des cadeaux scaux et des taux dintrt excessifsTout se passe comme si la rduction des dcits et des dettes publiques tait aujourdhui lobjectif prioritaire de la politique conomique mene en France comme dans la plupart despays europens. La baisse des salaires des fonctionnaires, ou le pacte dit de responsabilitqui prvoit 50 milliards supplmentaires de rduction des dpenses publiques, sont justisau nom de cet impratif.

    Le discours dominant sur la monte de la dette publique fait comme si son origine tait vidente: une croissance excessive des dpenses publiques.

    Mais ce discours ne rsiste pas lexamen des faits. Dans ce rapport nous montrons que laugmentation de la dette de lEtat qui reprsente lessentiel, soit 79 %, de la dette publique ne peut sexpliquer par laugmentation des dpenses puisque leur part dans le PIB a chut de 2 points en trente ans.

    Si la dette a augment cest dabord parce que tout au long de ces annes lEtat sest systmatiquement priv de recettes en exonrant les mnages aiss et les grandes entreprises :du fait de la multiplication des cadeaux scaux et des niches, la part des recettes de lEtatdans le PIB a chut de 5 points en 30 ans.

    Si lEtat, au lieu de se dpouiller lui-mme, avait maintenu constante la part de ses recettesdans le PIB, la dette publique serait aujourdhui infrieure de 24 points de PIB (soit 488 milliards ) son niveau actuel.

    Cest ensuite parce que les taux dintrt ont souvent atteint des niveaux excessifs, notammentdans les annes 1990 avec les politiques de franc fort pour prparer lentre dans leuro,engendrant un effet boule de neige qui pse encore trs lourdement sur la dette actuelle.

    Si lEtat, au lieu de se nancer depuis 30 ans sur les marchs nanciers, avait recouru des emprunts directement auprs des mnages ou des banques un taux dintrt rel de 2 %, la dette publique serait aujourdhui infrieure de 29 points de PIB (soit 589 milliards) son niveau actuel.

    Limpact combin de leffet boule de neige et des cadeaux scaux sur la dette publique est majeur : 53 % du PIB (soit 1077 milliards ). Si lEtat navait pas rduit ses recettes et choyles marchs nanciers, le ratio dette publique sur PIB aurait t en 2012 de 43 % au lieu de 90 % comme le montre le graphique ci-contre.

    Au total, 59 % de lactuelle dette publique proviennent des cadeaux scaux et des taux dintrt excessifs.

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    La hausse de la dette publique provient pour lessentiel des cadeaux scaux et des hauts taux dintrt

    Source : Insee, comptabilit nationale ; calculs CAC

    Le rapport daudit propose aussi une valuation des impacts des paradis scaux ainsi que de la crise nancire de 2008 dans lenvole de la dette publique.

    Au total, il apparat clairement que la dette publique a t provoque par des politiques conomiques largement favorables aux intrts des cranciers et des riches, alors que les sacrices demands aujourdhui pour la rduire psent pour lessentiel sur les salaris, les retraits et les usagers des services publics. Cela pose la question de sa lgitimit.

    Le rapport se conclut par une srie de propositions destines allger le fardeau de la dette(prs de 50 milliards deuros dintrts par an et plus de 100 milliards de remboursements)pour rompre avec le cercle vicieux des politiques daustrit et nancer les investissementspublics dont lurgence sociale et cologique nest plus dmontrer.

    La ralisation dun audit de la dette publique effectu par les citoyens ou sous contrlecitoyen, devrait permettre douvrir enn un vritable dbat dmocratique sur la dettepublique. Ce dbat devrait amener dterminer quelle partie de cette dette est juge par les citoyens comme illgitime. Les premires valuations ici proposes par le groupe de travail du Collectif pour un audit citoyen se veulent une contribution ce dbat.

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    I. La gense de la dette publiqueLhistoire de la dette publique franaise peut tre facilement rsume partir du ratio dettepublique/PIB qui exprime la dette de lensemble des administrations publiques (dnie au sens de Maastricht) en pourcentage du PIB : de 1960 1980, le ratio baisse tendanciellement. partir du dbut des annes 1980, il augmente rgulirement, de rares exceptions prs.

    Le dcit public a videmment contribu cette progression : depuis 1980, il na pratiquementjamais t infrieur 2 % du PIB (graphique 1)1.

    Graphique 1 Graphique 2La dette publique 1960-2014 Soldes budgtaires 1980-2012

    En % du PIB En % du PIBSources : Insee, Commission europenne pour 2014 Source : Insee

    La dette publique est ici celle de lensemble des administrations publiques qui regroupentlEtat, les ODAC (organismes divers dadministration centrale2), les collectivits territoriales(APUL, administrations publiques locales) et la Scurit sociale. Cependant, comme le montrele graphique 1, la dette de lEtat reprsente la majeure partie de la dette publique.

    Ce rle dterminant de lEtat peut tre aussi illustr en examinant les dcits des administrationspubliques. Pour lensemble constitu par les collectivits locales et la Scurit sociale, le dcit ne reprsente pas plus de 1 % du PIB, et cest la dynamique du dcit de lEtat qui dtermine lvolution du dcit total (graphique 2). Cest pourquoi les analyses qui suiventseront principalement centres sur la dette de lEtat.

    Lvolution de la dette de lEtat dpend videmment de ses dcits successifs, mais pas seulement ; cest pourquoi il est essentiel de distinguer deux lments : les intrts de la dette. le solde primaire (le plus souvent un dcit), qui est la diffrence entre les recettes et les dpenses hors intrts

    Cette distinction est importante, car la dette peut augmenter, mme si le solde primaire est nul :il suft que le taux dintrt sur la dette publique soit suprieur au taux de croissance (voir lannexe).

    1 Sauf mention contraire, les donnes proviennent de la page Finances publiques de lInsee : http://goo.gl/bgTv0y 2 On y trouve ple-mle le Centre national de la recherche scientique (CNRS), le Commissariat lnergie atomique (CEA),Mto France, lInstitut national de la sant et de la recherche mdicale (Inserm) et lAcadmie franaise.

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    Le dcit de lEtat

    Le discours dominant sur la monte de la dette publique fait comme si son origine allait de soi :elle rsulterait tout simplement dune croissance excessive des dpenses publiques. Ne resteplus alors qu en dduire un discours qui semble relever du sens commun : on ne peut durablement dpenser plus quon ne gagne, et par consquent il faut dpenser moins et ajuster les dpenses aux recettes. Sinon, on accumule une dette qui viendra peser sur les gnrations futures.

    Mais ce discours ne rsiste pas lexamen des faits ds lors quon prend la peine danalyserlvolution relative des recettes et des dpenses de lEtat. LEtat dispose en effet dune particularit ( vrai dire assez rare chez les mnages) : il xe lui-mme ses recettes. Il peut dcider le cas chant de les baisser.

    On vrie aisment que les dpenses (mme y compris les intrts) ne prsentent pas de tendance la hausse. Certes on observe deux pics en 1993 et 2010, qui correspondent aux rcessions. Mais sur moyen terme, les dpenses de lEtat ont au contraire baiss, passantdenviron 24 % du PIB jusquen 1990 21 % en 2008. Tout le problme vient du fait que les recettes ont-elles aussi baiss, particulirement au cours de deux priodes : entre 1987 et 1994, puis partir de 2000.

    En tendance, de 1978 2012, les dpenses ont diminu de 2 points de PIB, les dpenses hors intrts de la dette (cest--dire pour le service public) de 3,5 points, tandis que lesrecettes ont chut de 5,5 points de PIB.

    Lobservation du graphique 3 permet de comprendre comment fonctionne la gestion budgtairedepuis 1980. On observe en effet des priodes durant lesquelles le dcit primaire augmente(la zone grise se gone). Aprs quelques annes, les dpenses sont rduites pour sajuster la baisse des recettes, de telle sorte que le solde primaire - autrement dit lcart entre les deux courbes - se rduit. Les ches du graphique signalent ces priodes dajustement.

    Graphique 3Dpenses et recettes de lEtat en % du PIB 1980-2012

    En % du PIBSource : Insee

    Autrement dit, la stratgie nolibrale de rduction des dpenses de lEtat fonctionne de lamanire suivante : une rcession provoque une augmentation temporaire du ratio dpenses /PIB ; les recettes chutant du fait de la rcession, on laisse se goner le dcit. Dans un secondtemps, on justie le freinage des dpenses par la ncessit de les ajuster aux recettes. Seule la priode 2000-2005 fait exception ce schma : il ny a pas eu de rcession mais une chuteentirement planie des recettes. La tendance permanente au dsquilibre budgtaire est donc engendre par les choix de politique scale qui leur tour viennent ensuite lgitimerle recul ultrieur des dpenses publiques.

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    Les cadeaux scaux de 2000 2012

    En 2000-2002, suite la dnonciation de la cagnotte budgtaire par Jacques Chirac3, le gouvernement Jospin entreprend une politique de baisse des impts qui reprsente environ40 milliards deuros (soit 2,5% du PIB) rpartis entre impt sur le revenu (-12 milliards), entreprises (-17,5 milliards) et impts indirects (-10,5 milliards). Certaines de ces mesures(baisse de la TVA, du taux de limpt sur les socits) reprsentent un retour la normale aprsles hausses dimpts de 1995-97 qui avaient t prises pour permettre de respecter les critresde Maastricht. Dautres sinsrent dans une politique demploi sociale-librale base sur la baisse des cotisations employeurs et la suppression des prtendues trappes inactivit(prime pour lemploi, baisse de la taxe dhabitation). Certaines sont purement lectoralistes :baisse de limpt sur le revenu qui prote aux plus riches, suppression de la vignette autoinjustiable dun point de vue cologique (tableau 1).

    Tableau 1Les mesures Jospin (2000-2002) Milliards deuros % du PIBMnages -11,9 -2,50Baisse de limpt sur le revenu -7,1 -1,49Prime pour lemploi -2,4 -0,50Baisse de la taxe dhabitation -1,0 -0,21Baisse des droits de mutation -1,4 -0,29Impts indirects -10,4 -2,18Baisse dun point du taux de TVA -4,9 -1,03Taux rduit TVA pour travaux domicile -2,7 -0,57Suppression vignette auto -1,8 -0,38Suppression droit de bail -1,0 -0,21Entreprises -17,6 -3,70Suppression de la surtaxe de limpt sur les socits -2,7 -0,57Taux 15 % pour les PME -1,0 -0,21Baisse cotisations employeurs -6,5 -1,37Suppression de lassiette salaire de la taxe professionnelle -5,7 -1,20Total -39,9 -8,38

    Sous la prsidence de Jacques Chirac, lanne 2006 est marque par lannonce dune nouvellerforme scale visant faire baisser limpt sur le revenu de 4,4 milliards et par la cration du bouclier scal 60 %. Interviennent aussi des mesures qui rduisent limpt sur les socitsde 4 milliards : la suppression de la taxation des plus-values long terme des entreprises (la niche Cop) et lextension du Crdit impt recherche. La taxe professionnelle (TP) est une nouvelle fois rduite (tableau 2).

    3 Le prsident Chirac, en phase de cohabitation avec Lionel Jospin Premier Ministre, sindigne du fait que le gouvernementne restitue pas aux Franais la cagnotte que reprsentait un surcrot inattendu de recettes d la forte croissance des annes 1998-2000.

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    Tableau 2Les mesures Chirac (2006-2007) Milliards deuros % du PIBMnages -6,0 -0,34Baisse de limpt sur le revenu -4,4 -0,25Bouclier scal -0,4 -0,02Contributions revenus locatifs -0,6 -0,03Impts sur les successions -0,6 -0,03Entreprises -6,4 -0,36Suppression de la TP sur nouveaux investissements -2,4 -0,14Extension du crdit impt recherche -1,8 -0,10Taux rduit sur les plus-values long terme -2,2 -0,12Total -12,4 -0,70

    A la mi 2007, le plan TEPA, cadeau darrive de Nicolas Sarkozy, comporte des baisses dimptde lordre de 12 milliards en anne pleine : soit 9 pour les mnages, dont lextension du bouclierscal, la baisse de limpt de solidarit sur la fortune (ISF) et des droits de successions qui protent aux plus riches, et 3 milliards pour les entreprises. En 2011, le gouvernementaccentuera la baisse de lISF tandis que de 2009 2012, les baisses dimpts sur les entreprisesatteindront 10 milliards avec en particulier la rforme de la taxe professionnelle, la baisse de la TVA dans la restauration et une nouvelle extension du Crdit impt recherche. Au toutdbut de la prsidence de Franois Hollande, certaines des baisses dimpts sur les plusriches ainsi que lexonration des heures supplmentaires ont heureusement t supprimes(tableau 3).

    Tableau 3Les mesures Sarkozy (2007-2012) Milliards deuros % du PIBMnages -10,1 -0,51Exonration heures supplmentaires* -3,6 -0,18Extension bouclier scal* -0,6 -0,03Baisse des droits de succession** -2,3 -0,12Intrt des emprunts (supprim en 2011) -1,9 -0,10Rduction de lISF* -1,7 -0,08Entreprises -12,6 -0,59Exonration heures supplmentaires* -1,4 -0,07Extension du crdit impt recherche -2,8 -0,13Suppression impt de Bourse -0,3 -0,02Taxe professionnelle -6,3 -0,30Baisse TVA restauration** -1,5 -0,07Suppression de limposition forfaitaire annuelle -1,3 -0,06Total -22,7 -1,10Mesures supprimes (*) ou rduites (**) par Franois Hollande

    Au total, de 2000 la mi-2012, les mesures de baisse dimpts ont reprsent 4,3 % du PIB.Elles ont souvent favoris les plus riches (baisse de limpt sur le revenu, de lISF, des droits de succession), les grandes entreprises (niche Cop, Crdit impt recherche) et certains lobbys(baisse de la TVA dans la restauration). Signalons en particulier que le taux marginal suprieurde limpt sur le revenu qui tait de 65 % entre 1982 et 1985, avait baiss 54 % en 1999. Il at abaiss 49,6 % en 2002, 48 % en 2003 et 40 % en 2006. Tout au long de ces annes lEtatsest donc volontairement et systmatiquement priv de recettes au bnce des mnages les plus aiss.

    Cette orientation doit tre replace dans le contexte plus large de loffensive mene contre le poids excessif des recettes publiques et des prlvements obligatoires4.

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    Depuis plus dune dizaine danne, les recettes publiques sont stabilises, autour de 50 % en proportion du PIB. La baisse des recettes de lEtat a donc t compense par la hausse des recettes des autres administrations. Les recettes de la Scurit sociale continuent augmenter rgulirement : elles passent de 23,1 % du PIB en 1995 24,7 % en 2007 et, avec la crise, 26,4 % en 2012. En raison notamment de la dcentralisation, les recettes des administrations locales ont-elles aussi rgulirement augment, passant de 10 % du PIBen 1996 11 % en 2007, puis 11,8 % en 2012. Une partie de ces recettes provient de laugmentation des concours de lEtat lie la dcentralisation. Cependant, les recettes de lensemble Etat+administrations locales ont eu tendance baisser avant la crise, mme sicette baisse est moins prononce que les seules recettes de lEtat (graphique 4).

    Graphique 4

    En % du PIBSource : Insee

    4 Le taux de prlvements obligatoires (45 % en 2012) rapporte lensemble des impts et cotisations sociales au PIB. La diffrence avec le ratio recettes publiques/PIB (51,8 % en 2012) correspond diverses recettes non scales : dividendesreus des entreprises dont lEtat est actionnaire, amendes, Loto, produits du domaine de lEtat, redevances, etc.

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    Cadeaux et niches scales : des machines ingalits

    Les nombreux cadeaux scaux dont bncient grandes entreprises et riches particuliers se multiplient et la note est paye au nal par les mnages ordinaires. Ainsi cest laugmentationdu taux normal de la TVA au 1er janvier 2014 20 % qui doit nancer le Crdit dImpt Comptitivit Emploi. De mme ce sont les coupes de 50 milliards dans les dpenses publiquesqui doivent nancer de nouvelles baisses de cotisations dans le cadre du Pacte de comptitivitdcid dbut 2014. Cela gnre un fort mcontentement et alimente ce quil est convenu dappeler le ras le bol scal, largement exploit par les tenants du libralisme, adeptes du trop dimpt tue limpt.

    La scalit est ressentie comme illgitime lorsquelle est injuste. Lorsquelle vient creuser les ingalits, la scalit est source dinjustice sociale. La contrepartie de la scalit sousforme de services publics, protection sociale, samenuise aussi avec la logique gouvernementaleconstante de baisse des dpenses publiques au nom de la rduction des dcits public. Or, les allgements scaux reprsentent aussi un manque gagner considrable pour le budgetde lEtat.

    Baisser limpt sur le revenu augmente les ingalits

    Depuis nombre dannes, on constate la baisse gnrale de la progressivit de limpt sur le revenu. En 1982, le taux marginal maximum (taux de taxation de la tranche la plus leve) du barme tait de 65 %, il tait encore suprieur 50 % en 2000, il est pass 40 % en 2007 ;puis est enn remont 45 % partir de 2013.

    Les baisses de barme intervenues sur la priode 2000/2011 ont eu un impact considrable.Ces mesures ont eu deux effets : rduire le rendement et la progressivit de cet impt. En effet,les baisses des taux du barme ont essentiellement prot une minorit de contribuablessans pour autant relancer la croissance, ce qui tait (et ce qui est du reste toujours) lobjectifofciellement afch chaque nouvelle mesure scale.

    Ainsi, les baisses intervenues entre 2002 et 2007 ont bnci trs majoritairement aux 10 %des mnages les plus riches. La Cour des comptes a estim que : 10 % des contribuables ont bnci de 69 % (en montant global) de la baisse de 5 % intervenue en 2002, 4,5 % des contribuables ont bnci de 56 % de la baisse de 1 % intervenue en 2003 et 2,9 % ontbnci de 45 % de la baisse de 3 % intervenue en 2004. La distribution des revenus tantingalitaire, les baisses de limpt sur le revenu, qui est progressif donc impose plus lourdementles hauts revenus, protent mcaniquement ceux-ci. Ces mesures ont un cot : 2,55 milliardsdeuros pour la baisse de 5 %, 550 millions deuros pour celle de 1 % et 1,63 milliard deurospour celle de 3 %. De son ct, la refonte du barme de 2007 (passage de 7 5 tranches du barme) aura eu un cot de 4 milliards deuros.

    Ces baisses se sont rvles tout la fois inefcaces et injustes : leur bnce a t largement concentr sur les contribuables les plus aiss, elles nont pas eu dimpact conomique positif (elles ont favoris les revenus dont la propension pargner est la plus forte et donc, par symtrie, dont la propension consommer est la plusfaible), elles ont gnr un manque gagner important pour les nances publiques qui a contribu creuser les dcits (et, par suite, la dette publique).

    Des niches opaques et coteuses

    Les niches scales (appeles dpenses scales en Finances Publiques) sont des mesuresdrogatoires par rapport des normes scales de rfrence (le droit commun) engendrant des pertes de recettes pour lEtat et permettant leurs bnciaires de payer moins dimpts.Leur objectif est vari. Certaines ont un but louable (exonration des intrts du livret A, rduction dimpt pour frais de dpendance), dautres sont plus contestables. Les niches scales qui sont le plus souvent pointes du doigt dans le dbat public sont celles qui sontemployes dans les schmas doptimisation ou de dscalisation. Elles peuvent conduire

  • Que faire de la dette ? Un audit de la dette publique de la France 13

    une vritable vasion scale par utilisation de dispositifs lgaux qui sont dtourns de leurobjet dans le but dluder limpt.

    Il y a plus de 500 niches scales reprsentant un cot de prs de 150 Mds : dont 70 Mds deniches recenses par le Projet de Loi de Finances 2013, et autant de niches scales dclasses(75 Mds), qui ne sont donc plus recenses en tant que telles (mais existent toujours !), ou ne lont jamais t.

    Les niches scales les plus coteuses (cot annuel) : Crdit dimpt sur la comptitivit des entreprises : 20 Mds Dispositifs drogatoires la TICPE (taxe intrieure de consommation des produits nergtiques) : 5,7 Mds Crdit dimpt recherche : 5 Mds TVA au taux rduit sur les travaux de rnovation : 5 Mds TVA au taux rduit sur la restauration : 3 Mds Crdit dimpt pour lemploi dun salari domicile : 3,9 Mds Niche Cop (exonration de plus-value sur cessions de liale) : 2 5 Mds Exonration et scalit rduite sur lassurance-vie : 3 Mds

    Le CICE Le gouvernement Hollande a cr la niche scale la plus coteuse par une nouvelle mesurecense amliorer la comptitivit par labaissement du cot du travail : le crdit dimpt pour la comptitivit des entreprises (CICE) de 20 Mds par an, sur les salaires infrieurs 2,5 foisle SMIC. Le CICE diminuera le rendement de limpt sur les socits et de limpt sur le revenu(bnces industriels et commerciaux, bnces non commerciaux et bnces agricoles). Il sagit de rduire le cot du travail mais la nouveaut est quil sagit l dun allgement dimpt(niche scale) et non de charges sociales (niche sociale) : il pse directement sur le budget de lEtat (le budget de la scurit sociale nest pas concern). An de compenser cette pertebudgtaire pour lEtat, le gouvernement a dcid laugmentation globale de la TVA. Au 1er janvier2014, la TVA au taux normal passe de 19,6 % 20 % et la TVA au taux intermdiaire passe de 7 % 10 %, le taux rduit de TVA 5,5 % reste inchang, tandis que les dpenses publiquessont rduites de 10 Mds pour complter le nancement du CICE. Laddition sale est doncpaye au nal par les mnages (hausse des prix la consommation, moins de servicespublics).Le tout sans contrepartie exige des entreprises.

    Le Crdit dImpt RechercheCr en 1983, rform en 2008, ce crdit dimpt rserv aux entreprises est gal 30% deleurs dpenses de recherche et de dveloppement jusqu 100 millions deuros (5% au-del).Selon les tenants du libralisme, le crdit dimpt entrane aprs plusieurs annes une haussedes investissements privs. Son cot trs lev (autour de 5 milliards par an) et la question de son efcacit relle au regard de son cot, fait dbat. En 2012, le Conseil des Prlvementsobligatoires sest prononc en dfaveur de la cration dun crdit dimpt innovation et a proposde rformer le dispositif du CIR en dlimitant plus clairement la frontire entre les dpensesligibles et celles qui ne doivent pas ltre, en amliorant le contrle sur les dpenses engages,notamment sur les dpenses de personnel, en rendant plus efcace la dpense. Ce sont gnralement les grandes entreprises qui sont les principales utilisatrices du CIR. Le gouvernement Hollande vient de donner une nouvelle extension au crdit dimpt recherche certaines dpenses dinnovation en faveur des PME (loi de Finances doctobre 2012). Les questions de son cot au regard de son efcacit, et celle de son contrle, perdurent

    Les niches anti-cologiquesLes dispositifs drogatoires relatifs la taxe intrieure sur la consommation des produits nergtiques (ex TIPP taxe intrieure sur les produits ptroliers) comprend plusieurs dispositifsdrogatoires pour un total de 5,7 Mds. La niche scale la plus importante de la TICPE est le gas-oil sous condition demploi, qui concerne le secteur de lagriculture et le BTP (2 Mds).Les autres dispositifs drogatoires la TICPE sont relatifs au transport de marchandises, aux taxis, et aux biocarburants.

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    Outre le cot trs lev de tels dispositifs drogatoires, se pose la question de labsence de toute politique environnementale, en accordant de tels avantages nanciers des secteurspour leur consommation de gas-oil alors quils engendrent missions de CO2 et autres particules Sans compter lencouragement discutable apport aux biocarburants (ils gnrentdes cultures qui viennent se substituer aux cultures vivrires) .

    La niche CopCre en 2004, la niche scale dite Cop, du nom du Ministre du budget qui la t voter, a beaucoup fait parler delle. Il faut avant tout rappeler que cette niche est une exonration des plus-values sur cession de liales et de titres de participation long terme (cest--diredtenus depuis plus de 2 ans) bnciant aux socits (le dispositif sest progressivement misen place : le taux dimposition de ces plus-values est tout dabord pass de 19 15 % partirdes exercices ouverts compter du 1er janvier 2005, puis 8 % partir du 1er janvier 2006avant une exonration partir du 1er janvier 2007).

    En dpit de la polmique sur lutilit et le cot budgtaire, cette niche bncie quasi-exclusivement aux grands groupes (96 % de lconomie dimpt prote en effet 250 grandesentreprises), elle savre galement coteuse pour les nances publiques. Lavantage que procure cette niche a t rduit par le gouvernement Hollande, mais elle na pas disparu.

    Baisse de limpt sur les socits : injuste et sans contrepartieLe gouvernement vient de dcider dabaisser le taux de limpt sur les socits de 33 1/3 % 28 % dici 2020, sans chiffrer le manque gagner pour lEtat (Rappelons quen 1985, le tauxde limpt sur les socits tait encore 50 % puis il a subi des baisses successives). Pourtant,les grands groupes ne supportent quun taux rel dimposition limpt sur les socits de 8 %en moyenne (selon le rapport du Conseil des prlvements obligatoires de 2009) grce lutilisation de nombreuses mesures drogatoires, sans compter lvasion scale dans lesparadis scaux. Ces grandes entreprises bncient en effet de rgimes dimposition limptsur les socits trs favorables tels le rgime de groupe de socits ou celui du report en arrire de dcit qui permet ces entreprises de se faire restituer limpt antrieurementpay. Les PME (taux rel dimposition : 22 %), et TPE (taux rel dimposition : 28 %) payent, elles leur cot Cette baisse de lIS est accorde sans contrepartie. Cela augmentera la part de bnce distribuer, et la rmunration des actionnaires

  • Que faire de la dette ? Un audit de la dette publique de la France 15

    La charge des intrts

    Les intrts de la dette sont, avec le dcit primaire, la deuxime source daugmentation de la dette publique. Cest la diffrence entre le taux dintrt et le taux de croissance, que lonappelle cart critique, qui est ici dterminante. Les trente dernires annes ont t marquespar dimportants mouvements relatifs entre ces diffrentes variables.

    Le taux dintrt retenu ici est le taux apparent qui rapporte les intrts dune anne la dettede lanne prcdente. Il est orient la baisse sur toute la priode : il passe de prs de 10 % au dbut des annes 1980 moins de 3 % aujourdhui (graphique 5).

    Le taux dintrt rel dpend par dnition de lination ; or celle-ci sest fortement ralentie au cours des annes 1980 et 1990, puis sest stabilise environ 2 %. Le taux dintrt rel(aprs ination) a connu de trs amples uctuations. Il est encore ngatif jusquen 1983, puis il augmente au dbut de la rvolution no-librale, marque par une politique montairerestrictive au plan international et une forte hausse de la rmunration du capital. Au dbutdes annes 1990, la politique de dsination comptitive (ou du franc fort) mene par le gouvernement de Brgovoy pour prparer lentre dans leuro, puis la crise montaire due la spculation nancire contre les monnaies europennes, se traduisent par une envoleindite des taux dintrt (jusqu 6% en 1993). La priode 1993-2000 se caractrise ensuitepar un taux dintrt rel trs lev. Cest seulement partir de 2000 (anne de mise en placede leuro) quil se met baisser rgulirement jusqu un niveau faible, de lordre de 1 % (graphique 5).

    Limpact du taux dintrt sur la dynamique de la dette dpend de sa position relative par rapport au taux de croissance du PIB. Le graphique 6 ci-dessous retrace lvolution de la diffrence entre taux dintrt et taux de croissance : les zones grises permettent de visualiser les priodes durant lesquelles cet cart critique est positif, ce qui est le cas tout au long des annes 1990.

    Graphique 5 Graphique 6Taux dintrt sur la dette publique Composantes de lcart critique

    En % du PIB En % du PIBSource : Insee Source : Insee

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    Un premier bilan

    Entre 1980 et 2012, le ratio dette/PIB est pass de 20,7 % 90,2 %. Cette hausse peut tredcompose en deux effets : le cumul des dcits primaires, et leffet boule de neige qui sedclenche quand lcart critique est positif (cest--dire quand le taux dintrt est suprieurau taux de croissance, voir annexe). On constate que prs des deux tiers (62 %) de cette augmentation de 69,5 points de PIB peuvent tre imputs au cumul des dcits et un gros tiers(38 %) leffet boule de neige (graphique 7).

    Graphique 7Composantes de laugmentation de la dette publique

    En % du PIBSources : Insee, calculs CAC

    La dynamique de la dette est donc caractrise par des effets cumulatifs et par une grandeinertie. La contribution de leffet boule de neige a ainsi t dterminante dans la baisse du ratio Dette/PIB jusquau milieu des annes 1980. Elle reste lgrement ngative jusqu la n des annes 1990, puis augmente brutalement jusquau dbut des annes 2000 avec la monte des taux dintrt. Elle sattnue ensuite mais reste acquise un niveau lev.Autrement dit, les administrations publiques, et lEtat au premier chef, continuent sendetteren raison demprunts contracts dans les annes 1990 pour payer des intrts gons par la monte des taux. Rappelons que cette monte des taux rsultait des contraintes imposes par le trait de Maastricht prvoyant leuro et de la crise spculative sur les marchsdes changes en 1992-93, donc du jeu des intrts nanciers.

    La contribution du cumul des dcits augmente elle aussi trs fortement durant la dcennie1990, puis tend se stabiliser un niveau lev. Enn, la priode de crise cumule le retour un cart critique positif en 2009 et un creusement des dcits. Entre 2008 et 2012, la dettepublique passe de 68,2 % du PIB 90,2 %, soit 22 points supplmentaires. Les estimations de la Commission europenne montrent que ce ratio devrait continuer augmenter 93,5 %en 2013, puis 95,3 % en 2014.

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    II. Les collectivits localesentre transferts de charges, prts toxiques et austrit

    Les collectivits locales sont dsignes comme un point dapplication des nouvelles mesuresdaustrit. On leur impute en effet des dpenses redondantes et en trop forte augmentation.Cette prsentation ne tient cependant pas compte de plusieurs facteurs et notamment du faitque les collectivits locales ralisent une part croissante de linvestissement public, qui atteintplus de 70 % en 2012.

    Graphique 8Transferts de charges et dpenses des collectivits locales

    En % du PIBSource : Rapport sur la dpense publique 2013, http://gesd.free.fr/rdep13.pdfAPA : Allocation personnalise pour lautonomie - SRV : Service rgional de voyageurs - PCH Prestation de compensationdu handicap - Loi LRL Loi relative aux liberts et responsabilits locales du 13 aot 2004.

    La dcentralisation a conduit un transfert de charges vers les collectivits locales. Entre 1983et 2011, les dpenses des collectivits locales ont augment de 3,05 points de PIB, notammentdu fait de la dcentralisation dont limpact a t de 1,67 points5 (graphique 8).

    Globalement, les comptes des collectivits locales sont proches de lquilibre, avec un dcitde 0,2 % du PIB en 2012. Mais beaucoup dentre elles sont confrontes des prts toxiques,baptiss emprunts structurs dans le jargon de la nance6. Par emprunts structurs, il fautentendre des crdits qui bncient de taux attractifs pendant quelques annes, mais qui sontensuite indexs sur divers indices qui conduisent des taux dintrt prohibitifs.

    5 Rapport sur la dpense publique, Projet de loi de nances pour 2013, http://goo.gl/UvUgI96 Patrick Saurin, Les Prts toxiques, une affaire dEtat, Demopolis, 2013.

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    En voici un exemple typique parmi bien dautres : en 2007, la ville de Chambry a empruntla somme de 6 706 072 pour une dure de 27 ans. Le contrat prvoyait que un taux de 2,98 %la premire anne et de 3,27 % les deux annes suivantes. Pour les 24 annes restantes, le taux serait rest 3,27 % condition que le cours du franc suisse ne descende pasen dessous de 1,45 . Dans le cas contraire, le taux serait calcul selon la formule : 3,27 % +{0,5 x [(1,45/change -CHF) 1] x 100}. Avec un euro qui vaut aujourdhui (mars 2014) environ1,22 CHF, ce taux serait de 12,7 %. Cest surtout Dexia qui a mont ce genre demprunt qui lui permettait de spculer sur la valeur du franc suisse.

    Un rapport parlementaire rcent7 valuait 32,125 milliards deuros lencours total, au secondsemestre 2011, des prts structurs souscrits par lensemble des acteurs publics locaux [communes, EPCI et syndicats, dpartements, rgions, tablissements publics de sant et organismes du logement social]. Cet encours doit tre rapport au volume global dendettement des mmes acteurs, qui atteignait 276,8 milliards deuros n 2010. Selon le mme rapport, le surcot li aux emprunts structurs risque stablirait 730 millionsdeuros par an auquel il faut ajouter celui rsultant des contrats dchange demprunts(swaps) dangereux, valu 252 millions deuros, soit environ 1 milliard deuros par an qui quivaut une augmentation de 13,5 % des intrts nanciers. Au dbut de lanne 2013,lEtat franais a repris travers la SFIL (Socit de Financement Local), une structure 100 %publique, lintgralit des encours toxiques de Dexia. Aujourdhui, aprs avoir t pourtantsanctionn par le Conseil constitutionnel le 29 dcembre 2013 ce sujet, le gouvernementsapprte prsenter un nouveau projet de loi destin faire supporter par les collectivitslocales la totalit du risque des emprunts toxiques de Dexia. Ltude dimpact du projet de loivalue ce risque nancier 17 milliards deuros.

    Les hpitaux aussi

    La dette moyen et long terme des hpitaux a tripl en dix ans, pour atteindre 29,3 milliardsdeuros en 2012. Tel est le constat dun rcent rapport de la Cour des comptes8 qui expliquecette progression spectaculaire par une politique dinvestissement privilgiant le recours lendettement dans le cadres des plans Hpital 2007 et Hpital 2012.

    Ce recours lendettement conduit une exposition aux emprunts structurs aussi dangereuseque celle des collectivits locales. Ces emprunts structurs reprsentent 2,5 milliards deurosen 2012 et 9 % de lencours total. Ils sont concentrs sur moins dune centaine dtablissementsde sant (notamment les CHU dAmiens, Chalon-sur-Sane, Metz, Dijon ou Marseille) qui se retrouvent - comme les collectivits locales - plombs par des prts toxiques indexs sur le yen, le franc suisse, le Libor, etc. L encore, Dexia, les Caisses dpargne et le Crdit agricole ont t particulirement en pointe. Le rapport montre aussi que les hpitaux nont pasprot de la baisse des taux dintrt au cours des annes rcentes et explique cet cart par le renchrissement des marges bancaires.

    7 Assemble nationale, Emprunts toxiques du secteur local : dune responsabilit partage une solution mutualise, rapport No.4030, dcembre 2011, http://www.assemblee-nationale.fr/13/pdf/rap-enq/r4030.pdf8 Cour des comptes, La dette des tablissements publics de sant, avril 2014, http://goo.gl/RjzHSl

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    III. Le trou de la Scurit socialeLes ressources des organismes de scurit sociale dpassent largement celles de lEtat(tableau 4. Cest donc un enjeu nancier considrable, et cest au nom des dcits rels ou sup-poss de la Scurit sociale que sont menes les rformes les plus dvastatrices dun point devue social : baisse des pensions de retraite, franchises et dremboursements qui renforcent lesingalits devant la sant, etc. Pourtant la dette de la Scurit sociale est relativement faiblepar apport celle de lEtat : 212 milliards deuros contre 1531 milliards en 2013.

    Tableau 4 Les prlvements obligatoires en 2012 En milliards deuros En % du PIBEtat + ODAC 292,1 14,3Administrations publiques locales 123,6 6,1Administrations de scurit sociale 492,9 24,3Institutions de lUnion europenne 5,0 0,2Total des prlvements obligatoires 913,5 45,0Source : PLF 2014, Rapport conomique, social, et nancier, tome 2, http://goo.gl/07Hq6f

    Le dcit senvole quand lemploi et la masse salariale sont impactes par une rcession,puisque les ressources restent majoritairement assises sur la masse salariale. Cela traduit lerle, utile, de stabilisateur automatique des dpenses sociales en priode de rcession. Maisle dcit rsulte aussi de politiques publiques qui entranent des pertes de recettes. Les all-gements de cotisations sociales ne sont pas intgralement compenss par lEtat, pour 3,3 mil-liards deuros qui restent charge de la scurit sociale en 2013.

    Toute une srie dexemptions ont t peu peu introduites, notamment pour encourager lesformes de rmunrations non salariales : participation, intressement et stock options ; pro-tection sociale complmentaire dentreprise ; prestations diverses (tickets restaurant, chquesvacances, etc.) ; indemnits de rupture, et mme primes de dividendes. En 2013, lensemble deces exemptions ont port sur 47,4 milliards deuros et engendr 6,5 milliards deuros de pertesde recettes. L encore les dcits sont organiss sciemment : au total, ces pertes de recettesont reprsent plus de la moiti du dcit cumul entre 2010 et 2013 (tableau 5).

    Tableau 5Exonrations, exemptions et solde de la scurit sociale Cumul 2010 2011 2012 2013 2010-2103Solde -28,0 -20,9 -17,4 -16,2 -82,5ENC Exonrations non compenses 3,1 3,0 3,2 3,3 12,6EA Exemptions dassiettes 8,9 9,2 8,0 6,5 32,6Solde hors ENC et EA -16,0 -8,7 -6,2 -6,4 -37,3En milliards deurosSources : Rapport du Snat sur le projet de loi de nancement de la scurit sociale(PLFSS) 2014, http://goo.gl/sdxsvz ; PLFSS 2014, Annexe 1, http://goo.gl/vN5Upz

    La dette de la scurit sociale aux mains des marchs nanciers

    Les cotisations sociales reprsentaient 96,4 % des ressources de la Scurit sociale en 1990, la veille de la cration de la CSG, mais cette proportion est tombe 68 % en 2012. La partscale du nancement est passe dans le mme temps de 3,6 % 32 % en 2012 (dont 20,5 %de CSG).

    Jusquen 1996, la hausse des taux de cotisations sociales permettait de combler un ventueldcit, et lEtat pouvait complter par dotations ou reprise au sein de la dette du Trsor.

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    Ce mode de nancement va tre profondment modi lors du plan Jupp, en dpit du mouvement social qui sy tait oppos.

    Ds le 30 dcembre, une loi est vote au Parlement autorisant le gouvernement rformer la Scurit sociale par ordonnances. Lordonnance No.96-50 du 24 janvier 1996 et le dcretNo.96-353 du 24 avril 1996 crent la Caisse damortissement de la dette sociale (CADES)9.A lorigine, elle devait achever sa mission en juillet 2009, mais son existence a t prolongejusquen 2025. La CADES est un Etablissement Public Administratif, plac sous lautoritconjointe du Ministre des nances et du Ministre en charge de la scurit sociale.

    La CADES dispose de quatre principales ressources qui sont au total prleves pour les troisquarts sur les salaris et les retraits : la contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS) est prleve au taux de 0,5%sur lensemble des revenus dactivit et de remplacement, des revenus du patrimoine et desplacements ainsi que sur les ventes des mtaux prcieux et les gains des jeux de hasard. Elle a rapport 6,5 milliards deuros en 2013. une fraction de la contribution sociale gnralise (CSG) : 5,8 milliards deuros en 2013. une fraction du prlvement social sur les revenus du capital : 1,4 milliards deuros en 2013. un versement annuel de 2,1 milliards deuros du Fonds de rserve pour les retraites (FRR).

    Contrairement lAgence Franaise du Trsor (AFT) qui gre la dette de lEtat, la CADES est autorise intervenir sur le march des changes et sur les marchs terme. Elle fonctionnedonc comme une banque daffaires qui possde dailleurs sa propre salle des marchs. Elle bncie du rseau des banques Spcialistes en Valeur du Trsor (SVT) de lAFT mais peutaussi chercher des nancements de gr gr y compris dans des paradis scaux comme le Luxembourg ou la City de Londres.

    Les besoins sociaux rationns

    Jusquau dbut des annes 1990, le nancement de la Scurit sociale obit une logique desbesoins : la progression des dpenses est couverte par laugmentation des taux de cotisations.Cette logique sera ensuite progressivement inverse pour devenir une logique budgtaire : lesdpenses doivent sajuster aux recettes. Institu en 1996, lObjectif national des dpensesdassurance maladie (Ondam) xe un plafond la croissance des dpenses (pas forcmentrespect) et les rformes successives des retraites sont justies par la ncessit de ne pasdpasser un certain seuil.Ces orientations sappuient sur un principe, dfendu becs et ongles par le patronat, selonlequel les cotisations sociales, baptises charges ne devraient plus augmenter. Effectivementle taux des cotisations sociales employeurs baisse depuis 20 ans, et celui des cotisationssalaris est bloqu depuis une quinzaine dannes.

    La scalisation de la Scurit sociale permet de dresponsabiliser les entreprises lgard de la monte des dpenses sociales, et de les ddouaner de tout nancement supplmentairequi repose de manire croissante sur les revenus des salaris et des retraits via la CRDS et la CSG. Et la scalisation saccompagne logiquement de la nanciarisation.

    Il faut donc analyser la dette sociale comme le rsultat dune rupture profonde avec la logiqueinitiale de la Scurit sociale. La progression de cette dette serait grandement freine par la suppression des exonrations de cotisations patronales - socialement inutiles et conomiquement inefcaces - et des exemptions destines cannibaliser le salaire direct en privilgiant des formes de rmunrations supportant peu ou pas de cotisations.

    Plus fondamentalement, le constat qui vient dtre fait souligne la ncessit dun dbat publicsur le mode de nancement de la protection sociale.

    9 voir Pour un audit de la dette sociale ! CADTM, janvier 2013, http://goo.gl/5da2Ns

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    IV. A qui la faute ? Elments pour un audit de la dette de lEtat Aprs cette analyse descriptive, il faut chercher quantier la contribution des dcits et du taux dintrt la progression de la dette, partir du cadre comptable expos dans lannexe. La mthode retenue consiste considrer les dpenses de lEtat (hors intrtset en % du PIB) comme donnes. On construit ensuite des scnarios permettant dvaluer la contribution des deux facteurs identis ci-dessus, savoir leffet boule de neige des intrts de la dette et lvolution des recettes de lEtat relativement celle de ses dpenses.

    Boule de neige des intrts et cadeaux scaux : deux scnarios

    On a vu que le taux dintrt a t suprieur au taux de croissance du PIB entre 1985 et 2005, ce qui conduit une augmentation mcanique de la dette. Pour en valuer lampleur, on reconstitue ce que serait aujourdhui la dette dans un scnario No.1 o le taux dintrt relnaurait jamais dpass 2 % sur toute la priode 1985-2005 (graphique 9).

    Cette norme de 2 % peut-tre justie de deux manires : elle correspond au taux de croissancede longue priode (+2,2 % par an entre 1896 et 2012) ainsi quau niveau moyen du taux dintrt sur longue priode, comme le montre le graphique 10 qui permet au passage de souligner le caractre exceptionnel, voire aberrant lchelle historique, des taux dintrtrels levs de la priode 1985-2005.

    Graphique 9 Graphique 10Taux dintrt rel de la dette publique Taux dintrt rel long terme

    En % En % NB : hors priodes de guerre et r

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    dette/PIB simul est en 2007 infrieur de 9 points au ratio observ, et de 18 points en 2012(graphique 12).

    Graphique 11 Graphique 12Scnario No.1 : effet boule de neige Scnario No.2 : limpact des cadeaux scaux

    En % du PIB En % du PIBSources : Insee, calculs CAC Sources : Insee, calculs CAC

    Limpact des cadeaux scaux sur le dcit de lEtat est bien sr lui aussi considrable : si lesrecettes avaient t maintenues leur niveau de 1997 (en proportion du PIB), le dcit de lEtataurait t peu prs nul en 2007 et de seulement 2,3 % du PIB en 2012 au lieu de 3,9 % (graphique 13).

    Graphique 13Limpact des cadeaux scaux sur le dcit de lEtat

    En % du PIBSources : Insee, rapport Carrez, calculs CAC

    Ce rsultat frappant est-il exagr ? En ralit on ne fait que retrouver ici lun des principauxrsultats de deux rapports ofciels datant de 2010. Le premier10 tablissait quen labsence de baisses de prlvements, la dette publique serait environ 20 points de PIB plus faibleaujourdhui quelle ne lest en ralit gnrant ainsi une conomie annuelle de charges dintrtde 0,5 point de PIB.

    Le second11 crivait ceci : entre 2000 et 2009, le budget gnral de lEtat aurait perdu entre101,2 (5,3 % de PIB) et 119,3 milliards deuros (6,2 % de PIB) de recettes scales, environ les deux tiers tant dus au cot net des mesures nouvelles les baisses dimpts. On peutvrier sur le graphique 15 que nos estimations sont compatibles avec celles du rapport Carrez, et mme un peu moins catastrophistes concernant limpact des cadeaux scaux.

    10 Paul Champsaur et Jean-Philippe Cotis, Rapport sur la situation des finances publiques, Avril 2010,http://gesd.free.fr/chamcoti.pdf11 Rapport Carrez, Juin 2010, http://gesd.free.fr/carrez10.pdf

  • Que faire de la dette ? Un audit de la dette publique de la France 23

    Une autre dette tait possible

    Pour prendre en compte les interactions entre taux dintrt et cadeaux scaux, on peut enncombiner les deux scnarios prcdents. Rappelons leurs hypothses : scnario No.1 : taux dintrt rel plafonn 2 % entre 1985 et 2005. scnario No.2 : stabilisation du taux de recettes entre 1997 et 2007.

    Le rsultat est spectaculaire, parce que les deux effets se combinent, de telle sorte que leurimpact nest pas simplement la somme des deux scnarios. Le ratio dette/PIB aurait t stabilis 43 % au milieu des annes 1990 puis aurait baiss jusqu un niveau de 30 % en 2007 (au lieu de 64 % rellement observs). En 2012, le mme ratio serait de 43 %, largement infrieur au seuil fatidique de 60 %, comparer aux 90 % effectivement constats(graphique 14).

    Graphique 14Un scnario global rtrospectif

    En % du PIBSources : Insee, calculs CAC

    Certes, on ne refait pas lhistoire avec des si, et il ne manquera pas dexperts pour faire valoir,par exemple, quun maintien des recettes de lEtat son niveau de 1997 tait soit impossible cause de la crise, soit susceptible deffets rcessifs. La validit de ces arguments dpend ducontenu social des cadeaux scaux. Rappelons quils taient supposs doper la consommationet la croissance. Mais, ces effets escompts nont pas eu lieu parce que les cadeaux scauxtaient cibls sur des couches sociales forte propension pargner. Aujourdhui encore, lEtat paie donc les taux dintrt extravagants des annes 1990 et les cadeaux scaux des annes 2000.

    Pourquoi parler de dette illgitime ?

    Lexercice qui prcde a permis de dtecter deux raisons permettant de considrer quune partie de la dette publique est illgitime, en ce sens quelle rsulte de dcisions prisessans respecter lintrt gnral ou au prjudice de lintrt gnral . Rappelons ces raisons : des tauxdintrt excessifs pendant prs de 20 ans, du fait de politiques nolibrales entirement destines servir les cranciers (et les spculateurs sur les monnaies en 1992-93) ; des cadeauxscaux destins soi-disant relancer lemploi mais qui ont en ralit creus les ingalits. On y rajoutera une troisime raison, qui nest pas seulement illgitime mais illgale : lvasionscale.

    Premire raison : des taux dintrt excessifs. Pendant de longues annes, lEtat, tenu dempruntersur les marchs nanciers, a du le faire des taux dintrt trs levs qui ont dclench le mcanisme de boule de neige de la dette. Ce choix est illgitime et contraire lintrtpublic parce quil a procur des prots nanciers exorbitants aux dtenteurs des titres publics,les banques en premire ligne, et travers elles des catgories sociales qui ne sont en rien

  • Que faire de la dette ? Un audit de la dette publique de la France24

    reprsentatives de lensemble de la population. Or, il tait possible de faire autrement, soit en ajustant les recettes publiques, soit en se nanant ailleurs que sur les marchs nanciers, des taux conformes aux moyennes historiques. Les valuations qui prcdent conduisent chiffrer 24 % de la dette publique de 2007 (et 29 % de celle de 2012) limpact cumul de ces taux dintrt excessifs.

    Deuxime raison : les cadeaux scaux. De manire rcurrente mais particulirement marquedepuis la n des annes 1990, lEtat a unilatralement rduit ses recettes, contribuant ainsi creuser le dcit. La partie de la dette ainsi acquise peut elle aussi tre considre commeillgitime parce quune telle politique ne pouvait atteindre les objectifs conomiques viss et quelle a en pratique t cible vers des couches sociales privilgies. Les baisses dimptsdevaient doper la consommation des mnages et linvestissement des entreprises, mais ce nest pas ce qui sest pass, comme ctait prvisible. Comme elles taient cibles sur les catgories de mnages les plus favorises, ces baisses dimpts ont plutt conduit un supplment dpargne. Et comme elles ntaient assorties daucune conditionnalit, les entreprises nont pas plus investi quavant, mais ont distribu encore plus de dividendes.

    Ces baisses dimpt, loin de favoriser lemploi, ont entran une vritable redistribution lenvers. En sendettant auprs des mnages riches quil dscalisait, lEtat a ainsi opr untransfert leur prot, et leur a permis de gagner deux fois : en payant moins dimpts, et en se voyant offrir un placement sr.

    Cette fraction de dette illgitime peut tre chiffre 11 % de la dette publique de 2007 et 24 % de celle de 2012.

    Troisime raison : lvasion scale. Selon les estimations de Gabriel Zucman12, le cot de lafraude permise par le secret bancaire slve en 2013 50 milliards deuros pour lensemble de lEurope, dont prs de 17 milliards pour la France : 9 milliards pour limpt sur les revenus du capital, 4 pour limpt sur les successions et 4 pour lISF (impt de solidarit sur la fortune).

    Depuis 1980, avec la libralisation complte des mouvements de capitaux, le recours des riches contribuables aux paradis scaux sest considrablement accru. Si ces sommesenvoles avaient t imposes en France depuis le dbut des annes 1980, la dette de lEtatserait en 2012 infrieure de 424 milliards deuros et ne reprsenterait que 50 % du PIB au lieude 70,8 % (graphique 15).

    Le surcot li lvasion scale peut donc tre estim 20 % de la dette de lEtat en 2012 (et 15 % en 2007).

    Graphique 15Limpact de lvasion scale

    En % de la dette de lEtat. Source : Gabriel Zucman, calculs CAC. Donnes disponibles sur sa page : http://goo.gl/VGdQkg

    12 Gabriel Zucman, La richesse cache des nations, Le Seuil, 2013.

  • Que faire de la dette ? Un audit de la dette publique de la France 25

    Cet exercice permet au passage dillustrer la force des mcanismes cumulatifs de lendettement.Lvasion scale, telle que lvalue Gabriel Zucman, passe de 0,5 % des recettes de lEtat en 1978 environ 4 % en n de priode. Cela peut sembler relativement peu, mais cette pertede recettes conduit une trs forte croissance de la dette en raison de ses effets cumulatifssur la charge dintrts.

    Cependant, vu la mthode ici utilise, lvasion scale se rete en partie dans la mesure des cadeaux scaux, sans quil soit possible de dire dans quelle proportion. En effet, nousavons pris comme indicateur des cadeaux scaux la baisse des recettes publiques en % du PIB, dont une part peut tre attribue lvasion. On ne peut donc pas cumuler ces deuxsources daccroissement de la dette puisquelles ne sont pas indpendantes. Lvasion scalenest donc rappele que pour mmoire dans le tableau 6 rcapitulatif qui conduit la conclusionsuivante :

    Au total, plus de la moiti (59 % dans notre valuation) de la dette publique peut tre consi-dre comme illgitime au sens dni prcdemment.

    Tableau 6Une valuation de la dette publique illgitime

    Boule de neige Cadeaux Total (Evasion scale) des intrts scaux 2007 en milliards deuros 453 208 660 283en points de PIB 24 11 35 15en % de la dette 37 17 55 232012 en milliards deuros 589 488 1077 406en points de PIB 29 24 53 20en % de la dette 32 27 59 22

    La dette par temps de crise

    Les valuations qui prcdent sont tablies partir de la situation de la dette publique de 2007,autrement dit avant la crise. Toute crise conduit mcaniquement un creusement des dcits,puisque les dpenses tendent continuer sur leur lance, tandis que les recettes sont directement affectes par le recul de lactivit. Il nest donc pas surprenant de constater que la dette publique a franchi entre 2007 et 2013 une marche descalier de 29 points de PIB(de 64,3 % 93,5 % du PIB).

    Pour mieux valuer cet impact de la crise sur le solde public, on utilise lcart de production(output gap) entre le PIB potentiel et le PIB effectif. On postule (sur la base de lobservation des rcessions antrieures) quun point de PIB en moins cote une baisse de 0,5 point de PIBdes recettes publiques. Le dcit conjoncturel est donc dni comme la moiti de lcart de production et on appelle dcit structurel la diffrence entre le dcit effectif et le dcitconjoncturel.

    Le premier effet de la crise sur la dette passe par un effet dcit qui est la somme du dcitconjoncturel (d pour lessentiel la baisse des impts et de la masse salariale cause du chmage), des plans de relance de 2009 et 2010, plus une valuation des pertes de recettessupplmentaires engendres par la rcession.

    Il faut y ajouter le retour de leffet boule de neige des intrts. A cause de la chute de la croissancedu PIB et du prix du PIB et malgr leffet de la baisse du taux dintrt apparent sur la dette,lcart critique (taux dintrt rel ajust pour la croissance) a t fortement positif en 2008 et 2009, et le redevient en 2012 et 2013.

  • Que faire de la dette ? Un audit de la dette publique de la France26

    Au terme des calculs (tableau 7), limpact de la crise peut tre valu 22 points en cumul de 2007 2013. En dautres termes, les trois quarts de laugmentation de la dette entre 2007 et 2013 peuvent tre imputs la crise, soit par effet direct sur le dcit public, soit (pour un quart) par le biais du cumul des intrts (graphique 16).

    Graphique 16Limpact de la crise sur la dette publique

    En % du PIBSources : Insee, calculs CAC

    Tableau 7Les chiffres-cl de la dette dans la crise

    2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013PIB volume* 2,5 2,3 -0,1 -3,1 1,7 2,0 0,0 0,3Prix du PIB* 2,1 2,6 2,5 0,7 1,0 1,3 1,5 1,1PIB* 4,7 5,0 2,4 -2,4 2,7 3,3 1,5 1,4Ecart de production 0,5 0,8 -1,2 -6,2 -6,3 -6,0 -7,7 -9,3Plan de relance 1,2 0,3 Surraction des recettes 1,0 0,5 Solde conjoncturel 0,3 0,4 -0,6 -3,1 -3,2 -3,0 -3,9 -4,6Charges dintrt 2,4 2,5 2,7 2,2 2,3 2,5 2,4 2,4Solde structurel primaire -0,2 -0,7 0,0 -0,1 -0,8 0,2 1,4 2,9Solde -2,4 -2,8 -3,3 -7,6 -7,1 -5,3 -4,8 -4,1Impulsion budgtaire 0,1 -0,6 1,2 -0,8 -0,6 -1,2 -1,3Taux dintrt apparent** 4,1 4,4 4,7 3,5 3,1 3,3 3,0 2,6Ecart critique** -0,6 -0,5 2,3 5,9 0,4 0,0 1,5 1,2Effet solde -0,3 -0,4 0,6 0,9 2,4 3,0 3,9 4,6Effet cart critique -0,4 -0,3 1,5 4,0 0,3 0,0 1,3 1,1Cumul des deux effets -0,6 -1,4 0,7 5,6 8,3 11,3 16,5 22,1Dette corrige de leffet solde 64,3 64,3 68,6 78,7 79,5 80,0 80,6 78,9Dette corrige des deux effets 64,3 64,3 67,8 73,9 74,4 74,9 74,1 71,4Dette publique effective 64,3 64,3 68,5 79,5 82,7 86,2 90,6 93,5Source : OFCE. En % du PIB sauf * en taux de croissance et ** en %

    L encore on peut argumenter en faveur du caractre illgitime de cette envole de la dettepublique, provoque par la crise nancire de 2008 : cette crise ne rsulte-t-elle pas de 30 ansde drgulation nancire et de dmission des rgulateurs publics, soucieux avant tout de stimuler lessor des marchs nanciers internationaux ? Plus spciquement, na-t-elle past provoque par lirresponsabilit des banques, qui se sont livres une dbauche de prise

  • Que faire de la dette ? Un audit de la dette publique de la France 27

    de risques et que les Etats ont du sauver en catastrophe dune faillite certaine en injectant des milliers de milliards de dollars et deuros an dviter leffondrement du systme nancier ?

    Cependant il ne serait pas correct techniquement dajouter la contribution de la crise nancire(22 points de PIB) lvaluation de la dette illgitime, puisquune partie importante (lie lcartcritique entre taux de croissance et taux dintrt entre 2009 et 2011) a dj t incluse dansleffet boule de neige.

    Qui dtient la dette ? Un secret dEtat

    Pour nancer sa dette, lEtat met via lAgence France Trsor (AFT) des titres nanciers que des institutions nancires achtent. Mais pas nimporte lesquelles : seules peuvent sous-crire 19 grandes banques baptises spcialistes en valeur du Trsor (SVT) qui sont ensuitecharges de les couler sur les marchs nanciers13. Elles ont t slectionnes en fonction de leur solidit nancire, de la prsence Paris de rels spcialistes, notammentdconomistes et de stratgistes, prsence dans laquelle [lAFT] voit un moyen irremplaablepour crer et maintenir avec efcacit un fort niveau de conance. Il faut noter que ces intermdiaires peroivent une commission de 0,25 % et que la plupart dentre elles ont timpliques dans des scandales nanciers.

    Mais qui, en n de compte, dtient la dette ? Sur le site de lAFT, la seule information disponibleest un graphique14. On peut seulement constater que le taux de dtention par les non-rsidentsa atteint un maximum 70,6 % en 2010 (contre 32 % en 1993) et quil il a ensuite baissjusquen mars 2013, avant de repartir la hausse pour dpasser aujourdhui les deux tiers.Mais ces chiffres ne veulent rien dire parce que, comme lexplique Patrick Artus, un investisseursaoudien, qui dtient de la dette franaise car il a investi dans un fonds dinvestissement Londres, est comptabilis comme un investisseur britannique. Cest pourquoi les trois paysqui comptent les plus gros dtenteurs de la dette franaise seraient le Luxembourg, les lesCamans et le Royaume-Uni15. Les non-rsidents peuvent donc tre aussi de faux non-rsidents,des Franais dtenteurs dun portefeuille dobligations via un paradis scal.

    Cette opacit est organise lgalement : larticle L. 228-2 du Code de commerce, le dcret dapplication No. 2002-803 du 3 mai 2002, ainsi que larticle L. 212-4 du Code montaire et nancier relatif la nominativit obligatoire) interdisent en effet de communiquer lidentitdes cranciers. Par consquent, comme lindique la rponse faite une question parlementaire16lAgence France Trsor ne peut pas identier prcisment les dtenteurs des obligations assimilables du Trsor (OAT), des bons du Trsor intrts annuels (BTAN) et des bons du trsor taux xe (BTF).

    Les informations de lAFT ne sont mme pas compatibles avec celles de la base de donnes17que le FMI vient de compiler partir de diverses sources. Certes, lvolution est la mme, mais pas le niveau, et le FMI donne un peu plus dinformations (tableau 8).

    13 Les plus actives, selon le classement tabli par lAFT sont, dans lordre : BNP Paribas, Socit Gnrale, Barclays, HSBC,Crdit Agricole, Morgan Stanley, Natixis, Royal Bank of Scotland, Bank of America-Merrill Lynch, Citigroup.14 Dtention par les non-rsidents des titres de la dette ngociable de lEtat AFT, http://goo.gl/L3gPQm15 Ccile Prudhomme, Quand les obligations d'Etat sont dtenues par les Etats, Le Monde, 23 juin 2011,http://gesd.free.fr/prud611.pdf16 Qui dtient les bons du Trsor ?, Rponse une question parlementaire, novembre 2010, http://goo.gl/9u6PU1 17 Sovereign Investor Base Dataset for Advanced Economies (mise jour du 31 janvier 2014); voir : Serkan Arslanalp andTakahiro Tsuda (2012) Tracking Global Demand for Advanced Economy Sovereign Debt, IMF Working Paper WP/12/284,Washington, DC, http://goo.gl/XJuSFi

  • Que faire de la dette ? Un audit de la dette publique de la France28

    Tableau 8Qui dtient la dette franaise

    Investisseurs trangers 57,9Banques centrales et institutions internationales 28,9Banques 8,3Investisseurs institutionnels 20,7

    Investisseurs nationaux 42,1Banque centrale 2,9Banques 20,2Investisseurs institutionnels 19,1

    Total 100,0

    Au 3me trimestre 2013Source : FMI, http://goo.gl/XJuSFi

    Si lEtat ne sait donc pas qui sont ses cranciers, comment fait alors le Trsor public pour payerles intrts de la dette et rembourser les emprunts arrivs chance ? Concrtement, cesoprations se font par voie lectronique au moyen dun systme de rglement/livraison nommRelit Grande Vitesse (RGV) par lintermdiaire de chambres de compensation, Euroclear Franceet Clearstream International. Ces oprations de rglement ne sont pas opaques pour tout le monde puisque les instructions transmises par les participants RGV sont accessibles viaSWIFT (Society for Worldwide Interbank Financial Telecommunication : toutes les transactions y sont traces, du donneur dordre au bnciaire en passant par les banques et fonds intermdiaires. LEtat aurait donc parfaitement la possibilit de dresser un tat prcis de ses cranciers sil lexigeait dEuroclear France ou de SWIFT. Ce serait en outre un moyenpuissant de lutter contre diverses formes de fraude et dvasion scales.

    La dette de lEtat, un mouvement perptuel

    Chaque anne, lencours de dette de lEtat saccrot en fonction du dcit courant supprimeret la dette est donc le cumul des dcits passs. Mais quen est-il des remboursements destitres de la dette venant chance ? Ils napparaissent pas dans le budget de lEtat mais onpeut les trouver sur le site de lAgence France Trsor, charge de la gestion de la dette de lEtat.

    On comprend alors pourquoi la dette de lEtat est une dette perptuelle, ce qui fait une normediffrence avec la dette dun mnage ou dune entreprise. Chaque anne, en effet, le besoin de nancement de lEtat est constitu du dcit courant nancer, mais aussi de lamortissementde la dette, autrement dit des remboursements demprunts chance. On a donc : Emissionsde dette = Amortissement + dcit budgtaire

    En 2014, par exemple, le dcit budgtaire devrait tre de 70,6 milliards deuros et lamortissementde la dette de 103,8 milliards. Les missions devront donc tre de 176,4 milliards deuros,moyennant quelques postes accessoires (tableau 9).

    Tableau 9Tableau de nancement de lEtat 2011 2012 2013 2014Besoin de nancement 190,9 182,0 185,8 176,4Amortissement de la dette 95,4 100,2 106,7 103,8Autres 0,0 0,0 7,2 2,0Dcit budgtaire 95,5 81,8 71,9 70,6Ressources de nancement 190,9 182,0 185,8 176,4Emissions 184,0 179,0 169,0 173,0Autres 6,9 3,0 16,8 3,4Source : Agence France Trsor, Rapport dactivit 2013, http://goo.gl/jMvEf3

  • Que faire de la dette ? Un audit de la dette publique de la France 29

    Ce constat a une double consquence. La premire est que les intrts verss ont t, de rares exceptions prs, infrieurs aux ressources nettes obtenues pour nancer le dcit.Alors que les charges dintrt reprsentent bon an mal an environ 10 % des dpenses de lEtatdepuis 20 ans, ces ressources demprunt ont peu prs toujours t suprieures ce seuil(graphique 17). Entre 1980 et 2012, le cumul des intrts sur la dette est de 924 milliards deuros, comparer aux 1380 milliards de ressources demprunts nets. Il y a l une diffrencefondamentale avec la dette dun mnage qui ne peut tre ternellement reconduite : la dette de lEtat est une dette perptuelle.

    Graphique 17Financement du dcit et intrts verss par lEtat

    En % des dpenses totales de lEtatSource : Insee

    La seconde consquence de ce constat est que la condition de soutenabilit de cette detteperptuelle ne peut simplement sexprimer en relation avec le ratio Dette/PIB. La vraie conditionest quune hausse du taux dintrt ne conduise pas ce que les charges dintrt dpassent le besoin de nancement. On peut prendre un exemple numrique pour illustrer ce cas de gure.Soit une dette de lEtat reprsentant 75 % du PIB et un dcit de 3 % du PIB. Si le taux dintrtdpasse 4 %, alors on entre dans la zone critique o lEtat paie plus dintrts quil ne reoitsous forme de nouveaux emprunts.

    On est loin de cette situation parce que les hausses de taux dintrt ne sont pas rtroactiveset quelles naffectent donc que les nouveaux emprunts. Mais la dpendance des marchsnanciers et le risque de remonte des taux dintrt fragilisent les perspectives de la gestionde la dette.

    Conclusion : que faire de la dette ?

    La dette accumule - et la manire dont elle est gre - constitue aujourdhui un verrou extrmement contraignant toute politique publique alternative, sur deux points essentiels : les rgles du jeu europennes contraignent un ajustement budgtaire brutal et aveugle quine peut avoir comme rsultat que dentretenir durablement la conjoncture rcessive en Franceet en Europe et de conduire des coupes irrversibles dans les dpenses publiques. linterdiction dun dcit structurel suprieur 0,5 point de PIB depuis le Trait budgtairede 2013 (TSCG) rend impossible toute politique dinvestissement public, notamment en matirede transition cologique.

    Il faut desserrer ce verrou, en dgonant la dette accumule et en changeant les rgles de gestion de la dette en visant notamment se librer de lemprise des marchs nanciers.Nous listons ci-dessous diverses mesures, non exclusives les unes des autres, pour aller dans cette direction.

  • Que faire de la dette ? Un audit de la dette publique de la France30

    Les principes gnraux des audits de la dette

    La pratique des audits citoyens en cours dans plusieurs pays18 permet de clarier ce quil fautconsidrer comme des dettes publiques qui ne doivent pas tre honores. Sans prtendre lexhaustivit, on peut avancer les dnitions suivantes : Dette illgitime : une dette contracte par les pouvoirs publics sans respecter lintrt gnral ou au prjudice de lintrt gnral. Dette illgale : dette contracte en violation de lordre juridique ou constitutionnel applicable. Dette odieuse : crdits qui sont octroys des rgimes autoritaires ou qui le sont en imposantdes conditions qui violent les droits sociaux, conomiques, culturels, civils ou politiques des populations concernes par le remboursement. Dette insoutenable : dette dont le remboursement condamne la population dun pays lappauvrissement, une dgradation de la sant et de lducation publique, laugmentationdu chmage, voire la sous-alimentation.

    La ralisation dun audit de la dette publique effectu par les citoyens ou sous contrle citoyen,devrait permettre douvrir enn un vritable dbat dmocratique sur la dette publique. Ce dbat devrait amener dterminer quelle partie de cette dette est juge par les citoyenscomme illgitime. Les premires valuations ici proposes se veulent une contribution ce dbat.

    A supposer mme que ce dbat ne conclue pas lillgitimit de tout ou partie de la dettepublique, celle-ci telle quelle est gre actuellement est insoutenable. Elle donne aux marchsnanciers un pouvoir exorbitant sur les dcisions de politique conomiques des pays de la zone euro. Les coupes dans les dpenses publiques, qui sacrient les prestationssociales et les services publics et empchent toute politique srieuse de transition cologique,sont dcides au prtexte de la rduction de la dette. A limage de ce pseudo-pacte de responsabilit qui prvoit 50 milliards de rduction des dpenses pour nancer 30 milliardsde cadeaux scaux aux entreprises, il sagit de politiques irresponsables qui alimentent les ingalits et la crise cologique.

    La restructuration radicale de la dette se justie dabord pour des raisons de justice sociale,mais aussi pour des raisons conomiques videntes. Pour sortir de la crise par le haut, il ne suft pas de relancer la demande publique ou celle des mnages si le supplment de recettes scales devait tre siphonn par le remboursement de cette dette.

    Laudit doit aussi permettre didentier les responsables de lendettement illgitime, odieux,insoutenable et/ou illgal. Si laudit dmontre lexistence de dlits lis lendettement illgitime, leurs auteurs (personnes physiques ou morales) devront rendre des comptes la justice et tre privs dexercer une profession lie au crdit.

    18 Espagne, Portugal, Grce, France, Belgique, Brsil, etc.

  • Que faire de la dette ? Un audit de la dette publique de la France 31

    Qui doit payer la facture ?

    Dans tous les cas de gure, il est lgitime que les entreprises prives nationales ou trangresainsi que les mnages les plus riches qui dtiennent des titres de ces dettes supportent le fardeau de lannulation ou de la rduction de la dette car ils portent largement la responsabilit de la crise, dont ils ont de surcrot prot. Le fait quils doivent supporter cette charge nest quun juste retour vers davantage de justice sociale.

    Il est donc important didentier les dtenteurs de titres an dindemniser parmi eux les citoyens et citoyennes faibles et moyens revenus. Il conviendra en effet de protger lespetits pargnants qui ont plac leurs conomies dans des titres publics ainsi que les salariset les retraits qui ont vu une partie de leurs cotisations sociales (retraite, chmage, maladie,famille) place par les institutions ou les organismes gestionnaires dans ce mme type de titres.

    La restructuration de la dette peut prendre diverses formes, non exclusives les unes des autres,et entre lesquelles un dbat dmocratique devrait pouvoir choisir.

    Mesure No.1 : une annulation de tout ou partie de la dette illgitime (haircut).

    Mesure No.2 : un allongement substantiel des dures de remboursement et un plafonnementdes taux dintrt

    Mesure No. 3 : Un impt exceptionnel progressif sur les 10 % (ou les 1%) les plus riches, dont les recettes serviraient rembourser par anticipation une partie de la dette.

    Ce type de mesure, qui peut paratre radical, est pourtant voqu dans un rapport rcent du FMI19 sous forme dun impt un coup (one off) sur la richesse prive ; il faudrait prvoir(ce que ne fait pas le FMI) un seuil protgeant les petits pargnants.

    Sortir de lemprise des marchs nanciers

    Lobjectif nest pas de rduire zro le dcit. Il est de respecter la vritable rgle dor des nances publiques qui stipule quil est lgitime de nancer les investissements dutilitpublique par le dcit20. La rduction du dcit public nest donc pas un but en soi. En effet, le dcit peut tre utilis pour relancer lactivit conomique et raliser des dpenses andamliorer les conditions de vie des victimes de la crise.

    Une fois lactivit conomique relance, la rduction des dcits publics doit se faire non pasen rduisant les dpenses sociales publiques, mais par la hausse des recettes scales, en luttant contre la fraude, lvasion et loptimisation scales et en taxant davantageles revenus des grandes entreprises, le patrimoine et les revenus des mnages riches, les transactions nancires : cest un choix de socit.

    La rduction du dcit doit aussi porter sur le budget militaire ainsi que sur dautres dpensessocialement inutiles et dangereuses pour lenvironnement comme la construction de nouveauxaroports ou de nouvelles infrastructures autoroutires.

    19 Taxing Times, Fiscal Monitor, FMI, October 2013, http://goo.gl/QQ5l0v ; Le FMI, qui reconnat le maintien un niveau trs lev des dettes publiques, malgr les mesures dajustement, constate galement que la progressivit des systmesscaux dans le monde na cess de baisser depuis le dbut des annes 1980 et quil semble exister une marge sufsantedans beaucoup de pays avancs pour tirer davantage de recettes des plus hauts revenus. Et il calcule que, pour rduireles ratios d'endettement leur niveau de 2007, il faudrait (pour un chantillon de 15 pays de la zone euro) un taux d'imposition d'environ 10 pour cent sur les mnages disposant dune richesse nette positive.

    20 Henri Sterdyniak, Rduire la dette publique, une priorit ?, La vie des ides, 5 fvrier 2013, http://goo.gl/zorOlU

  • Que faire de la dette ? Un audit de la dette publique de la France32

    En revanche, il est fondamental daugmenter les dpenses sociales, notamment pour contre-carrer les effets de la dpression conomique. Il faut galement accrotre les investissementspublics dans dans certaines infrastructures comme les transports en commun, les tablisse-ments scolaires, les installations de sant publique et un vaste programme de transition colo-gique. Une politique de relance par linvestissement public et par la demande de la majoritdes mnages gnre galement des crations demplois et des rentres dimpts et de cotisa-tions. Au-del dune politique de relance de lemploi et de lconomie, la crise doit donner lapossibilit de rompre avec la logique actuelle, tourner le dos au productivisme, intgrer ladonne cologique et promouvoir les biens communs.

    Lobjectif immdiat est de ne plus dpendre du bon vouloir des marchs nanciers et desagences de notation et de garantir le nancement de la dette publique des taux modrs.Cela peut le faire de diverses manires.

    Mesure No.4 : lobligation faite aux banques de souscrire un quota de titres de la dettepublique ou de la dette des collectivits locales, par exemple en remploi des fonds collectssur les livrets A.

    Mesure No.5 : un emprunt forc (selon Jean-Paul Fitoussi, larme de destruction massive de lapolitique budgtaire21). Il consiste contraindre les contribuables prter leur gouverne-ment et cela peut se faire un taux dintrt rduit.

    Mesure No.6 : lextension du secteur bancaire public. Les Caisses dpargne, la Banque Postalepourraient tendre leur collecte (par hausse du plafond du livret A) an de nancer les dettespubliques et locales des taux bas mais garantis (selon lexemple du Japon). Une institutionbancaire spcialise pourrait placer directement des titres publics ou locaux auprs des par-gnants22.

    Mesure No.7 : la socialisation du systme bancaire dans son intgralit. Assurant de fait unservice public, et bnciaires de garanties publiques contre la faillite, les banques devraientpasser sous contrle capitalistique des pouvoirs publics (europens, nationaux et rgionaux) ettre diriges par des conseils dadministration reprsentatifs des parties prenantes et de lasocit civile ; elles procureraient des nancements taux modr a