Cahier n°10_VAQUIE Jean

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    JEAN VAQUIE

    LEDANGERHINDOUISTE, p. 2

    LEYOGAFACEALACROIX , par Denis CLABAINE, p. 19

    LAMAREEGNOSTIQUE , p. 20

    SURL'UVREDE DOMDE MONLON, p. 25

    INMEMORIAM : DOMDEMONLEON, p. 28

    NOSTRADAMUS, HISTORIENETPROPHETE,par Jean-Charles de Fontbrune, p. 30

    LESMANIFESTESROSICRUCIENS, p. 33

    LAPERSONNALITDEL'ANTCHRIST, p. 45

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    LE DANGER HINDOUISTE

    Il faut toujours se souvenir que l'Eglise de la terre est militante. Elle est placedans un tat permanent de belligrance. Cette situation de combat n'appartientcependant pas ce que l'on nomme les notes de l'Eglise, lesquelles sont aunombre de quatre : l'unit, la saintet, la catholicit et l'apostolicit. Nanmoins,c'est cette combativit de l'Eglise de la terre qui la distingue de l'Eglise souffrantedu purgatoire et de l'Eglise triomphante du ciel.

    Contre qui et contre quoi l'Eglise de la terre est-elle en lutte ? Elle se batcontre un ensemble de forces qu'il faut bien runir sous l'appellation de Contre-Eglise. C'est une notion trs ancienne puisqu'on la rencontre dj dans le Livrede Job, l'un des plus anciens livres de la Bible, sous le nom de Bhmoth et deLviathan, double nom du grand adversaire. Notion que l'on retrouve dans

    l'Apocalypse, dernier livre du Nouveau Testament, sous le nom de La Bte. Labte est l'un des principaux personnages de l'Apocalypse. Notion que l'onretrouve encore dans saint Paul, sous une forme particulirement curieuse : Lecalice de Blial. Ily a donc une religion de Blial puisqu'il y a un calice de Blial.

    La contre-glise d'Occident, sous les multiples formes qu'elle revt, utilisecontre la vritable Eglise de Dieu des arguments puiss quatre sourcesprincipales, quatre sources classiques auxquelles nous sommes depuislongtemps habitus. Ces quatre sources doctrinales sont la gnose, la kabbale,

    l'hermtisme et la rose-croix.

    A ces quatre sources occidentales et classiques, sont venues se joindre,depuis quelques dizaines d'annes, trois sources nouvelles, et cette foisorientales : l'hindouisme, l'islam et le vieux dualisme persan qui fait sarapparition dans nos librairies.

    Aujourd'hui, c'est l'hindouisme qui va nous intresser. Mais avant d'enexaminer les grandes lignes, il faut dire un mot concernant chacune des quatre

    sources classiques d'inspiration de la contre-glise. Nous y reconnatrons, aupassage, les grands arguments auxquels la franc-maonnerie nous a habitus.Puis nous les retrouverons ensuite, sous des formes peine modifies, dansl'hindouisme.

    Le mot de GNOSE signifie connaissance. On le rencontre dans l'EcritureSainte pour dsigner l'un des deux arbres du paradis terrestre auxquels il taitdfendu de toucher : l'arbre de la connaissance du bien et du mal. Saint Jrme atraduit xylon-gnostonpar lignum scienti. Il a donc traduit "gnose" par "science".Pendant les trois premiers sicles de l'Eglise, les Pres et les grands Docteurs sesont heurts un mouvement de pense qui s'est intitul lui-mme "la Gnose".Pourquoi cette dnomination ? Les gnostiques, qui ont exprim des ides

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    pourtant fort disparates, ont en commun l'ide que l'homme se libre de sescontraintes non pas en ralisant des uvres bonnes, mais en accdant unecertaine connaissance, autrement dit une certaine gnose. Pour eux, il n'y a pas,sur la terre, des choses faire mais des choses apprendre, des choses savoir. Il n'y a pas une rcompense mriter, mais un secret librateur percer.L'esprit gnostique, c'est le primat de l'intelligence sur le cur. C'est la

    continuation de la curiosit que le serpent conseillait Eve. Telle est l'attitudetypiquement gnostique.

    L'Eglise disait dj aux gnostiques ce qu'elle rpte aujourd'hui leurssuccesseurs :

    La perfection de l'intelligence n'est pas ncessaire pour entrer au ciel. Cequi est ncessaire pour entrer au ciel, c'est la perfection du cur.

    Autrement dit, il faut prouver sa foi par des uvres de misricorde.

    Aux gnostiques, l'Eglise disait aussi ce qu'elle ne cesse de rpter encore, savoir que les mystres de la rvlation divine ne sont pas faits pour trecompris, mais pour tre contempls ; ils ne sont pas faits pour tre sonds,percs par la raison, mais seulement pour tre adors par toutes les forces etpuissances de l'me. Les gnostiques voulaient au contraire que l'on continut toucher l'arbre de la connaissance. Et ils en donnaient dj le moyen, c'taitl'initiation aux mystres du paganisme qu'ils travaillaient perptuer. Ils

    proposaient toutes les recettes de la fausse mystique qui tait pour eux laprincipale source d'inspiration.

    La gnose, en tant que phnomne historique, a commenc avec Simon leMagicien, celui qui voulait acheter saint Pierre le pouvoir de faire des miracleset auquel saint Pierre rpondait en disant :

    Que ton argent soit avec toi en perdition.

    On parle, en effet, de la "gnose simonienne". C'est celle du dbut.

    Un autre personnage, deux sicles plus tard, a illustr la gnose son apoge,c'est Valentin. Il cra autour de lui ce que l'on appelle la gnose valentinienne oualexandrine. Les gnostiques ont accumul une somme norme de notionshtrodoxes. La gnose a recueilli tout ce dont le dogme chrtien n'a pas voulu.On peut dire avec juste raison que la gnose est le dpotoir de l'glise. Elleconstitue la grande rserve de l'htrodoxie, rserve laquelle les intellectuelsanti-chrtiens des gnrations suivantes sont venus puiser. Cette rservehtrodoxe et htroclite s'est forme pendant la mme priode o les grands

    Docteurs, grecs et latins, de l'glise difiaient l'admirable monument du dogmechrtien, mettant de l'ordre dans des notions d'une rare difficult, les uneshrites des juifs, les autres venues du paganisme, les principales de Rvlation

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    Messianique. Les deux arsenaux qui allaient devenir antagonistes se sontconstitus la mme poque. D'un ct, l'ordre et la lumire de l'autre,l'exubrance, la luxuriante et l'ambigut.

    Les forces de la contre-glise ont depuis lors puis cette sourceempoisonne. La franc-maonnerie utilise largement la lettre "G" pour orner ses

    frontispices et montrer qu'elle revendique toujours le mme principe gnostique :l'homme n'a pas se rendre digne d'un jugement par des uvres aptes prouver sa foi, il doit seulement se librer de ses contraintes par l'acquisition dela connaissance. Le nom archaque de gnose conserve mme son prestige chezles scientifiques. Un rcent ouvrage de Raymond Ruyer, professeur Nancy,s'intitule La Gnose de Princeton.

    La seconde source de la contre-glise est la KABALLE. Le mot de kabbale,dans la terminologie juive, signifie la tradition. Or la tradition, c'est, en principe, latransmission orale de la Rvlation divine. Pour qu'il y ait tradition au sensrigoureux et religieux du mot, il faut qu'il y ait d'abord une rvlation divine transmettre. La transmission d'une sagesse simplement humaine n'est pasconsidre comme "Tradition" dans la terminologie ecclsiastique.

    On observe deux modes de conservation de la Rvlation divine : une partieva tre conserve par crit et ce sera donc l'Ecriture Sainte une autre partie seratransmise oralement et ce sera la Tradition. Or, la Synagogue des Juifs a

    conserv, avec une admirable exactitude la Rvlation crite ; c'est l'AncienTestament. Dieu lui avait donn le got de la lettre, le got de l'exactitude littrale.Elle s'est remarquablement acquitte de la codification crite de la Rvlationdivine dont elle avait t charge.

    Mais la Synagogue fut beaucoup moins heureuse dans la transmission oraledes paroles divines qui avaient chapp la fixation scripturaire. Certes, elle lesa transmises, elles aussi. Mais elle les a mlangs et confondues avec unesomme norme de commentaires tout fait humains et pas du tout inspirs, au

    milieu desquels ces reliques divines se sont finalement perdues, se sont mmedformes, devenant mconnaissables. Et Notre-Seigneur en fit aux juifs lereproche. Vous avez leur disait-Il, dform les paroles du Dieu Vivant avec vostraditions ; c'est--dire avec votre kabbale.

    Quand l'Eglise des Gentils prit la succession de la Synagogue des juifs, latradition juive eut tout de suite fort mauvaise rputation parmi les chrtiens, du faitprcisment des reproches si insistants que Notre-Seigneur avait faits la"tradition des anciens". Et la situation ne fit que s'aggraver au cours du moyen

    ge, cause d'un nouvel apport qui vint fallacieusement s'ajouter la kabbaleancienne. Cet apport nouveau, c'est le rsultat de la mystique que les juifs de laDiaspora se mirent cultiver avec une ardeur extraordinaire.

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    La mise sac du Temple de Jrusalem par Titus avait entran la disparitiondu Sacerdoce d'Aaron puisque le culte ne pouvait se pratiquer que dans leTemple. Il ne resta, de l'ancienne organisation, que celle des synagogues, qu'ilfallut d'ailleurs complter par celle du rabbinat. Les juifs pieux se rfugirent alorsdans un mysticisme qu'ils recherchrent avec un zle tout fait intempestif et que

    mme ils provoqurent par des moyens artificiels, donc illicites. Cette nouvellemystique restait en outre incontrle puisqu'il n'y avait plus de sacerdoced'institution divine pour exercer sur elle une surveillance. Par consquent, lesdonnes mystiques recueillies par les contemplatifs de la Diaspora ne prsententaucune garantie. Avec quelles "entits" se mettaient-ils ainsi en contact spirituel ?Ils se mettaient en contact d'abord avec leur propre mtapsychisme commetoujours, et puis aussi avec ces esprits dont saint Paul nous parle quand il dit :

    Nous n'avons pas seulement lutter contre la chair et le sang, maiscontre ces esprits de malice rpandus dans les airs.

    La premire phase de ce courant mystique, qui allait durer jusqu'au XVIII

    sicle, a reu le nom de "mystique de la merkaba". Les Juifs pieux, en seconcentrant, contemplaient la merkaba, c'est--dire le char de feu d'Ezchiel. Ilsvoyaient la "shekina" c'est--dire l'aurole glorieuse de Dieu. Ils voyaient "lakavod', galement gloire lumineuse de Dieu. Etait-ce vraiment cela ou bienn'taient-ils pas victimes d'illusions ? Toujours est-il qu'un grand nombre derecueils de visions, d'extases et de donnes mystiques parurent successivement

    pendant le cours du moyen ge, chacun venant se joindre ce que l'on continuad'appeler "la kabbale" mais qui ne l'tait pas vraiment puisque l'apport n'tait plusd'origine divine mais d'origine quivoque.

    Le document le plus important de cette premire pousse mystique, appeledonc mystique de la merkaba, est le livre connu sous le nom de "Sepher Yessira"ce qui se traduit par "Livre de la Cration" (et non pas le "Livre Bahir" comme jel'ai dit par erreur). C'est le Sepher Yessira qui contient la premire mention d'unconcept promis un grand avenir, c'est la mention des "Dix Sephiroth". Que sont

    les dix sphiroth ? Ce sont les dix premiers nombres, considrs commenombres lmentaires et surtout comme tant des tres numriques vivants. LeSepher Yessira explique que c'est par les dix sphiroth, par les dix nombresvivants, que commence le processus d'manation de la cration partir du Dieuinconnaissable.

    La dfinition des Sphiroth va varier, au cours du moyen ge, d'un crivain,d'un visionnaire, l'autre. Mais on peut s'en faire une ide d'ensemble assezexacte en les considrant comme des attributs divins hypostasis, comme des

    perfections divines hypostasies ; hypostasies, c'est--dire descendues austade de la cration tangible. Parmi ces dix sphiroth, les trois premires sontsouvent traites sparment et prsentes comme une sorte de trinit. Ce sont :

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    Kther, la couronne - Hochma, la sagesse - et Bina, l'intelligence.Constituant dsormais le thme favori de la contemplation juive, les dix

    sphiroth vont avoir pour effet de transformer, trs lentement d'ailleurs, lemonothisme classique juif en un vritable panthisme. Ces dix nombres vivants,mans de Dieu, exercent des oprations cratrices. Ce sont dix esprits semi-divins et co-crateurs. Il n'y a donc plus, entre le Crateur et la crature, l'abme

    infranchissable qui tait la consquence logique, la fois du "Dieu Unique" et dela "cration ex nihilo". Dans le systme sphirotique au contraire, on va passer duCrateur la crature, et inversement, par l'intermdiaire des dix sphiroth quisont des esprits mdiateurs.

    Pendant que les pousses successives du judasme mystique ne cessaientd'amplifier cette invasion du panthisme, le judasme rabbinique, c'est--dire le

    judasme officiel de la Loi et des Synagogues, luttait contre lui. Mais la thologiedes dix sphiroth se perptuant d'une gnration la suivante, finit par s'imposeret par s'incorporer la kabbale, c'est--dire la "tradition" au sens humain dumot. L'une des plus brillantes manifestations de ce panthisme fut, au XVII

    sicle, la philosophie de Spinoza.

    Je vais vous donner un exemple de la vitalit encore actuelle de la kabbale, dela mystique juive et des dix sphiroth. Les Editions Payot ont publi, il y aquelques annes, une tude sur Freud et les origines de son pansexualisme.Naturellement, une photo de Freud illustre la couverture ; on voit Freud avec sa

    courte barbe blanche, son air svre, un peu prussien, et derrire lui on voit untableau noir comme en ont les professeurs. Et quand on examine ce qui est critsur le tableau noir, on s'aperoit que c'est "l'arbre sphirotique", c'est le fameuxlosange des dix sphiroth. Je ne veux pas entrer dans les dtails, mais il estfacile de comprendre que Freud a trouv l'inspiration de son pansexualisme dansla mditation des dix sphiroth.

    La troisime source d'inspiration de la contre-glise est L'HERMETISME.Qu'est-ce que l'hermtisme ? Donnons-en tout de suite une dfinition condense:

    L'hermtisme est essentiellement le code chiffr de la fausse mystique. Ilconvient de dvelopper un peu cette dfinition. L'hermtisme est la doctrined'Herms Trimgiste, c'est--dire "trois fois matre". Ce personnage de l'ancienpaganisme est revendiqu la fois par les Grecs et par les Egyptiens. Il estaussi, en grande partie, mythique. Les crits que l'on a conserv sous son nomcomportent des dialogues et des hymnes. On y trouve videmment desconceptions polythistes et panthistes, puisque ce sont des crits paens. Maison remarque aussi des dveloppements simplement thistes. De sorte que leTrimgiste est loin d'tre le plus nocif des sages du paganisme. Lactance, un

    apologiste chrtien des temps patristiques pouvait mme crire :Herms a retrouv, on ne sait comment, plusieurs choses qui

    appartiennent la vraie religion.

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    Pourquoi donc Herms a-t-il t choisi comme patron d'un courant mystiquequi devait se rvler si nocif pour le christianisme ? C'est sans doute prcismentparce qu'il tait un garant peu suspect et peu inquitant pour l'Eglise. Dansl'hermtisme, qui va fleurir au moyen ge, en effet, tout est tiss de prcautions,tout est camouflage, tout est mandres. C'est un code de contre-mystique mais

    un code trs prudent, trs dissimul, trs envelopp.

    Les signes conventionnels de ce code vont tre pris non plus dans les chosesde la vie surnaturelle, comme c'est le cas dans les textes qui dcrivent la viemystique chrtienne, mais dans les choses de la cosmologie. La base de laterminologie hermtique sera constitue par les quatre "lments" de la crationmatrielle : la terre, l'air, l'eau et le feu. Quelquefois, mais rarement, on y joindraun cinquime lment, l'ther, comme le font les Orientaux. A ces quatrelments, on ajoutera des "mtaux", l'or, l'argent, le mercure, le soufre... A cesmtaux, on joindra le soleil, la lune et des plantes en nombre variable. Toutesles pices de cette terminologie (encore une fois matrielle et cosmologique) vontavoir une traduction spirituelle. Elles vont reprsenter des puissances de l'me,des tendances caractrielles, des circonstances de la vie. On va pouvoir ainsidcrire toute une mthode de .vie intrieure, toute une "vie mditative" en utilisantle vocabulaire conventionnel ainsi dfini. Mais alors cette description, de par lanature de la terminologie choisie, va ressembler une recette de chimie : on yfondra des mtaux par le feu, on y transformera le froid sec en chaleur humide,

    on y fera le vide dans la cornue ou dans l'alambic, etc. Ce sera l'alchimie.Chimique en apparence, mystique en ralit.

    Suivons maintenant le priple d'une me adepte de l'hermtisme dans samditation alchimique. Durant une premire phase, tout va se passer exactementcomme dans la voie mystique chrtienne. L'me va faire le vide en elle. Elle va serenoncer. Elle va "brler ses mtaux" en vue de sa purification. Dans l'ensemble,pendant cette premire phase, la mditation sera oriente vers le haut, vers lapartie spirituelle de l'me, mieux mme, vers ce qui est spirituel, au-dessus de

    l'me.

    Et puis, brusquement, arrive un certain degr de purification, l'mehermtique va tre invite changer de direction et donc se retourner vers elle-mme. Elle va devoir prendre ses propres puissances intrieures comme objet desa mditation et de sa religion. Et les crivains hermtiques ont tellementconscience qu'il y a l un retournement contre nature qu'ils l'ont appel " l'incestephilosophal". JuliusEvola, dans son livre La Tradition Hermtique donne pourtitre son chapitre central L'Inceste philosophal. Ce chapitre est consacr

    prcisment, dcrire ce retournement de l'me hermtique, laquelle aprs tremonte va maintenant redescendre vers ses propres profondeurs.

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    Il ne reste plus l'me hermtique qu' s'introspecter avec suffisammentd'intensit et de constance. Un beau jour se produira en elle ce phnomnepsychologique bien connu que l'on appelle l'illumination. Ce sera une impressionsoudaine de lumire, mais d'une lumire jaillissant de l'intrieur de soi, dutrfonds de soi et mme, selon certaines descriptions, du trfonds de la terre.Une marque vient ainsi de s'imprimer dans la conscience de l'me hermtique.

    Ses penses sont dsormais orientes dans un sens nouveau. Ses matres luidiront qu'elle a fait jaillir en elle l'or philosophal, qu'elle a transform ses mtauxen or, un or que d'ailleurs elle reclait sans le savoir dans son propre fond, un orqui est la partie divine de son tre.

    A ce phnomne psychologique de l'illumination hermtique, on ne peut plusdonner le nom d'extase, puisqu'il n'est plus une extension, une extriorisation. Unterme beaucoup plus juste tend se rpandre pour dcrire ce phnomnepsychologique, c'est le mot d'enstase qui fait bien ressortir le caractreessentiellement introspectif de l'illumination hermtique.

    Quelle diffrence avec la simplicit et l'homognit de la vie mystiquechrtienne ! L, il n'y a pas de changement de direction en cours de route ; il n'y apas d'inceste philosophal. Active sur elle-mme, l'me poursuit sa purificationintrieure et son ascension vers le haut. Et elle attend, avec passivit, la visite del'hte divin, en conformit avec cet admirable code vanglique de la vieintrieure : Si quelqu'un M'aime, Mon Pre l'aimera. Il gardera Ma parole. Nous

    viendrons lui et Nous ferons en lui Notre demeure. Ici, toutes les phases sontla suite logique les unes des autres. L'expression, il gardera nia parole, signifie, jecrois, que l'me aimante reste fidle la dfinition que lui a imprime la parole duVerbe qui lui a donn naissance. L'hte divin (La Trinit, puisque le texte dit"Nous") entre dans la belle cathdrale intrieure qui lui a t prpare. Et si uncontact entre Dieu et l'me se produit, il portera trs justement le nom d'extase dufait de l'extrioritde l'Hte divin, entr dans l'me, venant de l'extrieur.

    Revenons la mthode hermtique de mditation. Ainsi expose en termes

    voils et mme incomprhensibles tous ceux qui ne connaissent pas le code,elle a t mise en application, au cours du moyen ge, par nombre d'intellectuelsdsireux de cheminer en marge de l'Eglise. Actuellement, encore les socits depense et les congrgations initiatiques utilisent le mme code et la mmemthode contemplative. Le franc-maon qui mdite dans le "cabinet de rflexion"et qui s'y .dbarrasse de ses "mtaux" ne fait rien d'autre que d'apprendre lesrudiments de l'hermtisme, c'est--dire les rudiments de la fausse mystique.

    La quatrime source d'inspiration de la contre-glise est la ROSE-CROIX.

    C'est la plus rcente puisqu'elle a pris naissance seulement vers la fin du moyenge. C'est aussi celle qui est destine dclencher des attaques non plus del'extrieur, mais de l'intrieur mme de l'Eglise.

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    Quoi de plus chrtien, en effet, que l'emblme de la Rose-Croix ? La Croix,n'en parlons pas, elle est chrtienne par dfinition. Quant la rose, elle symbolisela vie mystique et mme son plus haut degr, la vie unitive. Dans la srie desadmirables locutions qui constituent les litanies de la Sainte Vierge, aprsl'expression "Vase insigne de dvotion", on trouve "Rosa Mystica". La rose

    mystique est l'un des titres sous lesquels nous honorons la Mre de Dieu. Rienn'est plus chrtien que la croix et que la rose. Mais l'association des deuxsymboles va tre accapare par une mystrieuse confrrie qui va en dtourner lesens.

    Le pavillon, certes, est chrtien. Mais la marchandise qui va voyager sous cepavillon ne l'est gure. C'est un christianisme libre, sans discipline, sanssacrements et sans dogmes. C'est l'apprhension intuitive, mystique et directe dela foi chrtienne, sans aucun intermdiaire. C'est un christianisme en marge del'Eglise hirarchique. C'est une adhsion de principe Jsus-Christ, mais unJsus-Christ dont chaque savant adepte de la rose-croix se rserve de donner sadfinition personnelle. C'est donc un christianisme qui se subordonne Notre-Seigneur au lieu de se subordonner Lui.

    Ce christianisme rosicrucien a t pratiqu par des intellectuels vertueux,bienfaisants, rudits, par des esprits inquiets cherchant toujours parce quen'ayant jamais trouv. Ces savants taient d'ailleurs gyrovagues. On les trouvait

    un jour Prague et l'anne suivante Salamanque, Venise ou Amsterdam.L'existence du mouvement de pense rose-croix est incontestable.

    Seulement, ses reprsentants, qui ne furent jamais qu'en nombre trs limit, sonttrs difficiles dcouvrir et identifier. Quel fut le type d'organisation de cettemystrieuse confrrie ? Les avis divergent.. La personnalit du fondateur,Christian Rosenkreutz, pose beaucoup de problmes historiques.

    La rose croix a jou un rle capital dans l'closion du protestantisme. Son

    prestige tait encore grand au moment o la franc-maonnerie s'est organise, la fin du XVII sicle. Un grade maonnique trs important, celui de "rose-croix",lui doit son nom et son orientation philosophique. C'est le grade christologique dela franc-maonnerie.

    Nous en avons termin avec les quatre sources classiques et occidentalesauxquelles les organisations de la contre-glise puisent leur inspiration, puisentles arguments qu'elles opposent successivement au cours des sicles l'Eglisede Notre-Seigneur. A ces quatre sources, sont venues plus rcemment s'en

    ajouter d'autres. Notes avons cit l'hindouisme, l'islam et le mazdisme.Aujourd'hui, c'est l'HINDOUISME qui va nous intresser.

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    Or, dans la pense religieuse hindoue, nous allons retrouver bien des notionsessentielles de la gnose, de la kabbale, de l'hermtisme et de la rose-croix, maisprsentes dans un style diffrent, avec ce pittoresque nbuleux, avec ce charmeenvotant qui caractrisent l'Inde. Il est bien vident que nous ne traiterons leproblme ni d'une manire dogmatique, ni selon son droulement dans l'histoire ;ce serait beaucoup trop long. Nous examinerons seulement les questions les plus

    brlantes que l'hindouisme pose aux catholiques traditionnels d'aujourd'hui. Etnous nous placerons plus particulirement au point de vue des parents dont lesenfants de 15 20 ans peuvent tre tents par ces doctrines vritablement trssduisantes.

    Les doctrines hindoues sont sduisantes pour deux raisons. D'abord, lesexposs les plus frquemment rencontrs en librairie contiennent, dans la grandemajorit des cas, un chaleureux loge du Christianisme. La religion de Jsus-Christ y est prsente comme une admirable religion qui a rendu d'immensesservices une grande partie de l'humanit en perptuant une version, partiellesans doute, mais authentique, de la tradition immmoriale. De sorte que leChristianisme serait compatible avec l'Hindouisme. Seulement, l'Hindouisme estl'an des deux, car ses livres sont plus anciens. Combien de chrtiens, de jeunessurtout, se sont laisss sduire par ces dclarations pacifiques de parent etd'alliance.

    La deuxime raison de la sduction exerce par les doctrines hindoues est

    leur critique de la socit industrielle moderne. Cette critique concide, trait pourtrait, avec celle que formulent les catholiques traditionnels contre le matrialismemoderne, la lacisation et la dsacralisation de toute activit, le mercantilismeuniversel, l'agitation gnrale, le simplisme des raisonnements humanitaires... Ettoutes ces critiques au nom de la Tradition, de la grande Tradition immmoriale,commune au Christianisme et l'Hindouisme. L aussi, combien de catholiquesse sont laisss sduire.

    On comprend donc trs bien que, pour ces deux motifs, un grand nombre de

    jeunes se laissent entraner ou tout au moins qu'ils se lancent dans la lecture despublications hindouisantes avec un prjug favorable.

    Voici maintenant une autre particularit laquelle il faut tre attentif. Dans lamasse de la littrature orientale dont nos librairies sont pleines, il faut oprer unedistinction fondamentale entre deux hindouismes. Il faut savoir qu'il y a deuxcouches superposes d'hindouisme entre lesquelles existe une incontestablerivalit. On rencontre un hindouisme infrieur que nous pouvons appeler "dudomaine public". C'est celui (des gourous, du Yoga, du Zen, de la mditation

    transcendantale, etc. C'est l'hindouisme populaire de consommation courante. Lecharlatanisme et l'affairisme y jouent un rle important. Par qui est-il manipul etorchestr ? Ce n'est pas, coup sr, par des gens qui veulent du bien notre

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    Religion, puisque le but avou est de la vassaliser.

    Trs au-dessus de cet hindouisme populaire, il en existe un autre qui estpratiqu par des intellectuels de haut vol. C'est l'hindouisme distingu, trs rudit,trs raisonneur et encore plus sduisant que le premier. C'est, entre autres,l'hindouisme de R. Gunon et de Fr. Schuon : belle tenue littraire, pense

    cohrente, grands talents d'crivains.

    Or, il est important de remarquer que cet hindouisme quasi universitaireformule contre l'hindouisme populaire des critiques trs intelligentes et trsfortement motives. L'exemple le plus typique de ces critiques est constitu parl'ouvrage de R. Gunon intitul La Thosophie. Histoire d'une fausse religion.De fait, la dite thosophie, celle de Mme Blavatsky et de Annie Besant, ne s'est

    jamais releve des attaques gunoniennes. Seulement, elle a t relaye, aprsla guerre de 39-45, par l'hindouisme populaire que nous observons aujourd'hui.

    Il faut bien prendre note de cette dispute entre les deux couches superposesd'hindouisme. Elle est ancienne et elle se perptue. Elle a donc une raisonprofonde. Mais laquelle ? S'agit-il seulement d'une rpartition de la clientle ?Dans ce cas, il y aurait connivence de fond. Ou bien s'agit-il d'une rivalit entredeux filires initiatiques qui luttent pour l'hgmonie ? On est bien oblig de seposer ces questions, ne serait-ce qu' titre d'hypothse de travail.

    Nous allons examiner successivement quelques-unes des grandescaractristiques des doctrines hindoues, et tout d'abord l'ide fondamentale del'UNITE TRANSCENDANTE DES RELIGIONS.

    D'aprs cette thse, toutes les religions seraient des adaptations rgionalesd'une seule et mme religion suprieure et sotrique. Cette religion suprieureserait cache au peuple, ou plus exactement incomprhensible pour lui. Elle neserait comprise que par une lite d'initis. Elle aurait donn naissance aux autresreligions dont elle serait ainsi la mre.

    Ce qui, dans ce systme, serait commun aux religions publiques, ce seraitdonc une superstructure religieuse, comportant des collges d'initis plus oumoins permanents et comportant aussi un dogme suffisamment idalis etsublim pour tre commun. Inversement ce qui serait particulier chacune desreligions rgionales, ce serait un ensemble de dvotions sentimentales,contingentes et variables.

    Ainsi, les religions seraient spares les unes des autres quant leurs parties

    infrieures, mais elles seraient unies les unes aux autres, et cela sans le savoir,quant au contenu notionnel de leurs doctrines. C'est bien ce qu'exprime laformule "l'unit transcendante".

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    H bien la religion de Notre-Seigneur ne peut absolument pas souscrire unetelle formule. Elle n'appartient pas ce schmas. Elle n'entre pas dans cetteconstruction artificielle. En ralit, ce qui est commun aux diverses confessionsn'est pas transcendant, comme nous allons le voir. Et inversement, ce qui esttranscendant n'est pas commun toutes les religions parce qu'il y a prcisment

    plusieurs sources d'inspirations "transcendantes". Plus prcisment, il y en adeux.

    Voyons ce qu'il peut y avoir d'universellement commun toutes les religions.On ne peut pas manquer, en effet, d'tre frapp par une certaine identit dans lecomportement religieux universel. Partout on retrouve les mmes gestesinstinctifs, les prosternations, les offrandes, les supplications, les retraites dans lasolitude, les sanctuaires orns, les plerinages vers les hauts lieux... Partout, onobserve une mme gesticulation religieuse tant individuelle que collective. Onpeut mme signaler des habitudes mentales qui sont universelles comme parexemple le got du sacrifice.

    Il y a l une vrit d'observation qu'il ne s'agit pas de mettre en doute.Seulement ce qui est ainsi commun aux diverses religions, ce n'est pas unesuperstructure de notions thoriques et "transcendantes". C'est au contraire uneinfrastructure de tendances inconscientes. Ce qui est commun, c'est unepropension instinctive la religion.

    Pourquoi cela ? Le chrtien le sait, si les autres ne le savent pas. C'est toutsimplement parce que Dieu a cr l'homme en vue de lui rvler la vraie Religion.Il l'a ds lors pourvu, dans l'ordre de la nature, dans l'ordre vgtatif, destendances fondamentales la religion. Il lui a donn la base naturelle laquelle ilne reste plus qu' ajouter la rvlation surnaturelle. C'est ce que les thologienscatholiques nomment la "vertu naturelle de religion". On dit aussi la religiositnaturelle.

    Voil ce qui est commun. Ce qui est commun toutes les religions, ce n'estpas la statue qui doit tre adore, c'est le pidestal sur lequel il faut placer lastatue. L'unit n'est pas dans ce qui est transcendant et notionnel. L'unit desreligions est au contraire la base, dans ce qui est inconscient et vgtatif, dansune srie de dispositions psychologiques providentielles destines faciliterl'intelligence et la pratique de la Religion Rvle.

    Voyons maintenant s'il est exact que les religions reclent, non plus cette foisdans leur gesticulation rflexe, mais dans ce qu'elles ont de notionnel, de

    doctrinal et d'intellectuel, s'il est exact qu'elles prsentent toutes une unit"transcendante". Une telle unit, si elle existe, ne peut se rencontrer que dansleur donne rvle ; c'est ce que signifie le mot "transcendant", c'est--dire "qui

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    leur vient de l'au-del". Or, c'est ce niveau prcisment que nous allons trouver,non plus l'unit, mais la dualit.

    *Toutes les religions sont d'accord pour reconnatre qu'aux origines del'humanit, il y eut une Rvlation divine primordiale, on dit aussi adamique.Seulement elles divergent sur le chapitre de la conservation de cette Rvlation

    primordiale.

    Nous savons par nos Livres Saints que la tradition primordiale s'est trsgravement pervertie, et cela non pas seulement une fois, mais deux reprises.Elle s'est pervertie d'abord pendant la priode qui prcda le dluge. Premireperversion qui a entran prcisment le chtiment du dluge. Aprs quoi eut lieuune deuxime Rvlation (dite noachide, du nom de No) qui n'tait que le rappelde la premire.

    Puis, de nouveau, la tradition divine s'est pervertie. Seconde perversion qui aentran le dcret divin de la confusion des langues Babel. Les peuples se sontalors disperss, porteurs, prcisment, de la tradition laquelle Dieu venait demanifester sa rprobation. Rprobation que Dieu confirme encore en faisantd'Abraham le pre d'un peuple spar, d'un peuple lu pour recevoir unetroisime rvlation divine, rappel et complment des deux premires, larvlation mosaque.

    Le Verbe Incarn vint ensuite, dans la plnitude des temps, pour complterencore et pour clore dfinitivement la Rvlation publique. Au cours de l'histoirela Rvlation divine a donc t progressive, ayant d'abord exist en germenigmatique dans la Rvlation adamique, puis complte dans l'Ecriture Sainte etdans la Tradition apostolique dont l'Eglise est gardienne. Tel est le processus dela conservation de la Rvlation primordiale tel que nous l'enseignent nos LivresSaints.

    Demandons-nous maintenant par quel facteur de trouble la Rvlation antique

    a t par deux fois pervertie. Elle l'a t par l'effet de la fausse mystique.Comment une mystique peut-elle tre fausse ? On doit la dire fausse quand elleest, non plus spontane et discipline, mais au contraire provoque etincontrle.

    Quel est alors le contenu notionnel d'une telle fausse mystique ? Elle contientun mlange d'imaginations humaines et d'inspirations venant des mauvaisesprits. C'est indubitablement par l'invasion de la fausse mystique que lapremire Religion de l'humanit (on peut dire aussi la premire Tradition) a t

    pervertie.

    Or tel est prcisment l'tat de "l'antique tradition transcendante" dont se

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    rclament les religions non chrtiennes et les doctrines hindoues en particulier.C'est cet tat de perversion dans lequel se trouvait la religion universelle aumoment de Babel, mais, et il faut bien le prciser, enrichi et aliment sans cesse,non plus par la Rvlation divine dont elle est prive, mais par les apportsconstants de la fausse mystique, c'est--dire de l'imagination humaine clairepar la lumire des mauvais esprits.

    L'lment transcendant (venant de l'au-del) que l'on trouve dans toutereligion n'est donc pas uniforme et commun, puisqu'il provient de deux sourcesdiffrentes.

    On trouve d'un ct la Religion du peuple lu qui a continu bnficier d'uneRvlation divine progressive. Le peuple lu de l'Ancien Testament, c'est Isral.Et L'Isral du Nouveau Testament, c'est l'Eglise, mais c'est un Isral spirituel, etnon plus charnel, puisque le Nouveau Testament est spirituel. L'glise est lepeupl lu du Nouveau Testament ; c'est donc un peuple spar. C'est laReligion du Christ qui est destine tre prche, dans les derniers temps, surtoute la terre. C'est celle-l et aucune autre.

    Et l'on trouve, d'un autre ct, tout l'ensemble des religions non chrtienneslesquelles n'ont aucun titre se dire les continuatrices de la Tradition primordialeet rvle, et cela pour deux raisons. D'abord, elles ne transmettent que latradition pervertie telle qu'elle se trouvait au moment de Babel. Et ensuite, elles

    s'alimentent, non plus la source de la Rvlation divine dont elles sont prives,mais la source de la fausse mystique, c'est--dire celle de l'imaginationhumaine et de la lumire des mauvais esprits.

    De quelque ct que l'on se retourne, on doit constater que la thorie del'unit transcendante des religions est inexacte. Ce qui est unique, c'est lareligiosit naturelle de base. Et ce qui est dit "transcendant" ne vient pas dumme "au-del" pour toutes les religions.

    Cette thorie de "l'unit transcendante" est soutenue par les doctrinairesoccidentaux de l'hindouisme, dont certains sont des crivains talentueux, commepar exemple, F. Schuon. Mais elle ne leur est pas spciale. On la trouve dj,videmment, dans le grand rservoir gnostique. La franc-maonnerie l'a, elleaussi, toujours enseigne. Elle a fait l'objet de livres retentissants comme celuid'Edouard Schur, intitul Les Grands Initis.

    Voyons maintenant une deuxime caractristique des doctrines hindoues :c'est leur critre de DISCERNEMENT DES ESPRITS. Nous relverons ces

    critres dans les ouvrages de R. Gunon et surtout dans son livre Le Rgne dela Quantit.

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    D'aprs Gunon, les doctrines hindoues reconnaissent l'existence desdmons. Ils sont, pour elles, des esprits mauvais, des adversaires de l'homme. Ilstendent nuire l'homme. Gunon, va mme jusqu' expliquer que certainessectes occidentales actuelles sont inspires par des dmons. Ce sont, dit-il, lessectes occultistes, spirites et mme celles qui cultivent le rationalisme et lematrialisme ; celles prcisment qui ont inspir la civilisation occidentale

    moderne. En lisant de pareilles dclarations, le catholique traditionnel ne peut pasmanquer de se dire : "Gunon est des ntres".

    Malheureusement, si l'on essaye de comprendre quelle est la nature de cesdmons, on est bien oblig de constater que les doctrines orientales ne lesdfinissent pas du tout comme le fait le Christianisme. Elles dfinissent lesdmons comme tant des forces subtiles, moiti matrielles et moitispirituelles, comme tant des "esprits intermdiaires"entre l'homme et la matire.Ces forces subtiles attirent l'homme vers la matire dont elles sont proches. Cesont donc des facteurs nuisibles et dangereux, des facteurs de chute quientranent l'homme vers le bas parce qu'ils sont eux-mmes plus bas quel'homme. Ce sont donc des tres infrieurs, mais ce ne sont pas des trescoupables. On peut dire que, dans ce systme, les dmons sont disculps.

    Mais alors au-dessus d'un certain niveau de subtilit et de spiritualit, toute"influence spirituelle" (puisque tel est le terme consacr) est considre commebonne. Bonne parce qu'leve et donc attirant vers le haut, vers l'esprit.

    Le critre de discernement des esprits, dans l'hindouisme tel que nous leprsente R. Gunon, peut tre reprsent comme une barre horizontale. Au-dessous, ce sont les mauvais esprits. Et au-dessus, c'est "l'influence spirituelle"bonne qui a une si grande importance dans la voie contemplative orientale.

    Dans le Christianisme, -les bons et les mauvais esprits se distinguent les unsdes autres pour de tout autres raisons. Les mauvais anges ont t exclus etconfins dans un lieu part cause de leur culpabilit ; ce sont des esprits

    rebelles qui ont t chtis. Les bons anges ont conserv leur place dans le cielet ont mme consolid leur tat.

    Or, ce n'est pas le degr de leur intelligence qui les distingue. Car l'Egliseenseigne que des anges des neuf churs ont prvariqu. Aucun des neufchurs n'a t pargn par la contagion, pas mme les plus levs. De sorteque de grands sraphins, de grands chrubins, nonobstant leur puissanteintelligence, sont devenus des dmons.

    On peut donc affirmer que les doctrines hindoues, puisqu'en dernire analyseelles rpartissent les esprits selon le degr de leur intelligence, incluent sans lesavoir de grands dmons dans ce qu'elles nomment "l'influence spirituelle",

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    laquelle tient une si grande place dans les voies mditatives orientales.

    Ces mmes doctrines orientales vont nous obliger maintenant rsoudre unautre problme. Elles dclarent en effet que l'Eglise Catholique possdaitautrefois, et cela jusqu' la fin du moyen ge, un enseignement cach sous desformes allgoriques. Et elles ajoutent que cet Esotrisme chrtien concidait

    prcisment avec l'sotrisme des autres religions dans leur enseignement lev.Que faut-il en penser ? Existe-t-il vraiment un sotrisme chrtien ?

    Il faut que je vous tranquillise tout de suite. On peut affirmer qu'il n'y a jamaisrien eu de tel dans l'Eglise de Notre-Seigneur. Rappelons-nous le fameuxprcepte vanglique :

    C'est ouvertementque J'ai parl au monde ; J'ai toujours enseign dansles Synagogues et dans le Temple o tous les juifs sont rassembls ; et Jen'ai rien dit en secret (Jean, XVIII, 20 ).

    C'est pourquoi il n'y a pas dans l'Eglise d'enseignement secret. On n'ydispense qu'un enseignement public. Il n'y a pas de doctrine chrtienne rserve une lite, pas plus maintenant qu'au temps du fondateur de l'Eglise. On peutdonc affirmer qu'il n'y a pas, dans l'Eglise, d'sotrisme collgial.

    Mais cet enseignement public, chacun des fidles l'assimile et l'approfondit,videmment, proportion de ses propres capacits intellectuelles. Or, ce qui peut

    induire en erreur, et ce qu'il faut bien expliquer, c'est que Dieu a mis directementdans la cration un certain enseignement. Vous savez qu'il y a trois livres danslesquels nous pouvons lire : la Bible, la Cration et nous-mmes. Or, ces troislivres ont leurs lumires mais aussi leurs obscurits. La cration visible (le"visihilium" du Credo) est l'image de la cration invisible ("et invisibilium"). Lemonde des corps est l'image du monde des esprits. La. synagogue disait dj :Ce qui est en bas est comme ce qui est en haut.

    Or cet enseignement direct de Dieu dans la cration, ce symbolisme universel,

    n'est pas facile comprendre. Le livre de la nature a ses obscurits comme lesdeux autres. La cration est comme un manteau qui rvle Dieu mais qui, enmme temps, le dissimule. Chaque fidle pntre la signification de cesymbolisme selon ses capacits. Ce qui est obscur pour certains est vident pourd'autres. Et c'est dans ce sens que l'on peut parler, sans erreur, d'un certainsotrisme diffusdans la cration. Mais cet sotrisme diffus n'est l'apanage depersonne. Il n'est rserv aucun collge, qu'il soit hirarchique ouparahirarchique. Il n'est donc, en mme temps, qu'un sotrisme relatif, puisquetous les fidles peuvent le mditer et en saisir ce que leur intelligence leur

    permet. Il se distingue donc fondamentalement de l'sotrisme collgial l'existence duquel les doctrines hindoues voudraient nous faire croire au sein del'Eglise.

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    Nous allons faire un dernier effort et examiner, prcisment la doctrine desFINS DERNIERES dans l'hindouisme. Ce sera pour constater son incompatibilitavec le dogme chrtien.

    Vous savez que la thologie hindoue est domine par le "Principe Suprme".

    C'est un principe absolu, impersonnel et indiffrenci. Il est le sige virtuel detoutes les possibilits et mme de toutes les impossibilits. Et il donne naissance des "Manifestations"successives, c'est--dire ce que nous appellerions descrations successives. Chaque "manifestation" constitue un cycle global mais ellecomporte aussi des cycles intrieurs partiels qui sont des images du cycle global.Le cycle global de chacune des manifestations successives est un lent processusde dgradation, un lent passage du ple "essentiel"au ple "substantiel".

    Quand ce processus est termin, la substance rsiduelle elle-mme disparatet il ne reste plus rien de ce qui tait venu l'existence au cours de lamanifestation considre. La place est alors libre pour une nouvelle manifestation(nous dirions une nouvelle cration) c'est--dire pour la venue l'existence del'une des virtualits incluses dans le Principe Suprme et non encore manifeste.Tel est le mcanisme de la "Roue des Choses".

    Les hommes qui, de leur vivant, ont su, par la connaissance de certainsprocds et de certains secrets (attitude typiquement "gnostique") s'identifier

    avec le Prince Suprme, autrement dit les hommes qui se sont identifis,immergs et fondus dans le Principe lui-mme, ces hommes-l subsistent l'tatdissout clans le Principe et ne reviennent plus dans la basse zone de l'existencemanifeste. Ils chappent ainsi aux risques de dgradation que chaquemanifestation implique.

    Bref, dans ce systme (dont on constate d'ailleurs les incohrences ds quel'on essaie d'en comprendre le mcanisme), il n'y a pas de "Rsurrection de lachair", iln'y a pas de "Rdemption"non plus, puisqu'il n'y a pas de "Jugement

    dernier" ; iln'y a donc, ni "Royaume ternel", ni "Enfer terne".

    Ce systme se rsume en un processus d'auto-rdemption. Il exclue lancessit d'un Rdempteur. Ici, l'homme qui atteint la "connaissance" devient lui-mme son propre rdempteur. La Rdemption par un mdiateur n'est pasncessaire ; ce qui est ncessaire, c'est l'illumination.

    Comment peut-on prtendre, aprs cela, que la pratique du catholicisme estcompatible avec l'adhsion intellectuelle l'hindouisme ? Si j'adhre

    intellectuellement l'hindouisme, j'en arrive, tt ou tard, c'est l'vidence mme, mettre en doute toutes les vrits enseignes par la Sainte Eglise.

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    Malheureusement, l'incompatibilit absolue de ces deux religions n'apparatqu' un examen assez attentif. A la lecture superficielle des ouvrages courants,l'hindouisme dgage un charme incontestable. Son attirance s'exerce enparticulier sur beaucoup de jeunes. Pourquoi cela ?

    D'abord, la dgradation de l'glise conscutive au Concile, sa fameuse auto-

    destruction, incite chercher ailleurs les mystres qu'elle n'enseigne plus. Et puisl'glise ne semble pas avoir pris conscience des dangers que reprsente pourelle la contagion de l'hindouisme. Elle n'exprime aucune mise en garde. Bienplus, la consigne gnrale d'cumnisme nous invite le regarder avec unprjug favorable. Nous avons donc tendance penser que l'glise est sansdfenseen face des subtilits des doctrines orientales.

    Rien n'est plus faux. Comprenons bien ceci : l'admirable dogme de la SainteEglise ne se rduit pas l'argumentation courante des prdicateurs du moment.Ceux-ci restent muets en face de l'hindouisme et de ses insinuations, nous levoyons bien. Mais la saine et sainte doctrine ecclsiastique, prise dans sonensemble thorique et historique, a dj rpondu toutes ces erreurs par desaffirmations positives ; et cela surtout l'poque patristique, c'est--dire l'poque de la gnose, comme nous l'avons vu.

    On peut dire, sans forcer les choses, que l'glise a dj, et depuis longtemps,rfut les doctrines orientales. Les grands dogmes concernant la Trinit,

    concernant La Cration ex-nihilo, concernant le Verbe et Son Incarnation, Samdiation universelle et Sa rdemption, concernant la Mre de Dieu, sont autantde certificats de victoire de la Religion de Notre-Seigneur sur les doctrines de lagnose dont celles de l'Inde ne sont que les cousines germaines.

    Jean VAQUIE,Lecture et Tradition, n84-85, aot-septembre-ocobre 1980

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    LE YOGA FACE A LA CROIXpar Denis CLABAINE

    H bien, dans ce face face, la Croix a trouv un champion aussi intelligentqu'nergique. Ce livre est crit pour tous ceux que le yoga, et les disciplinesanalogues, intriguent, tracassent et troublent ; il apporte une remarquable clartet une grande rigueur de pense dans ces sujets si enchevtrs, si obscurs et sisubtils.

    Denis Clabaine accumule de nombreux mrites. Le mrite, d'abord, d'avoir faitl'exprience de ce dont il parle. Il s'est trouv sur le passage de la vaguehindouiste, mais il n'a pas t renvers et roul comme les autres. Il est restdebout. De sorte qu'en matire de yoga, "on ne le promne pas en bateau". Il agard les pieds sur terre. Il sait de quoi il parle.

    Le mrite aussi d'un style lapidaire. Certes, il redit les choses sous denombreuses formes, mais c'est toujours avec des expressions trs denses. Parexemple, il dcrit la mentalit du yogi comme "l'ivresse psychdlique d'uninconscient mancip". Tout y est. Ou encore, quand il veut rsumer la modalitde la pense hindouiste, il dit : "noyer l'objet regard dans la sensationregardante". L aussi, on a tout en deux mots.

    Le mrite encore de creuser les problmes psychologiques et religieux du

    yoga en allant jusqu'au fond et au trfonds de tous les mcanismes mis en jeu.Voil un observateur qui "on ne la fait pas". Sans doute, son point d'attaque estsurtout le cheminement hypersensoriel des disciplines du yoga, mais il n'ignorepas les mfaits des voies purement intellectuelles.

    Le mrite, enfin, d'avoir appliqu, la solution de ces trs graves et trsactuels problmes, les lumires de la foi la plus intelligemment et la plusfermement comprise. Il y a mme des moments o son raisonnement est presquepatristique.

    Sa bibliographie est slective, certes, mais fort pertinente et surtout trsmoderne. Ce n'est pas un vieux barbon qui vient nous parler de l'hindouisme depapa.

    Mais, attention, ce livre est certainement un peu trop fort, trop lev, on dirafamilirement, trop cal, pour le lecteur moyen. Qu'il le lise quand mme : il vautmieux lire trop cal que trop primaire.Restons-en l pour le moment, car de cetouvrage, nous entendrons certainement reparler. D'ailleurs, on doit s'attendre, dela part des gens d'en face, des cris de putois.

    Jean VAQUIE,Lecture et Tradition, n89, mai-juin1981

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    LA MAREE GNOSTIQUE

    par Jean VAQUI

    Quel nom faut-il donner la masse norme de la littrature, sotrique,occultiste, alchimique et orientaliste qui nous envahit ? Le meilleur nom est celuide "nouvelle gnose" sous lequel elle se prsente elle-mme le plus souvent. Sadiffusion, nous en sommes tous tmoins, est de plus en plus abondante. Partoutcette mme religiosit gnostique, tantt vague et charmeuse, tantt agressive etproslytique.

    L'me chrtienne observe cette prolifration avec un trs dsagrablesentiment d'impuissance. Elle est le fois sidre par l'tendue subite del'inondation, et paralyse par le silence de la hirarchie ecclsiastique dont on ne

    sait pas trs bien s'il est fait d'incomprhension ou de connivence. Bref, tout cedbordement de littrature, symptme d'une puissante effervescenceintellectuelle, cre un problme que nous allons prcisment essayer decirconscrire.

    Examinons d'abord la matrialit du danger. Le mouvement de pense qui semanifeste ainsi se proclame lui-mme gnostique. Voici, par exemple, quelquestitres d'ouvrages qui ne laissent aucun doute cet gard : la gnose de Princetonpar Raymond Ruyer. Approche de la nouvelle gnose, par Raymond Abellio, La

    gnose universelle, par un groupe d'auteurs, Gnosis, par Boris Mouravieff,"Epignosis", la toute rcente revue qui est l'organe du Groupe de recherched'anthropologie crationnelle (CRAC). On n'en finirait pas de citer toutes lesproductions qui se rangent ouvertement sous la bannire gnostique. Sanscompter les ouvrages qui sont gnostiques de substance, mais n'en portent pasexpressment le titre.

    C'est donc que ce mouvement de pense se reconnat une filiation avec la"gnose historique" qui a t enseigne durant les quatre premiers sicles de notre

    re. Or quel tait le trait essentiel de la gnose antique, celle de Simon Magicien,de Mnandre, de Basilide, de Carpocrate, de Marcion et de Valentin Elleentendait runir en une religion universelle des lments emprunts aupolythisme paen, la philosophie grecque, au judasme et au christianisme quitait le nouveau venu. Cette religion de synthse, qui englobait tout, se donne lenom de "Science parexcellence" ou "Science" tout court, "Gnose" en grec. Ellese prsentait comme chrtienne et mme comme hyperchrtienne puisqu'elleprtendait comprendre le christianisme mieux que le christianisme se comprenaitlui-mme.

    Or prcisment les gnostiques modernes travaillent dans le mme sens et envue de cette synthse, mais en y incluant des lments que la gnose antique ne

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    pouvait pas connatre. Ces nouveaux lments constitutifs de la gnose modernesont d'abord l'Islam et les religions orientales, mais aussi les sciencesquantitatives qu'elle a l'ambition d'incorporer dans cette mme synthsereligieuse aprs leur avoir communiqu une dimension spirituelle sans laquellecette incorporation serait impossible. On voit qu'il s'agit l d'un programmecolossal que nous rsumons en quatre mots. Et on comprend que, pour le

    raliser, la masse des publications gnostiques soit elle-mme colossale. Et parcequ'elle est vaste, le gnose moderne est naturellement aussi polymorphe. L'cartde ses extrmes est grand. Il s'tend d'un ple anti-chrtien dont le G.R.E.C.E.,par exemple, peut fournir le modle, jusqu' un ple qu'il faut bien appeler hyper-chrtien puisqu'on y manifeste la prtention, comme Ies gnostiques des premierssudes le faisaient dj, de sonder l'essence du chritanisme plus profondmentque l'Eglise n'est capable de le faire elle-mme.

    Il est impossible, c'est bien vident, d'crire, en un seul article, un mouvementintellectuel d'une telle ampleur. Il faudra nous contenter de noter quelques-unesde ses manifestations caractristiques pour en donner une premire ide. Nousen avons retenu deux en nous efforant de les choisir le plus proche desextrmes : Le Colloque de Crisy-la-Salle, proche du ple "hyper-chrtien" et laRencontre de Cordoue, proche du ple "anti-chrtien".

    LECOLLOQUEDE CERISY-LA-SALLE

    Le Colloque international de Cerisy-la-Salle a runi, du 13 au 20 juillet 1973,une trentaine de disciples de Ren Gunon, tous crivains de valeur. Le chefd'Ecole, quant lui, tait dj mort depuis plus de 20 ans. Il avait travaill toutesa vie la formulation d'une doctrine religieuse de type gnostique qu'il disait"traditionnelle", immmoriale et commune l'hindouisme, au taosme, auchristianisme profond et l'islam. Et il avait souhait que ses disciples constituentune lite internationale capable de rpandre ses conceptions dans les diversesconfessions religieuses mais surtout dans l'Eglise occidentale. Le colloque deCerisy-la-Salle a prcisment runi cette premire gnration de disciples directs

    de Ren Gunon.

    On peut rsumer ainsi la "gnose gunonienne" qui s'est exprime cecolloque de 1973. Il aurait exist, l'origine de l'humanit, une traditionprimordiale unique. Cette tradition, fruit une rvlation transcendante, n'a jamaispu tre comprise que par une lite. Elle s'est perptue, d'ge en ge, maissecrtement, c'est--dire d'une manire sotrique. Actuellement encore latradition primordiale fait l'objet d'un sotrisme universel qui se transmet dans lescongrgations initiatiques dment accrdites.

    Quant aux grandes religions populaires et dvotionnelles, il faut les appelerexotriques parce qu'elles constituent des "extriorisations", des vulgarisations

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    simplifies et sentimentales des thmes traditionnels trs levs que seule l'liteinitiatique peut comprendre. L'sotrisme universel constitue l'Infrastructure detoutes les grandes religions populaires.

    La religion chrtienne ne fait pas exception cette rgle. Elle n'en est aucontraire qu'un cas particulier. Elle est difie sur le mme soubassement

    sotrique que les autres grandes religions dvotionnelles. Mais elle doitaccepter, sans crainte de perdre son identit, cette filiation immmoriale etsecrte. L'adhsion la doctrine de l'sotrisme universel est essentiellementcompatible avec la foi chrtienne parce que non seulement l'sotrisme ne lacontredit pas, mais encore il lui apporte des explications clairantes. Aussi laconsigne de Ren Gunon ses disciples tait-elle de "se superposer lEglise sans s'y opposer". Consigne dans laquelle il faudrait tre vraiment bienignorant pour ne pas reconnatre le vieux mot d'ordre de la franc-maonnerie qui;prcisment, se donne elle-mme comme une "super-glise".

    D'aprs ce principe de compatibilit, on peut pratiquer la religion chrtienneen qualit de "voie exotrique", tout en professant secrtement la "voiesotrique" et cela avec, parat-il, la mme sincrit dans l'une et l'autre voie.(Mais alors cette double sincrit, n'est-elle pas plutt une relle duplicit ?)

    Telles sont les consignes de Cerisy-la-Salle : il ne faut pas sortir de l'Eglisemais au contraire s'y incruster afin de mieux l'inspirer par le dedans : se

    superposer sans s'opposer. Nous retrouvons l l'hyper-christianisme de la gnoseantique.

    LARENCONTREDE CORDOUE

    L tous sommes proches du ple anti-chrtien du mouvement gnostiquemoderne. C'est en effet pour tudier"le sacr sans Dieu", avec toute l'attentiondsirable, que le Cercle Eranos s'est runi pour la premire fois en 1933 Ascona, en Suisse, sur la rive du lac Majeur. Des runions rgulires eurent lieu,

    ce mme endroit, pendant de nombreuses annes.

    Le Cercle Eranos rassemble des savants de tous les pays mais spcialementdes universitaires. Son fondateur et l'inspirateur de son programme d'tude est lethologien allemand Rudolf Otto. Mais le personnage le plus prestigieux desrunions d'Ascona fut Carl Gustav Jung, le psychiatre suisse, thoricien del'inconscient collectif, mulepuis rival de Freud. On rencontrait aussi Asconad'autres penseurs de stature internationale comme par exemple GershomShofem, l'auteur des Grands courants de la mystiquejuive, Henri Corbin, le

    thoricien de l'imaginaire (ou "imaginai" pour tre la mode) ou commel'historien franais Denis de Rougemont.

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    Les dlibrations annuelles du Cercle Eranos Ascona furent rgulirementpublies par le "Eranos Jahrbuch". On value cent cinquante environ le nombredes personnalits qui vinrent ainsi, pendant des annes, changer et mmelaborer ensemble des ides sur la psychologie de l'imaginaire, sur l'inconscientcollectif et les cheminements historiques des mythes, sur la mystique naturelle etses conditions de mise en uvre, et, d'une faon gnrale, sur "le sacr sans

    Dieu", puisque telle tait le formule initiale.

    L'une des thses de la Rencontre de Cordoue c'est l'unit essentielle detoutes les mystiques. Pour les congressistes, il n'y a pas lieu non plus, quandon tudie un tat "imaginaire", de se poser la question de son ventuel inspirateurextrieur ; la distinction entre une "vraie mystique" qui serait inspire par Dieu etune "fausse mystique"qui serait le rsultat d'une synergie humano-diabolique, estune distinction totalement illusoire qui tait autrefois enseigne par l'Eglise maisqui ne se justifie plus et qui n'est pas retenue par les savants de Cordoue.

    Pour eux, les tats mystiques, qu'ils soient religieux ou simplement"philosophiques", prennent naissance naturellement quand certaines vibrationscosmiques entrent en rsonance avec la psychologie humaine leve uncertain degr de rceptivit. Toutes les religions s'alimentent ainsi la sourcecommune de la mystique naturelle et universelle. Les thses de Cordoue sontdonc de tendance tout fait syncrtique et leur parent avec la gnose antiquen'est conteste par personne.

    Nous ne pouvons citer ici que ces deux exemples de manifestationsgnostiques : un ple, l'hyper-christianisme des gunoniens de Cerisy-la-Salle,trs attachs au principe de compatibilit de la gnose sotrique avec lechristianisme, et au ple oppos, le "sacr sans Dieu" des congressistes deCordoue. Mais la mare montante de la littrature occultiste et orientaliste, ons'en doute, fournirait beaucoup d'autres exemples, s'chelonnant entre ces deuxextrmes.

    Devant une telle masse de livres, une telle diversit d'expressions, une tellesubtilit d'argumentation, une telle autorit et un tel aplomb dans l'affirmation, lesmes chrtiennes qui ont conserv le zle de l' Eglise sont trs alarmes. Elles lesont d'abord par l'vidente nocivit de la gnose. Il est certain que l'acidesotrique vient ronger la substance mme des dogmes en chuchotant autourd'eux toutes sortes de sous-entendus dformants :

    L'Eglise vous dit cela mais, en ralit, il faut comprendre autre chose.

    Elles sont alarmes aussi parce que le boniment de compatibilit, auquel

    sans doute elles restent pour leur part insensibles, gagne cependant du terrainparmi le troupeau sans dfiance.

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    Et elles sont surtout inquites parce que la hirarchie, une fois de plus, avisiblement abandonn toute ide de rsistance et de riposte. L'Eglise officiellegarde le silence en face de cette inondation qui emporte une proportionconsidrable de fidles et qu'elle feint de ne pas voir, comme si elle tait, de deuxchoses l'une, ou complice ou dborde. Nous ne chercherons pas ici dterminer quelle est la vritable cause de son inertie.

    Mais que les mes fidles n'aillent surtout pas se dsesprer. Le patrimoinedoctrinal de l'Eglise, quand on le considre non pas chez les prdicateurs dumoment, qui ont tous tourn l'humanitarisme, mais dans sa totalit historique,ce patrimoine doctrinal est loin, trs loin de rester sans rponse devant lesarguties de la gnose moderne, laquelle ne diffre pas essentiellement del'ancienne. Or la gnose de Basilide et de Valentin a t autrefois vaincue par lesPres. La gnose de Gunon et de Jung le sera aussi, quel que soit "l'appareild'rudition" dont elle s'entoure. Mais aprs quels combats ? C'est ce que l'avenirne va pas tarder nous faire sentir.

    Jean VAQUI,Monde et Vie, 20 juillet 1984.

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    SUR L'UVRE DE DOM DE MONLON

    Les traditionalistes se plaignent de n'avoir pas de livres distribuer aux jeunesmilitants pour leur formation doctrinale. En effet, les ouvrages o s'exprime lapense traditionnelle sont matriellement rares parce qu'ils ne sont jamaisrdits. Ils ont contre eux les puissances du jour qui les touffent. Leur pnurieest relle. Et c'est un des objectifs de la Diffusion de la Pense Franaise que deprocder aux rditions ncessaires.

    Mais il est au moins un crivain de la ligne traditionnelle dont les ouvragessont faciles se procurer : c'est Dom de MONLEON. Ils ont en outre l'avantagede traiter de l'EXGSE BIBLIQUE qui est l'une des disciplines les plusimportantes de la formation religieuse. Ce moine bndictin apporte aux mes,par sa science et par sa fidlit. un puissant rconfort. Ses livres sont parmi les

    plus nourrissants que l'on puisse lire aujourd'hui.Tout d'abord, le STYLE. Il est d'une clart lumineuse. Rien de flou. Rien de

    romantique. Point d'expressions outres. Point d'effets creux. Au contraire, destermes justes mais sans banalit. Des phrases simples mais sans aridit. Et danstout cela, beaucoup d'aisance. C'est la vieille souche avec une sve nouvelle.C'est la rsurrection du classicisme. Un rgal !

    Le raisonnement est aussi clair que le style. Et cette clart est victorieuse. Car

    Dom de MONLEON, on s'en doute, a des adversaires puisqu'il n'est nirationaliste, ni volutionniste, ni moderniste, aucun degr. Il n'use envers euxd'aucun sarcasme ; encore moins d'aucune invective. Seulement, lorsque, dansses prfaces devenues clbres il examine leurs thses en projetant soninvestigation intelligente sur leurs obscurits et qu'il les prend leurs proprespiges, il en rsulte une ironie souvent froce. Ils sont lessivs. C'est une joie !

    Dom de MONLEON retrace, dans une collection maintenant trs toffe, labiographie des plus grands personnages de l'Ancien Testament : Abraham, les

    douze Patriarches. Moise, Josu et les Juges, Jonas, Daniel... Il les fait revivreavec une prcision et un relief tonnants. Il nous rend sensible leur formidablelabeur. La partie anecdotique de ses ouvrages, elle seule, serait suffisante pouren faire un grand crivain. Quand aux commentaires mystiques qu'il intercaleentre les chapitres narratifs, ils font de ce grand bndictin un grand exgte.

    Dom de MONLEON procure l'Ecriture Sainte une double rhabilitation. Ilrhabilite la LETTRE de la Vulgate (on appelle ainsi la traduction latine de saintJrme qui est devenue officielle, canonique, courante, commune. "vulgaire"). Etil rhabilite l'interprtation patristique qui est l'ESPRIT de l'Ecriture.

    La lettre d'abord. Dans ses exposs et ses commentaires, Il utilise

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    exclusivement la version officielle de I'Eglise, la VULGATE de saint Jrme, laseule qui soit garantie contre toute erreur et qui, par l'onction dont elle estpntre, par la conaturalit que les sicles lui ont donn avec l'me chrtienne,reste l'expression la plus sre, la plus authentique de la Rvlation - (Prface- duCantique des Cantiques", page 9 - Nouvelles Editions Latines).

    Ecoutons-le prciser cette affirmation dans un article d'ITINERAIRES : "Sansdoute, il est de bon ton aujourd'hui d'afficher pour la Vulgate le plus profondmpris et d'invoquer tout propos contre elle - Veritatem Hebraquam- la vritdu texte hbreux.

    En appeler de la Vulgate la vrit hbraque est une de ces vastesduperies dont la "haute critique" est coutumire. Car c'est justement cette vrithbraque que saint Jrme a entendu rtablir dans sa version latine, au-dessusde toutes les traductions de la Bible plus ou moins altres qui circulaient de sontemps.

    Gnie littraire hors classe, saint Jrme a employ toutes les ressources deson intelligence et de sa volont restituer la parole de Dieu dans sa teneurauthentique.

    Il avait sa disposition des documents de premire valeur, QUI ONTDISPARU DEPUIS, en particulier

    - le rouleau de la Synagogue de Bethlem qu'il avait copi de sa main.- et les clbres EXAPLES o Origne avait reproduit, sur six colonnesparallles, le texte hbreux et les cinq principales traductions grecques qui enexistaient alors, uvre gigantesque de critique et d'rudition dont la perte estconsidre par les vrais savants comme irrparable.

    Ceux qui invoquent la "vrit hbraque" raisonnent comme si nouspossdions encore aujourd'hui les manuscrits originaux de Moise et desProphtes. Mais il n'est pas permis d'ignorer que la seule version de l'Ecriture

    conserve par les juifs est celle dite "des Massortes" qui ne remonte pas au-deldu VI sicle aprs Jsus-Christ. ("suite l'histoire de Jonas" dans ITINERAIRES,N90, de Fvrier 1965).

    La transcription massortique se recommande-t-elle au moins par sonexactitude ? Il n'en est rien. Les rdacteurs juifs qui l'ont tablie, aux environs duVI sicle de l're chrtienne, se sont appliqus, chaque fois qu'ils l'ont pu sanstrahir visiblement le texte original, effacer tout ce qui apportait la preuve de lamessianit de Notre-Seigneur, laquelle ils ne voulaient pas croire.

    Victoire reste la Vulgate par son anciennet et par sa rigueur scientifique.Que Dom de MONLEON soit chaleureusement remerci de nous en avoir

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    administr la preuve. Mais il a fait plus. Il rhabilite aussi l'EXEGESEPATRISTIQUE, c'est--dire l'Esprit de l'Ecriture, sonsens spirituel.

    L'Ecriture Sainte, en effet, requiert absolument d'tre explique, parce qu'ellen'a pas seulement un sens littral, immdiatement intelligible, mais encore unsens spirituel qui est le plus souvent mystrieux. Le sens spirituel ne peut tre

    saisi que moyennant l'inspiration du Saint Esprit. Et c'est le magistreecclsiastique qui dfinit l'interprtation adquate, aprs avoir limin toutescelles qui sont inspires par le mauvais esprit ou tout simplement par le propreesprit. C'est toujours par de fausses interprtations des Ecritures que leshrsiarques entranent les fidles hors de l'Eglise. C'tait dj par de faussesinterprtations que le dmon avait essay de tenter Notre-Seigneur pendant lesquarante jours au dsert. La frquentation de la Bible, en dehors des explicationscorrectes qu'elle postule, est plus nuisible qu'utile. Il faut tre d'autant plus sur sesgardes aujourd'hui que de grandes maisons d'dition rpandent des documentsbibliques de vulgarisation, inspirs par la "haute critique" naturaliste, rationalisteet moderniste, et donc trs loigne de l'exgse traditionnelle.

    Le sens spirituel de I'Ecriture - explique Dom de MONLEON dans la prfacedu "Cantique des Cantiques", la page 8, n'est en aucune faon le fruit del'imagination des Pres de l'Eglise, comme on le croit et l'crit trop souvent. Ildpasse la capacit de la raison humaine, il ressortit de la rvlation, il estl'uvre du Saint-Esprit. Il fut enseign aux Aptres, d'abord par Notre-Seigneur,

    lorsqu'aprs Sa Rsurrection, Il leur ouvrit l'esprit, pour qu'ils comprissent lesEcritures, et confirm ensuite la Pentecte, quand ils reurent le don del'intelligence. Prcieusement conserv par la tradition orale durant les premierssicles, il fut consign peu peu dans les crits des Pres de l'Eglise. et c'est ll'unique source o nous pouvons le trouver. Rien n'est plus insens que deprtendre l'expliquer sans recourir eux.

    Le dferlement massif de la littrature pseudo-religieuse et pseudo-savante apour but de nous faire douter de la sublimit de notre foi et de nous forger

    mauvaise conscience. Les ouvrages de Dom de MONLEON viennentprcisment nous redonner confiance dans la valeur scientifique de nos basesscripturaires et dans l'authenticit de l'inspiration divine qui a labor l'exgsetraditionnelle.

    Jean VAQUIE,Lecture et Tradition, n36, juin 1972

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    IN MEMORIAM : DOM DE MONLEON

    L'entranement en vue de la bataille des ides a, lui aussi, son parcours ducombattant. Et l'un des principaux obstacles de ce parcours intellectuel, c'est lacritique externe de l'Ecriture Sainte. L'adversaire a sem le doute quant l'authenticit de nos Livres Saints, quant l'historicit des Evangiles, quant l'interprtation traditionnelle des Ecritures.

    Cet obstacle, il faut que nos combattants spirituels s'entranent le franchirlestement. Ils doivent tre rompus dynamiter la critique intempestive. Or, nulcrivain contemporain n'est plus apte dtruire ce type de doute que lebndictin Dom de Monlon. Nous devons nous familiariser avec ses livres. Il fautque ses raisonnements solides deviennent chez nous des habitudes d'esprit. Cetentranement fait partie de notre plus lmentaire culture religieuse.

    Dom Jean de Monlon est mort le 19 avril 1981, le jour de Pques. Puisse-t-ilavoir achev au ciel ce jour de "la Solennit des solennits". Quel beau prsagede salut pour ce moine si attentif aux harmonies providentielles.

    Ses familiers savent bien que, sous les apparences d'un homme effac, il futun grand combatif et mme un lutteur acharn. Il avait le got de tenir tte et letemprament pour y arriver, et cela avec d'autant plus de dtermination qu'il nedfendait pas sa propre doctrine, mais celle des Docteurs, des scolastiques et du

    Magistre.

    Il prouvait, dit-on, une vritable dlectation intellectuelle s'incliner devant leconsentement unanime des Pres qui tait pour lui le grand critre de lacertitude. La soumission au Magistre de l'Eglise lui tait naturelle mais aussiagrable. Telle est la vraie sagesse de l'esprit dans la Religion rvle. Aussi,souffrait-il beaucoup de la crise actuelle o l'on voit prcisment le Magistrehsiter, concder, reculer, dfaillir. Il en souffrait, mais il ne s'en scandalisait pas,puisqu'une telle crise est prdite, par le Divin Matre lui-mme, comme

    annonciatrice du triomphe final.

    On fait galement remarquer, chez ses amis, l'extraordinaire puissance detravail de ce bndictin, sa prodigieuse mmoire, sa connaissance de toute lalittrature ecclsiastique, surtout videmment en matire d'interprtation desEcritures. Il tait aussi l'aise dans Raban Maur que dans Rupert de Deutz ouHugues de Saint Victor. Sa vaste information lui permettait de mesurer lafaiblesse de la plupart des commentateurs de l'cole moderne, faiblessemasque seulement par un appareil scientifique impressionnant, vu de loin maissans porte relle.

    Relisons Monlon ; il appartient notre parcours du combattant. Tous ses

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    livres, mme les premiers, sont formateurs.Les Instruments de la Perfection et Les Douze degrs de l'Humilit sont

    des commentaires sur la rgle de saint Benot.Le Christ-Roi est un petit ouvrage vite lu, mais fort dense, qui dit peu et

    contient beaucoup.Le Cantique des Cantiques et Les Noces de Cana forment une srie un

    peu part, ce qui ne veut pas dire sans intrt.Le Sens Mystique de l'Apocalypse appartient la mme srie, mais il est

    peut-tre un peu plus difficile suivre. Mais quelle agrable faon d'apprendre laReligion !

    Le Commentaire sur Jonas expose, dans sa magistrale prface, la mthodeexgtique classique qui est celle de Dom de Monlon. On voit sans peine qu'ellesurpasse, la fois en exactitude et en profondeur, la critique externe, ditescientifique, aujourd'hui la mode. C'est un vritable rconfort pour l'intelligenceds chrtiens. Un saint, qui est aussi un savant, nous venge, par sa sciencemme, des savants fourbes et bavards qui allaient rptant :

    La maison est nous, c'est vous d'en sortir.

    Monlon reste en vainqueur dans la maison, et nous avec.

    Puis viennent les grands succs de Dom de Monlon : Les Patriarches -Mose - Josu et les juges - Daniel - Le Roi David. Il n'y a pas demeilleurs antidotes que ces ouvrages-l pour rsister la contamination

    insidieuse du doute moderniste. Vritablement, c'est l'esprit de la Sainte Eglisequi y souffle "fortiter suaviterque" avec force et douceur.

    Et le style ! On peut promettre un vrai rgal. La langue est simple et lgante,raffine sans tre prcieuse, classique sans lourdeur. Tout est exact, la formecomme le fond.

    Jean VAQUIE,Lecture et Tradition, n90, juillet-aot 1981

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    NOSTRADAMUS, HISTORIEN ET PROPHETE

    par Jean-Charles de FONTBRUNE(Editions du Rocher)

    Le Nostradamus de Jean-Charles de Fontbrune alimente les conversations.Mais les conversations ne lui sont gure favorables. Le livre se vend granddbit mais, tout au moins chez les catholiques, c'est l'irritation qui domine. D'ovient cette irritation ? Elle dcoule de trois sources : d'abord le textenostradamique lui-mme, toujours plus ou moins nervant, puis la traduction deJean-Charles de Fontbrune, et enfin le vacarme organis autour du livre.

    Les prdictions de Nostradamus ont toujours engendr une grandeinsatisfaction, c'est un phnomne bien connu. On est attir vers elles parce

    qu'on y devine de grandes richesses et de grandes rvlations. Mais comme onn'arrive pas les comprendre, on reste sur un malaise.

    Ce malaise s'explique d'abord par le mode d'inspiration de celui que l'onappelle "le prophte de Salon". Tout le monde convient qu'il avait un don naturelde voyance. Lui-mme en fait tat et dclare que ses "prsages" sont divins. Maisce don naturel, il a t conduit l'intensifier, sans doute pour en augmenter lerendement. Il l'a intensifi d'abord par l'astrologie pour obtenir des dates et desnoms de lieux, ce qui n'est encore pas trop grave. Sur le recours de Nostradamus

    l'astrologie, les avis sont partags ; mais il est difficile de le mettre en doutepuisque lui-mme s'affirme plusieurs reprises, surtout dans "l'ptre HenrySecond".

    Mais Nostradamus a aussi intensifi son don naturel de voyance enprovoquant artificiellement les "tats seconds" au cours desquels il "voyait".D'ailleurs il ne s'en cache pas puisqu'il proclame d'emble, dans le premierquatrain de la premire centurie :

    Fiant assis de nuict secret tude / Seul repos sur la selle d'rain.

    Ce trpied de Sibylle pour prophtiser, voil un type de mystique qui n'auraitcertainement pas obtenu l'accord de saint Jean de la Croix. Bref Nostradamus adj de quoi inquiter, ne serait-ce que par son mode d'inspiration.

    Il est troublant aussi cause du voile d'obscurit dont il a revtu son texte. Parune prudence comprhensible, il a voulu en rserver l'intelligence des hommesaussi savants que lui. Pour obscurcir ses versets, il a utilis deux procds. Le

    premier est le codage de sa terminologie ; il a forg lui-mme la plus grandepartie de son vocabulaire ; et les mots dont il se sert sont tous savants ; ils nervlent leur sens qu'aprs une tude souvent trs longue. Le second procdest le brouillage de l'ordre chronologique des strophes (quatrains ou siscains). Il

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    les a mlangs comme on mlange les cartes avant de jouer. Deux quatrainssuccessifs n'ont pas trait des vnements successifs ; ils se suivent au hasard.Pour s'y reconnatre et pour reconstituer le cours du rcit (pass ou futur) ilfaudrait possder la clef selon laquelle Nostradamus a interverti ses strophes.Mais cette clef, personne ne l'a jamais retrouve. De sorte que le texte, djdifficile par son vocabulaire, devient totalement inaccessible du fait de son

    dsordre. Il attire par ses promesses et en mme temps il rebute par sonobscurit

    Arrive aujourd'hui J-Ch de Fontbrune, le plus rcent d'une longue srie decommentateurs. A-t-il retrouv la clef de l'ordre chronologique ? Pas plus que lesautres. C'est pourquoi il a fait porter tout son effort sur l'interprtation duvocabulaire. Et il faut reconnatre que sous ce rapport, il surclasse sesprdcesseurs. L rside l'une des raisons du succs de son livre. Il fournit,aprs chaque strophe cite, une vritable traduction en franais courant. Cettedisposition, trs claire, rend l'ouvrage facile consulter.

    Seulement voil ! Il fallait s'attendre ce que, en prsence d'un texteamphibologique qui laisse une grande libert d'interprtation, le traducteur selaisse guider par ses tendances personnelles. C'est ce qui est arriv.

    Tout d'abord on s'est tonn avec raison de ce que, sur les 1.160 strophescrites par Nostradamus, Fontbrune n'en traduit que 580, c'est--dire la moiti.

    Comment a-t-il choisi cette moiti ? Il est vraisemblable qu'il prsente, dans cepremier tome, les quatrains qui sont peu prs intelligibles et qu'il rserve pourun second tome, dont la parution ultrieure est annonce, ceux qu'il aura russi traduire entre temps. On a ds lors l'impression qu'il s'est ht de publier cettepremire moiti afin de saisir un moment o la sensibilit du public lui aura parufavorable ?

    Tant qu'il traduit des quatrains "chus", c'est--dire qui appartiennent aupass, -Ch. de Fontbrune est guid par des vnements historiques qui sont en

    dehors de toute contestation. La partie "passe" de la traduction de Fontbrune nesuscite aucune critique. Mais quand il abonde la partie future, n'ayant plus derepres historiques, il se laisse inspirer par ses opinions personnelles. Il en arrivemme solliciter carrment le texte qu'il se charge de traduire.

    Comment J-Ch. de Fontbrune, par exemple, a-t-il choisi les quatrains danslesquels il croit reconnatre le personnage du Marchal Ptain ? Parce qu'il y estquestion de trahison et de despotisme ? On ne voit gure d'autres raisons. Maisalors c'est unpeu lger. Que l'on veuille bien relire ces strophes, on verra que

    rien n'impose ni leur choix, ni mme leur traduction.

    Les quatrains qu'il attribue Monseigneur Lefebvre ne s'imposent pas

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    davantage. Il est visible qu'il les a choisi uniquement parce qu'il y est question des"Albanois ". Or Monseigneur Lefebvre a en effet organis un sminaire Albanoprs de Rome. Il n'en faut pas plus notre traducteur pour faire la liaison etl'assimilation. Pour lui "les Albanois" sont les catholiques traditionalistes ; c'estd'autant plus certain que les mmes quatrains parlent de "sectes" et de discorde.En ralit ce mot d'Albanois a toujours t traduit par "anglais" en conformit

    avec l'expression classique de "perfide Albion". C'est cette traduction queconserve, la suite de tous ses prdcesseurs, Serge Hutin dans son recueilrcent. Fontbrune s'est laiss influencer par son animosit personnelle contreMgr Lefebvre. Il a sollicit son texte de base..

    Qu'apprenons-nous dans la version de Fontbrune ? Rien que nous nesachions dj : les probabilits d'une rvolution mondiale, d'une banqueroutegnrale, d'une disette, d'une invasion russe complique d'une invasion arabe,les dangers qui psent sur la papaut, les perspectives de restaurationmonarchique, puis la venue finale de l'Antchrist. Beaucoup de lecteurs se sontprcipits sur Fontbrune pour essayer de connatre les rgions qui seraientpargnes par une crise que tout le monde voit venir depuis longtemps. Ont-ilstrouv des rponses apaisantes ? C'est peu probable.

    Il faut reconnatre que le recueil est prsent avec un grand talentd'exposition. Le travail qui a t fait pour clarifier le vocabulaire porte son pleineffet. C'est indubitablement un livre qui soutient l'intrt. Cet intrt que l'on prend

    toujours en abordant Nostradamus mais qui se solde aussi toujours par undsenchantement tant sont grandes les incertitudes.

    Quant au vacarme fait autour du livre, il n'a pas contribu rpandre lasrnit, surtout chez les catholiques. On se mfie toujours quant les clairons dela renomme soufflent trop fort : on pressent une manuvre. On veut nousprparer l'ide de la guerre, ont dit les uns. D'autres : on veut faire une bonnespculation de librairie. D'autres pensent une intervention de la maonnerie envue de se mler des affaires de restauration. Pourquoi n'y aurait-il pas de tout

    cela la fois

    Bref, l'irritation s'explique du fait de Nostradamus lui-mme qui ne satisfaitjamais la curiosit qu'il suscite, du fait du traducteur qui sollicite son texte et dufait de la presse dont les interventions ne sont jamais gratuites.

    Jean VAQUIE,Lecture et Tradition, n91, septembre-octobre 1981

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    LES MANIFESTES ROSICRUCIENS

    L'adjectif "rosicrucien" qualifie tout ce qui concerne la Rose-Croix. Et lesubstantif "rosicrucianisme" dsigne la doctrine en usage dans la Rose-Croix.Mais qu'est-ce donc que cette mystrieuse et fameuse Rose-Croix ?

    Si l'on s'en tient la simple emblmatique, la Rose-Croix est l'associationd'une rose et d'une croix. C'est une rose place au centre d'une croix,originellement au centre d'une croix latine, par la suite au centre de toutes sortesde signes cruciformes.

    Quoi de plus chrtien que la rose et que la croix ? La rose est l'un desemblmes de la Mre de Dieu, laquelle, dans les litanies qui lui sont consacres,est salue du nom de "Rose Mystique", avec le sens, simple et vident, de

    beaut cache.Les lments constitutifs de l'emblme rosicrucien sont donc d'origine

    chrtienne, cela ne fait aucun doute. Mais c'est l'association de ces deuxlments constitutifs qui a donn lieu une nouvelle convention. Nouvelleconvention qui est beaucoup moins chrtienne que les lments constitutifs prisisolment. Or, de fait, la rose et la croix associes recouvrent toujours uneintention de dtournementdu christianisme institutionnel.

    Historiquement la "rose-croix" a t choisie comme pavillon par une socit depense dont nous allons voir les premires manifestations et dont le dynamismeest tout entier dirig vers la rformation universelle, c'est dire dans le sens durenversement des institutions historiques chrtiennes et dans le sens de leurremplacement par autre chose. Autre chose qu'il s'agit prcisment d'laborer. Lepavillon rosicrucien est chrtien dans ses apparences, mais la marchandise qu'ilcouvre ne l'est pas.

    Trois coups de clairons teutoniques ont brusquement annonc, dans les

    premires annes du XVII sicle, l'existence, que l'on souponnait vaguementd'ailleurs, de la Fraternit de la Rose-Croix. Ces trois coups de clairons, ce sontles trois Manifestes rosicruciens que nous allons tudier maintenant.

    Et s'ils prennent place dans notre enqute sur les doctrines rvolutionnaires,c'est prcisment parce qu'ils ont inaugur, sur un certain plan tout au moins, laphase de la rformation politique.

    La "Rformation" luthrienne avait t surtout religieuse. La "RformationUniverselle" qu'entreprennent bruyamment les frres de la Rose-Croix s'tend la philosophie, la science et la politique des tats. Examinons tout cela.

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    Quels sont donc ces troismanifestes dont le ton fut si tonitruant ? Le premiers'intitule la Fama Fraternitatis et date de 1614. Le second est la ConfessioFraternitatiset il a t publi l'anne suivante, 1615. Le troisime a pour titreLes Noces Chymiques de Christian Rosenkreutz, dit en 1616.

    Pour situer dans le temps les Manifestes rosicruciens, il faut se souvenir qu'

    l'poque de leur publication (1614-1616), Luther tait un homme du pass rcent,mort en 1546 voil 70 ans, tandis que Cromwel tait un homme de l'avenir doncun homme encore inconnu, sa rpublique devant dater de 1653, c'est dire 37ans plus tard. Voil l'encadrement chronologique et vnementiel des Manifestesque nous avons maintenant analyser, sans plus tarder.

    * * *

    La fama fraternitatisd'abord, puisque c'est le premier en date. Nous sommesdonc en 1614 dans le Wurtemberg, c'est--dire entre la province de Bade, quicouvre la Fort-Noire, et le Royaume de Bavire. Et nous sommes l'Universitde Tbingen.

    Sur certaines ditions, le titre du premier Manifeste est grav dans unmdaillon entour de guirlandes la manire du XVII sicle commenant : famafraternitatis ou confrrie du trs louable ordre de la Rose-Croix. 1614. Il n'y a ninom d'diteur, ni nom de ville d'origine. Simplement la mention Wrtemberg.

    Et il n'y a pas non plus de nom d'auteur. Mais, mis part quelquessuppositions qui furent rapidement abandonnes, on souponna unanimementValentin Andrea d'tre le rdacteur de la Fama. Ce Valentin Andrea tait un

    jeune pasteur luthrien de moins de trente ans, trs connu par ailleurs, parce quetrs dynamique, trs remuant et mme trs aventureux.

    Fama est un mot latin qui signifie renomme, gloire. Le ton est emphatique,ds le titre et il va le rester jusqu' la fin. Le document se donne comme une

    dclaration solennelle qui s'adresse aux Princes et aux autorits de la science :"Nous, frres de la Fraternit de la Rose-Croix, dispensons notre salut, notreamour et nos prires aux rgents, aux ordres, aux hommes savants et touthomme qui lit notre cho dans une intention chrtienne."

    On va en effet nous exposer une certaine forme du Christianisme. Mais cesera un christianisme libre, un christianisme insatisfait et frondeur. Bref, ce seraun christianisme rvolutionnaire.

    Le texte retrace les circonstances qui justifient cette solennelle dclaration :"Dieu a prsentement favoris la naissan-ce d'esprits hautement clairs qui ontpour mission de rtablir dans ses droits l'art (nous dirions la culture, la

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    civilisation) en partie souill et imparfait, afin que l'homme achve de comprendre la fois la noblesse et la magnificence qui sont les siennes et sa condition demicrocosme, et encore la profondeur de ses possibilits dans la pntration desa propre nature".

    La Fama nous annonce donc une rforme de la philosophie qui va enfin

    nous aider comprendre notre tat et notre statut d'tre humain, tat et statutdont l'intelligence profonde nous chappe jusqu' prsent. Et le texte continue :"Or Dieu a gratifi notre sicle par une foule de rvlation, par le livre de lanature et par la rgle de tous les arts". Autre-ment dit, le progrs qui c'estrcemment manifest dans toutes les sciences annonce une rnovationcomplte de la civilisation.

    Voici maintenant la prsentation du gnial philosophe qui est le fondateur del'ordre de la Rose-Croix au nom duquel la dclaration est faite : "Aussi a prisnaissance le projet d'une rformation universelle auquel notre dfunt PreChristian Rosenkreutz, esprit religieux et hautement illumin, Allemand, chefet fondateur de notre Fraternit, a consacr de grands et longs efforts."

    Et la dclaration prliminaire se termine par des considrations un peualambiques que l'on peut rsumer ainsi : il n'est plus temps de s'en tenir auxanciens dogmes, il faut au contraire rviser ses connaissances, pourrepartir sur des bases nouvelles.

    Nous tenons l la quintessence de l'intention qui va tre dveloppe par lasuite : une rformation universelle qui sera le prolongement de la rformationplus proprement religieuse de Luther. Ce sera une rformation de la science etde la philosophie puisque la Famas'adresse aux notorits intellectuelles ("lesordres"). Et ce sera aussi une rformation de la politique des tats puisque cemme document s'adresse aux "rgents", c'est--dire aux Princes.

    Nous en avons fini avec les considrations prliminaires, avec les

    "gnralits". Elles sont relativement courtes mais elles condensent bien lesintentions de l'auteur.

    Aprs cela, tout le reste de ce premier "manifeste" va tre consacr labiographie du fondateur de la Fraternit de la Rose-Croix, Christian Rosenkreutz.

    On ne tarde pas se convaincre que ce Christian Rosenkreutz est unpersonnage mythique. Mais c'est aussi un per-sonnage typique. Il prsente tousles traits communs ces illumins gyrovagues qui, la fin du moyen-ge, se

    mlant aux tudiants srieux, sillonnrent la Chrtient et prigrinrentd'Universit en Universit, soit pour couter des cours, soit pour