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Camp de jungle de la Légion,RAIDS N°14,1987.júli

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M 2109 14-25,00 F

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A une heure de pirogue deKourou se trouve, en pleinebrousse amazonienne, unensemble d'installationsimaginées et réalisées parle 3e Régiment Etrangerd'Infanterie. Il s'agit duCamp Fabert, le Centred'Entraînement à la ForêtEquatoriale (C.E.F.E.).

TEXTE : DANIEL BERGERPHOTOS : CHRISTIAN PORTAI

Lundi 10 heures. Les stagiaires sontrassemblés autour de l'officier-jungle, unjeune lieutenant qui a obtenu ses fonc-tions à la suite du stage qu'il a effectué àla terrible école de jungle brésilienne, àManaus. Tous les légionnaires, nouveauxvenus au 3e R.E.I., accomplissent unstage d'une dizaine de jours au C.E.F.E.et au C.C.F. (Centre de Combat en Forêt)afin d'« apprendre » la forêt et la lutteanti-guérilla. Chaque année, le régiment

« Un bon conseil,retenez bien la

leçon ! »organise ce stage pour d'autres unitésde l'Armée (par exemple le 33e RIMa),voire à l'intention de soldats étrangers.Les Hollandais, ainsi que les Marinesaméricains, ont pu ainsi venir s'entraînerau C.E.F.E. et savent maintenant quel'entraînement légionnaire est plus rudequ'on ne l'imagine.

Après lo lec.onf l'exécutionLe discours de présentation du lieute-

nant est bref.

« Chaque groupe sera placé sous les

En haut. L'insigne du Centre d'EntrainementCommando de Guyane.Ci-dessus. Séance de close-combat pour leslégionnaires au camp de jungle.Ci-contre. Parcours du risque en petite fouléesous les « encouragements • de l'instructeur.

ordres d'un moniteur responsable d'uncours. Immédiatement après la démons-tration, chacun d'entre vous devra appli-quer ce qu'il vient d'apprendre. Un bonconseil: retenez bien les leçons, ellesvous seront utiles dans très peu detemps!»

Sans plus attendre, l'officier-jungle selance à petites foulées, sur un sentierforestier menant à une hauteur où sedéroule le premier cours : l'installationdu bivouac individuel. Une heure plustard, trois groupes de stagiaires sont

formés. Sur une petite éminence, aubord de la rivière, un caporal montrecomment fabriquer un brancard de for-tune.

" Premier brancard : on étale le pon-cho sur te sol. ouvert, puis on place, dechaque côté de la capuche, une longuebranche, solide, on rabat ensuite lespans du poncho vers le centre. Le blessé,allongé, maintient l'installation... Deuxiè-me brancard •. cinq longues branches, so-lides, sont posées côte à côte. A chaqueextrémité est fixée une autre branchecroisant les premières. Chaque point decroisement est liane... Vous avez cinqminutes pour confectionner deux bran-cards. Exécution L.

Les légionnaires s'activent puis, pourtester la solidité de leur réalisation, font

la course jusqu'au camp de base, ensurmontant divers obstacles naturels.Le franchissement d'un pont enjambantun bras de la rivière fait trembler le«blessé». La leçon est bien retenue,aucun incident ne se produit Autrecours de secourisme : les nuisances (in-sectes et serpents venimeux). Dans desbocaux se trouvent des têtes de reptilesdangereux. Par leur observation, on peutreconnaître les espèces dangereuses etcelles inoffensives. Pour la pratique(comment capturer un serpent), les ins-tructeurs ont apporté un grand sac detoile dont ils font sortir un anaconda,bien vivant, mesurant quatre mètres delong pour un poids approximatif de qua-rante kilos. Après la démonstration,chaque stagiaire doit s'emparer du lourd

reptile, en évitant de se faire mordre,sous le regard attentif de ses compa-gnons.

Pression physiqueet psychologique

La pause déjeuner est brève, toutautant que le sera celle du dîner. Pen-dant toute la durée du stage, les légion-

S'emparer d'unanaconda sans se

faire mordrenaires seront soumis à une pressionphysique et psychologique identique àcelle qu'ils auraient à la subir en cas 5

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d'intervention dans une lutte anti-guéril-la réelle. A la nuit tombée, vient l'exer-cice d'accoutumance à la forêt. Sanslampe de poche et « armés » d'une perchede bois de deux mètres, les stagiaires, àcinq minutes d'intervalle, doivent suivreun filin accroché dans les arbres.' Le par-cours, bien entendu, ne suit pas le sen-tier mais mène à travers les broussailles.

La matinée est réservée à l'entraîne-ment physique du combattant, soit unesuccession d'obstacles à franchir le plusrapidement possible. Après une grim-pette à petites foulées, les stagiairesfranchissent, grâce à une •tyroliennesimple, une petite étendue marécageuse.Deuxième obstacle, le pont d'équilibre,tronc apposé contre un arbre allantd'une hauteur de 2,50 mètres jusqu'ausol. Un peu plus loin sur le parcours setrouve une large échelle composée detroncs de faible diamètre. Deux éche-lons, séparés chacun d'un mètre. Le

Ci-dessus. Tir à balles réelles au FAMAS sur descibles dissimulées sur la berge.Ci-dessous. Comme les autres, machette aupoing, ce sous-officier franchit un cours d'eau.

sommet de l'échelle se situe à plus dedeux mètres du sol. Après avoir sauté,les légionnaires se remettent à courirjusqu'à l'obstacle suivant, un simple troncqu'il convient d'escalader sans autre ma-tériel que des lianes tressées coincéesavec les pieds.

Pour le saut de l'« asperge », les sta-giaires montent, grâce à une échelle po-sée contre un arbre, jusqu'à une plate-forme horizontale. A trois mètres au-des-sus du sol, le ponton d'élan est composéde trois minces troncs. Au-delà du pon-ton, un vide de deux mètres puis untronc nu : 1' « asperge ». Le dernier exer-cice du parcours a été baptisé avec hu-mour « saut de Tarzan ». Depuis un mon-ticule, les légionnaires saisissent la corde

Après l'asperge,le saut de Tarzan

puis s'élancent dans le vide avant de serattraper, quinze mètres plus bas, à uneseconde corde. De nouveau, course à pe-tites foulées jusqu'à la rivière où, aprèss'être équipés d'une Mae West (gilet desauvetage), les légionnaires avancentsur une tyrolienne double jusqu'au mi-lieu du cours d'eau.

" Lâchez ! Sautez ! » ordonne l'officier.Et c'est le bain...

De la topo aux piègesanti-personnels

Les légionnaires apprennent égale-ment comment traverser une rivière entoute sécurité, avec l'ensemble de leuréquipement et armement (même s'ilsne savent pas nager), grâce à des bouéesconfectionnées à l'aide de leur poncho oude leur pantalon de treillis. L'instructionse poursuit ainsi plusieurs jours, à un

Le but des pièges anti-personnels n'estpas uniquement de tuer ou blesser l'enne-mi, mais aussi de l'atteindre psychologi-quement: le bon fonctionnement d'unpiège ralentit une colonne, mais son non-fonctionnement, s'il est décelé, apportetoujours un choc.

Tous les pièges confectionnés par le 3e

R.E.I. sont réalisés à partir de matériauxnaturels (branches, épines, lianes), ex-cepté le « piège à fusils », équipé de FA-MAS par exemple. La « boule », équipée debranches pointues, s'abat du haut vers lebas. La «herse» adopte le même sys-tème, mais est de section carrée ou rec-tangulaire. La « fosse », piège simple etbien connu, est toujours efficace si elle estbien camouflée, creusée derrière un obs-tacle (tronc abattu) que tout homme en-jambe naturellement lors d'une marche.Les piques plantées dans la fosse peuventêtre empoisonnées. Le « piège guatémal-tèque » se base sur le blocage immédiatde la victime. En posant le pied dans unefosse, le poursuivant appuie sur une échel-le de corde à chaque extrémité de laquellesont disposés des épineux. La pression

LES PIÈGES ANTfait remonter ces derniers qui se fichentdans l'articulation du genou.

De nombreux autres pièges anti-guéril-la sont utilisés par le 3e R.E.I. qui, pour desraisons évidentes, ne tient pas à les voirdévoilés... n

LE PIECE A L'ARCL'arme doit être installée dans la direction de laprogression, de préférence dans un virage afind'obtenir une plus grande probabilitéd'efficacité malgré un léger retard audéclenchement

PERSONNEL

LA HERSELa liane oula corde

[ retenant lachargedoit êtrecamoufléeen étantinstalléeverticale-mentcontre letronc del'arbre-supportLecamou-flage de laherses'obtientenl'installantau-dessusdebrancheslégères etfeuilluesqui serontaisémenttraversées.

LA«BOULE»La liane ou

la corderetenant la

chargedoit être

camoufléeen étantinstallée

verticale-ment

contre letronc-

support.La charge

estinstallée

au-dessusde

quelquesbranches

légères etfeuillues

qui serontaisément

traversées.

LE «PIÈCE GUATÉMALTÈQUE »Ce genre de piège peut constituer uneprotection d'un groupe de destruction lorsd'une embuscade. Autre utilisation •. piège àlasso, celui-ci étant installé devant l'obstacle etdissimulé par une légère fosse circulaire, demême que le système de détente. La victime,prise par la cheville, est empalée sur les pointeset y est maintenue. Y

LE «RATEAU» ^Le tronc posé devant la fusse doit être haut de20 à 25 centimètres pour être obligatoirementenjambé pendant la progression. La longueurde la «planche » ainsi que la disposition despointes doivent être calculées de façon à ce queces dernières viennent frapper le torse ou levisage. Ce genre de piège peut être combinéavec une fosse simple.

• « LA FOURCHEPiège très efficace lorsqu'il est bien camouflé.La base de la barre flexible doit être très bienfixée de façon à lui donner une trajectoireascendante, car le poids du piège tend à la fairepiquer lors du déclenchement. Lorsque le piègeest désarmé, il convient de le soutenir avec unefourche.

LE PIÈCE A FUSILTrès efficace, car il peut être installé assez loinde la piste (celle-ci devant cependant être priseen enfilade). Un second avantage de ce type depiège est qu 'il donne une réelle impressiond'embuscade.

M «FOSSE»Un piège redoutable de par sa simplicité même.L'empoisonnement des pointes peut-êtreobtenu à l'aide de venin de grenouilles du genredendrobates, de serpents, ou encored'excréments. Le tronc ou la branche disposédevant la fosse (qui est camouflée à l'aide devégétaux) doit avoir une hauteur de25 centimètres, hauteur d'obstacleobligatoirement enjambée par un homme quiprogresse (plus haut ou plus bas, il est naturelde poser le pied sur l'obstacle). f

rythme rapide. Un après-midi entier estconsacrée à l'instruction nautique :comment se déplacer en pirogue sansmoteur, à la pagaie et en silence, com-ment franchir une rivière à l'aide d'uncâble submersible, etc.

La topographie prend également uneplace importante dans le temps d'ins-truction. L'usage de la boussole et l'orien-tation sont expliquées en détail pendantqu'un autre groupe apprend à confec-tionner des pièges à poissons, nasseclassique réalisée à l'aide de bambous etde lianes ou cannes à pêche automati-ques.

Des plus simplesaux plus

sophistiqués, tousles pièges sontfaits pour tuer

Une piste est réservée aux piègesanti-personnels, qui vont du simple (lafosse contenant des piques empoison-nées) au plus sophistiqué (piège à fusils)en passant par les plus imaginatifs, telsle « râteau » (en posant le pied dans unefosse, on appuie sur la barre horizontalede l'engin et l'on reçoit dans la poitrine,ou le visage, le « manche » couvert depointes) ou la « balançoire », qui fauchel'ennemi.

Le tir au FAMAS, de nuit, sur cibleslumineuses, est un exercice classique.Pour leur permettre de souffler un peu,les moniteurs apprennent aux stagiairesà tresser des palmes, à fabriquer unboucan et à monter des abris pour seprotéger (et protéger le feu de camp)contre la pluie, puis on passe au tir enpirogue. De chaque côté de la rivière sontdissimulées des cibles. Cet exercice se

fait à balles réelles. Le dose-combat (at-taques et parades, neutralisation d'unesentinelle, etc.) ressemble à un mélangede judo, de karaté et de savate. Bienqu'ils semblent se divertir à ce «jeu », leslégionnaires sont très attentifs aux dé-monstrations. Ils savent bien que la maî-

Comme un seulhomme dans la

fosse remplie deboue

trise du combat en jungle, un jour, peutleur sauver la vie

Au pas de courseUne semaine sans répit vient de s'é-

couler. Les stagiaires embarquent denouveau sur les pirogues, non pas pourrentrer à Kourou, mais pour se rendre auC.C.F. (Centre de Combat en Forêt), situéà une heure de pirogue. Au Camp Mattéi,une surprise les attend. Il leur faut par-

En haut de gauche à droite. Entrainementintensif durant ce stage. Ici une série de«pompes " dans la poussière. Commenttraverser une rivière quand on n'a que sontreillis. Tous dans la fosse remplie de boueavant de s'élancer sur le parcours du risque (ànoter que le barbu au milieu est l'un des deuxauteurs !).Ci-dessus. Les légionnaires se donnent à fondlors des séances de close-combat. Ci-contre, àdroite. Ecrasés par le poids de leur sac. leslégionnaires s'enfoncent dans la jungle lors duraid de synthèse.

courir une piste d'obstacles ressemblantà celle qu'ils viennent de quitter. Toute-fois, avant de s'élancer sur le parcours,ils ont à affronter une fosse boueusedans laquelle ils se jettent avec un belensemble et dont ils doivent s'extraireen s'aidant les uns les autres. «Etmain-tenant, au pas de course ! Vous verrez,ça glissera mieux » déclare avec un largesourire l'officier instructeur. Le fait estque la boue molle recouvrant les vête-ments et visages des stagiaires n'aidentpas ces derniers à assurer un bon équili-bre. Pour corser le tout, les obstaclessont entourés de barbelés, par-dessus

lesquels il faut sauter, sinon...

Le raid de synthèse peut avoir lieu. Leslégionnaires sont abandonnés dans lanature, avec un équipement minimum. Illeur faudra survivre pendant trois joursen mettant en pratique, dans des condi-tions réelles, toutes les connaissances

Trois jours àsurvivre avecl'équipement

minimumde l'environnement amazonien qu'ils vien-nent d'acquérir. Enfin, la récompenseest au bout de leurs efforts. Sur la zone-vie sont dressées de grandes tables(confectionnées à l'aide de matériauxnaturels) sur lesquelles se trouvent desplats appétissants. « Garde à vous ! » or-donnent les chefs de groupe. Les sta-giaires entament alors un chant de vic-toire célébrant leur courage, leur forcephysique et leur résistance. Ils atten-dent l'invitation de passer à table, sali-vant d'avance.

L'officier-jungle les salue. «Etmainte-nant, les gars, pour nous prouver votrevaleur... le parcours d'obstacles !»

La déception s'affiche clairement surles visages fatigués, mais nul ne bronche.Tous s'élancent pour un dernier assautde la redoutable piste. Après un baindans la rivière, viendra le moment tantattendu de la détente, autour des tables.Enfin!

Dans quelques jours, les stagiairesrentreront au Quartier Fprget, à Kourou,et reprendront leurs activités quotidien-nes, cross, tir, corvées de quartier, foo-ting, etc. Ils recevront alors leur brevetde « Commando Guyane ». Le moins qu'onpuisse dire est qu'ils ne l'auront pas vo-lé... D 9