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Patrouille de la CoYen vallée de Tangi, en Wardak, le 27 janvier 2008. Page suivante, au centre. Les mentors de la CoY Reco : deux officiers et deux sous-officiers du 1" REC, et le trans du 1" REG. 38

OMLT Legion,RAIDS N°282,2009.nov

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Patrouille de la CoYen vallée de Tangi, en Wardak,le 27 janvier 2008.

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A l'heure où l'armée nationale afghane va devoir prendre son aveniren mains, peut-être plus vite que prévu, les équipes de mentors del'ISAF, plus connus sous l'acronyme d'OMLT, vont devenir encore plusindispensables. Voici le récit du séjour de deux officiers du 1er REC, quiopérèrent en Logar, en 2007. Leur témoignage illustre tous les bénéficesd'un tel système, toutes ses limites aussi.

Texte: Yann TORREBEN, photos: 1er REC

Toutes les composantes de la vie des«HT français, de la première, armée parfÏTr BP, à celles déployées désormais en

Kapisa et en Surobi, après la permutationliée à là mise en place de la brigade LaFayette, sont là. Il y a d'abord l'extrêmecapacité du soldat français à s'adapter à l'en-vironnement, à customiser. En 2007, malgréles CIRAS prélevés en urgence sur les dota-tions des forces spéciales- principalementdu 1er RPIMa -, le matériel reste encorelacunaire et on apprécie le voisinage desAméricains, pourvoyeurs de solutions.

Le soutien de l'homme - eau, nourritu-re-est encore aussi fragmentaire, et c'estsans doute ce volet qui aura été perfec-tionné lors des mandats suivants.

Et évidemment, il reste le danger dela mission: quatre OMLT français, trotssous-officiers et un officier, sont morts

Une IVICP courte mais denseC'est conscients de ces risques que le

lieutenant L. (aujourd'hui capitaine), de l'es-cadron d'éclairage et d'investigation (EEI),et le capitaine N., du bureau opérations

instruction (BOI) du 1er REC, se lancentdans leur formation de futurs OMLT. LaMCP se répartit sur près de trois mois ; pluscondensée qu'aujourd'hui où elle atteint, etdépasse parfois, la demi-année. Le contenuest alors standard : les cours en amphi suc-cèdent aux séances d'ISTC, des rudimentsde premiers secours et, comme partout, letravail des réflexes pour les évacuations deblessés sous le feu. Suivent trois semainesau Centre national d'aguerrissement enmontagne(CNAM). A Briancon, les aspectscombat prédominent, avec aussi l'instruc-tion pour la bonne réaction aux IED.

Les futurs OMLT reçoivent aussi desrudiments, durant une journée, sur lalivraison par air, au 1er RTP, pour pouvoirguider un avion de transport et réception-ner en sécurité son chargement. Cerisesur le gâteau, les stagiaires peuvent, cejour-là, effectuer un guidage réel, maiscela n'a pas servi en Afghanistan, fautede méthode de largage idoine. Ce n'estque des mois plus tard que des larga-ges récurrents seront effectués au profitdes OMLT, par les opérations spéciales,puis le 1.61 «Touraine», via la méthodeLMTGHOB (largage de matériel à trèsgrande hauteur, ouverture basse).

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Les cavaliers de la Légion apprennentaussi l'art de l'E-CAS (Emergency-CAS oudemande d'appui aérien d'urgence) à Laval,au 42e RT, où une session se déroule auprofit des forces spéciales. Suite logique,ils approfondissent leurs connaissances,encore dans l'armée de l'air, au Centre deformation à l'appui aérien (CFAA, qui formeles PAC et JTAC français) de Nancy. Là,pas de chance: il n'y pas de chasseursdisponibles. C'est là aussi que les officiersse familiarisent avec la fameuse «9-line»,formulaire dont il faut maîtriser l'art car il ouvreles portes de l'appui aérien, une fois le TIC(troop in contact) déclaré. Mais il sert aussià rameuter la MEDEVAC, ou procéder à unrapport d'attaque par IED.

FOB Mayand, LogarLe capitaine N. résume les premiers jours

sur le sol afghan : «Le28décembre2007, nouscommençons /Induction course, quidure troisà quatre jours, à Warehouse. Il est animé parnos prédécesseurs et des experts du domaine.Ainsi, c'est un Canadien qui renforçait nosconnaissances en Counter IED. Une fois cetteétape achevée, on a constitué un convoi jusqu'àla FOB, où nos prédécesseurs sont restés troisjours pour faire des reconnaissances dépisteset nous présenter quelques interlocuteurs.Nous étions les premiers à vraiment "mentorer"la compagnie d'éclairage de l'ANA, sur notreFOB d'affectation: jusqu'alors, c'étaient deuxE7T[Embedded Training Teams], issus des

Rangers, qui avaient "mentoré" la compagnieReco. » Mais la politique américaine est assezdifférente de l'optique ISAF, et la France dé-veloppe une vision dans laquelle l'ANA doitpouvoir s'autonomiser. Tout le monde doit alorsprendre ses marques.

Les deux officiers sont affectés à la FOBMayand (Logar, celle où sera déployé ulté-rieurement le capitaine Patrice Sonzogni du35e RAP, tué le 11 février 2009), et arriventsur place avec un adjudant et un infirmier du1er REC. Le début d'une campagne de cinq moisau sein d'une OMLT appui qui «mentorait» la1re brigade du 201e corps. « Nous étions quinzeFrançais au milieu de 250 Afghans, raconte lelieutenant L. Nous "mentorions" la compagniede reconnaissance de la 1re brigade: le mienétait la CoY Reco, avec le capitaine N., quise chargeait de "mentorer" le commandantd'unité. Moi, j'avais la responsabilité de quatrelieutenants afghans. »

La CoY du 1er REC compte aussi un sergenttransmetteurdu 1er REG et un interprète. A cettemême époque, le 1er REC engageait aussi unadjudant infirmier, et un caporal AUXSAN dansune autre OMLT (soutien), en Wardak, dans laFOBAirbome.

«Le problème principal dans la FOB, c'estl'eau, constate L., ensuite, la nourriture: ona essentiellement mangé des... rations, encinq mois. En moyenne, on a une liaison avecKaboul tous les mois.

« On a fait beaucoup de renseignement, depostes d'observation. Les Américains nousprêtaient leur Forward Observer, si bien quecela permettait de gérer les appuis aériens.Nous avions bien eu une formation pendantnotre MCP, mais c'était limité à l'E-CAS: onpeut guider en urgence un aéronef, maiscela reste primitif, et vraiment réservé commedernier recours.

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Les OMLT «basculent:»à l'autre bout: du RC-East

Le 18 septembre, les OMLT françaises opérant enRC-East, soit 300 hommes, ont basculé sur la zonefrançaise, transmettant le relais aux ETT américains.Jusqu'alors, les Français opéraient essentiellementen Wardak et Logar au profit du 3e kandak de la1re brigade ANA: ils seront désormais affectés à la3e brigade, et positionnés pour rayonner en Kapisaet en Surobi. Les OMLT infanterie seront baséesà Nijrab, les appuis et soutien, à Pol-e-Charki.Rappelons que la 6e OMLT reste pour l'instant enOruzgan, en zone néerlandaise.

Dans les futurs « montants », on trouve l'un des ré-giments abonnés aux OMLT, le 3e RAMa, qui armeral'OMLT appui, tandis que le 21e RIMa, qui fut le pre-mier régiment à mettre les pieds en Afghanistan ennovembre 2001, à Mazar-e-Charif, s'implantera surune OMLT infanterie, en début d'année prochaine.

Page précédente, en haut et ci-contre,La CoY brlefe avant une mission,à Camp Beauguess, le 13 avril 2008.Notez l'équipement des Français:treillis guérilla, protections oculaires,et gilet pare-balles CIRAS.

Page précédente, en bas.20 avril 2008: cet OMLT reste aux aguets,dans son tourelleau 12,7mm.

En bas, à droite.A Kowshi, le 1" avril 2008. Début du quatrième

mois de présence pour les OMLT de la CoY Reco.

«Les sorties de FOB restent limitées dansle temps: le plus long que l'on ait fait, c'estsix jours. Cettefois-là, on était partis, juste aprèsla fonte des neiges, sur le plateau de Karawar[Sud-Logar], qui n'est pas accessible pendantl'hiver par la route1. »

Des difficultés communesà toutes les OMIT

Le constat global est positif pour lecapitaine N. : « Certains officiers sont de vraisguerriers quiontfaitlaguerre contre les Russes.On a beaucoup appris d'eux. Un jour, on a ob-servé des signaux optiques, sans faire attentionplus que cela. Un de ces anciens moudjahi-dines nous a dit: 'Vous auriez dû relever lesécarts entre les éclats, la durée, etc., car c'estun vrai système de code..." La première fois,on ne retient pas tout, mais celle d'après, onest plus attentifs (rires). Les sous-officiers sonten général assez compétents, parfois mêmeplus que certains officiers. Par contre, chez lesmilitaires du rang, c'est nettement plus partagé.Il y en a quelques-uns vraiment très motivéspour tuer du taliban, mais ce n'est pas la ma-jorité. » Les autres, on l'imagine bien, viennentpour gagner de l'argent. Celui des insurgés quiveulent du renseignement sur les actions del'ANA et de l'ISAF. Ou celui du gouvernement:l'Afghanistan est aujourd'hui le 5e pays le pluspauvre du monde, et l'armée est un moyen degagner sa vie (ou de la perdre).

A ces considérations basiques se super-posent les contraintes, permanentes, liéesau caractère multiethnique de l'Afghanistan.Le Cne N poursuit: «Le commandant d'unité

1. Les talibans y font régner leur propre loi, et ils y ontmême leurs propres tribunaux. C'est notamment là qu'ilsont retenu des otages coréens, à la même époque.

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IX

Le prix payé par les QMLTLa France aura perdu quatre soldats de valeur dans les opérations de mentoring.

- 25 juillet 2007: l'adjudant-chef Pascal Correia, sous-officier emblématique du 1er RCP, âgéde 40 ans, est tué dans des combats à Jaghato (Wardak),- 21 septembre 2007 : l'adjudant-chef Laurent Pican (13e BCA), 34 ans, meurt dans un attentat-suicide contre son convoi, à Kaboul. (L'EMA engage le c/asftp/ogra/ndestourelleaux téléopérés[TOP] : le premier VAB TOP arrivera effectivement en Afghanistan en janvier 2009.)- 22 novembre 2008: l'adjudant Nicolas Rey (3e RG), 32 ans, est tué par l'explosion d'unemine lors d'une reconnaissance à pied, à Darulaman.-11 février 2009: le capitaine Patrice Sonzogni, para emblématique du 35e RAP, 46 ans, esttué dans une embuscade à l'IED, lors d'une patrouille en Logar.

Les unités de ces quatre militaires français ont été engagées à plusieurs reprises enAfghanistan, au sein du BATFRA ou en Kapisa, ou de nouveau comme OMLT. A titre nonlimitatif, des éléments du 35e RAP et du 3e RG seront engagés au sein du BATFRA le moisprochain. Des OMLTdu 1er RCP opèrent actuellement, pourquelquessemaines encore, au seinde l'OMLT infanterie, en Oruzgan. Et le 13e BCA (dont c'est le deuxième séjour en Afghanistan,après un BATFRA en 2007) forme l'épine dorsale de la TF « Black Roc», en déploiement enKapisa, en ce mois de novembre.

Il va sans dire que la mémoire de ces hommes, qui avaient servi des années leurs régi-ments, est restée très vivace, comme RAIDS a pu le mesurer encore cet été pour l'ADCCorreia, au 1er RCP.

était pachtoun, et son adjoint, tadjik. Latroupe était à peu près partagée, il y avaitmême des Hazaras. On ressent chez cha-cun d'eux la fierté d'appartenir à une ethnie,mais le sentiment national n'est pas toujoursperceptible. »

«Un lieutenant était vraiment excellent, il étaitassez âgé, car il avait combattu avec Massoudcontre les talibans, complète le lieutenant L.Parfois, c'était lui qui nous "mentorait" (rires),car il avait une vraie science de la guérilla, depar son passé et, forcément, c'était, pour cetteraison, un expert de la contre-guérilla. Parcontre, pour d'autres lieutenants, c'était plusdifficile. Ils ne montaient pas sur les pointsd'observation, par exemple. »

L'autre problème, malheureusement plusdiffus, est la peur des « représailles».

«Lors d'une opération, la compagnie Recoa été activée en QRFet nous sommes arrivésdans un village, après un TIC. Des suspectsont été interpellés, mais personne ne voulaitles garrotter. Je l'ai fait moi-même avec desSerflex, mais un officier afghan les a immé-diatement coupés. »

A plusieurs reprises, et selon d'autres sour-ces, des militaires français d'autres OMLT ont

Ci-dessus.A Kowshi, presque un mois plus tôt, le 3 mars.

Les anciennes «frags» tiennent lieu deprotection balistique, dans l'attente de la

livraison du CIRAS. Notez également la troussemédicale carrée, typique, portée en haut côtégauche, dans l'attente, là aussi, d'un modèle

plus complet.

Ci-contre.La CoY relâche à Padhkav-e-Shaneh, le 23 mars.Ce véhicule-ci est relativement conforme austandard afghan utilisé par les OMLT en 2007(et qui a peu varié depuis) : surprotectionsIED, lignée de brouilleurs sur la calandre avantet le SATCOM en guise d'essuie-glaces.

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connu les mêmes problèmes. Parfois, c'estl'ANA qui n'est pas au rendez-vous à l'heuredonnée. Ou encore, comme le documentairesur le 27e BCA l'avait montré, il n'y a plusd'ANA du tout dès que les balles sifflent.

Un des problèmes étant que la notion denation afghane n'existe pas vraiment, et sansconscience, l'engagement reste difficile àenclencher, et à entretenir dans le temps

Des rapportstrès opérationnelsavec les Américains

« On a beaucoup appris des Américains, eton a apprécié de travailler avec eux, applauditle capitaine N. On était équipés avec lesnouveaux casques Gallet, le gilet CIRASet les BAB moulées aux oreilles, mais on aégalement récupéré des Américains les gar-rots ou tourniquets, ainsi que des cyalumes

Ci-dessus.Shura, à Karwar, le 19 mars. On distingue,en arrière-plan, deux ODA américains et leursHumvee, ainsi que le VBL de la CoYet sonincontournable SATCOM, et un VAB.

En haut, à droite.Karwar, le 21 mars. Le matériel roulant de l'ANA

est un parc composite: le reliquat soviétique,les rebuts de l'OTAN (M113) ou, comme ici, des4x4 militarisés. Derrière cette P4 afghane, on

reconnaît le VBL de la CoYet le Humvee desODA, au brouilleur caractéristique.

Ci-contre.Pas l'intérieur d'un porte-avions, malgré un

espace bien rempli, mais celui du VAB dela CoY. Pêle-mêle, on reconnaît les lots de800 cartouches de 5,56 mm, les chargeurs

Minimi prêts à l'emploi, les grenades à FAMAS...et, suspendu au plafond, un AT4CS.

infrarouges. Malheureusement, il n'y en avaitque pour les OMLT et pas pour les Afghans,ce qui compliquait un peu les choses pour lesactions nocturnes. On a aussi pu bénéficierde l'ISM/IR, combinant une visée Aimpoint àun Pirat, intégré sur la 12,7mm. Cela permetaussi de générer un petit halo IR entre 400 et600 mètres. On a en avait un par CoY.

« Nos missions couvrent tout le spectre ducontrôle de zone: patrouilles, check point,coordinated search avec capture de VIP,QHF[Quick Reaction Force], observationde nuit.

«Les relations avec les Américains de laFOB, essentiellement des forces spéciales,qu'on appelle ODA là-bas [des Bérets verts

essentiellement] étaient vraiment bonnes.Quand nous sommes arrivés, ils étaient unpeu sur la réserve, ils avaient de nous une vi-sion un peu suspicieuse, se demandant si onles suivrait en opérations, ou si on ne couperaitpas les cheveux en quatre. Je crois qu'ils ontété agréablement surpris, et on a conservédes liens étroits avec eux, même depuis notredépart», conclut l'officier du 1er REC.

C'est aussi une des conséquences de lamission OMLT: elle a révélé des hommes;elle a aussi contribué a changé le regardque d'autres forces armées portaient surles nôtres. C'est également comme cela quese crééent les liens d'interopérabilité desopérations de demain. O