2
Rev Mal Respir 2008 ; 25 : 239-40 © 2008 SPLF. Édité par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés 239 Doi : 10.1019/200720020 Séminaire FMC Cancers bronchopulmonaires professionnels : incidence et facteurs étiologiques J.-C. Pairon Les cancers bronchopulmonaires (CBP) professionnels sont les cancers professionnels les plus fréquents. L’étude des statistiques des cas reconnus en maladie professionnelle dans le cadre du régime général de la Sécurité Sociale, montre une forte augmentation au cours des dix dernières années, le nom- bre étant passé de 162 par an en 1996 à plus de 1 000 par an depuis 2003. Sur le plan épidémiologique, la fraction attri- buable aux facteurs professionnels conduit à des estimations chiffrées nettement plus élevées chez l’homme que chez la femme. L’Institut de Veille Sanitaire (InVS) a rapporté à un chiffre de 13 à 29 % pour la fraction attribuable chez l’homme, correspondant à 2 000 à 4 200 décès pour l’année 1999 [1]. Les fractions attribuables aux facteurs professionnels les plus élevées ont été observées dans les pays scandinaves [2]. Il existe de multiples agents étiologiques identifiés par le Centre International de Recherche sur le Cancer (CIRC), pour lesquels un excès de CBP est clairement établi ou sus- pecté. Les agents cancérogènes certains (groupe 1 du CIRC) pour lesquels un excès de CBP est connu sont : l’amiante, l’arsenic et ses dérivés, le béryllium, le bischlorométhyl-éther et le chlorométhyl-méthyl-éther, certains dérivés du cad- mium, les dérivés du chrome hexavalent, des hydrocarbures aromatiques polycycliques dérivés du charbon (goudrons de houille, brais et huiles de houille, suies, produits générés au cours de la gazéification du charbon, de la production de coke, dans les fonderies de fonte et d’acier), certains dérivés du nickel, des poussières ou gaz radioactifs (plutonium 239, radon 222 et ses produits de filiation, ce dernier étant rencon- tré dans des mines de fer), et la silice cristalline. Deux groupes professionnels aux circonstances particulières sont également classés dans le groupe 1 du CIRC : la profession de peintre et le tabagisme passif. Un certain nombre d’autres agents sont associés à une suspicion plus ou moins grande de pouvoir cancérogène vis-à- vis du poumon. Ainsi, sont notamment classés parmi les Unité de Pathologie professionnelle, Service de Pneumologie et Pathologie Professionnelle et Unité Inserm 841, Faculté de Médecine, Créteil, France. Correspondance : J.-C. Pairon Unité de Pathologie profesionnelle, Service de Pneumologie et Pathologie Professionnelle, CHI, 40 avenue de Verdun, 94010 Créteil Cedex. [email protected]

Cancers bronchopulmonaires professionnels : incidence et facteurs étiologiques

  • Upload
    j-c

  • View
    213

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

Rev Mal Respir 2008 ; 25 : 239-40 © 2008 SPLF. Édité par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés 239Doi : 10.1019/200720020

Séminaire FMC

Cancers bronchopulmonaires professionnels : incidence et facteurs étiologiques

J.-C. Pairon

Les cancers bronchopulmonaires (CBP) professionnelssont les cancers professionnels les plus fréquents. L’étude desstatistiques des cas reconnus en maladie professionnelle dansle cadre du régime général de la Sécurité Sociale, montre uneforte augmentation au cours des dix dernières années, le nom-bre étant passé de 162 par an en 1996 à plus de 1 000 par andepuis 2003. Sur le plan épidémiologique, la fraction attri-buable aux facteurs professionnels conduit à des estimationschiffrées nettement plus élevées chez l’homme que chez lafemme. L’Institut de Veille Sanitaire (InVS) a rapporté à unchiffre de 13 à 29 % pour la fraction attribuable chezl’homme, correspondant à 2 000 à 4 200 décès pour l’année1999 [1]. Les fractions attribuables aux facteurs professionnelsles plus élevées ont été observées dans les pays scandinaves [2].

Il existe de multiples agents étiologiques identifiés parle Centre International de Recherche sur le Cancer (CIRC),pour lesquels un excès de CBP est clairement établi ou sus-pecté. Les agents cancérogènes certains (groupe 1 du CIRC)pour lesquels un excès de CBP est connu sont : l’amiante,l’arsenic et ses dérivés, le béryllium, le bischlorométhyl-étheret le chlorométhyl-méthyl-éther, certains dérivés du cad-mium, les dérivés du chrome hexavalent, des hydrocarburesaromatiques polycycliques dérivés du charbon (goudrons dehouille, brais et huiles de houille, suies, produits générés aucours de la gazéification du charbon, de la production decoke, dans les fonderies de fonte et d’acier), certains dérivésdu nickel, des poussières ou gaz radioactifs (plutonium 239,radon 222 et ses produits de filiation, ce dernier étant rencon-tré dans des mines de fer), et la silice cristalline. Deux groupesprofessionnels aux circonstances particulières sont égalementclassés dans le groupe 1 du CIRC : la profession de peintre etle tabagisme passif.

Un certain nombre d’autres agents sont associés à unesuspicion plus ou moins grande de pouvoir cancérogène vis-à-vis du poumon. Ainsi, sont notamment classés parmi les

Unité de Pathologie professionnelle, Service de Pneumologie et Pathologie Professionnelle et Unité Inserm 841, Faculté de Médecine, Créteil, France.

Correspondance : J.-C. PaironUnité de Pathologie profesionnelle, Service de Pneumologie et Pathologie Professionnelle, CHI,40 avenue de Verdun, 94010 Créteil Cedex.

[email protected]

J.-C. Pairon

240 Rev Mal Respir 2008 ; 25 : 239-40

cancérogènes probables (groupe 2 A du CIRC) : les émissionsdiesel, le cobalt associé au carbure de tungstène (rencontrédans l’industrie des métaux durs), certains dérivés chlorés dutoluène, la mise en œuvre à titre professionnel d’insecticidesnon arsenicaux, l’épichlorhydrine, les créosotes, et l’industriede la verrerie d’art.

L’amiante est l’agent cancérogène pulmonaire le plusfréquent, et a été identifié dès le milieu des années 50. La dis-cussion, actuellement, porte sur le niveau de risque associé àdes faibles doses. La fibrose pulmonaire consécutive auxexpositions à l’amiante (asbestose) est associée à un risque deCBP plus important que les expositions à l’amiante équiva-lentes sans fibrose, mais il est admis que le CBP peut surveniren l’absence de fibrose pulmonaire. Le rôle des plaques pleu-rales fait encore l’objet de discussion. La silice cristalline a étéreconnue cancérogène certain (CIRC, groupe 1) plus récem-ment. Les méta-analyses récentes relatives à la relation silice-CBP confirment que l’excès de risque concerne avant toutles populations atteintes de silicose [3, 4]. Compte tenudes importants enjeux médico-sociaux liés à la reconnais-sance en maladie professionnelle, et pour l’étiologie amiantede la possibilité de prise en charge par le Fonds d’Indemnisa-tion des Victimes de l’Amiante, il est important pour leclinicien d’identifier les situations d’exposition antérieure àdes agents cancérogènes en milieu de travail [5]. Une étapeclé est l’établissement d’un calendrier professionnel complet,sachant que des questionnaires de repérage permettentd’aider à identifier les principales situations d’exposition(http://www.splf.org/s/thotlib/pub/lib/pdf/questCMP.pdf).La recherche de corps asbestosiques dans un échantillon deliquide de lavage broncho-alvéolaire recueilli lors d’unefibroscopie ou dans le parenchyme pulmonaire aide égale-ment à identifier les sujets ayant une rétention anormaled’amiante dans le tractus respiratoire (témoignant d’uneexposition antérieure anormalement élevée). Enfin, l’exis-tence d’anomalies parenchymateuses à type de fibrose pul-monaire est un argument d’imputabilité supplémentaire, encas d’exposition antérieure à l’amiante notamment.

Références

1 Inbernon E : Estimation du nombre de cas de certains cancers attri-buables à des facteurs professionnels en France. Institut de Veille sani-taire, Saint-Maurice, 2003, 28 p.

2 Axelson O : Alternative for estimating the burden of lung cancer fromoccupational exposures-Some calculations based on data fromSwedish men. Scand J Work Environ Health 2002 ; 28 : 58-63.

3 Lacasse Y, Martin F, Simard S, Desmeules M : Meta-analysis of silicosisand lung cancer : Scand J Work Environ Health 2005 ; 31 : 450-8.

4 Pelucchi C, Pira E, Piolatto G, Coggiola M, Carta P, La Vecchia C :Occupational silica exposure and lung cancer risk: review of epide-miological studies 1996-2005. Ann Oncol 2006 ; 17 : 1039-50.

5 Ameille J, Monnet I, Pairon JC : Cancer broncho-pulmonaire. In :Pairon JC, Brochard P, Le Bourgeois JP, Ruffié P. Les cancers profes-sionnels. Tome I. Margaux Orange, Paris 2000 : 371-401.

QCM – Réponses page 264

I. Parmi les agents suivants, lesquels sont des agentsclassés cancérogènes certains pour le poumon (groupe 1du Centre International de Recherche sur le Cancer) ?

A) AmianteB) Silice cristallineC) FormaldéhydeD) Émissions dieselE) Goudrons dérivés de la houille

II. La fraction attribuable aux facteurs professionnelspour le cancer bronchopulmonaire chez l’homme est,sur la base des estimations publiées par l’Institutnational de la Veille sanitaire, de l’ordre de :

A) 1‰B) 1 %C) 5 %D) 15 %E) 50 %

III. Parmi les propositions suivantes concernant lescancers bronchopulmonaires (CBP) consécutifs à uneexposition professionnelle à l’amiante, laquelle(lesquelles) est (sont) exacte(s) ?

A) Il existe une relation dose-effet pour le risque deCBP lié à l’amiante

B) Le risque de CBP est majoré en cas de fibrose pul-monaire

C) Une biométrologie négative sur un échantillon deparenchyme pulmonaire (quantification des corpsasbestosiques) écarte l’origine professionnelle de lamaladie

D) Le type histologique « adénocarcinome » est unargument d’orientation en faveur d’une origine« amiante » du CBP

E) Il existe une synergie multiplicative amiante-tabacpar rapport au risque de CBP