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(Volume 4, numéro 5) Le Centre québécois de leadership est un partenariat entre l’École nationale d’administration publique et le Secrétariat du Conseil du trésor. La publication des Carnets est rendue possible grâce à un partenariat avec le Forum des directrices et directeurs généraux de l’administration du gouvernement du Québec et avec la Chaire La Capitale en leadership dans le secteur public. Cette initiative est appuyée nancièrement par l’Université du Québec et le Mouvement Desjardins. de leadership Carnets Carnets de leadership, volume 4, numéro 5 1 ADAIR, John. How to Grow Leaders. The Seven Key Principles of Effective Development. Kogan Page, London and Philadelphia, 2005, 184 p. 1 Complice | de votre développement 1 Introduction J ohn ADAIR a eu une première carrière dans l’armée britannique essentiellement et ses expériences ont beaucoup forgé sa vision et ses écrits sur le leadership; sa deuxième carrière fut celle d’écrivain et de professeur de leadership. Le livre que nous résumons contient ses théories et ses fameux sept principes 2 concernant le leadership et plus particulièrement sur la formation des leaders. Pour proposer ses principes, ADAIR s’appuie sur son vécu dans l’armée mais aussi sur ses enseignements et ses écrits. Il a publié plus de 40 livres et a reçu le titre de premier professeur émérite en études de leadership à l’université de Surrey. Sa carrière s’est déployée à peu près de la même façon et pendant la même période que celles de Warren BENNIS et d’Abraham ZALEZNIK. L’ouvrage se divise en deux parties de longueur inégale : la première raconte l’odyssée personnelle de John ADAIR au sujet de son exploration du leadership et la seconde présente les sept principes pour développer des leaders. Première partie L’auteur pose d’abord la question classique : Peut-on cultiver les qualités nécessaires à l’exercice du leadership? La réponse est évidemment oui. Il décrit en détail l’évolution de la formation au leadership en Grande- Bretagne et surtout dans l’armée britannique. Celle-ci est passée d’une dénition du leadership simpliste et très autoritaire à une approche expliquée par ADAIR et qu’il intitule « l’approche fonctionnelle » ou encore 1 La traduction de la table des matières et des différents ex- traits ou citations de ce livre a été faite par Michel Leclerc et une entreprise de services linguistiques. 2 En parcourant son site internet (http://www.johnadair. co.uk/), on retrouve ses sept principes dans presque tous ses écrits (textes de conférences, livres et articles).

Carnet Vol4 No5

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Page 1: Carnet Vol4 No5

(Volume 4, numéro 5)

Le Centre québécois de leadership est un partenariat entre l’École nationale d’administration publique et le Secrétariat du Conseil du trésor.

La publication des Carnets est rendue possible grâce à un partenariat avec le Forum des directrices et directeurs généraux de l’administration du gouvernement du Québec et avec la Chaire La Capitale en leadership dans le secteur public.

Cette initiative est appuyée fi nancièrement par l’Université du Québec et le Mouvement Desjardins.

de leadershipCarnets

Carnets de leadership, volume 4, numéro 5 1

ADAIR, John.

How to Grow Leaders. The Seven Key

Principles of Effective Development.

Kogan Page, London and Philadelphia,

2005, 184 p.1

Complice | de votre développement

1

Introduction

John ADAIR a eu une première carrière dans l’armée britannique essentiellement et ses expériences ont

beaucoup forgé sa vision et ses écrits sur le leadership; sa deuxième carrière fut celle d’écrivain et de professeur de leadership. Le livre que nous résumons contient ses théories et ses fameux sept principes2 concernant le leadership et plus particulièrement sur la formation des leaders. Pour proposer ses principes, ADAIR s’appuie sur son vécu dans l’armée mais aussi sur ses enseignements et ses écrits. Il a publié plus de 40 livres et a reçu le titre de premier professeur émérite en études de leadership à l’université de Surrey. Sa carrière s’est déployée à peu près de la même façon et pendant la même période que celles de Warren BENNIS et d’Abraham ZALEZNIK.

L’ouvrage se divise en deux parties de longueur inégale : la première raconte l’odyssée personnelle de John ADAIR au sujet de son exploration du leadership et la seconde présente les sept principes pour développer des leaders.

Première partieL’auteur pose d’abord la question classique : Peut-on cultiver les qualités nécessaires à l’exercice du leadership? La réponse est évidemment oui. Il décrit en détail l’évolution de la formation au leadership en Grande-Bretagne et surtout dans l’armée britannique. Celle-ci est passée d’une défi nition du leadership simpliste et très autoritaire à une approche expliquée par ADAIR et qu’il intitule « l’approche fonctionnelle » ou encore

1 La traduction de la table des matières et des différents ex-traits ou citations de ce livre a été faite par Michel Leclerc et une entreprise de services linguistiques.

2 En parcourant son site internet (http://www.johnadair.co.uk/), on retrouve ses sept principes dans presque tous ses écrits (textes de conférences, livres et articles).

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Carnets de leadership, volume 4, numéro 5 2

La table des matièresIntroduction1re partie Exploration du leadership

– une odyssée personnelle

1. Approche axée sur les qualités • Peut-on cultiver les qualités de leadership?2. Le groupe ou l’approche fonctionnelle • Défi nition de l’approche • Application de l’approche fonctionnelle dans la formation3. Leaders ou gestionnaires? • Exploration du rôle générique du leader • Nouvelle analyse de l’approche axée sur les qualités • Le gestionnaire en tant que leader4. Approche situationnelle • Défi nition de l’approche situationnelle • Genèse de l’approche situationnelle • La tradition socratique : Peut-on apprendre à être un leader?5. Niveaux de leadership • La théorie des « Trois cercles » appliquée aux organisations • Rôle du leader stratégique • Le leader stratégique peut-il passer d’une organisation à une autre? • À propos de la sagesse pratique

2e partie Comment développer des leaders – les sept principes1er principe Formation au leadership • L’erreur la plus répandue • L’autre erreur la plus répandue • Formation de leaders d’équipes • On n’apprend pas à un vieux gorille à ne pas se perdre en forêt. • Les bains parasiticides sont-ils effi caces? • Comment gérer la formation des leaders2e principe Sélection • Comment devient-on leader? • Principe du choix des leaders • Mise en œuvre de l’approche de groupe ou fonctionnelle à la sélection de leaders de terrain • Sélection – le cadre élargi3e principe Gestionnaires hiérarchiques comme mentors de leaders • Défi nition du mentor • Méthode par apprentissage • Vous pourriez au moins dire « Au revoir! » 4e principe La chance d’être leader • Analogie militaire • Que peuvent faire les organisations? • Un défi , c’est quoi au juste? • Le sort favorise l’esprit avisé.5e principe Études menant au leadership • Penser hors cadre • Écoles de leadership • Former des leaders à l’université • Nouvelles occasions pour un « programme d’étude au leadership »6e principe Stratégie pour le développement du leadership • Révision de la stratégie • S’assurer que les structures sont pertinentes • C’est la culture qui enveloppe et inspire une stratégie parfaite.7e principe Le chef d’entreprise • Comment devenir un leader stratégique et compétent • Que doit faire un leader stratégique? • Faites-vous remarquer en suivant une formation pour devenir leader.

« le leadership et le groupe ». Cette nouvelle approche est illustrée (fi gure 2.1 de son livre) par un dessin qui montre trois cercles attachés comme des anneaux et qui relient de façon interactive les trois composantes que sont l’individu, la tâche et l’équipe.

L’auteur explique ensuite les six fonctions qui doivent généralement être exercées par le leader : planifi cation, mise en œuvre, contrôle, soutien, information et évaluation. L’approche fonctionnelle a été mise en pratique pour la première fois au début des années soixante dans la formation des leaders de la marine et de l’aviation britanniques.

Dans le troisième chapitre, intitulé « Leaders ou managers? », ADAIR présente et critique la fameuse distinction de ZALEZNIK à propos des différences fondamentales entre les leaders et les managers. Signalons ici qu’il y a toujours eu une rivalité, pour ne pas dire plus, entre ces deux professeurs de leadership. « En février 1983, la Harvard Business School annonça qu’elle avait nommé Abraham ZALEZNIK au poste de professeur de leadership du Konosuke Matsushita, chaire qui devait être créée dans le but d’“appuyer à Harvard la recherche et l’enseignement sur le développement du leadership effi cient dans la société”. Cette chaire fut inaugurée au Japon en novembre 1981, environ deux années après ma nomination comme premier professeur au monde d’études sur le leadership en Grande-Bretagne3. » Les divergences entre les deux hommes ont commencé lorsque ZALEZNIK a écrit un texte (en 1977), qui fait encore école de nos jours, sur la différence entre les leaders et les managers : cet article a été repris et développé par Warren BENNIS. « Ce qui distingue les gestionnaires (managers) des leaders (…), c’est l’idée qu’ils se font, au plus profond d’eux-mêmes, du chaos et de l’ordre. Les gestionnaires favorisent les processus, recherchent la stabilité et le contrôle, et, d’instinct, s’efforcent de résoudre les problèmes sans délai. (…) Par opposition, les leaders tolèrent le chaos et l’incohérence; ils n’ont pas hâte de crever l’abcès, ce qui leur permet de mieux cerner les problèmes4. » Ce vieux débat à propos de l’existence de cette différence perdure. À la fi n de ce chapitre, ADAIR pourfend ZALEZNIK et ses malheureux followers en faisant appel à PLATON et à quelques penseurs médiévaux et, à mon avis, en mélangeant un peu tout…

3 ADAIR, John. How to Grow Leaders, p. 25. C’est nous qui soulignons.

4 Dans Carnets de leadership, volume 1, numéro 3, p. 2. Warren BENNIS.

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Le quatrième chapitre défi nit l’approche situationnelle : « Comment se fait-il qu’une personne dans un groupe soit perçue et acceptée comme leader? La réponse? (…) Tout dépend des circonstances5. » L’auteur revient à ses lectures de XÉNOPHON pour enfi n poser la question suivante : Peut-on apprendre à être un leader? Sa réponse est la suivante : « Au sens strict de l’approche situationnelle, tout ce qui contribue à former une personne ou à la doter d’aptitudes, de techniques, de connaissances théoriques et d’applications concrètes dans un domaine constitue ipso facto une formation pour le leadership6. » Un peu vague et gratuit...

Le cinquième chapitre explique plus à fond les relations entre les trois composantes : individu, tâche et équipe. Il y précise les sept fonctions que doit exercer un leader stratégique :

donner une direction à l’organisation dans son ensemble;s’assurer de la pertinence de la stratégie et de la justesse de la politique; passer à l’action (responsabilité globale de la direction);organiser ou alors réorganiser (équilibre entre le tout et les parties);promouvoir l’esprit de corps;établir un rapprochement entre sa propre organisation et les autres, mais aussi entre elle et la société dans son ensemble;choisir les leaders d’aujourd’hui et préparer ceux de demain.

(p. 46)

5 ADAIR, John. How to Grow Leaders, p. 33.6 Ibid., p.39.

1.

2.

3.

4.

5.6.

7.

Au terme de la 1re partie, vous serez parvenus avec moi au cœur même du leadership en parcourant trois sentiers abrupts : « l’approche axée sur les qualités » (ce qu’un leader doit être), « l’approche situationnelle » (ce qu’il doit savoir) et « l’approche de groupe ou fonctionnelle » (ce qu’il doit faire). Cependant, il nous faut absolument parcourir ces sentiers un par un : considérez-les comme un tout. Non comme un mélange chimique mais comme un composé. Ils forment ensemble rien de moins que le rôle générique du leadership.(p. 5)

L’auteur termine cette première partie en affi rmant qu’il est possible qu’un leader stratégique soit aussi effi cace dans d’autres organisations puisqu’il n’exercera pas ses compétences à un niveau technique.

Deuxième partie : les sept principes7 visant à développer des leadersLe premier principe porte sur la formation au leadership et s’appuie sur une réfl exion plus large relativement à l’erreur la plus répandue en gestion : agir est facile tandis que réfl échir avant d’agir – notamment pour savoir où l’organisation doit aller mais aussi pourquoi elle doit le faire – est beaucoup plus exigeant. La deuxième erreur observée fréquemment est la suivante : « Les organisations qui ne réfl échissent pas intensément présument sans se creuser la tête que le développement du leadership, c’est quelque chose qui commence et fi nit avec les cadres supérieurs. (…) ZALEZNIK a commis l’erreur d’établir une fausse dichotomie entre “leaders” et “managers”. Par conséquent, certaines organisations en conclurent qu’il leur fallait à la fois des “leaders” – héroïques ou personnages charismatiques – et des “managers” de terrain. Elles fi rent donc le pari de consacrer tout leur budget de formation à tenter de transformer leurs cadres supérieurs en “leaders transformationnels” et, comme il fallait s’y attendre, elles gaspillèrent leur mise8. »

La différence fondamentale entre les théories de John ADAIR et celles des auteurs plus récents réside justement dans le fait qu’ADAIR ne croit pas au leadership transformationnel.

Le deuxième principe tourne autour de la sélection des leaders. ADAIR se demande comment on se retrouve dans le rôle de leader; il y suggère quatre voies possibles. D’abord, un leader « émergera » d’un groupe, tout naturellement. Ou alors, il sera nommé par son organisation. Il pourra aussi être élu, dans des pays de régime démocratique. Ou enfi n, il sera parfois un leader par hérédité, dans des pays de régime monarchique. Après avoir analysé au moyen de plusieurs exemples les quatre modalités de sélection d’un leader, ADAIR déclare que le leader qui émerge d’un groupe est celui qui sera probablement le plus effi cace et le plus susceptible de créer des changements.

7 L’utilisation par l’auteur du mot principe (principle) recouvre différentes réalités et théories; il ne s’agit pas, à proprement parler, de véritables principes dans les sept cas. Il faudrait probablement parler plutôt de situations, de recettes ou de conseils de gestion.

8 ADAIR, John. How to Grow Leaders, p. 64-65.

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Conclusion

« L’essence du leadership, c’est d’effectuer des changements.Être le premier à effectuer ces changements, c’est

faire preuve de leadership créatif10. »

Le volume contient un certain nombre de perles comme celle que je viens de citer. Par ailleurs, le titre s’avère alléchant et prometteur, mais le contenu n’offre pas ce qu’on espère y trouver, entre autres parce qu’à travers ses exemples, le monde culturel qui y est décrit est formulé par un Britannique, pour ses compatriotes. De plus, il

faut bien constater qu’il y a peu d’ouverture sur les autres cultures de gestion, notamment celle des États-Unis. John ADAIR exprime presque toujours sciemment des opinions contraires à celles de Warren BENNIS et surtout d’Abraham ZALEZNIK : cela me semble un peu excessif. Nonobstant les critiques exprimées dans ce résumé, ce livre a néanmoins le mérite de nous livrer une approche du leadership qui se distancie de celle des têtes d’affiche américaines.

Michel LeclercLe 15 août 2007

10 Ibid., p. vi.

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La stratégie comporte trois caractéristiques :1. Long terme Il vous faut défi nir dans votre contexte actuel

ce que vous entendez par long terme, tout en vous rappelant que la stratégie s’applique rarement au présent. (…)

2. Importance En affaires, ce qui est urgent a toujours

tendance à noyer ce qui est important. Le rôle d’un leader stratégique consiste à voir loin pour être sûr que son organisation sait où elle va. Demeurez sur le pont et laissez les ingénieurs s’occuper de la salle des machines.

3. Multifactoriel Une stratégie est toujours constituée de plus

d’un élément. Elle forme un tout composé de divers éléments complémentaires.

(p. 139-140)

Le troisième principe traite du mentorat. Un mentor est un guide et un conseiller plein de sagesse et en qui on a confi ance, dit ADAIR, qui multiplie les modèles de mentorat en insistant sur le fait qu’un mentor doit savoir écouter.

Le quatrième principe est une dissertation sur la chance ou la possibilité d’être un leader. ADAIR donne plusieurs exemples tirés de son passé militaire et insiste sur l’obligation que devraient se donner les organisations de créer des postes nouveaux pour permettre à des candidats d’exercer leur leadership. « Pour s’améliorer, les leaders affrontent des défi s toujours plus complexes et en viennent à bout. Si les organisations souhaitent cultiver des leaders – ou du moins réunir les conditions nécessaires à leur épanouissement –, elles se doivent de fournir aux éventuels candidats l’occasion de mettre en œuvre leurs talents9. »

Le cinquième principe analyse et critique les différentes formes d’études pour améliorer le leadership. ADAIR s’attarde ensuite, trop longuement à mon avis, sur ses expériences de formation dans les universités anglaises : tous s’entendent maintenant, ajoute-t-il, pour affirmer que les leaders peuvent se perfectionner en suivant des cours dans les universités.

Le sixième principe nous propose une stratégie pour le développement du leadership. Il avance que si vous avez une stratégie institutionnelle pour le développement du leadership, il est grand temps de la revoir… Les meilleurs leaders se retrouvent habituellement dans les organisations performantes parce qu’ils veulent apprendre et se créer de nouveaux défis.

Le septième et dernier principe traite des rôles et responsabilités du chef d’entreprise (the chief executive) et la façon dont ce dernier doit agir pour être reconnu comme leader par ses cadres et ses employés. L’auteur y va de plusieurs conseils pratiques : soyez simple, concis et clair; évitez les jargons administratifs à la mode (leadership transformationnel, intelligence émotionnelle, etc.); abstenez-vous de raconter l’histoire de votre vie; parlez en public sans utiliser de notes; dirigez en donnant l’exemple; etc.

9 ADAIR, John. How to Grow Leaders, p. 114-115.