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1 CASA MENSUEL DE LA MAISON DE L’AMERIQUE LATINE SEUL ASBL Mensuel NOVEMBRE 2013 – numéro 106 – Ed. resp. Miguel Angel Espinosa, Rue du collège 27 – 1050 Ixelles N°106 -NOVEMBRE 2013 www.america-latina.be Dès sa découverte, le mythe de l’El- dorado fonde l’ordre géopolitique mondial qui, historiquement, réserve à l’Amérique latine un rôle d’ex- portatrice de matières premières. Depuis les années 1970, la plupart des gouvernements sud-américains misent sur le développement d’un modèle économique néocolonial dit « extractiviste » . Dans les années 1990 , ce modèle fondé sur l’appro- priation et la consommation des ressources naturelles se répand très largement avec la consolidation des gouvernements progressistes. Il est aujourd'hui renforcé par la mise en place d’une intégration régionale au- tour de deux grands axes : l’énergie et les minerais. Les exploitations mi- nières, symboles d’une société en devenir La dépendance économique aux ressources naturelles est une ca- ractéristique historique de la plu- part des pays d’Amérique du Sud. Aujourd’hui, la demande mondiale en matières premières entraîne un important processus de reprimari- sation de l’économie latino-amé- ricaine. Dans le domaine minier, on assiste à une augmentation des investissements étrangers qui sont passées, entre 1990 et 2000, de 12 à 33% de la totalité des investisse- ments internationaux . Les pays des Nords (comprenant les grandes puis- sances émergentes comme la Chine) ont en effet de plus en plus tendance à installer les premières phases des activités d’extraction hors de leurs frontières. Plusieurs facteurs permettent d’ex- pliquer la renaissance des Eldora- dos américains depuis une vingtaine d’années. D’une part, la découverte du procédé de cyanuration qui per- met de recueillir les métaux pré- cieux dans des minerais à très faible teneur, procédé rentable pour les entreprises capables de traiter de très grands volumes de minerais et, d’autre part, un mouvement géné- ral de reprimarisation de l’économie latino-américaine. L’exploitation non réfléchie des matières premières par des entreprises (principalement ca- nadiennes et étasuniennes) renforce la spécialisation des territoires mi- niers, en la rendant dépendante d’ac- teurs économiques et politiques sans ancrage local. Cela impose, de fait, des modifications territoriales pour les sociétés locales avec la consolida- tion d’enclaves exportatrices. La dis- symétrie Nord/Sud qui en résulte est souvent accrue par une dégradation de l’environnement, renforçant les inégalités socio-environnementales déjà fortes. Mobilisations contre un extractivisme à tout prix Si la mondialisation de l’économie a mené les dirigeants latino-améri- cains à favoriser l’exportation mi- nière, elle a également offert aux po- pulations locales les réseaux sociaux et médiatiques leur permettant de lutter contre les grands groupes multinationaux responsables des dégradations de leurs conditions de vie et de leur environnement. Une des mobilisations internationales les plus emblématiques est celle qui concerne la mine à ciel ouvert de Pas- cua Lama, exploitée par l’entreprise canadienne Barrick Gold de part et d’autre de la frontière argentino- chilienne. Située à 4700 m d’altitude, le projet menace l’environnement fragile de la Cordillère des Andes, et met directement en péril les condi- tions de vie de 90 000 personnes. Outre les impacts directs sur les pay- sages qui scarifient des pans de mon- tagne, les inquiétudes principales portent sur les résidus de l’exploita- tion. Même si ces activités sont pour la plupart situées dans des milieux peu propices à un peuplement impor- tant, les impacts se font sentir essen- tiellement à l’aval des exploitations, notamment par la pollution des eaux de lixiviation restituées par les terrils contaminés par les produits toxiques lors des différents traitements. La mine dégrade considérablement la qualité de l’eau du Huasco, rivière qui irrigue la fertile vallée homonyme. C’est de cet endroit que proviennent les raisins, les olives, les avocats et les abricots d’exportation mais aussi les légumes et les fruits qui approvi- sionnent les communautés locales. Dans ce contexte, l’entreprise mi- nière se heurte de plus en plus à une opposition résolue des communau- tés locales (agriculteurs, communau- tés religieuses, communautés au- tochtones, organisations de voisins) soutenues par des ONG, des politi- ciens, des chercheurs, des groupes d’investisseurs, des artistes, etc. gé- nérant des réseaux très dynamiques . Aussi bien en Argentine qu’au Chili, les expressions du mécontentement contre le projet sont nombreuses et restent actives depuis une décennie, jouant ainsi un rôle déterminant dans la redéfinition des conditions jugées acceptables pour la mise en place du projet. Vers des exploitations plus respectueuses ? Les mouvements sociaux ont une influence réelle sur la conduite de l’extraction et le traitement des dé- chets miniers. Toutefois, conscientes de la capacité des ONG à mobiliser l’opinion publique internationale, les grandes firmes développent des stratégies de communication per- mettant de rendre leurs projets plus acceptables. Il devient alors diffi- cile de distinguer la rhétorique de l’action réelle, tant elles se livrent alors sur la toile à des argumentaires, images de conscience environnemen- tale, contestant ceux des ONG et des communautés locales. La mine est montrée comme facteur de dévelop- pement durable, favorisant le déve- loppement économique et social des communautés locales, par le biais d’infrastructures scolaires et médi- cales. Leur responsabilité environne- L’Amérique latine « à ciel ouvert » Les enjeux liés à l’exploitation des minerais restent plus que jamais d’actualité en Amérique latine, remettant en cause un modèle de dé- veloppement qui affecte fortement environnement et communautés locales.

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C A S AMENSUEL DE LA MAISON DE L’AMERIQUE LATINE SEUL ASBL

Mensuel NOVEMBRE 2013 – numéro 106 – Ed. resp. Miguel Angel Espinosa, Rue du collège 27 – 1050 Ixelles

N°106 -NOVEMBRE 2013

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Dès sa découverte, le mythe de l’El-dorado fonde l’ordre géopolitique mondial qui, historiquement, réserve à l’Amérique latine un rôle d’ex-portatrice de matières premières. Depuis les années 1970, la plupart des gouvernements sud-américains misent sur le développement d’un modèle économique néocolonial dit « extractiviste » . Dans les années 1990 , ce modèle fondé sur l’appro-priation et la consommation des ressources naturelles se répand très largement avec la consolidation des gouvernements progressistes. Il est aujourd'hui renforcé par la mise en place d’une intégration régionale au-tour de deux grands axes : l’énergie et les minerais.

Les exploitations mi-nières, symboles d’une société en devenir La dépendance économique aux ressources naturelles est une ca-ractéristique historique de la plu-part des pays d’Amérique du Sud. Aujourd’hui, la demande mondiale en matières premières entraîne un important processus de reprimari-sation de l’économie latino-amé-ricaine. Dans le domaine minier, on assiste à une augmentation des investissements étrangers qui sont passées, entre 1990 et 2000, de 12 à 33% de la totalité des investisse-ments internationaux . Les pays des Nords (comprenant les grandes puis-sances émergentes comme la Chine) ont en effet de plus en plus tendance à installer les premières phases des activités d’extraction hors de leurs frontières. Plusieurs facteurs permettent d’ex-pliquer la renaissance des Eldora-dos américains depuis une vingtaine d’années. D’une part, la découverte du procédé de cyanuration qui per-met de recueillir les métaux pré-cieux dans des minerais à très faible

teneur, procédé rentable pour les entreprises capables de traiter de très grands volumes de minerais et, d’autre part, un mouvement géné-ral de reprimarisation de l’économie latino-américaine. L’exploitation non réfléchie des matières premières par des entreprises (principalement ca-nadiennes et étasuniennes) renforce la spécialisation des territoires mi-niers, en la rendant dépendante d’ac-teurs économiques et politiques sans ancrage local. Cela impose, de fait, des modifications territoriales pour les sociétés locales avec la consolida-tion d’enclaves exportatrices. La dis-symétrie Nord/Sud qui en résulte est souvent accrue par une dégradation de l’environnement, renforçant les inégalités socio-environnementales déjà fortes.

Mobilisations contre un extractivisme à tout prixSi la mondialisation de l’économie a mené les dirigeants latino-améri-cains à favoriser l’exportation mi-nière, elle a également offert aux po-pulations locales les réseaux sociaux et médiatiques leur permettant de lutter contre les grands groupes multinationaux responsables des dégradations de leurs conditions de vie et de leur environnement. Une des mobilisations internationales les plus emblématiques est celle qui concerne la mine à ciel ouvert de Pas-cua Lama, exploitée par l’entreprise canadienne Barrick Gold de part et d’autre de la frontière argentino-chilienne. Située à 4700 m d’altitude, le projet menace l’environnement fragile de la Cordillère des Andes, et met directement en péril les condi-tions de vie de 90 000 personnes. Outre les impacts directs sur les pay-sages qui scarifient des pans de mon-tagne, les inquiétudes principales portent sur les résidus de l’exploita-tion. Même si ces activités sont pour

la plupart situées dans des milieux peu propices à un peuplement impor-tant, les impacts se font sentir essen-tiellement à l’aval des exploitations, notamment par la pollution des eaux de lixiviation restituées par les terrils contaminés par les produits toxiques lors des différents traitements. La mine dégrade considérablement la qualité de l’eau du Huasco, rivière qui irrigue la fertile vallée homonyme. C’est de cet endroit que proviennent les raisins, les olives, les avocats et les abricots d’exportation mais aussi les légumes et les fruits qui approvi-sionnent les communautés locales. Dans ce contexte, l’entreprise mi-nière se heurte de plus en plus à une opposition résolue des communau-tés locales (agriculteurs, communau-tés religieuses, communautés au-tochtones, organisations de voisins) soutenues par des ONG, des politi-ciens, des chercheurs, des groupes d’investisseurs, des artistes, etc. gé-nérant des réseaux très dynamiques . Aussi bien en Argentine qu’au Chili, les expressions du mécontentement contre le projet sont nombreuses et restent actives depuis une décennie, jouant ainsi un rôle déterminant dans la redéfinition des conditions jugées acceptables pour la mise en place du projet.

Vers des exploitations plus respectueuses ?Les mouvements sociaux ont une influence réelle sur la conduite de l’extraction et le traitement des dé-chets miniers. Toutefois, conscientes de la capacité des ONG à mobiliser l’opinion publique internationale, les grandes firmes développent des stratégies de communication per-mettant de rendre leurs projets plus acceptables. Il devient alors diffi-cile de distinguer la rhétorique de l’action réelle, tant elles se livrent alors sur la toile à des argumentaires, images de conscience environnemen-tale, contestant ceux des ONG et des communautés locales. La mine est montrée comme facteur de dévelop-pement durable, favorisant le déve-loppement économique et social des communautés locales, par le biais d’infrastructures scolaires et médi-cales. Leur responsabilité environne-

L’Amérique latine « à ciel ouvert »Les enjeux liés à l’exploitation des minerais restent plus que jamais

d’actualité en Amérique latine, remettant en cause un modèle de dé-

veloppement qui affecte fortement environnement et communautés

locales.

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mentale est souvent mise en avant, avec comme garant le montant finan-cier investi. Nombre d’argumentaires prétendent que les grandes exploi-tations à ciel ouvert seraient moins nocives que les exploitations artisa-nales souvent illégales . La véracité de telles affirmations et la pérennité effective des projets tels qu’ils sont décrits restent évidemment sujets à débattre.La reprimarisation de l’économie, pilotée par l’ordre géopolitique international et le choix des gou-vernements néolibéraux, font au-jourd'hui de l’extractivisme minier un pilier économique de nombreux pays latino-américains. La situation a tou-tefois changé depuis les années 1990, tant par l’augmentation du nombre d’exploitations minières, que par le développement de mouvements de contestation à toutes les échelles. Que ce soit à Pascua Lama (Chili-Ar-gentine), Chuquicamata (Chili), Yana-cocha, Conga (Pérou), les oppositions s’organisent pour dénoncer la dégra-dation de l’environnement et des

conditions de vie des populations. Les ONG internationales s’élèvent contre ce modèle de développement extractiviste au détriment de valeurs autres que celle du profit capitaliste, en organisant, entre autres, des ma-nifestations dans les rues de Paris en juin 2013 rassemblant les opposants aux projets miniers de Pascua Lama et de Conga. Le mythe de l'Eldorado ne suffit plus à faire accepter sans discussion les grands projets d'ex-ploitation minière.

Marie Forget Maître de Conférences, Université de

Savoie UMR 5204 EDYTEM

[email protected]

Ce néologisme, calqué sur le portugais extrativismo, fait référence à un modèle de développement qui se fonde sur l’exploita-tion des ressources naturelles, renouvelables ou non, par des activités strictement extrac-tives (secteur minier et pétrolier) mais aussi d’autres activités (comme l’agrobusiness ou les biocarburants).

Svampa M. (2011), « Néo-‘développemen-tisme’ extractiviste, gouvernements et mouvements sociaux en Amérique Latine », dans Problèmes d’Amérique Latine 2011/3, n° 81, pp. 101-127.

Fait de revenir massivement à une économie primaire d’extraction sans transformation.

De Echave, J. (2007), « Mining in Peru: Between the transformation of conflicts and the programmatic challenge », Resource do-cument. Programme on Territories, Conflicts and Development of the University of Manchester. En ligne (consulté le 1 juin 2013) : http://www.sed.manchester.ac.uk/research/andes /seminars/Jose_de_Echave_English.pdf

Fundación Uñopatún (2004), No todo lo que brilla es oro. Escándalo en San Juan por el proyecto minero Veladero. NewsLetter Eco-2site et Urkidi Azkarraga, L. (2008), « Gold’s insustainability », Institute for Environmental Science and Technology Autonomous. Univer-sity of Barcelone.

Deshaies M. (2011), « Grands projets d’exploi-tation minière et stratégie des firmes pour se rendre environnementalement acceptables », dans L'Espace Politique, 15 | 2011-3, mis en ligne le 26 octobre 2011, consulté le 17 sep-tembre 2013. URL : http://espacepolitique.revues.org/2113

Cochabamba se trouve au cœur de la Bolivie dans le département homo-nyme. Située à 2 400m d’altitude, c’est la 3e ville du pays en terme de population après La Paz et Santa Cruz. La gestion de l’eau y revêt un fonctionnement particulier, car elle est partagée entre la SEMAPA et les comités de l’eau. Pour comprendre cette gestion, il faut revenir sur le contexte de l’eau en milieu urbain.

Cochabamba a connu une crois-sance démographique exponen-tielle, voyant sa population plus que doubler en 25 ans et elle atteint au-jourd’hui les 1,5 millions d’habitants. Cette augmentation a entraîné des

prélèvements de plus en plus impor-tants sur la ressource en eau, or Co-chabamba ne dispose pas à propre-ment parler de sources. La SEMAPA s’alimente en louant des sources aux communes voisines et aux commu-nautés de la Cordillère Tunari, située au nord de la ville. Mais le rythme accéléré de la croissance démogra-phique a donné lieu à un étalement urbain qui n’a pas été contrôlé et les services publics se sont rapide-ment vus dépasser. Les périphéries de la ville ont alors été exclues des services de base comme l’achemine-ment d’eau potable ou le ramassage des déchets. Face à ce retard de la SEMAPA, les habitants ont décidé de

s’organiser seuls, donnant ainsi nais-sance aux comités de l’eau.

Inégalités sociales et envi-ronnementalesOr cette situation introduit de fortes inégalités d’accès à l’eau. Comme les comités se débrouillent seuls, les puits sont souvent mal creusés et l’eau captée est souvent polluée car ils n’ont pas la capacité technique et financière d’installer un réseau d’as-sainissement. Ils ont donc une eau de moins bonne qualité et dans des quantités moindres. Certains comités ne disposent d’aucune source et ont recours à des camions-citernes, mais c’est une solution très coûteuse.

On peut donc interroger la vulnéra-bilité des deux systèmes de gestion de l’eau à Cochabamba. De son côté, la SEMAPA tarde à connecter de nou-veaux habitants et se trouve dans une situation de dépendance vis-à-vis des populations auxquelles elle loue

L’accessibilité à l’eau à Cochabamba (Bolivie) : émergence de territoires de l’eauA Cochabamba, la distribution de l’eau est gérée de deux façons : à la

fois par la SEMAPA (Service Municipal de l’Eau Potable et de l’Assai-

nissement), entreprise publique, et par les comités de l’eau qui sont

des organisations communautaires. Cette double gestion est née des

lacunes du service public qui couvre moins de la moitié de la ville en

eau potable. Ces organisations fonctionnent comme des territoires

autonomes aux frontières bien définies, adaptés à une pratique locale

de la gestion de l’eau. Toutefois, cette multitude de territoires de l’eau

ne pourrait-elle pas conduire à une fragmentation territoriale empê-

chant la mise en place d’une gestion de l’eau à l’échelle de la ville,

introduisant de fortes inégalités sociales et environnementales face à

l’accessibilité en eau potable ?

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les sources. De l’autre côté, les comi-tés assurent un service de grande ampleur car ils alimentent plus de 50 % de la ville en eau potable, mais ne peuvent pas toujours fournir de l’eau en permanence et ils doivent faire face à d’importants problèmes de pollution des aquifères. De plus, les comités sont en concurrence pour la ressource. De fait, le nombre de membres est fortement surveillé. Certains ont déjà fermé leur porte, jugeant leurs ressources insuffi-santes. A Cochabamba, il y a donc des habitants qui ne sont connectés ni à la SEMAPA, ni aux comités et qui font appel aux camions-citernes. Cette situation ne fait donc que reproduire des inégalités d’accès à l’eau.

Afin d’améliorer les systèmes de ges-tion de l’eau, on peut soit les rendre plus résistants pour qu’ils puissent faire face à un choc, soit les rendre plus résilients, c’est-à-dire les rendre capables de gérer puis de dépasser un aléa.

Perspectives pour la ges-tion de l’eau: entre résis-tance et résilience des sys-tèmes de gestionPour diminuer les faiblesses de ces deux systèmes, deux scénarii sont envisagés. Le premier vise à ren-forcer le système par une nouvelle source d’eau, c’est le projet Misicuni. C’est un barrage de 120m de haut situé sur le fleuve Misicuni, au cœur de la Cordillère Tunari. Ce projet est d’ampleur régionale car il doit ali-menter toute l’aire métropolitaine de Cochabamba. Il est donc soutenu par la SEMAPA et toutes les populations de l’aire métropolitaine car il concilie différents usages  : eau potable, eau pour l’irrigation et l’élevage, électricité.

Mais ce projet est contesté par les 8 communautés indiennes qui vivent sur place. En effet, le lac de retenue du barrage va ennoyer leurs terres et leurs villages. De nombreuses négo-ciations ont été menées avec l’entre-prise Misicuni qui a cédé à toutes les demandes  : construction de routes, d’école, connexion à l’eau courante… Mais c’est un projet qui reste autori-taire et cette décision étatique est en contradiction avec la politique d’Evo Morales qui soutient les com-munautés indiennes en leur donnant une priorité d’accès aux ressources naturelles selon des us et coutumes ancestraux. Dans ce rapport de force déséquilibré, les communautés ten-tent donc de résister à cette pression en refusant de partir tant que le lac ne sera pas mis en eau, ce qui devrait commencer début 2014. De plus, on ne sait pas pour le moment comment cette eau sera distribuée et si toute l’aire métropolitaine pourra réelle-ment y avoir accès.

L’autre scénario est celui de la co-gestion proposé par Abraham Gran-dydier, président de l’association ASICASUR (Association des Systèmes Communautaires d’Eau Potable pour la zone Sud). Cette solution vise à mettre en commun les forces de la SEMAPA et des comités, fai-sant de la SEMAPA le fournisseur et des comités le distributeur. Pour le moment, cette co-gestion n’a pris forme que dans un seul exemple  : celui du comité Villa Venezuela. Ce modèle ne semble pas s’être déve-loppé davantage car aucun consen-sus n’a été trouvé entre les acteurs. Pour sa part, la SEMAPA ne souhaite pas étendre la co-gestion à ses frais car elle juge les comités instables. Et les comités, eux, ne souhaitent pas travailler avec la SEMAPA car ils ont

peur de voir leurs ressources appro-priées par l’entreprise.

L’eau à Cochabamba, un problème de gouvernance Face aux limites de ces deux scé-narii, il apparaît que la gestion de l’eau à Cochabamba est essentielle-ment un problème de gouvernance. Cette question de la co-gestion nous pousse à nous demander quelle se-rait l’échelle la plus pertinente pour la gestion de l’eau. En effet, com-ment gérer les quantités d’eau qui vont arriver de Misicuni alors que le système de gestion est déjà fragile ? Faut-il faire légitimer les comités et choisir l’échelle locale pour gé-rer l’accès à la ressource ? Or cela reviendrait à accepter un territoire qui fonctionne de manière exclusive, entraînant un processus de fragmen-tation territoriale.

Pour dépasser ce problème, il faut envisager une nouvelle échelle de gestion. Peut-être qu’une gestion in-tégrée par bassins versants permet-trait de concilier différents acteurs et différents usages  ? Ou peut-être que Misicuni pourrait devenir une en-tité régionale de la gestion de l’eau ?

Ces questions pour le moment sans réponse méritent d’être approfon-dies. Car aujourd’hui, à Cochabamba, l’enjeu est de concilier différents acteurs, sur différents territoires et avec différents usages. De nouveaux territoires de l’eau restent donc à inventer.

Jeanne De Kerdrel

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Comité de rédaction de CASASofía Injoque Palla, Gustavo Nielsen, Laura Hershkowitz, Zoé Maus, Sébastien Hologne, Pierre Kapsalis.Des remarques ou des questions? Écrivez-nous à [email protected]

ESPACIO DE GÉNEROESPACE GENRE

STOP A LA VIOLENCE!• Un service gratuit en espagnol d’aide aux victimes de violences entre partenaires, de lundi à vendredi.• Service d’écoute en espagnol et français.• Accueil et accompagnement des victimes dans leurs démarches “porter plainte, constat de coups et blessure, etc”.• Information adéquate quant aux lois et aux droits.Elena Pérez González: numéro d’appel

gratuit 0800 55 55 2Maison de l’Amérique Latine, SEUL asbl 27 Rue du Collège - 1050 Ixelles [email protected]

R. du collège, 27-1° - 1050 Ixelles - 02 / 647 62

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Lettres des Amériquespar Jean-Michel Klopp

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Le Paradis, c’était nous Rosa Beltran Ed. La Différence

Rosa Beltran est considérée comme une des romancières mexicaines les plus remarquables de sa génération. Dans son roman publié à « LA DIFFERENCE » (www.ladifference.fr ) sous le titre Le Paradis, c’était nous, sur un mode burlesque, parfois hilarant elle nous conte l’histoire d’une famille mexicaine issue de la classe moyenne aisée de Mexico dans les vingt dernières années du XXème siècle. Comme le Mexique de cette époque qui passe de la prospérité pétrolière, qui a engendré une corruption dévastatrice, à la crise économique de 1982, la famille est minée de l’intérieur. Le fils aîné, Tobias, est fou et grandit dans un rapport incestueux avec sa mère, les deux filles ne parviennent pas à fonder une famille, les parents ne se comprennent pas et tous se tournent vers des thérapies diverses, psychiatriques ou psychanalytiques pour trouver remède à leurs maux.

Comment les eskimos gardent les bébés au chaudMei-Ling Hopgood Ed. Lattès

La journaliste Mei-Ling Hopgood, jeune mère d’origine américaine et taïwanaise installée à Buenos Aires, a effectué un tour du monde dans le but de découvrir de très utiles et singulières

méthodes éducatives. Elle s’est intéressée aux problématiques aussi universelles que l’heure du coucher, l’apprentissage de la propreté, les repas, ou les activités ludiques. Aux quatre coins de la planète, elle a interrogé des parents issus des cultures les plus diverses, ainsi que des anthropologues, des éducateurs, des experts en puériculture. Les Chinois sont par exemple les rois de l’apprentissage de la propreté, tandis que dès leur plus jeune âge les enfants du Paraguay savent s’orienter dans les labyrinthes tentaculaires de la forêt primaire, les petits Zapotèques du Mexique connaissent par cœur la flore locale. Quand aux Kenyans, ils portent leurs bébés sur le dos, sanglés dans des écharpes colorées. Et ce n’est pas seulement une tradition - essayez donc de manœuvrer une poussette sur les trottoirs défoncés de Nairobi ! Les Français, eux, réussissent à faire de leurs bambins des gastronomes en culottes courtes. Le regard original sur l’éducation à travers les cultures que nous propose Mei-Ling Hopgood, dans son livre Comment les Eskimos gardent les bébés au chaud, publié chez » JEAN-CLAUDE LATTES  » ( www.editions-jclattes.fr ), nous offre non seulement la possibilité d’expérimenter certaines de ces traditions mais nous prouve également qu’il y a mille et une façons d’être de bons parents.

AGENDA 2013COURS DE FRANCAISCours du soir, 2niveaux de 40h à 95€/niv.Niv. I - Lun. et jeu. de 20-22hDu 13/01 au 20/03/2014 Niv. II - Mar. et ven. de 20-22hDu 14/01 au 21/03/2014

INTENSIFS DE FRANCAIS2 niveaux de 120h à 145€/niv.Intensif I - Lun., mer. et ven. de 10-13hDu 09/09 au 13/12 et 13/01 au 14/04/2014Intensif II - Lun., mer. et ven. de 14-17hDu 09/09 au 13/12 et 13/01 au 14/04/2014

ESPAGNOL3 niveaux de 30h à 210€/niv.Niv. I - Lun. et mer. 18h30-20h30Du 30/10 au 23/12 et 13/01 au 03/03/2014Niv. II - Mar. et jeu. 18h30-20h30Du 31/10 au 19/12 et 14/01 au 04/03/2014Niv. III - Mer. 18-21hDu 15/01 au 19/03/2014Table de conversation - Mer. 18-19h6 séances à 35€

PORTUGAIS3 niveaux de 30h à 210€/niv.Niv. I - Mer. et ven. 18h30-20h30Du 06/11 au 20/12 et 15/01 au 05/03/2014Niv. II - Mar. et jeu. 18h30-20h30Du 31/10 au 19/12 et 14/01 au 04/03/2014Niv. III - Mar. et jeu. 18h30-20h30Du 31/10 au 19/12 et 14/01 au 04/03/2014

TANGO 4 niveaux, 85€/12 séancesNiv. 0 - Lun. 19-20hDu 09/09 au 02/12 et 13/01 au 31/03/2014Niv. I - Mer. 19-20hNiv. II - Mer. 20-21hNiv. III - Mer. 21-22hTango création - Lun. 20-22h

SALSA1 niveau, 70€/6 séances Mar. 18h30-20h30 Du 14/01 au 18/02/2014

CHORALE "ANACONDA"Gratuit - Mar. 20-22h

ATELIERS POUR ENFANTSAtelier "Arts plastiques et Créativité"Mer. 14-16h90€/trimestre ou 10€/séanceAtelier de danseMer. et sam. 14-15h30100€/mois ou 15€/séanceAtelier CapoeiraMer. 13h30-15h- 70€/trimestreAtelier d'éveil musicalEn français et espagnol pour les 5 à 12 ansSam. 13h30-15h30- 90€/trimestre

ATELIERS POUR ADULTESThéâtre d'improvisation "Comedia (in) humana" (en espagnol)Sam. 10h30-13h30 - 180€/12 sessionsAtelier de théâtre (en espagnol)Mar. de 18-21h - 120€/trimestreAtelier intensif de théâtreMer. 19-22h - 120€/13 sessions

ContactMaison d’Amérique Latine SEUL ASBLSébastien Hologne www.america-latina.be www.facebook.com/maison.

delameriquelatinee-mail : info@ america-latina.beTél:02/535 93 8027 Rue du Collège - 1050 Ixelles

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L’économie mondiale 2014Collectif Ed. La Découverte

Chaque année, le Centre d’études prospectives et d’informations internationales, publie dans la collection Repères, à «  LA DECOUVERTE  » ( www.collectionreperes.com / www.editionsladecouverte.fr ) des analyses inédites des grandes questions économiques mondiales. Complétant le bilan conjoncturel, l’édition L’économie mondiale 2014 approfondit d’abord deux questions centrales pour sortir de la crise : la résorption des excès d’endettement va-t-elle durablement limiter la croissance ? Comment les banques centrales doivent-elles agir au sortir des mesures exceptionnelles adoptées depuis 2009 ? Suit une perspective sur les prix immobiliers, éclairant les risques d’un brutal ajustement à la baisse. Dans le domaine du commerce international, notre attention est en particulier attirée sur les échanges transatlantiques. Le dernier chapitre, consacré à l’énergie, illustre la façon dont la nouvelle donne américaine modifie la scène pétrolière mondiale. L’annexe statistique situe les données récentes dans une perspective longue.

Le bleu des abeillesLaura Alcoba Ed. Gallimard

Laura Alcoba a vécu en Argentine jusqu’à l’âge de dix ans. Elle vit aujourd’hui à Paris et enseigne la littérature du Siècle d’or espagnol à l’université. Depuis la publication de son premier roman, Manèges, petite histoire argentine, elle rencontre un succès toujours grandissant. Aujourd’hui Laura Alcoba vient de publier Le bleu des abeilles chez « GALLIMARD ». ( www.gallimard.fr ). La narratrice a une dizaine d’années lorsqu’elle parvient à quitter l’Argentine pour rejoindre sa mère, opposante à la dictature réfugiée en France. Son père est en prison à La Plata. Elle s’attend à découvrir Paris, la tour Eiffel et les quais de Seine qui égayaient ses cours de français. Mais Le Blanc-Mesnil, où elle atterrit, ressemble assez peu à l’image qu’elle s’était faite de son pays d’accueil. Comme dans son premier roman, l’auteur décrit une réalité très dure avec le regard et la voix d’une enfant éblouie. La vie d’écolière, la découverte de la neige, la correspondance avec le père emprisonné, l’existence quotidienne dans la banlieue, l’apprentissage émerveillé de la langue française forment une chronique acidulée, joyeuse, profondément touchante. Ce roman est étonnant de sincérité et écrit à l’aide d’une langue emprunte de belle poésie.

Louis Daubier, transparence et tentations contradictoiresJosé Havet Ed. Azimuts

José Havet qui détient une licence en sciences sociales de l’Université Libre de Bruxelles et un PhD en sociologie de l’Université de Pittsburgh, a enseigné, entre autres, en Bolivie et à Porto Rico. Il vient de consacrer un livre magistral au poète Louis Daubier, auteur d’une œuvre majeure, né en 1924 à Orp-le-Grand, village du Brabant Wallon. Ce livre constitue la première étude sur cette poésie transparente, déchirée et questionneuse, qui se voulait pure, ce qu’elle fut d’ailleurs, mais seulement par la qualité, la précision et la concision de son langage. À travers un style qui, sans se renier, n’a cessé de s’épurer, de tendre à l’essentiel, presque au linéaire, la courbe du parcours de Louis Daubier a la rigueur de l’arc-en-ciel et l’on ne peut qu’éprouver de la fascination pour cette poésie d’une exceptionnelle qualité. Louis Daubier, transparence et tentations contradictoires, de José Havet, a été publié aux «  Editions Azimuts  ». ( www.editionsazimuts.be / [email protected] ). Adresse de l’auteur : José Havet 346, Mountbatten Avenue Ottawa, ON Canada, K1H 5W3

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Livres enfants & ados

Les droits de l’homme, un com-bat d’aujourd’huiIsabelle Bournier

Ed. Casterman

Le livre d’Isabelle Bournier, Les droits de l’homme, un combat d’aujourd’hui, publié chez «  CASTERMAN  » ( www.casterman.com ) n’est pas un simple inventaire des droits de l’homme. Il n’est pas non plus le catalogue des nombreux textes constituant l’arsenal juridique qui les garantit. L’angle choisi est celui d’une réflexion sur la réalité des droits humains dans le monde d’aujourd’hui, et sur l’enjeu que représente la défense des droits fondamentaux dans le monde de demain. Une invitation à réfléchir à l’élaboration de nouveaux droits pour l’avenir permet, en conclusion de l’ouvrage, de mettre en débat un certain nombre de questions sur lesquelles le jeune lecteur pourra se faire une opinion. Penser qu’aujourd’hui les droits humains s’imposent comme une évidence serait une grave erreur. Cependant, même si les droits de l’homme sont parfois remis en cause au nom du multiculturalisme, les droits fondamentaux comme le respect de la vie, de l’intégrité physique ou de la dignité, demeurent incontestables, et il est essentiel de comprendre qu’ils sont la clé de notre avenir, à tous.

Plus grand que toiOrit Bergman

Ed. Rouergue Jeunesse

Après Molly mollo, Orit Bergman, qui vit et travaille dans un petit village en Israël, revient avec deux nouveaux personnages pour les tout-petits. Son nouvel album, publié au « ROUERGUE JEUNESSE » ( www.lerouergue.com ) sous le titre Plus grand que toi, fera le bonheur des très jeunes lecteurs. Dans cette histoire, l’auteur confronte deux personnages que tout semble opposer, un éléphant et un oiseau, mais le rapport de force est inversé. Si l’oiseau est l’aîné, s’il est plus léger, il n’aura cependant pas le dernier mot et son attitude le fera tomber de haut. Pour de petites aventures au quotidien, voici des personnages extrêmement bien campés. Savoureux.

DVD

El Viento Eduardo MignognaGood Movies

Ce film est un véritable monument intimiste du cinéma argentin. Eduardo Mignogna raconte un face à face profond, magnétique, d’une jeune femme médecin avec sa maman décédée. Frank rend visite à sa petite fille, médecin à Buenos Aires. Alina réagit tout d’abord froidement à l’annonce du décès, marquée par l’identité de ce père qu’elle n’a jamais connu.

Le mystère est palpable, lourd, violent. L’auteur et réalisateur a travaillé sa vie durant à l’écriture du livre qui est à la base de ce film. Cette œuvre se veut l’histoire de la perte d’une maman, mais aussi une parabole concernant le passé politique de l’Argentine. Brillant ! Le DVD El Viento a été publié chez «  GOOD  ! MOVIES  » ( www.goodmovies.de ).