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Matthieu Gioani Culture de l’innovation (ETN 204) – Mars 2011 Résumé Triselec-Lille est l’ un des centres pionniers du tri sélectif en France et en Europe. Créé en 1994 sous l’impulsion de la communauté urbaine de Lille métropole, il reste l’un des plus importants d’Europe. A travers une rétrospective, nous tâcherons de mettre en lumière les innovations techniques et sociales d’un projet de centre de tri qui a marqué de son empreinte une industrie et une région et qui continue à mettre en œuvre ses grands principes fondateurs.

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Dossier sur le cas Triselec et l'innovation sociale réalisé dans le cadre des Mardis de l'innovation, cours de Marc Giget au CNAM

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Matthieu Gioani

Culture de l’innovation (ETN 204) – Mars 2011

Résumé Triselec-Lille est l’un des centres pionniers du tri sélectif en France et en Europe. Créé en 1994 sous l’impulsion de la communauté urbaine de Lille métropole, il reste l’un des plus importants d’Europe. A travers une rétrospective, nous tâcherons de mettre en lumière les innovations techniques et sociales d’un projet de centre de tri qui a marqué de son empreinte une industrie et une région et qui continue à mettre en œuvre ses grands principes fondateurs.

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Cas d’innovation : Triselec-Lille

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Contexte du projet et introduction ......................................................................... 3

I. Le pitch du projet Triselec-Lille ........................................................................ 3

II. Les grandes phases du projet .......................................................................... 4

III. L’équipe projet : des pionniers et des hommes de conviction ............................ 5

IV. Des innovations industrielles et logistiques radicales au service de la valorisation

des déchets.......................................................................................................... 6

1. Des innovations industrielles et logistiques radicales ............................................... 6

2. Le design au service de l’utilisateur de la chaîne de tri : l’opérateur ......................... 8

3. Le beau comme synthèse des oppositions dialectiques ............................................ 9

V. L’humain et le collectif au cœur du projet ...................................................... 10

1. Des innovations dans la formation au service des opérateurs ................................ 10

2. Des innovations sociales pour l’accomplissement et la réinsertion des individus ..... 11

3. Une démarche d’ouverture sur l’extérieur............................................................. 12

VI. Le social, au détriment de l’économique ? ..................................................... 13

1. La SEM : un juste retour sur investissement pour le citoyen .................................... 13

2. Un choix assumé de la qualité, source de reconnaissance et de rentabilité............ 14

3. Le social, un appui à l’économique ..................................................................... 15

Conclusion ........................................................................................................ 15

Annexes ............................................................................................................ 16

Triselec-Lille, l’entreprise aux 10 oscars ? .................................................................. 16

Bibliographie et crédits ....................................................................................... 17

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Cas d’innovation : Triselec-Lille

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En 1989, la Communauté Urbaine de Lille Métropole (CULM) qui regroupe 85 communes

de l’agglomération lilloise croule sous les déchets après le refus par la population d’un projet

d’incinérateur de Wattrelos et de “tumulus” de déchets à Deûlémont. Pierre Mauroy, alors

président de la Lille Métropole, donne à Paul Deffontaine, maire de la commune de Willens,

une liberté totale pour régler cette question. Ce socialiste sensible aux questions écologiques

propose alors un “schéma global de valorisation des déchets” qui sera adopté à l’unanimité

par la communauté urbaine en juin 1992. Suite à ce plan de gestion, il propose la création

de Triselec-Lille, inspiré par l’expérience dunkerquoise.

Aussi, tout au long de ce travail, nous nous efforcerons de montrer le caractère innovant

de Triselec-Lille tant sur les aspects techniques que sociaux. Mettant de côté l’évidente

dimension environnementale d’un centre de tri des déchets, nous traiterons en filigrane au

cours de notre développement la dimension industrielle du projet, sa dimension humaniste

ainsi qu’une dimension sur la création de valeur.

“Jeter moins, trier plus, traiter mieux” telle est l’ambition du schéma global de valorisation

des déchets de la communauté urbaine de Lille Métropole.

Le projet de Triselec-Lille comporte trois axes principaux : la valorisation des déchets,

l’intérêt collectif et la réinsertion. Ces trois axes le distinguent des projets d’envergure de

l’époque dans un secteur du traitement des déchets qui privilégie l’enfouissement et

l’incinération.

1/ Le projet fait le choix de trier et de valoriser les déchets plutôt que de les incinérer. Ainsi,

en plus d’éviter les pollutions générées par l’incinération, la valorisation des déchets évite

d’exploiter des gisements de ressources naturelles pour la fabrication de métaux, papier,

carton et matières plastiques.

2/ Le projet doit bénéficier à la collectivité et ne doit pas profiter à un acteur privé qui ne

serait pas soucieux de l’intérêt général.

Pour les protagonistes du projet, la gestion des déchets doit rester interne à la collectivité et

ne doit pas être externalisée à un acteur privé, d’où l’expression “internalisation des déchets”.

Dans cette optique, une société d’économie mixte (SEM) est constituée pour associer au

capital à la fois les collectivités locales (67% des parts) et les industriels de la collecte,

recyclage et valorisation des déchets (29,2% des parts) et un collège associatif (3,8% des

parts) regroupant consommateurs, écologistes et le capital risque solidaire “Autonomie et

solidarité”.

Grâce à la vente des déchets triés et transformables en une nouvelle matière première,

l’établissement doit dégager des revenus qui permettent d’assurer une partie de son

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fonctionnement. Précisons toutefois que la majorité de ces revenus provient de Lille-Métropole

pour le service rendu à la collectivité. Pour simplifier, Lille Métropole étant l’actionnaire

majoritaire, plus les bénéfices issus de la vente des déchets triés sont importants, plus la

collectivité est gagnante.

3/ Le projet a une mission de réinsertion sociale auprès d’une population du Nord de la

France qui a subi la fermeture de nombreuses usines des industries mécanique et textile dans

les années 1980 et 1990.

Ce volet “humaniste” du projet, comme le définissait Paul Deffontaine, apporte une

réponse concrète aux difficultés que connaît le bassin de l’emploi de la Vallée de la Lys.

Triselec-Lille est donc implantée sur la commune d’Halluin. Cette démarche sociale

nécessitant une coopération avec des acteurs extérieurs a été réalisée en collaboration avec

l’ANPE et ses partenaires : structures et associations d’aide à l’emploi, à l’insertion et à la

création d’entreprise. Ainsi, l’entreprise citoyenne qu’est Triselec-Lille s’ancre dans un

territoire pour apporter une réponse aux besoins des populations. Comme le titrait La Voix du

Nord à l’ouverture de l’usine en 1994, « Triselec-Lille, un pied à l’étrier pour les exclus ».

Dans le cas de Triselec-Lille, l’innovation ne s’est pas faite en un instant mais par étapes

successives. Nous pouvons ainsi distinguer plusieurs phases d’innovation : la première, celle

de la conception du projet et de l’établissement, est une étape d’innovation essentiellement

technique. Bien qu’au cours de cette première étape, l’innovation sociale ait été pensée, c’est

lors de la deuxième étape (après 1994) qu’elle s’est pleinement réalisée. En effet, la

production (activité de tri) a été nécessaire pour la mise en œuvre de cette deuxième vague

d’innovations qui se poursuit encore actuellement.

Le centre de tri de Triselec-Lille a par la suite été complété par d’autres dispositifs de

valorisation des déchets comme le centre de valorisation organique et le centre de

valorisation énergétique. Ce dernier brûle les 8% de matière non-valorisable de la chaîne de

tri en récupérant l’énergie dégagée par la combustion. Le centre de valorisation organique

permet, quant à lui, la valorisation des déchets organiques (appelés fermentescibles) en

compost utilisable par l’agriculture. Dans notre étude, nous nous focaliserons exclusivement

sur le centre de tri qui représente l’activité initiale de Triselec-Lille.

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Chronologie du projet

Paul Deffontaine

Paul Deffontaine est le chef du projet Triselec-Lille et il en deviendra le président du conseil

d’administration. Il s’est vu confié par Pierre Mauroy la question des déchets sur le territoire

de la LMCU (Lille Métropole Communauté Urbaine) en 1990. Maire de Willens et vice-

président de cette communauté urbaine, son expérience et ses passions pour l’aménagement

du territoire et l’environnement en font l’homme de la situation.

André Gabet

André Gabet est l’ingénieur du projet. Pionnier de l’industrie des déchets en France, il a

conçu la collecte sélective telle qu’elle est pratiquée dans la majorité des villes françaises lors

du projet pionnier Triselec-Dunkerque en 1989. Très concrètement, il s’agit du duo “poubelle

jaune” (seconde poubelle à domicile) et centre de tri pour la valorisation des déchets. Son

expérience, son esprit visionnaire et ses compétences d’ingénieur le conduiront tout

naturellement à concevoir l’usine de Lille ainsi que l’ensemble de la chaîne de tri et des

machines. Il deviendra par la suite directeur d’exploitation de Triselec-Lille avant de

poursuivre sa carrière de concepteur.

Patrick Vandamme

Patrick Vandamne est l’homme du « social » de Triselec-Lille. Acteur de l’économie

solidaire dans la région Nord-Pas-de-Calais, il fonda différentes associations pour lutter

1989

•Projets d’incinérateurs et d’enfouissement des déchets refusés par les citoyens. Il faut donc trouver une solution pour les déchets de la métropole lilloise. Le dossier est confié à Paul Deffontaine.

1992•Schéma global de valorisation des déchets de la communauté urbaine de Lille Métropole, déposé par Paul Deffontaine et création de la SEM Triselec-Lille

1994

•Le 18 mai 1994, démarrage de la production à l’usine Triselec-Lille d’Halluin

•Convention de partenariat à l'échelle locale pour la lutte contre l’exclusion

1998•Obtention de la certification ISO 9001 (qualité)

1999

•Obtention de la certification ISO 14001 (environnement)

•Ouverture du centre de formation multimédia dans l'établissement

2003•Activité de tri entièrement financée par la vente des matières valorisées

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contre l’exclusion, le chômage et pour favoriser la création d’entreprise. Dès le lancement du

projet Triselec-Lille, il fut chargé de la mise en place et du pilotage du volet « social », c’est-à-

dire toute la politique sociale : mesures de formation, de recrutement et de réinsertion.

Chevalier de la légion d’honneur en 2010 pour son engagement dans l’économie sociale, il

est aujourd’hui directeur de Triselec-Lille.

Associées à cette « équipe de choc », des personnes extérieures au montage du projet ont

largement contribué à son succès :

Christian Tytgat, du GIEPP (Groupement pour l'initiative et l'élaboration de projets

professionnels), structure locale d’aide aux projets d’économie solidaire ;

Rémy Quenon, architecte et urbaniste au sein du cabinet lillois Urba-Lineas ;

Mr. Leprince-Ringuet, directeur du FORPEM, un centre de formation du Nord-Pas-

de-Calais, ayant connu plusieurs succès sur la conception de formations courtes,

ciblées et interactives à destination des professionnels.

Aussi, cette équipe projet est composée de personnes d’expertises et d’expériences variées,

cadrant parfaitement avec les domaines clés du projet. D’horizons différents, ils vont travailler

ensemble sur le plus grand centre de tri français actuel. Les conditions favorables à

l’innovation sont ici réunies, notamment la combinaison des profils et des expertises ce qui

facilite le croisement des regards sur les différentes facettes du projet.

Aujourd’hui, Triselec-Lille valorise environ 92% des déchets qui entrent dans l’usine contre

environ 78% dans les autres centres de tri d’après l’ADEME (2006). De plus, l’établissement

dégage chaque année des bénéfices qu’il reverse en partie à ses salariés.

Une telle efficacité dans la valorisation des déchets est due à plusieurs facteurs, au

premier rang desquels se trouve la chaîne de tri, elle-même conçue par André Gabet et ses

collaborateurs.

Au rang des innovations industrielles, on peut citer la presse unique et un contrôle

centralisé de l’ensemble des opérations. A ces dispositifs s’ajoute une innovation logistique

majeure : le transport du verre par barge.

Une puissante et unique presse

Le centre de tri de Triselec-Lille ne possède qu’une seule presse pour compacter des

déchets triés par types (flacons plastiques, carton, papier journal, …) en fin de chaîne,

appelés “balles” avant de les expédier chez le client. Ce choix est d’autant plus audacieux

d’un point de vue technique qu’une unique presse est sujette à plus d’utilisations donc à plus

de pannes. Cependant, l’unique presse se justifie certes par une recherche d’optimisation du

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processus (la logistique de la chaîne de tri permet de pallier à des situations de panne) mais

aussi par la culture de défi propre à Triselec-Lille.

Pour cette presse, le postulat de départ a été le suivant : réussir à charger une semi-

remorque de 44 tonnes ou un conteneur maritime, le plus efficacement possible, c’est-à-dire

en s’approchant le plus possible de ce PTAC (poids total autorisé en charge). Pour atteindre

cet objectif, il faut donc 27 balles de 2 m3 chacune ayant des masses variant en fonction de la

matière compactée. Si les balles ne sont pas bien calibrées, un camion peut partir avec

seulement 60% de son PTAC, ce qui est source de coûts supplémentaires pour le client. En

effet, le transport est un élément essentiel de la structure de coût et les transporteurs facturent

davantage en fonction du kilométrage parcouru que du poids de la marchandise transportée.

D’où la nécessité d’optimiser au mieux ces “balles” avec une presse de 950 kg alors que la

concurrence dispose seulement de presse de 450kg1. L’usine tire ainsi bénéfice de

l’optimisation de sa logistique auprès de ses clients en les invitant à s’engager dans des

contrats longue durée.

La presse a été conçue sur-mesure pour le centre d’Halluin par André Gabet et a nécessité

un fort investissement en recherche et développement dans un double objectif de fiabilité et

d’efficacité.

La presse ainsi fabriquée est une pièce maîtresse dans la recherche d’efficacité de Triselec-

Lille, ce qui représente également un point vulnérable du système. Pour pallier à cet écueil,

Triselec-Lille a opté pour une salle de pilotage de la production, véritable “tour de contrôle”

des déchets.

Schéma de la chaîne de tri (cliquer sur l’image pour accéder à la version interactive)

1Interview de Patrick Vandamme, http://www.initiativesdd.org/spip.php?article81

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Pilotage de la production par une « tour de contrôle »

Un investissement considérable a été réalisé pour aboutir à cette salle de surveillance de la

production. A l’aide de logiciels de suivi de la production, l’équipe en charge de la

surveillance peut décider de moduler la production en fonction des besoins, contrôler la

qualité du tri et adapter la vitesse de la chaîne en temps réel. Du déchargement des déchets à

la presse, l’équipe contrôle tous les stades de tri (manuel ou automatique), les deux lignes de

production (tri bi-flux : verre et plastiques / papier et carton) et choisit d’envoyer les

conteneurs de matière triée pour la confection des balles et le chargement. Ainsi, l’équipe

gère en flux tendu l’arrivée des déchets à la presse et assure de cette façon la fluidité du

processus de production à la fois manuel et automatisé.

Une logistique par voie fluviale bénéficiant à tout un éco-système

Note : cette innovation a été mise en place en 2004 suite à la constatation du fort impact

environnemental des camions convoyant les matières valorisées. L’équipe de Triselec s’est donc attelée

à trouver une solution.

Le verre est, en quantité, la première matière valorisée par Triselec-Lille avec 30 000

tonnes par an. Ce matériau a un inconvénient majeur, il ne se compacte pas. Pour éviter

d’interminables convois de camions entre le centre de tri et le principal client du verre trié, la

verrerie BSN de Wingles qui se situe au sud de l’agglomération Lilloise, l’équipe de Triselec-

Lille a choisi le transport par voie fluviale. Ainsi, après montage du projet avec les collectivités

locales et les instances portuaires de Lille, ces dernières ont investi dans une super-barge qui

permet d’embarquer jusqu'à 75 conteneurs et économise ainsi le passage d’environ 700

camions par an au travers de l’agglomération lilloise. Par ailleurs, le transport par voie d’eau

est également utilisé pour acheminer les déchets organiques vers le centre de valorisation

dédié.

Grâce à ce transport par voie d’eau, Triselec-Lille a pu diminuer son impact

environnemental, ses coûts de transports et apporter de l’activité à l’économie fluviale de la

région favorisant encore davantage son ancrage territoriale. L’ensemble des parties

prenantes du projet trouve donc un intérêt à cette pratique d’innovation collective et globale.

André Gabet et Rémy Quenon (architecte) ont travaillé ensemble à la conception du

bâtiment. Ils ont reçu pour ce travail le prix d’architecture d’entreprise en 1995 pour l’aspect

esthétique du bâtiment mais surtout pour l’attention portée aux conditions de travail des

salariés et l’investissement consenti (9,5 millions d’euros pour la construction de l’usine).

Plusieurs axes de travail ont été retenus :

la clarté naturelle des ateliers de tri avec la présence de grandes baies vitrées qui

facilitent également la visite du grand public

la maîtrise des nuisances sonores évitant ainsi le port du casque acoustique

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le renouvellement de l’air, en continu, au delà des normes d’hygiène, pour une

qualité de l’air et des conditions de températures de travail supportables par tout

temps

l’ergonomie du poste de travail avec des postes surélevés pour éviter les TMS

(troubles musculo-squelettiques) et des sièges assis-debout

Ces innovations de conception profitent donc directement à l’humain par l’amélioration de

ses conditions de travail.

Cet effort de conception s’est poursuivi sur l’ensemble de l’outil de production qui a été

conçu pour supporter sans investissement supplémentaire une surproduction d’environ 20 %

(capacité initiale de 60 000 tonnes de déchets par an). Comme le note Patrick Vandamme,

c’est la prise en compte du coût de fonctionnement et pas seulement du coût d’investissement

qui permet aujourd’hui à Triselec-Lille d’être compétitif et de réaliser des économies de

fonctionnement malgré cette surproduction.

Le déchet. Rebut, résidu, ou encore ordure, c’est ce qu’on n’utilise pas, ce que l’on rejette,

ce que l’on cherche à faire disparaître. Les déchets ont une mauvaise image, celle de la

saleté, de la laideur, de l’obsolescence à l’exact opposé du neuf, de la beauté et du

désirable. Certes, les déchets sont valorisables mais on leur attache cet aspect négatif. Pour

montrer à la population que le déchet est porteur de valeur, l’équipe du projet de Triselec-

Lille a choisi de prendre le contre-pied des centres d’incinérations et de sites

d’enfouissements. Elle a choisi de rendre le site désirable, sympathique et agréable à vivre.

En somme, elle a choisi le beau pour réaliser cette avancée dialectique, cette réconciliation

des antagonismes : oui, pour eux, il est possible d’offrir un cadre esthétique et agréable au

déchet et surtout à ceux qui travaillent avec.

Ainsi, lors de la conception du site de Triselec-Lille, une attention particulière a été portée à

la dimension esthétique du site : de nombreuses fleurs, végétaux et arbres aux essences

régionales ornent les abords de l’usine. De plus, le bâtiment a fait l’objet d’une étude

particulière par un cabinet spécialisé pour le choix et l’harmonie des couleurs (jaune et rouge)

intérieures et extérieures. Cette attention, futile aux yeux de certains, portée au “beau” est

parfaitement cohérente avec l’idée de départ du projet qui est de valoriser les déchets, de

démontrer qu’ils sont porteurs de valeur. « On l’a voulue belle pour en finir avec l’image

négative de tout ce qui touche au déchet, car le préjugé selon lequel ce que l’on jette ne peut

être que repoussant à la vie dure ! » écrit Dominique Adam dans le livre Faire de la valeur

avec des valeurs. Patrick Vandamme, longtemps directeur des ressources humaines et

désormais à la tête de l’usine de tri, explique ce choix affirmé en faveur du beau : « il n’est

pas plus coûteux de faire beau qu’exclusivement fonctionnel. [...] Un professionnel du déchet

n’est pas forcément condamner à vivre dans la saleté [...] L’usine doit montrer de l’attention à

son entourage pour prétendre elle-même, à la considération. »

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Cas d’innovation : Triselec-Lille

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Le contexte économique et social de la création du projet était tel dans le bassin d’emploi

d’Halluin qu’un volet réinsertion a été intégré au projet dès le départ avec à sa tête le DRH de

l’époque, Patrick Vandamme. Comme le retranscrit la chercheuse Sandrine Berger-Douce,

l’entreprise s’est donnée deux objectifs dans ce domaine :

la requalification et le réentraînement au travail avec un élargissement des

compétences

le reclassement professionnel des personnes dans d’autres entreprises

L’innovation dans la formation par la combinaison des savoirs et des expériences

Au démarrage du projet, le secteur du traitement des déchets étant peu structuré, il fallait

construire une formation en partant de zéro. Dans le cadre de sa démarche ISO 9001 initiée

dès 1994, l’entreprise s’est concentrée sur la formation et a trouvé l’appui des Fonds Sociaux

Européens (FSE) à condition d’adopter une démarche de retour sur expérience avec d’autres

structures de tri en Europe que nous détaillerons par la suite.

Par ailleurs, l’entreprise a fait le choix de ne pas sélectionner à l’entrée pour éviter toute

discrimination. Ainsi, le DRH avait un public de personnes socialement en difficulté, parfois

illettrées ou sorties de prison et généralement en rupture avec le système de formation

classique.

L’idée a donc été d’adapter la formation au public et non l’inverse, en offrant des

formations de courtes durées, très ciblées et répétitives pour faire passer de manière simple

les messages forts.

Pour la mise en œuvre de ces idées, l’entreprise a fait appel à la FORPEM, un centre de

formation régional qui s’est brillamment illustré dans la réalisation de sessions de formation

pour le groupe Auchan, qui avaient la particularité d’être à la fois ludiques, interactives et très

ciblées. Ainsi, l’équipe de la FORPEM s’est immergée pendant plusieurs semaines au cœur de

Triselec-Lille pour apprécier le travail des opérateurs sur le terrain. La combinaison de

l’expérience de la FORPEM conjuguée au savoir-faire de Triselec-Lille dans le tri des déchets a

donné lieu à la création de sessions de formations particulièrement innovantes qui se sont

exportées un peu partout en Europe grâce au programme européen.

Des innovations dans l’approche de la formation : multimédia et individualisation

Forte de ce succès, Triselec-Lille s’est vue proposer par l’AFPA et l’Institut Lillois d’éducation

permanente la création d’un centre multimédia au sein de l’usine pour former le personnel. A

la fin des années 1990, les ordinateurs personnels étaient peu répandus et réservés à une

élite d’où la crainte de voir se former un nouveau clivage. Ces craintes furent levées par un

travail poussé d’élaboration d’une formation à l’outil informatique pour éviter l’apparition de

cet éventuel clivage. Finalement, au terme d’une longue collaboration entre pédagogues et

industriels, l’équipe a conçu « APPREND TRI », « premier outil multimédia de formation

professionnelle accessible à tous, y compris aux illettrés ». On peut voir derrière cette

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Cas d’innovation : Triselec-Lille

Matthieu Gioani – ETN 204 – Mars 2011 11

innovation une des caractéristiques des innovations de rupture qui est la résolution d’un

paradoxe, la synthèse dialectique des oppositions logiques. En effet, les ordinateurs étaient

jusqu’à présent inaccessibles aux illettrés de part les textes et instructions du système

d’exploitation. Au moyen d’interfaces visuelles et graphiques, l’ordinateur est alors devenu à

la portée de tous, quels que soient l’origine géographique et le niveau de maîtrise de la

langue française de l’usager. Quelle avancée, quel progrès !

Par conséquent, Triselec-Lille a pu poursuivre avec ces outils une politique de formation

ambitieuse et l’accentuer en calquant les horaires d’ouverture du centre multimédia sur les

horaires des chaînes de tri. A la moindre panne, arrêt volontaire ou baisse de qualité de tri

d’un employé, ce dernier peut recevoir une « piqûre de rappel » sur les consignes de tri au

cours d’une séance de courte durée. Pour ne pas nuire à la concentration et éviter de

rappeler les bancs de l’école à un public souvent en rupture avec ce système, les séances

durent entre 10 et 30 minutes avec un maximum de 2 heures de formation par semaine. De

plus, l’opérateur reçoit une formation personnalisée en fonction de son poste et de ses

compétences et le suivi par un tuteur quelque soit l’heure à laquelle il se rend au centre de

formation. Ce système a d’ailleurs fait l’objet d’un brevet déposé avec le CUEEP (Centre

Université-économie d’éducation permanente).

Ce choix de la formation et de l’investissement sur l’humain se justifie par le fait que « les

producteurs, ceux qui font le tri, font vivre la société. Il convient donc de mettre le maximum

de moyens sur ces personnels » relève M. Vandamme.

Ainsi, grâce à ce système de formation multimédia innovant, les opérateurs sont prêts en

trois fois moins de temps pour trier sur les chaînes. Un gain de temps substantiel et une

économie conséquente quand on sait qu’environ 80% du personnel change chaque année.

Des formations qui visent au développement et à l’accomplissement de l’individu

Offrir un centre multimédia à des travailleurs peu qualifiés est une manière de valoriser

leur travail et de leur apporter une grande considération. C’est aussi une occasion de les

familiariser avec l’outil informatique. Le véritable avantage réside cependant dans la capacité

à leur apporter des formations complémentaires grâce aux ordinateurs. Ce dernier point vient

renforcer l’aspect humaniste du dispositif qui se met au service de l’enrichissement personnel

du travailleur. Ainsi, le personnel apprend à maîtriser les outils bureautiques et multimédias

tels que la manipulation de photos, vidéos et musiques. En plus de redonner confiance à des

personnes souvent défavorisées socialement, ces sessions permettent à la personne de

valoriser ses passions à travers la réalisation de support multimédias ou ses expériences lors

de la création d’un CV.

Par ailleurs, Patrick Vandamme, qui incarne d’après Dominique Adam cette « culture du

possible » de Triselec-Lille, a relevé le défi de la lutte contre l’illettrisme. En effet, cette

situation concerne environ 14% du personnel de production de l’entreprise. Ainsi, Triselec-

Lille a mis en place le RIAD (Remédiation à l’Illettrisme A Distance) qui est une formation

spécifique centrée sur l’apprentissage des bases de mathématiques et de français pour le

personnel volontaire, tout cela sur le temps de travail.

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Cas d’innovation : Triselec-Lille

Matthieu Gioani – ETN 204 – Mars 2011 12

Un accompagnement de la réinsertion de la personne

Triselec-Lille a intégré un dispositif de réinsertion des travailleurs qui a vocation à

bénéficier à un grand nombre de personnes. Cela signifie que la majorité du personnel n’est

que de passage dans l’entreprise. En effet, 80 à 85% des personnes restent moins d’un an à

Triselec-Lille. Seul le personnel d’encadrement et d’accompagnement reste pour une durée

indéterminée tandis qu’une aide est accordée aux personnes en réinsertion.

Suite à un partenariat avec les structures de recherche d’emploi et de réinsertion, telles que

le GIEPP, la mission locale, l’ANPE d’Halluin et les services municipaux de huit communes de

la vallée de Lys, une commission locale d’insertion (première en France) a été créée. Elle

assure le suivi des différents dossiers en collaboration avec Triselec-Lille. Elle compense

également Triselec-Lille pour le surcoût lié à sa mission sociale.

Ce dispositif de reclassement vise à aider les personnes à rechercher un emploi grâce à

une cellule de l’ANPE au sein de Triselec-Lille puis un suivi de leur dossier est assuré par le

service des ressources humaines de Triselec-Lille pendant 6 mois.

Au global, ce sont plus de 1600 personnes qui ont bénéficié du dispositif de réinsertion de

Triselec-Lille (données de 2006).

Notons que 60% d’entre elles ont trouvé un emploi dans la vallée de Lys. Triselec-Lille, par

son ancrage territorial fort, participe ainsi à la redynamisation de son territoire.

Une entreprise qui coopère et diffuse son savoir-faire

Un établissement pionnier dans le tri sélectif comme Triselec-Lille ne peut rester isolé et

déconnecté de ses administrés. Ainsi, dès la conception du bâtiment, un parcours de visite a

été prévu pour le grand public. Le but est d’une part de sensibiliser le grand public sur le tri

des déchets et sur la valeur ajoutée qu’ils peuvent dégager et d’autre part « évangéliser » les

professionnels du secteur et leur montrer la mise en œuvre des grands principes du projet de

Triselec-Lille.

De plus, l’entreprise reçoit des délégations de différents continents (Afrique, Asie,

Amériques) qui tentent de s’inspirer du modèle Triselec-Lille. Ainsi, l’établissement lillois, en

démontrant les réussites de son organisation, cherche à faire essaimer un modèle

d’entreprise profitable fondamentalement tournée vers l’humain.

Une expérience avec la prison de Loos

Toujours dans la perspective de s’ouvrir à l’extérieur, l’entreprise mène des ateliers avec la

prison de Loos dans le département du Nord (59) afin de former les détenus au tri des

déchets avant de les intégrer sur la chaîne de production pendant une période de liberté

conditionnelle. Une centaine de détenus ont bénéficié de ce dispositif qui favorise leur

réinsertion en leur offrant une première expérience à leur sortie de prison.

Finalement, l’innovation sociale chez Triselec-Lille s’envisage non seulement sur la création

des outils qui vont permettre à l’humain de s’accomplir mais également sur le fondement

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Cas d’innovation : Triselec-Lille

Matthieu Gioani – ETN 204 – Mars 2011 13

LMCU67%

Collège des industriels

de la collecte13,3%

Collège des

industriels de la

valorisation et

assimiliés10%

Collège des industriels

du recyclage5,9%

Collège associatif

3,8%

même du dispositif de réinsertion-formation-reclassement. Ce dispositif est particulièrement

innovant de part sa cohérence et la marche collective qu’il impose aux différents acteurs

impliqués.

Un choix audacieux

Le choix de créer une Société

Anonyme d’Economie Mixte Locale

(SAEML) pour gérer Triselec-Lille ne

s’est pas imposé de lui-même. En

effet, créer une société d’économie

mixte impliquait un engagement fort

de la part de la LMCU qui n’était pas

du goût du tous les élus locaux.

Confier ce pan de la gestion à des

acteurs eut été probablement une

solution plus facile mais

probablement pas moins coûteuse

d’un point de vue économique et

social.

Si la collectivité s’implique dans

une SEM qui trie et revend les déchets, d’une part elle contrôle pleinement le coût du

traitement, d’autre part les revenus dégagés par la vente des matières triées permettent de

réduire directement la facture du contribuable ou d’éviter d’augmenter les taxes. Paul

Deffontaine parlait de préservation de l’intérêt de « consommateur-usager-contribuable-

citoyen/trieur » qui est à la fois celui qui achète, paye des taxes et fait l’effort de trier. C’est un

juste retour des choses pour ce personnage hybride qu’il convient de ménager. Pour Paul

Deffontaine, il était hors de question que les efforts consentis par les citoyens aillent enrichir

les industriels du déchet et leurs actionnaires.

Par ailleurs, l’établissement dégage des bénéfices et en fait bénéficier ses salariés

permanents comme temporaire.

La réponse à un désir profond des administrés ?

Et si le fait de constituer une SME pour valoriser les déchets de la métropole lilloise n’était

pas, en soi, une innovation ? Et si c’était la réponse à un désir profond, une aspiration des

citoyens que d’être récompensé par la diminution de leurs taxes pour leurs efforts de tri ? En

effet, depuis 2003, Triselec-Lille est arrivé à une « redevance négative », c'est-à-dire que

l’établissement reverse à la communauté urbaine la redevance pour le tri. Les ventes de

matières premières valorisées permettent ainsi au centre de tri de fonctionner sans

subventions, en dehors des aides reçues pour la mission sociale. C’est le premier et le seul

Actionnariat de Triselec-Lille

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Cas d’innovation : Triselec-Lille

Matthieu Gioani – ETN 204 – Mars 2011 14

centre de tri (2006) à avoir atteint cet objectif de juste retour sur investissement pour les

administrés.

Une démarche qualité poussée

A contre courant d’un secteur du déchet peu valorisant pour les employés et pas encore

considéré comme une industrie, Triselec-Lille a fait le choix de rentrer dans une démarche

ISO 9001 dès le lancement de la production en 1994 pour répondre à plusieurs objectifs :

professionnaliser le secteur en favorisant l’adoption de référentiels communs,

établis entre les différents acteurs de cette industrie naissante

assurer des engagements de qualité au client de l’entreprise

Patrick Vandamme justifie cette démarche : “[...] Si l’on veut qu’une industrie se développe

à grande échelle, on ne peut pas accepter longtemps que des relations personnelles, ni

même le feeling soient érigés en système de fonctionnement. Au contraire, la rigueur est de

mise.”

Ainsi, cet engagement dans la démarche ISO a bénéficié au rayonnement de Triselec-Lille

et a tiré le secteur vers le haut.

Suite à l’affaire de la dioxine dégagée par les incinérateurs (1997-1998), Triselec -Lille a

opté pour la démarche ISO 14001 sur le volet environnement afin de se démarquer de

l’incinérateur d’Halluin qui était à proximité. Cette deuxième certification a été obtenue en

moins de huit mois.

Aujourd’hui, le centre de tri est triplement accrédité ISO 9002 (qualité), ISO 14001

(environnement) et Ohsas 18001 pour les aspects santé et sécurité au travail.

La qualité, vecteur de rentabilité

Si les processus de qualité mis en place sont bénéfiques pour les employés de Triselec-Lille

ainsi que pour l’image et la crédibilité de l’entreprise, les clients y trouvent également un

avantage certain. En effet, ces exigences de qualité se reflètent sur la qualité de la

marchandise, à savoir les « balles » de déchets valorisés. « Les clients, ce sont eux qui me

considèrent comme leur cliente » déclare Laurence, la directrice commerciale de

l’établissement. En contrepartie de la qualité des produits et de cette image forte, Triselec-Lille

demande un véritable engagement à ses clients en favorisant les contrats de longue durée sur

plusieurs mois ou plusieurs années, ce qui permet une certaine stabilité de recettes de

l’établissement, une diminution du risque client et un écoulement des stocks. En plus de ce

dispositif d’engagement, l’établissement travaille au coup par coup avec certains clients pour

écouler les surplus. Grâce à l’aura de Triselec-Lille et sa réputation, aucun mal à vendre la

marchandise en France, en Europe ou dans le monde.

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Cas d’innovation : Triselec-Lille

Matthieu Gioani – ETN 204 – Mars 2011 15

Le dispositif social de Triselec -Lille a un coût certain pour l’établissement. Il était important

d’y voir clair sur ces aspects et de distinguer à la fois la partie sociale de la partie

commerciale. En effet, Triselec-Lille a des comptes à rendre aux collectivités, c’est-à-dire aux

citoyens à la fois sur la réussite de sa mission sociale, qui est subventionnée, et également sur

l’efficacité de sa fonction principale, le tri des déchets. Si, comptablement parlant, deux

budgets existent, on ne peut pas réellement parler d’imperméabilité sur le terrain, ne serait-ce

que sur le recrutement « à l’aveugle ».

Cependant, Triselec-Lille a su tirer parti de cette situation en étant performant

économiquement malgré ou grâce à cette mission sociale de réinsertion. Par exemple, les

effets de la formation sont doubles : une efficacité accrue sur la chaîne de production et une

désacralisation de la formation en général pour ces personnes, ce qui favorise ensuite

l’apprentissage des compétences annexes, nécessaire à leur réinsertion.

Finalement, il faut prendre en compte le facteur non-négligeable de la motivation des

salariés à travailler dans un établissement valorisant avec un encadrement attentif à leurs

conditions de travail. Il est avéré que des salariés épanouis et considérés tant sur la

rémunération et que la formation sont plus productifs que ceux qui ne bénéficient pas de ces

conditions avantageuses. Précisons pour finir que la rémunération des salariés de Triselec est

de 11% supérieure à la moyenne du secteur (données de 2006) et que l’établissement a

reversé en 2006 le montant de 390 000€ à l’ensemble de ses 290 salariés et intérimaires.

Triselec-Lille a grandement innové sur les aspects techniques, industriels et humains. C’est

peut-être cette dimension fondamentalement « humaniste » qui marque le plus les esprits

lorsqu’on s’intéresse à ce cas d’innovation. En effet, l’aptitude à croire en la capacité de

chacun des hommes et des femmes à remonter la pente, à se former et à se réinsérer dans la

société est réellement chevillée au corps des salariés permanents et de l’encadrement de la

structure.

Finalement, la grande innovation de Triselec est peut-être de prouver qu’il est possible de

faire une synthèse en dépassant les contradictions des trois piliers du développement durable

(économique, social et environnemental) que l’on oppose si souvent entre eux. Une synthèse

dialectique des oppositions logiques ? Oui, et alors, Triselec-Lille n’en n’est plus à une près...

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Cas d’innovation : Triselec-Lille

Matthieu Gioani – ETN 204 – Mars 2011 16

En référence à la 83ème cérémonie du même nom qui s’est déroulée le 27 février 2011,

voici une liste non-exhaustive des principales reconnaissances qu’a reçues l’établissement

Triselec-Lille en dehors des certifications ISO et OSHAS. Cela valorise les avancées et la

performance de Triselec-Lille dans de nombreux domaines.

1995 : Prix d’architecture d’entreprise

1998 : Trophées d’honneur de la citoyenneté (I.A.E)

1998 : Trophées de la formation catégorie « insertion »

1999 : Trophées de la formation catégorie « organisme de formation »

1999 : Label national de la performance commerciale (Mouvement des cadres et dirigeants

commerciaux)

2000 : Trophées de l’action citoyenne, Nord pas de Calais (Alliance)

2002 : Référencé par la commission européenne comme » meilleur exemple français de

bonnes pratiques du concept » de « responsabilité sociale des entreprises »

2003 : Prix national de « l’entreprise innovante et du développement durable »

2003 : Prix national du « management environnemental pour le développement durable »

2007 : Prix spécial du jury des trophées RH axé sur la « responsabilité sociale des

entreprises »

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Cas d’innovation : Triselec-Lille

Matthieu Gioani – ETN 204 – Mars 2011 17

BIBLIOGRAPHIE

Ouvrages

D. Adam, Faire de la valeur avec des valeurs, Triselec-Lille, 2004, SNEL. Ouvrage

téléchargeable et consultable :

http://www.triselec.com/pages/Faire_de_la_valeur_avec_des_valeurs.pdf

Articles

Berger-Douce S., L’engagement sociétal d’une PME. Une démarche au service de

l’intégration professionnelle de publics en difficulté ?, Revue internationale de

psychosociologie 2008/1, Volume XIV, p. 207-223.

Ressources web

Les TIC au service du développement des Hommes et de l'Entreprise, l'expérience de

TRISELEC-LILLE LILLE à partager et à transférer. Site du CTN.

http://www.ctn.asso.fr/va/5505.html (consulté le 28 février 2011)

Newsletter ALTADEV, interview de Patrick Vandamme, mai 2009

http://www.altadev.com/fr/newsletter-newsletter-articles-newsletter-mai-2009/patrick-

vandamme-directeur-de-production-et-de-communication-de-Triselec-Lille.html (consulté

le 28 février 2011)

Interview de Patrick Vandamme, février 2006. Initiatives DD. Consultés le 28 février 2011

Partie 1 : http://www.initiativesdd.org/spip.php?article81

Partie 2 : http://www.initiativesdd.org/spip.php?article23

Présentation de Triselec-Lille sur le site de Coop-Alternatives lors d’une intervention à

l’ESCEM en janvier 2010. http://www.coop-

alternatives.fr/images/images/triselec%20Pr%C3%A9sentation%20ESCEM%20TOURS.pdf

(consulté le 28 février 2011)

Site web de Triselec-Lille. http://www.triselec.com/ (consulté le 28 février 2011)

CREDITS

Crédits illustrations

Schéma interactif de la chaîne de tri. Site web de Triselec-Lille.

http://www.triselec.com/pages/technique_biflux_clas.htm

Crédits typographiques

Police d’en-têtes : Archer, dessinée par la fonderie Hoefler & Frere-Jones (2001)

Police de corps : Futura, dessinée par Paul Renner pour la fonderie Bauer (1926)