Catholique débutant

Julien Leclercq

Catholique débutant

Préface de Thierry Bizot

Tallandier Spiritualité

© Éditions Tallandier, 2018.48, rue du Faubourg-Montmartre – 75009 Paris

www.tallandier.comISBN : 979-10-210-2901-9

À Edmond et Jacqueline Napieralla, À Jean et Marie-Thérèse Leclercq, ce témoignage qui leur doit tant.

« Dieu s’appelle pardon, l’homme se nomme larme,

Dieu créa la pitié le jour où l’homme est né. »

Victor Hugo, Dieu, II, « L’Océan d’en haut ».

Préface de Thierry Bizot

Julien Leclercq m’a demandé de préfacer son livre, parce que, comme lui, j’ai connu une conversion, une rencontre silencieuse et douce avec Dieu qui a bouleversé ma vie.

Malgré ce point commun, je me sens très différent de lui. Contrairement à lui, j’ai été élevé dans une famille catholique ; je n’ai pas été comme lui un athée militant, ni un ado antireligieux. Je n’ai pas, comme lui, dans un mouvement de rage ou d’orgueil, un jour craché sur le Christ. Je n’ai pas non plus rencontré Dieu dans ma jeunesse, mais à quarante-cinq ans ; je n’ai pas eu à demander le baptême. J’étais déjà baptisé et ça m’était bien égal.

Cependant, moi aussi, comme Julien, j’ai fait une ren-contre personnelle avec Jésus. Comme pour lui, cette rencontre n’a pas été spectaculaire ; comme lui, je ne l’ai pas désirée, je l’ai même fuie autant que j’ai pu…

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Moi aussi, comme lui, j’ai longtemps cru que la foi était une affaire de culture, une chose intellectuelle, réservée à une élite, qui nécessitait du travail, des études. Ou bien alors une affaire de morale.

Et, comme lui, j’ai découvert que la foi était donnée à tous, à portée de chacun d’entre nous, puisque c’était une simple histoire d’amour, comme toutes les histoires d’amour que nous connaissons.

Quelle découverte !Croire, ce n’est pas adhérer à une philosophie, à un

système de pensée ou à une règle morale.Croire, c’est accepter d’aimer et de se laisser aimer.La religion, la foi, ça a l’air compliqué. Mais en fait

c’est simple ; de cinq ans à cent quinze ans, qu’on soit petit ou grand, riche ou pauvre, laid ou beau… tout le monde sait ce que c’est d’aimer.

Ce qui est arrivé à Julien, ce qui m’est arrivé, c’est une histoire d’amour nouvelle, qui ne prend pas la place des autres amours de notre vie, mais au contraire les élève, les enrichit, les magnifie.

Chaque histoire d’amour est unique et singulière.Chaque histoire d’amour est aussi universelle, capable

d’émouvoir et de toucher quiconque.Rencontrer Jésus n’est pas banal, penserez-vous. Et

pourtant, c’est donné à nous tous, et même aux pires d’entre nous. L’Évangile dit du « bon larron », relaté seulement par saint Luc (23, 39-43), illustre tout à fait comment un salaud peut le rencontrer, et dans les pires conditions… « L’un des malfaiteurs suspendus à la croix

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l’insultait, en disant : “N’es-tu pas le Christ ? Sauve-toi toi-même, et nous aussi.” Mais l’autre, le reprenant, lui dit  : “Tu n’as même pas crainte de Dieu, toi qui subis la même peine ! Pour nous, c’est justice, nous payons nos actes ; mais lui n’a rien fait de mal.” Et il disait  : “Jésus, souviens-toi de moi, quand tu viendras dans ton royaume.” Il lui répondit  : “En vérité, je te le dis, dès aujourd’hui tu seras avec moi dans le Paradis.” »

D’après le père Molinié, saint Augustin se serait pen-ché sur cet Évangile étrange : en effet, comment un ban-dit de grand chemin, même s’il a un grand cœur, un homme qui ne doit même pas savoir lire ou écrire, qui a sans doute commis un meurtre épouvantable, peut-il s’adresser à Jésus en lui parlant de son « royaume » ? Même les apôtres, qui ont suivi et écouté la parole de Jésus pendant trois ans, ne savent pas de quel royaume il s’agit, ils n’ont rien compris. Mais cet homme, souffrant le martyre, accroché à une croix par des clous, a deviné ce royaume et compris que Jésus, ce pauvre homme lui aussi condamné à mourir comme un malfrat, en était le roi…

Saint Augustin a beaucoup réfléchi à cette énigme et a fini par en trouver l’explication : en croisant le regard de Jésus, donc de Dieu, ce pauvre homme a soudain… TOUT compris. Comme lorsqu’on tombe amoureux. Pas besoin de psy, dans ce cas-là. Pas besoin de grands discours. On vient de tomber amoureux et on le sait.

Mais quand on a tout compris, il reste à tout apprendre.

PRÉFACE

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Voilà le mystère de l’amour  : une fois qu’on a tout compris, il reste tout à apprendre de celui ou de celle qu’on aime.

Ce qui me frappe et me touche dans le récit de Julien, c’est d’abord son courage. À près de trente ans, dans un milieu familial et amical plutôt hostile à la religion, il décide non seulement de demander le baptême, mais aussi d’inviter à la cérémonie ses proches, incrédules et parfois hostiles.

Ensuite, je suis étonné qu’un homme aussi jeune, à peine converti, ait déjà compris si vite tellement de choses (une fois encore, il a tout compris, d’un coup). Et ce qu’il a compris, instinctivement, c’est tout ce qui lui reste à apprendre  : apprendre à ne pas imposer sa foi, à ne pas donner de leçons, mais plutôt à susciter le désir. Apprendre à pardonner (quel abîme…). Apprendre à prier (programme de toute une vie…). Apprendre à devenir un homme.

Je suis passé par là.J’ai beau être plus vieux et expérimenté que Julien,

j’y suis toujours.Moi aussi, un jour, j’ai tout compris, et cela m’a

comblé.Depuis, je chemine chaque jour derrière Jésus, en

essayant d’apprendre, petit à petit, à devenir un chrétien à peu près honorable.

Qu’est-ce qui change, dans la vie de celui qui croit ?Rien.Tout.

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Quand on me pose la question, je dis que ma vie n’a pas changé depuis que j’ai rencontré Jésus, mais que tout a changé dans ma vie.

Lisez ce livre, et peut-être aurez-vous la joie de tout comprendre.

À défaut, vous serez étonnés et émus.

PRÉFACE

Prologue

Dimanche 12 avril 2015, huit heures du matin. Je pro-mène mon chien dans les allées du bois de Boulogne, je respire à pleins poumons l’air frais qui me revigore, les yeux rougis par le manque de sommeil. Les quelques jog-geurs que je croise ne se doutent certainement pas que, dans deux heures, je vais me mettre à genoux devant un prêtre pour demander la grâce du baptême, devant toute ma famille. Dix années après ma première rencontre avec le Christ et à l’issue de plusieurs mois de catéchisme, je m’apprête enfin à devenir catholique.

Une étape décisive de mon existence va s’accomplir, et je redoute de ne pas être à la hauteur. J’ignore ce qui se produira une fois l’eau bénite versée sur mon front. Je suis stressé à l’idée d’être aperçu en aube par mes amis. Vont-ils éclater de rire en me voyant ainsi déguisé ? Mon inquiétude se dissipe très vite. Je ne compte pas offrir à Dieu une apparence, mais mon âme. Ses nombreuses imperfections et ses quelques beautés. Sa colère et sa ten-

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dresse. Ma vie. Toute ma vie. J’offre à Dieu tout ce que j’ai été, appris, vécu et enduré. Je le convertis en amour. En revenant sur mes pas pour me préparer, je ne peux m’empêcher de penser que demain je reviendrai marcher au milieu de ces arbres en étant un autre homme  : un baptisé. Un enfant de Dieu.

Le chemin de la conversion n’a pas été une évidence, il a été marqué par les doutes, les tâtonnements et les réticences. L’enfant qui refusait d’entrer dans une église, l’adolescent antireligieux et le jeune adulte hédoniste n’ont pas disparu. Je ne suis pas tombé de mon cheval comme saint Paul. Pur produit de ma génération, j’ai longtemps estimé que je pouvais me passer de Dieu, sans m’interroger à son sujet, puisque la philosophie nous enseignait sa mort et que les médias avaient défi-nitivement clos le sujet  : la religion appartenait à un autre siècle, aux ténèbres des temps de l’asservissement et de la superstition. L’ennui ressenti lors des premières communions de mes amis avait achevé de me détourner de l’Église. Jusqu’à ce que Jésus me rattrape par le col.

Après avoir reçu le baptême et vécu ma première communion dans la foulée, je me mets à flotter. Mes jambes ne touchent plus terre. Je suis transfiguré. J’ai envie de serrer tout le monde dans mes bras dans le métro. Je relis les Évangiles avec frénésie, priant et priant encore, maintenant que je fais partie de la Maison. Mais ma nature reprend rapidement le dessus  : né avec un caractère bouillant et un tempérament colérique et ran-cunier, je ne me suis jamais embarrassé de la question

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du pardon, et je n’ai même jamais envisagé de tendre l’autre joue. Le baptême ne m’a pas rendu saint. Je n’ai pas désavoué mes anciens engagements ni mes révoltes. Cette grâce m’accompagnera sur mon chemin de la vie, mais ne me le tracera pas. Dieu ne mâche pas le tra-vail  : il préconise. Pardonne. Et attend une conversion de chaque instant.

J’ai longtemps tenu un journal intime, pour y confier les quelques événements de ma vie et mes considérations littéraires ou politiques. J’y décrivais mes premiers pas en tant que catholique, avant que les confessions reli-gieuses ne prennent le pas sur le reste. Puis, lorsque le pape François a lancé l’Année de la Miséricorde, en 2015, en appelant chaque catholique à témoigner de la joie d’avoir foi en Jésus-Christ, j’ai donc écrit ce livre pour répondre à son appel.

Cette conversion ne m’a pas conduit à renier l’homme que je suis. Elle m’a guidé vers des sentiers lumineux, joyeux et heureux de connaître Jésus. Je n’ai pas pris subitement part à la Manif pour tous. Je n’ai pas péti-tionné du jour au lendemain pour qu’on installe des crèches dans les mairies à Noël. J’ai simplement porté un regard renouvelé sur les choses essentielles de la vie : l’amour, l’argent, la famille. Je suis resté le même tout en ayant conscience de l’existence et de l’amour de Dieu. Dans la vie d’un trentenaire désabusé, voilà une grâce inespérée.

Mon parcours n’est pas le fruit d’une quelconque quête identitaire, ni d’une résurgence intégriste. Il m’a

PROLOGUE

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parfois été reproché par quelques lecteurs du Nouveau Cénacle –  la revue numérique que j’ai créée avec un groupe d’amis  – de participer à ce retour en force des « racines chrétiennes de la France » dans le débat public. Certains ont également pensé que mon baptême était le résultat d’une nouvelle sociologie du catholicisme. Il n’en est rien. Il ne s’agit pour moi que de témoigner, et dans toutes les acceptions du terme, de ce que j’ai vu, compris et ressenti. Et de répondre aux multiples accusations lancées contre le catholicisme depuis tant d’années  : conservatisme, pour ne pas dire archaïsme, déclin inéluctable et bigoterie démodée. Je plaide en faveur d’une Église au sein de laquelle j’ai découvert une richesse intellectuelle hors du commun ainsi qu’une bonté que je ne soupçonnais pas et qui m’a libéré.

L’agréable senteur du printemps qui a accompa-gné mes pas le jour de mon baptême, je l’ai respirée aujourd’hui et je prie pour m’en délecter demain encore. C’est le parfum de la conversion. Il m’enivre chaque soir lorsque je prie la Vierge.

La foi est un encens qui brûle, tournoie, s’élève et parfois étourdit. Sans jamais se consumer. Chaque chré-tien est un encensoir qui s’efforce de diffuser la joie de l’Évangile. Puisse ce témoignage d’un catholique débu-tant être non pas un bréviaire édifiant et moralisateur, mais la trace d’un chrétien heureux. Et libre.

CATHOLIQUE DÉBUTANT

Table

Préface de Thierry Bizot ............................................... 11

Prologue............................................................................ 17

1. J’ai craché sur le Christ ........................................ 21

2. Deux épreuves ......................................................... 35

3. Les leçons de l’abbé ............................................... 49

4. Baptisé ! .................................................................... 63

5. Une année à l’église ............................................... 79

6. Prier ............................................................................ 97

7. Une voix qui crie dans le désert......................... 111

8. La première confession......................................... 129

9. Mon histoire d’amour avec le pape .................. 147

10. La Cité de Dieu....................................................... 167

11. Moïse, Jésus et Mahomet ..................................... 181

12. Aimer ......................................................................... 203

Bibliographie ................................................................... 217

Remerciements................................................................ 221