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La révolution n'est pas finie! Ce texte est une déclaration commune issue du projet Anarkismo.net, dont l'UCL est membre, le 19 janvier dernier. Après un mois d'insurrection populaire, le tyran est tombé. Ben Ali et sa clique ont pris le chemin de l'exil. C'est une immense victoire pour le peuple tunisien qui ne peut que réjouir toute personne éprise de liberté. C'est aussi un exemple et un grand espoir pour les peuples de la région qui vivent dans des régimes policiers. Mais la révolution n'est pas finie : le Rassemblement Constitutionnel Démocratique (RCD) détient toujours le pouvoir avec 161 sièges sur 214 au parlement, et le président par interim Foued Mebazaa et le premier ministre Mohamed Ghannouchi sont des piliers de la dictature. Plus qu'un réel changement, les premières mesures prises dans l'urgence montrent surtout la volonté du pouvoir de calmer la rue. Il y aura des élections dans soixante jours, mais selon les règles de l'actuelle constitution... taillée sur mesure pour le RCD. Les consultations pour la constitution d'un gouvernement d'union nationale ont commencé, mais c'est le RCD qui sélectionne les partis qui lui conviennent. Le but de la manoeuvre est clair : il s'agit de confisquer à la rue sa victoire en canalisant la révolte vers le terrain politicien. Le risque est grand que le parti au pouvoir coopte une opposition servile et instaure une démocratie de façade une fois le souffle de la révolte retombé. On ne peut pas non plus écarter l'éventualité d'un nouveau dictateur ayant, comme Ben Ali, l'aval de l'Élysée et de la Maison Blanche. Les Tunisiennes et les Tunisiens sont conscientes et conscients des écueils qui mettent en danger la liberté qu'ils et elles viennent d'arracher au prix de dizaines de morts. Partout dans le pays, la population s'autoorganise en comités d'autodéfense pour lutter contre les milices du clan Ben Ali Trabelsi qui continuent de sévir. Les gens ne sont pas dupes des manœuvres visant à maintenir le RCD au pouvoir. Bravant l'état d'urgence toujours en vigueur, le 16 janvier des manifestantes et manifestants sont à nouveau descendues dans la rue pour exiger un vrai changement, en criant : « Nous ne nous sommes pas révoltées pour la formation d'un gouvernement d'union avec une opposition de cartonpâte. » La révolution n'est pas finie, car aucun des problèmes de fond n'est réglé : pauvreté, chômage de masse, corruption, clientélisme, inégalités, etc… Audelà de l'instauration d'un régime démocratique, la question sociale reste au centre des préoccupations des Tunisiennes et des Tunisiens. Les maux que connaît le pays ne pourront être réglés que par une politique énergique de redistribution des richesses en rupture avec la dictature des marchés. Nos organisations affirment leur entière solidarité avec la lutte du peuple tunisien pour la liberté et la justice sociale et son soutien aux militants et militantes anticapitalistes de Tunisie; elles condamnent l'attitude des États occidentaux et plus généralement de leur classe politique, de droite comme socialdémocrate, investie depuis toujours dans le soutien au pouvoir autoritaire de Ben Ali. Organisations signataires : Alternative Libertaire (France), Federazione dei Comunisti Anarchici (Italie), Organisation Socialiste Libertaire (Suisse), Union Communiste Libertaire (Québec, Canada), Libertäre Aktion Winterthur (Suisse), Zabalaza Anarchist Communist Front (Afrique du Sud), Libertære Socialister (Danemark), NorthEastern Federation of Anarchist Communists (ÉtatsUnis), Workers Solidarity Movement (Irlande) - Perspectives libertaires - Nommer les choses pour ce qu'elles sont Déjà plus d'un an que chaque semaine apporte son lot d'informations concernant un nouveau morceau du puzzle de la corruption au Québec. S'il y a un sujet qui aurait pu nous faire écrire des pages et des pages, c'est bien cette série de « scandales ». Nous avons pourtant choisi de ne pas nous scandaliser. Pour nous, anarchistes, la corruption n'est rien de plus que la somme de l'addition de l'argent et du pouvoir. Bref, tout ce qu'il y a de plus normal dans nos démocraties libérales. On sait déjà comment les politiciens et les politiciennes, des ministères aux conseils municipaux, nous mentent et déforment la réalité pour se faire élire, qu'ils et elles utilisent tous les moyens à leur disposition pour se hisser au pouvoir. Pourquoi s'étonner lorsque leurs tromperies se poursuivent après leur élection? D'ailleurs, on peut bien appeler ça comme on veut copinage, clientélisme, retour d'ascenseur – et faire comme si c'était une pratique importée d'un pays exotique au nom imprononçable; c'est en réalité la norme dans ce système. Le parcours politicien amène immanquablement à passer par la chambre de commerce, des conseils d'administration et des associations professionnelles, afin de se constituer un fond de contacts pour s'aider et de récolter du financement. Une fois au pouvoir, l'élue retourne le service à ses amies : distribution de contrats, de faveurs, adoption de lois complaisantes pour ses chums, nomination de complices à des postesclefs. Il ou elle revient ensuite au monde de l'entreprise ou de l'association patronale et continue à graisser la mécanique du capitalisme et de l'accumulation des richesses au profit d'une minorité. Il y a aussi les invisibles, ceux et celles qui assistent, qui conseillent, qui tirent les ficelles : cette armée de l'ombre de stratèges, de relationnistes et de marionnettistes de la mascarade démocratique. Plus souvent qu'autrement, ils et elles passent sans formalité de l'entreprise capitaliste au service de l'État, et vice versa. Doiton se surprendre de cette relation incestueuse? La corruption est inséparable du pouvoir : un processus simple qui se développe encore et toujours, peu importe le parti, peu importent les grandes déclarations, les grands discours sur l'éthique et les commissions d'enquêtes… Parce que l'État c'est le vol et la corruption, parce que l'État c'est l'organisation en système du pillage et de l'exploitation, parce que l'État c'est la forme légalisée du crime. Tunisie : Nidal El Khairy nidalelkhairy.blogspot.com Les événements qui secouent violemment le statu quo en Tunisie et en Égypte évoluent rapidement. Au moment d'écrire ces lignes, le dictateur égyptien, Hosni Moubarak, apparaît au point de rupture face à un mouvement social d'une ampleur sans précédent au pays. Ailleurs dans la région, des appels au soulèvement ont été lancés : Soudan, le 30 janvier; Yémen, le 3 février; Syrie, le 5 février; Algérie, le 12 février; Bahreïn, le 14 février. C'est dans ce contexte que deux militants libertaires Tunisiens ont rencontré, le 26 janvier dernier, le collectif français Lieux Communs, pour un entretien de fond sur la situation tunisienne, mais qui s'applique aussi, nous pensons, à la situation qui se développe d'heure en heure dans le monde arabe. Nous reproduisons ici quelques extraits : Entretien avec deux militants tunisiens (suite en page 3)

Cause Commune no. 30 - Hiver 2011

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Journal de l'UCL

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Page 1: Cause Commune no. 30 - Hiver 2011

La révolution n'est pasfinie!

Ce texte est une déclaration commune issue duprojet Anarkismo.net, dont l'UCL est membre, le 19janvier dernier.Après un mois d'insurrection populaire, le tyranest tombé. Ben Ali et sa clique ont pris le cheminde l'exil. C'est une immense victoire pour lepeuple tunisien qui ne peut que réjouir toutepersonne éprise de liberté. C'est aussi un exempleet un grand espoir pour les peuples de la régionqui vivent dans des régimes policiers.Mais la révolution n'est pas finie : le RassemblementConstitutionnel Démocratique (RCD) détienttoujours le pouvoir avec 161 sièges sur 214 auparlement, et le président par interim FouedMebazaa et le premier ministre MohamedGhannouchi sont des piliers de la dictature. Plusqu'un réel changement, les premières mesures prisesdans l'urgence montrent surtout la volonté dupouvoir de calmer la rue. Il y aura des élections danssoixante jours, mais selon les règles de l'actuelleconstitution... taillée sur mesure pour le RCD. Lesconsultations pour la constitution d'ungouvernement d'union nationale ont commencé,mais c'est le RCD qui sélectionne les partis qui luiconviennent. Le but de la manoeuvre est clair : ils'agit de confisquer à la rue sa victoire en canalisantla révolte vers le terrain politicien. Le risque estgrand que le parti au pouvoir coopte une oppositionservile et instaure une démocratie de façade une fois

le souffle de la révolte retombé. Onne peut pas non plus écarterl'éventualité d'un nouveau dictateurayant, comme Ben Ali, l'aval de

l'Élysée et de la Maison Blanche.Les Tunisiennes et les Tunisiens sont

conscientes et conscients des écueils qui mettenten danger la liberté qu'ils et elles viennent d'arracherau prix de dizaines de morts. Partout dans le pays, lapopulation s'auto­organise en comités d'autodéfensepour lutter contre les milices du clan Ben Ali­Trabelsi qui continuent de sévir. Les gens ne sontpas dupes des manœuvres visant à maintenir leRCD au pouvoir. Bravant l'état d'urgence toujoursen vigueur, le 16 janvier des manifestantes etmanifestants sont à nouveau descendu­e­s dans larue pour exiger un vrai changement, en criant :« Nous ne nous sommes pas révolté­e­s pour laformation d'un gouvernement d'union avec uneopposition de carton­pâte. »La révolution n'est pas finie, car aucun desproblèmes de fond n'est réglé : pauvreté, chômagede masse, corruption, clientélisme, inégalités, etc…Au­delà de l'instauration d'un régime démocratique,la question sociale reste au centre despréoccupations des Tunisiennes et des Tunisiens.Les maux que connaît le pays ne pourront êtreréglés que par une politique énergique deredistribution des richesses en rupture avec ladictature des marchés.Nos organisations affirment leur entière solidaritéavec la lutte du peuple tunisien pour la liberté et lajustice sociale et son soutien aux militants etmilitantes anticapitalistes de Tunisie; ellescondamnent l'attitude des États occidentaux et plusgénéralement de leur classe politique, de droitecomme social­démocrate, investie depuis toujoursdans le soutien au pouvoir autoritaire de Ben Ali.Organisations signataires :Alternative Libertaire (France), Federazione deiComunisti Anarchici (Italie), Organisation SocialisteLibertaire (Suisse), Union Communiste Libertaire(Québec, Canada), Libertäre Aktion Winterthur (Suisse),Zabalaza Anarchist Communist Front (Afrique du Sud),Libertære Socialister (Danemark), North­EasternFederation of Anarchist Communists (États­Unis),Workers Solidarity Movement (Irlande)

- Perspectives libertaires -

Nommer les chosespour ce qu'elles sont

Déjà plus d'un an que chaque semaine apporteson lot d'informations concernant un nouveaumorceau du puzzle de la corruption au Québec.S'il y a un sujet qui aurait pu nous faire écriredes pages et des pages, c'est bien cette série de« scandales ». Nous avons pourtant choisi de nepas nous scandaliser. Pour nous, anarchistes, lacorruption n'est rien de plus que la somme del'addition de l'argent et du pouvoir. Bref, tout cequ'il y a de plus normal dans nos démocratieslibérales.On sait déjà comment les politiciens et lespoliticiennes, des ministères aux conseilsmunicipaux, nous mentent et déforment laréalité pour se faire élire, qu'ils et elles utilisenttous les moyens à leur disposition pour se hisserau pouvoir. Pourquoi s'étonner lorsque leurstromperies se poursuivent après leur élection?D'ailleurs, on peut bien appeler ça comme onveut – copinage, clientélisme, retourd'ascenseur – et faire comme si c'était unepratique importée d'un pays exotique au nomimprononçable; c'est en réalité la norme dans cesystème. Le parcours politicien amèneimmanquablement à passer par la chambre decommerce, des conseils d'administration et desassociations professionnelles, afin de seconstituer un fond de contacts pour s'aider et derécolter du financement. Une fois au pouvoir,l'élu­e retourne le service à ses ami­e­s :distribution de contrats, de faveurs, adoption delois complaisantes pour ses chums, nominationde complices à des postes­clefs. Il ou ellerevient ensuite au monde de l'entreprise ou del'association patronale et continue à graisser lamécanique du capitalisme et de l'accumulationdes richesses au profit d'une minorité.Il y a aussi les invisibles, ceux et celles quiassistent, qui conseillent, qui tirent les ficelles :cette armée de l'ombre de stratèges, derelationnistes et de marionnettistes de lamascarade démocratique. Plus souventqu'autrement, ils et elles passent sans formalitéde l'entreprise capitaliste au service de l'État, etvice versa. Doit­on se surprendre de cetterelation incestueuse?La corruption est inséparable du pouvoir : unprocessus simple qui se développe encore ettoujours, peu importe le parti, peu importent lesgrandes déclarations, les grands discours surl'éthique et les commissions d'enquêtes… Parceque l'État c'est le vol et la corruption, parce quel'État c'est l'organisation en système du pillage

et de l'exploitation, parce quel'État c'est la forme

légalisée du crime.

Tunisie :

Nidal El Khairynidalelkhairy.blogspot.com

Les événements qui secouent violemment le statuquo en Tunisie et en Égypte évoluent rapidement.Au moment d'écrire ces lignes, le dictateurégyptien, Hosni Moubarak, apparaît au point derupture face à un mouvement social d'uneampleur sans précédent au pays. Ailleurs dans larégion, des appels au soulèvement ont été lancés :Soudan, le 30 janvier; Yémen, le 3 février; Syrie,le 5 février; Algérie, le 12 février; Bahreïn, le 14février.

C'est dans ce contexte que deux militants libertairesTunisiens ont rencontré, le 26 janvier dernier, lecollectif français Lieux Communs, pour un entretiende fond sur la situation tunisienne, mais quis'applique aussi, nous pensons, à la situation qui sedéveloppe d'heure en heure dans le monde arabe.Nous reproduisons ici quelques extraits :

Entretien avec deux militants tunisiens

(suite en page 3)

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La situation des médias au Québec est catastrophique :les médias se concentrent de façon alarmante aux mainsd’un groupe restreint de compagnies qui se partagent lecontrôle des ondes et des journaux. Par conséquent, lavision du monde qu'on y diffuse combine spectacleabrutissant et discours de droite.Le conflit de travail qui oppose les employé­e­s duJournal de Montréal, en lock­out depuis maintenantdeux ans, à l'empire Québécor s'inscrit dans ce contexte.Globalement, les offres de l'employeur aux syndiqué­e­svisent à éliminer quatre jobs sur cinq, dont la plupartcelles de journalistes, ainsi qu'à s'assurer de la fermeturede Rue Frontenac, le site web et journal d'actualitéslancé par les syndiqué­e­s. Comment ne pas y voir làune attaque à la qualité de l'information et à la diversitédes médias? Le Journal de Montréal est aujourd'huifabriqué sans journalistes, par des cadres et des scabs, etpublie les textes de chroniqueurs et chroniqueuses dedroite sympathiques à l’idéologie individualiste etlibertarienne de Pierre­Karl Péladeau. Pas surprenant,donc, que le Journal était distribuégratuitement lors du lancement du« Réseau Liberté­Québec », unrassemblement d’ex­adéquistes quitrouvent qu’il y a encore trop decontraintes sur le « libre marché »,bref, pas encore assez de pouvoirentre les mains des riches et dupatronat. Face à ce constat,l'administration de la Société detransport de Montréal (STM)n'a­t­elle pas manqué de jugementen accordant au 24 heures, une autrepropriété de Quebecor, le droitexclusif de distribution dans lesstations de métro de la métropole?Il serait cependant erroné d'isolerQuebecor comme la source du maldans le paysage médiatiquequébécois. Radio­Canada, soi­disant média public, s'estrécemment alliée avec Gesca, propriétaire de La Presse,pour offrir une tribune à André Pratte, éditorialiste enchef de La Presse, lui permettant d'y faire la promotionde ses idées de droite et des mesures antisociales qui en

découlent. Rappellons que Gesca est liée à PowerCorporation, une multinationale dirigée par une autretête d'affiche de la droite québécoise : Paul Desmarais.Du côté de Cogeco, l'entreprise, ayant acheté desstations de radio Corus, possède maintenant pas moinsde trois stations de radio FM francophones à Montréal,soit CKOI, le 98,5 et CKAC Sports. Malgré le fait quecette situation est une flagrante violation de la règleselon laquelle une entité propriétaire de médias ne peutpas détenir plus de deux stations AM ou FM de mêmelangue dans un même marché, les autorités ont accordéun passe­droit.De quoi est­ce qu’on nous parle?Les médias, appartenant à de grands monopoles, n'ontpas intérêt à traiter des sujets qui opposent leurs valeursà celles des autres. On parle deux fois plus de météodans les médias québécois qu'au Canada, et cinq foisplus qu'ailleurs dans le monde. Au Québec et au Canada,le sport arrive en premier avec 19 % de l’espacemédiatique occupé, loin devant la politique à 10 %. On a

parlé plus souvent de Halakque de Jean Charest oud'Obama. Des dix nouvellesles plus populaires sur unepériode de sept jours en2010, neuf ont trait au sport,dont six concernent leCanadien et les sérieséliminatoires. On n’a jamaisparlé autant de hockey,même pas lors de la CoupeStanley de 1993! Pendant cetemps, les enjeux depauvreté, les aînés ou lesautochtones n’occupent que0,74 % de l'espacemédiatique.C’est sûr que le hockey estquelque chose de

divertissant, mais quand on ne parle que de hockey, letraitement qu'on fait des enjeux collectifs – la politique,l’économie, les jobs qui se perdent, la pauvreté quis'accroit, etc. – en souffre nécessairement. Cette année aété marquée par des scandales de corruption au

gouvernement, par l'exploitation des gaz de schistes etpar plein d’autres magouilles. Pendant que les genss'appauvrissent, la classe politique vend le Québec pourenrichir ses amis capitalistes. Révoltant? C’est sûr, maisvous n’en entendrez pas parler à Canal V, ni dans leschroniques du Journal de Montréal.Les médias de masse ne sont pas intéressés à informerréellement les gens de manière à leur donner un pouvoirsur leur propre vie. Le spectacle qui vend et qui faitdiversion prime sur les problèmes de société, on martèlele discours de l’économie et de la croissance pour nousconvaincre d’être résigné­e­s et qu’il n’y a d'autre choixque de se serrer la ceinture et de couper dans les servicessociaux. C’est à ce point grave que les journalistesréuni­e­s en congrès à Québec se demandaient :« Pouvons­nous encore revendiquer le titre de chiens degarde de la démocratie alors que seule une modestepartie des ressources financières et humaines des médiassert la vie démocratique? ». En effet, on devrait peut­êtrenommer l'industrie médiatique pour ce qu'elle est : uneindustrie du tape à l’œil.

Le bourbier médiatique au Québec

Cause commune est le journal de l'Unioncommuniste libertaire (UCL). 3000 exemplairesde ce journal sont distribués gratuitement par desmilitantes et des militants libertaires, membresou non de l'organisation. Cause commune seveut un tremplin pour les idées anarchistes, enappui aux mouvements de résistance contre lespatrons, les proprios et leurs alliés augouvernement. Si le journal vous plaît et quevous voulez aider à le diffuser dans votre milieu,contactez le collectif de l'UCL le plus près dechez vous. Vous pouvez aussi soumettre un texteou nous faire part de vos commentaires enécrivant à [email protected] locaux de l'UCL :[email protected]@[email protected]

Pour nous rejoindre :[email protected]

Les progressistes de Québec ont eu chaud. Endécembre dernier, la radio communautaire CKIA estpassée à deux doigts de fermer faute de fonds. Unmois plus tard, grâce à la mobilisation, la stationrespire mais n’est pas encore tirée d’affaire.Branle­bas de combatDébut décembre, les membresapprennent en assembléegénérale que la station est encrise. L'ensemble desemployé­e­s, sauf le technicien, aété mis à pied et les coffres sont àsec. Malgré le choc, un comité desurvie est organisé sur­le­champet les gens s’échangent leurscoordonnées sur le trottoir aprèsl’assemblée. Le lendemain, la crisede la station fait la manchette autéléjournal de Radio­Canada.Quelques jours plus tard, leCollectif anarchiste La Nuit(UCL­Québec), qui diffuse Voix de faits depuis troisans sur les ondes de CKIA, lance le premier appel à lasolidarité avec la station. Peu de temps après, LeSoleil s’en mêle, ainsi que d’autres médias locaux.Branle­bas de combat dans la gauche et rappel destroupes, c’est la mobilisation générale.Dans un premier temps, la permanence est assuréepar une retraitée, ancienne employée de la station.Toutefois, pour différentes raisons, ça ne peut durer.Le comité de survie doit donc prendre le relais. Lacampagne de membership, dopée par la crise, permetd’inscrire 500 membres en quelques semaines. Une

série de spectacles bénéfices sont planifiés, lesinitiatives se multiplient. Pendant un mois, c’estl’autogestion forcée, à grand renfort de jus de brasmilitant. La coordination se fait toutes les semaines,dans des réunions parfois houleuses, où les membres

du conseil d'administration et du comitéde survie échangent leurs points de vue ets’informent mutuellement de l’état deleurs travaux.Pas de retour à la normaleSi des tensions existent concernant lesrôles de chacun et chacune – il apparaîtclair, par exemple, que le c.a. veutreprendre le contrôle de la situation –tout le monde s’entend pour dire qu’il nepourra y avoir de retour à la normale desitôt à CKIA. Tout d’abord, si la stationest encore ouverte, c’est parce que desbénévoles – membres du c.a. etmembres du comité de survie – laportent à bout de bras. Ce n’est pas

demain la veille que la station sera assez riche pourremplacer le travail militant par du travail salarié.Ensuite, la survie de la station passe par sondéveloppement et ça, ça implique non seulement unelevée de fonds mais aussi une révision en profondeurde la grille et de l’identité de la station (les gourousde marketing parleraient de « positionnement »).Comme il l’a déjà expliqué dans son appel, leCollectif anarchiste La Nuit pense qu’on ne peut passe passer de la voix de CKIA dans le contextepolitique actuel. C’est la seule voix authentiquementde gauche, libertaire et féministe dans un paysage

radiophonique largement dominé, à Québec, par ladroite. On en a besoin. Maintenant, la direction de lastation doit reconnaître qu’elle aussi a besoin de cettegauche libertaire et féministe pour renouveler sespratiques et (ré)impliquer un maximum de gens dansla vie de la station. Bref, passer de l’autogestionforcée à l’autogestion assumée...

Québec :CKIA respire mais n'est pas tirée d'affaire

Librairiesocialeautogérée265 Dorchester, Québec

Ouvert du mardi au jeudi de 14h à 19h,le vendredi de 12h à 21h

et le dimanche de 12h à 17h

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Des héros, vraiment?Dans le cadre de la Marche Mondiale desFemmes, la Fédération des Femmes du Québec(FFQ) a produit des capsules vidéo, dont une quia beaucoup fait jaser. Celle­ci dénoncenotamment le recrutement militaire dans lesécoles et l’occupation de l’Afghanistan. Lesdétracteurs et les détractrices ont davantageattaqué la forme de cette capsule ainsi que laFFQ, au lieu de débattre du message. Lesmilitaires sont­ils, sont­elles « des héros », commel’a alors affirmé la mère d’un soldat tué?

Il est pertinent de rappeler que les premièressemaines du conflit causèrent la mort de plus de4000 civil­e­s du côté afghan. De plus, des centainesde prisonniers et de prisonnières furent transféré­e­sà la base de Guantánamo et plusieurs O.N.G. ontavancé qu’il y aurait eu des massacres de détenu­e­s.

Un an après que le régime taliban fut chassé dupouvoir, Amnistie internationale et Human RightsWatch dénonçaient également la situation des droitshumains en Afghanistan. Qui plus est, les rapportsannuels n’ont pas démontré une amélioration de lasituation. En effet, depuis le début de l’occupation,les populations civiles ont été victimes de multiplescas d’harcèlement, de violence, de torture et de viol.Cette situation n’est pas seulement le fait desgroupes criminels et des milices armées. À ce sujet,des révélations troublantes ont même fait manchette

en septembre dernieren ce qui a trait auxabus et aux crimes deguerres commis pardes militairescanadiens. Et pendantce temps, l’OTANferme les yeux sur lesabus commis par lesforces policières etmilitaires afghanes.La libération desfemmes représentel’une des justificationsmajeures de l’invasion

militaire de l’Afghanistan. Malgré neuf ansd’occupation, il y a toujours des mariages forcés,des meurtres d’honneur, du trafic de femmes, ainsique des femmes lapidées pour attitude « immorale ».Quoiqu’en disent ceux et celles qui appuient cetteguerre, on ne peut malheureusement pas tout

attribuer aux Talibans. Rappelons qu’en avril 2009,le président Hamid Karzaï a signé une loi quidémontre la nature profondément misogyne etfondamentaliste de son gouvernement. Cette loi apour effet de restreindre davantage les droits desfemmes appartenant à la minorité chiite. Elleinterdit aux femmes de quitter le domicile conjugal,sauf pour des raisons jugées légitimes. Elle leurinterdit de travailler ou de recevoir une éducationsans autorisation du chef de famille. La loin'accorde la garde des enfants qu'aux pères, et auxgrands­pères en cas de divorce, et écarte les femmesde la succession. Cette loi permet de façon explicitele viol conjugal en permettant aux maris de retirertout soutien matériel (y compris la nourriture) auxfemmes si elles refusent de satisfaire leursdemandes sexuelles. Alors, il semble douteux deprétendre que la situation des femmes s’estaméliorée dans ce pays.Les « héros » canadiens ne font pas partie de lasolution en Afghanistan, mais bien du problème.L’occupation par des forces étrangères a enveniméla situation en Afghanistan et empêché lesmouvements sociaux les plus progressistes de s’ydévelopper. Pire encore, les gouvernementsétats­uniens ont financé et soutenu dans les années1980 les franges les plus réactionnaires del’insurrection contre l’occupant soviétique etcontinuent encore aujourd’hui de supporter et devenir en aide à un gouvernement foncièrementrétrograde.

Sur la récupération :« La récupération a déjà commencé. Nousassistons à une récupération opérée non seulementpar les forces traditionnelles, mais aussi par lesformations de l’opposition – plus exactement ilsveulent carrément avoir leur part du gâteau, dubutin. C’est ce processus­là qui se dérouleactuellement sous nos yeux. [...] L’idée centralequi émane de la population, c’est que cesoulèvement est le nôtre et on ne veut pas qu’ilsoit récupéré par les partis. Déjà c’est un acquisimportant. Quant à la récupération, tout le mondeest contre, qu’elle vienne du pouvoir ou desopposants. Pour nous, ces positions vont dans lesens d’une démocratie directe, en tous cas, ce sontles prémisses. Nous allons continuer à oeuvrer ence sens en tous cas. »À propos des éléments islamistes :« Nous pensons qu’ils sont très dangereux. Ils ontété absents du soulèvement, sauf le dernier jour oùils ont tenté une manoeuvre de récupération, àtravers l’instrumentalisation des martyrs, maissans succès. Leur tactique aujourd’hui est departiciper, mais de manière invisible. Dans lesfaits, ils ont infiltré plusieurs quartiers populairesde Tunis. Le leader du parti Ennahdha intégriste varegagner Tunis et il pense restructurer le courantpour laisser la place aux nouvelles générations. Ilsont donc un agenda secret : ils ne se présentent pasimmédiatement, mais se préparent pour lesprochaines élections. Ils sont là, ils sont prêts.Quand les autres seront essoufflés, ils vont monterà l’assaut. »

Sur la liberté d'expression :« En ce qui concerne la conquête de la liberté,c’est le seul acquis véritable, dans la mesure oùtout le monde s’exprime librement, sans riencraindre, de telle sorte que la principale artère deTunis, l’avenue Bourguiba, est devenue un énormeespace de discussion : on y voit partout des gensqui discutent, qui débattent ou qui manifestent... Ily a des manifestations toutes les deux­trois heures,maintenant. »Sur les comités de quartier :« Un autre acquis, c’est la constitution de comitésde quartiers. Ces structures­là sont totalementspontanées. Devant tout le monde etofficiellement, elles ont été constituéees pourépauler les forces de l’ordre, pour le maintien del’ordre : cela c’est la terminologie officielle. Enfait, dans la pratique, ces comités ont permis à lafois d’assurer une sécurité et une auto­défense –notamment contre les fauteurs de troubles à lasolde du régime Ben Ali – mais ils ont aussi etsurtout permis aux gens de décompresser, de sedéfouler, de discuter, toutes les nuits et ont ainsi,de fait, bravé le couvre­feu gouvernemental. Etpuis cela confirme la tendance générale qu’onpeut résumer ainsi : dès que les massescommencent à prendre leur destinée en main, àréfléchir, elles constituent des structures, descomités, des conseils, des soviets – qu’importentles dénominations – des chouras comme en Iran.Et ça s’est passé partout : lors des grèves en 1946au Caire, en Iran en 1978 et actuellement enTunisie. Ce qui constitue un pas supplémentairevers le pouvoir populaire et les soviets – entendusau sens d’organes politiques autonomes ou encorede démocratie directe. »Pour consulter l'entretien complet sur le web :http://bit.ly/fusqXa

Le test de BechdelCachez ces femmes

que je ne saurais voirTunisie (suite de la une)

Tanné­e­s d’entendre cette vieille rengaine qui veutque les femmes occupent maintenant trop de place,et qu'aujourd'hui les hommes sont opprimés etdéfavorisés? Ou cette autre, de la même eau, quiaffirme que le féminisme n’a plus sa raison d’être,car les femmes ont atteint l’équité salariale?Parlons cinéma. Une solution simple et rapides’offre à vous pour dynamiter ces niaiseries : le testde Bechdel.Ce test, développé par Alison Bechdel, auteure de labande dessinée Dykes to Watch Out For, se composede trois courtes questions à vous poser lors de votreprochaine séance cinéma :1. Le film met­il en scène au moins deux femmes donton connaît le nom?2. Ces femmes se parlent­elles?3. Se parlent­elles de sujets autres que les hommes?Facile de passer les trois tests? Pas pour l'industrie ducinéma, visiblement! Slumdog Millionaire, Pirates desCaraïbes, Austin Powers, Back to the Future, Batman,Pulp Fiction, etc. : la plupart des blockbusterséchouent dès la première question!Ce test ne cherche pas à déterminer la teneur féministedu film, mais seulement à rendre compte de laprésence des femmes au grand écran. Il révèle que le7e art est un médium d’hommes mettant en scène deshommes. Les femmes y sont largement sous­représentées et sont bien souvent confinées à des rôlesd’amoureuse, d’épouse, de mère, d’amante ou d’amie :leurs préoccupations et leurs relations sociales s’envoient tronquées. Leur rôle est au final défini enfonction de leur relation au personnage principal : unhomme.

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« Souriez, vous êtes filmé­e­s! »Merci du conseil, grand frère, mais si on devait lesuivre à la lettre on aurait vite les traits du visagebien crispés. Et puis, de toute façon, ça fait bellelurette qu'il n'y a plus besoin de prévenir. À toutprendre, il vaudrait mieux signaler les lieux sanscaméras.Dans la rhétorique pâteuse du pouvoir, « la sécurité est lapremière des libertés ». Et comme il est unanimementadmis que la vidéosurveillance participe à notre sécurité,elle renforce de facto nos libertés. On note d'ailleursde­ci de­là, de timides tentatives linguistiques dans lesens du glissement de vidéosurveillance àvidéoprotection. Orwell aurait adoré [1].Il y a des fois, on voudrait rougir à la place de ceux etcelles qui écrivent de telles absurdités, et dans le casprésent on voudrait leur rappeler que Benjamin Franklina déjà réglé la question il y a presque trois siècles :« Ceux [et celles] qui sont prêts [et prêtes] à sacrifier uneliberté essentielle pour acheter une sûreté passagère, neméritent ni l'une ni l'autre. »Mais à quoi bon s'indigner? Les camérassont maintenant partout, dans la rue, dans lesmagasins, même dans les écoles.Jeu concours! Compte le nombre decaméras sous lesquelles tu passes pendantune journée. Compare avec tes ami­e­s. Legagnant ou la gagnante a droit à une cagoule. Note : lescaméras à l'université comptent double.L'époque actuelle présente ceci d'inédit qu'elle est celled'un assaut frontal contre l'anonymat et contre l'intime.Ce n'est pas la seule conséquence préoccupante de cedernier siècle de technologie clinquante, mais elle méritequ'on s'y arrête un peu. Elle va d'ailleurs de pair avecl'avancée des techniques de contrôle des foules, lieu del'anonymat par excellence.Pour le pouvoir, la population recèle toujours une part demenace confuse. Il raffole donc de cette panoplie d'outilsque la technoscience met à sa disposition pour surveiller

et, le cas échéant, se protéger d'elle. C'est la grandetendance. Après des débuts balbutiants dans les années'20 – il arrivait alors aux bourgeois et aux bourgeoises demanifester contre la carte d'identité obligatoire –l'identification, le contrôle et leur rationalisation ont faitdes progrès spectaculaires à l'occasion de la secondeguerre mondiale. Une vingtaine d'années plus tard, letortionnaire Roger Trinquier mettait le recensement despopulations au cœur de sa théorie de la guerre« moderne », c'est­à­dire contre les mouvements delibération des peuples colonisés.Aujourd'hui, après l'étape du passeport biométrique, onassiste aux noces de la vidéosurveillance et de labiométrie, un ensemble de techniques d'identificationdes individus à partir de leur traits physiques, leurapparence ou leur comportement. Les empreintesdigitales, les réseaux veineux, le visage, les oreilles,l'ADN, la voix, le rythme de frappe sur un clavier; toutesles particularités du corps humain sont à l'étude pournous distinguer les uns et les unes des autres. Lescaractéristiques faciles à repérer sans interventiondirecte, en général les traits du visage, sont évidemmentprivilégiées pour la surveillance des foules.

C'est le genre d'outils que les autorités ont utilisé aprèsles sommets du G20 à Toronto et à Séoul pour retracerdes manifestants et des manifestantes. Il faut dire que leslaboratoires d'optique, d'intelligence artificielle,d'analyse d'images, rivalisent d'ingéniosité pour fourniraux pouvoirs en place des systèmes intégrés aptes àdétecter en temps réel les comportements suspects et àidentifier quiconque, partout et tout le temps. On n'arrêtepas le progrès...« Tu n'étais pas à Toronto pour manifester contre leG20? Tu n'as rien à te reprocher? Pas grave, on veutjuste savoir qui tu es, où tu étais, quand et avec qui. Et la

vie privée, elle reste chez toi; dèsque tu sors, on veut tout savoir. Savais­tuqu'à Londres, à chaque sortie, tu es filmé en moyenne300 fois? Ne te plains pas, on en n'est pas encore là. Detoute façon, c'est pour ton bien. C'est pour ta sécurité. »Et tant pis si un rapport français conclut surl'impossibilité d'évaluer l'efficacité de lavidéosurveillance. Tant pis si Scotland Yard considèreque c'est « un fiasco » pour la prévention et l'élucidationdes délits. Tant pis si ça coûte cher à la communauté.À vrai dire, les techniques ne sont pas encore efficaces,mais on y arrive tranquillement, et vu l'engouement desdécideurs et des décideuses pour la quincaillerietechnologique, les prix ne tarderont pas à baisser. Enattendant, la délinquance et les potentiels risquesd'attentats ont le dos large. L'enjeu n'est évidemment paslà. L'enjeu, c'est la surveillance.Tous et toutes surveillé­e­s pour attraper quelquesmalfrats? Non : tous et toutes surveillé­e­s car toussuspects, toutes suspectes.

Une lueur d'espoir malgré tout : lavidéosurveillance coûte cher et n'est pasefficace. Tant mieux. Il suffirait de faire ensorte qu'elle coûte plus cher, pour enrayer saprogression.La police se prend pour big brother,crevons­lui les yeux!

Quelques suggestions de lectures:­ Pierre Piazza, « Histoire de la carte nationaled'identité », 2004­ Roger Trinquier, « La guerre moderne », 1961­ Pièces et main d'œuvre, « Terreur et possession –enquête sur la police des populations à l'èretechnologique », 2008[1] Dans 1984, Orwell imagine une nouvelle langueimposée par le pouvoir, la novlangue, dans laquelle touteidée de critique du pouvoir est évacuée, car nonformulable.

Le 14 décembre 2010, les quelque 1300employé­e­s d’Electrolux reçoivent leur cadeau deNoël : ils et elles perdront leur emploiprogressivement jusqu’à la fermeture complète del’usine en 2013. C’est ce qu’on appelle une bellepatate dans un bas de Noël! La raison évoquée pourcette fermeture est une comptine familière : l’usined’électroménagers n’est plus concurrentielle.Mais concurrentielle pour qui? Car la manufacture,établie à l’Assomption depuis plus de 70 ans, étaitconsidérée comme rentable et productive de l’aveumême de sa direction. Le profit, cette carotte faisantoffice de moteur du capitalisme, ne manquait doncpas à l’appel. Quels motifs affreux pouvaient bienpousser les braves patrons et patronnes à mettre souscadenas une entreprise répondant aux besoins dumarché? La réponse est toute simple, et fut énoncéede façon presque désinvolte : l’usine n’est plussuffisamment rentable. Pourquoi en effet payer sesemployé­e­s entre 18 et 20$ de l’heure, alors qued’autres accepteraient moins de 14$ de l’heure? Lacarotte est plus juteuse, et l’appétit de cochons decertaines personnes sera – du moins temporairement– satisfait.Mais la berceuse que nous chantonnent lespropriétaires de l'usine pour euphémiserl’événement a tout de même un mérite : celui demettre en évidence qu’au royaume du capitalisme,les salarié­e­s les plus dociles sont rois et reines! Lebon vieil engrenage de ce système économiquegrince un peu, mais ses mécanismes tiennent bon : il

suffit d’abord d’empêcher les ouvriers et ouvrièresd’être en contrôle de leurs moyens de production, lapropriété devant être concentrée entre les mains dequelques téméraires entrepreneurs et entrepreneuses.Une fois cette propriété privée établie, faitescompétitionner entre elles différentes personnespour un même emploi; celles qui acceptent lesconditions les plus basses gagnent! Cette dynamiqueétrange, confortée par le médium du salariat, produitce qu’il est convenu de nommer le cheap labor.Cette expression ne permet toutefois de saisir quesuperficiellement les relations sociales deproduction. Il serait plus honnête, à l’instar de laféministe Cynthia Enloe, de parler de labor MADEcheap. Utiliser cette périphrase, c’est inciter lespersonnes curieuses à questionner « qui » rend letravail cheap, et par « quels moyens ». C’estprésenter une relation de pouvoir pour ce qu’elleest : une exploitation.Si les réponses à cesquestions sont connues dela plupart, la marche àsuivre pour remplacer lesystème capitaliste resteplus nébuleuse. Nousproposons la mise encommun des moyens deproduction aux mains destravailleurs et travailleusesafin qu’ils et elles enassument le plein contrôle.

Cette forme de production autogérée supprime lesinégalités structurelles et stimule l’entraide plutôtque la compétition. Ce mode de fonctionnementexiste déjà : on le retrouve entre autres dans lescoopératives de travail (cafés, écoles), les projetscollectifs (Wikipédia, Koumbit) et une multituded’organisations et d’initiatives locales (radioscommunautaires, jardins de quartier, librairies). Lesusines autogérées existent également : elles ontdernièrement émergé en quantité en Argentine suiteà la crise financière au tournant des années 2000.Les ouvriers et ouvrières ont alors récupéréplusieurs entreprises laissées à l’abandon par lepatronat. Voilà un projet qui pourrait donnerquelques pistes de réflexion et d’action à descamarades de l’Assomption...

Electrolux et le labor made cheap

Dégage, lechômeur, j'ai

trouvé du bétailmoins cherailleurs!

Je suisvraiment navré de

fermer. Vraiment, jeregrette.

Tous et toutes surveillé-e-s