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Cela fait déjà un bout de temps que les projets … · 2018-04-26 · ... comment communiquer au mieux avec ... sentiels pour créer un débouché durable pour les ... qu’il faut

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Cela fait déjà un bout de temps que les projets agricoles de

l’Agence belge de développement (CTB) déploient une ap-

proche « filières », abordant les différentes opérations né-

cessaires pour passer d’une matière première à un produit

fini.

Cette analyse ne porte donc pas uniquement sur la produc-

tion, mais aussi, entre autres, sur la commercialisation. Quel

est en effet l’intérêt pour un agriculteur de cultiver un produit

de qualité et durable s'il ne peut le vendre ? D’où la nécessi-

té de bien déterminer les acheteurs potentiels et la manière

de mieux communiquer avec eux ?

Dans le sud du Maroc, la CTB mène depuis trois ans un

programme sur les filières safran et dattes. Il s’agit du pre-

mier programme auquel le Trade for Development Centre

(TDC) a été associé d’emblée, depuis le stade de la formu-

lation, pour y apporter son expertise en marketing.

Petit état des lieux à mi-parcours.

Souss-Massa-Draâ p. 3

Safran et dattes p. 4

Pas à pas p. 6

Élaboration de la stratégie p. 7

Marketing mix p. 10

Conclusion p. 12

Photo de couverture © CTB

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Depuis quelques années, la Belgique et le Maroc coopèrent

dans le cadre du lplan « Maroc Vert », qui vise un dévelop-

pement économique durable des régions défavorisées, ci-

blant en particulier les producteurs les plus vulnérables.

L’approche « filière » constitue le fil conducteur des projets.

Sont concernés : les amandes, dans le Nord-Est, ainsi que

le safran et les dattes dans la région méridionale de Souss-

Massa-Drâa.

Le présent article met en lumière le projet PDFSD

(Développement des filières du safran et du palmier

dattier dans la région Souss-Massa-Drâa), lancé en 2013

pour une durée de sept ans. Il s’organise autour de trois

pôles :

la pérennisation des techniques agricoles, notamment

au niveau de la gestion des ressources hydriques ;

le renforcement de la position des producteurs à

travers la création de coopératives et de groupements

d’intérêt économique (GIE), des coupoles de coopéra-

tives en charge de la commercialisation ;

l’encadrement de ces structures dans la commerciali-

sation de leurs produits.

« Le PDFSD est le premier projet CTB pour lequel nous

avons contribué dès le début à la réflexion sur les marchés

potentiels et sur les moyens pour les jeunes coopératives et

les GIE de les conquérir », explique Josiane Droeghag, Mar-

keting and Business Management Officer du TDC.

« Voilà pourquoi, en 2013, des spécialistes en marketing

ont également été recrutés. Aujourd’hui, l’équipe marketing

se compose de deux collaborateurs locaux, membres de

l’équipe mobile sur le terrain, et de deux collaborateurs en

charge de la commercialisation. Claire de Foucaud, experte

en marketing, s’est rendue au début du programme au Ma-

roc, où, avec l’Office régional de mise en valeur agricole

d’Ouarzazate (ORMVAO), le partenaire local, elle a jeté les

bases d’un solide positionnement stratégique et commercial

pour les dattes et le safran marocains. »

Ouarzazate © Josiane Droeghag, TDC

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Mais commençons par quelques mots sur les filières du safran

et des dattes. À première vue, les différences sont énormes.

Dans quelques vallées isolées bordant les villes de Taliouine

et de Taznakht, 3.000 familles d’agriculteurs plantent chaque

année d’innombrables crocus à safran. Un dur labeur, en parti-

culier pour les femmes.

De leur côté, les palmiers dattiers sont omniprésents dans les

oasis du sud marocain. Des centaines de milliers d’agricul-

teurs et d’agricultrices pratiquent cette culture depuis des

temps immémoriaux, produisant jusqu’à 450 variétés de

dattes.

Mais, à y regarder de plus près, les parallélismes sautent aux

yeux. Tant le safran que les dattes sont surtout vendus sur le

marché informel, dans les souks locaux. Les prix obtenus par

les agriculteurs sont bas, mais les familles ont parfois tant de

mal à joindre les deux bouts que cette rentrée d’argent leur est

indispensable.

En amont de la filière dattière se situent de grandes entre-

prises dont on ne connaît guère les processus de production,

mais pour qui la qualité n’est certainement pas la première

priorité. Les dattes sont le plus souvent présentées dans des

caisses en bois très peu hygiéniques, une partie considérable

de la production étant même utilisée comme fourrage.

C’est une des raisons pour lesquelles des coopératives et des

GIE (des groupements économiques rassemblant plusieurs

coopératives) furent créés aux quatre coins du pays, dans le

cadre du plan « Maroc Vert », pour améliorer la commerciali-

sation de la production de millions de petits agriculteurs.

Dans la pratique, ils peinent toutefois à sortir d’un cercle vi-

cieux, ne disposant généralement pas des moyens néces-

saires pour attirer du personnel qualifié et acheter les récoltes

de leurs membres. À cela s’ajoute une réticence culturelle à

solliciter un prêt auprès des banques. Ils passent donc parfois

à côté de commandes potentielles, n’étant pas en mesure de

répondre à la demande, tant quantitativement que qualitative-

ment. Cela vaut d’autant plus pour les dattes, qui nécessitent

une approche quasi industrielle au niveau de leur production :

tri, refroidissement, transport, etc.

Bref, ce n’est pas vraiment le Maroc du Sud qui tire les béné-

fices de cet « or rouge » (le safran) ou des richesses que

devrait normalement générer une production dattière si

diversifiée.

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La cueillette du safran est un travail de femmes © CTB

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Ces trois dernières années, des efforts considérables ont été

déployés pour améliorer la production et la qualité de ces deux

produits. Des experts agricoles ont formé les agriculteurs à

des méthodes de culture plus durables, une laborantine a

procédé à des tests comparatifs rigoureux, et des animateurs

ont fait tout leur possible pour stimuler les coopératives et les

GIE. « En discutant avec les agriculteurs eux-mêmes », nous

confie Claire de Foucaud, « on se rend compte qu’ils connais-

sent parfaitement leur plus grand problème : le manque de

débouchés formels procurant un prix raisonnable pour leur

safran ou leurs dattes. Notre équipe marketing a donc travaillé

là-dessus durant ces trois dernières années, en avançant pas

à pas. »

Les étapes 1 à 3 constituent le volet stratégique, les

étapes 4 et 5, le volet opérationnel. Elles ne se suivent

donc pas toujours en ordre chronologique, mais se

chevauchent parfois.

Étude du marché : quelle est la situation actuelle et

où se situent les opportunités ?

Groupe cible : quels sont les principaux clients poten-

tiels  ?

Positionnement : comment positionner le produit sur

le marché ?

Marketing mix : comment concevoir les quatre P :

Produit : quelle sont les qualités et caractéristiques

du produit ?

Place : où trouver les clients ou consommateurs ?

Prix : à quel prix lvendre  ?

Promotion : comment communiquer au mieux avec

les clients ?

Commercialisation : la vente proprement dite

Datte © Claire de Foucauld

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À tout produit s’applique la même règle : l’élaboration d’une straté-

gie efficace passe immanquablement par la connaissance et la

compréhension du marché. La première étape essentielle consiste

donc en une étude de marché. À travers plusieurs analyses, l’offre

et la demande ont été cartographiées pour les deux filières, tant au

niveau national qu’international.

Les résultats de cette cartographie constituent aujourd’hui une base

solide sur laquelle construire une stratégie à même de répondre aux

questions suivantes : qui est mon client cible idéal  et comment po-

sitionner mon produit sur le marché ? Ces deux éléments sont es-

sentiels pour créer un débouché durable pour les produits.

Les résultats se sont avérés particulièrement utiles dans le cas du

safran : 90 % de la production mondiale de safran proviennent

d’Iran, le gouvernement iranien accordant des subsides tant pour la

culture que pour la transformation des crocus à safran. Combiné à

une approche très professionnelle, cela rend la concurrence avec

l’Iran particulièrement rude, d’autant qu’une partie du marché maro-

cain est aux mains des Iraniens à travers, entre autres, des circuits

informels. En outre, l'offre mondiale dépasse la demande. Le safran

est principalement utilisé dans la cuisine (arabe). Si la demande

provenant du secteur pharmaceutique et cosmétique augmente, elle

reste timide. Mais, encore une fois, les Iraniens contrôlent la chaîne

de valeur.

© Claire de Foucauld

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Qu’est-ce que cela signifie pour les GIE nouvellement créés

dans le sud du Maroc ? Que cibler les marchés internationaux

n’a pas beaucoup de sens, tout comme s’adresser aux gros-

sistes marocains, qui s’intéressent surtout aux prix alors que

ceux pratiqués par les Iraniens défient toute concurrence.

Quels sont donc les clients potentiels des GIE ? Principale-

ment les détaillants, les restaurants et les hôtels situés dans

les villes, qui ont la classe moyenne locale et les touristes

étrangers pour clients. Mais même là, la concurrence est fé-

roce, car de nombreuses entreprises locales se vantent de

vendre « le meilleur safran marocain sur le marché ». « Depuis

trois ans, l’équipe projet réfléchit donc à la meilleure manière

de se positionner par rapport à ces acteurs existants », pour-

suit Claire de Foucaud. « Auparavant, les petites coopératives

se posaient facilement en victimes, mais nous avons su inver-

ser la dynamique. Aujourd’hui, tout le monde est conscient

qu’il faut se battre pour obtenir une petite place au soleil.

Une étape importante a été la création par le projet d’un labo-

ratoire – le seul de la région à répondre aux normes ISO –

chargé d’effectuer des analyses de qualité. Les producteurs

peuvent désormais avancer un double message fort : notre

coopérative garantit un safran de haute qualité, et, en achetant

notre produit, vous soutenez les petits producteurs et les coo-

pératives de la région. »

Les touristes rentrant du Maroc et achetant à la dernière

minute des dattes à l’aéroport risquent fort d’emporter dans

leurs bagages un souvenir... tunisien, car le marché dattier

marocain est en grande partie entre les mains de leurs voisins

spécialisés dans la variété de dattes deglet nour, présentées

dans de jolies petites boîtes.

« Lorsque nous avons lancé la première étude, en 2013, les

dattes marocaines souffraient encore d’une image négative

auprès des commerçants locaux », explique Claire de Fou-

caud. Heureusement, la situation est aujourd’hui en train de

changer. Les clients potentiels sont similaires à ceux de la fi-

lière safran : les commerçants, les hôtels, les restaurants et

les marchés dans les villes marocaines. Le principal atout ré-

side dans la richesse des variétés locales, ce qui ouvre des

perspectives puisque les produits locaux ont pour l’instant la

cote. Les coopératives parviennent déjà à vendre leurs meil-

leures variétés de dattes (mehjoul et bouffegous) à des prix

acceptables. Pour enregistrer des progrès réels, il faudrait tou-

tefois améliorer la commercialisation des variétés de moindre

qualité, qui constituent l’essentiel de leur production. Il existe

une demande pour des dattes de qualité intermédiaire. Il nous

faut donc, avec les GIE, reconquérir le marché des deglet

nour. »

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Après les explications, place à l’action. Pour avoir à terme

un réel impact, la stratégie doit encore être concrétisée.

Après une réflexion intense sur les quatre P, les premières

démarches ont été entreprises en vue de la vente.

Produit

Suite aux tests effectués en laboratoire, la production a été

répartie en trois catégories suivant les normes internatio-

nales. 10 % de la production se composent de safran cinq

étoiles, 70 % de safran quatre étoiles et 20 % de safran de

qualité inférieure. Des emballages en verre et des étiquettes

spécifiques ont été conçus pour chacune de ces catégories.

Place

Les petits producteurs ont pris conscience qu’ils devaient

« sortir de leur village » pour aller convaincre les clients

potentiels dans les villes.

Prix

Des prix ont été établis pour chaque catégorie, ouvertement

affichés, ce qui est assez exceptionnel dans un pays comme

le Maroc, où les négociations informelles sont la règle. Les

vendeurs des GIE ont été aussi sensibilisés à l’interdiction

de descendre en dessous des prix minima.

Promotion

La marque « Dar Azafran » a été lancée sur le marché, avec

comme baseline : « un safran d’excellence pour vos papilles

et votre bien-être ». Deux dépliants ont été mis au point : le

premier présente les propriétés du produit, connues locale-

ment, mais pas vraiment dans les grandes villes, tandis que

le second aborde ses usages culinaires et propose deux

recettes.

Une feuille de route a été élaborée pour les trois années à

venir avec, entre autres, des projections de ventes pour

2017, 2018 et 2019, basées sur des tests réalisés à l’occa-

sion d’un salon agricole et auprès de clients potentiels à

Rabat et à Casablanca. Cette feuille de route compte

comme volet essentiel la création d’un salon de thé dans

les bâtiments du GIE à Talhouine. Ce salon de thé, qui

propose des biscuits au safran, se veut être la vitrine du

projet. Des contacts seront noués avec des agences de

voyage, pour proposer aux groupes de touristes un pro-

gramme consacré au safran, y compris une visite au salon

de thé. Parmi les autres éléments des projets d’avenir, ci-

tons un canal de vente en ligne, un site Web et une page

Facebook, ainsi qu’une campagne publicitaire planifiée en

2019.

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Produit

Focalisation sur 4 variétés de dattes : jihel (« la populaire »),

bousthami (« la légère »), outoukdime (« la star du Toudgha »)

et khalt (« les rarissimes », khalt étant un nom collectif pour

plus de 300 variétés locales de la même famille).

Place

Dans la liste des priorités, les marchés traditionnels arrivent en

tête, car moins exigeant au niveau de la qualité. Des inter-

views ont ensuite montré le potentiel d’ouverture d’un nouveau

marché avec des dattes fraîches. Les supermarchés, très exi-

geants sur la qualité arrivent quant à eux en fin de liste.

Prix

Le prix doit être égal ou légèrement inférieur à celui des deglet

nour.

Promotion

La baseline est on ne peut plus claire : il s’agit d’un produit

marocain, caractérisé par une grande diversité de variétés et

de goûts. Le public doit être encouragé à goûter les différentes

variétés de dattes, présentées dans un dépliant promotionnel.

Tout au long de 2016, des tests de vente ont été réalisés au-

près de clients sélectionnés, afin de notamment déterminer les

variétés pouvant concurrencer la deglet nour au niveau des

prix. Détail qui a son importance, une commande assez mo-

deste de 70 kg n’a pu être honorée par le GIE de Toudgha en

raison d’un manque de dattes de qualité.

Cette situation pénible a provoqué des remous au sein des

coopératives et mis en lumière plusieurs problèmes majeurs.

Mais elle a aussi réveillé de nombreux responsables.

Et Claire de Foucaud de conclure : « Un certain nombre de

coopératives ne sont pas encore en mesure de commercialiser

de plus gros volumes. Ce sera un travail de longue haleine.

Mais le potentiel est bien là, et les agriculteurs en ont désor-

mais aussi pris conscience. »

Stand d'une coopérative de dattes lors d’une foire commerciale © Josiane Droeghag,

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Le programme PDFSD étant à mi-parcours, c’est l’occa-

sion de faire l point sur l’appui marketing. Celui-ci consis-

tait à mettre sur pied et à appuyer une équipe marketing

sur le terrain, appelée à élaborer et à exécuter une stra-

tégie avec les partenaires locaux.

« Le marketing n’est pas une formule magique pour gon-

fler les ventes, mais un long chemin à parcourir pas à

pas. Voilà pourquoi il est important d’intégrer les ques-

tions de marketing dès même la formulation d’un pro-

gramme », conclut Josiane Droeghag. « Des profils com-

merciaux et marketing spécialisés sont indispensables,

de même que des budgets flexibles permettant, entre

autres, de solides études et prospections des marchés. »

Il reste cependant encore beaucoup à faire. Au cours

des années à venir, il faudra s’atteler à la mise en œuvre

du marketing mix et à la professionnalisation des struc-

tures GIE. Le programme continuera à se focaliser sur la

formation et l’accompagnement des coopératives et des

GIE via la constitution de « shadow teams », des équipes

d’appui.

« Pour nos partenaires et pour les agriculteurs, ce projet

de la CTB inspire un sentiment bien différent de celui as-

socié à certains projets antérieurs », résume Claire de

Foucaud. « Ceux-ci prônant en effet parfois des objectifs

irréalistes, ils restaient dans la pratique lettre morte. »

© Josiane Droeghag, TDC

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Aujourd’hui, les idées et les plans qui sont sur la table donnent

une orientation claire, fondée sur le potentiel commercial réel

et alimentée par les équipes sur le terrain.

Si, pour les GIE, la gestion marketing et la vente sont encore

nouvelles, ils en ont toutefois perçu toute l’importance. Ils com-

prennent mieux le marché et le contexte concurrentiel dans

lequel ils évoluent. Ils connaissent aussi la clientèle à cibler,

ainsi que les niveaux de qualité à respecter pour pouvoir la sa-

tisfaire.

Les premiers résultats sont prometteurs. Lors du SIAM (le Sa-

lon International de l’Agriculture au Maroc) les ventes de sa-

fran furent de 46% plus élevées que l’année précédente. Nous

sommes toujours dans une phase de prospection pour les

dattes, mais les premiers contacts auprès de nouveaux clients

révèlent un intérêt concret pour l’achat de 236.000 kilos.

PDSFD : www.btcctb.org > pays et thèmes > Maroc >

Développement des filières du safran et du palmier dat-

tier dans la région Souss-Massa-Drâa - Safran-Dattes

L’avenir durable passe par les coopératives marocaines

Projets du Trade for Development Centre dans le sud du

Maroc (janvier 2015) Publié sur www.befair.be.