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Cellulites et fistules d’origine dentaire JM Peron JF Mangez Résumé. Les complications infectieuses aiguës dues à la mortification de la pulpe dentaire ou aux infections périodontales sont très fréquentes et à l’origine d’abcès localisés au niveau des tissus mous de la face et du cou : on les appelle les « cellulites » parce qu’ils se développent au niveau des espaces celluleux remplissant les loges entourant la mandibule et le maxillaire. Ces loges communiquent entre elles, notamment par l’intermédiaire de l’espace para-amygdalien, puis avec les grands espaces anatomiques de décollement qui s’étendent depuis la base du crâne jusqu’au médiastin ; c’est souligner le risque grave, voire vital, que représente la diffusion de ces abcès. La situation de la dent causale rend compte de la topographie de l’abcès qui se développe au niveau vestibulaire et/ou sous-cutané, ou au niveau palatin. Les collections postérieures s’accompagnent de trismus et de dysphagie ; leur évolution fait courir le risque d’obstruction des voies aériennes. Chez les patients aux défenses immunitaires amoindries peuvent survenir des accidents infectieux rares : les fasciites nécrosantes, véritables gangrènes, qui mettent en jeu rapidement le pronostic vital. Il existe des formes subaiguës et chroniques qui succèdent bien souvent à un traitement incomplet, qui laisse persister notamment la porte d’entrée de l’infection. Cette évolution au long cours doit également faire poser la question d’une infection à germes spécifiques. Une séquelle particulière est représentée par la fistule muqueuse facilement identifiée, ou la fistule cutanée dont le diagnostic est parfois tardif parce que la relation de cause à effet avec l’existence d’un foyer infectieux dentaire est méconnue. Le traitement des cellulites dentaires doit obéir à un principe médical intangible, celui de traiter une infection en même temps que sa porte d’entrée. © 2002 Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés. Mots-clés : cellulites dentaires, abcès dentaires, fistules dentaires. Introduction L’ « abcès dentaire », motif de consultation quasi journalier en pratique de chirurgie maxillofaciale et stomatologie, ne présente pas le plus souvent de caractère de gravité. Un traitement adapté de la collection et de sa porte d’entrée est le garant d’une évolution favorable. En revanche, dans un petit nombre de cas, l’attention doit être immédiatement attirée par des signes « inhabituels », qu’il faut bien savoir reconnaître parce qu’ils traduisent une forme de gravité particulière qui peut engager le pronostic vital ; dès lors, le traitement doit être reconsidéré comme un acte chirurgical majeur à effectuer en collaboration avec l’équipe de réanimation. Les cellulites chroniques résultent de l’absence ou de l’inadaptation d’un traitement qui ne répond pas aux principes de base du traitement d’une infection ; si, exceptionnellement maintenant, elles font le lit d’une infection spécifique, il n’est pas rare de voir, tardivement, des fistules cutanées dont l’origine dentaire aura été longtemps méconnue, parce que le foyer infectieux est quiescent, ou la cellulite inaugurale oubliée depuis longtemps. Nous ne donnons qu’une vue synthétique d’un certain nombre d’aspects fondamentaux en rapport avec cette question (anatomie, bactériologie, etc) : ces prérequis indispensables sont largement traités dans d’autres parties de cet ouvrage ; nous conseillons au lecteur de s’y reporter. Porte d’entrée infectieuse MORTIFICATION DE LA PULPE DENTAIRE La mortification de la pulpe dentaire est le dénominateur commun de la majorité des étiologies dentaires : – la carie dentaire en est, bien sûr, la cause primordiale : l’infection diffuse dans l’espace desmodontal et, soit évolue d’un seul tenant sur un mode aigu, soit se « refroidit » pour aboutir au granulome et au kyste périapical, qui peuvent se « réchauffer » à tout moment et ramener au cas précédent ; – les traumatismes dentaires aboutissent au même résultat, parfois après une simple contusion, à bas bruit : si bien que les patients ne se souviennent plus forcément du traumatisme initial. Habituellement, la surveillance d’une dent proche ou incluse dans un foyer de fracture, d’une dent fracturée ou luxée, permet d’anticiper les problèmes. INFECTION PARODONTALE C’est la deuxième cause d’accidents infectieux aigus : – la parodontolyse détruit directement l’espace desmodontal et, à terme, mortifie la pulpe dentaire « a retro » ; Jean-Marc Peron : Professeur, service de chirurgie maxillofaciale et stomatologie. Jean-François Mangez : Praticien hospitalier, département d’anesthésie-réanimation. Hôpital Charles-Nicolle, 1, rue de Lecat, 76031 Rouen cedex, France. Encyclopédie Médico-Chirurgicale 22-033-A-10 22-033-A-10 Toute référence à cet article doit porter la mention : Peron JM et Mangez JF. Cellulites et fistules d’origine dentaire. Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), Stomatologie/Odontologie, 22-033-A-10, 2002, 14 p. EMC [257] 150 590

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Cellulites et fistules d’origine dentaireJM PeronJF Mangez

Résumé. – Les complications infectieuses aiguës dues à la mortification de la pulpe dentaire ou aux infectionspériodontales sont très fréquentes et à l’origine d’abcès localisés au niveau des tissus mous de la face et ducou : on les appelle les « cellulites » parce qu’ils se développent au niveau des espaces celluleux remplissantles loges entourant la mandibule et le maxillaire. Ces loges communiquent entre elles, notamment parl’intermédiaire de l’espace para-amygdalien, puis avec les grands espaces anatomiques de décollement quis’étendent depuis la base du crâne jusqu’au médiastin ; c’est souligner le risque grave, voire vital, quereprésente la diffusion de ces abcès.La situation de la dent causale rend compte de la topographie de l’abcès qui se développe au niveauvestibulaire et/ou sous-cutané, ou au niveau palatin. Les collections postérieures s’accompagnent de trismuset de dysphagie ; leur évolution fait courir le risque d’obstruction des voies aériennes. Chez les patients auxdéfenses immunitaires amoindries peuvent survenir des accidents infectieux rares : les fasciites nécrosantes,véritables gangrènes, qui mettent en jeu rapidement le pronostic vital. Il existe des formes subaiguës etchroniques qui succèdent bien souvent à un traitement incomplet, qui laisse persister notamment la ported’entrée de l’infection. Cette évolution au long cours doit également faire poser la question d’une infection àgermes spécifiques. Une séquelle particulière est représentée par la fistule muqueuse facilement identifiée, oula fistule cutanée dont le diagnostic est parfois tardif parce que la relation de cause à effet avec l’existenced’un foyer infectieux dentaire est méconnue.Le traitement des cellulites dentaires doit obéir à un principe médical intangible, celui de traiter une infectionen même temps que sa porte d’entrée.© 2002 Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Mots-clés : cellulites dentaires, abcès dentaires, fistules dentaires.

Introduction

L’ « abcès dentaire », motif de consultation quasi journalier enpratique de chirurgie maxillofaciale et stomatologie, ne présente pasle plus souvent de caractère de gravité. Un traitement adapté de lacollection et de sa porte d’entrée est le garant d’une évolutionfavorable.En revanche, dans un petit nombre de cas, l’attention doit êtreimmédiatement attirée par des signes « inhabituels », qu’il faut biensavoir reconnaître parce qu’ils traduisent une forme de gravitéparticulière qui peut engager le pronostic vital ; dès lors, letraitement doit être reconsidéré comme un acte chirurgical majeur àeffectuer en collaboration avec l’équipe de réanimation.Les cellulites chroniques résultent de l’absence ou de l’inadaptationd’un traitement qui ne répond pas aux principes de base dutraitement d’une infection ; si, exceptionnellement maintenant, ellesfont le lit d’une infection spécifique, il n’est pas rare de voir,tardivement, des fistules cutanées dont l’origine dentaire aura étélongtemps méconnue, parce que le foyer infectieux est quiescent, oula cellulite inaugurale oubliée depuis longtemps.Nous ne donnons qu’une vue synthétique d’un certain nombred’aspects fondamentaux en rapport avec cette question (anatomie,

bactériologie, etc) : ces prérequis indispensables sont largementtraités dans d’autres parties de cet ouvrage ; nous conseillons aulecteur de s’y reporter.

Porte d’entrée infectieuse

MORTIFICATION DE LA PULPE DENTAIRE

La mortification de la pulpe dentaire est le dénominateur communde la majorité des étiologies dentaires :

– la carie dentaire en est, bien sûr, la cause primordiale : l’infectiondiffuse dans l’espace desmodontal et, soit évolue d’un seul tenantsur un mode aigu, soit se « refroidit » pour aboutir au granulome etau kyste périapical, qui peuvent se « réchauffer » à tout moment etramener au cas précédent ;

– les traumatismes dentaires aboutissent au même résultat, parfoisaprès une simple contusion, à bas bruit : si bien que les patients nese souviennent plus forcément du traumatisme initial.Habituellement, la surveillance d’une dent proche ou incluse dansun foyer de fracture, d’une dent fracturée ou luxée, permetd’anticiper les problèmes.

INFECTION PARODONTALE

C’est la deuxième cause d’accidents infectieux aigus :

– la parodontolyse détruit directement l’espace desmodontal et, àterme, mortifie la pulpe dentaire « a retro » ;

Jean-Marc Peron : Professeur, service de chirurgie maxillofaciale et stomatologie.Jean-François Mangez : Praticien hospitalier, département d’anesthésie-réanimation.Hôpital Charles-Nicolle, 1, rue de Lecat, 76031 Rouen cedex, France.

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Toute référence à cet article doit porter la mention : Peron JM et Mangez JF. Cellulites et fistules d’origine dentaire. Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés),Stomatologie/Odontologie, 22-033-A-10, 2002, 14 p.

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– les péricoronarites d’éruption et de désinclusion, en particulier dela troisième molaire, inférieure le plus souvent, peuvent être la ported’entrée de complications infectieuses souvent très bruyantes.

GESTES THÉRAPEUTIQUES

Ils sont moins fréquemment en cause. La relation de cause à effet estévidente après dentisterie restauratrice, notamment au décours ou àdistance de gestes proches de la pulpe, d’obturations canalaires,après chirurgie parodontale, et après avulsions de dents infectées.Bien entendu, tout acte de chirurgie maxillofaciale traumatologiqueou orthopédique, la pratique implantologique, exposent à un risqueinfectieux et, dans ce cas, à la survenue de séquelles particulièrementgraves dont la possibilité aura été expliquée au patient.Plus rarement, certains actes d’orthopédie dento-maxillo-facialepeuvent être classiquement la cause de mortification pulpaire.Pour mémoire, enfin, nous citons la piqûre septique, notamment latronculaire ensemençant l’espace infratemporal, pour rappeler lanécessité d’une désinfection soigneuse de la muqueuse avant toutacte invasif, de même que l’obéissance aux règles d’hygiène etd’asepsie largement diffusées à présent.

Germes en cause (tableau I)

Ils proviennent de la flore buccale endogène [8]. La diversité de cetteflore rend compte du grand nombre d’agents pathogènesresponsables : ils peuvent s’associer, par exemple beaucoupd’infections à bacilles à Gram négatif font intervenir également descocci à Gram positif et à Gram négatif. L’association spirochètes-Fusobacteriae est bien connue et redoutable.Ils peuvent se sélectionner, par exemple les Gram négatif qui sontsouvent copathogènes dans une infection déclarée, peuvent devenirles germes principaux après que les autres, volontiers des bactériesaérobies ou facultatives, ont disparu.

Hôte

Pourquoi un même germe issu de la flore buccale commensalepeut-il entraîner une infection quiescente ou, à l’inverse,dévastatrice ?

AFFAIBLISSEMENT DES DÉFENSES DE L’HÔTE [6]

Il joue un rôle essentiel en le désarmant contre les infections banalesqui, dès lors, s’exacerbent. Il peut être lié à des facteursphysiologiques : l’âge, la grossesse (dernier trimestre), la nutrition(carence protéique et vitaminique) ; des facteurs environnementaux :traumatismes physiques et/ou psychiques ; des facteursimmunitaires : congénitaux, acquis (le syndrome del’immunodéficience acquise, les traitements immunosuppresseurs, lediabète et sa microangiopathie, l’obésité, l’insuffisancehépatocellulaire d’origine virale ou alcoolique, notamment).

PRESCRIPTION MÉDICAMENTEUSE

Une prescription médicamenteuse inappropriée peut éventuellementêtre incriminée comme cela a été rapporté concernant les anti-inflammatoires et la gravité d’évolution de certaines cellulites ;toutefois, les données bibliographiques actuellement disponibles nepermettent pas d’établir de façon certaine une relation de cause àeffet, bien qu’un certain nombre d’observations rapportéesconfirmeraient ce fait.Une antibiothérapie inadaptée, facteur de sélection de germes, ou sesubstituant à un acte chirurgical au lieu de l’encadrer, fait courir lerisque de ne plus permettre de maîtriser simplement lesphénomènes infectieux [1].

Propagation de l’infection

À PARTIR DU FOYER INFECTIEUX INITIAL

Elle se fait directement hors de la gencive, par voie sous-périostée, àpartir d’une péricoronarite.À partir de l’espace desmodontal, l’infection traverse l’os, décolle lepérioste, puis bientôt le rompt et colonise les parties mollespériosseuses qui sont constituées par un tissu celluloadipeuxremplissant les espaces délimités par les zones d’insertionsmusculoaponévrotiques au niveau des tables osseuses internes ouexternes (fig 1).

Tableau I. – Flore buccale endogène.

Bactéries à Gram +

Cocci aérobies-anaérabies facultatifs :Streptocoques alpha-hémolytiques ++++Streptocoques bêtahémolytiques +Streptocoques non hémolytiques +++Staphylocoques +++

Cocci anaérobies +++

Bacilles aérobies-anaérobies facultatifs :

Actinomyces +++

Lactobacilles +++Diphtéroïdes ++++

Bactéries à Gram -

Cocci aérobies-anaérobies facultatifs +++

Cocci anaérobies ++++

Bacilles aérobies-anaérobies facultatifs +

Bacilles anaérobies :

Bacteroides +++

Prevotella, Porphyromonas sp. +++

Fusobacterium sp. +++

Spirochètes +++

Levures +++

Virus ?

++++ : habituellement présents et majoritaires ; +++ : habituellement présents et minoritaires ; + : parfois présentset minoritaires et transitoires.

A

BC

D

E F

G

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3

4

5

64

1 Coupe frontale de la face passant par la première molaire, d’après Testut et Jacob.1. Muscles de la face ; 2. muscle buccinateur ; 3. muscle mylohyoïdien ; 4. muqueusegingivale ; 5. muqueuse jugale ; 6. muqueuse palatine ; A. cellulite périmaxillaire ex-terne à évolution génienne haute ; B. cellulite périmaxillaire externe à évolution buc-cale entre buccinateur et muqueuse ; C. il n’y a pas de phlegmon palatin mais des abcèssous-périostés ; D. cellulite périmaxillaire externe à évolution buccale entre buccina-teur et muqueuse ; E. cellulite périmaxillaire externe à évolution génienne basse ; F. cel-lulite périmaxillaire interne à évolution sus-mylohyoïdienne ; G. cellulite périmaxil-laire interne à évolution sous-mylohyoïdienne, c’est-à-dire sous-maxillaire.

22-033-A-10 Cellulites et fistules d’origine dentaire Stomatologie/Odontologie

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Parallèlement, une propagation par voie veineuse et lymphatiqueest bien entendu possible, facteur de diffusion précoce de l’infection,dépassant rapidement les barrières anatomiques locales et envoyantdes métastases septiques à distance qui, avec le choc toxique,caractérisent l’état septicémique.

ZONE D’IMPLANTATION DE LA DENT CAUSALE

Habituellement, l’infection se localise au voisinage de la zoned’implantation de la dent causale ; elle peut cependant diffuser àpartir de ce site. Selon son appartenance maxillaire ou mandibulaire,sa situation antérieure ou postérieure, sa proximité par rapport auxtables osseuses et la situation de son apex par rapport aux insertionsmusculoaponévrotiques, l’infection se développe dans l’une desunités formant le puzzle des régions anatomiques maxillofaciales.Les apex correspondent au cul-de-sac muqueux vestibulaire auniveau des deux arcades dentaires, sauf au niveau mandibulaire oùles apex molaires sont en position inférieure.Par rapport aux tables osseuses, les apex dentaires sont proches dela table externe du maxillaire, sauf les racines palatines desprémolaires et molaires (fig 2). Au niveau mandibulaire, la premièremolaire est en position axiale : en avant d’elle, toutes les dents sontplus proches de la table externe ; en arrière, elles jouxtent la tableinterne et on peut remarquer également que les apex des deuxdernières molaires sont situés au-dessous de la ligne d’insertion dumuscle mylohyoïdien (fig 3, 4).Ainsi, les infections issues des dernières molaires peuvent-ellesensemencer directement la région cervicale et/ou l’espace para-amygdalien, encore appelé espace sous-parotidien antérieur ouptérygopharyngien (fig 5) [4], qui constitue un véritable carrefour

stratégique pour la dissémination de l’infection vers les autresespaces cervicaux et vers le médiastin, via la gouttière vasculaire etl’espace décollable de Renke.En dehors des structures osseuses et du côté vestibulaire buccal, lapropagation des infections contourne les limites du musclebuccinateur et des muscles peauciers. À ce propos, rappelonsl’existence d’une particularité anatomique de la région : la gouttièrebuccinatomaxillaire qui vient s’ouvrir en avant dans la régiongénienne au niveau du quadrilatère de moindre résistance deChompret (bord antérieur = bord postérieur du triangulaire deslèvres, bord supérieur = bord inférieur du buccinateur, bordpostérieur = bord antérieur du masséter, bord inférieur = bordinférieur mandibulaire) ; à ce niveau, la muqueuse buccale tapissedirectement les téguments de la région génienne (fig 6).

2 Arche dentaire maxillaire.

3 Arche dentaire mandi-bulaire.

4 Apex molaires et ligne oblique interne.

1

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5 Espaces parapharyngés, d’après Couly.1. Espace sous-parotidien postérieur ou rétrostylien ; 2. rideau stylien ; 3. espace rétro-pharyngien ; 4. ligament sphénomaxillaire ; 5. aponévrose interptérygoïdienne ; 6.épine du sphénoïde ; 7. trou ovale, projection ; 8. pénétration de la carotide externe ; 9.flèche signalant le passage dans la loge parotidienne, la boutonnière de Juvara et l’es-pace ptérygomaxillaire ; 10. ligament ptérygomaxillaire ; 11. bandelette maxillaire ; 12.flèche signalant le passage dans la gouttière parotidienne puis l’espace rétrostylien ; 13.flèche signalant le passage dans la loge sous-maxillaire puis l’espace para-amygdalien ;14. muscle mylohyoïdien ; 15. ligament stylohyoïdien ; 16. apophyse styloïde ; 17. ca-vité rhinopharyngée ; 18. cavité hypopharyngée ; 19. paroi oropharyngée latérale ; 20.trompe d’Eustache.

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Enfin, du côté palatin, l’infection se collecte en sous-périosté et nediffuse pas.

Tableaux cliniques

CELLULITES AIGUËS

¶ Tableau standard de cellulite circonscrite

Cellulite séreuse

La cellulite séreuse est le stade initial, purement inflammatoire ; lessignes de la desmodontite aiguë prédominent : douleurs violentesspontanées, exacerbées par le contact de la dent antagoniste (dent« trop longue ») et le décubitus ; puis, peu à peu, apparaît unetuméfaction assez mal limitée, comblant les sillons ou dépressionsde la face, effaçant les méplats. La peau en regard est tendue, lisse,rosée ; elle est collée à l’os sous-jacent, douloureuse avecaugmentation de la chaleur locale ; elle est élastique et ne prend pasle godet.L’examen endobuccal retrouve une muqueuse soulevée et rouge auvoisinage d’une dent qui ne répond pas aux tests de vitalité ; elle estlégèrement mobile et la moindre tentative de percussion axiale seraittrès douloureusement ressentie.À ce stade, les signes généraux sont en rapport avec l’intensité de ladouleur qui est calmée incomplètement par les antalgiques.Une radiographie panoramique est nécessaire pour préciser l’état del’os autour de la dent responsable et réaliser un bilan dedébrouillage du reste de la denture.

Cellulite suppurée

En l’absence de traitement approprié, la cellulite suppurée s’installedans les jours qui suivent et les caractères généraux d’un abcès sontmaintenant présents.Le patient qui dort peu depuis plusieurs jours et qui s’alimentedifficilement d’autant plus qu’existe un trismus, est pâle, fatigué,fébrile. Sa douleur est devenue lancinante avec céphalées etsensation de battements au niveau de sa tuméfaction faciale.À ce niveau, la peau est rouge, chaude et luisante ; la palpationprudente permet de constater que cette tuméfaction s’est limitée, ellefait « corps avec l’os » ; les téguments prennent maintenant le godetet, au bout d’un certain temps d’évolution, une fluctuation peut êtreretrouvée.

Dans la cavité buccale, l’examen difficile retrouve un soulèvementmuqueux oblong, rouge et très douloureux qui comble le cul-de-sacvestibulaire au voisinage de la dent causale ; cette constatation peutparfois également être faite au niveau palatin ou au niveau de latable interne de la mandibule.À ce stade, en dehors de signes généraux graves témoignant d’unetoxi-infection, il est crucial de dépister l’installation d’éventuelssignes locaux de gravité, dont la constatation doit permettred’anticiper une évolution pouvant mettre en jeu le pronostic vitalou fonctionnel :

– un érythème qui, à partir de la tuméfaction, tend à s’étendre versla partie basse du cou ou déjà vers les creux sus-claviculaires et lafourchette sternale (fig 7) ;

– une tuméfaction sus-hyoïdienne latérale qui tend à progresser versla région cervicale médiane, ou l’inverse (fig 8) ;

– une crépitation neigeuse au palper de la tuméfaction ;

– une tuméfaction du plancher buccal, qui n’est plus la collectionlimitée au niveau de la table interne de la mandibule et parfois déjàassociée à un œdème lingual débutant (fig 9) ;

– une douleur oropharyngée très vive, qui gêne la déglutitionsalivaire, s’accompagnant d’un trismus serré ;

– une tuméfaction jugale qui ferme l’œil du patient (fig 10).

Évolution

L’évolution spontanée de cet abcès est encore malheureusementobservée ; le plus souvent, la collection se fistulise à la peau et/ou àla muqueuse : cette « soupape de sécurité », si elle permet unsoulagement transitoire, laisse les problèmes en place ; et pour peuqu’un traitement antibiotique « efficace » soit institué, le passage àla chronicité est assuré.

abc

d

ef

g

6 Muscle buccinateur et région génienne, d’après Ginestet.a. Base de l’os malaire ; b. fosse ptérygomaxillaire ; c. fosse canine (muscles zygomati-ques) ; d. vestibule buccal ; e. abcès de Chompret et L’Hirondel ; f. fusée vestibulaire duprécédent ; g. espace interptérygoïdien.

7 Diffusion de l’éry-thème.

8 Diffusion de la tumé-faction cervicale.

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Cette évolution peut également se faire vers des complicationspropres à l’unité anatomique dans laquelle l’infection s’estdéveloppée, ou vers la diffusion de l’infection vers les régionsvoisines, pouvant à son tour gagner les espaces cervicaux, voire lemédiastin.Au total, le diagnostic de cellulite aiguë n’est pas en général trèsdifficile à poser : l’anamnèse, l’examen clinique exo- et endobuccal,un bilan radiographique simple sont suffisamment explicites, mêmeen cas de localisation particulière, comme nous allons le voir.

¶ Tableaux particuliers en fonction de la localisationde l’infection

Cellulites périmandibulaires

• Groupe incisivocanin

La collection (fig 11) se développe du côté de la table externe où ellecontourne les insertions des muscles carré et houppe du menton :au-dessus, elle est superficielle, vestibulaire, donnant un aspect degrosse lèvre ; au-dessous, elle est profonde et se développe dansl’éminence mentonnière, voire la région sous-mentale (fig 12).L’étiologie de la mortification incisive due à un traumatisme oubliéest classique et, en pratique, ce tableau peu fréquent n’appelle pasde discussion diagnostique.

• Groupe prémolomolaire

Différentes localisations peuvent se rencontrer, voire s’associer.Le plus souvent, la collection se situe en dehors de la mandibule.

– Cellulite génienne (fig 13, 14) : la symptomatologie est dominéepar la limitation d’ouverture buccale d’autant plus intense que la

dent est postérieure avec association d’une otalgie réflexe. Lesoulèvement muqueux vestibulaire est centré en regard de la dentcausale (fig 15) ; au bout d’un certain temps d’évolution, parfoisd’emblée, une tuméfaction génienne, au-dessus du bord inférieurde la mandibule, se développe de façon concomitante. L’anatomiede la région explique pourquoi l’« abcès migrateur » oubuccinatomaxillaire de Chompret et L’Hirondel se collecte dans cetterégion après que le pus, issu de l’alvéole de la dent de sagesse, acheminé le long de la gouttière buccinatomaxillaire. En fait, les

9 Œdème du plancher buccal.

10 Œdème orbitaire.

1

2

1

2

11 Cellulites de la région labiomentonnière.A. Cellulite labiale inférieure par infection apicale de l’incisive centrale.B. Cellulite du menton par infection apicale de l’incisive centrale.1. Muscle carré du menton ; 2. muscles de la houppe du menton.

*A*B

12 Cellulite mentonnière.

1

2

13 Cellulite vestibulogé-nienne basse par infectionpériapicale de la premièremolaire inférieure.1. Muqueuse vestibulaire ;2. muscle buccinateur.

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infections provenant des molaires empruntent le même chemin ; cequi peut rendre difficile l’identification de la dent causale.Quoi qu’il en soit, le diagnostic de cette cellulite ne pose pas dedifficulté ; le kyste sébacé abcédé peut être évoqué pour discuter.

– Cellulite massétérine : elle est peu fréquente et, classiquement,l’« accident de la dent de sagesse » en constitue le type dedescription ; cependant, l’anatomie nous apprend que cette dent estlinguale : il faut donc admettre qu’il s’agit plus volontiers d’unaccident sur dent de sagesse en malposition avec racinesvestibulaires. Les autres molaires sont exceptionnellement en cause.Le tableau est dominé par un trismus très serré et des douleursintenses qui rendent compte de la difficulté de l’examen : latuméfaction est plaquée sur la face externe de l’angle mandibulaire(fig 16), tandis qu’une tuméfaction vestibulaire est visible en dehorsdu bord antérieur de la branche montante. Le problème ici est debien voir si la collection n’a pas tendance à s’étendre au niveau dela face interne, ou au niveau de la partie postérieure du plancherbuccal, ce qui change radicalement le degré d’urgence. En effet, lacellulite collectée initialement sous le masséter peut diffuser parl’échancrure sigmoïde vers la région para-amygdalienne et lesespaces infratemporaux. Le tableau de cette cellulite ne peut êtreconfondu avec celui d’une parotidite, qui comble l’espace inter-mandibulo-mastoïdien en soulevant le lobule de l’oreille.L’anamnèse et l’examen endobuccal retrouvant un écoulement depus par l’orifice du canal de Sténon, éliminent cette hypothèsediagnostique.Parfois, l’abcès se collecte en dedans de la mandibule, de part etd’autre du muscle mylohyoïdien. Le trismus, la douleur, rendentégalement l’examen difficile.

– Cellulite sous-mylohyoïdienne (fig 8, 17) : la tuméfaction fait corpsavec le bord basilaire de la branche horizontale et s’étend dansl’espace sus-hyoïdien latéral, pour évoluer vers les tégumentscervicaux. Le plancher buccal est œdémateux simplement : lacollection n’est pas à ce niveau. Ce n’est pas une sous-maxilliteaiguë : la tuméfaction reste séparée du bord inférieur de lamandibule ; ce n’est pas un adénophlegmon cervical, dont le pointde départ se situe au niveau de la région sous-digastrique.

– Cellulite sus-mylohyoïdienne : c’est la « cellulite du plancherbuccal », peu fréquente, dont le danger primordial est l’obstructiondes voies aériennes. La dent de 6 ans en est souvent la cause (fig 18).La tuméfaction est collée à la table interne de la branche horizontale

14 Cellulite génienne.

15 Tuméfaction vestibulaire.

16 Cellulite massétérine.

a

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c d

17 Cellulite sous-mylo-hyoïdienne.a. Muscle mylohyoïdien ; b.loge sublinguale ; c. logesous-maxillaire ; d. fuséesous-cutanée.

a

b

c

18 Cellulite sus-mylo-hyoïdienne, du plancherbuccal.a. Muscle mylohyoïdien ; b.glande sublinguale ; c.glande sous-maxillaire.

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en regard de la dent causale, puis elle gagne le sillon pelvilingual :tuméfaction sous-muqueuse rouge qu’il sera facile de différencierd’une périwhartonite (antécédents, pus à l’orifice du canal deWharton, radiographie occlusale). Enfin, le creux sous-mandibulairese comble. Les signes fonctionnels s’exacerbent : douleur, trismus,dysphagie avec hypersalivation et gêne à l’élocution. Il fautconsidérer cette cellulite comme une urgence absolue dès ce stade ;en effet, plus ou moins rapidement l’œdème s’accroît et la langue setrouve refoulée, d’autant plus vite que la cellulite s’étend versl’oropharynx et vers le plancher buccal antérieur. Le danger est dèslors patent, chez un patient en équilibre ventilatoire précaire, quedes manœuvres difficiles d’intubation peuvent décompenserbrutalement (fig 19).Cellulites postérieures (fig 20).

– Au niveau de la face interne mandibulaire, elles partagent lemême degré de gravité que la cellulite du plancher, dont ellespeuvent être l’extension. Ici encore le trismus serré, la dysphagieintense, l’otalgie violente, rendent compte de l’agitation du maladequi s’oppose à toute tentative de mobilisation. L’examen permetdifficilement d’identifier la molaire responsable, bien souvent la dentde sagesse ; il est possible de visualiser le bombement du pilierantérieur du voile avec l’amygdale déjetée en dedans. Le reste duvoile est normal ; il n’existe pas d’œdème de la luette. Cesconstatations importantes permettent d’écarter le diagnostic dephlegmon périamygdalien et de bien reconnaître l’origine dentaire

du processus infectieux. Au niveau cervical, le phlegmonpériamygdalien s’accompagne d’une adénopathie sous-digastriquetrès douloureuse, mais qui reste mobilisable ; tandis que lephlegmon de la face interne se collecte dans l’espace sous-parotidienantérieur, puis tend à gagner la région sous-maxillaire, qui n’en estque la continuité anatomique : à l’effacement du méplat sous-mandibulaire, succède à plus ou moins brève échéance, unecollection latérale comme il a été vu précédemment. Sachantégalement que l’espace sous-parotidien antérieur est le carrefour desloges anatomiques cervicofaciales, qu’il met en relation avec lesespaces celluleux profonds conduisant au médiastin, l’examentomodensitométrique est indispensable pour connaître les limites dela collection et adapter les voies d’abord pour drainer correctementla collection. Cette cellulite est heureusement d’observationexceptionnelle.

– La cellulite temporale (fig 21) est également exceptionnelle de nosjours ; sa complication primordiale est la myosite rétractile dumuscle temporal responsable d’une constriction permanente. Cettecellulite complique la précédente, ou une cellulite massétérine ;cliniquement, la déformation externe est discrète : il existe uneffacement du méplat suprazygomatique par rapport au côté sain,tandis que les signes déjà évoqués sont retrouvés au niveau duvestibule buccal.

Cellulites périmaxillaires

Par définition, elles ne se rencontrent qu’au niveau externe parrapport à l’os : là où existe du tissu cellulaire. Du côté palatin, lafibromuqueuse, peu extensible, adhère fermement au plan osseux,ce qui limite le décollement, donnant un aspect en « verre demontre ».

• Groupe incisivocanin

De façon analogue aux incisives mandibulaires, la collection issueen général d’une incisive centrale contourne ici le musclemyrtiforme (fig 22) et intéresse, soit, au-dessus de lui, le seuilnarinaire, soit, au-dessous, la lèvre supérieure en « museau de tapir »(fig 23). L’incisive latérale peut parfois donner ce tableau, ou unecellulite vestibulaire, ou, de façon plus spécifique, un abcès palatin.La canine est responsable d’une collection vestibulaire etnasogénienne, s’accompagnant d’un œdème diffusant rapidement àla paupière inférieure.Ces cellulites sont à différencier, bien sûr, d’infections cutanéesstaphylococciques (fig 24) dont elles partagent toutefois le dangerde thrombophlébite de la veine angulaire de la face.

• Groupe prémolomolaire (fig 25, 26, 27)

Les infections périapicales des racines palatines de la premièreprémolaire ou des deux premières molaires sont responsables

19 Évolution d’une cellu-lite du plancher.

20 Phlegmon de la faceinterne de la branche mon-tante.

21 Cellulite temporaledroite.

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d’abcès palatins (fig 28). Du côté externe, tout dépend de la longueurdes racines par rapport à la limite d’insertion maxillaire dubuccinateur : au-dessous se constitue un abcès purementvestibulaire ; au-dessus se forme un abcès jugal qui bombe dans levestibule buccal supérieur et distend la joue en s’étendant vers lapaupière inférieure, dont l’œdème ferme la fente palpébrale au boutd’un certain temps d’évolution. Le danger primordial est celui dephlegmon périorbitaire avec son risque de cécité (fig 10, 29).Chez l’enfant, il est important de souligner la rapidité avec laquellepeut évoluer ce type de cellulite : le traitement ne souffre aucunretard.Enfin, c’est plutôt à l’occasion d’un épisode carieux ou parodontalque la dent de sagesse supérieure se mortifie ; elle peut êtreresponsable d’un exceptionnel abcès infratemporal : lasymptomatologie fonctionnelle est bruyante (trismus, douleurshémifaciales pulsatiles, fièvre), les signes physiques désignant cetterégion profonde apparaissent progressivement : œdème temporal

puis jugal, œdème bipalpébral puis installation d’une exophtalmieet d’une limitation de l’oculomotricité, dysesthésies sous-orbitaires

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22 Cellulite de la région nasolabiale.A. Cellulite labiale supérieure par infection périapicale del’incisive centrale.1. Muscle myrtiforme.B. Cellulite sous-narinaire par infection périapicale del’incisive centrale.

*A *B

23 Cellulite labiale supérieure.

24 Staphylococcie labiale.

1

2

3

4

25 Cellulite vestibulairesupérieure.1. Sinus maxillaire ; 2.muscle buccinateur ; 3. mu-queuse ; 4. fibromuqueusepalatine.

1

2

3

4

26 Cellulite jugale.1. Sinus maxillaire ; 2.muscle buccinateur ; 3. mu-queuse vestibulaire ; 4. fi-bromuqueuse palatine.

27 Abcès sous-périostépalatin.

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et bombement des culs-de-sac vestibulaires supérieur et inférieur.Le scanner est indispensable pour localiser la collection.Le risque primordial est celui de thrombophlébite ptérygoïdienneavec son risque d’extension au sinus caverneux.

Abcès sous-périostés (fig 30)

Ces collections se développent dans des zones où la muqueusebuccale adhère au périoste sans couche de tissu cellulaireintermédiaire : cette disposition existe au niveau palatin, comme il aété vu précédemment, et au niveau de la fibromuqueuse gingivaleattachée ; les parulies sont de petits abcès, surtout rencontrés chezl’enfant, provoqués par l’infection apicale de dents temporaires, quise fistulisent rapidement, puis se reforment en l’absence detraitement, ou se pérennisent sous forme d’une fistule gingivalechronique.

Un tel tableau peut se rencontrer également chez l’adulte dansl’évolution de poches parodontales profondes, ou de dentsrhizalysées.

¶ Cellulites aiguës diffuses

« Par opposition au phlegmon circonscrit, on décrit sous le nom dephlegmon diffus, l’inflammation diffuse du tissu cellulaire, sanstendance aucune à la limitation, compliquée par la nécrose étenduedes tissus enflammés... On le désignait sous le nom de phlegmongangreneux, d’érysipèle phlegmoneux... » (Lecène) [5].Ces infections rares, mortelles pour un tiers des patients, sont àprésent désignées sous le nom de fasciites nécrosantes ; elles ne sontpas spécifiques de la région cervicofaciale, mais dans cettelocalisation, un point de départ dentaire est retrouvé dans deux tiersdes cas [7].

Étiopathogénie [7]

Ces fasciites surviennent plus volontiers chez des patients auxdéfenses amoindries ; parfois, cependant, aucune pathologie associéene peut être retrouvée. Les germes incriminés sont bien entenduissus de la flore buccale, dont principalement le streptocoquepyogène (hémolytique groupe A) le plus souvent associé à desgermes anaérobies tels Fusobacterium, Prevotella, Bacteroides.Comme le soulignaient les auteurs classiques, l’unité pathogéniqueest la nécrose extensive : elle intéresse d’abord l’aponévrosesuperficielle et le tissu hypodermique sus-jacent, où est retrouvéeune thrombose vasculaire provoquée par l’infection, qui vaprovoquer à son tour une nécrose des plans superficiels.Plusieurs notions fondamentales pour la prise en charge peuventêtre déduites de ce qui précède :

– il s’agit d’une toxi-infection avec souvent production de gaz parles anaérobies, ce qui aggrave les décollements et la nécrose ;

– l’extension est rapide et profonde : les signes cliniques sont enretard ; c’est insister sur l’importance d’un scanner demandéprécocement pour faire le bilan de cette extension au niveau cervicalet savoir si le médiastin est déjà menacé ;

– le geste chirurgical de débridement, fondamental pour lepronostic, doit anticiper l’extension plutôt que la suivre : c’est ungeste lourd de conséquence.

Clinique

D’emblée, les signes généraux sont intenses, témoignant d’unsyndrome septique grave pouvant conduire à un état de choc. Auniveau de la région de départ, il existe un œdème et surtout unerougeur qui diffuse au niveau des téguments cervicaux, au sein delaquelle il existe parfois des phlyctènes hémorragiques ; la palpationpeut retrouver la crépitation neigeuse. Un peu plus tard s’installentquelques taches cyaniques témoignant de la nécrose superficielle.C’est sans attendre qu’il faut prendre en charge le patient encollaboration avec le réanimateur ; obtenir le scanner

28 Abcès sous-périostépalatin.

29 Voie de propagation orbitaire des cellulites dentaires.

30 Parulie.

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cervicothoracique en urgence qui permet de situer le niveau desdécollements et des poches hydroaériques par rapport au médiastinet guide l’intervention.Cette situation dramatique a conduit à des descriptions de tableauxcliniques particuliers en fonction de la région anatomique de départde l’infection ; nous les rappelons brièvement.

• Phlegmon du plancher buccal de Gensoul (« Ludwig’s angina » desAnglo-Saxons)

L’infection à point de départ d’une molaire inférieure gagne lesloges sus- et sous-mylohyoïdiennes pour s’étendre très rapidementvers la région sous-mentale et le tissu cellulaire centrolingual, puisvers le côté opposé ; tandis que l’extension en profondeur démarre àpartir de l’espace para-amygdalien et à partir de la loge hyo-thyro-épiglottique vers l’espace prétrachéal.Tous les signes cliniques décrits précédemment sont ici exacerbés,l’œdème pelvilingual est majeur ; la dyspnée s’aggrave rapidement.

• Cellulite diffuse faciale (de Ruppe, Petit-Dutaillis, Leiboviciet Lattès, Cauhépé)

La molaire inférieure est toujours en cause ; la cellulite, d’abordjugale, diffuse rapidement vers la région massétérine et vers la fosseinfratemporale. Son extension cervicale mais surtout endocrânienneconditionne le pronostic.

• Cellulite diffuse péripharyngienne (angine de Sénator)

Elle succède à une infection amygdalienne ou de la dent de sagesse ;dyspnée, dysphonie et dysphagie sont présentes. Le pharynxapparaît rouge, tuméfié sur toute sa surface ; le cou est« proconsulaire ». L’extension médiastinale est particulièrementrapide.Ces fasciites diffuses ne sont pas à proprement parler des cellulitesinitialement circonscrites, qui se sont étendues aux loges voisinesfaciales, voire cervicales qui constituent l’entité appelée cellulitesdiffusées : il manque à ces dernières la composante de nécroseextensive. Cependant, l’expérience montre que l’on peut se trouveren présence de tableaux « intermédiaires », du fait d’une évolutionspontanée plus longue, ou du fait d’un traitement inapproprié quiaura sélectionné des germes plus agressifs, anaérobies notamment,ou amoindri les défenses immunitaires.

CELLULITES SUBAIGUËS

Le point de départ est une cellulite aiguë circonscrite standard qui,soit évolue spontanément, soit ne bénéficie pas d’un traitementcomplet.La persistance du foyer causal assure l’ensemencement infectieux,malgré le renouvellement des cures d’antibiotiques et pour cause :la collection purulente initiale s’est réduite, parfoisconsidérablement, et tend à s’entourer d’une gangue inflammatoirequi évolue plus tard vers la sclérose, pérennisant l’affection et créantune barrière efficace au traitement médical.Actuellement, deux tableaux cliniques sont habituellementrencontrés.

¶ Tuméfaction qui traîne

C’est au bout de plusieurs semaines après le début de l’affectionque le patient consulte, par exemple, pour un trismus serré si unemolaire (inférieure bien souvent) est en cause, une tuméfaction etdes douleurs latérofaciales, associées à un fébricule ; le foyerinfectieux persiste, ou a été traité. L’évolution après la thérapeutiquemise en œuvre n’a pas été franchement favorable amenant à laprescription de nouveaux antibiotiques, d’anti-inflammatoires nonstéroïdiens, voire de corticoïdes dans le but de faire céder un trismusinquiétant.À l’examen, la tuméfaction faciale est dure, mal limitée, un peusensible, la peau en regard est peu inflammatoire ; les doigts

n’impriment pas de godet et ne retrouvent pas de fluctuation. Enendobuccal, un comblement vestibulaire indique la région causale,où, soit la dent est toujours là, soit le site d’avulsion n’est pas encorecicatrisé et inflammatoire [3].Un examen radiographique est indispensable pour préciser l’état del’alvéole et de l’os environnant : persiste-t-il un foyer infectieux(granulome, kyste, séquestre osseux si l’avulsion a été difficile) ? Uneostéite est-elle en train de se constituer ?Le terrain sur lequel se développe cette infection traînante doit êtreprécisé.Il faut prévenir le patient qu’un geste de révision s’impose sur lacollection et le foyer initial, puis lui expliquer qu’une rééducationtrès attentive doit être mise en œuvre pour récupérer son amplituded’ouverture buccale, qui peut rester limitée toutefois si une myosites’est installée.Au cours du geste de révision, il faut procéder à des prélèvementsbactériologiques à la recherche d’une infection spécifique, ainsi qu’àdes prélèvements pour examen anatomopathologique.

¶ Collection sous-cutanée (fig 31)

Elle peut constituer une évolution de la forme précédente.La collection est située directement sous les téguments au niveaud’une zone de moindre résistance comme le quadrilatère deChompret dans la région génienne, ou la région mentale, plusrarement dans la région sous-maxillaire ou nasogénienne.L’inspection révèle une tuméfaction nodulaire, assez bien limitée,rougeâtre, avec une couverture cutanée amincie sur son sommet. Lapalpation peut mettre en évidence à ce niveau une fluctuation.L’examen endobuccal est superposable à celui de la formeprécédente.

¶ Évolution

Elle se peut se faire vers le réchauffement : c’est le retour au tableauaigu avec ses conséquences et ses complications.Le passage à la chronicité donne un tableau assez voisin avec laperception par le patient d’un noyau dans sa joue, puisinsidieusement se constitue une fistule au fur et à mesure que lapeau se déprime et s’infiltre.Une autre éventualité, rare actuellement, est l’installation etl’évolution sur le mode subaigu d’un placard tégumentaire infiltré,rougeâtre, mal limité, à la surface mamelonnée ; un peu de pus oude liquide séreux louche fait issue du centre de certains de cesplacards.Hormis une infection d’origine cutanée, une infection spécifique(fig 32, 33) doit être évoquée et recherchée par les prélèvementsbactériologiques adéquats après contact avec le laboratoire.

31 Collection subaiguë sous-cutanée.

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FISTULES D’ORIGINE DENTAIRE

Ce ne sont pas des affections très fréquentes. Elles sontdiagnostiquées souvent à l’occasion d’une n-ième pousséeinfectieuse, pour laquelle un avis spécialisé est demandé ; en effet,la plupart du temps, le patient est négligent vis-à-vis de sa denture,comme de ce « bouton », qui est là depuis longtemps et qui nel’inquiète pas parce que la pommade qui lui a été prescrite résoutrapidement les épisodes infectieux, au cours desquels il constate unpetit écoulement séropurulent.L’épisode aigu initial, qui a été calmé par un traitement antibiotique,est complètement oublié. Cependant, la fistule peut aussi être laconséquence d’un foyer qui s’est constitué à bas bruit.

¶ Au niveau muqueux

L’aspect de la fistule a été évoqué lors de l’étude des parulies ; ellesiège pratiquement toujours au centre d’une saillie bourgeonnanteplus rouge que la muqueuse environnante.

¶ Au niveau du revêtement cutané

L’aspect clinique (fig 34A) est celui d’une pustule centrée par unorifice fistuleux inflammatoire, d’où peut sourdre un peu desérosité ; parfois, la lésion cutanée prend l’aspect d’unbotryomycome qui masque l’orifice de la fistule ; parfois enfin, trèsancienne, elle prend un aspect infundibuliforme au sein d’une zonecutanée rétractée qui adhère à l’os sous-jacent.La topographie de ces fistules est logiquement la même que celledes cellulites ; ce qui permet dans une certaine mesure d’évoquer tel

ou tel groupe dentaire mandibulaire (mentonnières, sous-mandibulaires, géniennes basses), ou maxillaire (géniennes hautes,nasogéniennes, très rarement sous-palpébrales). Cependant, destrajets fistuleux moins directs, voire erratiques, peuvent êtreobservés.Le diagnostic repose encore une fois sur les données del’interrogatoire, de l’examen clinique retrouvant un cordon joignantla fistule au foyer causal, confirmé par la radiographie (fig 34B).En pratique, il faut écarter l’infection spécifique déjà vue, une fistuledu premier arc branchial dans la région sous-mandibulaire ; unaspect atypique, rétracté, atone, doit faire évoquer un épithéliomadans les régions génienne ou nasogénienne et conduire à une biopsieau moindre doute diagnostique.

TraitementLe traitement médicochirurgical de l’infection associé à celui de saporte d’entrée est un principe intangible.

TRAITEMENT DES CELLULITES AIGUËS CIRCONSCRITES

¶ Méthodes

Vis-à-vis de la cellulite

• PonctionElle peut être proposée pour confirmer une collection, pour effectuerun prélèvement bactériologique avant le drainage ; il s’agit d’ungeste diagnostique qui est insuffisant comme moyen d’évacuationde la collection.

32 Actinomycose.

33 Tuberculose jugale.34 A. Fistule chronique.

B. Granulome apical responsable.

*A

*B

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• Drainage chirurgical

Endobuccal, cervical ou les deux associés, il doit être effectué dansles conditions d’asepsie habituellement respectées pour touteintervention dans cette zone. L’anesthésie doit être adaptée àl’ampleur prévisible du geste.Drainage endobuccal.

– En vestibulaire, au niveau maxillaire et au niveau de l’arcantérieur mandibulaire, le bistouri incise horizontalement ausommet de la tuméfaction directement vers la corticale externe sur2 cm ; la spatule-rugine décolle le périoste le plus largement possiblependant que l’aide aspire la collection ; il faut être prudent dans larégion d’émergence du nerf alvéolaire inférieur. L’incision est laisséebéante ; il n’est pas indispensable de mettre en place une lame ouune mèche si le décollement a été suffisamment large : il s’agit d’ungeste rapide, réalisable au fauteuil.Au niveau maxillaire, l’incision vestibulaire permet de contrôlertoutes les collections.

– En lingual, il convient de procéder de la même manière, sachantcependant que le décollement doit se faire avec précaution bien aucontact de la table interne.Il est préférable de décaler l’incision muqueuse en vestibulaire oulingual par rapport à l’alvéole de la dent causale si une extractionest pratiquée dans le même temps : le décollement sous-périosté estainsi plus facile à réaliser, parce que la muqueuse offre plus de laxitéque si le décollement est effectué à partir de l’alvéole au niveau dela muqueuse attachée ; par cette méthode également, l’orifice dedrainage se referme moins vite.

– Au niveau palatin, il est conseillé d’exciser un quartier d’orangede fibromuqueuse au sommet de la tuméfaction : le drainage estplus complet et la muqueuse, en se réappliquant sur la voûte, nebouche pas l’orifice de drainage ; ce qui est habituel en cas d’incisionsimple. La cicatrisation muqueuse évolue en règle rapidement sansnécessiter de protection particulière de la voûte.

– Au niveau postérieur, il faut bien repérer la saillie du bordantérieur de la branche montante et inciser verticalement vers leversant externe ou interne de ce repère, en fonction de la situationde la collection. Ensuite, la rugine décolle largement en sous-périosté ; puis, il est conseillé de contourner le bord antérieur pourdécoller le versant opposé de la branche montante, où une petitecollection, qui était passé inaperçue au cours de l’examen clinique,peut parfois être retrouvée et évacuée. Là encore, un décollementlarge permet de se passer de tout matériel endobuccal.En pratique, dans cette situation, les conditions d’examen sontdifficiles, l’exposition réduite par le trismus, la cellulite souventcollectée au niveau cervical : l’intervention est menée le plus souventsous anesthésie générale permettant une exploration complète.Exceptionnellement, l’extension de ce type de cellulite dans la fossetemporale amène à réaliser un drainage externe par une incisionhorizontale suprazygomatique associée aux voies d’abordendobuccales précitées ; une lame de drainage est passée sousl’arcade zygomatique pour rejoindre le vestibule buccal postérieur.Drainage cervical.Il est mené par une incision horizontale parallèle au bord inférieurde la mandibule, au point déclive de la tuméfaction, comme pourun abcès standard. La longueur de l’incision n’a pas besoin d’êtretrès importante, mais suffisante pour permettre au chirurgien d’ypasser l’index. Les plans sous-cutanés sont discisés avec une pince àhémostase, ce qui donne accès à la collection qui est aspirée, aprèsun éventuel prélèvement bactériologique.Au fauteuil, habituellement, il est difficile d’en faire beaucoup plus ;chez le patient endormi, l’opérateur peut explorer au doigt la cavitéde l’abcès et en effondrer tous les cloisonnements, réalisant de cefait un geste de drainage beaucoup plus efficace.L’ intervention se termine par la mise en place d’un dispositif pourlavages aux antiseptiques et aspirations journaliers : une lameondulée, ou deux petits tubes de silicone souple, en « canon defusil », font l’affaire.

Comme il a été vu, les cellulites des espaces postérieurs se collectentdans l’espace para-amygdalien ; la région sous-mandibulaire est enrègle le point déclive de cet abcès : il est aisé de contrôler ces espacesprofonds à partir d’une incision de cette région.Plusieurs incisions cervicales étagées et/ou controlatérales peuventêtre réalisées suivant la situation et l’extension de la collection. Demême, une incision endobuccale concomitante est souventnécessaire pour contrôler correctement une collection étendue.Enfin, il est indispensable de surveiller attentivement les suitesopératoires pour voir à temps si le drainage effectué est satisfaisantou doit être repris ou élargi.Anesthésie.Anesthésie locale : elle peut être administrée au fauteuil. Lesproduits les plus couramment utilisés sont : lidocaïne (Xylocaïnet),procaïne (Novocaïnet), mépivacaïne (Scandicaïnet), surtout, dansnotre spécialité, en solution adrénalinée ou non, suivant l’effetrecherché (augmentation du pouvoir anesthésique, vasoconstrictionlocale). L’efficacité de ces produits est médiocre en phase aiguë : cesont des bases faibles qui sont inactivées pour partie par l’acidoselocale au niveau du sepsis. En pratique, il n’est guère possibled’effectuer plus qu’une injection intramuqueuse « traçante » àl’endroit de l’incision : l’anesthésie est précaire et le geste prévu doitêtre rapide. Les blocs tronculaires aux anesthésiques locaux sontplus efficaces en théorie mais nécessitent de maîtriser parfaitementla technique dans des conditions d’exposition parfois difficiles.Une anesthésie de contact par le froid peut également être appliquéeau niveau tégumentaire ; toutefois, l’application de froid estdouloureuse, l’anesthésie est superficielle et de très courte durée :elle peut servir pour l’incision, pas beaucoup plus.Rappelons enfin que toute sédation complémentaire intraveineusedoit être proscrite au cabinet pour tout acte chirurgical, si lesconditions de sécurité maximale et de compétence ne sont pasrespectées.Anesthésie générale : les antécédents médicochirurgicaux sontcolligés et notés sur l’observation du patient servant de relais envue de la consultation d’anesthésie :

– terrain atopique et/ou allergique ;

– passé cardiovasculaire et notamment valvulopathie aortique oumitrale, coagulopathie ;

– diabète insulinodépendant, immunosuppression ;

– état nutritionnel, etc.Une éventuelle intubation difficile est systématiquement recherchée :

– le critère de Mallampati, qui reste le critère de base en vue d’uneintubation difficile, n’est pas un bon moyen compte tenu d’untrismus associé possible aux cellulites dentaires ;

– l’ouverture buccale peut être limitée ; il faut coter cette ouverture ;

– la mobilité du rachis cervical ;

– la localisation de la cellulite a son importance ; une cellulite duplancher buccal, du fait de sa diffusion dans les parties molles, peutentraîner des difficultés d’intubation et surtout poser des problèmeslors de l’extubation (risque d’œdème postopératoire).Les traitements associés pris par le patient sont notifiés et font l’objetd’un éventuel relais avant l’intervention : traitementantihypertenseur, traitement anticoagulant, insulinothérapie,fractions coagulantes intraveineuses (maladie de Willebrand parexemple).L’anesthésie générale permet, compte tenu de la douleurpériopératoire, d’augmenter le confort du patient, en permettant auchirurgien d’effectuer un geste complet en un seul temps.Bien entendu, les règles de sécurité de base doivent être respectées(décret sécurité en anesthésie, jeûne du patient, consultationpréopératoire, passage en salle de surveillance postinterventionnelle[SSPI].)La réanimation peropératoire est relativement simple :

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– voie veineuse, réhydratation périopératoire ;

– poursuite de l’apport de dérivés sanguins (fractions coagulantes) ;

– poursuite de l’antibiothérapie en cours ;

– début d’une analgésie suffisante à commencer en peropératoire.Pour la période de réveil, il faut distinguer les drainages par voieexterne associés ou non à des avulsions dentaires, le drainageendobuccal de la cellulite avec les risques d’inhalation pulmonaireseptique, et les cellulites du plancher buccal qui posent desproblèmes de réveil et d’extubation compte tenu de l’œdèmepériopératoire. Ces patients sont admis en unités de soins intensifsen cas de problèmes et peuvent n’être extubés qu’après la disparitionde la composante œdémateuse.Analgésie postopératoire.Comme pour l’intervention chirurgicale, la douleur postopératoiredoit être prise en compte, de façon systématique en sortie de blocopératoire puis de façon plus rationnelle dans les suites en faisantappel aux échelles visuelles analogiques de la douleur.Les médicaments non morphiniques les plus utilisés sont, dans lesformes intraveineuses :

– propacétamol (Pro-Dafalgant) ;

– chlorhydrate de tramadol (Topalgict) ;

– néfopam (Acupant).Les dérivés morphiniques par voie générale :

– morphiniques morphine et dérivés (codéine) ;

– morphiniques agonistes-antagonistes (nalbuphine,buprénorphine).Les médicaments assurant le relais per os (pris dès que possible) ouprescrits au cabinet peuvent être :

– dérivés codéinés (Efferalgan Codéinet) ;

– dextropropoxyphène (Antalvict, Di-Antalvict).Les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) (kétoprofène,diclofénac, acide niflumique) ne sont pas indiqués dans ce type depathologie car ils augmentent le risque de saignement enpostopératoire et diminuent les réponses de l’organisme à l’infection.

Vis-à-vis de l’infection

• En ambulatoire, au cabinet

La prescription d’une antibiothérapie est probabiliste et, comptetenu des germes habituellement en cause, peuvent être proposés :amoxicilline + acide clavulanique (1,5 g/j), spiramycine +métronidazole (6 cp/j), clindamycine (0,6 à 1,2 g/j), pristinamycine(1-2 g/j).La durée de prescription, initialement de 5 jours, est à revoir enfonction de l’évolution et des résultats d’un éventuel prélèvementbactériologique.

• Au cours d’une hospitalisation

Pour drainage au bloc opératoire d’une cellulite déjà plus grave eten attendant les résultats de la bactériologie, le schéma suivant peutêtre proposé :

– ampicilline :

• 2 g intraveineux en 30 minutes préopératoire ;

• 1 g intraveineux ou per os toutes les 8 heures ;

• association possible aux imidazolés, 0,5 g toutes les 8 heures ;

– amoxicilline :

• 2 g intraveineux en 30 minutes préopératoire ;

• 1 g intraveineux ou per os toutes les 8 heures ;

• association possible à l’acide clavulanique ;

– vancomycine :

• en cas d’allergie aux pénicillines ;

• 1 g intraveineux toutes les 12 heures ;

• association possible aux imidazolés, 0,5 g toutes les 8 heures.Ce traitement doit être adapté dès les résultats bactériologiquesconnus. La voie d’administration et la durée du traitement varientsuivant le type d’infection, son extension et son évolution soustraitement.Chez les patients immunodéprimés, il faut couvrir les bacilles àGram négatif aérobies et anaérobies par une bêtalactamine à largespectre : uréidopénicilline +/- inhibiteurs de bêtalactamases.Toute infection dentaire chez un valvulaire nécessite évidemmentdes précautions appropriées.Le traitement antiseptique est dans tous les cas un adjuvantprimordial, tant en bains de bouche (à débuter quelques heuresaprès l’intervention), qu’en irrigation par le système de drainage misen place et, au mieux, deux fois par jour jusqu’à son ablation.

Vis-à-vis de la porte d’entrée infectieuse

C’est, au minimum, la trépanation dentaire avec le drainage pulpaireet, au maximum, l’extraction dentaire avec le curetage chirurgicalde l’alvéole et du tissu parodontal.Au cabinet, le traitement dentaire est assez souvent impossible àréaliser dans le même temps que le drainage : l’anesthésie localen’est pas suffisante, contraignant à attendre un « refroidissement »sous traitement médical, avant de réaliser un geste complet.En fin de compte, la décision de conservation de la dent estfonction :

– d’abord, des conditions générales : la gravité du tableau infectieux,une pathologie associée peuvent contre-indiquer formellement delaisser subsister plus longtemps un foyer infectieux patent ;

– ensuite, des conditions locales : la dent peut ne pas êtrerécupérable du fait de l’ampleur de la destruction carieuse, du faitde l’extension de l’alvéolyse périapicale, notamment étendue auxfurcations radiculaires, ou du fait de la parodontolyse. Laconservation peut être difficile au cas où une reprise de traitementcanalaire est indispensable, notamment sur une pluriradiculée,et/ou quand la morphologie radiculaire laisse prévoir un échecpossible ;

– enfin, de l’attitude du patient vis-à-vis de l’entretien de sa dentureet de sa décision éclairée par l’explication des critères généraux etlocaux énoncés ci-dessus.Malheureusement, il est encore assez fréquent qu’au cours d’uneintervention pour traitement d’une cellulite, on soit amené àéradiquer, avec l’accord du patient, d’autres foyers infectieux quifont peser la menace d’une évolution aiguë semblable dans un délaiplus ou moins long.

¶ Indications

Quel est le degré d’urgence ? Quels moyens utiliser ? La réponse àces questions dépend de l’état du patient, du stade de la cellulite, desa situation et de son extension, de l’ampleur du geste à prévoir etde ses conséquences.Première situation : il s’agit d’une urgence dont la prise en charge enmilieu hospitalier ne se discute pas.

– Le patient est en mauvais état général du fait d’une infectionsévère et/ou parce qu’il est fatigué, dénutri ;

– il existe des signes cliniques locaux de gravité ; la cellulite estégalement inquiétante de par sa localisation postérieure, son volumeet son extension à plusieurs loges anatomiques.Deuxième situation : l’hospitalisation pour drainage sous anesthésiegénérale et surveillance est recommandée :

– chez l’enfant, le vieillard, le patient atteint d’une pathologiepréexistante qui demande le traitement réglé de l’infection en untemps ;

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– quand la cellulite traîne depuis des jours avec un traitementincomplet, ou malgré un traitement paraissant bien conduit,indiquant une révision du drainage ;

– quand le drainage impose une incision sur deux sites ;

– quand, en ambulatoire, le trismus laisse prévoir une difficultédans le contrôle de l’anesthésie locale et du drainage ; quand cesmêmes conditions sont susceptibles d’aggraver la prise en charged’une complication per- ou postopératoire.Troisième situation : les conditions précédentes étant éliminées, lasituation est favorable à une prise en charge ambulatoire :

– la cellulite est au stade séreux, le drainage dentaire est réalisableet amène la guérison ;

– la cellulite peut être contrôlée par une seule voie d’abord ;

– le patient accepte d’être suivi pour la surveillance du drainage etle traitement secondaire de la dent responsable.

TRAITEMENT DES CELLULITES AIGUËS DIFFUSES

Ces urgences vitales imposent une prise en charge en réanimation,par une équipe médicochirurgicale coordonnée.

¶ Traitement médicalC’est tout d’abord le traitement d’un choc septique par les moyensde réanimation habituels.Parallèlement, l’antibiothérapie doit limiter la progression del’infection et combattre un état septicémique.Il est proposé, par la conférence de consensus sur les fasciitesnécrosantes [9], le schéma suivant concernant notre régionanatomique : association pénicilline G et clindamycine ouéventuellement rifampicine, en attendant les résultats des culturesdes prélèvements opératoires.Sachant que l’isolement des anaérobies est difficile, le traitement doitcomporter systématiquement un antibiotique dirigé contre eux.L’oxygénothérapie hyperbare [10] est classiquement recommandéepour lutter contre l’infection anaérobie : la disponibilité d’un caissonhyperbare, la variabilité des protocoles ne permettent pas deconfirmer scientifiquement l’impression favorable procurée par cetraitement adjuvant. En aucun cas, cependant, il ne doit retarder legeste chirurgical.

¶ Traitement chirurgicalLa précocité et la qualité du geste chirurgical sont les élémentsdéterminants du pronostic.L’intervention consiste à traiter la porte d’entrée et à débrider toutesles zones où existent des décollements et exciser tous les tissusnécrosés jusqu’à l’obtention de tranches tissulaires qui saignent ; lessacrifices tégumentaires, musculaires, peuvent être importants : ilsne peuvent être évités sous peine de se laisser dépasser par leprocessus infectieux et de perdre le contrôle de la situation que nerétablit pas l’antibiothérapie. Tant qu’il reste du tissu nécrosé, lepronostic est engagé : c’est dire que la prise en charge initiale doitêtre réalisée par un chirurgien aguerri, qui suit lui-même l’évolutiondu patient et sait s’il doit compléter son geste les jours suivants ; leréanimateur compte sur son expérience et sa disponibilité.La trachéotomie, elle, peut prêter à discussion : elle est accusée defavoriser l’ensemencement septique du médiastin antérieur enraison du décollement de l’espace prétrachéal ; cependant, ellepermet une ventilation assistée dans de meilleures conditions etassure une liberté des voies aériennes stable mettant à l’abri lepatient d’une éventuelle réintubation difficile [2].La réalisation de ce geste de façon réglée, au bloc opératoire, doitpermettre d’en minimiser le risque.

TRAITEMENT DES CELLULITES SUBAIGUËSET CHRONIQUES

Il repose sur le traitement ou la reprise de traitement du foyer causaldont il faut faire une révision chirurgicale, sous couvert d’uneantibiothérapie qui est adaptée à la population bactérienneretrouvée.Dans le même temps, un débridement sous-périosté associé à undrainage externe si besoin, doit être réalisé, ou renouvelé.La rééducation de la mobilité mandibulaire est entreprise dès quepossible.

TRAITEMENT DES FISTULES

Le traitement du foyer responsable amène la plupart du temps et àlui seul la guérison de la fistule. Ce n’est qu’en cas de fistule cutanéeancienne avec adhérence importante qu’une intervention secondairecorrectrice peut se discuter.

Références[1] Agence française de sécurité sanitaire des produits de

santé.Prescriptiondesantibiotiquesenodontologieet sto-matologie : recommandations et argumentaire. Méd MalInfect 2002 ; 32 : 125-160

[2] Bado F, Fleuridas G, Lockhart R, Chikhani L, Favre-Dauvergne E, Bertrand JC et al. Cellulites cervicales diffu-ses, à propos de 15 cas. Rev Stomatol Chir Maxillofac 1997 ;98 : 266-268

[3] Chen N, Peron JM. Non-cicatrisation de la muqueusebuccale après avulsion dentaire. Rev Stomatol Chir Maxillo-fac 2000 ; 101 : 33-35

[4] Couly G. Anatomie topographique maxillofaciale. EncyclMéd Chir (Éditions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS,Paris), 22-001-C-10, Stomatologie, 1978

[5] DechaumeM.Complicationscellulairesdes infectionsden-taires et péridentaires. In : Précis de stomatologie. Paris :Masson, 1966 : 323-362

[6] Kwiatkowski D. Susceptibility to infection. Br Med J 2000 ;321 : 1061-1065

[7] Parhiscar A, Har-El G. Deep neck abscess: a retrospectivereview of 210 cases. Ann Otol Rhinol Laryngol 2001 ; 110 :1051-1054

[8] Rutkauskas JS.Oral infection. InfectDisClinNorthAm1999;13 : 757-923

[9] Société de pathologie infectieuse de langue française etsociété française de dermatologie. Conférence de consen-sus. Érysipèle et fasciite nécrosante : prise en charge. MédMal Infect 2000 ; 30 : 241-245

[10] Whitesides L, Cotto-Cumba C, Myers RAM. Cerval necro-tizing fasciites of odontogenic origin: a case report andreviewof12cases. JOralMaxillofacSurg2000;58:144-151

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