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«E n 2016, côté bioprotection c’était le flou artistique, se rappelle Nicolas Richard, chargé de recherche à Inter Rhône. Il était difficile d’avoir des informations précises sur l’im- plantation des levures, leur déve- loppement, leurs besoins nutri- tionnels et leur impact sur l’aromatique du vin fini. » Au- jourd’hui, grâce aux travaux me- nés par cet acteur avec l’ICV, l’IFV, SudVinBio et la chambre d’agriculture des Pyrénées- Orientales, le flou se dissipe. Fin 2019, ces cinq organismes ont publié une synthèse des 68 vinifications qu’ils ont réalisées ou suivies de 2015 à 2017 (voir encadré ci-dessous) en testant trois catégories de levures : des Saccharomyces, des non-Saccha- romyces peu fermentaires (Metschnikowia et Pichiia) et une non-Saccharomyces fermentaire (Torulaspora). Lors de chaque essai, ils ont comparé le non- sulfitage, la bioprotection sans sulfitage et le sulfitage à l’encu- vage. Une étude de 40 pages dont on peut tirer quatre grands enseignements. u u SACCHAROMYCES Simple et efficace « Bioprotéger avec une Saccharo- myces, cela marche très bien », annonce Nicolas Richard. L’étude confirme qu’« elle s’im- plante systématiquement dans le moût », qu’elle ait été ajoutée à la vendange après réhydratation ou par simple saupoudrage à sec. Au point qu’elle pose un problème : « Lors de nos essais, sur blanc et rosé, la fermentation a démarré en plein débourbage, même à 7-8 °C », indique Nicolas Richard. De ce fait, les auteurs de l’étude conseillent de réser- ver aux rouges la bioprotection avec S. cerevisiae. Qu’y gagnent les vins à la dégus- Une expérimentation d’envergure Entre 2015 et 2017, la région Occitanie a financé un projet de recherche baptisé « Maîtrise et gestion innovantes des populations microbiennes en bio », destiné à évaluer la bioprotection. Cinq organismes (CA 66, Inter Rhône, ICV, IFV et SudVinBio) se sont associés pour réaliser ou suivre 68 vinifications dont 6 en caves coopératives et particulières, sur 12 cépages. Fin 2019, ils ont publié la synthèse de leurs résultats dans un document intitulé Bioprotection et gestion des fermentations alcooliques en bio, disponible en intégralité sur le site de l’IFV. Dans tous les cas, les expérimentateurs ont comparé trois modalités : le témoin sans sulfites, une modalité bioprotégée (entre 10 et 30 g/100 kg de vendange en non réhydratation et 5 à 15 g/100 kg en réhydratation) et une modalité sulfitée (entre 4 et 5 g/hl). Quatre instituts techniques et un laboratoire font le point après trois ans d’essais sur la bioprotection. Cette technique paraît plus adaptée aux rouges qu’aux blancs et aux rosés. 44 LA VIGNE - N° 332 - JUILLET-AOÛT 2020 VIN Spécial levures Sommaire p. 44 Bioprotection Où en est-on ? p. 48 Thiols Des levures à la pointe p. 50 Vins rouges Le fruité tourne rond p. 51 Deux souches pétillantes Deux levains liquides p. 52 Un mix audacieux Bioprotect i Où en est-on ?

Cettetechniqueparaîtplusadaptée «E - Vitisphere · 2020. 8. 26. · «E n2 016, côté bioprotection c’était le flou artistique, se rappelle Nicolas Richard, chargé de recherche

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«E n 2016, côtébioprotectionc’était le flouartistique, se

rappelle Nicolas Richard,chargé de recherche à InterRhône. Il était difficile d’avoir desinformations précises sur l’im-plantation des levures, leur déve-loppement, leurs besoins nutri-tionnels et leur impact surl’aromatique du vin fini. » Au-jourd’hui,grâceauxtravauxme-nés par cet acteur avec l’ICV,l’IFV, SudVinBio et la chambred’agriculture des Pyrénées-Orientales, le flousedissipe.Fin 2019, ces cinq organismesont publié une synthèse des 68vinifications qu’ils ont réaliséesou suivies de 2015 à 2017 (voirencadré ci-dessous) en testanttrois catégories de levures : desSaccharomyces, des non-Saccha-romyces peu fermentaires(Metschnikowia etPichiia) et unenon-Saccharomyces fermentaire(Torulaspora). Lors de chaqueessai, ils ont comparé le non-

sulfitage, la bioprotection sanssulfitage et le sulfitage à l’encu-vage. Une étude de 40 pagesdont onpeut tirer quatre grandsenseignements.

uuSACCHAROMYCES

Simple et efficace

« Bioprotéger avec une Saccharo-myces, cela marche très bien »,annonce Nicolas Richard.L’étude confirme qu’« elle s’im-plante systématiquement dans lemoût», qu’elleaitétéajoutéeà lavendange après réhydratationou par simple saupoudrage àsec. Au point qu’elle pose unproblème : « Lors de nos essais,sur blanc et rosé, la fermentationa démarré en plein débourbage,mêmeà7-8°C», indiqueNicolasRichard. De ce fait, les auteursde l’étude conseillent de réser-ver aux rouges la bioprotectionavecS. cerevisiae.Qu’y gagnent les vins à ladégus-

Une expérimentation d’envergureEntre 2015 et 2017, la région Occitanie a financé un projet derecherche baptisé « Maîtrise et gestion innovantes des populationsmicrobiennes en bio », destiné à évaluer la bioprotection. Cinqorganismes (CA 66, Inter Rhône, ICV, IFV et SudVinBio) se sont associéspour réaliser ou suivre 68 vinifications dont 6 en caves coopératives etparticulières, sur 12 cépages. Fin 2019, ils ont publié la synthèse deleurs résultats dans un document intitulé Bioprotection et gestiondes fermentations alcooliques en bio, disponible en intégralité sur le sitede l’IFV. Dans tous les cas, les expérimentateurs ont comparé troismodalités : le témoin sans sulfites, une modalité bioprotégée (entre 10et 30 g/100 kg de vendange en non réhydratation et 5 à 15 g/100 kgen réhydratation) et une modalité sulfitée (entre 4 et 5 g/hl).

Quatre instituts techniques etun laboratoire font le point aprèstrois ans d’essais sur la bioprotection.Cette technique paraît plus adaptéeaux rouges qu’aux blancs et aux rosés.

44 LAVIGNE - N° 332 - JUILLET-AOÛT 2020

VIN

SpéciallevuresSommairep. 44 BioprotectionOùen est-on?

p. 48 ThiolsDes levures à la pointe

p. 50 Vins rouges Le fruité tournerond

p. 51 Deux souchespétillantesDeux levains liquides

p. 52 Unmix audacieux

Bioprotect iOùenest-on ?

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«E n 2016, côtébioprotectionc’était le flouartistique, se

rappelle Nicolas Richard,chargé de recherche à InterRhône. Il était difficile d’avoir desinformations précises sur l’im-plantation des levures, leur déve-loppement, leurs besoins nutri-tionnels et leur impact surl’aromatique du vin fini. » Au-jourd’hui,grâceauxtravauxme-nés par cet acteur avec l’ICV,l’IFV, SudVinBio et la chambred’agriculture des Pyrénées-Orientales, le flousedissipe.Fin 2019, ces cinq organismesont publié une synthèse des 68vinifications qu’ils ont réaliséesou suivies de 2015 à 2017 (voirencadré ci-dessous) en testanttrois catégories de levures : desSaccharomyces, des non-Saccha-romyces peu fermentaires(Metschnikowia etPichiia) et unenon-Saccharomyces fermentaire(Torulaspora). Lors de chaqueessai, ils ont comparé le non-

sulfitage, la bioprotection sanssulfitage et le sulfitage à l’encu-vage. Une étude de 40 pagesdont onpeut tirer quatre grandsenseignements.

uuSACCHAROMYCES

Simple et efficace

« Bioprotéger avec une Saccharo-myces, cela marche très bien »,annonce Nicolas Richard.L’étude confirme qu’« elle s’im-plante systématiquement dans lemoût», qu’elleaitétéajoutéeà lavendange après réhydratationou par simple saupoudrage àsec. Au point qu’elle pose unproblème : « Lors de nos essais,sur blanc et rosé, la fermentationa démarré en plein débourbage,mêmeà7-8°C», indiqueNicolasRichard. De ce fait, les auteursde l’étude conseillent de réser-ver aux rouges la bioprotectionavecS. cerevisiae.Qu’y gagnent les vins à ladégus-

Une expérimentation d’envergureEntre 2015 et 2017, la région Occitanie a financé un projet derecherche baptisé « Maîtrise et gestion innovantes des populationsmicrobiennes en bio », destiné à évaluer la bioprotection. Cinqorganismes (CA 66, Inter Rhône, ICV, IFV et SudVinBio) se sont associéspour réaliser ou suivre 68 vinifications dont 6 en caves coopératives etparticulières, sur 12 cépages. Fin 2019, ils ont publié la synthèse deleurs résultats dans un document intitulé Bioprotection et gestiondes fermentations alcooliques en bio, disponible en intégralité sur le sitede l’IFV. Dans tous les cas, les expérimentateurs ont comparé troismodalités : le témoin sans sulfites, une modalité bioprotégée (entre 10et 30 g/100 kg de vendange en non réhydratation et 5 à 15 g/100 kgen réhydratation) et une modalité sulfitée (entre 4 et 5 g/hl).

Quatre instituts techniques etun laboratoire font le point aprèstrois ans d’essais sur la bioprotection.Cette technique paraît plus adaptéeaux rouges qu’aux blancs et aux rosés.

44 LAVIGNE - N° 332 - JUILLET-AOÛT 2020

VIN

SpéciallevuresSommairep. 44 BioprotectionOùen est-on?

p. 48 ThiolsDes levures à la pointe

p. 50 Vins rouges Le fruité tournerond

p. 51 Deux souchespétillantesDeux levains liquides

p. 52 Unmix audacieux

Bioprotect iOùenest-on ?

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tation ? L’étude n’y répond pas.Les auteurs n’ont pas présentéde résultats de dégustation deslots bioprotégés avec S. cerevi-siae. Leur but premier était devérifier que cette levure s’im-plantait bien dans les moûtsaprèsunajout sur lavendange.

Sur la question du débourbagedes moûts bioprotégés, LucilePic, responsable des essaisœnologiques à l’ICV et coau-teure de l’étude, explique :« Nous avons uniquement étudiéle débourbage classique. Nous nesommes pas allés assez loin pourdonner un protocole de bioprotec-tion sur les blancs ou les rosés,maisdes collègues lapratiquent. »À Cognac, par exemple. Là-bas,la bioprotection se développealors qu’on ne vinifie pratique-ment que des blancs. Seule dif-férence : les vignerons cogna-çais débourbent par flottation,ce qui raccourcit considérable-ment le tempsdedébourbage.En Provence, Florent Touzet,œnologue-conseil à l’ICV, ob-serve que « pour l’instant les vi-gneronsn’osentpas tropbioproté-ger les rosés, mais je pense qu’enmaintenant les jusà0et3 °Cpourunemacération sur bourbes et undébourbage, il n’y aura pas de dé-part en fermentation ». En revan-

che, la bioprotection des rougesavec S. cerevisiae se développe.«Ilne fautpasoublierque lesnon-Saccharomyces coûtent deux foisplus cher que les Saccharomycesalors que celles-ci restent néces-saires pour la FA. Nous avons ré-glé les problèmes de Bretts d’unclient uniquement en introdui-sant une Saccharomyces à lavendange. »À Bordeaux, Thomas Duclos,œnologue-conseil chez Œno-team, à Libourne, préconise de-puis plus de cinq ans l’ajout deSaccharomyces non réhydratéessur les rouges, dans les bennesdesmachinesàvendanger :«El-les protègent très bien. Je conseilleun levurage séquentiel pour unebonne implantation lors de la FA,soit de 5 à 10 g/100 kg à la par-celle et 15 g à la cave le soirmêmeou le lendemain si la températureest inférieureà18 °C.»

uuTORULASPORA

Pour les rougesuniquement

« Conseil pratique : éviter la miseen œuvre d’une Torulaspora enbioprotection sur blanc et roséclarifiés en statique au froid »,peut-on lire dans l’étude. Et

pour cause : cette espèce pos-sède une bonne activité fer-mentaire. Elle entre facilementen fermentation pendant le dé-bourbage,mêmeàbasse tempé-rature. « Elle est à utiliser sur lesrouges auxquels elle apporte desarômes particuliers, plutôt flo-raux, avec une légère fraîcheur »,indique Nicolas Richard. Le pa-neldedégustation l’a confirmé.Torulaspora résiste jusqu’à 9 %d’alcool et cofermente sanspro-blème avec Saccharomyces,l’empêchant même parfois des’implanterendébutdeFA.Les auteurs de l’étude ont testétrois souches de cette espèce :Tandem de l’ICV, Biodiva del’IOC et Levulia Torula d’AEB.Les résultats sont similaires. At-tention toutefois : « Nous avonsremarqué des incompatibilités

avec certaines souches deSaccha-romyces que les Torula ont em-pêché de s’implanter. Il faut biense renseigner auprès de son œno-logue», expliqueLucilePic.

Torulaspora est particulièrementgourmande en azote, comparéeà Metschnikowia ou Pichiia, aupoint de consommer jusqu’à80mg/l d’azote assimilable. Elles’utilise aussi à des doses supé-rieures.À10g/100kg,ellen’em-pêche pas la flore spontanée dese développer. « Il faut monter à20 g/100 kg en réhydratation et30 g/100 kg en non-réhydrata-tion», indiqueLucilePic.Avec toutes ces contraintes,est-il intéressant d’utiliser uneTorula ? «On fait trop de raccour-cis sur cette espèce, déplore Tho-masDuclos. Seulement trois sou-

Les souches testéesInter Rhône et ses partenaires ont testé six non-Saccharomyces :Lalvin Tandem de l’ICV, Biodiva et Gaïa de l’IOC, Levulia Torula et LevuliaPulcherrima d’AEB et Viniflora Frootzen de Chr. Hansen. Les levuresSaccharomyces utilisées lors des expérimentations sont Lalvin Okayet D254 de l’ICV, Exence de l’IOC, Lalvin Rhône 4600 et 2323 Yseo deLallemand. Certaines de ces souches sont-elles plus intéressantesou plus performantes que d’autres en bioprotection ? Les auteurs del’étude ne veulent pas se prononcer. « Notre but n’était pas d’évaluerles souches individuellement, mais plutôt l’espèce à laquelle ellesappartiennent », commente Nicolas Richard, chez Inter Rhône.

LAVIGNE - N° 332 - JUILLET-AOÛT 2020 45

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t ion

LES RÉSULTATS d’une vaste étudepubliée en 2019 font le pointsur la bioprotection. © L. LECARPENTIER

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ches ont été testées dans l’étude.Nous utilisons Prélude deChr. Hansen et nous n’avons pasde problème d’azote ni d’implan-tationdeSaccharomyces. »Même réaction de Florent Tou-zet. « J’ai l’impression d’être re-plongé dans les années 1980quand on découvrait la multitudede souches au sein de Saccharo-myces », se souvient-il. Cetœnologue préconise Tandemsur le rouge. Mais il concède :«Si on fait unemacérationpréfer-mentaire à froid de cinq jours, elleconsomme 150mg/l d’azote, c’estbeaucoup. »

uuSULFITAGE

Irremplaçable pourles blancs et les rosés

Les auteurs de l’étude voulaientrépondre à une question : la bio-protectionavecdesnon-Saccha-romyces protège-t-elle de l’oxy-dation autant que le sulfitage ?Leurs résultats sont clairs : c’estnon !Ces espècesne conserventni le potentiel en thiols, ni lacouleur des blancs et des rosés.« Sur les blancs et les rosés, le pa-nel de dégustateurs experts a tou-jours préféré les vins sulfités »,

soutient Lucile Pic. Exemple :pour un chardonnay de 2017, lamodalité sulfitée a été notéeavec trois fois plus de notes defruits exotiques, d’agrumes etde buis que celui non sulfité etbioprotégé.À l’inverse, pour les rouges,« lesdégustateurs ont préféré les mo-dalités non sulfitées et bioproté-gées, les jugeant plus fruités etplus intenses », explique LucilePic. Concernant la bioprotec-tion des blancs et des rosés, ellenuance les résultats de l’étude.« Pour le sauvignon, cela resteproblématique à cause des thiols,très sensibles à l’oxydation. C’estun peu plus facile à mettre enplace sur des cépagesmoins sensi-bles.Nousy travaillons. »En Provence, des vinificateurstentent labioprotectionpourvi-nifier des rosés sans soufre. « Ilsobtiennent des vinsunpeuoxydés

qu’ils ont du mal à justifier dansleur gamme, observe FlorentTouzet.Hélas, onnepeutpas em-pêcher l’oxydation même en tra-vaillant à l’abri de l’air. À l’ICV,nous testons des souches deMetschnikowia qui pourraientconsommer de l’oxygène maisnousensommesauxdébuts. »Simon Bouvier, œnologue-con-seil à Macon, rapporte le casd’une cave qui « utilise des levu-res non-Saccharomyces avec destanins galliques sur les blancs,pour pallier l’absence de SO2. Ilsen sont satisfaits », explique-t-il.

uuPOURRITURE GRISE

Pas de miracle

La question de la bioprotectiondes vendanges altérées a été peutravaillée par les auteurs de

NICOLAS RICHARD, chargé derecherche à Inter Rhône. © INTER RHÔNE

LUCILE PIC, responsable desessais œnologiques à l’ICV

et coauteure de l’étude. © ICV

46 LAVIGNE - N° 332 - JUILLET-AOÛT 2020

TROIS NOUVELLES LEVURES NON-SACCHAROMYCES POUR BIOPROTÉGER OU CONSOMMER DE L’ACIDE MALIQUE> > Nymphéa (ICV) est une évolution commerciale de Tandem, solution debioprotection séquentielle commercialisée par l’ICV depuis 2011. Nymphéa necomporte que la Torulaspora TD291 quand Tandem est un pack composéde deux levures : la TD291 et la Saccharomyces Lalvin D254. « Certains clientsvoulaient la Torulaspora seule pour utiliser ensuite une autre Saccharomyces quecelle présente dans Tandem », explique Daniel Granès, directeur scientifique del’ICV. Conseillée sur les moûts rouges, Nymphéa s’utilise avec ou sansréhydratation. « À la cave, la dose d’emploi après réhydratation est entre 2,5 et5 g/100 kg. Si on veut bioprotéger à la parcelle, on emploie 20 g/100 kgen saupoudrant », détaille le directeur. En cas de vendange altérée, il affirmeque sa levure donne aussi des bons résultats aux doses de 5 g/100 kg enréhydratation et 30 g/100 kg par saupoudrage. Cette levure consommebeaucoup d’azote. « Nos concurrents sont toujours hésitants pour donner deschiffres de consommation de l’azote, mais je le dis : Nymphéa a besoin de 30 mg/ld’azote assimilable par jour. » Son prix de vente est à 91 € le kilo.

> > Octave (Chr. Hansen) est une Lachancea thermotolerans pour bioprotégerles moûts blancs et rosés. C’est une levure acidifiante à ajouter avant uneS. cerevisiae, qui augmente la fraîcheur des vins pour diminuer les doses de SO2.« Elle produit de l’acide lactique à partir des sucres du moût et réduit doncla teneur en alcool jusqu’à 0,6 %. Elle inhibe aussi la FML au-delà de 2,5 g/ld’acide lactique dans le vin en fin de fermentation », explique Anne-ClaireBauquis, responsable marketing chez CHR Hansen. Elle peut être utiliséependant des macérations ou stabulations sur des bourbes à froid. « Elle nefermente pas et reste présente même en température basse », confirmela responsable. Ses besoins en azote sont exigeants. « Selon la dose d’azoteassimilable au départ, un apport est recommandé. »

> > Promalic (ICV) est une Schizosaccharomyces sélectionnée dans les années1990 dans le Sud-Ouest de la France par l’Insa de Toulouse pour être employéeà Jurançon. « À l’époque, elle était utile pour désacidifier les vins de petit et grosmanseng. On s’en servait également pour la méthode champenoise », explique

QUOI DENEUF ?

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l’étude. « Nous nous sommes ditquecen’étaitpastrèsutilepuisquele réflexedesvigneronsestdesulfi-ter pour ne pas prendre de risquedans ces cas-là », justifie NicolasRichard. Mais en 2015, une sy-rahattaquéeà40%depourrituregrise est arrivée à la cave expéri-mentale.«Nousnous sommesditque c’était l’occasion d’un test »,explique Lucile Pic. L’espèceMetschnikowia employée àl’époquen’apasfonctionné:ellene s’est pas implantée dans lemoût. La seule Saccharomycestestéen’yestparvenuequepéni-blement. «C’était la LSAOkay del’ICV.À4g/100kget réhydratéeàla vendange, elle s’est s’imposée à100 % dans le moût seulement aubout des trois quarts de la FA »,note l’étude.Depuis cesessais, LucilePic adenouveaux résultats. « Torulas-pora et Saccharomyces s’implan-

tent en non-réhydratation lors-qu’on les emploie autour de20 g/100 kg, mais elles ne protè-gent pas le moût de l’activité lac-case, contrairement au SO2 », dé-taille-t-elle.

Sur le terrain, des œnologuessont plus réticents que d’autres àbioprotéger de la vendange alté-rée. « C’est illusoire de penser quedes levures peuvent lutter contrel’activité laccase », soutient Flo-rent Touzet. À Bordeaux, Tho-mas Duclos est un peu plusaventurier. Il a testé Saccharo-myces sur de la vendange rougedont5à10%desbaiesétaiental-térées par de la pourriture grise.« À 5-10 g/100 kg, les Saccharo-myces protègent bien, pas besoinalors d’utiliser du SO2. Mais letransport de la parcelle à la cavedoit être rapide », observe l’œno-logue. CLAIRE FURET-GAVALLET

Réhydratation ou pas ?« Nous avons privilégié la non-réhydratation à la parcelleet la réhydratation à la cave lorsque nous avons utilisé des levuresnon-Saccharomyces, explique Nicolas Richard, chargé de rechercheà Inter Rhône. Il faut coller à la réalité. La réhydratation à la parcelle esttrop contraignante. » Malheureusement, toutes les levures nes’implantent pas dans les moûts après avoir été simplementsaupoudrées sur la vendange. Les Metschnikowia de l’étude (Levuliapulcherrima et Gaïa) n’y sont pas parvenues. « Depuis, nous avonstesté d’autres souches, et certaines s’implantent très bien en non-réhydratation », commente Lucile Pic, responsable des essaisœnologiques à l’ICV. La Torulaspora testée (Tandem) supporte bienla non-réhydratation, mais à 30 g/100 kg. Quant aux Saccharomycescerevisiae testées, celles utilisables en non-réhydratation s’implantentparfaitement, en apport séquentiel à 10 g/100 kg puis à 15 g/100 kgà l’encuvage ou en levurage unique à 25 g/100 kg au vignoble.« Les fermentations se sont toutes bien passées par la suite »,commente Lucile Pic. Mais cette simplicité a un prix : alors qu’il suffitde 5 g/100 kg de raisin de Saccharomyces cerevisiae réhydratée, il faut20 g/100 kg de levure sèche, soit quatre fois plus.

LAVIGNE - N° 332 - JUILLET-AOÛT 2020 47

Daniel Granès. Cette levure consomme l’acide malique pour produire del’alcool et du CO2. L’ICV la remet au goût du jour pour les blancs et les roséspour lesquels on ne souhaite pas de malo, ce qui permet de supprimerle sulfitage destiné à bloquer cette fermentation. Un retour qui est entouréde précautions. « Normalement, personne ne veut de Schizosaccharomycesdans son chai car c’est une plaie. Elle est très résistante au SO2 et il ne faut pasqu’elle soit en contact avec des cuves de rouge car elle est nuisible àleurs arômes », rappelle Daniel Granès. Pour éviter sa prolifération, l’ICVl’a encapsulée dans des billes d’alginate, elles-mêmes prisonnières dansun sac que l’on plonge dans la cuve à traiter. Il faut 1 g de billes par litre de vin.« Nous vendons Promalic à 100 € le kilo, ce qui revient à une dizaine d’eurospar hectolitre. Elle s’emploie 24 à 48 heures avant le levurage. Elle consommeenviron 0,2 g/l d’acide malique par jour. » Bien que cette levure soit bienenfermée, l’ICV conseille, dans la mesure du possible, de l’employer dansdes cuves isolées du reste du chai.

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tation ? L’étude n’y répond pas.Les auteurs n’ont pas présentéde résultats de dégustation deslots bioprotégés avec S. cerevi-siae. Leur but premier était devérifier que cette levure s’im-plantait bien dans les moûtsaprèsunajout sur lavendange.

Sur la question du débourbagedes moûts bioprotégés, LucilePic, responsable des essaisœnologiques à l’ICV et coau-teure de l’étude, explique :« Nous avons uniquement étudiéle débourbage classique. Nous nesommes pas allés assez loin pourdonner un protocole de bioprotec-tion sur les blancs ou les rosés,maisdes collègues lapratiquent. »À Cognac, par exemple. Là-bas,la bioprotection se développealors qu’on ne vinifie pratique-ment que des blancs. Seule dif-férence : les vignerons cogna-çais débourbent par flottation,ce qui raccourcit considérable-ment le tempsdedébourbage.En Provence, Florent Touzet,œnologue-conseil à l’ICV, ob-serve que « pour l’instant les vi-gneronsn’osentpas tropbioproté-ger les rosés, mais je pense qu’enmaintenant les jusà0et3 °Cpourunemacération sur bourbes et undébourbage, il n’y aura pas de dé-part en fermentation ». En revan-

che, la bioprotection des rougesavec S. cerevisiae se développe.«Ilne fautpasoublierque lesnon-Saccharomyces coûtent deux foisplus cher que les Saccharomycesalors que celles-ci restent néces-saires pour la FA. Nous avons ré-glé les problèmes de Bretts d’unclient uniquement en introdui-sant une Saccharomyces à lavendange. »À Bordeaux, Thomas Duclos,œnologue-conseil chez Œno-team, à Libourne, préconise de-puis plus de cinq ans l’ajout deSaccharomyces non réhydratéessur les rouges, dans les bennesdesmachinesàvendanger :«El-les protègent très bien. Je conseilleun levurage séquentiel pour unebonne implantation lors de la FA,soit de 5 à 10 g/100 kg à la par-celle et 15 g à la cave le soirmêmeou le lendemain si la températureest inférieureà18 °C.»

uuTORULASPORA

Pour les rougesuniquement

« Conseil pratique : éviter la miseen œuvre d’une Torulaspora enbioprotection sur blanc et roséclarifiés en statique au froid »,peut-on lire dans l’étude. Et

pour cause : cette espèce pos-sède une bonne activité fer-mentaire. Elle entre facilementen fermentation pendant le dé-bourbage,mêmeàbasse tempé-rature. « Elle est à utiliser sur lesrouges auxquels elle apporte desarômes particuliers, plutôt flo-raux, avec une légère fraîcheur »,indique Nicolas Richard. Le pa-neldedégustation l’a confirmé.Torulaspora résiste jusqu’à 9 %d’alcool et cofermente sanspro-blème avec Saccharomyces,l’empêchant même parfois des’implanterendébutdeFA.Les auteurs de l’étude ont testétrois souches de cette espèce :Tandem de l’ICV, Biodiva del’IOC et Levulia Torula d’AEB.Les résultats sont similaires. At-tention toutefois : « Nous avonsremarqué des incompatibilités

avec certaines souches deSaccha-romyces que les Torula ont em-pêché de s’implanter. Il faut biense renseigner auprès de son œno-logue», expliqueLucilePic.

Torulaspora est particulièrementgourmande en azote, comparéeà Metschnikowia ou Pichiia, aupoint de consommer jusqu’à80mg/l d’azote assimilable. Elles’utilise aussi à des doses supé-rieures.À10g/100kg,ellen’em-pêche pas la flore spontanée dese développer. « Il faut monter à20 g/100 kg en réhydratation et30 g/100 kg en non-réhydrata-tion», indiqueLucilePic.Avec toutes ces contraintes,est-il intéressant d’utiliser uneTorula ? «On fait trop de raccour-cis sur cette espèce, déplore Tho-masDuclos. Seulement trois sou-

Les souches testéesInter Rhône et ses partenaires ont testé six non-Saccharomyces :Lalvin Tandem de l’ICV, Biodiva et Gaïa de l’IOC, Levulia Torula et LevuliaPulcherrima d’AEB et Viniflora Frootzen de Chr. Hansen. Les levuresSaccharomyces utilisées lors des expérimentations sont Lalvin Okayet D254 de l’ICV, Exence de l’IOC, Lalvin Rhône 4600 et 2323 Yseo deLallemand. Certaines de ces souches sont-elles plus intéressantesou plus performantes que d’autres en bioprotection ? Les auteurs del’étude ne veulent pas se prononcer. « Notre but n’était pas d’évaluerles souches individuellement, mais plutôt l’espèce à laquelle ellesappartiennent », commente Nicolas Richard, chez Inter Rhône.

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LES RÉSULTATS d’une vaste étudepubliée en 2019 font le pointsur la bioprotection. © L. LECARPENTIER

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ches ont été testées dans l’étude.Nous utilisons Prélude deChr. Hansen et nous n’avons pasde problème d’azote ni d’implan-tationdeSaccharomyces. »Même réaction de Florent Tou-zet. « J’ai l’impression d’être re-plongé dans les années 1980quand on découvrait la multitudede souches au sein de Saccharo-myces », se souvient-il. Cetœnologue préconise Tandemsur le rouge. Mais il concède :«Si on fait unemacérationpréfer-mentaire à froid de cinq jours, elleconsomme 150mg/l d’azote, c’estbeaucoup. »

uuSULFITAGE

Irremplaçable pourles blancs et les rosés

Les auteurs de l’étude voulaientrépondre à une question : la bio-protectionavecdesnon-Saccha-romyces protège-t-elle de l’oxy-dation autant que le sulfitage ?Leurs résultats sont clairs : c’estnon !Ces espècesne conserventni le potentiel en thiols, ni lacouleur des blancs et des rosés.« Sur les blancs et les rosés, le pa-nel de dégustateurs experts a tou-jours préféré les vins sulfités »,

soutient Lucile Pic. Exemple :pour un chardonnay de 2017, lamodalité sulfitée a été notéeavec trois fois plus de notes defruits exotiques, d’agrumes etde buis que celui non sulfité etbioprotégé.À l’inverse, pour les rouges,« lesdégustateurs ont préféré les mo-dalités non sulfitées et bioproté-gées, les jugeant plus fruités etplus intenses », explique LucilePic. Concernant la bioprotec-tion des blancs et des rosés, ellenuance les résultats de l’étude.« Pour le sauvignon, cela resteproblématique à cause des thiols,très sensibles à l’oxydation. C’estun peu plus facile à mettre enplace sur des cépagesmoins sensi-bles.Nousy travaillons. »En Provence, des vinificateurstentent labioprotectionpourvi-nifier des rosés sans soufre. « Ilsobtiennent des vinsunpeuoxydés

qu’ils ont du mal à justifier dansleur gamme, observe FlorentTouzet.Hélas, onnepeutpas em-pêcher l’oxydation même en tra-vaillant à l’abri de l’air. À l’ICV,nous testons des souches deMetschnikowia qui pourraientconsommer de l’oxygène maisnousensommesauxdébuts. »Simon Bouvier, œnologue-con-seil à Macon, rapporte le casd’une cave qui « utilise des levu-res non-Saccharomyces avec destanins galliques sur les blancs,pour pallier l’absence de SO2. Ilsen sont satisfaits », explique-t-il.

uuPOURRITURE GRISE

Pas de miracle

La question de la bioprotectiondes vendanges altérées a été peutravaillée par les auteurs de

NICOLAS RICHARD, chargé derecherche à Inter Rhône. © INTER RHÔNE

LUCILE PIC, responsable desessais œnologiques à l’ICV

et coauteure de l’étude. © ICV

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TROIS NOUVELLES LEVURES NON-SACCHAROMYCES POUR BIOPROTÉGER OU CONSOMMER DE L’ACIDE MALIQUE> > Nymphéa (ICV) est une évolution commerciale de Tandem, solution debioprotection séquentielle commercialisée par l’ICV depuis 2011. Nymphéa necomporte que la Torulaspora TD291 quand Tandem est un pack composéde deux levures : la TD291 et la Saccharomyces Lalvin D254. « Certains clientsvoulaient la Torulaspora seule pour utiliser ensuite une autre Saccharomyces quecelle présente dans Tandem », explique Daniel Granès, directeur scientifique del’ICV. Conseillée sur les moûts rouges, Nymphéa s’utilise avec ou sansréhydratation. « À la cave, la dose d’emploi après réhydratation est entre 2,5 et5 g/100 kg. Si on veut bioprotéger à la parcelle, on emploie 20 g/100 kgen saupoudrant », détaille le directeur. En cas de vendange altérée, il affirmeque sa levure donne aussi des bons résultats aux doses de 5 g/100 kg enréhydratation et 30 g/100 kg par saupoudrage. Cette levure consommebeaucoup d’azote. « Nos concurrents sont toujours hésitants pour donner deschiffres de consommation de l’azote, mais je le dis : Nymphéa a besoin de 30 mg/ld’azote assimilable par jour. » Son prix de vente est à 91 € le kilo.

> > Octave (Chr. Hansen) est une Lachancea thermotolerans pour bioprotégerles moûts blancs et rosés. C’est une levure acidifiante à ajouter avant uneS. cerevisiae, qui augmente la fraîcheur des vins pour diminuer les doses de SO2.« Elle produit de l’acide lactique à partir des sucres du moût et réduit doncla teneur en alcool jusqu’à 0,6 %. Elle inhibe aussi la FML au-delà de 2,5 g/ld’acide lactique dans le vin en fin de fermentation », explique Anne-ClaireBauquis, responsable marketing chez CHR Hansen. Elle peut être utiliséependant des macérations ou stabulations sur des bourbes à froid. « Elle nefermente pas et reste présente même en température basse », confirmela responsable. Ses besoins en azote sont exigeants. « Selon la dose d’azoteassimilable au départ, un apport est recommandé. »

> > Promalic (ICV) est une Schizosaccharomyces sélectionnée dans les années1990 dans le Sud-Ouest de la France par l’Insa de Toulouse pour être employéeà Jurançon. « À l’époque, elle était utile pour désacidifier les vins de petit et grosmanseng. On s’en servait également pour la méthode champenoise », explique

QUOI DENEUF ?

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l’étude. « Nous nous sommes ditquecen’étaitpastrèsutilepuisquele réflexedesvigneronsestdesulfi-ter pour ne pas prendre de risquedans ces cas-là », justifie NicolasRichard. Mais en 2015, une sy-rahattaquéeà40%depourrituregrise est arrivée à la cave expéri-mentale.«Nousnous sommesditque c’était l’occasion d’un test »,explique Lucile Pic. L’espèceMetschnikowia employée àl’époquen’apasfonctionné:ellene s’est pas implantée dans lemoût. La seule Saccharomycestestéen’yestparvenuequepéni-blement. «C’était la LSAOkay del’ICV.À4g/100kget réhydratéeàla vendange, elle s’est s’imposée à100 % dans le moût seulement aubout des trois quarts de la FA »,note l’étude.Depuis cesessais, LucilePic adenouveaux résultats. « Torulas-pora et Saccharomyces s’implan-

tent en non-réhydratation lors-qu’on les emploie autour de20 g/100 kg, mais elles ne protè-gent pas le moût de l’activité lac-case, contrairement au SO2 », dé-taille-t-elle.

Sur le terrain, des œnologuessont plus réticents que d’autres àbioprotéger de la vendange alté-rée. « C’est illusoire de penser quedes levures peuvent lutter contrel’activité laccase », soutient Flo-rent Touzet. À Bordeaux, Tho-mas Duclos est un peu plusaventurier. Il a testé Saccharo-myces sur de la vendange rougedont5à10%desbaiesétaiental-térées par de la pourriture grise.« À 5-10 g/100 kg, les Saccharo-myces protègent bien, pas besoinalors d’utiliser du SO2. Mais letransport de la parcelle à la cavedoit être rapide », observe l’œno-logue. CLAIRE FURET-GAVALLET

Réhydratation ou pas ?« Nous avons privilégié la non-réhydratation à la parcelleet la réhydratation à la cave lorsque nous avons utilisé des levuresnon-Saccharomyces, explique Nicolas Richard, chargé de rechercheà Inter Rhône. Il faut coller à la réalité. La réhydratation à la parcelle esttrop contraignante. » Malheureusement, toutes les levures nes’implantent pas dans les moûts après avoir été simplementsaupoudrées sur la vendange. Les Metschnikowia de l’étude (Levuliapulcherrima et Gaïa) n’y sont pas parvenues. « Depuis, nous avonstesté d’autres souches, et certaines s’implantent très bien en non-réhydratation », commente Lucile Pic, responsable des essaisœnologiques à l’ICV. La Torulaspora testée (Tandem) supporte bienla non-réhydratation, mais à 30 g/100 kg. Quant aux Saccharomycescerevisiae testées, celles utilisables en non-réhydratation s’implantentparfaitement, en apport séquentiel à 10 g/100 kg puis à 15 g/100 kgà l’encuvage ou en levurage unique à 25 g/100 kg au vignoble.« Les fermentations se sont toutes bien passées par la suite »,commente Lucile Pic. Mais cette simplicité a un prix : alors qu’il suffitde 5 g/100 kg de raisin de Saccharomyces cerevisiae réhydratée, il faut20 g/100 kg de levure sèche, soit quatre fois plus.

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Daniel Granès. Cette levure consomme l’acide malique pour produire del’alcool et du CO2. L’ICV la remet au goût du jour pour les blancs et les roséspour lesquels on ne souhaite pas de malo, ce qui permet de supprimerle sulfitage destiné à bloquer cette fermentation. Un retour qui est entouréde précautions. « Normalement, personne ne veut de Schizosaccharomycesdans son chai car c’est une plaie. Elle est très résistante au SO2 et il ne faut pasqu’elle soit en contact avec des cuves de rouge car elle est nuisible àleurs arômes », rappelle Daniel Granès. Pour éviter sa prolifération, l’ICVl’a encapsulée dans des billes d’alginate, elles-mêmes prisonnières dansun sac que l’on plonge dans la cuve à traiter. Il faut 1 g de billes par litre de vin.« Nous vendons Promalic à 100 € le kilo, ce qui revient à une dizaine d’eurospar hectolitre. Elle s’emploie 24 à 48 heures avant le levurage. Elle consommeenviron 0,2 g/l d’acide malique par jour. » Bien que cette levure soit bienenfermée, l’ICV conseille, dans la mesure du possible, de l’employer dansdes cuves isolées du reste du chai.

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