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Chapitre 1 1 Chapitre 1 En ce beau jour d’automne de l’année 1350, quatre pèlerins marchaient sur le chemin qui marquait la limite du Comté de Chaudefour, sans dire un mot. A leur allure, on comprenait tout de suite que c’était des pèlerins. Ils en portaient l’habit : un chaperon et une cape beige qui allait jusqu’à leurs pieds. Par-dessus leurs capuches, leurs têtes portaient un chapeau décoré d’une coquille st Jacques. Ils s’appuyaient sur des longs bâtons qui les aidaient à marcher. Le premier s’appelait Jean. C’était le plus gros des quatre. Malgré un sac qui paraissait lourd, il marchait la tête haute, bien droit sur ses jambes. Il semblait plein d’énergie et son ventre rebondi laissait penser qu’il aimait la nourriture. Sa carrure était impressionnante et ses épaules supportaient un cou si large qu’il rappelait celui des bœufs quand il tirent une charrue. Une impression de puissance se dégageait de l’homme. Derrière lui, marchant, l’un à coté de l’autre, suivaient deux autres hommes.

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Chapitre 1

1

Chapitre 1

En ce beau jour d’automne de l’année 1350, quatre

pèlerins marchaient sur le chemin qui marquait la limite

du Comté de Chaudefour, sans dire un mot. A leur

allure, on comprenait tout de suite que c’était des

pèlerins. Ils en portaient l’habit : un chaperon et une

cape beige qui allait jusqu’à leurs pieds. Par-dessus

leurs capuches, leurs têtes portaient un chapeau décoré

d’une coquille st Jacques. Ils s’appuyaient sur des longs

bâtons qui les aidaient à marcher.

Le premier s’appelait Jean. C’était le plus gros des

quatre. Malgré un sac qui paraissait lourd, il marchait la

tête haute, bien droit sur ses jambes. Il semblait plein

d’énergie et son ventre rebondi laissait penser qu’il

aimait la nourriture. Sa carrure était impressionnante et

ses épaules supportaient un cou si large qu’il rappelait

celui des bœufs quand il tirent une charrue. Une

impression de puissance se dégageait de l’homme.

Derrière lui, marchant, l’un à coté de l’autre,

suivaient deux autres hommes.

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2

L’un d’entre eux s’appelait Henri. Il était chauve et

avait des besicles épaisses. Cela lui donnait l’air

intelligent. Son ami, Arthur, était petit. Il avait les

cheveux noirs et très bien coiffés. Quant à Charles qui

fermait la marche, il aimait rigoler.

* * *

A droite du sentier, une ronce colorée embellissait

la lisière de la forêt. Dix pas, plus loin, en s’enfonçant

dans la forêt, de majestueux chênes au feuillage coloré

se dressaient parmi les grands bouleaux aux troncs

blancs et aux feuilles jaunes. Plus loin, de grands arbres

marron clair s’élevaient très haut dans les airs. C’était

des hêtres.

A gauche du chemin, un joli ruisseau se jetait dans

une petite cascade qui rejoignait un nouveau cours

d’eau. Les champignons et la mousse sentaient la terre

brune. Dans un sapin, à côté d’un petit buis, les

branches s’alourdissaient de nombreuses pommes de

pin. Un petit écureuil grignotait son gland à moitié

biscornu. De grands arbres recouverts de feuilles

orange abritaient la rivière de leurs branches basses.

Au milieu, le large sentier, dont les bas-côtés

étaient couverts de feuilles mortes, traversait la forêt

en serpentant. Il présentait un aspect boueux et de

grandes ornières creusaient le chemin, le rendant

Chapitre 1

3

impraticable par endroits. Une odeur de champignon et

de châtaignes flottait dans les airs en chatouillant les

narines des pèlerins.

« Tu es à la traîne Arthur. Ça ne va pas trop? demanda

Jean.

— Non, mais, dans quelques mois, je pense que ça va

être dur! grogna Arthur.

— Que veux-tu dire?

— Bah, quand on passera les Pyrénées pour aller à

Compostelle, répéta Arthur, ce sera sûrement difficile!

— Oh ! Ça me rappelle ce gars qu’on a croisé hier à

l’abbaye où nous avons dormi. Qu’est-ce qu’il racontait

comme bêtises ! s’exclama Henri.

— Oui. Il était bien prétentieux ! confirma Charles.

D’ailleurs, il a fini par se faire renvoyer de l’église!

— Oui ! On a bien ri, en effet, mais cela ne doit pas

nous faire oublier notre mission…

— Au fait, ce n’est pas trop lourd, dans ton sac?

demanda Henri en s’adressant à Charles.

— Non, pas trop lourd. Mais tu devrais être plus discret

quand tu parles de ce sac ! On pourrait nous entendre,

Henri! …

— Tu as raison, répondit Henri en baissant la voix. Il

vaudrait mieux être moins bavards.

Chapitre 1

4

— Je commence à m’inquiéter pour ce soir ! dit Jean,

changeant brusquement de conversation. Où allons

nous nous arrêter pour dormir ?

— Nous trouverons bien une église ! répondit Arthur.

— Oh, j’ai faim ! On peut s’arrêter pour manger?

demanda Jean en écoutant son ventre gargouiller.

— Oui tu as raison, il est midi. Répondit Arthur en

marchant la tête haute.

— Ici il y a des pierres plates. Nous pourrions nous y

arrêter pour préparer notre repas, proposa Jean.

— Moi je veux bien faire le feu avec Charles. Proposa

Henri en se grattant la tête. Et vous, vous pouvez

ramasser des châtaignes et des champignons.

— Je préfère faire la cueillette ! s’écria Charles. »

Et les quatre pèlerins firent donc halte. Ils

commencèrent à s’affairer pour préparer leur repas.

Dans les sous bois, Charles et Jean étaient occupés

à la recherche de nourriture.

« Tu n’as pas oublié le jambon, Jean ? demanda Charles

en se penchant pour ramasser un gros cèpe.

— Je n’aurais pas pu égarer cette cuisse de cochon

répondit l’autre. »

Chapitre 1

5

Vingt minutes plus tard, Jean, Arthur et Charles

arrivaient avec de délicieux champignons et châtaignes.

« A table ! » dit Henri en les voyant arriver avec plein

de bonnes choses.

Après avoir fait cuire tout cela dans le feu qu’Henri

avait préparé, ils s’installèrent sur les pierres plates et

mangèrent.

«Mmm. C’est succulent ! Je veux bien en reprendre. »

dit Jean en faisant des ronds sur son ventre.

Pendant qu’ils mangeaient tranquillement leur

jambon et leurs champignons autour du feu qui

pétillait, Charles prit la parole :

« Comme il est long ce voyage!

— Et on n’est pas encore arrivé ! Il nous reste de longs

mois de marche avant d’être à Compostelle ! ajouta

Jean.

— Et dire qu’il y en a qui font le voyage sur les genoux !

murmura Arthur, rêveur.

— Ça ne fait qu’un mois qu’on est parti et j’en

ai déjà marre de manger des champignons et des

châtaignes tous les midis ! s’énerva Jean.

— Ne t’inquiète pas, on mangera mieux ce soir dans un

monastère, continua Henri. »

Chapitre 1

6

Pendant qu’Henri parlait, Jean rêvait de la

nourriture qu’il mangerait le soir : deux gros jambons

roses, des œufs bien cuits, douze grosses tomates,

quatre pêches juteuses.

« Et on dormira aussi mieux ce soir ! » s’exclama Henri.

Et Jean se mit à rêver d’un bon lit douillet.

Au Moyen Age, les pèlerins étaient, en effet, des

personnes protégées. Ils étaient accueillis dans les

abbayes, les monastères ou les simples églises. On les

nourrissait et on les logeait pour la nuit. Le voyage était

difficile et long, car il fallait franchir les Pyrénées, en

particulier au col de St Jean Pied de Port. Plusieurs

routes partant de France arrivaient à St Jacques de

Compostelle : l’une partait de Paris, depuis Notre

Dame, une autre partait de l’église de Vézelay, une

troisième commençait au Puy en Velay, dans le Massif

Central. Et enfin, un dernier chemin partait d’Arles,

dans le sud de la France.

Les quatre pèlerins qui cheminaient dans la forêt

de Chaudefour venaient de plus loin. Il comptaient

rejoindre la route de Paris.

Chapitre 1

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Après le repas, Arthur proposa de faire la sieste.

Henri était d’accord mais à condition que quelqu’un

fasse le guet.

« Qui pourrait faire le guet ? Demanda Arthur, en

terminant ses fruits des bois.

— Moi, dit Jean. Je finis mon jambon.

— Moi j’aimerais bien dormir, mais ne vous inquiétez

pas, le bruit ne me gêne pas, dit Arthur.

— Eh bien moi, je veux du calme ! termina Henri.

— Ça ne gêne personne que Jean mange pendant que

l’on dort ? demanda Charles.

— Si moi, coupa Henri. Je n’aime pas le bruit ! Donc

essaie de ne pas en faire.

— D’accord, dit Jean. Je vous promets que je ne dirai

pas un mot »

Et jean alla s’asseoir sur un gros rocher, près du

feu, pour terminer son repas, pendant que les trois

autres s’endormaient sous un arbre.

En quelques instants, Arthur, Henri et Charles

dormaient paisiblement, pendant que Jean finissait de

manger. Autour d’eux, le silence s’installa. On

n’entendait plus que des ronflements très légers car ils

étaient cachés par le bruit du vent.

Chapitre 2

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Chapitre 2 Derrière une grande colline parsemée d’arbres se

trouvait le petit village de Ponthieu. Ce dernier

comptait environ une quarantaine d’habitations

regroupées autour d’une belle église romane. Ses

habitants vivaient des jours heureux, sous la protection

du sieur Clotaire du Castel dont on apercevait d’ailleurs

le château. Les maisons construites en pierres jaunies

par le temps étaient chaleureuses. Des animaux

vivaient en liberté dans les ruelles pavées. Quelques

poules étaient à la recherche de grains de blé, des

corbeaux postés sur les toits se lançaient des cris et des

pigeons entraient et sortaient sans cesse des nichoirs

du pigeonnier qui se trouvait tout près de la sortie du

village.

Un peu sur les hauteurs se trouvait la fauconnerie.

Un jeune homme d’une quinzaine d’années terminait

de se préparer à la chasse un faucon. A en voir le soleil

dans le ciel, il devait être presque midi. Le faucon se

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9

posa sur le gant en cuir du garçon. Ce dernier se

leva et se dirigea alors vers une porte sombre. Il l’ouvrit

et se trouva devant deux escaliers en pierre : l’un

montait tandis que l’autre descendait. Il s’engouffra

dans celui qui montait.

* * *

Cela faisait maintenant presque deux ans et demi

que Geoffroy vivait dans cette fauconnerie. Accusé à

tort par le fils du Comte de Chaudefour de l’avoir

blessé, Geoffroy avait eu la chance d’être secouru par

son ami Enguerrand. Ce dernier avait alors réussi à

prouver l’innocence du jeune garçon et à le sortir de

l’horrible cachot où il était emprisonné. Après cette

mésaventure, Geoffroy ne pouvait plus vivre auprès du

Comte, même si Ysengrin allait regretter son jeune

écuyer.

Enguerrand, maître fauconnier, l’avait alors pris

sous son aile et l’avait formé à son métier. Depuis,

Geoffroy s’occupait de la fauconnerie.

Geoffroy était orphelin. Son père avait été tué lors

de la bataille de Crécy en 1346. Sa mère, elle, avait

succombé à la terrible peste noire.

Enguerrand était désormais sa seule famille…

Chapitre 3

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Enguerrand montait rapidement les escaliers en

pierre de la fauconnerie. C’était un homme d’une

cinquantaine d’années grand et musclé. Ses yeux d’un

bleu étincelant brillaient à la lumière du soleil. Ses

cheveux longs et bruns lui tombaient sur les épaules. Il

arriva devant une petite porte de bois poussiéreuse

qu’il ouvrit.

« Bonjour, Geoffroy, s’écria-t-il de sa voix forte. Es-tu

prêt pour partir à la chasse ?

— Oui, répondit-il, j’ai préparé le faucon. Veux-tu

manger un peu avant de partir ?

— Volontiers, dit Enguerrand en s’asseyant. »

Sur la table étaient posées deux tranches de pain et

une petite motte de beurre. Enguerrand prit une

tranche, la beurra à l’aide de son couteau et la mangea

d’une bouchée. Geoffroy prit l’autre tranche et

l’engloutit d’un seul coup.

« Bon, on peut y aller maintenant, s’exclama

l’homme. »

Geoffroy ouvrit la porte qui laissa échapper un

grincement sonore. Ils descendirent jusqu’à une petite

cour. Le soleil les éblouit et les obligea à fermer les yeux

Chapitre 2

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quelques secondes. Le sourire d’Enguerrand s’éclaircit

aussitôt.

« Regarde, Geoffroy, rien de tel que de partir à la

chasse sous ce soleil merveilleux.

— C’est vrai, approuva le jeune homme.

— Bien, maintenant, préparons nos montures, dit enfin

Enguerrand. »

Ils firent quelques pas puis arrivèrent devant

l’écurie. Geoffroy savait très bien monter à cheval. Très

jeune, il avait été entraîné à l’équitation par un

chevalier du Comte Ysengrin de Chaudefour, Jean de

Fontignac. Il se dirigea vers le box d’un magnifique

étalon d’un noir brillant. Il caressa affectueusement le

cheval qui hennit en signe d’affection. Quand à

Enguerrand, il marcha lentement jusqu’à son cheval qui

était de couleur blanche.

Ils traversèrent le village où se tenait un petit

marché. Les paysans du coin venaient y vendre leurs

œufs, leurs légumes et quelques animaux. Des artisans

étaient aussi présents. Certains vendaient des paniers

en osier, d’autres des chaises ou des tabourets… Tout le

monde criait, chacun vantait sa marchandise.

Geoffroy rencontra un de ses amis, le jeune Arthur,

qui partait nettoyer avec son père et ses oncles les

Chapitre 3

12

douves du château du sieur Clotaire du Castel. Cela

faisait des nombreuses corvées que les paysans

devaient à leur seigneur…

* * *

Dès la sortie du village, le paysage était ravissant.

De magnifiques conifères plantés depuis des années

poussaient sur les hauteurs des collines. Des minces

ruisseaux dansaient parmi les arbres. Le soleil était

rayonnant.

L’immense château du seigneur Clotaire du Castel

dominait les environs. Il datait de la fin du Xème siècle,

à l’époque des premiers Capétiens. Il possédait le plus

grand donjon de la région. Les remparts, même s’ils

avaient une bonne épaisseur, étaient cependant un

peu abîmés. De larges douves entouraient l’édifice.

L’eau était noire à cause de la vase. Aucun poisson ne

pouvait y survivre. D’ailleurs, un groupe d’hommes était

en train de les nettoyer.

Les hourds venaient d’être réparés car le bois

semblait neuf. Sur le chemin de ronde, des soldats

faisaient le guet car on se méfiait des soldats anglais. Le

pont-levis était cependant abaissé.

Clotaire du Castel avait une puissante armée

composée d’une vingtaine d’arbalétriers et d’une

trentaine de chevaliers.

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Geoffroy et Enguerrand traversèrent une lande. Au loin,

ils aperçurent des paysans qui travaillaient dans un

champ.

* * *

Le maître fauconnier et son jeune ami arrivèrent

devant le champ de luzerne où travaillaient trois

paysans. Ils étaient occupés à faucher de la luzerne. Le

premier était très gros et rougeaud. Son nez était

énorme et ses vêtements déchirés. Le second était sec

et maigre. Il avait une verrue sur son nez crochu. Le

troisième qui avait l’air grognon était de petite taille

mais trapu. C’est d’ailleurs lui qui se mit à crier à

l’encontre de Geoffroy et d’Enguerrand.

* * *

« Eh, vous ne pouvez pas aller sur les sentiers comme

tout le monde ! hurla le paysan.

— Ce chemin est le plus rapide pour aller à la forêt,

expliqua Enguerrand.

— Et alors, c’est un champ, que je sache ! répliqua le

paysan.

— Ce champ est la propriété du sieur Clotaire du Castel,

il n’est donc pas à vous ! Nous avons le droit de chasser

Chapitre 3

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et donc de passer où bon nous semble ! rétorqua le

fauconnier.

— Et qui laboure les champs du sieur Clotaire ? Qui se

lève à des heures impossibles pour aller travailler ?

questionna le paysan. Nous, c’est nous ! continua-t-il. Et

vous, que faites vous pendant ce temps ? Vous vous

levez quand vous en avez envie, pendant que d’autres

travaillent !

— Sachez, mon cher, que chacun a ses occupations,

s’exclama Enguerrand.

— Mais, oui ! Mais, oui, Allez donc à vos occupations et

laissez nous nous échiner le dos dans ce champ de

luzerne !

— Nous ne vous ferons pas perdre votre temps plus

longtemps. Adieu, termina Enguerrand. »

Le fauconnier et Geoffroy reprirent leur chemin,

sous le regard noir des paysans.

« Il n’avait peut-être pas tout à fait tort, risqua

Geoffroy.

— Oui, tu as raison… La prochaine fois, nous passerons

par le sentier, répondit Enguerrand. »

* * *

Chapitre 2

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Ils arrivèrent à l’orée de la forêt.

« Geoffroy, observons-bien les alentours et essayons de

trouver un endroit propice pour notre chasse. Tiens,

regarde là-bas. Cet endroit me paraît pas mal du tout !

— D’accord, répondit joyeusement Geoffroy. »

Et ils s’avancèrent vers l’endroit désigné.

« Bon, récapitulons, dit Enguerrand. Aujourd’hui, on

change les rôles. Moi, je vais essayer de te rabattre le

gibier. Je m’enfonce un peu dans la forêt et j’essaie de

débusquer des perdrix ou des lièvres. Toi, tu restes en

dehors de la forêt et tu lâches le faucon dès qu’un

animal sort de la forêt.

— J’ai compris, dit Geoffroy, fier et heureux que son

ami lui laisse le meilleur rôle.

— Allez, j’y vais. Bonne chance ! »

Et Enguerrand s’engouffra dans la forêt.

Chapitre 3

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Chapitre 3

Jean mourait de faim. Pourtant, il avait déjà mangé

beaucoup de jambon. Alors, il rechercha quelques

restes de champignons, dans le fond de la gamelle qui

était encore près du feu. Il en restait encore quelques-

uns. Il les mangea, avec beaucoup de pain. Il se releva le

ventre plein. Qu’il était agréable de se détendre après

un bon repas !

Il regarda un très joli oiseau se poser sur une

branche. Il était si beau que Jean lui donna des miettes

de pain… Et pourtant, quand il s’agissait de nourriture,

Jean n’était pas des plus partageurs ! L’oiseau

s’approcha de plus en plus de lui et il était prêt à

manger les miettes de pain, dans la gamelle posée

juste à côté de Jean, quand soudain, il s’envola à tire

d’ailes.

Chapitre 3

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Jean était étonné. Alors, il se retourna pour voir ce

qui avait effrayé l’animal. Et tout d’un coup, ce fut le

noir complet ! Il ressentit une douleur énorme sur son

crâne. Jean s’exclama :

« Mais qu’est ce qui se passe ? Je ….»

Il finit par reprendre ses esprits et comprit qu’il

avait un sac sur la tête. C’est pour cela qu’il ne voyait

que du noir !

En écoutant autour de lui, Jean entendit des cris,

des gens qui se débattaient, des grognements

d’animaux. Il reçut des coups, comme si on venait de

jeter quelqu’un contre lui.

Il comprit soudain ce qui se passait : on l’avait

attaqué et on avait capturé aussi ses camarades.

Maintenant, on était en train de les rassembler entre

eux.

« C’est vous mes amis ? pleura Jean, toujours plongé

dans le noir.

— Oui c’est nous Jean ! répondirent en cœur ses amis

pèlerins. »

Chapitre 3

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Serrés les uns contre les autres, ils sentaient qu’ils

étaient maintenus par des bras forts et vigoureux. Leurs

bras étaient liés.

« Il faut trouver une solution ! dit Henri en s’inquiétant.

— Nous voilà faits prisonniers ! soupira Arthur.

— Mais non ! s’exclama Jean. Je suis sûr qu’il y a une

solution. N’est-ce pas Charles ?

— Chut ! Je prie ! dit Charles.

— Arrête de prier ! Ça ne nous mènera à rien ! s’énerva

Henri en râlant.

— Oh ! Quand sortirons-nous de cette histoire ? se

lamentait encore Arthur.

D’un seul coup, Jean, Arthur, Charles et Henri

entendirent des bruits de sabots et de chevaux. Alors,

les pèlerins sentirent qu’ils n’étaient plus

maintenus. Toujours, avec leurs sacs sur la tête, ils

entendirent le bruit des pas de leurs assaillants

s’éloigner. Le mystérieux cavalier dont le cheval avait

fait les bruits de sabots cria : « A l’attaque ! ».

« Mais que se passe t- il ? demanda Charles.

— Aucune idée ! Mais écoutez ! répondit Henri.

— On entend des bruits d’épée ! déclara Charles. Il y a

certainement un combat !

— Mais, au fait, moi je ne suis pas attaché ! déclara

Jean.

Chapitre 3

19

— Tu ne pouvais pas le dire plus tôt ! dit Arthur.

— Bah quoi ? se révolta Jean.

— Assez de bavardages comme ça déclara Henri. Jean,

délivre nous ! »

Alors, Jean enleva son sac, et vit la bataille. Tous les

assaillants les avaient laissés pour se battre contre un

cavalier dans les buissons voisins. Jean redoubla de

rapidité. Il sortit son couteau et scia les liens. Au bout

de quelques minutes, tout le monde fut délivré.

Arthur murmura :

« Filons, vite ! ».

* * *

Cela faisait maintenant plus d’une demi-heure

qu’Enguerrand était dans la forêt et Geoffroy

commençait à s’impatienter.

Soudain, une perdrix surgit du bois. Geoffroy lâcha

son faucon qui se précipita sur la perdrix.

Le rapace était beau, il avait une tête fine et un

regard perçant. Son ventre était de couleur ivoire

parsemé de petites tâches noires. Ses pattes puissantes

étaient jaunes et ses serres acérées de couleur dorée.

Chapitre 3

20

Ses ailes étaient magnifiques, longues et de couleur

noire.

Le faucon rapporta la perdrix qu’il avait tuée d’un coup

sec.

« Enguerrand, Enguerrand, j’ai une perdrix ! » cria de

joie Geoffroy.

Mais personne ne lui répondit.

« Enguerrand ? Enguerrand ? » cria Geoffroy en

direction de la forêt.

Comme personne ne répondait, Geoffroy

s’engouffra alors dans la forêt à la recherche de son

ami. Il se remit à crier : « Enguerrand ! Enguerrand ! ».

Mais toujours rien…

Au bout d’un temps qui lui parut interminable,

Geoffroy n’avait toujours pas retrouvé le fauconnier. Il

fallait se rendre à l’évidence :

Enguerrand avait disparu !

Chapitre 4

21

Chapitre 4

Après un instant de réflexion, Geoffroy décida de

continuer ses recherches : pour le moment, il n’y avait

rien d’autre à faire.

« Pourquoi ne revient-il pas ? Peut-il être blessé par un

sanglier ? Allons voir plus loin ! », se dit-il .

Il courut sur l’herbe fraîche du matin pour aller sur

le sentier qui traversait le bois. C’était d’ailleurs le seul

chemin pour se rendre au milieu de la forêt.

« Enguerrand, Enguerrand, Enguerrand ! » cria t-il

encore une bonne dizaine de fois.

Chapitre 4

22

Mais Enguerrand ne répondit pas. Il continua donc

à marcher sur la route couverte de feuilles sèches. Il se

baissait souvent pour trouver des indices. Geoffroy

soulevait les feuilles, mais, rien ! Le temps passa

et, tout à coup, il vit quelque chose briller. Il se

demanda ce que ça pouvait être. Il souleva encore les

feuilles et il découvrit une épée couverte de sang .

« Pourquoi cette épée est-elle là ? se dit-il plein

d’inquiétude. Ce n’est pas celle d’Enguerrand ! »

Et il continua ses recherches autour de la

trouvaille qu’il venait de faire. Il vit des traces de cheval.

« Pourquoi ces traces de sabots ? se dit-il. Bizarre ! On

dirait qu’ il s’est passé quelque chose ici. Une bagarre

peut-être ? Il faut que j’en sois certain. Il me faut plus

d’informations pour retrouver mon ami. »

En regardant autour de lui, il s’aperçut que le sol

avait été piétiné.

« Mais que s’est-il passé ? Je commence à beaucoup

m’inquiéter pour mon ami Enguerrand ! » se dit

Geoffroy tout en le cherchant.

Chapitre 4

23

Il s’enfonça plus loin dans la forêt. En cherchant

Enguerrand, il arriva dans une clairière de taille

moyenne. Il releva la tête et vit un liquide rouge. En

regardant de plus près, il vit que c’était des gouttes de

sang.

« Tiens! C’est peut être un indice. Je vais les suivre.

Elles me mèneront bien quelque part ! » pensa t-il en

essayant de se rassurer.

Pas à pas, il arriva dans une plus petite clairière.

Les gouttes s’arrêtaient là, près d’un cheval blessé au

flanc. Il reconnut tout de suite la monture

d’Enguerrand.

« Où est ton maître ? » demanda Geoffroy au cheval.

Le cheval lui répondit par un hennissement et en lui

montrant la cape d’Enguerrand en lambeaux d’un

mouvement de la tête. Les indices étaient maintenant

trop nombreux. Il y avait eu une bagarre, c’était sûr !

* * *

Geffroy entendit des voix qu’il connaissait.

Chapitre 4

24

« Mais ce sont les voix des paysans qu’on a croisé dans

les prés, à l’entrée de la forêt ! », se dit-il.

Geoffroy arriva en courant devant le groupe

d’hommes. Chaque personne était très occupée à

travailler. L’un d’entre eux avait remarqué la présence

de Geoffroy. Il le salua tout en continuant à retirer les

ronces. Deux autres défrichaient. Un quatrième coupait

des branches. Des gens ramassaient des feuilles à coté

du chemin. Le reste des hommes élaguaient des arbres,

pendant que les derniers brûlaient les branches

coupées.

Le plus fort d’entre eux attira l’attention de

Geoffroy : ses grands yeux vert kaki brillaient de mille

feux. Il était assez âgé. Le vieux avait une grande barbe.

Une frange blonde lui cachait la vue. Geoffroy le

regarda de plus près. A coté de sa frange, une blessure

encore fraîche pleine de sang rouge foncé coulait vers

le bas. Soudain, il le reconnut. C’était l’homme avec qui

Enguerrand, avait eu une dispute, quelques temps plus

tôt, en arrivant près de la forêt.

Ses habits étaient laids. Son pourpoint était marron

et il portait des bottes en cuir. Dans son sac, il possédait

des cisailles qui servaient à couper des haies.

Chapitre 4

25

Geoffroy se tourna vers le plus proche des

paysans. Il était en train de travailler. Geoffroy

l’interrompit .

« Bonjour ! lança-t-il.

— Bonjour ! répondit le paysan. Que me veux-tu ?

— Je ne retrouve plus mon ami fauconnier. Je me

demandais si vous ne l’aviez pas vu, dit Geoffroy.

— Non je ne l’ai pas vu ! répondit le paysan. Mais, tu

sais, nous, on a peur de rencontrer les soldats anglais et

ce fameux guérisseur un peu sorcier qui se promène

avec des animaux moitié dressés, moitié sauvages,

soupira le paysan. Alors, on ne s’enfonce pas trop loin

dans la forêt.

— Je comprends, mais les Anglais n’ont pas l’habitude

de se cacher dans les bois. Ils préfèrent tendre leurs

embuscades le long des routes.

— Oui mais il reste le guérisseur. Il vient très souvent se

promener dans la forêt, dit le paysan.

— Je vois. C’est vrai qu’il n’est pas très rassurant. Donc

vous n’avez pas vu Enguerrand ? répondit Geoffroy

— Non. On ne l’a pas vu ! dit le paysan

— Bon, merci. Je dois partir.

— Tu ne restes pas pour m’aider ? demanda le paysan,

un peu moqueur.

— Non. Il faut que je retrouve mon ami. »

Chapitre 4

26

En s’éloignant, Geoffroy leva la tête et son regard

croisa celui du paysan à la balafre qui travaillait un peu

plus loin. Soudain un détail le frappa : la blessure qu’il

avait au visage n’était pas là, quand il l’avait croisé en

arrivant à la chasse. Et si c’était Enguerrand qui lui avait

faite ! Puisque le cheval avait été retrouvé à quelques

pas d’ici, cette idée n’était peut-être pas mauvaise !

Comme ils s’étaient disputés le matin, ils s’étaient peut-

être battus ensemble en se retrouvant par hasard.

Geoffroy devait découvrir comment il s’était blessé. Le

plus simple était d’aller lui demander...Mais ça faisait

un peut indiscret et, de toute façon, si c’était bien ce

qui s’était passé et qu’il avait fait quelque chose à

Enguerrand , il ne le dirait pas et mentirait.

Mais finalement Geoffroy se dit que ce n’était pas

comme si il voulait la lune, alors, il s’approcha de

l’homme et demanda :

« Qu’est-ce que c’est que cette blessure ?

— Où ça ? demanda le paysan qui avait l’air très

étonné.

Geoffroy se demandait si elle avait eu lieu pendant un

combat face à Enguerrand.

— Alors ? Cette blessure, là, sur ton front ! insista-t-il.

— Mais de quoi tu te mêles ! Petit chenapan !

Chapitre 4

27

— C’est bon je vais partir.

— Il vaut mieux pour toi ! »

Geoffroy alla donc plus loin, près des autres

paysans et demanda à l’un d’eux.

« Votre ami, là-bas, comment s’est il fait cette

blessure ?

— Ça lui rappelle de mauvais souvenirs, tu sais. Je t’ai

vu lui en parler. Ça n’a pas du lui plaire. Il n’est pas

commode ! Tu vois, tout à l’heure, il a voulu abattre un

arbre quand, tout un coup, ça lui est tombé dessus. Et

ça lui a fait très mal.

— C’est donc ça qui l’a blessé. Merci pour ces

renseignements. J’espère qu’on se reverra. »

Geoffroy s’éloigna en réfléchissant :

« Ça n’est pas en se battant avec Enguerrand qu’il s’est

blessé. Voilà une piste à éliminer. Ça n’avance pas ! » se

dit-il.

Alors qu’il était encore plongé dans ses pensées,

une jeune fille, sans doute celle d’un des paysans qui

Chapitre 4

28

défrichaient, arriva avec un joli panier d’osier rempli de

quatre pains et d’un petit jambon.

De longs cheveux souples et tressés pendaient de

sa tête arrondie. Derrière sa mèche de cheveux,

apparaissaient des yeux en amande et surtout brillants

qui lui donnaient un air joyeux. Sa bouche souriante

donnait à son visage un air chaleureux et son nez, tout

comme ses oreilles, était petit et rond. Son corps svelte

reposait sur ses grandes jambes minces et ses bras

étaient fins.

En la voyant arriver, les hommes posèrent leurs

outils et se rassemblèrent autour d’elle. Elle dit :

« Le Sieur Clotaire du Castel, vous envoie ce bon

jambon et ces miches de pain pour vous réconforter. Il

y a même une bouteille du bon vin de sa vigne »

Il y eut un « ah ! » de satisfaction et tous

s’installèrent pendant que la jeune fille leur distribuait

la nourriture.

Chapitre 4

29

Les paysans se mirent à manger tranquillement et

la fille qui avait apporté le repas vint couper la

conversation des paysans :

« Bon je vais partir, maintenant que vous êtes servis.

— Au revoir ! répondit un homme.

— Et fais attention sur le chemin ! Il y a des Anglais qui

se promènent ! continua un autre homme.

— Oui je vais faire attention ! Mais en fait, à l’aller, je

n’ai rencontré que des moines de l’abbaye.

Geoffroy qui s’était un peu éloigné, entendit la jeune

fille et en l’entendant parler ainsi, intervint.

— Fillette attends ! Tu sais ce que faisaient des moines

de l’abbaye dans la forêt ? demanda-t-il.

— Non je ne sais pas »

Et elle repartit chez elle.

Geoffroy la regarda s’en aller.

Chapitre 5

30

Chapitre 5

A la sortie de la forêt, du côté de la mare au basilic,

les pèlerins couraient à toutes enjambées. Le sol était

boueux à cause des nombreuses pluies qui étaient

tombées sur le royaume. Jean trébucha et tomba dans

la boue. Il commença à s'enfoncer!

«Eh ! Les gars! Venez m'aider !»

Les autres pèlerins s'arrêtèrent. Ils le sortirent de la

boue avec beaucoup de difficultés : à force de manger

des sangliers, Jean pesait un sacré poids !

Soudain, ils entendirent un bruit ! Le temps

pressait : une bête aux poils longs et aux canines

acérées approchait à grande vitesse ! Trop tard !

L’animal était déjà en train de mordre la cheville de

Jean! Ce dernier hurla. On entendit alors comme un

sifflement lointain. La bête s’arrêta de mordre et

Chapitre 5

31

redressa ses oreilles. Aussi vite qu’elle avait surgi des

fourrés, elle repartit s’engouffrer dans la forêt.

Jean perdait beaucoup de sang, les autres pèlerins

l'aidèrent à se relever.

«Allez, tiens bon! lui dit Henri!»

* * *

Toujours en fuite, les pèlerins couraient à perdre

haleine, espérant trouver un refuge. A un moment, ils

s'arrêtèrent, tout essoufflés. Henri dit: :

« Espérons que l'on trouve un refuge bientôt, Jean

saigne de plus en plus et on dirait que la plaie

s'aggrave. »

Les pèlerins se remirent à marcher. Au bout de

quelques instants, ils virent des chevaux qui galopaient.

Ils se mirent à crier. Les cavaliers entendirent leurs cris

et s’approchèrent d’eux. Ils étaient cinq et parmi eux se

trouvait le Comte Ysengrin de Chaudefour. Jean prit la

parole:

« Messire, pouvez-vous nous protéger?

— Pourquoi donc, répondit le Comte. Que se passe-t-

Chapitre 5

32

il ?»

Les pèlerins expliquèrent la situation. Henri prit la

parole :

« Nous sommes quatre pauvres pèlerins. Nous allons à

saint Jacques de Compostelle et voilà déjà deux

semaines que nous sommes partis de chez nous. Tout à

l’heure, alors que nous étions fatigués, nous nous

sommes allongés pour faire la sieste. Et soudain, nous

n'avons vu que du noir ! Ensuite nous avons compris

que quelqu'un nous avait mis un sac sur la tête. Puis, on

a commencé à nous ligoter. Nous avions affaire à des

brigands ! »

Jean se tenait la cheville…

« Et puis, il y a eu comme un miracle ! Nous avons

entendu des cris et nous avons compris que les brigands

se battaient entre eux, ou que quelqu’un d’autre arrivait

pour nous sauver… Nous n’avons pas cherché à

comprendre. On a réussi à se libérer de nos liens et

nous avons pris nos jambes à notre cou ! »

Le Comte Ysengrin observait les pèlerins, un peu

surpris…

Chapitre 5

33

« Et puis, une bête sauvage, un loup ou un chien

sauvage nous a attaqués. Enfin… a attaqué Jean. »

Ce dernier montra sa blessure.

« Il faut nous aider, messire ! Nous vous demandons la

protection !

— Bien, bien, j'ai compris, c'est une drôle d'histoire,

répondit le Comte. Vous monterez derrière les

cavaliers, dit-il en s'adressant aux pèlerins, je vous

emmène au château du Sieur de Castel. Là-bas, vous

trouverez secours et assistance. »

Les chevaliers qui accompagnaient le Comte

aidèrent alors les pèlerins à monter sur les chevaux puis

le Comte Ysengrin fit avancer la cadence.

« Cela ne vous dérange pas, j'espère, dit l'un des

pèlerins, de nous emmener ?

— Bien sûr que non, lui répondit le Comte, je m'y

rendais justement avec mes gardes car les Anglais nous

harcèlent en ce moment… J'ai décidé de préparer des

armées avec tous mes vassaux pour se débarrasser de

ces ingrats. Faisons une pause, les chevaux commencent

à ralentir. »

Pendant que le Comte se reposait, deux des

Chapitre 5

34

pèlerins, Jean et Charles, s'isolèrent.

« Tu n'as rien dit, j'espère, au sujet de… bref, tu sais de

quoi je veux parler ? demanda Jean en se tenant la

jambe.

— Non, non, ne t'inquiète pas, ils ne se doutent de rien

! lui répondit Charles. »

Puis ils se remirent en route vers le château du

Sieur du Castel.

Un peu plus loin, on aperçut le château. Ce dernier

était immense et possédait de hautes murailles. Du

haut des remparts, une dizaine de gardes surveillait ce

qui se passait au loin.

Un soldat reconnut le Comte Ysengrin et donna des

ordres. Le pont-levis s’abaissa…

Chapitre 6

35

Chapitre 6

Comme son enquête n’avançait pas beaucoup,

Geoffroy décida de retourner sur les lieux où

Enguerrand avait disparu.

« Peut-être que je n’ai pas fait attention à tout, j’ai peut

être raté un indice… »

Il emprunta le petit sentier qui menait à la forêt.

Sur le chemin, il vit, au loin, des cochons sauvages qui

recherchaient des glands sous un chêne centenaire. Un

peu plus loin, il aperçut un hérisson qui fouinait dans les

feuilles mortes.

Il faisait beau ce jour-là et les températures étaient

douces. Geoffroy reconnut l'endroit où il s’était posté

en attendant qu’Enguerrand rabatte le gibier. Le jeune

homme eut un frisson, mais ce n'était pas à cause du

Chapitre 6

36

vent. Il s'engouffra dans la forêt ...

Geoffroy entendit des battements d'ailes: il

sursauta. Des perdrix s’envolaient.... Il retrouva les

traces de pas du cheval d’Enguerrand. A cet endroit, la

terre humide les avait conservées. Il les reconnut

facilement car au milieu de chaque fer se trouvait

l’emblème du Comte de Chaudefour. Les traces

s’arrêtèrent au bout de quelques mètres car le sol était

alors recouvert de feuilles mortes et de mousses. Il

souleva des feuilles avec un bâton.

Au bout de quelques minutes, il découvrit d’autres

traces de chevaux, plus anciennes. Il les examina de plus

près… « Peut-être des cavaliers anglais ? se demanda-t-

il ». Il se souvint alors que les Anglais n’avaient pas la

même technique pour mettre les fers de leurs chevaux.

Un maréchal-ferrant lui avait appris à reconnaître des

fers montés par des Anglais. Les traces que Geoffroy

avait sous les yeux n’étaient pas celles de cavaliers

étrangers…

« Ce ne sont pas les Anglais, se dit-il ».

Il continua pendant un temps de fouiller le sol… Il

s’arrêta sur d’autres traces qui n’étaient pas celles de

chevaux.

Chapitre 6

37

« Tiens, se dit-il, on dirait les traces d’un chien… ou d’un

loup… » Etonné, Geoffroy continua ses recherches, à

quatre pattes. Au bout de quelques instants, il resta

cloué sur place. Puis il se releva, une idée en tête…

* * *

Il se souvint des paroles des paysans à propos d’un

guérisseur qui habitait dans la forêt. Les paysans le

décrivaient comme quelqu'un dont il fallait se méfier,

car dans sa cabane qui se trouvait en plein milieu de la

forêt, on disait que le vieil homme faisait des

expériences bizarres. Des fumées d’une couleur étrange

en sortaient parfois. On disait aussi qu’il avait réussi à

dresser des loups…

Après quelques minutes de réflexion, Geoffroy se

dit qu’il n’avait pas beaucoup de choix. Il s'enfonça alors

dans l'immense forêt.

Le jeune homme regardait souvent autour de lui,

l'air angoissé. A cette époque, la forêt était synonyme

de peurs et d’angoisses, on ne s’y aventurait guère. Il se

demandait où Enguerrand avait bien pu passer...

Il observait les arbres qui semblaient avoir des

écorchures un peu partout sur leurs écorces. Par

Chapitre 6

38

endroit, de la sève s'en écoulait.

Geoffroy entendit soudain un bruit, puis un

corbeau jaillit de nulle part. Il passa tout près d’un arbre

très vieux, aux branches énormes. Soudain, il entendit

l'arbre craquer et il eut juste le temps de passer avant

que l'arbre ne s'écroule derrière lui.

Geoffroy continua son chemin sans relâche. Il était

impatient mais aussi un peu inquiet de rencontrer ce

guérisseur. Il se sentait seul dans cette profonde forêt…

Soudain, au détour d’un buisson, il aperçut une

cabane sombre et délabrée, entourée d’herbes hautes.

Il s’en approcha tout doucement…

Alors qu’il n’était qu’à quelques mètres de la

cabane, deux énormes loups se jetèrent sur lui.

Heureusement pour Geoffroy, les animaux étaient

attachés par une solide corde. L'un des loups était

effroyable, il était gris avec des longs poils et des yeux

impressionnants. Ses crocs étaient aiguisés et

dangereux. L’autre loup était noir et semblait encore

plus terrible.

Malgré les hurlements des loups, Geoffroy

s’approcha de la porte de la cabane. Il s’aperçut qu’un

des loups était blessé, à la joue gauche. Au coin de la

cabane se trouvait une cage avec des pigeons

Chapitre 6

39

voyageurs.

La porte s’ouvrit brutalement. Un grand homme

apparut, vêtu d'un haut en laine avec un trou sur la

manche gauche. Il portait un pantalon couvert de

poussière.

* * *

Le guérisseur s'approcha de Geoffroy mais celui-ci

reprit ses distances car sa tenue était vraiment

effrayante.

« Je ne vais pas te mordre, dit le guérisseur d’une voix

lugubre.

— Bonjour, vous êtes bien le guérisseur ?

— Qui veux-tu que je sois ? Un prince charmant ?

répondit l’homme en se mettant à rire et en montrant

des dents pourries… Je suis Calabosse. Et toi, qui es-tu

pour oser venir me déranger ?

— Je suis Geoffroy Durayère. J’ai travaillé pour le Comte

Ysengrin de Chaudefour, autrefois. Mon ami Enguerrand

de la Bosse a disparu et je venais vous demander si vous

l’aviez vu…

— Je ne vois personne ici, allez fiche le camp ! Tu me

déranges !

— Juste une question, monsieur… Vous connaissez

Enguerrand ?

Chapitre 6

40

— Enguerrand, dis-tu…. Ah, oui, je m’en souviens,

maintenant… Il est fauconnier, n’est-ce pas ?

— Oui, c’est ça, répondit Geoffroy.

— Taisez-vous, les loups! hurla le guérisseur. Il est venu

me voir une première fois, il y a longtemps… Ses

faucons étaient malades. Je les ai guéris. Bon,

maintenant, ça suffit, j’ai des choses à faire… Laisse-moi

tranquille, maintenant.

— Et vos loups, ils sont toujours attachés ?

— Pourquoi me poses-tu cette question ? Tu veux que

je les détache ? répondit le guérisseur soudain

menaçant.

— Non, surtout pas… Mais se sont-ils échappés ces

jours-ci ?

— Ils ne quittent jamais cette cabane… Tu as vu leur

corde ?

— Oui, répondit Geoffroy…

— Va-t-en maintenant, ou je coupe cette corde ! »

* * *

Geoffroy s’éloigna alors… Le guérisseur retourna

dans sa cabane en refermant violemment la lourde

porte en bois…

« Pas commode, ce guérisseur ! Mais bon, il ne m’a rien

appris sur la disparition Enguerrand. Et puis ici, pas de

place pour un cheval... » se dit Geoffroy en observant

Chapitre 6

41

l’endroit

Il poussa un profond soupir: « Bon, maintenant je

ne sais pas où aller. Que pourrais-je faire? Retourner sur

mes pas, là où Enguerrand a disparu?... Non, ça ne

servirait à rien... »

Soudain, Geoffroy entendit des grognements. Il se

retourna et vit les deux loups du guérisseur qui

montraient férocement les crocs. Pris de panique, il se

dépêcha de quitter la cabane du guérisseur en courant.

Lorsqu'il fut arrivé sur le chemin gadoueux de la forêt, il

réfléchit plus sérieusement :

« Le guérisseur connaissait Enguerrand puisqu’il a

soigné ses faucons. Enguerrand a dû le remercier, sans

aucun doute… Pourquoi le guérisseur aurait-il voulu

faire disparaître mon ami ? Je ne vois pas de raison…

Pourtant, je suis presque sûr que les traces que j’ai vues

étaient celles d’un loup… ».

Geoffroy continua de marcher à l’ombre des arbres

qui cachaient le soleil avec leurs épaisses branches… Le

temps avait passé sans que Geoffroy ne s’en rende

vraiment compte et le jour commençait déjà à baisser. Il

fallait se dépêcher . Mais les chaussures de Geoffroy

étaient trempées et boueuses; cela l'empêchait

Chapitre 6

42

fortement de marcher correctement.

Un peu plus tard, il arriva devant un panneau

poussiéreux qui devait être là depuis au moins dix

longues années. Il y était marqué: Abbaye Saint Antoine

: 34 pieds.

Il se souvint alors d'Amélie, la fille d’un des paysans

qui lui avait dit avoir croisé des moines dans la forêt. Il

avait trouvé étrange d’ailleurs cette histoire de moines.

.. D’habitude, ces derniers restent enfermés dans leur

abbaye… Mais, bon, ils avaient peut être croisé

Enguerrand.

« Bon, puisque l’abbaye est par là, demain, j’irai

rencontrer ces moines… Ils pourront peut-être m'en dire

plus sur cette mystérieuse disparition..."

Geoffroy laissa donc le chemin qui menait au

monastère à sa droite et se dirigea vers la fauconnerie

où il habitait désormais.

Chapitre 7

43

Chapitre 7

Le jour se levait…

Geoffroy se réveilla aux premières lueurs de l’aube,

l’air toujours très inquiet pour son ami Enguerrand,

mais aussi très fatigué de sa journée précédente. Pour

mieux se réveiller, il s’aspergea le visage avec de l’eau

du seau qui était à côté de ses pieds. Il avait passé une

nuit seul dans la chaumière d’Enguerrand.

Il alla chercher, dans un gros coffre, une grosse

miche de pain. Il la mit sur la grande et large table de

chêne. Puis, il alla chercher le beurre dans le garde-

manger. Il le posa et en tartina une énorme tranche

de pain qu’il mangea.

En l’avalant, il se rappela qu’il avait décidé d’aller à

l’abbaye pour avoir des informations sur les moines de

Chapitre 7

44

la forêt. Quand il eut fini son petit déjeuner, il sortit, en

claquant la porte et en se dirigeant vers l’abbaye.

* * *

A mesure qu’il s’approchait de l’abbaye, les arbres

de la forêt devenaient plus rares et bientôt, il se

retrouva dans une vaste clairière.

Devant lui, se dressait un ensemble de bâtiments

de taille moyenne, entouré d’un grand mur épais

recouvert de lierre. Près d’une grande porte, une cloche

tombait du mur. C’était là que vivaient une dizaine de

moines dont la vie faite de prières, de méditation et du

travail de la terre s’écoulait paisiblement.

Le bâtiment le plus grand et le plus joli était la

chapelle. Ses pierres, taillées dans des blocs blancs,

faisaient belle impression. Le toit semblait être en tuiles

arrondies. En levant la tête, Geoffroy aperçut un beau

faucon tournoyant autour du clocher en poussant des

cris stridents.

« Quel superbe rapace ! » se dit-il

Chapitre 7

45

Geoffroy passa à droite d’un bel arbre qui ressemblait à

un châtaignier. Peu à peu, il s’approcha de la porte en

bois.

Parvenu devant elle, il sonna la cloche pour

signaler son arrivée.

Un moine lui ouvrit. Il avait un visage à l’expression

sévère. Il portait un chaperon. Son visage ovale et son

nez pointu laissaient sans voix. Avec ses grandes

oreilles, on aurait dit un éléphant. Et son gros ventre

gras ressemblait à celui d’un rhinocéros. Ses longs bras

pendaient comme des élastiques. Ses jambes restaient

très molles. Ses gestes étaient très mous. Son regard

méchant et si bizarre énervait Geoffroy.

Un sourire apparut sur son visage ce qu’il lui donna

soudain l’air plus sympathique .

— Je vous en prie, Monsieur, entrez ! dit le moine.

Geoffroy avança donc et passa la porte de

l’enceinte de l’abbaye. Il se retrouva dans une vaste

Chapitre 7

46

cour ou il y avait des arbres alignés et bien fleuris. Un

grand potager qui paraissait bien entretenu et rempli

de gros légumes, se trouvait dans un coin, à côté d’un

petit buisson, au soleil. L’herbe était bien coupée. Il y

poussait plein de fleurs.

A droite, une chapelle supportait plein de fenêtres

avec beaucoup de couleurs et de dessins de Jésus. On

voyait sa grande porte en bois massif avec des gros

clous noirs. Le toit était beau avec ses tuiles de couleur

marron. Sur le mur, du lierre montait jusqu’à celui-ci.

Devant Geoffroy, au fond du jardin, on pouvait voir

un grand mur en briques avec dessus, du lierre. Le mur

était assez épais. Il comportait deux portes. L’une

d’elles menait au logis et l’autre, plus à droite,

conduisait au cloître. Quand on voulait passer sous une

porte, il fallait un peu se baisser car elles étaient

petites.

Dépassant de la partie gauche du mur, on voyait le

logis. Il avait deux étages. Dehors, on pouvait entendre

des animaux : des poussins, des poules, des coqs, des

Chapitre 7

47

cochons et des moutons. Geoffroy sentit une odeur de

tarte :

« Mm ça sent bon. J’aimerais bien en manger une part

mais ça serait trop demander !» pensa-t-il.

« Que voulez-vous ? demanda le moine

— Eh bien, je cherche mon ami Enguerrand ! Hier, on

m’a dit que des moines de l’abbaye se promenaient

dans la forêt.

— Oui c’est normal, en ce moment c’est la saison des

champignons. Donc, nous allons les chercher pour notre

repas le soir

— Mais pourtant, en ce moment, vous êtes bien tous à

l’abbaye ?

— Oui, aujourd’hui, nous avons prévu d’aller cueillir des

champignons. Mais nous n’y sommes pas encore allés

puisque vous êtes arrivé. Nous allions partir.

— Si vous voulez y aller, je peux vous laisser et revenir

plus tard. Je ne voulais pas vous déranger, dit Geoffroy.

— Non vous ne nous dérangez pas, au contraire, dit le

moine.

— De toute façon j’allais partir, répondit Geoffroy.

Chapitre 7

48

« Donc, c’était sans doute vrai ce que la fille des

paysans m’avait raconté. Il n’y a pas à s’en faire. Encore

une piste qui s’échappe », se dit Geoffroy tout bas.

— Que dites-vous mon frère ? demanda le moine

— Primo je ne suis pas ton frère ! Deusio je parlais tout

seul, répondit Geoffroy, un peu énervé.

Et il pressa le pas vers la sortie.

— Eh ! Bien c’était très bien cette balade, mais il faut

que je rentre chez moi, annonça-t-il au moine qui

l’accompagnait

— Oui mon frère. Je comprends. Moi aussi j’ai du

travail. Au revoir et merci. »

Et Geoffroy s’éloigna de l’abbaye tout en

réfléchissant à ce qu’il allait faire maintenant.

Plus loin, il s’assit sur une souche. Tout en

réfléchissant, son regard se perdait dans le vague en

direction de l’abbaye. Perdu dans ses pensées, il vit un

moine sortir par la porte de l’enceinte extérieure. Il

avait une barbe mais pas de moustache. Il portait à la

main, un panier d’osier qui semblait lourd.

Chapitre 7

49

« Tiens, il doit partir aux champignons ! » se dit

Geoffroy.

Un nuage de mouches tournait autour de la tête du

moine. A cette époque de l’année , on était, en effet

souvent embêté par ces bestioles.

« Il ne doit pas sentir la rose, celui-là ! » se dit le jeune

fauconnier en voyant les insectes voltigeant autour de

lui.

Puis, il se leva et retourna en direction de la forêt.

Chapitre 7

50

Chapitre 8

Soudainement, Enguerrand se réveilla. Ses yeux ne

voyaient rien mais il entendait toutes sortes de petits

bruits qui faisaient peur : comme des petits

piétinements autour de lui, des bruits de gouttes d’eau

qui tombaient à côté. Dans ce noir, il faisait froid.

Enguerrand était tellement enragé qu’il commença à

crier :

« Libérez-moi ! »

Mais rien ne se passa…

Puis, il était tellement fatigué qu’il s’assit. Il

chercha, à tâtons, ce qu’il pouvait y avoir dans cette

pièce. Mais il n’alla pas bien loin parce qu’il était gêné

Chapitre 8

51

par ses liens. Une grosse chaîne le maintenait attaché

au mur.

Près de la porte, il trouva une gamelle. L’odeur qui

en sortait ne donnait pas envie, mais il dévora ce qui s’y

trouvait car il était affamé. La pièce sentait une odeur

forte de moisissure.

Quand il fut rassasié, il laissa ce qui restait de

nourriture au fond de la gamelle et continua sa

découverte de la pièce à tâtons. Elle était faite de

toutes sortes de pierres : des petites , des grandes, des

dures. Et tout d’un coup , il marcha sur une flaque. Cela

confirma que la pièce était humide. Quelque chose lui

mordit le bout du pied et Enguerrand se dit que cet

endroit était maudit. Il se mit à penser à Geoffroy.

Tout en réfléchissant, Enguerrand se remit à

manger le reste de la nourriture.

« Depuis quand suis-je dans le noir complet avec des

gamelles pleines de nourriture ? Se disait- il, en

touchant sans le vouloir le récipient. Et comment suis-je

arrivé dans cette endroit sombre ? se répétait-il

continuellement. Où suis-je ? Qui est-ce qui est caché

derrière tout cela ? »

Chapitre 8

52

Beaucoup de questions se bousculaient dans sa

tête.

« Je me souviens juste d’avoir eu un coup sur la

caboche. Ça me fait d’ailleurs encore mal ! Quand je me

suis réveillé, il faisait tellement noir que je ne voyais

plus ni le jour ni la nuit. »

Puis, continuant à réfléchir, il se dit :

« En supposant qu’ils me donnent à manger une fois

par jour, je peux penser que ça fait environ quarante-

huit heures que je suis là, puisque j’ai eu deux repas. »

Il écouta attentivement les petits tapotements sur

le sol. Par moment , des petits « scouics » et des

grattements retentissaient. Il comprit alors que ses

compagnons étaient des rats.

« Des rats ? se demanda t-il, mais qu’est ce que des

rats viennent faire ici ? »

Il réfléchit un long moment à sa question. Ce

n’était pas les rats qui étaient des intrus mais c’était

lui ! Il essaya de se souvenir de quelque chose, mais à

Chapitre 8

53

part sa douleur persistante à la tête, aucun indice,

aucun souvenir ne lui revenaient.

Il appela encore :

« Il y a quelqu’un ? »

…Mais hélas personne ne lui répondit. Les mêmes

questions lui tournaient dans la tête :

« Que faisait-il ici ? Pourquoi l’avait on emprisonné ?

Etait il seul ? Oui, sinon quelqu’un aurait répondu à ses

cris. Alors, qui venait lui donner à manger ? Sans doute

ceux qui l’avaient emprisonné ici. »

Tout en réfléchissant , il se mit à fredonner un air.

Mais, il n’arrivait pas à mettre des paroles sur celui-ci.

« Je l’ai sans doute entendu dans mon sommeil. »

pensa Enguerrand.

Il se rendit alors compte que cet air qui lui trottait dans

la tête, depuis un moment, il le connaissait

parfaitement. Mais d’où venait-il ?

« L’ai-je vraiment entendu ? » se demanda Enguerrand.

Et, il commença à sombrer dans le sommeil…

Chapitre 8

54

Chapitre 9

Le soleil rayonnait. Geoffroy, tout en marchant,

réfléchissait à son enquête... Il n'avait que très peu

d'indices et commençait à désespérer. Allait-il pouvoir

retrouver son ami?

Soudain, il eut une idée. Non loin de là se trouvait

le château du Sieur Clotaire du Castel, un puissant

vassal du Comte Ysengrin de Chaudefour. Peut-être que

Clotaire du Castel pourrait l'aider... Il était sa dernière

chance.

Il sortit alors un vieux papier jauni de sa poche où y

étaient griffonné des lettres et un plan de la forêt à

peine visible.

« Alors, le château de Clotaire... C'est par là ! s'écria-t-

il. »

Il se mit à avancer rapidement en évitant les

branches des sapins qui lui fouettaient le visage.

Chapitre 9

55

Lorsqu'il sortit de la forêt, le soleil lui fit mal aux yeux.

Mais il y avait quelque chose de bien plus

impressionnant. Le château du Sieur Clotaire du Castel

se dressait devant lui. Autour de celui-ci s'étendaient de

magnifiques champs de blé dorés qui brillaient au soleil.

Le donjon était la plus haute tour du château. Il devait

faire environ vingt mètres de haut et les murailles qui

l'entouraient étaient épaisses. Des gardes surveillaient

l'entrée et les moindres recoins du château. Geoffroy

marcha tranquillement jusqu'à l'entrée en admirant cet

étonnant paysage. Lorsqu'il arriva devant le pont-levis,

il remarqua les deux gardes qui parlaient entre eux:

« Bonjour Messieurs, leur dit-il. Je suis Geoffroy

Durayère. Je viens voir le Sieur Clotaire. Est-il ici?

Les deux gardes, coupés de leur discussion, se

retournèrent brusquement:

— Oui, il est dans l'donjon mais nous n'faisons pas

entrer les étrangers, grogna le premier.

— Allez! Partez! s'écria le second en agitant les bras.

— Ecoutez Messieurs, répliqua Geoffroy. Mon ami a

disparu et...

— Bon, attendez-moi Geoffroy Du...Dugruyère, ou je ne

sais plus quoi, coupa-t-il. J'vais aller en parler au Sieur

Clotaire. »

Chapitre 9

56

Le premier garde descendit du chemin de ronde et

disparut. Geoffroy s'assit dans l'herbe et attendit le

retour du garde. « Ils ne sont pas très aimables ces deux

là, pensa-t-il. » Cinq minutes plus tard, le garde revint

essoufflé:

« Mademoiselle Eléonore, la servante du Sieur Clotaire,

va v'nir vous chercher, dit-il, le souffle court.

— Merci beaucoup. répondit Geoffroy, soulagé. »

ll faisait de plus en plus chaud mais, heureusement,

Mademoiselle Eléonore arriva. Le pont s'abaissa et la

jeune fille apparut. Elle lui dit: « Monsieur Geoffroy? Le

Sieur Clotaire vous attend. Suivez-moi, je vous prie. »

Geoffroy remercia les deux gardes et pénétra à

l'intérieur du château. Mademoiselle Eléonore avait de

longs cheveux bruns tenus en un chignon. Son visage

était fin et son sourire accueillant. Elle portait un tablier

usé et des sabots abîmés. Geoffroy suivit la servante à

travers le château. Ils passèrent par la cour où

travaillaient de nombreux domestiques. Après cette

petite visite du château, l'imposant donjon du Sieur

Clotaire se dressa devant eux. Mademoiselle Eléonore

poussa la porte avec beaucoup de difficulté et ils

entrèrent dans cette immense tour. A l'intérieur du

Chapitre 9

57

donjon tous les murs étaient en pierre. Seules quelques

fenêtres bien minces et quelques bougies éclairaient

une sombre salle.

"Nous voici au premier étage, murmura Mademoiselle

Eléonore. Le Sieur Clotaire du Castel se trouve au

troisième. Suivez-moi."

La jeune fille et Geoffroy se dirigèrent vers l'escalier du

donjon. Celui-ci était en colimaçon, mais il était très

étroit. Au deuxième étage, Mademoiselle Eléonore

expliqua à Geoffroy qu'ils se trouvaient dans la salle à

manger. C'était une salle chaleureuse avec une très

longue table et une cheminée. Ils s'engagèrent dans le

dernier escalier et arrivèrent au troisième étage. Le

Sieur Clotaire l'attendait. Il était assis dans un

confortable siège. Sieur Clotaire se leva:

« Qui êtes-vous jeune homme? interrogea Clotaire.

— Je suis Geoffroy Durayère, répondit-il. J'ai longtemps

été au service du Comte Ysengrin. J'étais son écuyer.

— Ah, oui! C'est vous qui avez eu des problèmes avec

Pierre-Louis...

— Oui, oui c'est un mauvais souvenir, répondit Geoffroy

en soupirant. »

Ysengrin, qui était parti voir ses chevaux, revint,

essoufflé. Lorsqu'il découvrit son ancien écuyer il

s'écria :

Chapitre 9

58

« Geoffroy! Comme tu as grandi et comme tu es devenu

fort ! Un véritable homme! s'exclama-t-il.

— Merci, répondit timidement Geoffroy, ça faisait si

longtemps que l'on ne s'était pas vus.

— Alors, qu’est-ce qui t’amène par ici? demanda

Ysengrin.

Le Sieur Clotaire, intéressé par cette discussion, se

rapprocha légèrement:

— Eh, bien...en fait, c'est Enguerrand.... il a disparu,

leur répondit-il.

— Enguerrand? Mon fauconnier?...il a disparu?

s'inquiéta le Comte.

— Oui...Dans la forêt… Nous étions en train de chasser.

Enguerrand est entré dans la forêt pour rabattre le

gibier. Moi, je me tenais prêt à lâcher le faucon… Mais

j’ai attendu longtemps… Comme Enguerrand ne

revenait pas, je suis entré à mon tour dans la forêt…

Mais je n’ai retrouvé aucune trace de mon ami…Je l’ai

cherché, en vain. Je ne l'ai pas trouvé. Mais, il a dû se

passer quelque chose, j’ai découvert une épée à

l’endroit où il a disparu… Et des traces de chevaux…. Et

aussi celles d’un gros chien ou d’un loup… J’ai rencontré

des paysans qui défrichaient, mais ils n’avaient rien vu.

Je suis même allé voir un guérisseur et même des

Chapitre 9

59

moines dans une abbaye… Mais, c’est pareil : je n’ai

aucune piste. Je ne sais pas ce qui est arrivé à

Enguerrand…Voilà pourquoi je suis venu vous voir….

— Tu t'es déjà bien débrouillé pour l'instant, mais tu as

besoin de notre aide! s'exclama Ysengrin.

— Oui, nous allons t'aider, continua Clotaire.

— Je vois que je ne suis pas venu ici pour rien!

plaisanta Geoffroy.

— Tiens, j’y pense… J’ai recueilli des pèlerins qui ont

été attaqués dans la forêt…, murmura Clotaire,

songeur. Peut-être pourront-ils nous apprendre

quelque chose ? Je ne sais pas s’ils savent quelque

chose sur cette mystérieuse disparition mais nous

pourrions peut être aller les interroger...

— Allons-y ! s'exclama Geoffroy. »

* * *

Ils sortirent du donjon et entrèrent dans une autre

tour du château. Ils arrivèrent devant une lourde porte.

Geoffroy hésita puis se décida et l'ouvrit. Il y avait

ensuite un escalier qui arrivait sur une plus petite porte.

Ysengrin frappa.

« Entrez, dit Henri, l'un des pèlerins, d'une voix

méfiante. »

Chapitre 9

60

A l'intérieur de la pièce se trouvaient les quatre

pèlerins. Dans un coin se trouvaient deux lits côte à

côte et une petite cheminée. Il y avait également, à

l'autre bout de la pièce deux armoires dont une qui

était enchaînée et cadenassée.

« Pourquoi cette armoire est-elle cadenassée ? se

demanda Geoffroy tout en essayant de l'ouvrir.

— Non !!! cria Jean.

— Excusez-le, il est un peu tendu et fatigué, avec sa

jambe, le défendit Pierre.

— Oui et puis, avoua Arthur, et puis cette armoire, elle

est, euh........

— Elle est ? questionna Geoffroy.

— Euh, euh, elle est comme ça....depuis,

depuis...euh....depuis notre arrivée !!

— Bon très bien déclara Ysengrin d'un air peu

convaincu. Revenons un peu sur ce qui vous est arrivé

dans la forêt. Pourquoi d’après vous avez-vous été

attaqués ?

— Nous avons très peu d'argent, pas .de... bijoux....dit

Henri en n'arrêtant pas de jeter des regards à ses

camarades. On se demande vraiment pourquoi ils nous

ont attaqués...

— Oui, c'est... étonnant... Ils se sont peut-être trompés

de personnes...Heureusement qu'on a nous a sauvés!

continua Jean en baissant les yeux.

Chapitre 9

61

— Et vous avez vu la personne qui vous a aidés?

demanda Geoffroy.

— Non, nous avions une cagoule sur la tête. Mais il

semblait fort. Il se battait comme un diable.

— Bon, rien de plus? demanda Ysengrin.

— Non messire, on vous a ... tout dit, dit Jean. On

attend un jour ou deux que ma blessure guérisse et on

repartira.

— Et cette blessure, il paraît que c'est un loup qui aurait

pu vous me mordre?

— Oui, c'est ce que m'a dit la personne qui est venue

me soigner....

— Bon, reposez-vous, répondit Geoffroy. A plus tard. »

En sortant, Geoffroy demanda à Ysengrin ce qu'ils

pensaient de cette discussion avec les pèlerins.

« Il y a quelque chose de bizarre... Comme s'ils ne nous

disaient pas tout...

— Et cet homme qui les a aidés, vous ne pensez pas

qu'il pourrait s'agir d'Enguerrand ? demanda Geoffroy.

— Oui, je commence à le croire. En tout cas, le

connaissant, je pense qu'il n'aurait pas hésiter une

seconde à venir au secours de ces pèlerins, continua

Ysengrin.

— Il aurait alors été enlevé par ces brigands...

Chapitre 9

62

— On ne sait pas grand chose d'eux... si ce n'est qu'ils

ont un ou plusieurs loups dressés...

— Et ils n'ont certainement pas attaqué les pèlerins

sans raison...Que cherchaient-ils? Je n'y comprends

rien... Qu'est-il arrivé à Enguerrand ?

— Hélas, si je pouvais vous répondre..., répondit le

Comte.»

Geoffroy et Ysengrin retournèrent dans le donjon

où ils retrouvèrent le Sieur Clotaire. Soudain, un garde

entra dans la pièce.

« Monseigneur, un paysan demande à s'entretenir avec

vous, il dit qu'il s'appelle Martin.

— Dites-lui de venir, lui répondit le Sieur Clotaire.

— Bonjour, je....on m'a remis cette missive pour vous...

C'est un moine qui me l'a donnée. Il m'a dit que c'était

urgent... Alors, voilà...

— Merci bien, mon brave, vous pouvez disposer..."

Clotaire déroula le parchemin. La stupeur apparut

sur son visage. Il montra le message aux deux autres:

Chapitre 9

63

Geoffroy balbutia :

Que signifie ceci ?

— Il n'y a plus de doute maintenant, répondit le Comte.

Notre ami Enguerrand est bien prisonnier des brigands

qui ont attaqué nos pèlerins...

— Mais de quel reliquaire parlent-ils?

— Allons poser la question à ces pèlerins qui se sont

bien moqués de nous! dit le Comte en se levant

brusquement..."

* * *

Au même moment, sur la tour de guet du donjon,

un pigeon voyageur qui semblait venir de la forêt se

posa sur un mâchicoulis. Un soldat barbu d'une

trentaine d'années accourut pour le récupérer. Il

décrocha de la patte droite de l'animal un parchemin

jauni par le temps. Le soldat ouvrit le parchemin et

découvrit un message adressé au sieur Clotaire. Il

demanda à un autre garde d'aller tout de suite apporter

la missive au sieur Clotaire.

Le soldat entra dans le donjon et monta à toute vitesse

les marches qui conduisait à la pièce où se trouvait le

seigneur du château. Il frappa à la porte.

« Qui est là? dit Clotaire.

Chapitre 9

64

— Seigneur, vous avez reçu un message, par un pigeon

voyageur...

— Entrez, ordonna Clotaire."

Ce dernier était tout seul dans la pièce où seuls

quelques tapis décoraient les murs en pierre.

« Voilà la missive, dit le garde en tendant le parchemin.

— Merci, vous pouvez vous retirer... »

Clotaire du Castel déroula le parchemin et put lire:

« Des loup dans une grotte maintenant ? Mais quelle

histoire! Je n'y comprends rien... Allons vite prévenir

Geoffroy et Ysengrin. »

Chapitre 9

65

Chapitre 10

« Ce n'est pas possible, ils se moquent de nous ! se

fâcha Geoffroy. Les pèlerins ont avec eux un reliquaire

dont ils nous ont rien dit!

— C'est vrai, ils nous ont menti! répondit le Comte.

— Allons les voir, ces menteurs ! insista Geoffroy"

Geoffroy et le Comte descendirent une par une les

marches de l'escalier du donjon puis arrivèrent la tour

où ils retrouvèrent les pèlerins qui étaient en train de

chuchoter entre eux.

« Qu’est ce que c'est que ces bobards! dit Geoffroy en

se fâchant.

— Quoi, quels bobards? répondirent les pèlerins un

peu gênés.

Chapitre 10

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— Arrêtez encore de mentir, nous savons que vous

nous cachez la vérité !

— Quelle vérité ?

— Et ça, ça veut dire quoi ? intervint le Comte en leur

montrant le parchemin qu’un paysan avait apporté au

Sieur Clotaire… »

Les pèlerins se regardaient entre eux… Jean prit la

parole :

« Bon, on ne devait pas le dire mais la situation devient

compliquée… Nous avons un reliquaire d’une très

grande valeur…

— Un reliquaire ? coupa Geoffroy.

— Oui, les restes de Saint Martin dans un coffre en or et

rubis…. Nous devions apporter ce reliquaire à Saint

Jacques de Compostelle. C’est notre évêque qui nous

l’avait demandé…On devait le faire discrètement, car ce

reliquaire est d’une valeur inestimable…. Quelqu’un a

dû être mis au courant et voilà pourquoi on a été

attaqués… expliqua Henri.

— Et où est-il ce reliquaire ? demanda le Comte.

— Là, dans l’armoire, répondit Jean. En sécurité….

Heureusement que quelqu’un est venu nous aider lors

de l’attaque… Sinon, ce reliquaire ne serait plus là….

— Et cette personne qui est venue vous sauver, c’est

Enguerrand. Il va falloir maintenant aller à son secours,

continua le Comte… »

Chapitre 10

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* * *

Le Comte Ysengrin, le Sieur Clotaire et Geoffroy

étaient dans le Donjon et discutaient de ce que les

pèlerins venaient de leur apprendre…

Au bout de quelques instants, Geoffroy se leva

brusquement et il prit la parole :

« Ca y est! Je sais où se trouve Enguerrand!

— Comment ça ? demanda le Comte Ysengrin.

— J’ai une idée...Voilà… »

* * *

Geoffroy et le Sieur Clotaire étaient en train de

préparer leurs chevaux. Une servante arriva avec un

gros paquet.

« Enfilez ceci, Sieur Clotaire ».

Geoffoy lui tendit un parfait déguisement de moine.

Chapitre 10

68

Geoffroy enfila lui aussi son habit de moine.

« Allons-y ! dit-il »

Ils grimpèrent sur leurs chevaux. Les gardes

descendirent le pont-levis. Les deux hommes

s’élancèrent vers la forêt.

Au bout d’une heure, ils arrivèrent devant l’abbaye

où Geoffroy était déjà allé. Ils cachèrent leurs chevaux

derrière des arbres.

Puis ils frappèrent à la lourde porte en bois de

l’abbaye.

« Que voulez-vous? demanda un moine qui venait

d'ouvrir brusquement la porte.

— Bonjour, pourriez-vous nous héberger pour cette

nuit ? Nous avons besoin d’un peu de repos… demanda

Geoffroy qui s’était un peu caché le visage.

Le moine sembla hésiter…

— Non, désolé, il n'y a plus de place, nous avons déjà

du monde…répondit-il assez froidement.

— Mais, nous ne savons pas où aller… , insista le Sieur

du Castel. Nous n’avons pas besoin de grand-chose. Une

cellule nous suffira pour tous les deux. »

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69

Le moine n’avait pas d’autre solution que

d’accepter. Les abbayes devaient l’hospitalité aux

voyageurs, surtout lorsque ces derniers étaient des

moines.

« Bon d'accord, entrez, dit le moine. Je vais vous

conduire dans votre chambre."

Le Sieur du Castel et Geoffroy entrèrent ainsi dans

l'abbaye.

* * *

Quelques heures plus tard, alors que la nuit était

tombée, Geoffroy et Clotaire préparaient leur plan

dans leur cellule. Geoffroy, sans faire de bruit, à pas de

velours , sortit dans le couloir. Tout le monde semblait

dormir. Il fit un signe à Clotaire en lui disant que c'était

bon. Ils commencèrent alors à s’aventurer dans

l'abbaye. Ils ouvrirent de nombreuses portes, à la

recherche d’Enguerrand. Aucune trace… Ils arrivèrent

alors dans le bureau de l’abbé. Soudain, Geoffroy glissa

sur un tapis. Il faillit tomber mais Clotaire le retint. Le

tapis venait de dégager une sorte de trappe. Ils

l’examinèrent puis ils décidèrent de l'ouvrir. A

l’intérieur, ils découvrirent un escalier qui descendait

dans le noir complet. Tout doucement, sans faire de

Chapitre 10

70

bruit, ils descendirent et décrochèrent une torche qu’ils

allumèrent.

« Quelque chose me dit qu’Enguerrand est prisonnier

par ici, chuchota Geoffroy.

— Oui, allons-y, lui répondit Clotaire… »

Ils étaient sous l’abbaye. Un long couloir était

devant eux. Les murs en pierre étaient humides. Ils

avancèrent avec précaution. Ils arrivèrent devant une

vieille porte en bois.

« Qui va là ? » hurla quelqu’un à l’autre bout du

couloir.

Geoffroy et Clotaire se retournèrent. Deux moines

impressionnants les fixaient. Ils tenaient de lourds

gourdins.

« Et vous, qui êtes-vous vraiment ? De véritables

moines ? dit Geoffroy.

— Toi, tu poses trop de questions, répondit l’un des

moines en s’avançant, menaçant. »

Trois autres moines arrivaient de l’autre côté du

couloir… Geoffroy et Clotaire étaient cernés.

Ils sortirent alors leurs épées qu’ils avaient cachées

sous leurs vêtements… Une terrible bagarre s’engagea

Chapitre 10

71

alors… Les moines reculèrent un instant quand ils virent

les épées mais ils décrochèrent des lances qui étaient

accrochées au mur. Geoffroy désarma un premier

moine et en blessa un second. Clotaire, lui, était

attaqué par les trois derniers moines. Il reçut un coup

au visage et tomba. Geoffroy prit un flambeau et le

lança au visage du moine qui venait de blesser son ami.

Mais les deux autres s’approchaient de lui et le moine

qui était blessé lui fit un croche-pattes. Geoffroy fut

déséquilibré et tomba à la renverse. C’est alors qu’une

puissante voix retentit :

« Arrêtez ! Jetez vos armes !

— Ysengrin ! cria Geoffroy. »

Le Comte en effet venait d’arriver, avec une bonne

dizaine de gardes.

« Vous arrivez à temps », lui dit Geoffroy.»

Quelques secondes plus tard, les faux moines étaient

tous ligotés…

* * *

Geoffroy enfonça la porte en bois. Quelques

planches cassèrent et la porte put alors s’ouvrir. Au

fond de la pièce, il découvrit Enguerrand, attaché par

une lourde chaîne. Un bâillon l’empêchait de parler…

Chapitre 10

72

Geoffroy libéra son ami…

« Ah, Geoffroy, mon ami, c'est toi ! Je suis tellement

content de te retrouver, lui dit Enguerrand, soulagé…

« Tu n’es pas blessé ?

« Non, j’ai juste été attaché… Mais où sommes-nous ?

« Dans une abbaye..., répondit Geoffroy.

« Ah, je m’en doutais… J’entendais parfois comme des

prières, des chants….

« Les prières des vrais moines, intervint Ysengrin….

Nous avons délivré les véritables moines de cette

abbaye qui avaient été eux aussi emprisonnés par ces

brigands… ils se trouvaient dans une autre pièce, au

bout de ce couloir… »

Geoffroy aperçut en effet les visages de ces moines

qui avaient été capturés…

* * *

Enguerrand s’adressa à son jeune ami…

« L'autre jour, quand nous sommes partis chasser, je

me suis enfoncé dans la forêt et c'est là que j'ai aperçu

les brigands : ils venaient de ligoter des pèlerins et ils

commençaient à fouiller leurs sacs. C'est alors que, sans

réfléchir, j'ai attaqué. Le combat fut rapide : je me suis

fait assommer par derrière et quand je me suis réveillé,

Chapitre 10

73

j'étais dans cette étroite pièce sombre … Mais comment

as-tu fait pour me retrouver ?

— Eh bien, deux indices m'ont aidé, expliqua Geoffroy.

Je suis venu une première fois dans cette abbaye,

quand je te recherchais…. En quittant les lieux, j’ai

aperçu un moine qui quittait l’abbaye avec un panier.

On m’avait dit alors que les moines allaient dans la forêt

chercher des champignons. Sur le coup, je n’ai donc pas

trop fait attention à lui. Mais, en réfléchissant un peu et

en revoyant la scène, je me suis dit que quelque chose

ne collait pas. En effet, le panier semblait déjà bien

lourd, comme s’il était rempli. Pourquoi partir chercher

des champignons avec un panier déjà rempli ? Et puis, il

y avait des mouches qui tournaient autour de ce panier.

Or, les champignons n'attirent généralement pas les

mouches… Qu’est-ce qui attire les mouches ? La viande,

bien sûr… Alors, quand le Sieur Clotaire a été informé

que des loups avaient été trouvés dans une grotte, j’ai

fait le lien. Ce moine avec son panier allait sans doute

nourrir les loups… Ce moine n’était donc pas un

véritable moine, mais l’un des brigands qui avaient

agressé les pèlerins… L’un d’entre eux avait été blessé

par un loup…

— Je comprends mieux maintenant pourquoi tu

soupçonnais ces moines… Mais comment as-tu compris

que j’étais prisonnier dans cette abbaye ?

Chapitre 10

74

— Tu te souviens de ce faucon que tu as essayé de

dresser pendant des mois ?

— Oui, je n’ai jamais réussi avec lui… Une belle bête,

pourtant… Mais, il n’en faisait qu’à sa tête…

— Oui, et tu l’as relâché… Mais il revenait parfois voler

au-dessus de toi, tu t’en souviens ?

— Oui, je me suis souvent demandé pourquoi…

— Je pense qu’il était en fait attaché à toi… Sais-tu que

ce faucon, je l’ai revu ? Il tournait en rond au-dessus de

cette abbaye ! C’est à ce moment là que j’ai compris,

mais un peu plus tard, que tu devais être prisonnier ici…

— Eh, bien Geoffroy, tu es vraiment très fort !

Incroyable !... »

Et les deux amis se jetèrent dans les bras l’un de

l’autre…

« Une partie de chasse, demain matin ? proposa

Ysengrin en souriant. »

Enguerrand et Geoffroy se regardèrent en rigolant.

« Ah, non, merci … pas tout de suite ! »

Fin

Chapitre 10

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Chapitre 10

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Les auteurs de ce roman : Classe des CM2 de l’école Saint Etienne de SUCE-SUR-ERDRE

Noëmie AUDIN Thomas COTTINEAU Pierre HENNEBEL Raphaël PÏNEAU

Alice BECQUARD Raphaël DABAT Maxime HENNEBEL Matthias POTIRON

Léa BERTRAIS Louis DEZELUS Vincent JAHAN Lucas ROUHI

Lara BONDUELLE Baptiste EMERIAU Anthony LE BRETON Alexandra SIRE

Juline BUROT Blanche ESNEAU Adrien LECHEVAL

Alice CHIFFOLEAU Louis GIBEY Marie MAUDUIT

Benjamin CLARET Edward GROOM Elise PIGEON

et leur enseignant Christian HERBERT

Classe des CM1 de l’école Sainte Famille de VERTOU, BEAUTOUR

Leslie AUDREN de KERDREL Laura CRESTIN Perick GARBE Victor MICHEL

Emeline BONNAL Gabin DANIEL Mélina GAUGUET Inès OULBANI

Clémence PETIT Arthur DAVID Ninon GINER William PAROIS

Benjamin BORGNE Elise DOUILLARD Benjamin GUIBERT Marine PROVOST

Jean-Baptiste CHOBLET Raphaël ERAUD Tom HAUDOIRE Alan QUENTEL

Mélissa CHUPIN Jeanne FORGET Gwendal JOUHANNET Germain RIMBEAU

Louise-Marie CORBEAU Audrey GABORY Théo LE CHEVILLER

et leur enseignant Bruno JEAN VICTOR