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Chapitre 1 La connaissance actuelle des systèmes d’infiltration
1.1 Introduction ......................................................................................................................... 31
1.2 Le fonctionnement des systèmes d’infiltration d’un point de vue hydraulique............. 31
1.2.1 Principe de fonctionnement............................................................................................... 31
1.2.2 Mesure et modélisations existantes ................................................................................... 33
1.2.3 Le problème particulier du colmatage............................................................................... 35
1.3 Comportement vis-à-vis de la pollution............................................................................. 36
1.3.1 Caractérisation des entrées ................................................................................................ 36
1.3.2 Rôle des ouvrages de prétraitement vis-à-vis de la pollution............................................ 40
1.3.3 Comportement des ouvrages d’infiltration........................................................................ 42
1.3.3.1 Les processus prépondérants lors de l’infiltration dans les sol.................................. 42
1.3.3.2 Efficacité des systèmes d’infiltration et facteurs favorisant la rétention ou la
mobilisation des polluants ......................................................................................................... 44
1.3.3.3 Comportement à l’aval des systèmes d’infiltration : la nappe................................... 48
1.3.4 Recommandations et pratiques existantes en terme de faisabilité..................................... 52
1.4 Bilan sur la maintenance et gestion des ouvrages............................................................. 53
1.5 Bilan sur la santé et la sécurité des usagers ...................................................................... 56
1.5.1 La santé humaine............................................................................................................... 56
1.5.2 La sécurité des systèmes d’infiltration .............................................................................. 60
1.6 Bilan sur les déchets produits par les ouvrages ................................................................ 61
1.6.1 Caractérisation des déchets................................................................................................ 61
1.6.2 Mode de gestion actuel des déchets................................................................................... 64
1.6.3 Traitements envisageables des déchets ............................................................................. 65
1.7 Bilan sur la consommation des ressources naturelles ...................................................... 69
1.8 Bilan économique des ouvrages.......................................................................................... 71
1.9 Bilan des impacts sociaux des ouvrages............................................................................. 76
1.10 Conclusions .......................................................................................................................... 77
Méthode d’évaluation des performances des systèmes d’infiltration des eaux de ruissellement en milieu urbain
Priscilla Moura – Institut National des Sciences Appliquées de Lyon 31
1.1 Introduction
Les systèmes d'infiltration sont, rappelons le, des dispositifs permettant d’évacuer les eaux de
ruissellement pluvial. Ils ont pour fonction de gérer les flux d’eau et les flux de polluants issus des
bassins versants drainés mais ils sont également soumis à d’autres sollicitations de nature
essentiellement anthropique tout au long de leur durée de vie. Ces sollicitations sont de diverses
natures qui vont des interventions de personnels spécialisés pour des opérations de maintenance,
jusqu’aux comportements des usagers vis-à-vis de ces structures notamment lorsqu’elles sont pluri-
fonctionnelles et présentent d’autres usages que l’assainissement pluvial.
L’objet de ce chapitre est de faire un point sur les connaissances et les outils disponibles sur les
différents aspects que touchent ces techniques.
L’état des connaissances est bien évidemment lié aux performances attendues pour ces systèmes. Pour
dresser ce bilan, nous avons dans un premier temps exploré la littérature et circonscrit les
performances attendues à l’aide du groupe de travail présenté en introduction. Ainsi les points
cruciaux se sont avérés être relatifs à leur fonctionnement hydrauliques, à leur comportement vis-à-vis
de la pollution possible des sols et des nappes, à leur consommation de ressources naturelles, à leur
aptitude à être gérés facilement techniquement, à ne pas présenter de risques pour la sécurité et la
santé, à permettre une bonne gestion voire la valorisation des déchets produits, et enfin à être
économiquement et socialement acceptables.
Les performances de ces techniques englobent donc des domaines très larges. Aussi la présentation qui
sera faite de l’état de l’art dans chacun des domaines ne pourra être exhaustive, seuls les points
importants à nos yeux seront exposés.
1.2 Le fonctionnement des systèmes d’infiltration d’un point de vue hydraulique
1.2.1 Principe de fonctionnement
Sur un plan purement quantitatif (gestion des flux d’eau), les ouvrages d'infiltration permettent de ne
pas surcharger les réseaux d’assainissement existants, de contribuer à recharger les nappes ou bien
encore d’urbaniser les zones éloignées des exutoires de surfaces.
Ces dispositifs peuvent être localisés à proximité de la source ainsi l’infiltration de l’eau de pluie a lieu
rapidement après sa chute sur le sol. Ils peuvent être centralisés et recueillir les eaux de réseaux de
conduites drainant des zones importantes. Ils peuvent être à l’air libre comme les noues, les bassins à
ciel ouvert par exemple, ou encore enterrés, comme les puits, les tranchées ou les chaussées à structure
réservoir.
Chapitre 1 - La connaissance actuelle des systèmes d’infiltration
32 Priscilla Moura - Institut National des Sciences Appliquées de Lyon
Comme le rappelle M. Dechesne (2002), le fond de l'ouvrage n'est pas toujours constitué de la même
façon. Cela dépend du milieu existant et des choix des concepteurs. Il peut choisir de laisser le sol
naturel ou bien y déposer une couche de matériau drainant (gravier, ou galet). Parfois, le fond de
l'ouvrage est enherbé, mais pas toujours intentionnellement. Un géotextile peut également être placé
en fond ou à quelques dizaines de centimètres de profondeur en dessous de la couche drainante.
Dans tous les cas les eaux sont stockées temporairement dans ces dispositifs et infiltrées dans le sol
sous-jacent à une vitesse dépendant de la capacité d'infiltration du sol, de la zone mobilisée pour
infiltrer et des conditions d’humidité du sol (saturé ou non saturé). L'eau infiltrée rejoint ensuite la
nappe, si nappe il y a. Au cours du temps, les dispositifs d'infiltration se colmatent. C’est une des
raisons pour lesquelles, ils sont souvent associés à des dispositifs amont chargés de pré-traiter les
effluents.
En terme de faisabilité il existe des recommandations concernant la conductivité hydraulique qui
restent très empiriques et dependant des organismes prescripteurs. Ainsi par exemple, une conductivité
hydraulique à saturation d’un sol, (supérieure à 10-6 m/s) est considérée comme suffisante pour
l’infiltration des eaux selon (Azzout et al., 1994). Pour une conductivité hydraulique très élevée (en
dessous de 10-2 m/s, par exemple), des précautions s’imposent car elle peut conduire à des transferts de
pollution très rapides et peu maîtrisés (Barraud et al., 2006b). Dans le Guide de Conception des
techniques alternatives du Grand Lyon (Grand Lyon, 2007), la recommandation est que la conductivité
doit être comprise entre 10-5 et 10-2 m/s, dans le cas d’une perméabilité plus forte que 10-2 m/s des
dispositifs de prétraitement doivent être mis en place et les puits d’infiltration dans ces conditions sont
interdits. En Australie, Donovan (2003), indique que les sols avec une conductivité hydraulique
inférieure à 10-7 m/s ne sont pas appropriés pour l’infiltration. Wong (2006) preconise, quant à lui, des
plages de perméabilité de 10-5 à 10-8 m/s. Les systèmes présentant une perméabilité inférieure à 10-6
m/s doivent posséder un système de trop plein.
La plupart du temps des coefficients minorateurs sont prescrits, mais là encore, sur des considérations
très empiriques. Wong (2006) conseille un coefficient de 2 pour les sols limoneux, de 1 pour les sols
sablo-limoneux et de 0,5 pour les sols sableux. Azzout et al. (1994) font des recommandations selon le
type de technique, le mode d’entretien. D’autres encore minimisent la surface d’infiltration au moment
du dimensionnement (Petersen, et al., 1993 ; Leeflang & Monster, 1995 ; Pratt, 1993).
Les ouvrages sont dimensionnés selon des hypothèses de protection variables généralement exprimées
sous forme de périodes de retour associées à chaque ouvrage en fonction de la vulnérabilité supposée
de son environnement.
Globalement ces ouvrages, contribuant à diminuer volumes et débits de pointe, sont généralement,
reconnus comme des systèmes efficaces de lutte contre les inondations. Cependant, des auteurs
comme Azzout et al. (1994) ou Faulkner (1999) ont bien montré que l’on devait rester prudent sur la
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Priscilla Moura – Institut National des Sciences Appliquées de Lyon 33
systématisation d’une telle assertion. Faulkner montre sur un exemple concret comment la
superposition de plusieurs systèmes de régulation peut aggraver le risque d’inondation. L'étude et la
gestion de l'ensemble reste donc une nécessité, mais pour cela des outils de modélisation doivent être
disponibles.
1.2.2 Mesure et modélisations existantes
En terme de description et de modélisation des phénomènes, il existe plusieurs approches selon les
objectifs affectés aux modèles (conception, simulation événementielle ou encore sur de plus longues
périodes), le système auquel on s’intéresse (le fonctionnement de l’ouvrage ou le transfert dans le sol
ou la nappe), le parti pris de modélisation (empirique, systémique ou mécaniste).
Les modèles de conception des ouvrages sont à l’heure actuelle basés soient sur des méthodes
simplifiées, comme la méthode des pluies et des volumes (Stahre & Urbonas, 1990 ; Azzout et al.,
1994), soit sur des modèles de simulation de type réservoir, comme la méthode des débits en France
(Azzout et al., 1994) ou la méthode de Puls (Maidment, 1993) ailleurs. Elles servent aussi bien à
dimensionner les dispositifs de retenue que les dispositifs de rétention/infiltration. La première famille
de méthodes est fondée sur des statistiques de hauteurs de pluies (méthode des pluies) ou de hauteurs
spécifiques de stockage (méthode des volumes) et sur des hypothèses très simplifiées (débit de fuite
constant, transfert instantané de la pluie à l'ouvrage). La seconde famille est basée sur la simulation de
pluies de références ou de chronique de pluies et postule que l’ouvrage n’est qu’un réservoir ou une
cascade de réservoirs. Chaque réservoir est décrit par une loi de stockage (volume en fonction de la
hauteur), une loi de vidange (débit de fuite en fonction de la hauteur) couplées à une loi de
conservation de la masse. L’avantage de ces méthodes réside dans le fait qu’elles permettent de
simuler avec des temps de calcul assez courts de longues chroniques et d’évaluer le risque pris sur de
longues périodes. Elles sont assez bien adaptées pour des simulations globales d’ouvrages de
rétention/infiltration sur des bassins versants. Cependant leur difficulté reste la définition de lois de
vidange réalistes et qui prennent en compte le vieillissement lorsque l’on s’intéresse au long terme,
pour lesquels des mesures d’infiltration dans le sol via des suivis en continu de hauteurs sont
généralement nécessaires.
Pour décrire les phénomènes d’infiltration dans le sol, il existe également des modèles mécanistes
s’attachant à décrire la dynamique du fluide lors de son transfert dans le sol en se basant sur les
équations traditionnelles de la mécanique des fluides et sur des hypothèses plus ou moins simplifiées
d’état du fluide, du système poral et de l’état du milieu (état saturé ou non saturé). La modélisation des
écoulements d’eau dans le sol en milieu non saturé repose alors sur deux équations : une équation de
conservation de la masse et une équation dynamique décrivant la relation qui existe entre les forces
que subit une particule fluide (forces de gravité, de pression, de capillarité, d’adsorption, de
Chapitre 1 - La connaissance actuelle des systèmes d’infiltration
34 Priscilla Moura - Institut National des Sciences Appliquées de Lyon
frottement,…) et ses caractéristiques cinématiques (vitesse ou accélération) associées à la définition
d’hypothèses concernant les propriétés du fluide : généralement l’homogénéité (masse volumique
constante), l’incompressibilité du fluide et indéformabilité du milieu. De plus, compte tenu de la
complexité du système poral (enchevêtrements de vides de géométrie extrêmement variable), on fait
l’hypothèse que l’écoulement au travers d’une portion de sol s’effectue globalement de manière
uniforme sur toute sa section. La loi dynamique est alors déterminée selon des considérations
expérimentales (fondée sur la loi de Darcy dans la plupart des cas). Le modèle de Richards ou de
Fokker Planck sont sans doute les plus connus et sont à la base de nombreux logiciels comme Hydrus
par exemple. Des modèles simplifiés et dérivés des modèles mécanistes comme le modèle de Green
Ampt (front d’humidification plan séparant une zone imbibée de manière uniforme et une zone sèche,
conductivité hydraulique et teneur en eau constantes dans la zone de transmission) sont également
présents dans la littérature.
Dans le domaine de la gestion des eaux pluviales, ces modèles ont été utilisés à des échelles de temps
événementielles mais sans beaucoup de succès. Par exemple Taro Oka (1996) utilise le modèle de
Richard 2D pour prévoir a teneur en eau du sol d’un bassin de rétention-infiltration simplifié pendant
et suivant un événement pluvieux mais sans validation. D’autres utilisent ou proposent une
modélisation 1D ou 2D (comme Krahn, 2004, Kroes & Van Dam, 2003 ou encore Pollacco et al.,
2008) mais considèrent les hauteurs d’eau ou les flux comme conditions aux limites connues (ce que
l’on ne connaît évidemment pas dans la réalité). D’autres auteurs ont tenté des modélisations incluant
la zone de stockage et le transfert dans les sols mais toujours pour des systèmes simplifiés pour une
tranchée de section rectangulaire par exemple (Browne et al., 2006) ou (Gobel et al., 2004). De plus
ils demandent de définir des conditions aux limites difficiles à déterminer (teneur en eau initiale par
exemple).
Des modèles mécanistes simplifiés ont été utilisés pour simuler les flux sur le long terme mais les
modélisations ne prennent en compte aucune évolution du système au cours du temps et notamment
son colmatage progressif qui est inévitable sur des périodes plus longues.
D’autres approches enfin tentent de concilier approche globale (type méthodes des débits) et modèles
mécanistes simplifiés pour décrire les lois de vidange. C’est le cas des études menées par Gautier et al.
(1999) sur des puits et bassins, (Dechesne, 2002) sur des bassins, (Caramori, 2002) sur des tranchées.
Ces auteurs utilisent en effet comme loi de vidange le modèle de Bouwer (1969) prenant en compte le
colmatage calé à partir de suivis in situ.
Il ressort globalement que les modèles existants ne permettent pas encore avec succès de modéliser la
chaîne qui va de la pluie au transfert dans la nappe.
Les modèles mécanistes sont pour l’instant trop gourmands en données et prennent en compte
difficilement des systèmes complexes notamment des ouvrages de grande taille où la variabilité
Méthode d’évaluation des performances des systèmes d’infiltration des eaux de ruissellement en milieu urbain
Priscilla Moura – Institut National des Sciences Appliquées de Lyon 35
spatiale est grande. De plus, compte tenu des temps calculs, ils ne prennent en compte que les échelles
de temps événementielles. Les modèles globaux sont plus réalistes mais demandent eux aussi à être
calés sur des mesures in situ.
1.2.3 Le problème particulier du colmatage
Le colmatage des ouvrages d’infiltration est un phénomène dû aux dépôts de particules en surface et
dans les interstices du milieu poreux. Les particules les plus grosses s'accumulent superficiellement ou
dans les quelques premiers centimètres. Les particules plus fines peuvent pénétrer un peu plus
profondément dans le sol et être adsorbées par la matrice solide du sol lui même. Elles peuvent
également être adsorbées par les sédiments superficiels existants (Le Coustumer, 2008).
A ces phénomènes physico-chimiques s’ajoutent ensuite des phénomènes biologiques liés au
développement d’un biofilm de surface constitué principalement d’algues et de bactéries et qui
aggrave le phénomène.
Enfin le phénomène de colmatage est progressif et généralement assez long (quelques dizaines
d’années) sauf cas particuliers.
Le colmatage est un phénomène qui a été étudié dans différents domaines de l’ingénierie, dont le
domaine de la gestion de l’eau. En effet dès qu’un sol est soumis à un fluide chargé en particule ou en
polluant, des phénomènes de colmatage peuvent avoir lieu.
Le colmatage dans la gestion des eaux pluviales a été déjà étudié en laboratoire sur des systèmes de
taille réduite et parfois avec des fluides très éloignés en composition des eaux de ruissellement (p.e.
Siriwardene, 2008).
Des expériences in situ sur le colmatage des systèmes d’infiltration d’eaux pluviales ont également été
réalisés. Gautier et al. (1999) ont suivi un bassin d’infiltration en zone industrielle et un puits
d’infiltration (existantes dans du sol fluvio-glaciaire) pendant de 8 mois. Le fond des bassins étant déjà
complètement colmaté l’infiltration avait lieu par les parois.
Waarmars et al. (1999) ont étudié le colmatage des tranchées d’infiltration en centre ville pendant une
durée de 2 ans et 8 mois. Ils ont observé une diminution entre 30 et 70 % de la conductivité
hydraulique. Cependant cette diminution est inférieure à l’écart de conductivité hydraulique entre les
deux tranchées dû à la variabilité spatiale de cette grandeur.
Dechesne, 2002 a étudié la résistance hydraulique d’ouvrages d’âges différents mais de conception et
de contexte similaire. Il n’y a pas eu de relation observée entre l’âge des ouvrages et leur capacité
d’infiltration. Le type de bassin versant semble avoir un effet sur le colmatage des ouvrages, mais peu
de données confirment cette hypothèse.
Chapitre 1 - La connaissance actuelle des systèmes d’infiltration
36 Priscilla Moura - Institut National des Sciences Appliquées de Lyon
.
1.3 Comportement vis-à-vis de la pollution
Les bassins d'infiltration sont alimentés par des eaux de ruissellement pluvial qui ont ou non subi des
prétraitements via des dispositifs comme des dégrilleurs, des dessableurs, des séparateurs à
hydrocarbures ou débourbeurs-déshuileurs ou encore des bassins de décantation. Ces effluents entrent
ensuite dans l’ouvrage d’infiltration où ils vont subir un certain nombre de processus.
Nous allons donc présenter successivement la caractérisation des eaux de ruissellement et les
principaux polluants, le rôle possible des ouvrages de prétraitement et enfin le rôle des ouvrages
d’infiltration dans la rétention ou la mobilisation des polluants.
1.3.1 Caractérisation des entrées
Le ruissellement correspond aux écoulements qui se forment à la surface du sol lors des pluies. Le
ruissellement des eaux de pluie provenant des zones urbaines est considérablement chargé en
polluants, à cause, d’une part, de la traversée atmosphérique de la pluie et d’autre part du lessivage des
zones imperméabilisées.
En ce qui concerne la pollution atmosphérique, les estimations indiquent qu’elle contribue entre 15%
et 25% à la pollution des eaux de ruissellement (Chocat, 1997). La pollution atmosphérique a deux
origines : une naturelle (érosion, volcans, incendies de forêts) et l’autre anthropique (industrie,
transports, agriculture). La partie restante de pollution provient du lessivage des surfaces
imperméabilisées chargé en polluants pendant la période de temps sec, des dépôts et de l’érosion de
ces surfaces.
Les principales substances rencontrées dans les eaux de ruissellement sont présentées dans les
paragraphes suivants.
Les matières en suspension (MES)
Elles proviennent de l'érosion des surfaces et sont d'importants vecteurs de pollution. Les matières
volatiles solides ou MVS sont également souvent analysées car elle constitue un bon indicateur de la
proportion de matière organique globale du sol (Dechesne, 2002).
La matière organique
La matière organique est constituée de l’ensemble des molécules à base de carbone, d’hydrogène, et
dans une moins grande mesure, d’oxygène et d’azote. Elle recouvre donc une gamme importante de
matière : les micro-organismes, des molécules naturelles ou de synthèse qui sont souvent
biodégradables mais avec des cinétiques très variables d’une molécule à l’autre. Au cours de leur
Méthode d’évaluation des performances des systèmes d’infiltration des eaux de ruissellement en milieu urbain
Priscilla Moura – Institut National des Sciences Appliquées de Lyon 37
dégradation, elles libèrent des composés intermédiaires parfois toxiques (Dechesne, 2002). Les dérivés
ultimes sont le gaz carbonique et les nutriments. Parmi les quantifier on donne des indicateurs globaux
comme la Demande Biochimique en Oxygène à 5 jours (DBO5) (ou de plus en plus souvent le
Carbone Organique Total COT) représentant la matière organique biodégradable et la Demande
Chimique en Oxygène (DCO) évaluant toute la matière oxydable qu’elle soit ou non biodégradable.
Par ailleurs on évalue également plus spécifiquement les molécules ou famille de molécules de
synthèse comme les hydrocarbures et plus rarement les composés organiques, PCB, pesticides comme
le diuron et le glyphosate, etc.
Les hydrocarbures
Les hydrocarbures sont au sens strict des corps composés exclusivement de carbone et d’hydrogène. Il
existe de nombreux types d’hydrocarbures : les hydrocarbures paraffinées, les hydrocarbures
naphténiques, les composés olénifiques, les composés aromatiques et parmi ceux-ci les hydrocarbures
aromatiques polycycliques. Les hydrocarbures rencontrés dans le ruissellement pluvial proviennent
majoritairement du lessivage de l’essence, de l’huile et des produits de combustion accumulés sur les
surfaces urbaines. Ils sont en grande partie fixés aux matières en suspension à plus de 75 % (NCTCG,
1999 ; Gonzalez et al., 2000). Une faible partie des hydrocarbures présents dans l’eau reste en surface
constituant un film qui limite les échanges entre l’air et l’eau (Chocat, 1997).
Les composés organohalogenés
Les composés organohalogenés forment un grand groupe de composés constitués de substances
organiques. Ils comprennent un ou plusieurs atomes halogènes (chlore, fluor, brome ou iode). Certains
des composés organohalogenés sont volatils.
Les éléments traces métalliques
Les éléments traces métalliques sont non dégradables mais persistants dans les milieux naturels et dans
les systèmes biologiques. La forme chimique de ces éléments conditionne leur comportement et leur
toxicité pour les organismes vivants. Ils peuvent être absorbés par les plantes ou être retenus par le sol
par échange d’ions à l’état ionisé, ou encore être adsorbés par les particules d’argile, la matière
organique, les oxydes de fer ou les oxydes de manganèse, s’ils se trouvent sous forme d’oxydes (en
fonction du pH et du taux d’oxygène du milieu). Les métaux peuvent aussi former des complexes avec
les ligands organiques et être alors solubles. Ils sont donc plus mobiles et plus biodisponibles
(Martinelli, 1999).
Chapitre 1 - La connaissance actuelle des systèmes d’infiltration
38 Priscilla Moura - Institut National des Sciences Appliquées de Lyon
Les métaux lourds les plus couramment trouvés dans les eaux de ruissellement sont le cadmium, le
plomb et le zinc, le cuivre, le chrome, le nickel. Les principaux sources des métaux lourds rencontrés
dans les eaux de ruissellement sont l’industrie, l’usure des composants des véhicules et la combustion
des produits pétroliers.
Les nutriments et les sels
Les nutriments sont constitués par des matières nutritives essentielles aux plantes (principalement
azote et phosphore). Ils peuvent provenir soit de la dégradation des matières organiques, soit d’apports
spécifiques. Les sels dans les eaux de ruissellement (sels de déverglaçage par exemple) peuvent
engendrer la remobilisation des métaux. Une eau riche en sels modifie également la force ionique du
milieu et les cations deviennent des compétiteurs des métaux pour les sites d’adsorption (Larmet,
2007).
Globalement les concentrations et les charges de ces substances sont très variables dans les eaux de
ruissellement pluvial. A titre d’illustration le Tableau 1.1, extrait de Chocat et al. (2007) et complété
par (Barraud & Fouillet, 2006), donne des fourchettes de concentrations de divers polluants dans les
eaux de ruissellement, construit à partir de données de qualité des eaux de ruissellement nord
américaines et européennes de zones résidentielles et/ou commerciales et de zones routières à fort
trafic. On constate d’une part que les effluents sont très chargés notamment en MES, en métaux et en
matières organiques et d’autre part que les concentrations présentent une très grande variabilité. Cette
variabilité provient de nombreux facteurs : le type d’occupation et d’activités du bassin versant, la
taille du bassin versant, les caractéristiques des événements pluviaux (durée, intensité, succession), la
durée de temps sec avant l’événement pluvieux… Chocat et al. (2007) indique en outre que les
concentrations et les masses sont non seulement très variables d’un site à l’autre, mais qu’elles le sont
également d’un événement pluvieux à l’autre pour un même site. Ainsi, si les valeurs fournies dans la
littérature permettent de donner des ordres de grandeur des concentrations et masses de polluants
générées par temps de pluie et d’en montrer l’importance, elles ne peuvent malheureusement pas être
utilisées telles quelles pour une étude particulière et ne peuvent se substituer à des mesures spécifiques
sur site effectuées en nombre suffisant pour évaluer leur variabilité locale.
Méthode d’évaluation des performances des systèmes d’infiltration des eaux de ruissellement en milieu urbain
Priscilla Moura – Institut National des Sciences Appliquées de Lyon 39
Tableau 1.1 - Concentrations moyennes événementielles des eaux de ruissellement, étendue min –max des
valeurs ou coefficient de variation CV (Chocat et al., 2007), (Barraud & Fouillet, 2006)
Concentrations moyennes événementielles Moyenne
Min - Max ou CV Paramètres
Rés. & commerciale Autoroute & route à fort trafic Toitures
MES (mg/L)
190 1 - 4582
261 110 - 5700
N total (mg/L)
3,2 0,4 - 20
P total (mg/L)
0,34 0,02 - 14,3
NO3-
(mg/L)
1 – 4 [19] 0,3 [20]
Nutriments
N - NH4 (mg/L)
1,45 0,2 - 4,6
0,02 - 2,1
Pb total (µg/L)
210 10 - 3100
960 2410 - 34000
23-104 [20] 100-1000 [21]
Zn total (µg/L)
300 10 - 3680
410 170 - 355
24 – 900[20] 500-10000[21]
(toitures de Paris)Cu total (µg/L)
144,6 (zone rés,) CV = 103 % [5]
18,5 CV = 40 % [7], [8], [9]
27-235 [20] 10-100 [21]
Métaux
Cd total (µg/L)
2,81 (zone com,) CV = 151 % [5]
11,32 CV = 93 % [15]
0,76 CV = 83 % [6]
3,61 CV = 30 % [7], [8], [9]
0,7 [20] 0,5 - 5 [21]
(toitures de Paris)
DBO5 (mg/L)
11 0,7 - 220
24 12,2 - 32 Matière
organique DCO (mg/L)
85 20 - 365
128 -171
Hydrocarbures (mg/L)
1,9 0,04 - 25,9
28 2,5 - 400
HAP (µg/L)
0,01 3,2 [5]
CV = 102 % [5]
- 0,03 – 6
chrysene 0,6 – 10 [18] fluoranthene 0,3 – 21 [18] phenanthrene 0,3 – 10 [18] Pyrene 0,3 – 16 [18]
Hydrocarbures
Benzopyrène 97 [19] POPs PCBs
(ng/L) 27
3 – 175 [17] Site industriel
3 – 85 [17]
Pesticides Glyphosate (µg/L)
<1,52 < 0,1 – 4,72 [10]
0,72 0 – 1750 [11]
Diuron (µg/L)
<1 <0,05 – 13 [10]
0,05 0 – 2 [11]
Chlordane (µg/L) 0,01-10 [18]
Synthèse de données européennes et nord américaines établie par Ellis et al., 2005 et complétée par les auteurs : [5] Rossi, 1998 ; [6]Pagotto, 1999 ; [7] North Central Texas Council of Governments, 1999 ; [8] North Central Texas Council of Governments, 2000 ; [9 ]North Central Texas Council of Governments., 2001 ; [10] Ruban, 2004 ; [11] Crabtree et al., 2005 ; [12] Ellis et al., 2004a ; [13] Bertrand-Krajewski, 1999 ; [14] Chocat, 1997 ; [15] Saget, 1994 ; [16] Chebbo et al., 1995 ; [17] Rossi et al. 2004 ; [18] Pitt et al., 1994 ; [19] Bachoc et al., 1992 ; [20] Mottier & Boller, 1992.
Chapitre 1 - La connaissance actuelle des systèmes d’infiltration
40 Priscilla Moura - Institut National des Sciences Appliquées de Lyon
Par ailleurs, la littérature nous indique que la majorité des polluants contenus dans les eaux de
ruissellement :
• est présente en phase particulaire, liée aux matières en suspension (Chebbo, 1992), (NCTCG,
1999). En ce qui concerne la granulométrie des particules en suspension dans les eaux de
ruissellement, leur diamètre médian est de l’ordre de 30 à 40 µm et il apparaît, principalement
pour les micropolluants minéraux et organiques, que ils sont associés aux particules les plus
fines.
• présente des vitesse de chute assez élevées bien que variables (V50 entre 0,6 à 9 m/h) selon la
synthèse faite par (Chocat et al., 2007).
1.3.2 Rôle des ouvrages de prétraitement vis-à-vis de la pollution
Les ouvrages d’infiltration peuvent être dotés de dispositifs d’épuration afin de limiter les risques de
pollution et de colmatage. La partie prétraitement est composée de dispositifs d’épuration qui peuvent
être utilisés avec différentes configurations et combinaisons : des dispositifs de décantation pour
piéger la matière en suspension, des dégrilleurs et dessableurs jusqu’à des séparateurs à hydrocarbures.
Ces dispositifs sont installés à l’amont des ouvrages d’infiltration et sont sencés protèger le lit
d’infiltration de la pollution chronique ainsi que d’une éventuelle pollution accidentelle.
Dans le cas particulier des bassins de retenue elles ont aussi un rôle hydraulique de réarrangement des
débits dans le temps ainsi qu’un rôle d’abattement de la pollution par rétention des matières en
suspension.
Ces prétraitements sont nombreux dont les plus fréquemment utilisés en association avec les ouvrages
d’infiltration sont :
• les dégrilleur piégeant les déchets de taille importante (canettes, feuilles, sacs en plastique,…),
• les dessableurs retenant les particules grossières (diamètre > 200 µm),
• les décanteurs lamellaires consistant à multiplier la surface utile de décantation pour un volume
donné d’ouvrage, au moyen de lamelles superposées et inclinées pour faciliter la récupération
des solides décantés,
• les séparateurs préfabriqués à hydrocarbures censés arrêter les hydrocarbures flottants et parfois
les matières décantables. Ils sont constitués généralement d'une cloison siphoïde, associée à des
modules lamellaires et parfois à des filtres destinés à favoriser les processus de coalescence.
ouvrages de décantation extensifs,
• les décanteurs extensifs qui ne sont autres que des bassins de retenue conçus pour favoriser la
décantation des matières en suspension pendant le stockage.
Méthode d’évaluation des performances des systèmes d’infiltration des eaux de ruissellement en milieu urbain
Priscilla Moura – Institut National des Sciences Appliquées de Lyon 41
En terme d’efficacité de traitement des effluents de temps de pluie, les dispositifs présentent des
performances très disparates.
Les dégrilleurs et dessableurs ne sont pas à proprement parlé des ouvrages permettant de traiter la
pollution car la gamme de particules qu’ils retiennent n’est pas celle qui porte la majeure partie des
polluants. Les décanteurs lamellaires peuvent présenter des efficacités importantes (supérieures à
85 %) notamment avec l’ajout de réactifs permettant, par coagulation-floculation. Cependant ces
dispositifs compacts sont difficiles et contraignant à entretenir. Les séparateurs préfabriqués à
hydrocarbures sont aujourd’hui très controversés. Leurs rendements pour traiter les RUTP sont
globalement médiocres, voire mauvais et sont très inférieures à ceux annoncés par les constructeurs
(Bardin, 1999 ; Chocat et al., 2007 ; LROP, 1998 ; Fouilloux & Aires, 2002). En effet leur compacité
ne permet pas des conditions tranquillisées nécessaires à la décantation, la partie flottante piégée ne
représente pas une part importante de la pollution et enfin les tests pour leur normalisation n’est pas
conforme au fonctionnement pour le traitement des eaux de ruissellement. Ces dispositifs sont donc
plutôt à utiliser en cas de pollution accidentelle. Par ailleurs comme pour les décanteurs lamellaires,
leur entretien est lourd et contraignant. La décantation extensive est, quant à elle, tout à fait adaptée à
la rétention des polluants. En effet les vitesses de chutes des particules des eaux de ruissellement sont
telles qu’un temps de séjour en eau calme de l’ordre de 2 à 4 heures permet d'obtenir des rendements
compris entre 60 et 90 % pour la plupart des polluants (Chebbo, 1992). Cependant, stockage n’est pas
forcément synonyme de décantation et certains auteurs ont bien montré sur certains bassins des
efficacités bien moindres (Bardin, 1999 ; Persson et al., 1999) qui peuvent être très variables selon les
événements pluvieux pour un site donné. La conception de ces ouvrages extensifs doit donc être
soignée pour assurer de réelles conditions tranquillisées et éviter la remobilisation des particules
piégées.
Par ailleurs, lorsque les dispositifs fonctionnent et retiennent les polluants, se pose le problème de la
gestion et du devenir des sédiments piégés. Ces sédiments posent deux problèmes. Tant qu’ils restent
dans les dispositifs de prétraitement, notamment dans les bassins de retenue à ciel ouvert, ils sont en
contact avec l’air et peuvent se disperser. C’est d’autant plus vrai que les particules piégées sont fines
(Torres, 2008) et présentent, par conséquent un risque potentiel non encore évalué de contamination de
l’air, de nuisances pour la santé des personnels qui y travaillent, des usagers du système dans le cas de
systèmes multi-usages, et des habitants vivant à proximité. L’autre problème posé, d’ordre plus
technique, est la destination des sédiments curés, vu qu’ils ne peuvent plus être mis en décharge (Loi
nº 92-646) car ils ne sont pas considérés comme de déchets ultimes.
Chapitre 1 - La connaissance actuelle des systèmes d’infiltration
42 Priscilla Moura - Institut National des Sciences Appliquées de Lyon
1.3.3 Comportement des ouvrages d’infiltration
Les eaux de ruissellement, après être potentiellement prétraitées par des dispositifs amont, sont
dirigées vers le compartiment d’infiltration où l’eau est temporairement stockée et absorbée par le sol.
Là un certain nombre de mécanismes favorisant la rétention ou le transfert des polluants dans le sol
peuvent se produire. Les phénomènes prépondérants sont décrits dans les paragraphes suivants.
1.3.3.1 Les processus prépondérants lors de l’infiltration dans les sol
Le processus de décantation
La décantation est la séparation des phases solide et liquide. Pendant le stockage des eaux dans les
systèmes d’infiltration, Les particules se déposent sous l'effet de la gravité ou par entraînement dû aux
mouvements de l'eau. Une couche de sédiments de faible porosité est ainsi formée. Les polluants
associés aux matières en suspension déposées vont alors être stockés dans cette couche de sédiments,
qui peut présenter une épaisseur non négligeable, et qui va déterminer la cinétique d’infiltration de
l’ouvrage. Cette couche va constituer également un gisement de polluants potentiellement
remobilisable.
Le processus de filtration
Lors de l’infiltration des eaux, le sol et la couche de sédiments déposés filtrent mécaniquement les
particules de taille plus importante. Pour les particules de diamètres supérieurs au diamètre des pores,
la pénétration dans le milieu poreux est impossible, ces particules vont donc s’entasser entre les pores.
Pour les particules plus fines, elles pénètrent dans le sol et vont être bloquées dans les pores plus
petits.
La rétention des particules par filtration mécanique est plus intense dans les premiers centimètres du
sol. Le dépôt de particules à la surface provoque un colmatage et donc une diminution de la porosité et
de la perméabilité.
Le processus de sorption
Le processus de sorption est caractérisé par la rétention des polluants dans les eaux de ruissellement ou
dans les eaux de percolation, par les sédiments de surface ou le sol (Citeau, 2006).
Le principal processus de sorption qui se déroule dans les systèmes d’infiltration est le processus
d’adsorption, caractérisé par l’accumulation de matière à l’interface d’une phase liquide et d’une phase
Méthode d’évaluation des performances des systèmes d’infiltration des eaux de ruissellement en milieu urbain
Priscilla Moura – Institut National des Sciences Appliquées de Lyon 43
solide par différentes forces de liaison (Pagotto, 1999). Il y a deux types d’adsorption : l’adsorption
non spécifique et l’adsorption spécifique (Citeau, 2006).
L’adsorption non spécifique, est une adsorption physique par échange d’ions, et une accumulation de
matière à l’interface solide-liquide. Elle peut être considérée comme la formation d’un complexe de
sphère externe, dans lequel la liaison engagée entre le site de surface et l’ion est purement
électrostatique, donc plus facilement réversible et remobilisable (Citeau, 2006 ; Martinelli, 1999). La
capacité d’échange des cations dans les sols est nettement supérieure à celle des anions (Colandini,
1997).
L’adsorption spécifique, ou adsorption chimique, forme des complexes dits de sphère interne. Ces
complexes résultent de la formation de liaisons covalentes, beaucoup plus stables que les complexes
de sphère externe, et donc difficilement remobilisables (Citeau, 2006 ; Martinelli, 1999).
Parmi les éléments adsorbants on peut citer les argiles (cations en pH élevé et anions en pH faible), la
matière organique naturelle, qui peut adsorber les pesticides (par les groupes fonctionnels des
molécules organiques) et les métaux lourds (par les minéraux). La matière organique vivante peut
adsorber les métaux lourds. Les oxydes et hydroxydes constituent d’excellents pièges à métaux lourds
et pesticides (Gautier, 1998 ; Pagotto, 1999).
L’adsorption et la désorption sont influencées par les conditions physico-chimiques du milieu, soit la
concentration en sels, le pH et le potentiel d’oxydo-réduction.
Les processus de précipitation et dissolution
Les processus de dissolution et précipitation sont caractérisés par le passage d’une espèce chimique
sous forme solide à la forme dissoute et vice et versa.
La précipitation est considérée comme le processus le plus important, après l’adsorption, dans la
rétention des métaux lourdes sur des particules. Dans le milieu naturel les métaux lourds précipitent
sous la forme de carbonates, de sulfures et d’hydroxydes (Colandini, 1997).
Les réactions de précipitation-dissolution sont dépendantes du pH mais également de la température et
des conditions d’oxydo-réduction (Colandini, 1997).
Les processus de transformation et de dégradation
Les processus de transformation et de dégradation des polluants dans les ouvrages d’infiltration
peuvent se faire soit par voie biotique soit par voie abiotique.
Parmi les processus abiotiques peuvent être cités la volatilisation et la photodégradation. Ces
processus peuvent être jugés de moindre importance, cependant, en fonction de propriétés physico-
chimiques des polluants et du nombre de bactéries dans les sols, les réactions abiotiques peuvent être
Chapitre 1 - La connaissance actuelle des systèmes d’infiltration
44 Priscilla Moura - Institut National des Sciences Appliquées de Lyon
prépondérantes : forte volatilité du polluant, récalcitrance à la dégradation biologique, faible activité
des microorganismes du sol en profondeur. Quand il s’agit de la dégradation de certains polluants qui
ne se dégradent qu’en condition d’anaérobie (toluène et xylène, PCBs et certains pesticides
organochlorés) leur importance est non négligeable (Citeau, 2006).
Les processus biotiques sont nommés biodégradation, les micro-organismes participent à la
dégradation des polluants organiques soit par minéralisation, soit par cométabolisme. Les conditions
favorables à l’activité des bactéries sont la disponibilité de nutriments comme le carbone, l’azote et le
phosphore ainsi que la présence d’oxygène dans le sol (Citeau, 2006).
1.3.3.2 Efficacité des systèmes d’infiltration et facteurs favorisant la rétention ou la
mobilisation des polluants
Pour les ouvrages d’infiltration, les observations in situ menées sur des différents types de sol
(principalement alluvions calcaires, alluvions sableux fin ou grossier) et différents types d’ouvrages
(tranchées, noues, bassins) montrent que la pollution est très présente en surface (<1m) et laisse penser
que le sol de surface joue un rôle significatif de rétention de la pollution notamment pour les métaux
lourds et les hydrocarbures (Nightingale, 1975, Malmquist & Hard, 1981 ; Brown et al., 1984 ;
Ishizaki et al., 1996 ; Gautier, 1998 ; Appleyard, 1993 ; Hutter & Remmler, 1996 ; Mikkelsen et al. ;
1997 ; Pitt et al., 1999 ; Winiarski et al., 2001 ; Dechesne, 2002). A titre d’illustration des valeurs de
concentrations en polluants dans des bassins de l’est lyonnais, à différentes profondeurs, sont données
dans le Tableau 1.1 et le Tableau 1.2.
Chapitre 1 – La connaissance actuelle des systèmes d’infiltration
Priscilla Moura – Institut National des Sciences Appliquées de Lyon 45
Tableau 1.2 – Concentrations minimales et maximales en polluants dans différentes profondeurs au dessous de bassins d’infiltration (Dechesne, 2002)
Cd Cr Cu Ni Pb Zn Hg As mg/kg mg/kg mg/kg mg/kg mg/kg mg/kg mg/kg mg/kg
0-5 cm 0,97 4,75 22,74 66,92 24,67 175,61 11,61 33,22 67,73 224,58 255,46 1827,34 0,1 0,11 4,63 12,34
30-40 cm 0,46 1,04 10,53 29,91 2,51 29,40 6,52 14,19 4,61 83,13 19,05 371,03 0,1 0,1 3,01 5,53
60-70 cm 0,46 0,52 12,76 28,32 3,93 13,37 7,36 11,83 4,58 17,82 22,44 89,69 0,1 0,1 3,04 5,11
Centre Routier
100-110 cm 0,45 0,53 11,37 22,87 3,20 14,23 7,42 19,31 4,82 7,11 21,88 83,18 0,1 0,1 2,47 8,70
ZAC du Chêne 0-5 cm 0,95 2,05 40,45 83,09 87,09 256,44 30,93 56,64 77,57 191,30 861,38 2605,40 <0,1
25-30 cm 0,50 1,55 13,99 71,48 11,99 173,00 9,99 50,24 8,49 176,63 78,44 1724,82 0,114 0,114
30-35 cm 0,52 19,68 19,16 11,91 12,43 200,38 <0,1
60 cm 0,48 0,49 14,49 18,92 8,69 19,89 8,21 12,61 4,83 16,01 42,50 153,29 <0,1
0-5 cm 2,62 3,10 44,59 73,85 167,88 355,70 34,10 53,25 200,41 335,61 545,62 1155,53 0,146 0,146
35-40 cm 0,52 1,06 14,47 30,08 9,82 54,35 9,30 17,94 5,17 96,57 20,67 254,89 <0,1 0
Droits de l'Homme
40-45 cm 0,52 1,52 15,13 20,76 7,83 45,56 7,30 15,19 7,30 58,73 24,00 132,64 <0,1 0
ZAC de Pivolles 0-5 cm 0,47 1,97 13,53 57,58 6,07 173,22 9,80 48,72 7,00 930,07 28,47 1033,41 0,1 0,2266
45-50 cm 0,99 37,08 85,53 28,68 428,16 538,91 0,125
50-55 cm 0,47 0,49 14,42 25,16 5,77 36,08 9,61 18,99 4,81 179,92 17,30 221,69 <0,1 0
75 cm 0,48 13,93 5,76 11,05 4,80 18,25 <0,1
90 cm 0,49 30,16 60,31 23,35 256,33 364,31 0,1
Django Reinhardt 0 1,5 7,1 117 313 53 167 704 2500
30 cm 0 1,5 5 31 3 17 46 286
60 cm 0 2,6 5 6 0 5 54 66
100 cm 0 1,0 6 6 0 6 41 132
Chapitre 1 - La connaissance actuelle des systèmes d’infiltration
Priscilla Moura - Institut National des Sciences Appliquées de Lyon 46
Tableau 1.3 – Concentrations minimales et maximales en polluants dans différentes profondeurs au dessous de bassins d’infiltration (Dechesne, 2002)
pH HCT Fluoranthène
Benzo-k-fluoranthène
Benzo-b-fluoranthène Benzo-a-pyrène Benzo-ghi-pérylène Indénopyrène
mg/kg mg/kg mg/kg mg/kg mg/kg mg/kg mg/kg
0-5 cm 7,81 8,96 95,16 1744,76 0,759 27,042 0,396 17,337 1,332 11,207 1,909 14,374 2,81 12,738 2,012 14,318
30-40 cm 8,82 9,43 29,75 151,52 0,387 3,453 0,494 2,454 0,543 1,457 0,416 2,185 1,095 3,129 0,858 0,858
60-70 cm 9,11 9,52 18,87 63,26 0,393 0,393 0,369 0,369 <0,360 <0,360 < 0,360 0,365 0,365
Centre Routier
100-110 cm 9,18 9,53 9,97 21,77 <0,335 <0,335 <0,335 <0,335 <0,335 <0,335
0-5 cm 7,6 8,14 107,53 647,37 0,483 0,843 0,424 0,424 <0,335 0,457 0,457 0,379 0,794 <0,335 ZAC du Chêne 25-30 cm 7,73 8,57 39,82 319,64 0,997 0,997 0,488 0,488 <0,335 0,427 0,427 0,805 0,805 <0,335
30-35 cm 8,49 45,67 <0,354 <0,354 <0,354 <0,354 <0,354 <0,354
60 cm 8,51 8,76 23,79 23,79 <0,365 <0,354 <0,335 <0,354 <0,365 0,335
0-5 cm 7,82 8,92 739,74 1805,02 0,491 0,598 0,383 0,383 <0,335 <0,354 0,569 0,615 <0,335
35-40 cm 8,56 8,8 0,00 183,68 <0,365 <0,354 <0,335 <0,354 <0,365 <0,335
Droits de l'Homme
40-45 cm 8,61 8,81 0,00 34,41 <0,365 <0,354 <0,335 <0,354 <0,365 <0,335
0-5 cm 8,16 8,83 167,97 812,86 0,587 0,587 0,415 0,415 <0,335 <0,354 0,504 0,504 <0,335 ZAC de Pivolles 45-50 cm 8,16 418,48 <0,365 <0,365 <0,365 <0,365 <0,365 <0,365
50-55 cm 8,59 8,95 11,00 72,80 <0,365 <0,354 <0,335 <0,354 <0,365 <0,335 0
75 cm 8,92 < 11 <0,380 <0,380 <0,380 <0,380 <0,380 <0,380
90 cm 8,37 167,97 <0,335 <0,335 <0,335 <0,335 <0,335 <0,335
0 7,11 7,5 3553 18722 0,369 2,947 0,209 1,349 0,421 2,783 0,308 2,593 0,503 2,389 0,363 2,110 Django Reinhardt 30 cm 8,83 9 171 221 <0,146 0,212 <0,147 0,22 0,2 0,266 0,222
60 cm 9,12 9,26 20 105 <0,160 <0,160 <0,160 <0,160 <0,160 <0,160
100 cm 9,13 9,22 26 124 <0,136 <0,136 <0,136 <0,136 <0,136 <0,136
Méthode d’évaluation des performances des systèmes d’infiltration des eaux de ruissellement en milieu urbain
Priscilla Moura – Institut National des Sciences Appliquées de Lyon 47
Une migration des polluants dans des sols sous-jacents à des ouvrages d’infiltration, au delà d’un
mètre de profondeur, a été déjà observée ponctuellement. Les concentrations sont en tout cas très
inférieures à celle de surface et restent faibles globalement. Les polluants rencontrés en profondeur
sont des métaux lourds, comme le zinc, le cadmium et le plomb (Barraud et al., 1999 ; Mason et al.,
1999 ; Dechesne, 2002, Winiarski et al., 2001), des herbicides (Fischer et al., 2003) et des
hydrocarbures aliphatiques, et des composés organiques halogénés (Bouwer et al., 1984 apud Citeau,
2006). Les causes de la mobilisation et du transfert des polluants dans le sol sont multiples, néanmoins
elles sont principalement liées soit au fonctionnement hydraulique de l’ouvrage soit à la composition
physico-chimique particulière des eaux de ruissellement sur certains sites d’après (Citeau, 2006).
Une des façons de favoriser la rétention des polluants est donc de garantir une vitesse d’infiltration qui
va permettre un bon contact entre les particules et la matrice du sol, sans toutefois compromettre la
fonction hydraulique de l’ouvrage. Certaines études ont montré qu’une vitesse d’infiltration élevée
(> 10-4m/s) conduit à une migration des métaux (Cd, Cu, Pb, Zn) (Mason et al., 1999 ; Dechesne,
2002) et de certains composés organiques dont la dégradation incomplète forme des composés très
mobiles (Bouwer et al., 1984 apud Citeau, 2006 ; Weigrand et al., 2002 ; Larmet, 2007). Ce transfert
est dû au fait que certains processus n’ont pas le temps de s’établir ou s’établissent partiellement à
cause d’une importante vitesse d’infiltration (Citeau, 2006).
Les risques de pollution sont d’autant plus grands que l’eau circule rapidement, (cas des sols sableux
et circulations préférentielles dans les fissures du sol). Les fissures produites lors des alternances
gonflement-dessiccation des sols argileux peuvent avoir des diamètres allant de plusieurs centimètres à
quelques µm, la granulométrie grossière du sol, un sol qui contient majoritairement des graviers et des
sables grossiers forme des macroporosités qui favorisent le passage de l’eau, la présence de chemins
d’écoulement préférentiel. Ces chemins peuvent être crées par des vers de terre ou par des racines des
plantes, ou encore, par les cycles de dessiccation/humectation dans les sols argileux (Robert, 1996 ;
Citeau, 2006 ; Ganaye et al., 2007).
Même si les caractéristiques physico-chimiques du sol sont favorables aux processus de sorption des
polluants les propriétés physiques du sol contrôlant l’écoulement de l’eau restent prépondérantes sur la
mobilité des polluants (Citeau, 2006).
Plusieurs études ont montré la mobilisation des métaux lourds en association avec des ligands
organiques ou inorganiques solubles, avec lesquels ils forment des complexes stables, qui peuvent
migrer en profondeur sans être adsorbés par la matrice du sol. La présence des sels de déverglaçage
promeut une compétition entre les cations majeurs et les métaux lourdes pour les sites d’échange
cationique des phases solides, concernant les métaux lourds associés à ces sites d’échanges. Cet
échange d’ions sera beaucoup moins important dans les sols à pH neutre à basique (Citeau, 2006).
Chapitre 1 - La connaissance actuelle des systèmes d’infiltration
48 Priscilla Moura - Institut National des Sciences Appliquées de Lyon
Une autre forme de transfert de polluants en profondeur est le transport sous forme colloïdale, les
polluants (métaux lourdes et polluants organiques) peuvent s’associer aux particules très fines
(colloïdes) en suspension dans la solution du sol et, en raison de leur faible taille, transiter facilement
par les chemins du sol (Citeau, 2006).
Les plantes et les microorganismes utilisent les nutriments pour leur développement et leur croissance.
Les plantes peuvent ainsi participer aux mécanismes de traitement des polluants. Une bonne sélection
des espèces peut permettre de privilégier des polluants particuliers. Cependant, ce sont
majoritairement les contaminants organiques (hydrocarbures et HAP par exemple) qui peuvent être
soumis à ce traitement biologique. Les plantes peuvent participer à la rémédiation des polluants par le
biais des mécanismes suivant (Citeau, 2006) :
• La modification des propriétés physiques et chimiques du sol ;
• L’augmentation du carbone organique dans le sol par les racines ;
• L’augmentation de la porosité des zones racinaires ;
• L’interception et le ralentissement des transferts de composés organiques.
Les végétaux peuvent eux aussi accumuler les métaux. Cependant, Dietz et Clausen (2005) ont montré
que les plantes n’avaient qu’un faible rôle sur la rétention des polluants métalliques, avec des taux de
rétention de 0,1, 0 et 0,2% du Cu, Pb, et Zn.
Les principaux polluants rencontrés dans les eaux de ruissellement ont des comportements différents
dans le sol. Le cadmium est assez mobile, en fonction du pH du milieu (INERIS, 2005a). Dans des
conditions de pH supérieur à 7 le cuivre présente une très faible mobilité, mais il a une grande affinité
avec la matière organique, et peut être mobile (INERIS, 2005b). La mobilité du chrome dépend de sa
forme chimique. Sous forme de chrome III il est peu mobile (INERIS, 2005c). La mobilité du nickel
dans les sols augmente pour des pH faibles (INERIS, 2006d). Dans les sols, le plomb a une mobilité
très faible (INERIS, 2003a). La mobilité du zinc dans les sols est limitée par un faible taux de
dissolution (INERIS, 2005d). Les HAP présentent une très forte affinité pour les matières en
suspension d’origine pluviale ou pour les substances humiques et fulviques. Ils sont fortement retenus
par le sol en raison de leur faible solubilité. Les composés organohalogenés sont très réactifs et
fortement retenus dans le sol. La nature du sol influe sur la persistance de ces substances.
1.3.3.3 Comportement à l’aval des systèmes d’infiltration : la nappe
Les eaux souterraines sont soumises aux rejets volontaires des eaux de ruissellement pluvial en milieu
urbanisé. Les impacts que la nappe peut subir à cause de l’infiltration sont d’ordre chimique, physique
ou biologique.
Méthode d’évaluation des performances des systèmes d’infiltration des eaux de ruissellement en milieu urbain
Priscilla Moura – Institut National des Sciences Appliquées de Lyon 49
Les mécanismes de transfert des polluants dans les nappes paraissent extrêmement complexes et très
dépendants des phénomènes de rétention et de transformation des polluants dans le sol. Dans la zone
saturée les phénomènes liés au transport de polluants par l’eau jouent un rôle majeur, tandis que les
transformations physiques chimiques et biologiques y sont moins nombreuses et moins importantes
que dans le sol.
Nous pouvons citer quelques études qui visaient étudier les impacts chimiques de l’infiltration des
eaux pluviales sur les eaux souterraines.
Malmquist & Hard (1981) ont étudié l’impact de l’infiltration sur les nappes de trois sites localisés en
Suède : deux tranchées d’infiltration (une tranchée drainant des eaux de toiture d’une zone industrielle
et l’autre drainant une zone résidentielle) et un fossé le long d’une autoroute. La qualité de la nappe en
amont et en aval des ouvrages a été analysée. Les teneurs en azote décroisent après l’infiltration des
eaux pluviales. Pour le phosphore les concentrations ne présentent pas de changement significatif ainsi
que pour les métaux étudiés (Cd, Cu, Pb et Zn), malgré les fortes concentrations de ces éléments dans
les eaux infiltrées.
Gautier (1998) a mené une étude à Valence sur deux puits d’infiltration et une étude sur un bassin
d’infiltration à Vénissieux. En ce qui concerne les puits la qualité de la nappe a été analysée pour un
seul événement pluvieux (le 01/10/1996) à l’aval d’un des deux puits. Les teneurs en DCO, COT et
NKT sont très élevées et indiquent un manque de rétention dans le sol, ceci pouvant être expliqué par
la faible épaisseur de la zone non saturée. Les concentrations en plomb et en zinc augmentent lors de
l’événement pluvieux. Pour le bassin d’infiltration des prélèvements ont été faits à l’amont et en aval.
Le travail n’a pas été très concluant car seulement un échantillon moyen a été analysé et montre plutôt
un effet de dillution des polluants.
Appleyard (1993) a étudié trois bassins d’infiltration en Australie. Le premier bassin se trouve dans
une zone industrielle, le deuxième dans une zone résidentielle et le troisième dans un axe routier. Les
épaisseurs des zones non saturées des sites étudiés varient entre 1,5 et 4,3 mètres. Les mesures de
concentration en polluants dans la nappe en amont et à l’aval des bassins ont été effectuées. Les
concentrations en sels dissous ont diminué, les concentrations en métaux lourds se sont montrées très
faibles (en dessous des normes australiennes de potabilité de l’eau). Les concentrations des pesticides
analysés (chlordane, DDT et dieldrine) sont près des limites de détection et les concentrations en
hydrocarbures sont faibles dans tous les échantillons analysés.
Nightingale (1987) a étudié la qualité de l’eau de la nappe sous-jacent à cinq bassins d’infiltration,
tous localisés dans de zones résidentielles en Californie, aux Etats-Unis. Aucune pollution
significative n’a été observée dans les eaux souterraines.
Des suivis de nappe ont été réalisés dans le cadre du programme MGD infiltration français et ont
concerné des prélèvements physico-chimiques dans les eaux souterraines à 4 reprises et à l’aplomb de
Chapitre 1 - La connaissance actuelle des systèmes d’infiltration
50 Priscilla Moura - Institut National des Sciences Appliquées de Lyon
13 bassins d’infiltration et de 11 onze points de référence de la nappe de l’Est Lyonnais (Datry et al.,
2005). Il a été observé que, quelle que soit l'épaisseur de la zone non saturé (2 à 20 m), les métaux
lourds et hydrocarbures n’ont été presque jamais détectés dans les eaux souterraines à l'aplomb des
bassins. Seul le zinc est présent de manière régulière sous forme dissoute dans les eaux du bassin
d'infiltration mais le zinc et le plomb sont également présents dans la nappe à l'amont de ces bassins
d'infiltration. Ainsi leur présence dans la nappe des bassins n'est pas nécessairement imputable à
l'infiltration des eaux pluviales.
De manière générale, ces études montrent un impact limité de l’infiltration des eaux pluviales sur la
nappe, mais soulignent une accumulation importante de polluants dans les sols sous les dispositifs
d’infiltration.
Datry (2003) observe toutefois, que même si des polluants ne sont pas détectés dans les eaux
souterraines situées sous le bassin d’infiltration, lors de l’infiltration celles-ci sont enrichies en carbone
organique dissous et en phosphates, quelle que soit la période échantillonnée (i.e. étiage ou recharge).
Cet enrichissement est en partie imputable (en particulier pour les phosphates) au processus de
minéralisation de la matière organique stockée dans le lit d’infiltration du bassin. De la même manière,
les respirations bactériennes réduisent les teneurs en oxygène dissous des eaux pluviales infiltrées,
limitant par là même la réoxygénation des eaux souterraines. Puisque les respirations bactériennes
dans le lit d’infiltration sont stimulées par la température, les effets de l’infiltration sur la
concentration en oxygène dissous des eaux souterraines varient de manière saisonnière. Les pluies
froides hivernales induisent une légère hausse des concentrations en oxygène dissous des eaux
souterraines tandis que les pluies chaudes estivales entraînent une désoxygénation des eaux
souterraines.
Les travaux cités n’arrivent pas à démontrer un effet néfaste de l’infiltration des eaux pluviales, mais,
il ne faut pas penser non plus qu’ils écartent cette possibilité. Les analyses des eaux des nappes
rencontrent plusieurs difficultés. La première est la limite de détection des méthodes d’analyse
utilisées, les eaux pluviales se mélangent aux eaux de la nappe et la dilution fait que les concentrations
en polluants sont très faibles et difficilement détectables. Le deuxième problème est la localisation des
piézomètres utilisés pour les prélèvements à l’aplomb des ouvrages d’infiltration. Les piézomètres ne
sont pas toujours localisés sur le chemin de l’écoulement de l’eau, or il a un risque que le nuage d’eau
polluée passe à côté de ces points. Enfin, il faut bien considérer à quelle moment les échantillons d’eau
de nappe ont été collectés, l’eau prend des heures, après l’événement pluvieux pour atteindre la nappe,
le temps d’infiltration étant proportionnel à l’épaisseur de la zone non saturée (Malard, 2007).
Par ailleurs, Datry (2003) montre que le carbone organique dissous (COD) et l’oxygène dissous (OD)
sont deux variables écologiquement importantes dans le milieu souterrain. Le COD joue un rôle très
important et intervient sur de nombreux processus dans les eaux souterraines. Il constitue un ligand
Méthode d’évaluation des performances des systèmes d’infiltration des eaux de ruissellement en milieu urbain
Priscilla Moura – Institut National des Sciences Appliquées de Lyon 51
pour la complexation des métaux. Les apports en COD conditionnent aussi de nombreux processus
écologiques dans le milieu souterrain, notamment les respirations aérobies, les processus de
dénitrification, de nitrification, la réduction des sulfates ou la méthanogénèse. Par ailleurs, le COD est
un nutriment essentiel qui stimule la production biologique et le métabolisme des écosystèmes
souterrains. Le COD apparaît donc comme une ressource limitante dans les écosystèmes souterrains.
Le COD est dégradé au cours de son transfert de la surface vers le milieu souterrain, cette dégradation
est d’autant plus importante que le temps de contact entre la matrice et les effluents est important.
L’oxygène dissous dans la zone saturée apparaît comme une variable synthétisant de nombreux
processus écologiques. Sa dynamique traduit directement la capacité du système sol/zone non
saturée/zone saturée à assimiler le flux de polluants organiques généré par l’infiltration des eaux
pluviales. En effet tout apport en matière organique dans les eaux souterraines se traduira par une
stimulation de la respiration microbienne et une diminution des teneurs en OD. L’anoxification
potentielle des eaux souterraines restreint considérablement la dégradation des polluants organiques.
La concentration en OD influence fortement la diversité des peuplements d’invertébrés dans les eaux
souterraines.
En ce qui concerne les impacts physiques de l’infiltration, des études se sont intéressées aux
changements de température dans la nappe causés par l’infiltration. Foulquier et al. (à paraître) ont
étudié les chroniques de température de la nappe sur 9 bassins d’infiltration et 6 sites de référence
localisés sur l’Est Lyonnais. Ces études ont montré que l’amplitude thermique annuelle à l’aplomb des
bassins d’infiltration augmente avec la surface du bassin versant alors que cette amplitude sur des sites
de référence dépend uniquement de l’épaisseur de la zone non saturée. Les volumes infiltrés et la
dynamique des échanges de chaleur dans la zone non saturée permettent d’expliquer, au moins en
partie, l’influence thermique d’un événement pluvieux sur la nappe.
Datry (2003) a étudié aussi l’impact biologique de l’infiltration des eaux pluviales. Il a étudié la faune
des invertébrés dans les eaux souterraines. Les études montrent une augmentation de la richesse
taxonomique sous le bassin étudié par rapport au site témoin. Cette observation est expliquée par
l’enrichissement des eaux souterraines sous le bassin d’infiltration, en COD et en phosphates, ce qui
stimule la biodiversité.
Les études portant sur l’évaluation des impacts de l’infiltration sur les nappes, même si de nombreuses
zones d’ombre subsistent encore, nous permettent d’aboutir à quelques conclusions simples. Plus la
zone non saturée est épaisse, plus la nappe est protégée des effets de l’infiltration. Toutefois il ne faut
pas oublier qu’une zone non saturée constituée de roches fissurées augmente le risque de pollution de
la nappe puisqu'elle achemine les effluents quasi directement, sans aucune filtration. Par ailleurs, des
suivis d’OD et de COD apparaissent comme intéressants pour mesurer les impacts de l’infiltration sur
les nappes.
Chapitre 1 - La connaissance actuelle des systèmes d’infiltration
52 Priscilla Moura - Institut National des Sciences Appliquées de Lyon
1.3.4 Recommandations et pratiques existantes en terme de faisabilité
En termes de faisabilité des ouvrages d’infiltration, certains critères sont prépondérants : la
profondeur de la nappe, le type de sol de surface, le type de sol en profondeur.
Le niveau des plus hautes eaux de la nappe est un paramètre important principalement pour le
risque de pollution chronique ou accidentelle de la nappe. Une nappe est considérée comme peu
profonde si les plus hautes eaux sont à moins de 1 mètre du fond de la future structure (Barraud et al.,
2006b). Cette profondeur est aujourd’hui également recommandée dans le Guide « la ville et son
assainissement » (CERTU, 2003). Toujours d’après ce guide, notons que tout ouvrage d’injection
directe dans la nappe est à proscrire quelle que soit la nature des eaux et le type de sol. En Australie les
recommandations sont de laisser au moins 1,5 mètre entre le fond de l’ouvrage d’infiltration et le toit
de la nappe (Wong, 2006). Aux Etats-Unis (DCR, 1999) les distances recommandées entre le toit de la
nappe et le fond de l’ouvrage d’infiltration doit être entre 70 et 140 cm. A un niveau plus local, le
Grand Lyon préconise une épaisseur minimale de 2 m entre le toit de la nappe et le fond de l’ouvrage
d’infiltration, cette épaisseur peut être réduite à 1 mètre en centre urbain dense pour l’infiltration des
eaux de toiture (Grand Lyon, 2007). Les ouvrages d’infiltration ne doivent en aucun cas se situer au
dessus de sols constitués de roches fracturées.
Les recommandations en terme de distances entre les ouvrages d’infiltration et les fondations ou
limites des propriétés varient d’un pays à l’autre.
En Australie (Wong, 2006) ces distances varient par rapport au type de sol, surtout de leur réactivité
par rapport à l’infiltration de l’eau. Elle est de 1 mètre pour les sables, 2 mètres pour les systèmes
sableux mais avec une couche drainante de sable limoneux et pour les sols sableux limoneux. Les
distances sont de 5 mètres pour les systèmes installés dans des sols avec une conductivité hydraulique
supérieure à 10-5m/s. Ces distances peuvent être réduites de moitié si les systèmes se vidangent
rapidement. Selon Donovan (2003), qui est aussi une référence australienne, les distances entre les
ouvrages d’infiltration et les fondations des bâtiments doivent être de 1 m si la conductivité
hydraulique est supérieure à 5x10-5 m/s, de 2 m si la conductivité hydraulique est comprise entre
1x10-5 et 5x10-5 m/s, de 4 m si la conductivité hydraulique se situe entre 10-5 et 10-6 m/s et de 5 m si la
conductivité hydraulique est comprise entre 10-6 et 10-8m/s.
Pour certains pays, les règles sont plus complètes et intègrent conjointement plusieurs facteurs. En
Suisse (VSA, 2002) par exemple, la réglementation se base sur la pollution des eaux pluviales et sur la
vulnérabilité des eaux souterraines, qui est définie d’après la structure du sol.
L’évaluation de la pollution de l’eau de pluie est faite selon le type d’occupation du sous-bassin
versant concerné. Si ce sous-bassin est constitué des toitures végétalisés (sans utilisation de
pesticides), ou si’il est occupé par de chemins piétonniers, des pistes cyclables ou des parkings publics
Méthode d’évaluation des performances des systèmes d’infiltration des eaux de ruissellement en milieu urbain
Priscilla Moura – Institut National des Sciences Appliquées de Lyon 53
la pollution de l’eau de pluie est considérée comme faible. Si le bassin versant possède des toitures
construites en matériaux inertes munies de structures usuelles métalliques, des entrepôts ou des
parkings publics, son niveau de pollution est considéré comme moyen. Pour les toitures avec
proportion élevée de pièces métalliques, la pollution est classée comme étant élevée. Pour les routes,
elles peuvent être considérées comme ayant un faible, moyen ou fort potentiel de pollution.
L’évaluation est basée sur la densité du trafic, le pourcentage de poids lourds par rapport au trafic
total, sur sa pente, sa fréquence de nettoyage, …
La vulnérabilité de la nappe est définie à partir du croisement des caractéristiques de la structure du sol
et de la granulométrie du sous-sol (qui peut être fine, grossière ou encore de roches fissurées). La
structure du sol peut être optimale, moyenne, minimale ou insuffisante pour l’infiltration. Cette
classification est basée sur la teneur en argile et en humus du sol, le pH et l’épaisseur des couches
supérieure rapportée et sous-jacente du sol.
Des grilles de décision croisent l’ensemble de ces informations et fournissent une aide à la décision
permettant de se prononcer sur l’aptitude à utiliser l’infiltration, sur son impossibilité ou sur la
possibilité d’infiltrer avec prétraitement.
Par ailleurs un certain nombre d’autres facteurs sont préconisés
Les systèmes d’infiltration doivent, selon Field et al. (2006) se vidanger en 72 heures au maximum,
pour maintenir des conditions d’aérobie qui facilitent l’action des bactéries dans la dégradation des
polluants, et pour garantir que le système soit prêt à recevoir une nouvelle pluie. En France on estime
ce temps plutôt à 24 h uniquement pour des raisons hydrauliques.
un examen de la stabilité des sols doit être fait pour vérifier le risque de dissolution du sol en contact
avec l’eau, surtout dans des sols gypseux (Azzout et al., 1994).
L’historique des sols, des activités industrielles antérieures, ou autres activités sont à examiner de
manière à ne pas implanter de structure d’infiltration sur un sol pollué (Barraud et al., 2006b), (Wong,
2006).
Selon (Barraud et al., 2006b), en règle générale, il vaudra toujours mieux favoriser des stratégies de
contrôle à la source plutôt que des stratégies « centralisatrices », c'est-à-dire pour des ouvrages
recevant des eaux de ruissellement ayant peu lessivé des zones importantes. Les stratégies de contrôle
à la source évitent aux eaux de se charger en polluants et les rendent ainsi plus faciles à traiter.
1.4 Bilan sur la maintenance et gestion des ouvrages
Plus que dans d’autres systèmes, la maintenance des systèmes d’infiltration joue un rôle primordial
dans leur durée de vie.
Chapitre 1 - La connaissance actuelle des systèmes d’infiltration
54 Priscilla Moura - Institut National des Sciences Appliquées de Lyon
La maintenance des systèmes d’infiltration se compose d’inspections périodiques, du nettoyage des
ouvrages et des dispositifs annexes, du curage des sédiments accumulés et une maintenance plus
spécifique liée aux autres fonctions des systèmes techniques (entretien des espaces verts par exemple,
si espaces verts il y a). Ainsi la maintenance peut être plus ou moins spécifique selon le type
d’ouvrage et de ses usages.
Dans la bibliographie nous rencontrons des check-lists pour la maintenance des systèmes qui
abordent :
• le nettoyage des systèmes, des dispositifs de prétraitement et des entrées, sorties d’eau ;
• l’état de la végétation ;
• la présence de phénomènes d’érosion ;
• le repérage du colmatage ;
• la présence de flaques d’eau après les pluies ;
• le contrôle de la structure des ouvrages (absence de fissures ou autres types de détérioration, …)
Globalement les informations sont plutôt disponibles sous forme de recommandations par type
d’ouvrages mais la littérature donne rarement l’état des pratiques réelles.
Pour les bassins d’infiltration, il est souvent recommandé une inspection après chaque épisode
pluvieux. Elle est plus importante dans les premiers mois de fonctionnement. Une attention
particulière doit être portée à l’accumulation d’eau dans le bassin qui ne doit pas excéder 48 ou 72
heures selon les auteurs, ce qui peut indiquer que le bassin a été mal dimensionné. Après ces premiers
mois de fonctionnement, les bassins doivent être visités annuellement, pour l’inspection de l’état de la
végétation, les conditions des arrivées d’eau et l’accumulation de sédiments (CIRIA, 1996). Le Grand
Lyon fait normalement des visites d’inspection hebdomadaires. Selon nos contacts il est fait un
nettoyage des ouvrages de prétraitement : curage des dessableurs une fois par an, nettoyage des
régulateurs de débit une fois par an, enlèvement des flottants des séparateurs à hydrocarbures deux fois
par an, plus un nettoyage complet une fois par an. CIRIA (1996) recommande que le nettoyage des
bassins se fasse régulièrement. Le Grand Lyon conseille un grattage annuel avec des griffes de 30/40
centimètres à la surface des bassins d’infiltration (pour les bassins sans géotextile et sans végétation).
Si les recommandations sont annuelles, le grattage est plutôt déclanché soit par des plaintes des
riverains (mauvaises odeurs, accumulation d’eau sur le bassin, par exemple). Le désherbage, du fond
et des berges, est recommandé une fois par an. En ce qui concerne l’entretien des espaces verts la
fréquence de maintenance est très variable, elle peut être nécessaire plusieurs fois par an ou encore
être annuelle d’après CIRIA (1996), tandis que UPRCT (2004) recommande cette entretien tous les 6
mois. Le curage du bassin, pour le cas particulier des bassins de rétention, doit être fait une fois par an,
selon le Grand Lyon. Dans le cas des bassins d’infiltration le remplacement de la couche de surface
Méthode d’évaluation des performances des systèmes d’infiltration des eaux de ruissellement en milieu urbain
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(40/50 centimètres ou jusqu’au géotextile) doit être fait tous les 15 ans, selon les recommandations du
Grand Lyon.
Pour le cas particulier des bassins en eau, le ramassage des flottants, l’entretien des berges, le fauchage
annuel des végétaux et la vidange tous les 10 ans pour curage et renouvellement de la masse d’eau
doivent être faits (CERTU, 1998 ; STU et Agences de l’eau, 1994).
Pour les chaussées d’infiltration le nettoyage de la surface doit être fait pour éviter le colmatage
(CIRIA, 1996). UPRCT (2004) propose un nettoyage et une inspection pour vérifier la présence de
déflexions importantes, de fractures ou d’accumulation de sédiments sur la chaussée, tous les 3 mois.
Le nettoyage des dispositifs (orifices, paniers, dispositifs d’épuration,…), curage des regards et des
avaloirs, doivent être assez fréquents, en moyenne tous les 6 mois selon MEE (1994), toutefois cette
fréquence est très variable selon la région où se trouve l’ouvrage (Azzout et al., 1994 ; Grand Lyon,
2007). Le Grand Lyon (2007) et Balades & Garrigou (1992) recommandent un hydrocurage avec
aspiration, tous les ans, pour les chaussées avec revêtement drainant. Comme entretien curatif la
fraisage de la surface avec thermo recyclage de l’enrobé, dès que la surface est colmatée peut garantir
encore quelques années supplémentaires d’usage de la chaussée. Selon le CERTU (1998), l’entretien
préventif consiste en l’aspiration des voies et parkings à faible trafic, une à deux fois par an, et pour
les voies soumises à un trafic lourd de semestrielle ou annuelle. L’entretien curatif consiste en un
lavage à haute pression tous les 36 mois.
La maintenance des fossés et des noues consiste à nettoyer leur surface, vérifier l’état d’érosion et
l’état de la végétation, ainsi que l’accumulation éventuelle d’eau. Les inspections de ces ouvrages et
les tâches de maintenance nécessaires doivent être effectuées tous les 6 mois (UPRCT, 2004). Le
nettoyage des dispositifs annexes (regard de décantation, déshuileurs), doit être également fait tous les
6 mois, ainsi que celui des orifices des systèmes possédant un cloisonnement (UPRCT, 2004). Le
CERTU (1998) recommande l’entretien des espaces verts, avec un arrosage pendant les périodes
sèches et un ramassage des feuilles en automne. Un curage peut être réalisé tous les 10 ans, avec le
remplacement du matériel de remplissage et des géotextiles (Grand Lyon, 2007). En cas de
dysfonctionnement un entretien curatif doit être effectué avec le remplacement de la couche de terre
végétale colmatée (Azzout et al., 1994).
Pour ce qui est des puits, les pièges à sédiments et les séparateurs à hydrocarbures doivent être
nettoyés régulièrement, la fréquence de nettoyage va dépendre de la localisation de l’ouvrage ainsi que
du type et de la taille de la surface drainée. La fréquence minimale de nettoyage doit être d’une fois
par an (CIRIA, 1996). Afin d’éviter le colmatage, les dispositifs annexes (regard de décantation,
déshuileurs) doivent être nettoyés mensuellement (Azzout et al., 1994 ; CERTU, 1998),
semestriellement, voire même annuellement (Grand Lyon, 2007). Un nettoyage des surfaces drainées
est préconisé une fois par mois (CERTU, 1998). Une injection d’air comprimé dans le puits doit être
Chapitre 1 - La connaissance actuelle des systèmes d’infiltration
56 Priscilla Moura - Institut National des Sciences Appliquées de Lyon
effectuée annuellement, cependant avec beaucoup de prudence pour ne pas disperser les particules
fines dans les sols environnants (CIRIA, 1996). Pour Azzout et al. (1994) et le CERTU (1998) le
curage doit être fait par pompage avec une fréquence qui peut aller de 6 mois à 5 ans, ou en cas de
débordements fréquents.
En ce qui concerne les tranchées la maintenance consiste en un nettoyage annuel des dispositifs
d’épuration et des inspections concernant l’accumulation d’eau, surtout dans les premiers mois de
fonctionnement (CIRIA, 1996). Le nettoyage des dispositifs annexes (regards, paniers, décanteurs,
déshuileurs) doit être fait tous les 6 mois (UPRCT, 2004). Le CERTU (1998) préconise le
remplacement du géotextile de surface après constatation visuelle de colmatage. La particularité pour
les tranchées avec revêtement planté est l’entretien des espaces verts, tous les 6 mois (UPRCT, 2004).
Le Grand Lyon (2007) déconseille l’emploi de désherbants chimiques dans la maintenance de tous les
ouvrages.
1.5 Bilan sur la santé et la sécurité des usagers
Très peu de connaissances existent sur la santé et la sécurité des usagers liés aux systèmes
d’infiltration. Les acquis proviennent des observations in situ, surtout celles des gestionnaires et des
scientifiques qui étudient d’autres aspects. Dans le milieu scientifique, seuls des travaux sur
l’acceptabilité sociale des techniques alternatives ont évoqué cet aspect sans le traiter.
Cependant par rapport au fonctionnement des ouvrages, la présence d’une couche de sédiments
pollués sur la surface d’infiltration est source récurrente de questionnement de la part des concepteurs
et des gestionnaires et le risque pour la santé est un risque perçu. Ce risque est lié à l’exposition des
riverains à l’air potentiellement chargé en polluants, à l’exposition du public (si les ouvrages sont
ouverts) ou des personnels intervenant sur les sites liés au contact avec les sédiments et les poussières.
1.5.1 La santé humaine
La quantification des effets des polluants sur la santé humaine est évaluée à partir de l’exposition aux
polluants. La démarche d’évaluation des risques sanitaires, bien que prédictive, est de plus en plus
utilisée pour répondre aux interrogations spécifiques et précises de populations vivant, à une échelle
locale, des situations environnementales dégradées (InVS/Afsset, 2005).
La démarche d’évaluation du risque est conventionnellement structurée en quatre étapes élémentaires
(InVS/Afsset, 2005) :
• L’identification des dangers consiste à répertorier : les substances ou agents rejetés dans
l’environnement ainsi que les informations sur les dangers (effet sanitaire indésirable) afférents
à chacun d’entre eux ;
Méthode d’évaluation des performances des systèmes d’infiltration des eaux de ruissellement en milieu urbain
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• La sélection des valeurs toxicologiques de référence (VTR) consiste à rassembler, analyser et
éventuellement choisir celles qui seront mises en regard des niveaux d’exposition de la
population concernée. Elles représentent le lien entre la dose de la substance et l’occurrence de
l’effet étudié dans la population. Deux types de VTR sont disponibles : celles établies pour des
effets qui surviennent au-delà d’un seuil de dose et celles qui traduisent un effet qui apparaît
quelle que soit la dose d’exposition. Là encore une éventuelle sélection s’appuiera sur des
critères tels que la notoriété de l’organisme qui a élaboré la VTR, l’origine des données animales
ou humaines qui ont permis de la construire, la cohérence sur la voie d’exposition et celle sur la
durée de l’étude source par rapport à la situation étudiée ;
• L’estimation de l’exposition des populations conduit à déterminer la dose de polluant qui arrive
en contact avec l’organisme ou qui y pénètre. Selon la nature du polluant et des effets qu'il
engendre, cette estimation s'effectue soit séparément pour chaque voie d'exposition soit de
manière combinée. Les paramètres clés de cette détermination sont la fréquence, la durée et
l’intensité des contacts entre la population et la substance. La fréquence et la durée caractérisent
le temps de contact de l’organisme avec le polluant tandis que l’intensité représente la
concentration du polluant dans les milieux environnementaux. A défaut de mesures faites
directement sur les personnes, les doses auxquelles sont exposées les populations sont calculées
en s’appuyant sur des scénarios d’exposition réalistes et plausibles, tenant compte autant que
faire se peut, des caractéristiques et habitudes locales ;
• La caractérisation du risque combine les informations issues des trois précédentes étapes. Elle
établit le calcul du risque encouru pour les substances pour lesquelles un danger et une VTR
associée existent et pour lesquelles une exposition a été déterminée. S’agissant des effets
survenant à partir d’un seuil, le résultat est exprimé sous forme d’un quotient de danger (QD).
Pour les effets sans seuil, quelle que soit la dose, le résultat est un excès de risque individuel
(ERI).
L’excès de risque individuel (ERI), est calculé comme le produit de l’excès de risque unitaire (ERU),
par la dose journalière reçue et la durée d’exposition rapportée à l’espérance de vie humaine. L’ERU,
résulte bien souvent d’un test sur animal de laboratoire et est corrigée par des facteurs allométriques
permettant le passage de l’animal à l’homme. Cependant il peut également découler d’études
épidémiologiques réalisées sur population humaine, le plus souvent en milieu professionnel. L’ERU
traduit une relation linéaire entre la dose et la probabilité d’occurrence d’un cancer dans une
population. L’ERU correspond donc, pour un individu donné, à la probabilité supplémentaire, par
unité de dose de l’agent exposant considéré, à développer un cancer, cette dose étant en excès par
rapport à la probabilité de le développer en raison d’autres facteurs de risque. C’est pour cela que l’on
parle d’excès.
Chapitre 1 - La connaissance actuelle des systèmes d’infiltration
58 Priscilla Moura - Institut National des Sciences Appliquées de Lyon
Le quotient de danger (QD) est calculé comme le rapport entre la dose d’exposition et la valeur
toxicologique de référence (VTR). Les VTR sont construites suivant un schéma unique comprenant
quatre étapes successives : la détermination de l’effet critique, la détermination de la dose critique, la
détermination d’une dose critique pour l’homme à travers un ajustement allométrique et l’application
de facteurs d’incertitude. Le résultat d’un QD n’est pas une probabilité. Il exprime le facteur
multiplicatif entre la dose d’exposition et la VTR. Ainsi, en deçà de la dose déterminée, la probabilité
que se manifeste l’effet critique est nulle.
Chaque étape de l’évaluation des risques a des incertitudes spécifiques (Hubert, 2003). Dans
l’identification des dangers les incertitudes sont liées au défaut d’information et aux controverses
scientifiques. Pour chacun des paramètres la quantification de l’exposition est entachée d’incertitudes
sur les connaissances acquises. Si l’exposition est estimée par la mesure de concentrations dans le
milieu d’exposition, alors cette estimation possède une incertitude liée à l’erreur de mesure et à la
variabilité temporelle et/ou spatiale des concentrations dans le milieu d’exposition. Si l’exposition est
estimée par modélisation, alors l’incertitude découle du modèle conceptuel, ainsi que des mécanismes
influençant le devenir et le transfert des polluants. Cependant l’étape qui génère l’incertitude la plus
difficile à appréhender est sans doute celle de la construction des relations dose-réponse, étape initiale
de l’établissement des VTR. L’extrapolation des fortes doses vers les faibles doses, la transposition
des résultats issus d’expérimentations animales pour prédire des effets pour l’homme, l’utilisation de
relations dose-réponse obtenues à partir d’expérimentations sur l’exposition par voie orale pour
prédire des réponses pour une exposition par inhalation, contribuent, par exemple à cette incertitude.
Dans l’état actuel des connaissances, les incertitudes de l’évaluation des risques ne peuvent pas dans la
plupart des cas être quantifiées.
Les paragraphes suivants présentent un bilan sur les effets sur la santé humaine des polluants
fréquemment présents dans les sédiments des systèmes d’infiltration.
Cadmium (Cd)
C’est l’un des métaux lourds le plus toxiques. Il est toxique à très faible dose et bioaccumulable. Ses
principaux effets pour la santé sont le cancer de la prostate, le cancer du sein, le cancer broncho-
pulmonaire (par inhalation) et la néphropathie ayant comme organe cible le rein (INERIS, 2005a ;
Barraud & Fouillet, 2006).
Méthode d’évaluation des performances des systèmes d’infiltration des eaux de ruissellement en milieu urbain
Priscilla Moura – Institut National des Sciences Appliquées de Lyon 59
Cuivre (Cu)
Il peut être bioacumulable mais comme c’est un élément essentiel pour l’homme, il est régulé par
l’organisme. Le contact avec des milieux contaminés par le cuivre peut provoquer des troubles gastro-
intestinaux (contact par inhalation), des dermatites de contact allergique (voie cutanée) et des contacts
chroniques provoquant des risques d’immobilisation du sperme (INERIS, 2005d ; Barraud & Fouillet,
2006).
Chrome (Cr)
Il est considéré comme toxique pour l’environnement. Le chrome est un élément essentiel pour
l’homme sous la forme trivalente. Toutefois l’excès de chrome peut être une cause de cancer du
poumon, de rhinorrhées chroniques, d’irritations et de démangeaisons nasales, d’atrophies de la
muqueuse nasale, d’ulcérations et de perforations du septum nasal, et encore de bronchites, de
pneumoconioses, de pneumonies et de la diminution des fonctions pulmonaires. Il a comme cible le
tractus respiratoire (inhalation) (INERIS, 2005c, Barraud & Fouillet, 2006).
Nickel (Ni)
Les études chez l’homme indiquent que le système respiratoire est la cible principale de la toxicité du
nickel. Les composés du nickel sont considérés cancérigènes pour l’homme, tandis que le nickel
métallique est classé comme probablement cancérigène (INERIS, 2006d).
Plomb (Pb)
Le plomb présente d’importantes propriétés de bioaccumulation, bioamplification et toxicité aiguë tout
au long de la chaîne alimentaire. Ses principaux effets sur la santé sont l’intoxication chronique :
saturnisme (Plombémie≥100µg/l), irritabilité, troubles du sommeil ou apathie, difficultés scolaires
chez l’enfant, anémie, douleurs abdominales, maux de tête, crampes. Il peut causer le cancer du
poumon, du tractus gastro-intestinal et l’ostéoporose. A long terme le plomb peut causer un retard du
développement psychomoteur et des troubles des fonctions cognitives chez l’enfant. Il peut être la
cause d’une baisse de fertilité, d’une augmentation des risques de prématurité, de retard de croissance
intra-utérine, de troubles du développement du système nerveux et de malformations congénitales
(INERIS, 2003a ; Barraud & Fouillet, 2006).
Zinc (Zn)
Le zinc est considéré comme toxique pour l’environnement. Chez l’homme le zinc est un oligo-
élément. Quand l’exposition est importante le zinc peut causer des problèmes gastro-intestinaux
Chapitre 1 - La connaissance actuelle des systèmes d’infiltration
60 Priscilla Moura - Institut National des Sciences Appliquées de Lyon
(inhalation), des crampes d’estomac, des nausées et des vomissements (voie orale) (INERIS, 2005d ;
Barraud & Fouillet, 2006).
Hydrocarbures
Certains hydrocarbures halogénés sont cancérigènes et peuvent engendrer des troubles du système
nerveux central et atteintes rénales aiguës.
Les effets des hydrocarbures aromatiques sur la santé sont surtout des hémotoxiques et
immunotoxiques, leur absorption se fait principalement par voie respiratoire. Ils ont comme cible le
système hématopoïétique et sont considérés comme cancérigènes (INRS, 2004).
Les hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP) sont en général bioaccumulables. Ils peuvent
être la cause de leucémie, agissant également sur le système nerveux central provocant somnolence,
ébriété et maux de tête, dysfonctionnements cérébraux, altérations de la mémoire, diminution de
l’audition. Absorbés par voie cutanée ils provoquent des dermatoses. Certains HAP sont considérés
comme cancérigènes. Les organes cibles des HAP sont le système hématopoïétique, le système
nerveux central, le foie, les poumons, ainsi que les yeux et la peau, dans le cas d’une absorption
cutanée. Ils peuvent encore provoquer des anomalies congénitales et de problèmes de fertilité chez
l’homme (Barraud & Fouillet, 2006 ; INERIS, 2006b ; INERIS, 2006c ; INERIS, 2005f ; INERIS,
2005g ; INERIS, 2005h).
Polychlorobiphényles (PCB)
Les PCBs sont toxiques et sujets à la bioaccumulation, ils persistent dans l’environnement en raison de
leur lente biodégradabilité. Ils sont probablement cancérigènes. Ils seraient responsables d’une
diminution de la fertilité chez l’homme (INERIS, 2005e).
Pesticides et herbicides
Les pesticides et herbicides présentent généralement des effets cancérigènes. Les pesticides de la
famille des pesticides organophosphorés sont inhibiteurs de l’activité du cholinestérase. Certains
pesticides de la famille des organochlorés agissent en tant que perturbateurs endocriniens.
1.5.2 La sécurité des systèmes d’infiltration
En ce qui concerne la sécurité des systèmes alternatifs ils peuvent présenter de formes capables
d’engendrer des risques, plus ou moins importants, selon leur structure physique.
Globalement, on peut scinder les différentes structures en trois catégories :
Méthode d’évaluation des performances des systèmes d’infiltration des eaux de ruissellement en milieu urbain
Priscilla Moura – Institut National des Sciences Appliquées de Lyon 61
• les tranchées, puits et chaussées, qui sont comblés et enterrés et par conséquent ne présentent
aucun danger particulier hormis pour leur construction ;
• les noues et fossés, qui peuvent représentent un danger un peu plus important. Ce sont des
dépressions faites dans le sol, il y a donc possibilités d’accidents routiers (en bordure de route),
de noyade d’un enfant … mais le risque reste faible ;
• les bassins, qui peuvent présenter un danger plus important. Ansi la conception même de
l’ouvrage est importante : pentes de talus faibles, issues aisément repérables et faciles d’accès en
cas de remplissage des ouvrages, protection des dispositifs de prétraitement et d’entrée et sortie
d’eau, indication claire de la fonction hydraulique sont autant d’éléments permettant une
meilleure prise en compte de la sécurité.
1.6 Bilan sur les déchets produits par les ouvrages
1.6.1 Caractérisation des déchets
Selon la loi cadre du 15 juillet 1975, est appelé déchet tout résidu d’un processus de production, de
transformation ou d’utilisation, toute substance, matériaux, produit ou plus généralement, tout bien
meuble abandonné ou que son détenteur destine à l’abandon.
D’autres variantes existent et la notion de déchet peut-être abordé de façon économique, sociale, en
fonction de sa nature chimique, … . Du point de vue économique, un déchet est un bien qui n’a, a
priori, aucune valeur marchande. Sociologiquement, le déchet est le témoin d’une culture et de ses
valeurs. Il est le reflet du niveau social des populations et de l’environnement dans lequel elles
évoluent : zones rurales/urbaines, habitat collectif/individuel (Melquiot, 2003).
Un déchet pourra subir des évolutions (opérations de collecte, tri, transformation primaire, …) qui lui
confèrent des caractéristiques physiques, chimiques et mécaniques différentes, et de fait, une valeur
économique. A quel moment un déchet devient-il une matière première secondaire ?
Dans le cas des ouvrages d’infiltration, globalement il y a deux grandes familles de déchets : ceux qui
sont propres à l’ouvrage (résidus de curage, de dégrillage, de dessablage…) et les déchets « annexes »
relatifs à l’entretien (plantes mortes, produits de tonte) ou parfois apportés par l’extérieur (déchets
ménagers). Ces derniers étant bien gérés par les gestionnaires de site et représentant une quantité très
faible si on les compare aux déchets générés par l’ouvrage, c’est aux déchets de curage et autres que
nous nous intéresserons.
Selon la partie de l’ouvrage considéré, la quantité et la qualité des déchets seront très différentes. Des
ouvrages de prétraitement peuvent être retirés des hydrocarbures, des graisses et des huiles provenant
des séparateurs à hydrocarbures ou des déshuileurs. Des décanteurs sont retirés des particules fines.
Les dessableurs produisent du sable, des débourbeurs produisent des particules plus grosses. Toutefois
Chapitre 1 - La connaissance actuelle des systèmes d’infiltration
62 Priscilla Moura - Institut National des Sciences Appliquées de Lyon
ce sont les sédiments accumulés principalement dans les compartiments de décantation qui méritent
notre plus grande attention, surtout dans les bassins de retenue.
Selon Petavy (2007) de nombreux travaux sur la caractérisation des sédiments issus de
l’assainissement pluvial ont montré qu’ils doivent être considérés comme de vrais déchets
potentiellement dangereux pour l’homme et l’environnement.
Des grandes quantités de sédiments sont extraites tous les ans des ouvrages d’assainissement. Les
volumes de sédiments extraits des bassins et fossés en France sont estimés à 9 300 000 m3 par an
(Ruban, 2005), ces estimations sont très approximatives et concernent les bassins et fossés urbains et
routiers. Ces sédiments présentent une granulométrie fine, avec une pollution importante en éléments
divers - métaux lourds, hydrocarbures, pesticides. Ces sédiments contiennent une part minérale
importante (+ de 80 % du matériau). Leur taux d'humidité est très variable selon la saison durant
laquelle ils sont récupérés. Le niveau de pollution des sédiments peut varier en fonction des activités et
de la superficie du bassin versant. La pollution dans ces résidus est une pollution mixte : on retrouve
des métaux, principalement le cuivre, le plomb zinc et cadmium. La pollution dite organique est
majoritairement des hydrocarbures linéaires. Le Tableau 1.4 présente des concentrations moyennes en
polluants dans des sédiments extraits de bassins d’infiltration et rétention. La pollution métallique n'est
pas dégradable. Les métaux peuvent éventuellement subir des changements d'état d'oxydo-réduction
ce qui peut modifier leur comportement, mais ne pourront pas être « détruits », ni chimiquement, ni
biologiquement. La pollution aux hydrocarbures peut, quant à elle, être dégradée par oxydation
chimique ou biologique (Ruban, 2005).
Chapitre 1 – La connaissance actuelle des systèmes d’infiltration
Priscilla Moura – Institut National des Sciences Appliquées de Lyon 63
Tableau 1.4 – Concentration moyenne en polluants dans des sédiments de bassins de rétention et d’infiltration et écarts type
Type de bassin versant Routier Industriel Urbain Bassins Ronchin Cheviré Centre Routier Wissous Saint Joseph Montsouris ZAC du Chêne Droits de l'Homme ZAC de Pivolles Cd 7,8 ± 1,1 1,8 ± 0,2 3,2 ± 1,1 4,5 ± 0,6 2,6 ± 0,1 0,33 ± 0,1 1,7 ± 0,6 2,9 ± 0,3 1,0 ± 0,9 Cr 88 ± 6 88 ± 7 49 ± 15 348 ± 93 85 ± 14 12 ± 4 68 ± 23 59 ± 15 33,75 ± 22 Cu 254 ± 19 275 ± 31 103 ± 48 325 ± 25 111 ± 14 19 ± 8 175 ± 85 252 ± 95 79,87 ± 85 Ni 59 ± 3 38 ± 3 24 ± 7 499 ± 167 52 ± 1,7 23 ± 2 46 ± 14 43 ± 10 27,29 ± 20 Pb 633 ± 47 419 ± 89 156 ± 57 323 ± 25 191 ± 14 50 ± 21 14 ± 59 266 ± 68 397,80 ± 477 Zn 1417 ± 158 1847 ± 250 1099 ± 480 1575 ± 235 890 ± 154 142 ± 53 1788 ± 877 838 ± 306 475 ± 512 Phénanthrène 1120 313 5006 - - Fluoranthène 2290 670 91294 ± 73636 1374 - - 6630 ± 2546 5445 ± 757 5870 * Pyrène 2154 1223 11510 - - Benzo[b] fluoranthène 9450 - 19740 - - * * * * Benzo[k] fluoranthène 2350 - 71721 ± 47847 11480 - - 4240 * 3830 * 4150 * Benzo[a]pyrène 6500 - 64278 ± 37470 12930 - - 4570 * * * * * Benzo[b]pyrène 2990 - 48978 ± 28665 8400 - - * * Pérylène2780 - - 767 - - Indo(1,2,3-cd) pyrène 5920 - 8900 - - Benzo[g,h,I] pérylène 7930 - 67059 ± 30733 9790 - - 5865 ± 2934 592 ± 325 5040 * Anthracène - - 5720 - - Coronène 5425 - 7570 - - 1,2,3,4 dibenzanthracène 2336 - - - - Indénopyrène 58369 ± 37730 Hydrocarbures totaux - - 715 ± 572 429 ± 284 1132 ± 585 490 ± 456
Chapitre 1 – La connaissance actuelle des systèmes d’infiltration
64 Priscilla Moura - Institut National des Sciences Appliquées de Lyon
Certaines études montrent que la pollution est fixée aux particules les fractions les plus fines (<80 µm)
de ces sédiments (Colandini, 1997 ; Lee et al., 1997 ; Sanders, 2005). Ceci peut être expliqué par une
surface spécifique importante et donc plus de sites de fixation pour la pollution. Toutefois des études
plus actuelles montrent peu de différence entre la concentration en polluants dans les particules fines
et celles présentant un diamètre supérieur à 315 µm (Durand, 2003 ; Deruelle, 2004 et Durin, 2006,
Clozel et al., 2006). Petavy (2007) montre en effet que les particules fines s’agglomèrent entre elles
pour former des particules plus grossières et qu’elles se répartissent également autour de particules
grenues de grande taille.
Tableau 1.5 – Pourcentages massiques, teneurs en matière organique et en éléments traces des trois
fractions granulométriques, avant et après attrition – Bassin AhAh (Petavy, 2007)
P.M. M.O. Cd Cr Cu Ni Pb Zn
% mg/kg
Avant attrition 12 6, 6 0.7 98 45 62 126 627 >2000 µm
Après attrition 12 6, 6 0.7 98 45 62 126 627
Avant attrition 68 14.9 3.0 226 259 134 383 2012 80 << 2000 µm
Après attrition 58 6.4 1.3 154 108 99 206 1071
Avant attrition 20 29.4 5.2 382 423 154 644 3267 <80 µm
Après attrition 30 34 6 409 479 163 745 4310
1.6.2 Mode de gestion actuel des déchets
Une bonne gestion des sédiments issus des systèmes d’infiltration consiste à envisager leur traitement
dans le but de rendre leur valorisation possible, mais l’absence de normes françaises ou européennes
constitue un problème pour la gestion de ces résidus. Actuellement les pratiques d’élimination de ces
sédiments ne sont pas en accord avec la législation en vigueur. Les sédiments sont utilisés pour
l’épandage, mis en décharge ou en dépôt (Petavy, 2007).
L’épandage des sédiments issus des systèmes d’infiltration est à proscrire systématiquement au titre de
l’article 6 du Décret no. 97-1133 du 8 décembre 1997, qui stipule que l’épandage des boues ne peut
être pratiqué que si celles-ci présentent un intérêt pour les sols pour la nutrition des cultures ou des
plantations, et que si l’usage et la manipulation des boues ne porte pas atteinte à la santé humaine et
des animaux, à l’état phytosanitaire des cultures, à la qualité des sols et des milieux aquatiques. Or les
sédiments issus des systèmes d’infiltration peuvent potentiellement présenter des risques à
l’environnement et à la santé humaine. L’absence d’études approfondies en ce sens nécessite donc
d’appliquer le principe de précaution.
Méthode d’évaluation des performances des systèmes d’infiltration des eaux de ruissellement en milieu urbain
Priscilla Moura – Institut National des Sciences Appliquées de Lyon 65
La mise en décharge à partir du 1er juillet 2002 (Loi 75-633 du 15 juillet 1975 et modifié le 13 juillet
1992) n’est admise que pour les déchets dits ultimes, qui ne sont pas susceptibles d’être traités dans les
conditions techniques et économiques du moment. Il est especifié que « la mise en dépôt ne peut être
faite que sous deux conditions : un dépôt réalisé dans le temps et sur une faible épaisseur, restreint
par la classification en déchets industriels spéciaux ou un dépôt régulier, avec création d’un néo-sol
qui doit avoir des concentrations en polluants faibles pour qu’il soit classifié comme non pollué ».
Nous pouvons donc conclure que les pratiques actuelles d’élimination de ces déchets ne sont pas
durables. Nous allons donc nous intéresser au traitement et ensuite à la valorisation possible de ces
déchets.
1.6.3 Traitements envisageables des déchets
Le traitement de ces sédiments en particulier vise à une séparation de la partie fortement polluée (les
particules les plus fines) pour une valorisation de la partie plus grossière, moins polluée.
Différents techniques pour le traitement de sédiments existent et un prétraitement peut être
envisageable. Nous allons faire d’abord un résumé des techniques de prétraitement et de traitement des
sédiments existantes, pour ensuite montrer leur pertinence pour le traitement des sédiments issus des
ouvrages d’infiltration et finaliser par les connaissances en termes de filières de traitement de ces
déchets.
Le Tableau 1.6 fait un résumé des techniques de prétraitement existantes qui peuvent être appliqués
aux sédiments.
Tableau 1.6 – Techniques de prétraitement existantes (adapté de Ruban, 2005)
Nom Technique Sédiments pouvant subir ce traitement
Limites du prétraitement
Criblage / tamisage
Séparation granulométrique
Sédiments avec une forte corrélation entre granulométrie et pollution
Quand il y a la rétention de particules fines dans les débris
Hydrocyclonage Classement des particules sous l’effet des forces centrifuges
Sédiments de diamètre compris entre 10 et 2000 microns
Efficacité réduite si sédiment visqueux ou argileux
Attrition Elimination des encroûtements de surface des particules par frottement
Tous types de contaminants
Spiralage Séparation gravimétrique des sédiments basée sur la force centrifuge, par un courant d’eau
Boue de siccité inférieure à 30%, sédiments de diamètre inférieur à 25 mm avec tous types de contaminants
Non pertinente pour des petits volumes à traiter
Chapitre 1 - La connaissance actuelle des systèmes d’infiltration
66 Priscilla Moura - Institut National des Sciences Appliquées de Lyon
Les types de traitement qui peuvent être utilisés pour traiter les sédiments sont présentés dans le
Tableau 1.7, aussi comme les types de sédiments qui peuvent être traités et les limites de chaque
procédé.
Tableau 1.7 – Techniques de traitement existantes (adapté de Ruban, 2005)
Technique Sédiments pouvant subir ce traitement
Limites du traitement
Phytoremediation Utilisation de plantes pour éliminer les contaminants d’un sédiment par absorption et fixation dans les parties des plantes
Sédiments pollués en métaux lourds
Traitement long, profondeur limité, nécessité de gérer la biomasse produite
Compostage Stockage des sédiments pour favoriser l’activité biologique pour dégrader les composés organiques
Sédiments contenant une pollution organique
Nécessite de grandes superficies
Nécessité de retourner les sédiments régulièrement
Durée du traitement longue
Land Farming Dégradation des composés organiques après étalage des sédiments sur un terrain
Sédiments contenant une pollution organique
Nécessite de grandes superficies, nécessité de remanier les sédiments régulièrement, non maîtrise des gaz émis, durée du traitement longue
Lessivage/lavage Dissolution des polluants à l’aide d’un réactif
Sédiments tous diamètres, contaminés en hydrocarbures légers et contenant de la MO
Nécessité d’utilisation d’un réactif pour chaque type de contaminant
Désorption thermique
Désorption des polluants organiques en chauffant les sédiments
Sédiments contaminés en MO
Coût élevé
Elimination des résidus difficile
Incinération Réduction en cendres Sédiments très contaminés (organiques et métaux lourds)
Coût élevé
Elimination des résidus difficile
Vitrification Transformation des sédiments en verre
Sédiments contenant toute sorte de contaminants
Prétraitement nécessaire
Coût élevé
Selon Ruban (2005), dans le cas spécifique des sédiments issus de l’assainissement pluvial les
techniques de lavage, de vitrification, de désorption chimique et de phytoremédiation ne sont pas
envisageables. La technique de lavage n’est pas retenue car la finesse de départ des sédiments est
augmentée à cause de la desagglomération des particules ce qui rend le matériel inapte a une
séparation solide/liquide. De plus tous les polluants ne sont pas sensibles au même réactif. La
vitrification n’est pas envisageable à cause de son coût élevé. La désorption thermique ne s’applique
Méthode d’évaluation des performances des systèmes d’infiltration des eaux de ruissellement en milieu urbain
Priscilla Moura – Institut National des Sciences Appliquées de Lyon 67
que pour les sédiments organiques, raison pour laquelle cette technique n’est pas utilisée. La
phytoremédiation n’est pas retenue car la pollution des sédiments des ouvrages d’infiltration présente
une large gamme de polluants.
Cependant, dans la pratique, des nombreuses villes en France utilisent le lavage à l’eau des sables,
Delattre & Bertrand-Krajewski (1996) ont identifié un traitement type qui comporte quatre étapes
principales : criblage, lavage, classification et essorage. Ce traitement permet d’obtenir des sables
lavés potentiellement utilisables en remblaiement de tranchées et des sous-produits qui doivent quant à
eux rejoindre des chaînes de traitement existantes (décharge ou incinération pour les solides très
pollués, réinjection des eaux de lavage en tête de station traitement).
Le traitement des déchets curés des systèmes d’assainissement (par séparation des fines pour
réutilisation des particules grossières) par hydrocyclonage est performant quand il est certain que la
pollution est concentrée dans les particules les plus fines. Par contre, lorsque la pollution est répartie
entre les différentes fractions granulométriques, l’hydrocyclonage ne suffit pas (Durand, 2003 ;
Deruelle, 2004 et Durin, 2006).
Certaines techniques pour le traitement des déchets provenant des techniques d’assainissement pluvial
ont été étudiés. Nous pouvons citer à titre d’exemples les procédés de lavage de sables du Grand Lyon,
ERMAC et ECOSABLE ainsi que les travaux de Petavy (2007) et Desjardin (2007).
L’ensemble de lavage des sables de l’assainissement du Grand Lyon est localisé à la station
d’épuration (STEP) de Pierre Bénite. Le fonctionnement mécanique de l’ensemble de lavage de sables
est indépendant du fonctionnement de la station d’épuration, toutefois des interactions entre
l’ensemble de lavage et la STEP existent, car les eaux et les huiles provenant de l’ensemble de lavage
sont renvoyés à la STEP. Le procédé de lavage consiste en un criblage des déchets plus grossiers. Les
sédiments vont ensuite vers le lavage où les phases solide et liquide sont séparées par un
hydrocyclone ; l’eau avec les particules fines (polluées) est acheminée en tête de la STEP. Les
particules le plus grossières vont être classifiées par taille et ensuite être essorés. Le sable lavé va être
envoyé en décharge où il va être utilisé comme matériau de recouvrement.
Le procédé ECOSABLE, mis au point par ECOPUR SA, sépare la matière minérale débarrassée des
polluants organiques qui l’accompagnent. Le processus est basé sur le principe de séparation
dynamique des matières selon leur densité, leur granulométrie et leur vitesse de chute. Les eaux issues
du processus subissent un traitement physico-chimique par floculation et décantation lamellaire. Le
processus donne des résultats satisfaisants, encore que les caractéristiques réelles des sables issus du
traitement ne sont pas divulguées (Petavy, 2007) Le procede Ecosable accueillait, en 2000, entre 55 à
60 000 tonnes de résidus par an (Helaine, 2000 apud Petavy, 2007).
Le procédé ERMAC correspond à un traitement des boues par un dispositif récupérateur « essoreur »
de sables. Le nettoyage des particules est réalisé par des brassages et rinçages dans la vis
Chapitre 1 - La connaissance actuelle des systèmes d’infiltration
68 Priscilla Moura - Institut National des Sciences Appliquées de Lyon
d’alimentation et sur un crible vibrant. Les sables sont ensuite concentrés au niveau de l’essoreur alors
que les particules fines sont évacuées ; les eaux de surverse sont reversées en tête de station. Ce
procédé de lavage ne permet pas une bonne séparation des particules fines selon (Petavy, 2007).
Petavy (2007) encore a proposé un procédé, nommé ATTRISED, actuellement à l’état de pilote. Son
fonctionnement basé sur le principe d’attrition. Ce procédé de traitement physique des sédiments
comporte d’abord un tamisage des sédiments séparant les particules de diamètre supérieur à 2 mm.
Cette fraction quitte ensuite le système et peut être valorisé. La fraction restante est injectée dans un
hydrocyclone qui sépare les sédiments de diamètre supérieur à 60 µm et les achemine vers une cellule
d’attrition. Pendant l’attrition les grumeaux de particules sont dissociés et séparés dans un autre
hydrocyclone. Les fractions fines sorties des deux hydrocyclones sont dirigées vers le traitement des
eaux pour être éliminées à la fin du procédé. Les fractions entre 60 µm et 2 mm peuvent être valorisés.
L’eau dans le système est soumise à un traitement ce qui permet au système de fonctionner en circuit
fermé. Ce traitement présente des résultats très satisfaisants en étant la méthode de traitement des
déchets d’assainissement la plus efficace, d’après notre connaissance.
D’un point de vue différent, Desjardin (2007) étudie un procédé de prétraitement des sédiments issus
de bassins de rétention pouvant être couplé avec un lavage afin d’obtenir un sable valorisable. Ce
prétraitement est envisagé en vue d’abattre la fraction organique polluante (en particulier les
hydrocarbures). L’étude a été réalisée avec des quantités importantes de sédiments (65 kg). Les
résultats montrent que les sédiments se dégradent à travers l’action de sa propre flore microbienne, le
traitement est plus efficace avec aération continue. Près de la moitie des hydrocarbures a pu être
éliminée au bout de 8 semaines de traitement, sans remobiliser de métaux (Cd, Cu, Pb, Zn). Après
traitement, la partie des sédiments dépolluée peut être utilisée dans la construction civile, son
utilisation va dépendre du niveau de qualité du matériel traité, surtout sa teneur en matière organique,
teneur en fines et teneur en éléments traces. Meilleure est la qualité du matériel, plus noble sera son
utilisation.
Deux types de filières de valorisation des sédiments issus des ouvrages d’assainissement sont
envisagés par Petavy (2007) après traitement par le procédé ATTRISED. La fabrication du béton et
l’utilisation en remblais et couches de forme.
Pour la fabrication du béton les spécifications sont très nombreuses et contraignantes, Petavy (2007) a
conclu que la réutilisation des sous produits de l’assainissement ne pourra se faire que si un système
de traçabilité des déchets très exigeant est mis en place.
Pour l’utilisation en remblais et couches de forme c’est la norme française AFNOR (NF P 11-300) qui
établit une « classification des matériaux utilisables dans la construction des remblais et couches de
forme d’infrastructures routières ». Cette norme classe les matériaux par rapport à leur teneur en
matière organique. En fonction de la classification du matériel, différents filières de valorisation
Méthode d’évaluation des performances des systèmes d’infiltration des eaux de ruissellement en milieu urbain
Priscilla Moura – Institut National des Sciences Appliquées de Lyon 69
pourront être envisagés : remblais routier, couches de forme, remblais de tranchée, remblais de
surface. Dans tous les cas les matériaux ne doivent pas présenter de danger pour l’environnement, ils
ne doivent pas être pollués ni potentiellement polluants.
Petavy (2007) a traité sept sédiments issus de l’assainissement pluvial d’origines différentes. La
majeure partie des sédiments issus du traitement (12 fractions sur 14) pouvaient être valorisés en
remblais routier, de tranchée ou de surface ou comme couches de forme.
En ce qui concerne la quantité de sédiments piégés par les systèmes très peu de connaissances sont
disponibles. Une estimation des apports en MES par hectare est donnée par MEE (1994) par rapport à
la surface imperméable du bassin versant. Il estime en 770 kg/ha/an, pour une imperméabilisation de
35% ; 2300 kg/ha/an, pour une imperméabilisation de 55% ; 3495 kg/ha/an, pour une
imperméabilisation de 70% et, finalement, 4680 kg/ha/an, pour une imperméabilisation de 85%.Ces
estimations ont été faites à partir de données sur la quantité de sédiments curés dans dispositifs de
rétention, en eau et secs.
1.7 Bilan sur la consommation des ressources naturelles
Les nouvelles exigences en terme environnemental ont conduit à s’interroger sur les modes de
production ou de gestion des infrastructures existantes ou émergentes. Pour les ouvrages d’infiltration,
comme pour les infrastructures d’assainissement pluvial en général, une approche sur leur
consommation de ressources naturelles est toute nouvelle et les données inexistantes. Cependant cette
réflexion peut être intéressante et amener à repenser nos savoirs-faire. La question que l’on peut se
poser vis à vis de notre problématique est de savoir quel est le système le moins consommateur en
ressources naturelles et, tentant d’y répondre, est-ce que cela consiste à un vrai problème.
Une approche de type analyse de cycle de vie peut apporter des éléments relativement à nos besoins.
L’analyse du cycle de vie (ACV), est une méthode qui a été initiée par la SETAC (Society of
Environnemental Toxicology and Chemestry) dans les années 70. Elle consiste, selon la norme ISO
14040 (1997), à étudier les aspects environnementaux et les impacts potentiels tout au long de la vie
d’un produit (c'est-à-dire du « berceau à la tombe »). Les grandes catégories d’impacts
environnementaux qu’il convient de considérer sont : l’utilisation des ressources, la santé humaine et
les conséquences écologiques.
La méthodologie d’une analyse de cycle de vie doit suivre les étapes suivantes : définition de l’objectif
et du champ d’étude, l’analyse de l’inventaire du cycle de vie, évaluation de l’impact du cycle de vie,
la communication des résultats et la revue critique de l’analyse.
La définition de l’objectif permet de préciser les finalités de l’analyse comme la comparaison de
l’impact environnemental de deux « produits » censés rendre le même service ou bien l’évaluation
pour un « produit » donné de l’incidence sur l’environnement de deux étapes de son cycle de vie (sa
Chapitre 1 - La connaissance actuelle des systèmes d’infiltration
70 Priscilla Moura - Institut National des Sciences Appliquées de Lyon
construction et sa réhabilitation par exemple). Cette phase nécessite, en outre, de délimiter le système
à étudier dans le temps et dans l’espace et de définir l’unité fonctionnelle c’est à dire la mesure de ce
que fait le système ou ce pour quoi il est fait. Ceci impose dans les études comparatives que les
systèmes assurent les mêmes fonctions.
L’analyse de l’inventaire du cycle de vie permet de recenser et d’évaluer pour chaque sous-système
composant l’unité fonctionnelle : les flux de matières, d’énergie, les émissions de polluants et la
production de déchets pouvant avoir un impact sur les différents milieux (eau, sol, air).
L’évaluation de l’impact du cycle de vie consiste à évaluer la portée des impacts potentiels
environnementaux, en utilisant les résultats de l’analyse de l’inventaire.
Si aucune ACV n’a été réalisée sur les systèmes qui nous intéressent, des réflexions en terme
méthodologiques ont cependant été menées (Alfakih et al., 1999) et ont mis en évidence plusieurs
niveaux de difficulté.
• Le premier niveau de difficulté, nous l’avons déjà évoqué, réside dans la multitude de données à
acquérir au niveau de l’inventaire des entrants (énergies, matériaux, substances,…) et des
sortants (émission dans les différents milieux eau, air et sol) qui fait la plupart du temps défaut.
• Le deuxième est lié à la délimitation des systèmes et plus particulièrement l’identification de
l’échelle spatiale la plus pertinente pour l’étude des impacts environnementaux (faut-il raisonner
à l’échelle d’un ouvrage local dont les effets seront peut-être peu marqués ou bien à l’échelle
d’un ensemble d’équipements d’un bassin hydrographique par exemple dont les effets sont de
nature à se cumuler ?). A ce sous-problème s’en superpose un deuxième qui est celui de la
définition de l’unité fonctionnelle. Elle sert, selon les objectifs de l’ACV, à comparer des
systèmes, des actions sur ces systèmes, des étapes particulières de leur cycle de vie. S’il est
facile de définir l’unité fonctionnelle en matière de choix de produits « industriels »
(« emballage utilisé pour délivrer un certain volume de boisson », « quantité de produit
nécessaire pour nettoyer un m2 d’appartement ») il paraît plus difficile de définir cette unité
fonctionnelle pour des systèmes qui assurent des fonctions multiples (protection contre les
inondations, protection contre la pollution, support d’activités comme le loisir par exemple,…)
et changeant en fonction de l’endroit où ils sont implantés.
Aussi, comme notre objectif est de connaître la consommation en ressources naturelles pour les
systèmes d’infiltration, il parait plus raisonnable de s’en tenir à l’inventaire en terme de consommation
des ressources. Un système d’infiltration consomme de l’énergie et des matières premières dans sa
phase de construction et dans sa phase d’utilisation. La fin de vie des systèmes est encore très mal
connue. Les systèmes sont réhabilités quand ils présentent des dysfonctionnements mais peu le sont
encore. Quand ils le sont, ils ne sont pas démantelés mais modifiés. Par conséquent, l’analyse
considérera la construction ou la modification puis la vie des systèmes.
Méthode d’évaluation des performances des systèmes d’infiltration des eaux de ruissellement en milieu urbain
Priscilla Moura – Institut National des Sciences Appliquées de Lyon 71
1.8 Bilan économique des ouvrages
La question économique concernant l’évaluation des ouvrages d’infiltration est évidemment centrale.
Elle peut être abordée selon plusieurs méthodes : l’analyse des biens environnementaux de
l’ouvrage ou des méthodes d’estimation globale de coût.
L’analyse des biens environnementaux a commencé a être considéré il y a une cinquantaine
d’années, quand une prise de conscience de que la disponibilité des biens environnementaux était
limitée et de que certains biens pouvaient ne pas être renouvelables. Pendant longtemps, ces biens ont
été considérés par les économistes comme des ressources accessibles en quantité infinie, des biens
offerts par la nature. Du fait de leur caractère inépuisable, infini, ces ressources naturelles n'avaient pas
de prix, et leur consommation pouvait être très importante sans aucune conséquence sur l'économie.
Avec la prise de conscience de que ces ressources étaient épuisables, beaucoup de ressources
naturelles ont aujourd'hui un prix et ce prix permet de refléter leur rareté. Un autre facteur qui
intervient dans les coûts des biens environnementaux est leur possible dégradation liée à la pollution.
Il s'agit des effets externes, dits aussi externalités, décrits la première fois par Marshall (1890). Selon
Abdelmalki & Mundler (1997) des effets sont dits externes lorsque du fait de l’indépendance des
agents, des phénomènes se produisent sans que le marché fasse payer ou rétribuer les conséquences
des effets. La mauvaise appréhension des effets externes par le marché est principalement due aux
caractéristiques spécifiques des biens d’environnement.
Abdelmalki & Mundler (1997) distinguent cinq caractéristiques qui différencient les biens
environnementaux des biens marchands :
• Ils ont une offre fixe et une demande croissante et peuvent être détruits ou dégradés ;
• Ce sont en général des biens communs et ne font pas l’objet de droits de propriété ;
• Ils n’ont pas de prix, seule leur transformation par l’homme a un prix ;
• Ils sont considérés soit comme des biens de production soit comme des biens produits. Il sont
donc utilisés comme facteur de production ou de consommation finale ;
• Leur production et leur reproduction échappent à l’homme.
Pour mesurer la valeur des biens environnementaux, il faut tenir compte à la fois des services qu’ils
rendent et des dommages qu’ils subissent.
Même si les biens environnementaux n’ont pas de prix, il faut bien les évaluer pour éviter une
consommation excessive, protéger l’environnement et prendre une décision entre différents projets.
Mais cela suppose que l'on puisse déterminer un prix aux impacts positifs ou négatifs sur
l'environnement. A défaut d’un prix, il peut être affecté une valeur aux biens environnementaux
naturels.
Chapitre 1 - La connaissance actuelle des systèmes d’infiltration
72 Priscilla Moura - Institut National des Sciences Appliquées de Lyon
La valeur des biens environnementaux naturels, aussi nommé valeur économique totale est calculée à
partir de trois groupes de valeurs : les valeurs d’usages, les valeurs d’usages potentiels et la valeur de
non-usage. Les valeurs d’usages représentent les usages réels directs et indirects qui correspondent aux
services directs et indirects que peuvent procurer ces biens. Les valeurs d’usages potentiels
rassemblent la valeur d’option, qui correspond à une espérance de surplus si ce bien est
temporairement préservé, et la valeur de legs, qui est liée à la valeur léguée pour les générations
futures ou pour les autres individus. La valeur de non-usage, dite aussi valeur d’usage passif, est la
valeur issue du maintien de l’existence d’un patrimoine ou d’une ressource sans considération de ses
usages possibles que ce soit dans le présent ou dans le futur.
L’agrégation de ces valeurs pour déterminer la valeur économique totale est difficile, puisque les
différentes valeurs sont peut-être complémentaires mais peuvent aussi être antagonistes et donc
potentiellement compensables. Il faut donc distinguer et étudier les différents éléments et les
différentes valeurs de chaque bien environnemental pour pouvoir déterminer correctement la valeur
économique totale la plus pertinente possible.
Les économistes ont construit des méthodes d’évaluation de la valeur économique totale qui ont pour
objectif de déterminer un prix des biens environnementaux à partir de l’observation des
comportements ou à partir de l’idée de consentement à payer ou à recevoir (Abdelmalki & Mundler,
1997).
Dans la famille de méthodes des valeurs d’usages révélés par les comportements cinq méthodes
coexistent :
• La technique hédoniste consiste à comparer les prix des biens marchands ayant les mêmes
caractéristiques physiques et d'allouer leur différence de prix à certaines variables
environnementales de ces biens. Cette technique a été appliquée, par exemple, dans l'immobilier
pour l’évaluation du dommage relatif à la présence d'une source de bruit à côté d'une habitation.
• La méthode physique dose-réponse cherche à évaluer les interactions entre un dommage
physique et la dégradation des biens économiques. L’évaluation monétaire se fera en calculant
les dépenses de correction ou de protection nécessaires.
• La méthode des coûts du transport est utilisée pour estimer la demande et la valeur des biens de
loisir. La valeur d’un site est estimée en fonction du coût dépensé pour rejoindre ce site,
multipliée par le nombre de visiteurs sur une période donnée.
• La méthode de la valeur associée à une réduction de morbidité concerne les dépenses de santé
qui permettent de repousser la mortalité des individus.
• Les méthodes de consentement à payer (aussi appelées méthodes d’évaluation contingente)
visent l’obtention d’une valeur directe en demandant aux individus ce qu’ils seraient prêts à
Méthode d’évaluation des performances des systèmes d’infiltration des eaux de ruissellement en milieu urbain
Priscilla Moura – Institut National des Sciences Appliquées de Lyon 73
payer pour préserver un bien environnemental ou ce qu’ils seraient prêts à recevoir pour tolérer
un dommage.
Les critiques formulés envers ces modes d’évaluation se situent principalement à trois niveaux
(Abdelmalki & Mundler, 1997 ; Barraud et al., 2001).
Les méthodes liées à l'observation des comportements posent un grand nombre de difficultés.
Comment identifier correctement les variables significatives dans la technique hédoniste ? Quel est le
seuil de nuisance à partir duquel les effets sont perceptibles ? Comment intégrer les variations
socioculturelles dans le calcul ?
Les méthodes s'appuyant sur le coût du transport et sur la réduction de morbidité posent aussi des
problèmes d'exhaustivité évidents. Comment être sûr que le motif unique du déplacement est l'accès au
site ? Comment tenir compte de ceux qui n'ont pas effectué le déplacement pour des raisons autres que
le coût à engager ? Comment parvenir à établir une relation satisfaisante entre les niveaux de pollution
et les effets sur la santé ?
L’évaluation monétaire des valeurs de non-utilisation pose également problème. La valeur des services
rendus par l'environnement ne peut s'identifier seule au dommage écologique dans sa totalité car les
méthodes d'évaluation ne donnent une estimation de la valeur qu'à un moment donné.
Les méthodes d'évaluation contingente semblent, dans certains cas, appropriées pour révéler les
valeurs y compris les valeurs de non-usage. En France, par exemple, des travaux ont été conduits pour
apprécier par analyse contingente, ce que les habitants d'une région seraient prêts à payer pour que les
agriculteurs entretiennent le paysage, afin qu'il présente telle ou telle caractéristique. Les chiffres
obtenus ne donnent pas une “valeur” au paysage, mais ils peuvent être utilisés par les pouvoirs publics
pour estimer les sommes qu'il semble justifié de consacrer au soutien des agriculteurs pour leur
activité d'entretien. Cependant les méthodes d’évaluation contingente sont loin de faire l’unanimité et
de nombreux « biais » lui sont reprochés :
• biais liés aux comportements stratégiques : des individus déclarent nul leur consentement à
payer, comptant sur ce que verseront les autres. Ce problème, classique en économie, est celui
dit du « passager clandestin » ;
• biais liés au niveau d'information : les individus sont inégalement informés des conséquences de
leurs choix. De plus, l'information véhiculée par le questionnaire peut influencer le niveau des
enchères ;
• biais liés au support de paiement : selon le support de paiement proposé dans le questionnaire
(taxe, paiement direct, droit d'entrée, etc.), les résultats peuvent être modifiés. Un individu peut
être amené à considérer qu'un euro de taxe supplémentaire, n'a pas la même valeur que le fait
d'avoir à payer un euro de droit d'entrée ;
Chapitre 1 - La connaissance actuelle des systèmes d’infiltration
74 Priscilla Moura - Institut National des Sciences Appliquées de Lyon
• biais liés au niveau de départ des enchères : certains travaux ont montré que le niveau de départ
des enchères influençaient la moyenne finale ;
• surestimation du consentement à recevoir : les individus semblent davantage disposés à recevoir
qu'à payer. De fait, de nombreuses analyses contingentes reposent aujourd'hui uniquement sur le
consentement à payer.
En plus des biais techniques inhérents à ces méthodes que certains chercheurs pensent pouvoir corriger
grâce à l'emploi de techniques statistiques appropriées, les méthodes d'évaluation contingente
présentent des problèmes méthodologiques et éthiques, comme la définition de la population de
référence, la temporalité du dommage évalué…
Les méthodes d’estimation d’un coût global peuvent être faite selon différents méthodes (Barraud et
al., 2001).
Une première, liée à l'école néo-classique, est la méthode des prix de référence dite aussi la méthode
avantages ou coûts-bénéfices. Les ressources utilisées pour un projet doivent être évaluées à leur coût
alternatif qui correspond à la valeur que prendrait une ressource si cette dernière était employée de
manière optimale. Du fait des distorsions que connaît le marché, ces auteurs substituent le prix du
marché par les prix de référence, ces derniers étant évalués sur des marchés considérés comme
satisfaisant une concurrence parfaite. Puis ce coût sera comparé aux bénéfices recueillis des ressources
utilisées pour en évaluer, après actualisation des flux, le bénéfice net.
Le principal reproche pratique que l’on peut formuler sur ces méthodes reste celui de l’évaluation des
différents paramètres.
Une deuxième approche est liée au courant néo-keynésien. Cette dernière est la méthode des effets dite
aussi la méthode des agents. Elle consiste à prendre en compte les impacts d’un projet sur l’économie
globale. Son principal critère d’évaluation sera d’établir la participation d’un projet à la formation de
la valeur ajoutée nationale. Elle est liée à l’étude des effets de liaison de grappes de projets. Les
auteurs de cette méthode étudient un projet d’investissement en fonction d’autres projets qui peuvent
être liés de manière réciproque ou non.
Cette méthode accepte les prix du marché tels qu’ils sont et, surtout, elle tient compte des effets
externes lors de la démarche de la recherche de la maximisation de la valeur ajoutée issue de la
réalisation d'un investissement. De plus, grâce à l'étude des conséquences des perturbations issues de
la création et du fonctionnement d'un projet donné, cette méthode permet de révéler les actions
compensatrices des dégâts occasionnés à l'environnement par les projets d'investissement étudiés.
L'évaluation sera effectuée grâce à la comparaison des effets entre ceux issus de la présence et ceux
issus de l'absence du projet, ce qui permet de déterminer l'impact réel du projet par rapport aux
objectifs qui lui ont été attribués.
Méthode d’évaluation des performances des systèmes d’infiltration des eaux de ruissellement en milieu urbain
Priscilla Moura – Institut National des Sciences Appliquées de Lyon 75
Une troisième approche pour évaluer les coûts des systèmes d’infiltration est d’utiliser l’analyse des
coûts directs, qui permettra la prise en compte de toutes les ressources utilisées à la construction et en
phase de maintenance des systèmes par leur valeur réel de marché. Elle a la désavantage de ne pas
considérer les coûts liés à l’impact (impacts environnementaux par exemple) toutefois les coûts du
marché sont réels et moins difficilement influés par des hypothèses. Les impacts pourront être
considérés par d’autres biais, non monétaires. Des analyses statistiques ont été entreprises pour aider
aux chiffrages en phase de conception, notamment Baptista & Barraud (2001) et Fiel et al. (2006).
Cependant Baptista & Barraud (2001) montre une grande disparité des coûts aussi bien en
investissement qu’en maintenance, difficilement explicable rationnellement.
Des approches intermédiaires sont également présentes dans la littérature comme celle du « Whole life
costing ». Cette méthode tente de prendre en compte l’ensemble des coûts tout au long de la vie d’un
produit ou d’un ouvrage qu’ils soient directs (coût d’investissement par exemple) ou indirects (coûts
environnementaux) (Cashman et al., 2004). Notons que cette approche a été appliquée et fait l’objet de
logiciels pour les projets alternatifs en Angleterre (HR Wallingford, 2005). Cependant le travers de
l’estimation des coûts de biens non marchands reste entier.
De notre point de vue seule l’estimation de coûts directs (coût d’investissement, d’étude, de
maintenance) est à prendre en compte dans le type d’analyse que nous faisons au même titre que
d’autres aspects (d’impact par exemple) qui seront estimés individuellement sans être nécessairement
convertis en terme de coûts ou de valeurs économiques. Les autres méthodes sont extrèmement
discutables et sont à l’heure actuelle très controversées. Mc Allister (1980) fait un bon récapitulatif de
ces critiques dont les principales sont les suivantes :
• Dans son souci de monétariser tous les impacts, elles ont adopté une série de techniques trop
compliquées à comprendre par les décideurs et par le public (effet boîte noire).
• La pertinence de plusieurs impacts monétisés est gravement mise en cause par le manque de
fiabilité de ce type d’informations (marges d’erreurs, d’incertitude, de subjectivité …).
• Il existe des impacts qui sont tout simplement impossibles à traduire en termes monétaires ; dans
le cas où on leur attribue quand même une valeur monétaire, ils risquent d’être sous estimés par
la méthode aux yeux des décideurs ;
• Le long terme est mal pris en compte car il est difficile de prévoir l’état du marché.
Ajoutons également que la controverse vient souvent également d’un problème de principe résumé par
les propos de P. Nijkamp cités dans (Simos, 1990) et dans (Barraud et al., 2001) « Cette méthode qui
consiste à mesurer l’incommensurable n’est qu’une manière élaborée d’aller de notions préconçues à
des conclusions connues d’avance […] mais ce qui est pire et nuisible à la civilisation, ce n’est pas
Chapitre 1 - La connaissance actuelle des systèmes d’infiltration
76 Priscilla Moura - Institut National des Sciences Appliquées de Lyon
cette logique absurde, c’est la prétention que tout a un prix, en d’autres mots, que l’argent est la plus
grande des valeurs ».
1.9 Bilan des impacts sociaux des ouvrages
Peu d’études sociologiques se sont penchées sur la notion d’acceptabilité sociale de ces techniques.
A notre connaissance les seules études existantes sur l’acceptabilité de ces systèmes proviennent de
l’équipe de développement urbain du département de Génie Civil de l’INSA de Lyon (Baffet, 2005 ;
Pagoada Cruz, 2004 ; Barraud et al., 2006a ; Berdier & Toussaint, 2007). Malgré l’avancement de
leurs travaux le manque de recul est encore très fort dans ce domaine et la complexité des enjeux
sociaux ne nous permet pas d’utiliser leurs travaux comme base pour l’élaboration d’indicateurs.
Sur l’acceptation sociale des études ont menées sur les SUDS (Sustainable Urban Drainage Systems)
« systèmes de drainage urbains durables » à partir d’approches plus pratiques et plus ciblées.
SNIFFER (2005) a étudié l’acceptabilité sociale des SUDS (Sustainable Urban Drainage Systems) au
Royaume Uni avec l’objectif d’aider à l’identification des types de constructions les plus facilement
acceptées par le public. Ils ont étudié la perception sociale des SUDS utilisant des questionnaires
appliqués de « porte-à-porte ». En Ecosse, les sites étudiés présentaient des systèmes de noues ou de
bassins en eau. En Angleterre les sites explorés étaient seulement dotés de bassins.
Les recommandations ou constatations sont les suivantes. Plus les aménagements sont esthétiques et
mieux ils sont acceptés. L’impression de sécurité peut être influencée par la configuration de
l’aménagement. Par exemple un bassin protégé par une haie donne une impression de sécurité plus
forte qu’un bassin sans ce type d’aménagement. La présence de faune et de flore dans les
l’aménagements des ouvrages est ressenti comme une vraie plus-value. Le recours à une végétation
endemique a été suggéré par les interviewés car se développant plus rapidement que d’autres et restant
adaptée, de fait, à l’environnement local. La pluri-fonctionnalité et la mise en place d’équipements
marquant la pluralité des usages (installation de tables de pic-nic, de bancs, d’aires de jeu, de chemins
piétons, …) constituent des éléments de premier plan. Enfin, une bonne maintenance a été reconnue
comme un facteur important pour une bonne acceptation des systèmes et ce, dans toutes les zones
étudiées, indiquant la nécessité d’avoir un environnement urbain propre, agréable et attractif. On peut
noter que compte tenu de la formulation de la réponse, la maintenance dont il est fait état est sans
doute d’avantage liée à l’entretien de l’espace public qu’à la maintenance du système technique lui
même. En Ecosse, dans les zones sujettes aux inondations, les interviewés citent la nécessité de ne pas
laisser l’eau stagnée pendant de longues périodes. En Angleterre les facteurs esthétiques ont été
considérés comme les plus importants et la sécurité des ouvrages vue comme un point à améliorer
dans la conception.
Méthode d’évaluation des performances des systèmes d’infiltration des eaux de ruissellement en milieu urbain
Priscilla Moura – Institut National des Sciences Appliquées de Lyon 77
Des recherches semblables à celles de SNIFFER (2005) ont été faites aux Etats-Unis (WATERSHED
PROTECTION TECHNIQUES, 2000) et en Suède (Hjerpe & Krantz, 2000) avec des résultats
similaires.
Une autre étude réalisée en Ecosse par l’agence de protection de l’environnement (Wild et al., 2003) a
corroboré les conclusions de SNIFFER (2005) et a, en outre, mis en évidence le fait que l’acceptation
est également fortement influencée par le niveau d’information disponible et le niveau d’utilisation de
l’ouvrage par le public. Cela a également été mis en evidence lors d’une étude de perception des
SUDS dans les villes de Dundee et Dunfermline (Apostolaki et al., 2001 et Apostolaki et al., 2006).
Enfin dans une autre étude, réalisé au Brésil (Moura, 2004), montre que la population a une plus
grande disposition à payer pour de projets de drainage pluvial qui sont bien intégrés à
l’environnement.
Ainsi les valeurs récréative et esthétique sont des facteurs très importants dans l’acceptation sociale,
l’efficience et la maintenance sont primordiales dans les zones ou des problèmes de inondations sont
présents. La préférence pour des aménagements les plus naturels possible ont été mis en évidence.
Enfin les bassins (ponds) sont, en général, mieux acceptés que les noues.
Cependant l’acceptation est la pluspart des études sont groupées au royaume uni. On peut se demander
si elles sont transposables.
1.10 Conclusions
Ce chapitre a présenté le fonctionnement des systèmes d’infiltration d’eau pluvial en se concentrant
sur différents aspects : leur fonctionnement technique, leurs impacts environnementaux et socio-
économiques. Un bilan sur les connaissances pratiques, qui seront appliquées dans la définition des
indicateurs, a été effectué. Ce bilan nous a permis d’identifier les points exploitables d’un point de vue
pratique dans l’évaluation des systèmes d’infiltration.
En ce qui concerne le point de vue technique, les ouvrages d’infiltration ont un fonctionnement très
complexe, dû à leur triple rôle : la maîtrise des débits, la recharge de la nappe et l’épuration. Le
fonctionnement des systèmes consiste en une rétention de l’eau, qui favorise l’abattement des débits et
la décantation. L’eau est conduite au compartiment d’infiltration, où le restant des particules
s’accumule sous l’effet de la gravité. L’eau va ensuite s’infiltrer et atteindre la nappe.
Sur le sol, nous pouvons conclure que même si les caractéristiques chimiques du sol sont favorables
aux processus de sorption des polluants, les propriétés physiques du sol contrôlant l’écoulement de
l’eau restent prépondérantes sur la mobilité des polluants (Citeau, 2006). Les paramètres qui
contribuent à une rétention de polluants dans les sols sont, d’un point de vue physique : une faible
vitesse d’infiltration et une épaisseur de zone non saturée importante ; et d’un point de vue chimique :
un pH neutre à basique, et à un niveau moindre, la présence de carbonates et de matière organique.
Chapitre 1 - La connaissance actuelle des systèmes d’infiltration
78 Priscilla Moura - Institut National des Sciences Appliquées de Lyon
Par rapport aux impacts sur la nappe, des études dans ce domaine n’ont jamais prouvé un impact de
l’infiltration de l’eau. Toutefois des études sur les sols des systèmes d’infiltration montrent que les
polluants peuvent atteindre des profondeurs importantes. De plus des études ont montré des
changements de concentration d’oxygène dissous et de la conductivité suite à des évènements
pluvieux, ce qui peut être utilisé pour marquer un impact sur les eaux souterraines.
Les déchets générés par les ouvrages d’infiltration, selon la partie de l’ouvrage considéré, sont
différents. Toutefois ce sont les sédiments accumulés, principalement dans les compartiments de
décantation qui méritent notre attention. Ces sédiments présentent une granulométrie fine, avec une
pollution importante en éléments divers - métaux lourds, hydrocarbures, pesticides. Ils sont très riches
en matière organique. La pollution est fixée aux particules les plus fines de ces sédiments, sous forme
d’agglomérats ou encore fixée sur des fractions plus importantes.
Des estimations sur la consommation de ressources naturelles par les systèmes d’infiltration, soit
dans leur construction ou leur gestion, ne sont pas connues. Une analyse de cycle de vie de ces
ouvrages serait de grande utilité, toutefois c’est un travail lourd à effectuer. Dans le présent travail
nous allons nous intéresser à une évaluation succincte des entrants et sortants dans le système.
La santé et la sécurité des usagers des ouvrages et des personnels qui y travaillent ont été très peu
étudiées. Des évaluations de l’impact des ouvrages d’infiltration sur la santé humaine doivent donc
être envisagés. La sécurité de ces systèmes va dépendre de leur structure physique.
Pour l’évaluation des systèmes d’infiltration d’un point de vue économique plusieurs alternatives ont
été envisagées. La méthode retenue est le recours aux coûts directs.
Les enjeux sociaux relatif au changement de paradigme de ces nouveaux systèmes d’assainissement
sont, sans aucune doute, énormes, toutefois malgré leur importance. Ces enjeux ont été jusqu’à présent
très peu étudiés. Les études qui ont été faites nous montrent que l’acceptation sociale d’un système
d’infiltration est liée aux autres fonctions que ces systèmes possèdent. Par ailleurs il semble que
l’acceptation d’un système soit également, et on le comprend, lié à ces performances techniques.
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