Chapitre 1 L’auteur et son langage - kerit.be · PDF file6 L’hymne d’introduction est un sommet d’où se contemple tout le paysage du quatrième évan-gile. Il est comme l’ouverture

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  • Abb C-A SOHIER

    Les Signes

    Au fil de l'vangile de Jean Premire partie : Jean 1-11

    Notes pour une retraite

    ou un cercle biblique

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    Table Premire partie

    L'vangliste 3 Prlude Chapitre 1 : Le Prologue potique (1, 1-18) 5 Chapitre 2 : Le Prologue narratif (1, 19 - 2, 12) 16 Le tmoignage de Jean 16 A la suite de Jsus 18 Aux noces de Cana 21

    Les signes Chapitre 3 : Vivre dans la nouvelle Alliance (2, 13 - 4, 54) 25 Le nouveau Temple 25 La nouvelle naissance (Nicodme) 28 Jean est venu la lumire 32 La Samaritaine 33 La manifestation de la vie 38 Chapitre 4 : Le sabbat du paralytique (5, 1- 47) 40 Le signe 40 Le discours explicatif 41 Chapitre 5 : Le signe du pain profusion (6, 1 - 71) 44 Le signe 44 La marche sur la mer 45 Le discours sur le pain de vie 46 La foi des disciples 50 Chapitre 6 : La fte des Tentes (7, 1 10, 21) 52 La monte Jrusalem 52 Le premier discours 52 Le deuxime discours 53 La femme adultre 55 Controverses 56 La gurison de l'aveugle-n 61 Les images de la porte et du berger 64 Chapitre 7 : La fte de la Ddicace (10, 22 11, 54) 67 Menaces de mort 67 La ranimation de Lazare 68 La dcision de faire mourir Jsus 74

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    L'vangliste 1. Lauteur Des quatre vangiles, celui que jai toujours prfr est celui de Jean. Deux tmoignages, ce-lui dun ancien et celui dun contemporain, expriment bien, chacun sa manire, lesprit avec lequel il convient d'approcher cet crit important. Andr Chouraqui, le premier juif de lhistoire avoir traduit le Nouveau Testament, dit ceci :

    Cest partir dune contemplation silencieuse quil faut lire, comprendre, commenter et, ventuellement, traduire lvangile de Jean.

    (Introduction sa traduction de lvangile de Jean) La deuxime citation est dOrigne, un Pre de lEglise du troisime sicle, qui reste un des premiers et des meilleurs commentateurs de Jean. Il dfinit le lecteur idal de cet vangile par ces mots : Nul ne peut saisir le sens de lvangile de Jean sil ne sest renvers sur la poitrine de Jsus

    et na reu de Jsus Marie pour mre. Voil donc bien dfinie la manire dentrer dans ce livre. Cest dans ces mmes dispositions que je vous souhaite de vivre notre parcours. La plus ancienne tradition chrtienne attribue ce texte laptre Jean, fils de Zbde et frre de Jacques (Irne de Lyon, Canon de Muratori, Clment dAlexandrie, Eusbe de Csare, Polycrate dEphse). Depuis, de multiples hypothses, certaines trs subtiles et dautres ro-manesques ou hasardeuses, ont fleuri pour tenter dexpliquer la formation du quatrime van-gile. Dans cette fort de supputations, je me rallie, avec humour, lune dentre elle, qui me semble la fois souple et lgante. Il sagit de celle de Mademoiselle Annie Jaubert, lexcellente exgte trop tt disparue. Que dit-elle ? Jean, fils de Zbde, est le disciple que Jsus aimait (Jean 13, 23). Il est possible quil ait appartenu une des familles sacerdotales ou lvites, qui taient tablies dans toute la Palestine. Ces prtres exeraient en fait des mtiers profanes (y compris celui de pcheur), car les rares revenus du culte ne suffisaient pas leur subsistance. Pour corroborer cette hypothse, elle apporte une srie darguments, que je si-gnale en note, pour ne pas alourdir lexpos.1 Laptre Jean, de famille sacerdotale, selon le tmoignage de Polycrate dEphse (vers 190)2, serait le tmoin source, la grande figure lorigine du quatrime vangile. Un ensemble de

    1- la proximit avec Jean le Baptiste, lui-mme originaire de famille sacerdotale (Luc 2,5-6) et interrog par des prtres et des lvites (Jean 1,15) ; - le rapprochement avec le dualisme de Qumram (oppositions lumire / tnbres ; Dieu / monde) , communaut sacerdotale ; - la purification pascale supplmentaire du lavement des pieds, geste sacerdotal (Jean 13, 1-15) ; - la sensibilit sacerdotale de plusieurs thmes du quatrime vangile :

    - Jsus est le Nouveau temple et lvangile est scand par une succession de ftes liturgiques ; - Jsus est le Saint de Dieu (6,69) et le consacr de Dieu (10,36) ; - Jsus intercde pour ses disciples en se consacrant et en les consacrant (17, 17-19) ; - Sa robe est sans couture (19, 23), autre allusion la robe du grand prtre ;

    - le livre des Actes des aptres signale la conversion de nombreux prtres (Actes 6,7). Or ce livre est de Luc, toujours trs proche de Jean dans ses sources ; - lautre disciple qui accompagne Simon-Pierre a des relations lintrieur du palais du grand prtre (Jean 18, 15-16). 2 Jean, qui a repos sur la poitrine du Seigneur, avait t prtre et portait le petalon (= la lame dor du grand prtre). In Eusbe de Csare, HE V, 24, 3.

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    disciples de laptre Jean (appel cole johannique ) y aurait apport remaniements et supplments. Enfin, une dernire main la composition de lvangile tel que nous le connais-sons aurait t apporte par un rdacteur final, soit Ephse (tmoignage dIrne)3, soit Antioche (tmoignage dEphrem)4 ou encore dans ces deux villes pendant un laps de temps assez long. Suivant les auteurs, lvangile est dat de 60, au plus tt, 100 au plus tard. 2. Le style Jean semble avoir adopt une composition symphonique , o un mme thme revient plu-sieurs fois, avec des nuances et des approfondissements successifs en spirale , un peu la manire du pote franais Charles Pguy. Ce procd est tout fait en harmonie avec le gnie oriental. Son grec reproduit dailleurs les smitismes de lhbreu et de laramen. Lunivers religieux juif est jalonn de signes (otot) qui forment autant dattestations de la volont de Dieu. Ainsi en va-t-il avec lvangile de Jean avec ses 7 signes (Cana, lenfant malade, le paralys depuis 38 ans, le pain multipli aux 5.000 hommes, la marche sur les eaux, laveugle-n, Lazare). Mais il est un signe parfait, dcisif donn par Jsus quand vient son Heure, c'est la rsurrection du crucifi. Son langage est symbolique, comme celui de la grande tradition biblique : leau vive, le feu, la lumire, le pain, le vent, le souffle, la nuit, le jour, le serpent de bronze, toutes ces grandes images symboles qui expriment la vie et le salut offerts par la rencontre du Dieu vivant. Tout le texte du quatrime vangile est symbolique, ce qui ne veut pas dire quil nest pas rel . Derrire ce qui est racont (et qui souvent, lorsquon peut le vrifier par larchologie ou la critique textuelle, est plus prcis que les trois autres vangiles), lvangliste renvoie une ralit beaucoup plus profonde. Prenons un exemple. Le rcit de lexpulsion des mar-chands du temple (2, 13-22), quil relate en accord avec les trois autres vangiles, dbouche, chez Jean, dans la symbolique du Nouveau Temple quest Jsus lui-mme. Jamais il ne choisit de raconter un fait par hasard. Il ne le rapporte que si cet vnement a une signification spiri-tuelle. Il fait toujours passer des choses terrestres aux choses clestes (entretien avec Ni-codme 3, 12). Il en dgage chaque fois la porte et la profondeur afin que le lecteur puisse souvrir aujourdhui la vie ternelle. Aux hommes assoiffs de vie et souvent confronts lpreuve de la mort, le gnie de Jean est de montrer que dans lincarnation de la Parole de Dieu, du Verbe de vie, Dieu vient ouvrir toutes grandes les portes de la Terre des vivants. Jean fait de nous les contemporains de celui qui a franchi les portes de la mort et demeure jamais vivant. On peut justement penser, crit encore Andr Chouraqui, que ni dans la Bible ni dans la littrature universelle, il nexiste de livre comparable au quatrime vangile . Sans plus tarder, entrons dans ce texte, pris pour lui-mme, sans trop le rapprocher des trois autres vangiles ni gure nous soucier de la gense de sa composition. Contentons-nous d'en dgager quatre parties :

    - Prlude - Les signes - L'Heure - Epilogue.

    Le premier volume de notre travail traite des deux premires et le second des deux suivantes.

    3 Aprs les autres disciples, Jean, le disciple du Seigneur qui reposa sur sa poitrine, donna lui aussi sa version de l'vangile comme il sjournait Ephse (Adversus Haereses III, 1, 2). Lui mme disciple de Polycarpe, un proche de Jean, Irne est sans doute le continuateur jusqu' l'aube du troisime sicle de l'cole fonde par le quatrime vangliste. 4 Diacre et pote d'Antioche.

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    Prlude Chapitre 1 Le prologue potique (Jean 1, 1-18)

    I

    1Au commencement tait la Parole et la Parole tait vers Dieu, et la Parole tait Dieu

    2Elle tait au commencement vers Dieu 3Tout fut par elle

    et sans elle rien ne fut de ce qui est advenu.

    II 4En elle tait vie, et la vie tait la lumire des hommes 5et la lumire brille dans les tnbres et les tnbres ne lont pas atteinte. III 6Fut un homme envoy de Dieu.

    Son nom : Jean. 7Il vient pour un tmoignage : pour tmoigner de la lumire pour que tous croient travers lui. 8Il ntait pas lui-mme la lumire, mais pour tmoigner de la lumire.

    IV

    9Elle tait la lumire vritable, qui claire tout homme, en venant dans le monde.

    10Dans le monde elle tait et le monde fut par elle, et le monde ne la pas connue.

    11Elle est venue dans son domaine et les siens ne lont pas reue.

    VI 15Jean tmoigne de lui, Il crie en disant : Cest de lui que jai dit : lui qui derrire moi vient devant moi est venu,

    car avant moi il tait . 16Oui, de sa plnitude, nous avons tous reu, et grce sur grce. 17Car la loi fut donne par Mose, la grce et la vrit sont venues

    par Jsus Christ. 18Dieu, nul ne la vu, jamais. Un unique engendr, Dieu,

    lui qui est dans le sein du Pre, lui, il la racont.