32
VOCABULAIRE Agoraphobie Peur de se retrouver dans des endroits ou des situations d’où il pour- rait être difficile (ou gênant) de s’échapper, ou dans lesquels on pourrait ne pas trouver de secours en cas d’attaque de panique. Désensibilisation systématique Technique consistant à exposer graduellement le client au stimulus phobogène, soit en imagina- tion, soit dans une situation réelle. État de stress post-traumatique Apparition de symptômes caractéristiques (revivis- cences, cauchemars, flash-back et attaques de panique) chez un sujet qui a été exposé à des événements durant lesquels son intégrité physique ou celle d’autrui a pu être menacée (attentat terroriste, viol, guerre, etc.). Phobies Peurs irrationnelles. Phobie sociale Peur excessive des situa- tions sociales ; peur d’être le centre de l’at- tention, d’être jugé défavorablement ou d’être humilié. Phobie spécifique Peur persistante et in- tense, irraisonnée ou excessive, déclen- chée par la présence réelle ou éventuelle d’un objet particulier (serpents, cheveux, etc.) ou d’une situation précise (prendre l’ascenseur, être enterré vivant, etc.). Rituels Activités sans objet auxquelles l’individu se livre à répétition pour diminuer son anxiété (lavages de mains répétés, par exemple) ; communs dans le trouble obsessionnel-compulsif. Thérapie par immersion Technique de désensibilisation utilisée dans le traitement des phobies, qui consiste à plonger le client dans une situation qu’il trouve terrifiante (généralement par l’imagerie mentale) jusqu’à ce que son anxiété se dissipe. Trouble d’anxiété généralisée Trouble ca- ractérisé par une anxiété et des soucis chroniques (six mois ou plus), excessifs et irréalistes. Trouble obsessionnel-compulsif Obses- sions (pensées ou idées récurrentes que l’individu est incapable de chasser de son esprit) et compulsions (actions qu’il est incapable de ne pas accomplir) assez graves pour être à l’origine de sentiments marqués de détresse, d’une perte de temps considérable ou pour être invalidantes. Trouble panique Trouble caractérisé par des attaques de panique récurrentes et inattendues se manifestant par un senti- ment aigu de crainte, de peur ou de ter- reur, souvent associé à une sensation de catastrophe imminente, et s’accompa- gnant d’un malaise physique intense.

Chapitre 19 3e preuve · post-traumatique (APA, 2000). L’ agoraphobie aurait une prévalence à vie de 0,6%à 6%(Lalonde, Aubut et Grunberg et al., 1999). Une recension des écrits

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Page 1: Chapitre 19 3e preuve · post-traumatique (APA, 2000). L’ agoraphobie aurait une prévalence à vie de 0,6%à 6%(Lalonde, Aubut et Grunberg et al., 1999). Une recension des écrits

VOCABULAIRE

Agoraphobie Peur de se retrouver dansdes endroits ou des situations d’où il pour-rait être difficile (ou gênant) de s’échapper,ou dans lesquels on pourrait ne pas trouverde secours en cas d’attaque de panique.

Désensibilisation systématique Techniqueconsistant à exposer graduellement le clientau stimulus phobogène, soit en imagina-tion, soit dans une situation réelle.

État de stress post-traumatique Apparitionde symptômes caractéristiques (revivis-cences, cauchemars, flash-back et attaquesde panique) chez un sujet qui a été exposéà des événements durant lesquels sonintégrité physique ou celle d’autrui a puêtre menacée (attentat terroriste, viol,guerre, etc.).

Phobies Peurs irrationnelles.

Phobie sociale Peur excessive des situa-tions sociales ; peur d’être le centre de l’at-tention, d’être jugé défavorablement oud’être humilié.

Phobie spécifique Peur persistante et in-tense, irraisonnée ou excessive, déclen-chée par la présence réelle ou éventuelled’un objet particulier (serpents, cheveux,etc.) ou d’une situation précise (prendrel’ascenseur, être enterré vivant, etc.).

Rituels Activités sans objet auxquelles l’individu se livre à répétition pour diminuerson anxiété (lavages de mains répétés,par exemple) ; communs dans le troubleobsessionnel-compulsif.

Thérapie par immersion Technique dedésensibilisation utilisée dans le traitementdes phobies, qui consiste à plonger le clientdans une situation qu’il trouve terrifiante(généralement par l’imagerie mentale)jusqu’à ce que son anxiété se dissipe.

Trouble d’anxiété généralisée Trouble ca-ractérisé par une anxiété et des soucischroniques (six mois ou plus), excessifs etirréalistes.

Trouble obsessionnel-compulsif Obses-sions (pensées ou idées récurrentes quel’individu est incapable de chasser de sonesprit) et compulsions (actions qu’il estincapable de ne pas accomplir) assezgraves pour être à l’origine de sentimentsmarqués de détresse, d’une perte de tempsconsidérable ou pour être invalidantes.

Trouble panique Trouble caractérisé pardes attaques de panique récurrentes etinattendues se manifestant par un senti-ment aigu de crainte, de peur ou de ter-reur, souvent associé à une sensation decatastrophe imminente, et s’accompa-gnant d’un malaise physique intense.

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LES TROUBLES

ANXIEUX

C H A P I T R E

19

SOMMAIRE

L’historique

L’épidémiologie

La démarche de soins infirmiers

Les particularités de

la relation d’aide

Les modalités thérapeutiques

OBJECTIFS

1. Distinguer les notions de stress,d’anxiété et de peur.

2. Décrire quelques aspectshistoriques et épidémiologiquesdes troubles anxieux.

3. Distinguer l’anxiété normale de l’anxiété pathologique.

4. Décrire les divers types de troublesanxieux ainsi que leurs signes et leurs symptômes respectifs, et utiliser cette information pourprocéder à la collecte de données.

5. Expliquer les facteurs étiologiquesdes troubles anxieux.

6. Formuler les diagnostics infirmierset les objectifs ou les résultatsescomptés des soins administrésaux clients souffrant de troublesanxieux.

APRÈS AVOIR ÉTUDIÉ LE PRÉSENT CHAPITRE, VOUS SEREZ EN MESURE DE:

7. Décrire les interventionsinfirmières appropriéesaux personnes présentantdes troubles anxieux.

8. Évaluer les soins infirmiersprodigués aux clients atteints de troubles anxieux.

9. Préciser les particularitésde la relation thérapeutiqueavec les clients anxieux.

10. Décrire les modalitésthérapeutiques applicables aux troubles anxieux.

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372 TROISIÈME PARTIE

’anxiété fait partie intégrante de la vie quotidienne. C’est une force essen-tielle à la survie, qui pousse à l’action. Souvent, les termes «anxiété»,« stress » et « peur » sont utilisés indifféremment. Dans le langagecourant, le terme «stress» est employé pour désigner soit le facteurexterne qui engendre une réaction de stress, soit la réaction elle-

même. En fait, le stress est la réponse de l’organisme aux facteurs menaçants qui nécessitentune adaptation. Par exemple, une étudiante souffre d’insomnie et d’inappétence à cause desgrandes exigences de son père à l’égard de ses résultats scolaires.

L’anxiété (voir le chapitre 1) est considérée comme la réaction émotionnelle subjective à unfacteur de stress. Dans l’exemple de l’étudiante, on peut facilement comprendre que la jeune filleéprouve diverses inquiétudes plus ou moins marquées reliées à la réussite de ses études. Ellepeut vivre toute une gamme d’émotions pénibles en rapport avec cette «situation de stress», tandisqu’une autre personne pourrait vivre la même situation tout à fait différemment ou de façon beau-coup moins intense, d’où l’aspect subjectif de cette réaction émotionnelle.

La peur se distingue du stress et de l’anxiété. Elle implique un processus cognitif. La peur sup-pose une appréciation intellectuelle d’un stimulus menaçant ; l’anxiété est la réaction émotionnelleà cette appréciation (Beck et Emery, 1985). L’étudiante de notre exemple connaît les conséquencesd’un échec dans ses études, donc la peur, et cette connaissance engendre l’anxiété et l’alimente.Dans une même situation, on peut donc observer du stress, de la peur et de l’anxiété.

Un professeur de collège a décrit en ces termes sa peur irrationnelle de parler en public (Becket Emery, 1985) :

Debout devant l’assistance, j’espère que mon esprit et ma voix ne me trahi-ront pas, que je ne perdrai pas l’équilibre, que tout se passera bien. Soudain,mon cœur s’emballe. Je sens une pression de plus en plus forte dans mapoitrine, comme si j’étais sur le point d’exploser. Ma langue devient épaisseet lourde. Mon esprit s’embrouille et se vide. Je ne me souviens ni de ce queje viens de dire, ni de ce que je suis censé dire. Puis, je m’étrangle et les motsarrivent à peine à franchir mes lèvres. Mon corps chancelle, mes mains trem-blent. Je me mets à transpirer. Je sens que je vais tomber de l’estrade. Je suisterrifié. Je me dis que je vais me couvrir de honte.

Dans ce cas, le fait de parler en public est évalué par le professeur comme étant risqué : il peutse tromper, dire des âneries, être la risée de l’auditoire. D’où une peur engendrée par la situation.De toute évidence, ce professeur a l’obligation de s’adresser à un auditoire. Il s’agit donc d’unepression externe (facteur de stress) à laquelle son organisme réagit par diverses manifestationsde stress (transpiration, tremblements). Enfin, les réactions émotionnelles qui se manifestentchez lui pendant les moments d’appréhension ou au cours d’un exposé en public sont de l’ordrede l’anxiété.

Le présent chapitre traite des troubles caractérisés par des réactions d’anxiété excessives etsouvent invalidantes. Après les aspects historiques et épidémiologiques des troubles anxieux,nous abordons leur étiologie. L’étude des facteurs de prédisposition aux troubles anxieux fourniraun cadre d’analyse pour comprendre la dynamique du trouble panique, du trouble d’anxiété généra-lisée, des phobies, du trouble obsessionnel-compulsif, de l’état de stress post-traumatique, du troubleanxieux dû à une affection médicale générale et du trouble anxieux induit par une substance. Nousprésenterons diverses théories sur leur causalité, bien que l’étiologie des troubles anxieux englobetrès probablement une combinaison de facteurs.

Ce chapitre examine également la symptomatologie des troubles anxieux, les particularités dela relation d’aide, la démarche de soins infirmiers ainsi que les diverses modalités thérapeutiquesqui s’appliquent aux clients anxieux.

LL

[…] je suis dans ce fameuxtemps présent si difficile à atteindre pour nous les insécures du demain,les regretteurs de l’hier !

MARIE LABERGE

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L’HISTORIQUE

Les êtres humains ont toujours connu l’anxiété et la peur,mais ce n’est qu’aux XIXe et XXe siècles que les psychiatres et les psychologues les ont isolées et définies en tant quephénomènes distincts (Gray, 1978). Longtemps, on aréduit ce que nous appelons aujourd’hui l’anxiété à une sériede symptômes physiologiques, essentiellement cardio-vasculaires, à partir desquels on posait un diagnostic de« névrose cardiaque », de « syndrome de DaCosta », de« cœur irritable », de « tachycardie nerveuse », d’« asthénieneurocirculatoire», de «cœur de soldat», de «névrose vaso-motrice» ou d’«asthénie vasorégulatrice», pour ne nommerque quelques-uns des noms donnés à l’anxiété selon lesépoques (Kaplan et Sadock, 1989).

Freud (1959) fut le premier à utiliser le terme «névrosed’angoisse », en 1895: «J’ai appelé ce syndrome “névrosed’angoisse” parce que ses composants peuvent se ramenerau symptôme principal de l’angoisse. » Cette notion allaità l’encontre de la conception strictement physique du pro-blème prévalant à l’époque, et les médecins des servicesinternes n’étaient pas prêts à admettre que ces divers symp-tômes « cardiaques » puissent avoir des dimensions psy-chologiques ; ce n’est qu’à l’époque de la Deuxième Guerremondiale qu’ils le reconnurent.

Pendant de nombreuses années, on a considéré les troublesanxieux comme purement psychologiques ou purementbiologiques. Ces derniers temps cependant, nombre de cher-cheurs se sont intéressés de près aux relations entre le corpset l’esprit. Beck et Emery (1985) déclarent :

On peut dire que la « cause » de ces troubles psychologiques n’estattribuable à aucun facteur en particulier, mais on devraitplutôt la voir comme une interaction de facteurs génétiques,développementaux, environnementaux et psychologiques.

L’ÉPIDÉMIOLOGIE

De toutes les maladies psychiatriques, les troubles anxieuxsont les plus répandus. Ils causent de grandes souffranceset des handicaps fonctionnels considérables (Hollander,Simeon et Gorman, 1994). Malgré les immenses diver-gences qu’on y relève, la plupart des données statistiquessur les troubles anxieux indiquent qu’ils sont environ deuxfois plus fréquents chez les femmes que chez les hommes.Les troubles anxieux toucheraient 12% de la populationcanadienne (Santé Canada, 1999). Leur prévalence seraitde 1% à 2% pour le trouble panique, de 2,5% pour letrouble obsessionnel-compulsif et jusqu’à 8 % danscertaines communautés américaines pour l’état de stresspost-traumatique (APA, 2000). L’agoraphobie aurait uneprévalence à vie de 0,6% à 6% (Lalonde, Aubut et Grunberget al., 1999). Une recension des écrits sur la prévalence des

troubles anxieux chez les enfants révèle d’énormes écarts,les estimations allant de 2 % à 43 %. Les études épidé-miologiques indiquent que les symptômes sont plusfréquents chez les filles que chez les garçons (APA, 1994),et que les enfants des minorités et des milieux défavoriséssont plus sujets à tous les troubles émotionnels (Halpern,1990 ; Jeanson, 1995). D’autres études indiquent qu’ilexiste probablement une prédisposition familiale auxtroubles anxieux.

L’ANXIÉTÉ NORMALE ET

L’ANXIÉTÉ PATHOLOGIQUE

De manière générale, on considère l’anxiété comme uneréaction normale à un danger véritable ou à une menaceréelle qui met en péril l’intégrité physique ou le conceptde soi. L’anxiété normale se dissipe lorsque ce danger oucette menace disparaît.

Il est difficile de déterminer quand exactement l’anxiétécesse d’être normale pour devenir pathologique. La norma-lité repose sur des critères sociaux : ce qui est jugé normalà Québec ou à Montréal ne le sera pas nécessairement àTokyo ou au Caire. On peut même observer des différencesrégionales au sein d’un pays, et des différences culturellesau sein d’une région.

Quels critères permettent de déterminer si la réactionanxieuse d’un individu est normale ? Selon Beck et Emery(1985), l’anxiété est anormale ou pathologique si :

• la réaction est très disproportionnée par rapport à lagravité réelle du danger ou de la menace ;

• la réaction persiste après la disparition du danger oude la menace ;

• le fonctionnement intellectuel, social ou professionnelest altéré ;

• l’individu souffre d’un problème psychophysiologique(colite ou dermatite, par exemple).

LA DÉMARCHEDE SOINS INFIRMIERS

Cette section traite des principaux troubles anxieux àtravers la démarche de soins infirmiers.

LE TROUBLE PANIQUE

La collecte de données :

les signes et les symptômes

Le trouble panique se caractérise par des attaques de paniquerécurrentes et inattendues se manifestant par un sentimentaigu de crainte, de peur ou de terreur, souvent associé à unesensation de catastrophe imminente, et s’accompagnant

373LES TROUBLES ANXIEUX19

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d’un malaise physique intense. Les symptômes apparais-sent de façon inopinée, ce qui signifie qu’ils ne survien-nent pas immédiatement avant ou pendant une situationhabituellement anxiogène (comme dans la phobie spéci-fique), qu’ils ne sont pas déclenchés par une situation danslaquelle la personne est le point de mire ou le centre del’attention (comme dans la phobie sociale) et qu’ils nes’expliquent pas par des facteurs organiques.

Selon l’APA (2000), l’attaque de panique se caractérisepar la présence d’au moins quatre des symptômes suivantssurvenant de façon brutale et atteignant leur point culmi-nant en moins de 10 minutes :

1. palpitations, battements de cœur ou accélération du rythmecardiaque

2. transpiration3. tremblements ou secousses musculaires4. sensation de « souffle coupé » ou impression d’étouffement5. sensation d’étranglement6. douleur ou gêne thoracique7. nausée ou gêne abdominale8. sensation de vertige, d’instabilité, de tête vide ou impression

d’évanouissement9. déréalisation (sentiment d’irréalité) ou dépersonnalisation

(être détaché de soi)a) peur de perdre le contrôle de soi ou de devenir foub) peur de mourirc) paresthésie (sensation d’engourdissement ou de picotements)d) frissons ou bouffées de chaleur

Les attaques de panique durent généralement quelquesminutes. Plus rarement, elles peuvent persister quelquesheures. Entre les attaques, la personne éprouve souventune nervosité et une appréhension plus ou moins pronon-cées, redoutant une nouvelle attaque. Les symptômes dedépression sont fréquents.

Le trouble panique apparaît habituellement entre la finde l’adolescence et le milieu de la trentaine (APA, 2000).La fréquence et l’intensité des attaques de panique varientconsidérablement selon les individus : certains peuventavoir des attaques hebdomadaires d’intensité moyenne ;d’autres, des attaques plus légères ou des symptômes de typepanique plusieurs fois par semaine ; d’autres encore, uneattaque toutes les deux ou trois semaines ou tous les deuxou trois mois. Le trouble panique peut persister plusieurssemaines, plusieurs mois ou plusieurs années. Certainssujets connaissent des périodes de rémission durantlesquelles ils peuvent éprouver des symptômes de typepanique récurrents et des périodes d’exacerbation. Letrouble panique peut être accompagné d’agoraphobie.

Trouble panique avec agoraphobie. Le trouble paniqueavec agoraphobie se caractérise par les symptômes dutrouble panique auxquels s’ajoute la peur de se retrouverdans des endroits ou des situations d’où il pourrait être

difficile (ou gênant) de s’échapper, ou dans lesquels onpourrait ne pas trouver de secours en cas d’attaque de pa-nique (APA, 2000). Cette peur restreint considérablementles déplacements du sujet, qui peut finir par ne plus pouvoirsortir de chez lui ou par être incapable de sortir seul. Typi-quement, les peurs du sujet agoraphobe s’expriment dansles situations suivantes : se trouver seul hors de son domi-cile, être dans une foule, un autobus ou un avion, sur unpont ou dans un ascenseur ou une voiture (APA, 2000).

LE TROUBLE D’ANXIÉTÉ GÉNÉRALISÉE

La collecte de données :

les signes et les symptômes

Le trouble d’anxiété généralisée se caractérise par uneanxiété et des soucis chroniques, excessifs et irréalistes quidurent six mois ou plus et qui ne peuvent s’expliquer pardes facteurs organiques (par exemple, l’intoxication à lacaféine ou l’hyperthyroïdie).

Selon le DSM-IV-TR (APA, 2000), les symptômes asso-ciés au trouble d’anxiété généralisée doivent avoir étéprésents la plupart du temps durant les six derniers moiset avoir entraîné une souffrance cliniquement significa-tive ou une altération du fonctionnement social, profes-sionnel ou autre. En plus de l’anxiété et des soucis excessifsconcernant certains événements, l’individu a du mal àmaîtriser certaines préoccupations. Les symptômes mani-festés sont les suivants (APA, 2000) :

1) agitation ou sensation d’être survolté ou à bout2) fatigabilité3) difficultés de concentration ou trous de mémoire4) irritabilité5) tension musculaire6) perturbation du sommeil (difficultés d’endormissement, som-

meil interrompu ou sommeil agité et non satisfaisant)

Le trouble d’anxiété généralisée peut se manifester aucours de l’enfance ou de l’adolescence, mais il n’est pasrare qu’il apparaisse après l’âge de 20 ans. Il s’accompagnesouvent de symptômes dépressifs. Le tableau clinique peutaussi inclure de multiples plaintes somatiques, et les clientspeuvent craindre d’être atteints d’une maladie grave (Uhdeet Nemiah, 1989). Le trouble d’anxiété généralisée tendà être chronique, avec des fluctuations et des périodesd’exacerbation fréquentes liées au stress.

L’ÉTIOLOGIE DU TROUBLE PANIQUEET DE L’ANXIÉTÉ GÉNÉRALISÉE

Théorie psychodynamique. Selon la perspective psycho-dynamique, l’incapacité du moi à intervenir en cas de conflitentre le ça et le surmoi est anxiogène. Pour diverses raisons(relation parent-enfant insatisfaisante, amour conditionnel

374 TROISIÈME PARTIE

Page 6: Chapitre 19 3e preuve · post-traumatique (APA, 2000). L’ agoraphobie aurait une prévalence à vie de 0,6%à 6%(Lalonde, Aubut et Grunberg et al., 1999). Une recension des écrits

ou gratification provisoire), le développement du moi estretardé. Or, lorsque des carences développementales compro-mettent la capacité du moi à moduler l’anxiété, l’individufait appel à des mécanismes inconscients pour résoudrele conflit. Un usage abusif ou inefficace des mécanismesde défense du moi engendre des réactions inadaptées àl’anxiété (Nemiah, 1971).

Théorie cognitive. La thèse principale de la perspectivecognitive laisse entendre que la cognition, soit le traitementde l’information, est un processus central dans l’adaptation(Beck et Emery, 1985). Lorsque la cognition est perturbée,les émotions et les comportements le sont donc également.Les distorsions cognitives alimentent l’anxiété en menantà des appréciations erronées ou dysfonctionnelles de lasituation. La capacité de rationaliser les problèmes physi-ques ou relationnels se trouve amoindrie. L’individu sesent vulnérable dans une situation donnée et, comme desdistorsions de la pensée faussent son interprétation de lasituation, l’issue risque d’être néfaste.

Aspects biologiques. Les recherches sur les dimensionspsychobiologiques du trouble panique et de l’anxiétégénéralisée sont encore embryonnaires et les premiers résul-tats ne sont pas concluants.

Aspects neuroanatomiques. Selon la théorie modernede la physiologie des états émotionnels, la clé se trouvedans les centres inférieurs du cerveau : système limbique,diencéphale (thalamus et hypothalamus) et formationréticulée. Cette partie inférieure du cerveau ou région sous-corticale serait responsable du déclenchement et de la mo-dulation des états d’excitation physiologique, ainsi quedes fonctions homéostatiques involontaires (Keable, 1989).

Aspects biochimiques. On a décelé des niveaux anor-maux de lactate dans le sang de clients souffrant de troublepanique. Par ailleurs, l’injection de lactate de sodium dé-clenche des symptômes de trouble panique chez des sujetsqui souffrent d’une névrose d’angoisse. Bien que plusieurslaboratoires aient reproduit ces résultats et confirmé lasensibilité accrue au lactate des sujets enclins aux attaquesde panique, le mécanisme précis qui déclenche les symp-tômes de la panique reste inexpliqué (Hollander, Simeonet Gorman, 1994).

Aspects neurochimiques. Tout indique que la noradré-naline joue un rôle dans l’étiologie du trouble panique(Charney et al., 1990). On sait que la noradrénaline est leneuromédiateur de l’excitation et qu’elle peut causer l’hyper-excitation et l’anxiété. Le fait a été démontré par un accrois-sement notable de l’anxiété consécutivement à l’administrationde substances qui augmentent la disponibilité synaptiquede la noradrénaline (la yohimbine par exemple).

Affections médicales. Les affections médicales suivantessont plus fréquentes chez les individus qui souffrent du

trouble panique et du trouble d’anxiété généralisée quedans l’ensemble de la population :

• Les anomalies des axes hypothalamus-hypophyse- surrénales et hypothalamus-hypophyse-thyroïde.

• L’infarctus aigu du myocarde.• Le phéochromocytome.• L’intoxication à une substance et le sevrage d’une substance

(cocaïne, alcool, marijuana, caféine, opiacés).• L’hypoglycémie.• Le prolapsus de la valvule mitrale.• L’épilepsie complexe partielle.

Le trouble panique et l’anxiété généralisée sont probable-ment causés par plusieurs facteurs. La figure 19.1 (p. 376)illustre les différents facteurs qui les favorisent selon lemodèle transactionnel d’adaptation au stress.

L’analyse et l’interprétation

des données : la détermination

des diagnostics infirmiers

À partir des données recueillies à l’étape précédente et comptetenu des facteurs ayant favorisé chez le client l’apparitiondu trouble panique ou du trouble d’anxiété généralisée, onformule les diagnostics infirmiers appropriés. Voici desexemples de diagnostics couramment posés :

1. Anxiété panique reliée à une menace réelle ou perçuepouvant affecter l’intégrité physique ou le concept desoi, se manifestant par des tremblements, l’impressiond’étouffer, des nausées, la peur de «devenir fou» et despalpitations.

2. Sentiment d’impuissance relié à une altération de la cognition, se manifestant par l’expression verbale dela perte de maîtrise de la situation et par l’incapacitéde prendre des décisions concernant son bien-être ousa situation.

La planification et

l’exécution des soins

L’établissement des objectifs ou des résultats escomptéspermet d’orienter les interventions de soins auprès duclient qui présente un trouble panique ou un trouble d’anxiété généralisée, et d’en évaluer l’efficacité par la suite :

1. Le client reconnaîtra les signes de l’escalade de l’anxiété.2. Le client sera capable d’intervenir pour éviter que

l’anxiété n’atteigne le niveau de la panique.3. Le client décrira son plan d’action à long terme pour

éviter la panique en situation de stress.4. Le client pratiquera quotidiennement des techniques

de relaxation.5. Le client fera de l’exercice physique trois fois par

semaine.

375LES TROUBLES ANXIEUX19

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6. Le client accomplira les activités de la vie quotidiennede manière autonome.

7. Le client exprimera sa fierté d’agir de manière autonome.8. Le client parviendra à maintenir son anxiété à un ni-

veau acceptable sans recourir aux médicaments.9. Le client participera aux décisions et gardera ainsi la

maîtrise de sa situation.10. Le client montrera qu’il accepte les situations sur les-

quelles il n’a pas de pouvoir.

Le tableau 19.1 fournit un exemple de plan de soinspour le client qui présente un trouble panique ou untrouble d’anxiété généralisée. Le plan comprend certainsdiagnostics infirmiers, les objectifs ou les résultats escomptésainsi que les interventions infirmières appropriées et leurjustification.

L’évaluation

Une nouvelle collecte de données est nécessaire pourdéterminer si les interventions infirmières ont permis d’at-teindre les objectifs de soins. Dans le cas d’un client quiprésente un trouble panique ou un trouble d’anxiétégénéralisée, on pourra obtenir des informations à partir desquestions suivantes :

1. Le client est-il capable de reconnaître les signes de l’es-calade de l’anxiété ?

2. Le client utilise-t-il les habiletés nouvellement acquisespour enrayer l’escalade de l’anxiété avant qu’elle n’attei-gne le niveau de la panique ?

3. Le client s’adonne-t-il à des activités plus appropriées(techniques de relaxation, exercices physiques, etc.) quil’aident à maintenir l’anxiété à un niveau maîtrisable ?

376 TROISIÈME PARTIE

19.1 Dynamique du trouble panique et du trouble d’anxiété généraliséeselon le modèle transactionnel d’adaptation au stress

FIGURE

Événement déclencheur(tout événement suffisamment stressant pour menacer un moi déjà faible)

Évaluation cognitive

Primaire

Secondaire

ANXIÉTÉ

Altérations biochimiquesAltérations neurochimiques

Faible développement du moiLacunes dans le développement cognitif

Activation dans les centres inférieurs du cerveauDivers états de santéRégression développementaleAbsence de systèmes de soutienStratégies d’adaptation inadéquates

À cause d’un moi faible, le client est incapable d’utiliser des stratégies d’adaptation efficaces.Mécanismes de défense utilisés : régression, répression, refoulement, déni

Facteurs prédisposants

Influences génétiques

Expériences vécues

Conditions présentes

(Menace réelle ou perçue pouvant affecter l’intégrité physique ou le concept de soi)

Adaptative Non adaptative

Réactionconsidérée

comme normalepar la société

Trouble d’anxiétégénéralisée

Trouble paniqueavec ou sansagoraphobie

LégèreModérée PaniqueSévère

Qualité de la réaction

Page 8: Chapitre 19 3e preuve · post-traumatique (APA, 2000). L’ agoraphobie aurait une prévalence à vie de 0,6%à 6%(Lalonde, Aubut et Grunberg et al., 1999). Une recension des écrits

377LES TROUBLES ANXIEUX19

TABLEAU 19.1 Plan de soins

Le client seracapable dereconnaître lespremiers symptômesde l’anxiétéet d’intervenir dèsses débuts pouréviter que l’anxiétén’atteigne le niveaude la panique.

Rester avec le client et le rassurer afin qu’il se sente en sécurité.

Garder une attitude calme et objective ; s’en tenir aux faits. Transmettre des messages brefs et utiliser des mots simples, prononcés clairement etcalmement, pour expliquer ce qui se passe à l’hôpital.Réduire autant que possible les stimulienvironnementaux (lumières tamisées, décorsimple, nombre restreint de personnes, etc.). Administrer des tranquillisants selonl’ordonnance médicale ; observer et noter leurseffets thérapeutiques et leurs effets indésirables.Une fois l’anxiété diminuée, explorer avec le client les raisons qui ont pu précipiterla réaction anxieuse.Enseigner au client les signes et les symptômesde l’escalade de l’anxiété, ainsi que des moyensd’arrêter sa progression : techniques derelaxation, respirations profondes et méditation,ou exercices physiques, marche rapide et jogging.

Le client peut craindre pour sa vie. La présenced’une personne de confiance pourra le rassureret l’aider à se sentir en sécurité.L’anxiété est contagieuse ; le personnel peut la communiquer au client, et réciproquement.Dans une situation extrêmement stressante, le client risque de ne comprendre que les messages les plus élémentaires.

Les stimulations environnementales peuvent être anxiogènes.

Les anxiolytiques combattent les effetsparalysants de l’anxiété.

Déterminer les facteurs précipitants est la premièrechose que le client doit apprendre lorsqu’on luienseigne à interrompre l’escalade de l’anxiété.Les activités de relaxation provoquent uneréaction physiologique contraire à celle del’anxiété, tandis que les activités physiquespermettent de libérer sainement un surcroîtd’énergie.

Client souffrant d’un trouble panique ou d’un trouble d’anxiété généralisée

DIAGNOSTIC INFIRMIER: Anxiété panique reliée à une menace réelle ou perçue pouvant affecter l’intégrité physique ou leconcept de soi, se manifestant par des tremblements, l’impression d’étouffer, des nausées, la peur de « devenir fou » et des palpitations.

Objectifs ou Interventions infirmières Justificationsrésultats escomptés

Le client montreraqu’il peut gérer les situationsproblématiqueset prendre lesdécisionsnécessaires.

Autant que possible, amener le client à assumer la responsabilité de ses soins. Par exemple :a) Permettre au client d’établir lui-même

l’horaire de ses autosoins.b) Faire participer le client à l’établissement

des objectifs de soins.c) Au besoin, laisser de l’intimité au client.d) Lorsque le client prend des décisions, lui

fournir une rétroaction positive ; respecterson droit de prendre des décisions et ne pastenter de l’influencer pour qu’il prenne desdécisions qui sembleraient plus logiques.

e) Aider le client à se fixer des objectifs réalistes.

f ) Aider le client à cerner les aspects de sa viesur lesquels il a du pouvoir.

g) Aider le client à cerner les aspects de sa viedont la maîtrise lui échappe et l’encourager àexprimer ses émotions quant à son impuissance.

Le fait de faire des choix augmentera son sentiment de maîtriser la situation.

S’il se fixe des objectifs trop ambitieux, le clientrisque un échec qui renforcera son sentimentd’impuissance.L’état émotionnel du client altère sa capacité derésoudre des problèmes ; il a donc besoin d’aidepour évaluer exactement les avantages et lesinconvénients respectifs des diverses possibilitésqui s’offrent à lui. Cette intervention aidera le client à gérer lesconflits non résolus et à accepter les situationsqu’il ne peut changer.

DIAGNOSTIC INFIRMIER: Sentiment d’impuissance relié à une altération de la cognition, se manifestant par la reconnaissanceverbale de la perte de maîtrise de la situation et par l’incapacité de prendre des décisions concernant son bien-être ou sa situation.

Objectifs ou Interventions infirmières Justificationsrésultats escomptés

Page 9: Chapitre 19 3e preuve · post-traumatique (APA, 2000). L’ agoraphobie aurait une prévalence à vie de 0,6%à 6%(Lalonde, Aubut et Grunberg et al., 1999). Une recension des écrits

4. Le client parvient-il à dominer son anxiété sans recouriraux médicaments ?

5. Le client peut-il discuter d’un plan à long terme pouréviter la panique en situation de stress ?

6. Le client exécute-t-il les activités de la vie quotidiennede manière autonome?

7. Le client garde-t-il la maîtrise de sa situation en parti-cipant au processus de prise de décisions ?

8. Le client peut-il nommer les ressources de la commu-nauté aptes à l’aider dans les périodes de stress intense ?

LES PHOBIES

La collecte de données :

les signes et les symptômes

Agoraphobie sans antécédent de trouble panique. Moinsfréquent que l’agoraphobie qui précipite les attaques depanique, ce trouble se manifeste par la peur de l’individude se retrouver dans des endroits ou des situations d’où ilpourrait lui être difficile (ou gênant) de s’échapper, oudans lesquels il pourrait ne pas trouver de secours s’il venaità éprouver des symptômes de type panique (sans qu’ils’agisse d’une véritable attaque de panique). L’individupeut avoir déjà éprouvé de tels symptômes et appréhendeleur retour. Le tableau 19.2 présente les critères diagnos-tiques du DSM-IV-TR pour l’agoraphobie sans antécé-dent de trouble panique.

Les symptômes apparaissent généralement dans la ving-taine ou dans la trentaine et persistent plusieurs années.Le trouble est plus fréquent chez les femmes que chez leshommes, et peut se révéler très invalidant. Dans les casles plus graves, l’individu peut être incapable de sortir sansêtre accompagné d’un proche, à défaut de quoi il peut seconfiner chez lui (Kaplan et Sadock, 1989).

Phobie sociale. La phobie sociale est une peur excessivedes situations où le sujet risque d’être le centre de l’atten-tion ou d’être jugé défavorablement (Noyes et Holt, 1989).L’individu éprouve une peur intense d’être jugé par autruicomme quelqu’un d’anxieux, de faible, de fou ou de stu-pide et redoute d’affronter des situations sociales ou dessituations de performance intimidantes ou embarrassantes(APA, 2000). Dans certains cas, la peur peut être très cir-conscrite : peur de parler ou de manger en public, peurd’utiliser des toilettes publiques ou peur d’écrire en présenced’autrui, par exemple. Dans d’autres cas, la phobie socialepeut porter sur des situations plus générales : peur de direquelque chose ou de répondre quelque chose qui déclen-chera des rires moqueurs, par exemple. L’exposition à lasituation phobique déclenche généralement une anxiétépanique, accompagnée de diaphorèse, de tachycardie etde dyspnée.

Les premiers symptômes de phobie sociale apparais-sent souvent à la fin de l’enfance ou au début de l’adoles-cence. L’apparition (onset) peut se faire de façon abrupte,à la suite d’une expérience stressante ou humiliante, oude manière insidieuse (APA, 2000). Le trouble tend àdevenir chronique et persiste parfois toute la vie. Il sembletoucher autant les hommes que les femmes, engendrantune grande souffrance et une altération importante dufonctionnement social, professionnel ou autre (APA, 2000).Le tableau 19.3 présente les critères diagnostiques duDSM-IV-TR pour la phobie sociale.

Phobie spécifique. Autrefois appelée « phobie simple »,la phobie spécifique se caractérise essentiellement par une peur persistante et intense, irraisonnée ou excessive,déclenchée par la présence réelle ou éventuelle d’un objetparticulier ou d’une situation précise (APA, 2000).

Les phobies spécifiques accompagnent souvent d’autrestroubles anxieux ; dans ce cas, le traitement médical viseplutôt le diagnostic principal, qui engendre une plus grandedétresse et altère davantage le fonctionnement du client quela phobie spécifique (APA, 1994).

En l’absence de l’objet ou de la situation phobogène,il est possible que la personne phobique ne soit pas plusanxieuse que la plupart des gens ; elle peut même l’êtremoins. Cependant, lorsqu’elle est exposée à cet objet ouà cette situation, elle est submergée par les symptômesde la panique : palpitations, diaphorèse, difficulté àrespirer, etc. La seule pensée du stimulus phobogène peutsuffire à déclencher les symptômes. Invariablement, lesujet reconnaît que sa peur est excessive et déraisonnable,mais ce jugement n’y change rien. Au mieux, il arrive

378 TROISIÈME PARTIE

TABLEAU 19.2

Critères diagnostiques de l’agoraphobie

sans antécédent de trouble panique

A. Présence d’Agoraphobie […] liée à la peur de développer des symptômes de type panique (p. ex., vertiges ou diarrhée).

B. N’a jamais satisfait aux critères du Trouble panique[…]

C. La perturbation n’est pas due aux effets physiologiquesdirects d’une substance (p. ex., une substance donnantlieu à abus, un médicament) ou d’une affectionmédicale générale (p. ex., hyperthyroïdie).

D. Si une affection médicale générale associéeest présente, la peur décrite dans le critère A est manifestement excessive par rapport à cellehabituellement associée à cette affection.

Source : APA (2000).

Page 10: Chapitre 19 3e preuve · post-traumatique (APA, 2000). L’ agoraphobie aurait une prévalence à vie de 0,6%à 6%(Lalonde, Aubut et Grunberg et al., 1999). Une recension des écrits

parfois à supporter le stimulus phobogène au prix d’uneintense anxiété.

Les phobies spécifiques sont aussi fréquentes chez leshommes que chez les femmes. Elles peuvent apparaître àtout âge. Celles qui commencent dans l’enfance dis-paraissent souvent sans traitement, mais celles qui surgis-sent ou persistent à l’âge adulte exigent un traitement.

Bien que le trouble phobique soit répandu, les gens necherchent généralement à faire traiter leur phobie quelorsqu’elle les empêche de fonctionner. L’individu quihabite au 23e étage d’une tour d’habitation dans unegrande ville canadienne ne sera pas trop incommodé parsa phobie des serpents, du moins tant qu’il n’aura pas àdéménager dans un endroit où ils abondent. Par contre,s’il a peur de prendre l’ascenseur, il risque d’avoir du malà vivre normalement.

Le tableau 19.4 (p. 380) présente une liste de phobiesspécifiques, classifiées selon le stimulus phobogène. Notonsque cette énumération n’est nullement exhaustive, car laphobie peut se cristalliser sur presque n’importe quel objetou n’importe quelle situation. Pour peu qu’on possèdequelques notions de grec ou de latin, on peut donc allongerà l’infini la liste des phobies.

Le tableau 19.5 (p. 380) présente les critères diagnos-tiques du DSM-IV-TR pour la phobie spécifique. Notonsque les diagnostics doivent préciser le type de phobie : typeanimal, type environnement naturel, type sang-injection-accident, type situationnel ou autre type.

L’ÉTIOLOGIE DES PHOBIES

Théorie psychanalytique. Selon Freud, les phobies appa-raissent lorsque l’enfant, éprouvant un sentiment inces-tueux normal pour le parent du sexe opposé (complexed’Œdipe), se met à redouter que le parent de son sexe nese venge en l’agressant (l’angoisse de castration). Pour seprotéger, l’enfant refoule alors sa peur de l’hostilité duparent, et la déplace sur un objet plus neutre et moinsmenaçant. Le stimulus phobogène devient ainsi, à l’insude l’enfant, le symbole du parent.

Les psychanalystes contemporains croient que la phobienaît effectivement de cette manière, mais, pour eux, l’angoissede castration n’est pas la seule en cause: d’autres peurs incons-cientes pourraient également s’exprimer sous la forme sym-bolique de la phobie. Prenons l’exemple d’une filletteagressée sexuellement par un ami de la famille lors d’unepromenade en bateau et qui nourrit désormais une peur

379LES TROUBLES ANXIEUX19

TABLEAU 19.3

Critères diagnostiques de la phobie sociale

A. Une peur persistante et intense d’une ou plusieurssituations sociales ou bien de situations de performancedurant lesquelles le sujet est en contact avec des gensnon familiers ou bien peut être exposé à l’éventuelleobservation attentive d’autrui. Le sujet craint d’agir(ou de montrer des symptômes anxieux) de façonembarrassante ou humiliante. N.B. Chez les enfants, on doit retrouver des éléments montrant la capacitéd’avoir des relations sociales avec des gens familiers en rapport avec l’âge et l’anxiété doit survenir enprésence d’autres enfants et pas uniquement dans les relations avec les adultes.

B. L’exposition à la situation sociale redoutée provoque defaçon quasi systématique une anxiété qui peut prendre la forme d’une Attaque de panique liée à la situation ou bien facilitée par la situation. N.B. Chez les enfants,l’anxiété peut s’exprimer par des pleurs, des accès decolère, des réactions de figement ou de retrait dans lessituations sociales impliquant des gens non familiers.

C. Le sujet reconnaît le caractère excessif ou irraisonné de la peur. N.B. Chez l’enfant, ce caractère peut être absent.

D. Les situations sociales ou de performance sont évitéesou vécues avec une anxiété et une détresse intenses.

E. L’évitement, l’anticipation anxieuse ou la souffrancedans la (les) situation(s) redoutée(s) sociale(s) ou

de performance perturbe, de façon importante, les habitudes de l’individu, ses activités professionnelles(scolaires), ou bien ses activités sociales ou ses relationsavec autrui, ou bien le fait d’avoir cette phobies’accompagne d’un sentiment de souffrance important.

F. Chez les individus de moins de 18 ans, la durée est d’au moins 6 mois.

G. La peur ou le comportement d’évitement ne sont pas liés aux effets physiologiques directs d’une substance (p. ex. une substance donnant lieu à abus, unmédicament) ni à une affection médicale générale et ne sont pas mieux expliqués par un autre trouble mental (p. ex. Trouble panique avec ou sans agoraphobie,Trouble anxiété de séparation, Peur d’une dysmorphiecorporelle, Trouble envahissant du développement ou Personnalité schizoïde).

H. Si une affection médicale générale ou un autre troublemental est présent, la peur décrite en A est indépendantede ces troubles ; par exemple, le sujet ne redoute pas de bégayer, de trembler dans le cas d’une maladie de Parkinson ou de révéler un comportementalimentaire anormal dans l’Anorexie mentale (Anorexia nervosa) ou la Boulimie (Bulimia nervosa).

Source : APA (2000).

Page 11: Chapitre 19 3e preuve · post-traumatique (APA, 2000). L’ agoraphobie aurait une prévalence à vie de 0,6%à 6%(Lalonde, Aubut et Grunberg et al., 1999). Une recension des écrits

380 TROISIÈME PARTIE

TABLEAU 19.4

Exemples de phobies spécifiques

Appellation Objet de la peur Appellation Objet de la peur

Acrophobie Les hauteursAlgophobie La douleurHydrophobie L’eauArachnophobie Les araignéesAstrapéphobie Les éclairsBélénophobie Les aiguillesClaustrophobie Les espaces closCynophobie Les chiensDémentophobie La folieÉquinophobie Les chevauxMusophobie Les souris

Mysophobie Les poussières, les microbes, la contamination

Numérophobie Les nombresNyctaphobie La noirceurPyrophobie Le feuSidérodromophobie Les chemins de ferThanatophobie La mortTrichophobie Les poilsXénophobie Les étrangersZoophobie Les animaux

TABLEAU 19.5

Critères diagnostiques de la phobie spécifique

Spécifier le type Type animal : ce sous-type doit être spécifié si la peur est induite par les animaux ou les insectes.Type environnement naturel : ce sous-type doit être précisé si la peur est induite par des éléments de l’environnement

naturel comme les orages, les hauteurs ou l’eau.Type sang-injection-accident : ce sous-type doit être spécifié si la peur est induite par le fait de voir du sang ou un accident

ou d’avoir une injection ou toute autre procédure médicale intrusive. Type situationnel : ce sous-type doit être précisé si la peur est induite par une situation spécifique comme les transports

publics, les tunnels, les ponts, les ascenseurs, les voyages aériens, la conduite automobile ou les endroits clos. Autre type : ce sous-type doit être signalé si la peur est induite par d’autres stimulus. Ces stimulus peuvent comprendre

la peur ou l’évitement de situations qui pourraient conduire à un étouffement, au fait de vomir ou de contracter une maladie ; la «phobie de l’espace » (c.à.d. [que] le sujet craint de tomber s’il est loin de murs ou d’autres moyens de support physique) et les peurs ressenties par les enfants concernant les bruits forts ou les personnages déguisés.

A. Peur persistante et intense à caractère irraisonné ou bienexcessive, déclenchée par la présence ou l’anticipationde la confrontation à un objet ou une situationspécifique (p. ex., prendre l’avion, les hauteurs, lesanimaux, avoir une injection, voir du sang).

B. L’exposition au stimulus phobogène provoque de façonquasi systématique une réaction anxieuse immédiate quipeut prendre la forme d’une Attaque de panique liéeà la situation ou facilitée par la situation. N.B. Chezles enfants, l’anxiété peut s’exprimer par des pleurs, des accès de colère, des réactions de figement oud’agrippement.

C. Le sujet reconnaît le caractère excessif ou irrationnel de la peur. N.B. Chez l’enfant, ce caractère peut être absent.

D. La (les) situation(s) phobogène(s) est (sont) évitée(s) ouvécue(s) avec une anxiété ou une détresse intense.

E. L’évitement, l’anticipation anxieuse ou la souffrancedans la (les) situation(s) redoutée(s) perturbe de façonimportante les habitudes de l’individu, ses activités

professionnelles (ou scolaires) ou bien ses activitéssociales ou ses relations avec autrui, ou bien le faitd’avoir cette phobie s’accompagne d’un sentiment de souffrance important.

F. Chez les individus de moins de 18 ans, la durée est d’au moins 6 mois.

G. L’anxiété, les Attaques de panique ou l’évitementphobique associé à l’objet ou à la situation spécifiquene sont pas mieux expliqués par un autre trouble mentaltel un Trouble obsessionnel-compulsif (p. ex., lors de l’exposition à la saleté chez quelqu’un ayant une obsession de la contamination), un État de stress post-traumatique (p. ex. en réponse à des stimulusassociés à un facteur de stress sévère), un Trouble anxiétéde séparation (p. ex., évitement scolaire), une Phobiesociale (p. ex., évitement des situations sociales par peurd’être embarrassé), un Trouble panique avecagoraphobie ou une Agoraphobie sans antécédentde trouble panique.

Source : APA (1996, 2000).

Source : D’après Goodwin (1983).

Page 12: Chapitre 19 3e preuve · post-traumatique (APA, 2000). L’ agoraphobie aurait une prévalence à vie de 0,6%à 6%(Lalonde, Aubut et Grunberg et al., 1999). Une recension des écrits

aussi intense qu’irrationnelle des bateaux : elle a refoulé lapeur qu’elle a de son agresseur et l’a déplacée sur les bateaux,ceux-ci devenant pour elle le symbole de cet homme, unsymbole rassurant dans la mesure où il lui évite d’avoir àfaire face à sa peur réelle.

Théorie de l’apprentissage. Dans le cas des phobies, le conditionnement classique peut s’expliquer comme suit : un stimulus stressant produit une réaction «non con-ditionnée » : la peur. Si ce stimulus est associé de manièrerépétée à un objet inoffensif, à la longue, cet objet inof-fensif pourra à lui seul déclencher une réponse « condi-tionnée»: la peur. Si la personne évite cet objet pour échapperà la peur, cette peur devient une phobie (Goodwin, 1983).

Certains théoriciens de l’apprentissage soutiennent queles peurs sont des réponses conditionnées, donc apprises parl’attribution de récompenses aux comportements appro-priés. Si la phobie est apprise, quelle est sa récompense ?Goodwin (1983) répond :

En fait, la récompense est considérable. Chaque fois qu’une per-sonne évite une situation phobogène, elle échappe à la peur.L’évitement peut être un désagrément, certes, mais il est nette-ment préférable à la panique.

Les phobies peuvent également s’acquérir par appren-tissage direct ou par imitation (modelage). L’enfant quivoit sa mère terrifiée par un objet pourra, à son tour, avoirla phobie de cet objet.

Théorie cognitive. La théorie cognitive repose principa-lement sur l’hypothèse selon laquelle l’adaptation est baséesur la cognition (traitement de l’information) [Beck etEmery, 1985]. Une perturbation cognitive entraîne desconséquences sur les plans émotionnel et comportemental.À cause des distorsions de la pensée, une évaluation erronéeou dysfonctionnelle des situations maintient le niveaud’anxiété. Il se produit alors une perte de capacité de raison-nement logique devant une situation problématique, inter-personnelle ou physique. Par conséquent, la personne sesent vulnérable et les distorsions de la pensée mènent àune appréciation irrationnelle de la situation, dirigée prin-cipalement sur les aspects négatifs.

Aspects biologiques. Selon Goodwin (1983), certainespeurs sont innées :

Ces peurs suivent même un calendrier biologique. À six mois, lebébé a peur des gros bruits et des mouvements brusques. À troisans, le bambin craint les étrangers ; à cinq ans, les animaux. Lapeur des espaces ouverts et des situations sociales n’apparaît, lecas échéant, que beaucoup plus tard : à l’adolescence ou au débutde l’âge adulte.

« Inné» ne signifie pas nécessairement «génétique». Lespeurs innées font partie de l’ensemble des caractéristiquesou des penchants naturels avec lesquels l’individu naît et

qui influent tout au long de sa vie sur sa façon de réagirdans telle ou telle situation. Les peurs innées n’ont pasl’intensité des phobies, mais elles peuvent se transformeren phobies si elles sont renforcées par les circonstances dela vie. Ainsi, une fillette qui a peur des chiens à 4 ans peutavoir surmonté sa peur l’année suivante et jouer avec letoutou du voisin. Cependant, si elle se fait mordre par unchien errant à 19 ans, sa peur enfantine peut resurgir etelle concevra une phobie des chiens.

Expériences vécues. Des expériences précoces peuventpréparer le terrain à des réactions phobiques qui se mani-festeront des années plus tard. Certains chercheurs croientque les phobies, en particulier les phobies spécifiques, sym-bolisent des objets ou des situations anxiogènes qui ont étérefoulés. En voici trois exemples :

• Un enfant qu’on a puni en l’enfermant dans un placardsouffrira de claustrophobie.

• Un enfant qui a dégringolé un escalier aura la phobiedes hauteurs.

• Un enfant qui a survécu à un écrasement d’avion où sesdeux parents ont trouvé la mort concevra une phobiedes avions.

Les réactions phobiques sont probablement causéespar plusieurs facteurs. La figure 19.2 (p. 382) illustre lesdifférents facteurs qui les favorisent selon le modèle tran-sactionnel d’adaptation au stress.

L’analyse et l’interprétation

des données : la détermination

des diagnostics infirmiers

À partir des données recueillies à l’étape précédente etcompte tenu des facteurs ayant favorisé chez le client l’ap-parition du trouble phobique, on formule les diagnosticsinfirmiers appropriés. Voici des exemples de diagnosticscouramment posés :

1. Peur reliée à (selon le cas) la crainte d’être embarrasséen présence d’autrui, de se trouver dans un lieu d’où ilpourrait être difficile de s’échapper ou d’être en présenced’un stimulus précis (préciser), se manifestant par uncomportement visant à éviter le stimulus phobogène.

2. Isolement social relié à la peur de se trouver dans un lieud’où il pourrait être difficile de s’échapper, se mani-festant par le fait de rester seul et le refus de quitter ledomicile.

La planification et

l’exécution des soins

L’établissement des objectifs ou des résultats escomptéspermet d’orienter les interventions de soins auprès du

381LES TROUBLES ANXIEUX19

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client qui présente un trouble phobique et d’en évaluerl’efficacité par la suite :

1. Le client agira de manière appropriée en présence dustimulus phobogène.

2. Le client utilisera les techniques appropriées pour main-tenir son anxiété à un niveau maîtrisable.

3. Le client participera de son propre gré à des activités degroupe et entrera en interaction avec ses pairs.

4. Le client discutera des sentiments qui peuvent avoircontribué à ses peurs irrationnelles.

5. Le client décrira son plan d’action pour maîtriser sonanxiété en présence du stimulus phobogène.

Le tableau 19.6 fournit un exemple de plan de soinspour le client qui souffre de phobie. Le plan présente cer-tains diagnostics infirmiers, les objectifs ou les résultatsescomptés ainsi que les interventions infirmières appro-priées et leur justification.

L’évaluation

On procède ensuite à une nouvelle collecte de donnéespour déterminer si les interventions infirmières ont permisd’atteindre les objectifs de soins. Dans le cas d’un clientqui présente une phobie, on pourra réunir ce type d’in-formation par les questions suivantes :

382 TROISIÈME PARTIE

19.2 Dynamique du trouble phobique selon le modèle transactionnel d’adaptation au stressFIGURE

Évaluation cognitive

Primaire

Secondaire

Orientation du foyer de contrôleTendances innées (tempérament)

Peurs ou agressions non résoluesApprentissage conditionnéApprentissage par imitationLacunes dans le développement cognitifExpériences vécues génératrices d’anxiété

Régression développementaleAbsence de systèmes de soutienStratégies d’adaptation inadéquates

À cause d’un moi faible, le client est incapable d’utiliser des stratégies d’adaptation efficaces.Mécanismes de défense utilisés : déni, régression, répression, déplacement, identification

Facteurs prédisposants

Influences génétiques

Expériences vécues

Conditions présentes

(Menace réelle ou perçue pouvant affecter l’intégrité physique ou le concept de soi)

Adaptative Non adaptative

Réactionconsidérée comme

normale par lasociété

AgoraphobiePhobie sociale

Phobie spécifique

Symptômespouvant progresser vers

le trouble panique enprésence d’un objet ou d’une situation source

de phobie

Légère Modérée PaniqueSévère

Événement déclencheur(tout événement suffisamment stressant pour menacer un moi déjà faible)

Qualité de la réaction

ANXIÉTÉ

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383LES TROUBLES ANXIEUX19

TABLEAU 19.6 Plan de soins

Le client agira demanière appropriéeen présencedu stimulusphobogène.

Rassurer le client en lui donnant desinformations brèves et précises sur sa sécurité.Explorer avec le client sa perception du dangerphysique ou de la menace envers le concept de soi.

Examiner avec le client la situation d’un pointde vue réaliste : qu’est-ce qui peut changer ?Qu’est-ce qui ne peut pas changer ? Faire participer le client au choix de stratégiesd’adaptation plus appropriées (par exemple, le client pourra choisir soit d’éviter la situationphobogène, soit de tenter de surmonter la peurqu’elle déclenche en lui). Si le client choisit de travailler à surmonter sa peur, utiliser la technique de ladésensibilisation ou celle de l’immersion.

Offrir un soutien et une présence rassurantelorsque le client décide de surmonter sa peur.L’encourager à explorer les sentiments sous-jacents qui contribuent à ses peurs irrationnelles.

Le client qui éprouve une anxiété panique peutcraindre pour sa vie. Il est important de comprendre comment leclient perçoit l’objet ou la situation phobogènepour l’aider efficacement dans le processus de désensibilisation.Pour travailler efficacement à diminuer sa peur, le client doit d’abord accepter les aspects de la situation qu’il ne peut pas changer. Le fait de laisser le client choisir permet de mesurer ses progrès et améliore son estime de soi.

L’exposition répétée au stimulus phobogènedans des conditions non menaçantes finit par émousser les sensations physiques etpsychologiques, de sorte que la peur diminueprogressivement. Le fait de faire face à ces sentiments plutôt quede les réprimer peut l’aider à améliorer seshabiletés d’adaptation.

Client présentant un trouble phobique

DIAGNOSTIC INFIRMIER: Peur reliée à (selon le cas) la crainte d’être embarrassé en présence d’autrui, de se trouver dans un lieu d’où il pourrait être difficile de s’échapper ou d’être en présence d’un stimulus précis (préciser), se manifestant par un comportement visant à éviter le stimulus phobogène.

Objectifs ou Interventions infirmières Justificationsrésultats escomptés

Le clientparticipera de son propre gré à des activitésde groupe.

Faire preuve d’acceptation et de considérationpositive envers le client. Privilégier les contactsbrefs et fréquents. Être honnête et tenir sespromesses. Assister aux activités de groupe avec le client s’il les redoute.Lorsque le client est submergé par son anxiété,lui laisser plus d’espace et la possibilité de sortir ;ne pas le toucher inconsidérément.Administrer des tranquillisants selonl’ordonnance médicale. Observer et noter leurseffets thérapeutiques et leurs effets indésirables.

Enseigner au client les signes et les symptômesde l’escalade de l’anxiété, ainsi que les moyensd’arrêter sa progression (techniques derelaxation, arrêt de la pensée, etc.). Fournir une rétroaction positive lorsque le clients’engage de lui-même dans une interactionsociale. Valoriser les essais et les réussites, etexplorer avec lui les sentiments qu’ils suscitent.

Ces interventions améliorent l’estime de soi duclient et favorisent l’établissement d’une relationde confiance.

La présence d’une personne de confiance lui assurera une certaine sécurité émotive. Une personne en état de panique risque depercevoir le toucher comme une agression.

Chez la plupart des gens, les anxiolytiquescomme le diazépam, le chlordiazépoxide oul’alprazolam soulagent l’anxiété ; les interactionsen sont facilitées.Les comportements inadaptés commel’isolement social et la méfiance se manifestentlorsque le niveau d’anxiété est élevé.

Ces interventions améliorent son estime de soi et l’incitent à reproduire lescomportements adaptés.

DIAGNOSTIC INFIRMIER: Isolement social relié à la peur de se trouver dans un lieu d’où il pourrait être difficile de s’échapper,se manifestant par le fait de rester seul et le refus de quitter le domicile.

Objectifs ou Interventions infirmières Justificationsrésultats escomptés

Page 15: Chapitre 19 3e preuve · post-traumatique (APA, 2000). L’ agoraphobie aurait une prévalence à vie de 0,6%à 6%(Lalonde, Aubut et Grunberg et al., 1999). Une recension des écrits

1. Le client peut-il parler de l’objet ou de la situationphobogène sans devenir anxieux ?

2. Le client est-il capable d’agir normalement sans éprouverd’anxiété panique en présence du stimulus phobogène?

3. Le client prend-il l’initiative de sortir de sa chambre oude chez lui pour participer à des activités de groupe ?

4. Le client est-il capable de décrire les signes et les symp-tômes de l’escalade de l’anxiété ?

5. Le client est-il capable de recourir aux techniques appro-priées pour enrayer l’escalade de l’anxiété avant qu’elleatteigne le niveau de la panique ?

6. Le client peut-il décrire le processus de pensée quinourrit sa peur irrationnelle ?

7. Le client est-il capable d’apporter des changements danssa vie afin de faire face au stimulus phobogène (ou del’éliminer, ou de l’éviter) ?

8. Le client peut-il nommer les ressources de la commu-nauté aptes à l’aider dans les périodes de stress intense ?

LE TROUBLE OBSESSIONNEL-COMPULSIF

La collecte de données :

les signes et les symptômes

Le DSM-IV-TR décrit le trouble obsessionnel-compulsifcomme des obsessions ou des compulsions récurrentesassez graves pour être invalidantes ou à l’origine de senti-ments marqués de détresse ou encore pour entraîner uneperte de temps considérable (APA, 2000).

Les obsessions se caractérisent par des pensées, des impul-sions ou des représentations récurrentes et persistantes, res-senties comme intrusives et mal à propos, et qui entraînentune anxiété ou une détresse importante. Les plus courantessont les pensées récurrentes concernant les risques de conta-mination, les doutes récurrents, le besoin de faire les chosesdans un ordre particulier, les impulsions agressives, lesreprésentations horribles et l’imagerie sexuelle (APA, 2000).Notons aussi les activités sans objet auxquelles l’individuse livre à répétition pour diminuer son anxiété (lavages demains répétés, par exemple, communs dans le troubleobsessionnel-compulsif ).

Les compulsions se caractérisent par des comportementsrépétitifs ou des actes mentaux (comme prier, compter,répéter des mots silencieusement) auxquels le sujet s’adonne,non pas pour se procurer du plaisir ou se gratifier, mais pourprévenir ou réduire son anxiété et sa détresse (APA, 2000).Il peut se sentir poussé à accomplir ces rituels pour répondreà une obsession ou pour satisfaire un irrépressible besoind’appliquer certaines règles de manière inflexible. L’indi-vidu reconnaît que son comportement est excessif oudéraisonnable, mais le soulagement qu’il lui procure le

pousse à le perpétuer. Les compulsions les plus courantesconsistent à laver, nettoyer, compter, vérifier, demanderou exiger des réassurances, répéter des actions et mettre del’ordre (APA, 2000). Le tableau 19.7 présente les critèresdiagnostiques du DSM-IV-TR pour le trouble obsessionnel-compulsif.

Ce trouble est aussi courant chez les hommes que chezles femmes. Il peut commencer dès l’enfance, mais appa-raît le plus souvent à l’adolescence ou au début de l’âgeadulte. La maladie est généralement chronique et peuts’accompagner de complications comme la dépression oul’abus de substances. Des études récentes indiquent que letrouble obsessionnel-compulsif est plus fréquent chez lespersonnes qui appartiennent aux classes les plus aisées ouqui sont dotées d’une intelligence supérieure (Kaplan etSadock, 1989).

L’ÉTIOLOGIE DU TROUBLE OBSESSIONNEL-COMPULSIF

Théorie psychanalytique. Les théoriciens psychanalystescroient que, pour diverses raisons (relation parent-enfant insatisfaisante, amour conditionnel ou gratifica-tion provisoire), les individus qui présentent un troubleobsessionnel-compulsif se caractérisent par un moi faibleet sous-développé. Le sujet régresserait au stade du surmoiinfantile, dont les caractéristiques – sévérité, exigence, puni-tion – réapparaîtraient dans cette psychopathologie (Kaplanet Sadock, 1989). La combinaison de la régression au stadepréœdipien anal-sadique et du recours à certains méca-nismes de défense du moi (l’isolation, l’annulation, ledéplacement et la formation réactionnelle) produit lessymptômes cliniques typiques des obsessions et des com-pulsions. Les impulsions agressives (courantes durant lestade de développement préœdipien anal-sadique) sontcanalisées dans des pensées et des comportements quiempêchent les sentiments agressifs de faire surface, etentraînent une anxiété intense accompagnée d’un fort sen-timent de culpabilité (engendré par le surmoi punitif ).

Théorie de l’apprentissage. Pour les théoriciens de l’ap-prentissage, le comportement obsessionnel-compulsif estune réponse conditionnée à un événement traumatique.Habituellement, l’individu apprend à éviter la situationqu’il associe à l’anxiété et au malaise engendrés par cetévénement traumatique ; on appelle évitement passif cetype d’apprentissage qui consiste à rester loin de la sourced’anxiété. Si l’évitement passif est impossible, l’individuapprend à se livrer à des comportements qui le soulagentprovisoirement de l’anxiété et du malaise associés à la si-tuation traumatique. Ce type d’apprentissage, qu’on appelleévitement actif, correspond au mode de comportement del’individu qui présente un trouble obsessionnel-compulsif(Kaplan, Sadock et Grebb, 1994).

384 TROISIÈME PARTIE

Page 16: Chapitre 19 3e preuve · post-traumatique (APA, 2000). L’ agoraphobie aurait une prévalence à vie de 0,6%à 6%(Lalonde, Aubut et Grunberg et al., 1999). Une recension des écrits

Selon cette interprétation du conditionnement classi-que, un événement traumatique déclencherait les compor-tements obsessionnels-compulsifs. Or, dans de nombreuxcas, ces comportements problématiques s’installent gra-duellement, et les clients les relient au stress quotidienplutôt qu’à un ou plusieurs événements traumatiques(Emmelkamp, 1982).Aspects biologiques. Des études récentes indiquent que des perturbations neurobiologiques pourraient jouerun rôle dans la pathogenèse et la persistance du troubleobsessionnel-compulsif (Kaplan et Sadock, 1989).Aspects neuroanatomiques. Des anomalies de diverses régions du cerveau pourraient être liées au trouble obsessionnel-compulsif. Les techniques d’imagerie fonc-tionnelle ont révélé des taux métaboliques anormauxdans les ganglions de la base et le cortex orbito-frontaldes sujets présentant un trouble obsessionnel-compulsif(MacKenzie, 1994).

Aspects physiologiques. L’électroencéphalogramme(EEG) révèle des changements non spécifiques dans lecerveau de sujets présentant un trouble obsessionnel-compulsif. Certains chercheurs ont émis l’hypothèse quele trouble obsessionnel-compulsif est une forme d’épilep-sie non convulsive (autrement dit, qu’il résulte de dé-charges électriques dans certaines régions du cerveau) oud’anomalie fonctionnelle dans la région frontale gauche ducerveau (Kaplan et Sadock, 1989).

Aspects biochimiques. De nombreuses études indiquentqu’un neurotransmetteur, la sérotonine, joue un rôle dansl’étiologie des comportements obsessionnels-compulsifs.Certains médicaments comme la clomipramine et les inhi-biteurs sélectifs du recaptage de la sérotonine (ISRS) sou-lagent les symptômes du trouble obsessionnel-compulsif.En bloquant le recaptage neuronal de la sérotonine, cesmédicaments maximisent l’activité sérotoninergique du système nerveux central.

385LES TROUBLES ANXIEUX19

TABLEAU 19.7

Critères diagnostiques du trouble obsessionnel-compulsif

A. Existence soit d’obsessions soit de compulsions :

Obsessions définies par (1), (2), (3) et (4) :(1) pensées, impulsions ou représentations récurrentes

et persistantes qui, à certains moments de l’affection,sont ressenties comme intrusives et inappropriéeset qui entraînent une anxiété ou une détresseimportante

(2) les pensées, impulsions ou représentations ne sontpas simplement des préoccupations excessivesconcernant les problèmes de la vie réelle

(3) le sujet fait des efforts pour ignorer ou réprimerces pensées, impulsions ou représentations ou pourneutraliser celles-ci par d’autres pensées ou actions

(4) le sujet reconnaît que les pensées, impulsions oureprésentations obsédantes proviennent de sa propreactivité mentale (elles ne sont pas imposées del’extérieur comme dans le cas des pensées imposées)

Compulsions définies par (1) et (2) :(1) comportements répétitifs (p. ex., lavage des mains,

ordonner, vérifier) ou actes mentaux (p. ex., prier,compter, répéter des mots silencieusement) que le sujet se sent poussé à accomplir en réponse àune obsession ou selon certaines règles qui doiventêtre appliquées de manière inflexible

(2) les comportements ou les actes mentaux sontdestinés à neutraliser ou à diminuer le sentiment de détresse ou à empêcher un événement ou unesituation redoutés ; cependant, ces comportementsou ces actes mentaux sont soit sans relation réalisteavec ce qu’ils se proposent de neutraliser ou de prévenir, soit manifestement excessifs

B. À un moment durant l’évolution du trouble, le sujet a reconnu que les obsessions ou les compulsions étaientexcessives ou irraisonnées. N.B. Ceci ne s’applique pasaux enfants.

C. Les obsessions ou compulsions sont à l’origine desentiments marqués de détresse, d’une perte de tempsconsidérable (prenant plus d’une heure par jour) ouinterfèrent de façon significative avec les activitéshabituelles du sujet, son fonctionnement professionnel(ou scolaire) ou ses activités ou relations socialeshabituelles.

D. Si un autre Trouble de l’Axe I est aussi présent, le thèmedes obsessions ou des compulsions n’est pas limité à cedernier (p. ex., préoccupation liée à la nourriture quandil s’agit d’un Trouble des conduites alimentaires ; au faitde s’arracher les cheveux en cas de Trichotillomanie ;inquiétude concernant l’apparence en cas de Peur d’unedysmorphie corporelle ; préoccupation à propos dedrogues quand il s’agit d’un Trouble lié à l’utilisationd’une substance ; crainte d’avoir une maladie sévère encas d’Hypocondrie ; préoccupation à propos de besoinssexuels impulsifs ou de fantasmes en cas de Paraphilie ;ou ruminations de culpabilité quand il s’agit d’unTrouble dépressif majeur).

E. La perturbation ne résulte pas des effets physiologiquesdirects d’une substance (p. ex. : une substance donnantlieu à abus, un médicament) ni d’une affection médicalegénérale.

Source : APA (2000).

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Le trouble obsessionnel-compulsif est probablementcausé par plusieurs facteurs. La figure 19.3 illustre les dif-férents facteurs qui le favorisent selon le modèle transac-tionnel d’adaptation au stress.

L’analyse et l’interprétation

des données : la détermination

des diagnostics infirmiers

Voici deux diagnostics courants chez les clients souffrantd’un trouble obsessionnel-compulsif :1. Stratégies d’adaptation inefficaces reliées à la vulnéra-

bilité personnelle, à un surmoi punitif, aux comporte-ments d’évitement et à d’éventuels changements

biochimiques, se manifestant par des rituels ou par despensées obsessionnelles.

2. Exercice du rôle perturbé relié au besoin de se livrer àdes rituels, se manifestant par l’incapacité d’assumerses responsabilités habituelles.

La planification et

l’exécution des soins

L’établissement des objectifs ou des résultats escomptéspermet d’orienter les interventions de soins auprès duclient qui présente un trouble obsessionnel-compulsif etd’en évaluer l’efficacité par la suite :1. Le client maîtrisera son anxiété sans recourir à des rituels.

386 TROISIÈME PARTIE

19.3 Dynamique du trouble obsessionnel-compulsif selon le modèle transactionnel d’adaptation au stressFIGURE

Évaluation cognitive

Primaire

Secondaire

Qualité de la réaction

ANXIÉTÉ

Altération biochimique concernant la sérotonine

Faible développement du moi, surmoi punitifApprentissage conditionnéLésions cérébrales possibles

Forme possible d’épilepsie non convulsive Régression développementaleStratégies d’adaptation inadéquatesAbsence de systèmes de soutien

À cause d’un moi faible, le client est incapable d’utiliser des stratégies d’adaptation efficaces.Mécanismes de défense utilisés : régression, annulation, déplacement, formation réactionnelle, isolement

Facteurs prédisposants

Influences génétiques

Expériences vécues

Conditions présentes

(Menace réelle ou perçue pouvant affecter l’intégrité physique ou le concept de soi)

Adaptative Non adaptative

Réactionconsidérée comme

normale par la société

Comportementobesssionnel-

compulsif

Escalade possiblevers le trouble

panique si le clientne peut pas se

livrer à ses rituels

LégèreModérée PaniqueSévère

Événement déclencheur(tout événement suffisamment stressant pour menacer un moi déjà faible)

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2. Le client exécutera les activités de la vie quotidiennede manière autonome.

3. Le client expliquera adéquatement le lien entre son anxiété et ses rituels.

4. Le client pourra nommer des situations précises quiont engendré par le passé une anxiété qu’il cherchait àsoulager en recourant à des rituels.

5. Le client utilisera des mécanismes d’adaptation autres(arrêt de la pensée, relaxation et exercices physiques)qu’un comportement obsessionnel-compulsif pour gérerson stress.

6. Le client assumera à nouveau les responsabilitésinhérentes à son rôle parce qu’il a moins besoin derecourir à des rituels.

Le tableau 19.8 (p. 388) fournit un exemple de plan desoins pour le client qui souffre du trouble obsessionnel-compulsif. Le plan présente certains diagnostics infirmiers,les objectifs de soins ou les résultats escomptés, les inter-ventions infirmières appropriées et leur justification.

L’évaluation

On procède ensuite à une nouvelle collecte de donnéespour déterminer si les interventions infirmières ont permisd’atteindre les objectifs de soins. Dans le cas d’un clientqui présente un trouble obsessionnel-compulsif, on pourraréunir ce type d’information par les questions suivantes :1. Le client peut-il s’empêcher d’accomplir ses rituels sans

que son niveau d’anxiété augmente ?2. Le client se montre-t-il capable d’adopter des compor-

tements plus adaptés pour maintenir son anxiété à unniveau maîtrisable ?

3. Le client reconnaît-il la relation entre l’escalade de l’anxiété et son besoin de s’adonner à des rituels pourla soulager ?

4. Le client peut-il décrire des situations où il recourait àcette stratégie par le passé ?

5. Le client peut-il décrire le plan d’action qui lui per-mettra de réagir de façon plus adaptée à ces situationsstressantes ?

6. Le client accomplit-il les activités de la vie quotidiennede manière autonome?

7. Le client montre-t-il qu’il est en mesure d’assumer lesresponsabilités liées à son rôle ?

8. Le client peut-il nommer les ressources de la commu-nauté aptes à l’aider dans les périodes de stress intense ?

L’ÉTAT DE STRESS POST-TRAUMATIQUE

La collecte de données :

les signes et les symptômes

Le DSM-IV-TR décrit l’état de stress post-traumatiquecomme l’apparition de symptômes caractéristiques chez

un sujet qui a été exposé à des événements durant lesquelsson intégrité physique ou celle d’autrui a pu être menacée.Notons que ces symptômes peuvent également apparaîtrechez un sujet qui a appris qu’un proche a connu une mortviolente ou subi des blessures graves, ou qu’un proche esten danger de mort ou gravement menacé (APA, 2000).Ces symptômes ne sont pas dus à des expériences courantescomme un deuil sans complication, un conflit conjugal ouune maladie chronique, mais à des événements qui, par leurnature, seraient extrêmement pénibles pour n’importe quiou presque : combats militaires, agression violente, enlève-ment ou prise d’otage, torture, incarcération en tant queprisonnier de guerre, catastrophe d’origine naturelle ouhumaine, accidents très graves, diagnostic de maladiemortelle, etc. Le sujet peut avoir vécu ce traumatisme seulou en présence d’autrui (APA, 2000).

Le fait de revivre constamment l’événement trauma-tique, un niveau élevé et constant d’anxiété ou d’excita-tion ainsi qu’un émoussement de la réactivité généralesont des symptômes caractéristiques de l’état de stress post-traumatique. Les souvenirs envahissants et les cauchemarssont courants. Dans certains cas, l’individu est incapablede se souvenir de certains aspects importants de l’événe-ment traumatique.

Ce trouble se traduit souvent par des symptômes dedépression, qui peuvent être assez graves pour justifier undiagnostic de trouble dépressif. Dans le cas d’un événe-ment traumatique où d’autres personnes ont trouvé lamort, les survivants disent souvent éprouver un douloureuxsentiment de culpabilité lié à ce qu’ils ont fait pour sur-vivre ou au simple fait d’avoir survécu (APA, 1994). L’abusde substances est fréquent.

Tous les symptômes doivent durer plus d’un mois etentraîner une importante altération du fonctionnementsocial, professionnel ou autre pour que l’on pose un diag-nostic d’état de stress post-traumatique. Si les symptômessont apparus moins d’un mois auparavant, on posera plutôtun diagnostic d’état de stress aigu (APA, 1994).

L’état de stress post-traumatique peut survenir à tout âge.Les symptômes peuvent apparaître dans les trois mois quisuivent l’événement traumatique, mais ils peuvent aussimettre des mois ou même des années à se manifester. Le tableau 19.9 (p. 389) présente les critères diagnostiquesdu DSM-IV-TR pour l’état de stress post-traumatique.

En 1994, une étude de Kessler et de ses collaborateursrévélait un taux de prévalence à vie de l’état de stress post-traumatique de 7,8% (Santé Canada, 1996). Une étudeauprès de vétérans de la guerre du Viêtnam a révélé quel’incidence de l’état de stress post-traumatique lié aux com-bats s’élevait à 15% (Kulka, Schlenger et Fairbank, 1988).

387LES TROUBLES ANXIEUX19

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388 TROISIÈME PARTIE

TABLEAU 19.8 Plan de soins

Le client utiliserades mécanismesd’adaptation (arrêtde la pensée,relaxation etexercices physiques)autres qu’uncomportementobsessionnel-compulsifpour gérer son stress.

Déterminer avec le client les situations typiquesqui augmentent son anxiété et le poussent à recourir à des rituels. Dans un premier temps, répondre aux besoinsdu client autant que l’exige sa dépendance, touten l’encourageant à accroître son autonomie et en donnant un renforcement positif auxcomportements adaptés.Au début du traitement, laisser le clientconsacrer beaucoup de temps à ses rituels, en évitant tout jugement et toute manifestationde désapprobation.Amener le client à explorer le sens et le but du comportement. Soutenir ses efforts.

Établir avec le client un horaire d’activités bienstructuré, qui lui laisse du temps pour accomplirses rituels. À mesure que le client s’intègre aux activitésde l’unité, diminuer progressivement le tempsalloué à ses rituels. Donner un renforcement positif auxcomportements non ritualisés. Aider le client à interrompre ses pensées obsessives et ses rituelspar le recours à diverses techniques (arrêtde la pensée, relaxation, exercices physiques).

En enseignant au client à déterminer les facteursprécipitants, on le rend apte à enrayer l’escaladede l’anxiété.La privation brusque et complète de toutepossibilité de dépendance déclencherait uneintense anxiété chez le client ; le renforcementpositif améliore son estime de soi et l’inciteà reproduire les comportements désirés.Empêcher le client de se livrer à ses rituelspourrait déclencher chez lui une anxiétépanique.

Le client ne connaît peut-être pas le lien entreses problèmes émotionnels et ses comportementscompulsifs. Or il importe qu’il en prenne cons-cience pour qu’un changement puisse avoir lieu. Les structures rassurent le client anxieux.

Lorsque le client remplace petit à petit ses rituelspar des activités plus adaptées, son anxiétédiminue.

Client souffrant d’un trouble obsessionnel-compulsif

DIAGNOSTIC INFIRMIER: Stratégies d’adaptation inefficaces reliées à la vulnérabilité personnelle, à un surmoi punitif, auxcomportements d’évitement et à d’éventuels changements biochimiques, se manifestant par des rituels ou des pensées obsessionnelles.

Objectifs ou Interventions infirmières Justificationsrésultats escomptés

Le client assumeraà nouveau lesresponsabilitésinhérentes à son rôle.

Déterminer le rôle du client dans sa famille et évaluer dans quelle mesure sa maladie enperturbe l’exercice. Déterminer égalementle rôle des autres membres de la famille. Discuter avec le client de sa perception desattentes liées à son rôle.Inciter le client à discuter des conflits quiémergent au sein de la famille ; déterminercomment le client et les autres membres de la famille réagissent à ces conflits.

Explorer avec le client les possibilités dechangement ou de rajustement qu’il souhaite à l’égard de son rôle ; l’aider à s’y exercer enrecourant au jeu de rôle.Favoriser la participation des proches à la plani-fication des changements positifs et à la résolutiondes problèmes qui engendrent l’anxiété, que leclient tente de soulager par ses rituels.

Ces données sont très importantes dans laformulation d’un plan de soins approprié.

Cela permet de vérifier si sa perception estréaliste.Il est essentiel de mettre en lumière les facteursde stress précis ainsi que les réactions adaptées etinadaptées au sein de la structure familiale pouraider le client et ses proches à y apporter leschangements nécessaires. Planifier avec le client d’éventuels changementsdans l’exercice de son rôle et lui donner l’occasionde s’y exercer peut diminuer son anxiété.

La participation des proches directementtouchés par les changements augmente leschances d’obtenir des résultats positifs.

DIAGNOSTIC INFIRMIER: Exercice du rôle perturbé relié au besoin de se livrer à des rituels, se manifestant par l’incapacitéd’assumer ses responsabilités habituelles.

Objectifs ou Interventions infirmières Justificationsrésultats escomptés

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389LES TROUBLES ANXIEUX19

TABLEAU 19.9

Critères diagnostiques de l’état de stress post-traumatique

Spécifier si :

Aigu : si la durée des symptômes est de moins de trois mois.Chronique : si la durée des symptômes est de trois mois ou plus.

Spécifier si :

Survenue différée : si le début des symptômes survient au moins six mois après le facteur de stress.

A. Le sujet a été exposé à un événement traumatique dans lequel les deux éléments suivants étaient présents :(1) le sujet a vécu, a été témoin ou a été confronté à

un événement ou à des événements durant lesquelsdes individus ont pu mourir ou être très gravementblessés ou bien ont été menacés de mort ou de graveblessure ou bien durant lesquels son intégritéphysique ou celle d’autrui a pu être menacée

(2) la réaction du sujet à l’événement s’est traduite par une peur intense, un sentiment d’impuissanceou d’horreur. N.B. Chez les enfants, uncomportement désorganisé ou agité peut sesubstituer à ces manifestations

B. L’événement traumatique est constamment revécu,de l’une (ou de plusieurs) des façons suivantes :(1) souvenirs répétitifs et envahissants de l’événement

provoquant un sentiment de détresse et comprenantdes images, des pensées ou des perceptions.N.B. Chez les jeunes enfants peut survenir un jeurépétitif exprimant des thèmes ou des aspects du traumatisme

(2) rêves répétitifs de l’événement provoquant unsentiment de détresse. N.B. Chez les enfants, il peut y avoir des rêves effrayants sans contenureconnaissable

(3) impression ou agissements soudains « comme si »l’événement traumatique allait se reproduire(incluant le sentiment de revivre l’événement,des illusions, des hallucinations, et des épisodesdissociatifs (flash-back), y compris ceux quisurviennent au réveil ou au cours d’une intoxication).N.B. Chez les jeunes enfants, des reconstitutionsspécifiques du traumatisme peuvent survenir

(4) sentiment intense de détresse psychique lors del’exposition à des indices internes ou externesévoquant ou ressemblant à un aspect de l’événementtraumatique en cause

(5) réactivité physiologique lors de l’exposition àdes indices internes ou externes pouvant évoquer

ou ressembler à un aspect de l’événementtraumatique en cause

C. Évitement persistant des stimulus associés autraumatisme et émoussement de la réactivité générale(ne préexistant pas au traumatisme), comme entémoigne la présence d’au moins trois des manifestationssuivantes :(1) efforts pour éviter les pensées, les sentiments

ou les conversations associés au traumatisme(2) efforts pour éviter les activités, les endroits ou

les gens qui éveillent des souvenirs du traumatisme(3) incapacité de se rappeler un aspect important

du traumatisme(4) réduction nette de l’intérêt pour des activités

importantes ou bien réduction de la participation à ces mêmes activités

(5) sentiment de détachement d’autrui ou bien de devenir étranger par rapport aux autres

(6) restriction des affects (p. ex., incapacité à éprouverdes sentiments tendres)

(7) sentiment d’avenir «bouché » (p. ex., pense ne paspouvoir faire carrière, se marier, avoir des enfants, ou avoir un cours normal de la vie)

D. Présence de symptômes persistants traduisant uneactivation neurovégétative (ne préexistant pas autraumatisme) comme en témoigne la présenced’au moins deux des manifestations suivantes :(1) difficultés d’endormissement ou sommeil interrompu(2) irritabilité ou accès de colère(3) difficultés de concentration(4) hypervigilance(5) réaction de sursaut exagérée

E. La perturbation (symptômes des critères B, C et D) dure plus d’un mois.

F. La perturbation entraîne une souffrance cliniquementsignificative ou une altération du fonctionnement social,professionnel ou dans d’autres domaines importants.

Source : APA (2000).

Donner du renforcement positif auxcomportements qui indiquent que le clientrecommence à assumer ses responsabilités.

Le renforcement positif améliore l’estime de soidu client et favorise la reproduction descomportements désirés.

Objectifs ou Interventions infirmières Justificationsrésultats escomptés

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L’ÉTIOLOGIE DE L’ÉTATDE STRESS POST-TRAUMATIQUE

Théorie psychosociale. Green et ses collaborateurs (1985)ont proposé un modèle étiologique de l’état de stresspost-traumatique. Très largement endossée, cette théorietente d’expliquer pourquoi certaines personnes exposéesà un événement traumatique souffrent de ce trouble tandisque d’autres y échappent. Elle met en relation des variablescomme : 1) les caractéristiques de l’expérience traumati-que ; 2) les caractéristiques de l’individu; 3) les caractéris-tiques de l’environnement où l’individu tente de se rétablir.

Expérience traumatique. Les études ont permis d’établirque certaines caractéristiques de l’événement traumatiqueont une influence cruciale dans la forme de la réaction àlong terme du sujet. Voici les principales :• la gravité et la durée de l’expérience ;• le degré de préparation de l’individu à vivre cette expé-

rience ;• l’exposition à un risque de mort ;• le nombre de gens en danger de mort ;• la possibilité d’éviter la récurrence de l’événement ;• l’endroit où se vit le traumatisme (à la maison, dans un

milieu familier, dans un pays étranger, etc.).

Individu. Certaines caractéristiques individuelles jouentun rôle particulièrement important dans la déterminationde la réaction à long terme du sujet, notamment :• la force du moi ;• l’efficacité des ressources adaptatives ;• la présence ou l’absence d’une psychopathologie pré-

existante ;• les résultats des expériences antérieures de stress ou de

traumatisme ;• les tendances comportementales (le tempérament) ;• le stade de développement psychosocial du sujet

(Erikson, 1968) ;• les facteurs sociodémographiques (âge, situation socio-

économique, instruction, etc.).

Environnement. Green et ses collaborateurs (1985) lais-sent entendre que la qualité de l’environnement où l’in-dividu tente de surmonter l’expérience traumatique influeégalement sur sa réaction à long terme. Les principalesvariables environnementales sont :• l’accès à un soutien social ;• la cohésion et l’instinct de protection des proches ;• l’attitude de la collectivité à l’égard de l’événement trau-

matique ;• les facteurs culturels.

Théorie de l’apprentissage. Selon les théoriciens de l’appren-tissage, le renforcement négatif est un comportement quiatténue une expérience pénible ou désagréable, cette atté-nuation étant le renforcement qui favorise la répétition dece comportement. Dans la mesure où ils atténuent la douleur

émotionnelle que cause le traumatisme, les comportementsd’évitement et l’engourdissement psychique en réactionau traumatisme relèvent du renforcement négatif et, ence sens, ils ont tendance à se répéter. Selon cette concep-tion, des perturbations comportementales comme la colère,l’agressivité et l’abus de substances sont « des modes decomportement renforcés par leur propriété d’atténuer lessentiments pénibles » (Keane et al., 1985).

Théorie cognitive. La théorie cognitive tient compte del’interprétation cognitive de l’événement et met l’accentsur les hypothèses fondamentales du sujet concernant lemonde où il vit. Selon Epstein (1990), la plupart des gensconstruisent leur théorie personnelle de la réalité à partirde trois croyances fondamentales :• Le monde est généreux ; c’est une source de joie.• Le monde a un sens et il est maîtrisable.• Le moi est fondamentalement bienveillant (c’est-à-dire

digne d’amour, bon et compétent).

Lorsqu’il affronte une nouvelle situation, l’individuvit un certain déséquilibre jusqu’à ce qu’il se soit accom-modé du changement et qu’il l’ait intégré à sa théoriepersonnelle de la réalité. Il devient sujet à l’état de stresspost-traumatique lorsqu’un traumatisme qui ne peut s’yintégrer invalide brusquement ses croyances fondamen-tales, et que l’impuissance et le désespoir prédominent.La vision du monde du sujet peut alors s’écrouler et les manifestations du syndrome de stress post-traumatiquepeuvent s’installer.

Aspects biologiques. Kaplan et Sadock (1989) expliquentl’état de stress post-traumatique par une hypothèse biolo-gique selon laquelle une situation similaire au trauma origi-nel pourrait en réactiver les symptômes; cet état d’excitationneurovégétative serait déterminant dans la résurgence desimages traumatiques.

Van der Kolk (1988) laisse croire qu’une réponse à unpeptide opioïde endogène pourrait contribuer à la chro-nicité de l’état de stress post-traumatique. Il émet l’hypo-thèse d’une sorte de «dépendance au traumatisme», quis’expliquerait par les propriétés psychoactives caractéristiquesde tous les opiacés, y compris les peptides opioïdes endo-gènes, soit :• un effet tranquillisant ;• une diminution de la rage et de l’agressivité ;• une diminution de la paranoïa ;• une diminution du sentiment de ne pas être à la hauteur;• un effet antidépresseur.

Selon Van der Kolk, l’excitation physiologique déclen-chée par l’exposition à des situations similaires au trauma-tisme de la naissance augmente la production des peptidesopioïdes endogènes, ce qui accroît le sentiment d’être àl’aise et de maîtriser la situation. Une fois le facteur destress disparu, l’individu pourrait ressentir les symptômes

390 TROISIÈME PARTIE

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du sevrage aux opiacés, symptômes très semblables à ceuxde l’état de stress post-traumatique.

L’état de stress post-traumatique est probablement causépar plusieurs facteurs. La figure 19.4 illustre les différentsfacteurs qui le favorisent selon le modèle transactionneld’adaptation au stress.

L’analyse et l’interprétation

des données : la détermination

des diagnostics infirmiers

Les diagnostics suivants sont les plus courants chez lesclients qui présentent un état de stress post-traumatique :

1. Syndrome post-traumatique relié à un événementdouloureux hors du commun, se manifestant par l’im-pression de revivre l’événement (flash-back), par dessouvenirs envahissants, des cauchemars, une torpeurpsychologique, des épisodes dissociatifs ou de l’amnésie.

2. Deuil dysfonctionnel relié à la perte du moi tel qu’ilétait perçu avant le traumatisme ou à d’autres pertesréelles ou perçues ayant eu lieu pendant ou après l’événe-ment, se manifestant par l’irritabilité et les accès decolère, des comportements autodestructeurs, l’abus desubstances ou l’expression d’un sentiment de culpabi-lité lié au fait d’avoir survécu ou aux actes accomplispour survivre.

391LES TROUBLES ANXIEUX19

19.4 Dynamique de l’état de stress post-traumatique selon le modèle transactionnel d’adaptation au stressFIGURE

Facteurs prédisposants

Influences génétiques

Expériences vécues

Conditions présentes

Adaptative Non adaptative

Réactionconsidérée comme

normale par la société

Réaction au stresspost-traumatique

Symptômes depanique pouvant

survenir pendant quele client se souvientou a des flash-back

du traumatisme

Événement déclencheur(événement psychologique pénible dépassant les critères habituels de l’expérience humaine)

Qualité de la réaction

À cause d’un moi faible, le client est incapable d’utiliser des stratégies d’adaptation efficaces.Mécanismes de défense utilisés : déni, régression, répression, refoulement, déplacement, isolement

Secondaire

Évaluation cognitive

Légère Modérée PaniqueSévère

Réaction aux opioïdes endogènes

Extrême gravité et longue durée des facteurs de stressFaible développement du moiAntécédents d’adaptation au stress inadéquatsApprentissage conditionnéInvalidation de croyances personnelles fondamentales sur le monde

Stratégies d’adaptation inefficacesPrésence d’une psychopathologie préexistanteAbsence de systèmes de soutienRégression développementaleInfluences culturelles et sociales

Primaire

(Menace réelle ou perçue pouvant affecter l’intégrité physique ou le concept de soi du client ou des personnes qui comptent pour lui)

ANXIÉTÉ

Page 23: Chapitre 19 3e preuve · post-traumatique (APA, 2000). L’ agoraphobie aurait une prévalence à vie de 0,6%à 6%(Lalonde, Aubut et Grunberg et al., 1999). Une recension des écrits

La planification et

l’exécution des soins

L’établissement des objectifs ou des résultats escomptéspermet d’orienter les interventions de soins auprès duclient qui présente un état de stress post-traumatique etd’en évaluer l’efficacité par la suite :

1. Le client reconnaîtra avoir vécu un événement trauma-tique et admettra ses répercussions sur sa vie.

2. Le client revivra moins souvent l’événement et auramoins de souvenirs envahissants et de cauchemarsqu’avant son admission (ou le début de la thérapie).

3. Le client adoptera des stratégies d’adaptation plusappropriées (relaxation, imagerie mentale, activitésmusicales et artistiques, etc.).

4. Le client parviendra à se concentrer et à se fixer desobjectifs réalistes.

5. Le client intégrera des proches à son processus derétablissement et acceptera leur soutien.

6. Le client n’exprimera aucune idée ou intention auto-destructrice.

7. Le client montrera qu’il a surmonté le sentiment deculpabilité lié à sa survie.

8. Le client dormira suffisamment pour éviter les risquesde blessure.

9. Le client nommera les ressources de la communautéaptes à l’aider pendant les périodes de stress.

10. Le client se joindra à un groupe d’entraide formé depersonnes qui ont vécu des expériences traumatiquessimilaires.

11. Le client exprimera le désir d’accorder moins d’im-portance à cet événement et de continuer sa vie.

Le tableau 19.10 fournit un exemple de plan de soins pourle client qui présente un état de stress post-traumatique. Leplan comprend certains diagnostics infirmiers, les objectifsou les résultats escomptés ainsi que les interventions infir-mières appropriées et leur justification.

L’évaluation

On procède ensuite à une nouvelle collecte de données pourdéterminer si les objectifs de soins sont atteints. Dans le casd’un client qui présente un état de stress post-traumatique,on pourra recueillir ce type d’information par les questionssuivantes :

1. Le client peut-il parler de l’événement traumatiquesans ressentir une anxiété panique ?

2. Le client prend-il l’initiative de parler de l’événementtraumatique ?

3. Le client parle-t-il des changements que l’événementtraumatique a entraînés dans sa vie ?

4. Le client revit-il l’événement (flash-back) ?5. Le client peut-il dormir sans l’aide de médicaments ?6. Le client a-t-il des cauchemars ?7. Le client a-t-il acquis de nouvelles stratégies d’adap-

tation susceptibles de favoriser son rétablissement ?8. Le client met-il en pratique ces nouvelles stratégies

d’adaptation dans les moments de stress ?9. Le client peut-il nommer les étapes du deuil et les

comportements normaux qui y sont associés ?10. Le client sait-il où il en est dans le processus de deuil ?11. Le client se sent-il moins coupable ?12. Le client a-t-il maintenu ou renoué des relations satis-

faisantes avec ses proches ?13. Le client envisage-t-il l’avenir avec optimisme ?14. Le client fait-il partie d’un groupe d’entraide de person-

nes qui ont vécu des expériences traumatiques similaires?15. Le client peut-il décrire son plan d’action pour faire

face à une éventuelle récurrence des symptômes ?

LE TROUBLE ANXIEUX DÛ À

UNE AFFECTION MÉDICALE GÉNÉRALE

La collecte de données :

les signes et les symptômes

On considère que les symptômes de ce trouble sont la consé-quence physiologique directe d’une affection médicale gé-nérale. Anxiété, attaques de panique ou encore obsessionsou compulsions sont au premier plan du tableau clinique.Les antécédents, l’examen physique ou les examens complé-mentaires montrent que la perturbation est la conséquencephysiologique directe d’une affection médicale (APA,2000). Le DSM-IV-TR (APA, 2000) donne les exemplessuivants d’affections médicales qui peuvent causer dessymptômes d’anxiété :

• Affections endocriniennes : hyperthyroïdie et hypothyroïdie,phéochromocytome, hypoglycémie, hyperadréno-corticisme

• Affections cardiovasculaires : insuffisance cardiaque, emboliepulmonaire, arythmie

• Affections respiratoires : maladie pulmonaire obstructivechronique, pneumonie, hyperventilation.

• Affections métaboliques : carence en vitamine B12, porphyrie • Affections neurologiques : néoplasmes, dysfonction vestibu-

laire, encéphalite

Les soins au client qui présente ce trouble doivent tenircompte de la cause sous-jacente de l’anxiété. Seuls dessoins infirmiers généraux pourront répondre aux besoinsdu client. Les interventions infirmières que nécessite letrouble anxieux du client s’ajouteront à celles qu’exige l’af-fection médicale qui en est la cause.

392 TROISIÈME PARTIE

Page 24: Chapitre 19 3e preuve · post-traumatique (APA, 2000). L’ agoraphobie aurait une prévalence à vie de 0,6%à 6%(Lalonde, Aubut et Grunberg et al., 1999). Une recension des écrits

393LES TROUBLES ANXIEUX19

TABLEAU 19.10 Plan de soins

Le client intégreral’expériencetraumatique à sonexpérience de vie,renouera avec ses proches et se fixera des objectifsréalistes.

Pour instaurer la confiance :a) autant que possible, assigner le même

personnel aux soins du client ;b) adopter une attitude objective, mais

néanmoins chaleureuse et rassurante ;c) respecter les souhaits de la victime en ce

qui concerne le sexe des personnes avec qui elle est en interaction (cela estparticulièrement important si l’événementtraumatique est un viol) ;

d) être fiable ; tenir toutes ses promesses ;adopter une attitude de considérationpositive ; passer du temps avec le client et manifester de la compassion pour sa souffrance.

Demeurer auprès du client lorsqu’il revitl’événement ou fait des cauchemars. Lui rappelerqu’il est en sécurité et que ces symptômes sontcourants après un traumatisme aussi important. Obtenir des proches des données précises surl’événement traumatique et sur la spécificité dela réaction de stress post-traumatique du client.

Encourager le client à parler de sontraumatisme, à son propre rythme, et l’aiderà en décrire les détails (odeurs, bruits, images...)selon sa tolérance. Réécouter les mêmes récitsau besoin (ils deviendront moins nécessaires avecle temps). Fournir au client un environnementintime et non menaçant au cours des entrevues,et intégrer ses proches s’il le souhaite.Reconnaître les sentiments du client tels qu’illes exprime et confirmer leur légitimité.Discuter avec le client des stratégies d’adaptationqu’il a employées après l’événement traumatiqueet au cours d’autres situations stressantes par lepassé. Déterminer celles qui ont été utiles et cellesqui pourraient l’être à l’avenir, sans oublier lesréseaux de soutien et les influences religieuses etculturelles. Déterminer les stratégies d’adaptationinadaptées (usage de substances, réactionspsychosomatiques, etc.) ; aider le client à trouverdes stratégies d’adaptation plus appropriées.Aider le client à comprendre le traumatisme, sipossible. Le soutenir dans sa recherche d’un sensà cet événement. Discuter avec lui de sonsentiment de vulnérabilité et de sa place dans le monde après cet événement traumatique ;nommer les craintes qui l’habitent.

La présence d’une personne de confiance peutrassurer le client sur le fait qu’il est en sécurité etqu’il n’est pas en train de «devenir fou».

Selon leur nature, les événements traumatiquesengendrent différentes réactions d’humiliation etde culpabilité (les traumatismes infligés par desêtres humains engendrent plus d’humiliationque les traumatismes causés par les catastrophesnaturelles). Ce retour sur l’événement est le premier pas versle rétablissement.

La réaction post-traumatique dépend largementde l’efficacité des stratégies d’adaptation utilisées.

La réaction post-traumatique dépend en bonnepartie de l’effondrement des croyances sur lesquelles se fonde la vision du monde de la victime. Pour que l’événement soit assimilédans sa vie, il doit prendre un sens quel’individu pourra intégrer à ses croyancesfondamentales, lesquelles influeront sur la façondont il réinterprétera éventuellement sa visiondu monde et de lui-même (Epstein, 1990).

Client présentant un état de stress post-traumatique

DIAGNOSTIC INFIRMIER: Syndrome post-traumatique relié à un événement douloureux hors du commun, se manifestantpar l’impression de revivre l’événement (flash-back), par des souvenirs envahissants, des cauchemars, une torpeur psychologique, des épisodes dissociatifs ou de l’amnésie.

Objectifs ou Interventions infirmières Justificationsrésultats escomptés

Page 25: Chapitre 19 3e preuve · post-traumatique (APA, 2000). L’ agoraphobie aurait une prévalence à vie de 0,6%à 6%(Lalonde, Aubut et Grunberg et al., 1999). Une recension des écrits

LE TROUBLE ANXIEUX INDUIT

PAR UNE SUBSTANCE

La collecte de données :

les signes et les symptômes

Le DSM-IV-TR (APA, 2000) décrit les caractéristiques dece trouble comme des symptômes anxieux prononcés,directement attribuables aux effets physiologiques d’unesubstance (c’est-à-dire à l’abus d’une substance, à unmédicament ou à l’exposition à une substance toxique).L’anxiété, les attaques de panique ou encore les obsessionsou les compulsions sont au premier plan du tableau clini-que. Ces symptômes peuvent survenir à l’occasion d’uneintoxication à une substance ou au cours du sevrage d’une

substance. Selon le DSM-IV-TR (2000), le diagnostic detrouble anxieux induit par une substance doit être posé :

[...] uniquement lorsque les symptômes anxieux sont excessifspar rapport à ceux qui sont habituellement associés à une intoxication ou à un syndrome de sevrage et lorsque les symp-tômes anxieux sont suffisamment sévères pour justifier, à euxseuls, un examen clinique.

Le diagnostic s’appuiera sur l’étude des antécédents,l’examen physique ou les analyses de laboratoire. Le chapitre16 traite des types de substances qui peuvent engendrerces symptômes.

Les soins aux clients qui présentent ce trouble doiventtenir compte de la nature de la substance et du contexteoù les symptômes sont apparus, soit une intoxication ou

394 TROISIÈME PARTIE

TABLEAU 19.10 Plan de soins

Le client montreraqu’il progresse dansson processus dedeuil et dira avoirretrouvé de l’espoiret une certaineconfiance enl’avenir.

Reconnaître le sentiment de culpabilité et lesreproches que le client s’adresse à lui-même.Lui en faciliter l’expression.

Déterminer à quel stade du deuil le client s’estarrêté. Discuter avec lui du processus de deuilainsi que des sentiments et des comportementsassociés à ses divers stades.

Évaluer dans quelle mesure le traumatisme du client l’empêche de reprendre ses activitéshabituelles (sommeil, relation de couple, vie familiale, travail, etc.).

Évaluer les idées et les comportementsd’autodestruction.Évaluer les stratégies d’adaptation inefficaces(abus de substances, etc.) qui retardent oucompromettent le rétablissement du client.Repérer les ressources communautaires qui, aubesoin, pourraient aider le client à surmonterson deuil dysfonctionnel.

Rappeler au client que le traumatisme apporteramoins de souffrance avec le temps.

Le sentiment de culpabilité est fréquent chez lesgens qui ont survécu à un événement où d’autresont trouvé la mort. Le client doit parler de sessentiments ; il doit comprendre qu’il n’est pasresponsable de ce qui est arrivé, mais qu’il doitprendre la responsabilité de son rétablissement.Il est essentiel de savoir à quel stade du deuil en est le client pour intervenir vraimentefficacement. Son sentiment de culpabilitépeut venir en partie du fait qu’il trouve de tels sentiments inacceptables. Le fait de savoirqu’ils sont normaux pourra le soulager. Après un événement traumatique, des problèmesde sommeil et des difficultés de concentration et de résolution de problèmes rendent souventles gens vulnérables aux blessures accidentelles.Les comportements d’isolement et d’évitementpeuvent influer sur leurs relations interpersonnelles. Le traumatisme peut engendrer un désespoir et unsentiment d’inutilité qui mènent jusqu’au suicide.Il existe des groupes d’entraide pour les gens quiont vécu un événement traumatique danspresque toutes les régions du pays. La présencede réseaux de soutien dans le milieu des personnesqui ont vécu un événement traumatique est l’undes facteurs de rétablissement les plusimportants (Wilson et Krauss, 1985) [voir lesréférences mentionnées à la fin du chapitre]. Cette assurance crée de l’espoir chez la personne.

Client présentant un état de stress post-traumatique (suite)

DIAGNOSTIC INFIRMIER: Deuil dysfonctionnel relié à la perte du moi tel qu’il était perçu avant le traumatisme ou à d’autrespertes réelles ou perçues ayant eu lieu pendant ou après l’événement, se manifestant par l’irritabilité et les accès de colère, des comportements autodestructeurs, l’abus de substances ou l’expression d’un sentiment de culpabilité lié au fait d’avoir survécuou aux actes accomplis pour survivre.

Objectifs ou Interventions infirmières Justificationsrésultats escomptés

Page 26: Chapitre 19 3e preuve · post-traumatique (APA, 2000). L’ agoraphobie aurait une prévalence à vie de 0,6%à 6%(Lalonde, Aubut et Grunberg et al., 1999). Une recension des écrits

un sevrage (voir le chapitre 16). Les interventions infir-mières que nécessite le trouble anxieux propre au client s’ajouteront à ces soins particuliers.

LES PARTICULARITÉSDE LA RELATION D’AIDE

L’infirmière qui intervient auprès d’une clientèle présen-tant des troubles anxieux doit être particulièrement atten-tive à certains éléments. Tout d’abord, il est importantqu’elle repère et maîtrise efficacement ses propres mani-festations d’anxiété, car celles-ci sont subtilement maisfacilement transmissibles. Pendant ses contacts avec cesclients, l’infirmière doit être soucieuse de la qualité de saprésence. Des stratégies thérapeutiques comme l’accueilet le soutien (Chalifour, 1999) sont particulièrement utilespour créer cette qualité de présence.

Il est important de se rappeler que, dans un premiertemps, le client a besoin de ses défenses, comme les rituels,pour soulager sa détresse. Avant qu’il puisse remplacer cesdéfenses par des comportements mieux adaptés, l’infir-mière doit donc éviter de poser des interdits, de le jugerou de le culpabiliser pour ces gestes.

Pendant les périodes d’anxiété intense, les clients ontbesoin de sentir qu’ils peuvent s’appuyer sur quelqu’un,parce que leur univers «bascule». Par son attitude de respectet de confiance dans les forces de ses clients, l’infirmièreleur signifie qu’ils possèdent les ressources pour maîtriserleur anxiété.

L’utilisation judicieuse du toucher contribuera aussi àrassurer ces clients, sauf dans les états de panique, où cegeste peut être perçu comme une agression.

LES MODALITÉSTHÉRAPEUTIQUES

LA THÉRAPIE INDIVIDUELLE

La plupart des clients éprouvent une anxiété moins mar-quée lorsqu’ils ont la possibilité de discuter de leurs diffi-cultés avec un thérapeute qui leur manifeste son intérêt etson empathie (Kaplan et Sadock, 1989). Pour Gray (1978),le but ultime de la psychothérapie individuelle avec lessujets qui présentent des troubles anxieux consiste à «aiderles clients à faire des choix responsables et à exercer leurliberté». L’atteinte de cet objectif repose sur quatre dimen-sions particulièrement importantes de la psychothérapie.

Relation thérapeutique. Idéalement, la relation théra-peutique se fonde sur le respect mutuel, la confidentialitéet la confiance. Le thérapeute comme le client devraient

participer au processus avec ouverture et franchise. Ondoit éviter que le client ne devienne dépendant du théra-peute ; le traitement doit prendre fin lorsque le client ena tiré tout le bénéfice possible.

Communication. La capacité du client à parler authérapeute et à lui confier son anxiété, ses conflits et déchi-rements, ses sentiments de culpabilité et de honte, etc., lesoulage et lui permet de se sentir en communion avec unautre être humain. La possibilité de révéler des secretsintimes qui le font souffrir peut libérer l’individu et l’amenerà envisager son comportement d’une tout autre façon.Cette nouvelle compréhension de soi partagée avec autruiouvre la voie au changement.

Enseignement et rééducation. L’apprentissage dissipedes incertitudes et des doutes. Le savoir libère des peursliées à l’ignorance. Par la logique et la raison, le thérapeutepeut aider le client à mieux comprendre diverses situa-tions anxiogènes.

Changement. Pour Gray (1978), ce changement de laglobalité de l’être le mène à la liberté de faire des choixconscients, d’agir en fonction de ces choix et d’en assumerles conséquences. Il lui donne la possibilité de décider dansquelle mesure les autres peuvent influer sur sa vie. Le faitd’exercer cette liberté et ce pouvoir de décision diminuela réaction anxieuse.

LA THÉRAPIE COGNITIVE

La thérapie cognitive (voir le chapitre 13) vise à aider l’in-dividu à diminuer sa réaction anxieuse en rectifiant sesdistorsions cognitives. Elle aborde l’anxiété comme lerésultat d’une pensée à la fois automatique et exagérée.

La thérapie cognitive proposée au client qui souffred’un trouble anxieux est un traitement bref d’une vingtainede séances qui décourage la dépendance au thérapeute,fréquente dans le cas des troubles anxieux, et favorise l’au-tonomie du client.

Ce type de thérapie exige une solide relation thérapeu-tique. Le client doit pouvoir parler ouvertement à sonthérapeute de ses peurs et des sentiments qui l’animent.Le traitement consiste en bonne partie à faire en sorte qu’ilaffronte des situations qui le terrorisent pour finalementles envisager avec réalisme. Le fait de parler de ses craintesest une façon d’y parvenir.

Le client et le thérapeute doivent travailler en collabora-tion. Plutôt que de proposer des explications et des sugges-tions, le thérapeute questionne le client pour l’inciter àrectifier ses pensées anxiogènes. Le client doit en prendreconscience, les examiner pour détecter les distorsions cogni-tives, les remplacer par des pensées plus conformes à la réa-lité et, éventuellement, acquérir de nouveaux modes de pensée.

395LES TROUBLES ANXIEUX19

Page 27: Chapitre 19 3e preuve · post-traumatique (APA, 2000). L’ agoraphobie aurait une prévalence à vie de 0,6%à 6%(Lalonde, Aubut et Grunberg et al., 1999). Une recension des écrits

La thérapie cognitive est rigoureusement structurée etordonnée, ce qui est important pour les clients anxieux,souvent confus et peu sûrs d’eux. Elle met l’accent sur larésolution des problèmes, le client et le thérapeute tra-vaillant ensemble à repérer et à rectifier les pensées et lescomportements inadaptés qui alimentent le problème etempêchent sa résolution.

La thérapie cognitive se fonde sur l’enseignement etl’apprentissage et tient compte des prémisses suivantes :l’individu souffre d’anxiété parce qu’il n’a pas appris demanière adéquate comment affronter les aléas de la vie, et,avec de la pratique, il peut acquérir des modes de réactionplus efficaces. Au cœur de la thérapie cognitive, les «devoirsà domicile » permettent au client d’expérimenter uneapproche de résolution de problèmes pour surmonter sesvieilles anxiétés et lui montrent comment vérifier lui-mêmel’efficacité de diverses stratégies et techniques.

LA THÉRAPIE COMPORTEMENTALE

La désensibilisation systématique et la thérapie par immer-sion sont deux formes très courantes de thérapie com-portementale utilisées pour traiter les phobies et pourmodifier les comportements stéréotypés liés à l’état destress post-traumatique (Embry, 1990). Elles se révèlentaussi efficaces pour aider les clients à affronter diversessituations anxiogènes.

La désensibilisation systématique

Cette technique consiste à exposer graduellement le clientau stimulus phobogène, soit en imagination, soit dans unesituation réelle. Mise au point par Joseph Wolpe en 1958,cette forme de thérapie s’appuie sur les principes du con-ditionnement comportemental et met l’accent sur l’inhi-bition réciproque ou le contre-conditionnement.

L’inhibition réciproque consiste à réduire l’anxiété avantd’essayer de diminuer les comportements d’évitement.Elle se fonde sur le principe selon lequel la relaxation està l’opposé de l’anxiété ; par conséquent, les deux états nepeuvent coexister simultanément chez l’individu.

La désensibilisation systématique avec inhibitionréciproque se compose essentiellement de deux éléments :

1. L’entraînement aux exercices de relaxation.2. L’exposition graduelle à des stimuli divers de plus en plus

anxiogènes en état de relaxation.

On enseigne au sujet l’art de la relaxation, en privilégiantles techniques les plus efficaces dans son cas (relaxationprogressive, imagerie mentale, tension et relaxation, médi-tation, etc.). Une fois ces techniques maîtrisées, on com-mence l’exposition au stimulus phobogène. Le sujet faitune liste de situations phobogènes, en les rangeant de la

plus terrifiante à la moins dérangeante. On lui demandeensuite, alors qu’il est en état de complète relaxation, des’imaginer dans ces situations, en commençant par lesmoins anxiogènes. De séance en séance, le client sera ainsigraduellement exposé à des stimuli de plus en plus terri-fiants, soit en imagination, soit dans la réalité (in vivo), par-fois les deux.

La thérapie par immersion

L’immersion est une technique thérapeutique qui consisteà plonger directement le client dans une situation imagi-naire ou réelle qu’il trouve terrifiante, et ce pour un longmoment et sans recourir aux techniques de relaxation.Comme des immersions brèves peuvent être inefficaces etmême néfastes, on mettra fin à la séance seulement lorsquel’anxiété du client sera beaucoup moins forte qu’au débutde l’entretien. Chambless et Goldstein (1979, p. 250)décrivent la technique de l’immersion en ces termes :

La technique de l’immersion exige du thérapeute qu’il réunisseautant d’informations que possible sur les situations quidéclenchent une anxiété disproportionnée. Prenons le cas d’unecliente souffrant d’agoraphobie. Elle dit que le seul fait de sortirde chez elle la rend anxieuse, et que son anxiété empire dans lestransports publics, les ascenseurs et les foules. Elle a peur qu’onl’enferme à l’asile, que ses enfants soient abandonnés à eux-mêmes, et ainsi de suite. Le thérapeute demande à la cliente defermer les yeux et d’imaginer aussi clairement que possible lasituation qu’il va lui proposer, sans tenter d’y réfléchir ni d’en

396 TROISIÈME PARTIE

Jean était terrifié par les ascenseurs, au point de grimper24 étages à pied pour éviter d’en prendre un. Lorsqu’il aappris que la compagnie d’assurances qui l’employaits’apprêtait à déménager au 32e étage d’un immeuble àbureaux, il s’est résigné à consulter un thérapeute pouressayer de résoudre son problème. On lui a d’abord apprisà atteindre un état de calme et de bien-être en recourantà l’imagerie mentale et à la relaxation progressive. Puis,dans cet état, on lui a demandé d’imaginer d’abord lerez-de-chaussée de l’édifice ainsi que les ascenseurs. Aucours des séances suivantes, et toujours en état dedétente, Jean a réussi graduellement à s’imaginer entrantdans l’ascenseur, regardant les portes se refermer derrièrelui, montant jusqu’au 32e étage et sortant de l’ascenseur.Au début, il se voyait accompagné de son thérapeute ;plus tard, il pouvait s’imaginer seul.

La thérapie de Jean incluait également des séancesin vivo, c’est-à-dire avec exposition graduelle au stimulusphobogène dans la réalité. Cette combinaison de tech-niques d’imagerie mentale et d’exposition in vivo s’estavérée très efficace pour régler la claustrophobie de Jean,qui a pu conserver son emploi.

É t u d e d e c a s

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juger l’à-propos. Il commence alors à décrire de manière vivanteet détaillée une situation anxiogène, en partant du moment oùla cliente se prépare à sortir seule. Durant l’immersion, lethérapeute se laisse guider par les réactions de la cliente : plus lerécit engendre d’anxiété, plus il est approprié. Au fur et à mesureque les réactions ou les commentaires de la cliente lui fournissentde nouveaux indices, il rajuste le scénario. Il reprend les mêmesthèmes tant qu’ils suscitent de l’anxiété, aussi souvent que pos-sible durant autant de séances qu’il le faudra. La thérapie sepoursuit en présence des deux critères suivants : l’anxiété diminueentre les séances et la cliente commence à s’engager dans des situa-tions qu’elle évitait jusque-là.

LA THÉRAPIE DE GROUPE

ET LA THÉRAPIE FAMILIALE

La thérapie de groupe est fortement recommandée pourles clients en état de stress post-traumatique. Elle s’estrévélée particulièrement efficace pour les vétérans duViêtnam (Kaplan, Sadock et Grebb, 1994). Kolb (1986)a mis en lumière l’importance pour ces vétérans de discuteravec des pairs capables d’empathie de leurs expériences,de leurs problèmes d’adaptation sociale et des moyens degérer leur agressivité dans leurs relations interpersonnelles.Il peut s’agir de groupes spontanés sans animateur offi-ciel, ou encore de groupes dirigés par des thérapeutesexpérimentés ayant eux-mêmes vécu une expérience trau-matique. Dans certains cas, ces groupes incluent les proches,dont la vie est souvent très perturbée par les symptômesde l’état de stress post-traumatique (Kaplan et Sadock,1989). Pour Hollander, Simeon et Gorman (1994) :

À cause de ce qu’ils ont vécu, les clients en état de stress post-traumatique se montrent souvent méfiants et réticents à l’égarddes figures d’autorité. L’identification, le soutien et l’espoir queleur procure un groupe de pairs peuvent faciliter le changementthérapeutique.

LA PHARMACOTHÉRAPIE

Le trouble panique et

le trouble d’anxiété généralisée

Anxiolytiques. Les benzodiazépines sont les médicamentsde prédilection pour le traitement du trouble d’anxiétégénéralisée (Kaplan, Sadock et Grebb, 1994). On peut lesprescrire au client pour qu’il les prenne au besoin, lorsqu’ilse sent particulièrement anxieux. Des études récentesindiquent que l’alprazolam (Xanax), le lorazépam (Ativan)et le clonazépam (Rivotril) sont particulièrement efficacesdans le traitement du trouble panique. Les principauxrisques du traitement aux benzodiazépines sont la tolé-rance et la dépendance physique, qui peuvent amener leclient à en abuser. Comme les symptômes du sevrage auxbenzodiazépines peuvent être mortels, on doit mettre les

clients en garde contre un arrêt brutal de la médication ;celle-ci doit être diminuée graduellement jusqu’à l’arrêtdu traitement.

Un autre anxiolytique, le buspirone (BuSpar), se révèleefficace dans 60 % à 80 % des cas de trouble d’anxiétégénéralisée (Kaplan, Sadock et Grebb, 1994). Il a le désa-vantage de mettre de 10 à 14 jours à soulager les symp-tômes, mais aussi l’avantage de ne créer ni tolérance nidépendance physique, ce qui peut en faire le meilleurmédicament pour traiter le trouble d’anxiété généralisée.

Antidépresseurs. Plusieurs antidépresseurs sont aussi effi-caces que les principaux anxiolytiques. On a utilisé avecsuccès les antidépresseurs tricycliques clomipramine(Anafranil) et imipramine (Tofranil) pour traiter des clientsprésentant un trouble panique. La plupart des antidé-presseurs tricycliques semblent avoir la même efficacitéclinique dans le traitement de ce trouble (Schatzberg etCole, 1986). La trazodone (Desyrel) et les inhibiteurs dela monoamine oxydase (IMAO), en particulier la phénelzine(Nardil), ont également des effets antipaniques.

Il est possible que les inhibiteurs sélectifs du recaptagede la sérotonine comme la fluoxétine (Prozac), la sertra-line (Zoloft) et la paroxétine (Paxil) soient efficaces dansle traitement du trouble panique ; cependant, les donnéesprovenant d’études rigoureuses sont encore trop rares pourqu’on puisse en avoir la certitude (Kaplan, Sadock et Grebb,1994). La posologie de ces médicaments doit être aug-mentée graduellement, car les clients qui présentent untrouble panique semblent sensibles à l’hyperstimulationqu’ils produisent.

L’utilité des antidépresseurs dans le traitement du troubled’anxiété généralisée est encore à l’étude (Silver, Yudofskyet Hurowitz, 1994). On a observé certains succès avec l’imi-pramine (Tofranil) [Noyes et Holt, 1994], mais l’efficacitédes autres antidépresseurs reste à prouver.

Antihypertenseurs. Plusieurs études ont attiré l’at-tention sur l’efficacité des bêtabloquants, comme le pro-pranolol (Indéral), et des agonistes des récepteurs alpha-adrénergiques 2, comme la clonidine (Catapres), dans laréduction des symptômes d’anxiété (Perry, Alexander etGarvey, 1994). Le propranolol (Indéral) a de puissantseffets sur les manifestations somatiques de l’anxiété (pal-pitations, tremblements, etc.), mais son action sur ses mani-festations psychiques est moins spectaculaire. S’il est efficacedans le traitement de l’anxiété aiguë liée à une situationponctuelle (trac avant une prestation publique, un examen,etc.), il ne constitue pas un premier choix dans le traitementdu trouble panique et du trouble d’anxiété généralisée(Perry, Alexander et Garvey, 1994).

La clonidine (Catapres) soulage les effets de l’anxiétéaiguë qui découle du sevrage des opiacés et de la nicotine,

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mais n’est pas très utile dans le traitement à long termedu trouble panique et du trouble d’anxiété généralisée,principalement parce que les clients acquièrent une tolé-rance à ses effets anxiolytiques (Kaplan et Sadock, 1989).

Les phobies

Anxiolytiques. Les benzodiazépines sont les médica-ments les plus prescrits contre les phobies, avec des résultatsmitigés. L’alprazolam (Xanax) et le clonazépam (Rivotril)semblent diminuer sensiblement les symptômes de l’agora-phobie associée au trouble panique (Kaplan et Sadock, 1989).

Antidépresseurs. L’imipramine (Tofranil), un antidé-presseur tricyclique, et la phénelzine (Nardil), un IMAO,réduisent efficacement les symptômes de l’agoraphobie etde la phobie sociale ; cependant, la réaction phobiquerevient souvent dès qu’on arrête la médication (Goodwin,1983). La plupart des phobies spécifiques ne semblent pasrépondre à la pharmacothérapie (Kaplan et Sadock, 1989).

Antihypertenseurs. Chez certains individus, le bêtablo-quant propranolol (Indéral) peut soulager assez efficace-ment les symptômes de l’anxiété liée au trac (Silver,Yudofsky et Hurowitz, 1994) : paumes moites, pouls galo-pant, mains tremblantes, bouche sèche, respiration labo-rieuse, nausée et trous de mémoire.

Le trouble obsessionnel-compulsif

Antidépresseurs. L’antidépresseur tricyclique clomipraminetraite efficacement le trouble obsessionnel-compulsif. Ona aussi essayé de traiter ce trouble avec d’autres antidépres-seurs dont l’action est similaire. La fluoxétine (Prozac),qui inhibe elle aussi le recaptage de la sérotonine, soulageefficacement les obsessions et les compulsions (Jonas etSchaumburg, 1991). L’efficacité de la paroxétine (Paxil) etde la sertraline (Zoloft) est encore à l’étude. Par contre, cellede la fluvoxamine (Luvox) a été clairement confirmée par denombreuses études (Silver, Yudofsky et Hurowitz, 1994).

L’état de stress post-traumatique

Antidépresseurs. Les recherches ont montré que les anti-dépresseurs tricycliques, en particulier l’amitriptyline(Elavil) et l’imipramine (Tofranil), réduisent la dépres-sion, les pensées envahissantes, les troubles du sommeil etles cauchemars associés à l’état de stress post-traumatique(Kaplan et Sadock, 1989). D’autres antidépresseurs, telsles inhibiteurs du recaptage de la sérotonine, les IMAO etla trazodone (Desyrel), se sont montrés efficaces dans letraitement de l’état de stress post-traumatique (Kaplan etSadock, 1998, dans Townsend, 2002).

Anxiolytiques. À cause des effets antidépresseurs etantipaniques de l’alprazolam (Xanax), ce médicament estsouvent prescrit, tout comme d’autres benzodiazépines,

bien qu’aucune étude rigoureusement contrôlée n’aitdémontré leur efficacité dans le traitement de l’état destress post-traumatique (Friedman, 1990). À ce sujet,Kaplan, Sadock et Grebb (1994) constatent :

Même si certaines données anecdotiques plaident en faveur del’efficacité de l’alprazolam (Xanax) dans le traitement de l’étatde stress post-traumatique, l’utilisation de ce médicament estsujette à caution à cause de la forte incidence de troubles liés àcette substance chez les patients ainsi que de l’apparition desymptômes de sevrage à l’arrêt de la médication.

Antihypertenseurs. Le bêtabloquant propranolol (Indéral)et l’agoniste des récepteurs alpha-adrénergiques 2 cloni-dine (Catapres) soulagent certains des symptômes de l’étatde stress post-traumatique. Au cours d’essais cliniques,Kolb et ses collaborateurs (1984) ont observé une diminu-tion marquée des cauchemars, des souvenirs envahissants,de l’hypervigilance, de l’insomnie, des réactions de sur-saut et des accès de colère chez les sujets qui prenaient cemédicament.

Autres médicaments. La carbamazépine (Tegretol), l’acidevalproïque (Depakene) et le carbonate de lithium sem-blent diminuer les souvenirs envahissants, les reviviscencesde l’événement traumatique (flash-back) et les cauchemarsainsi que l’impulsivité, l’irritabilité et les comportementsviolents chez les clients en état de stress post-traumatique(Lipper, Davidson et Grady, 1986; Szymanski et Olympia,1991 ; Van der Kolk, 1987). Les antipsychotiques traitentefficacement l’état de stress post-traumatique réfractaire,caractérisé par un comportement paranoïde, des symp-tômes psychotiques agressifs, une rage irrépressible, uncomportement autodestructeur et des reviviscences fré-quentes de l’événement traumatique sous forme d’hallu-cinations auditives et visuelles très nettes où le sujet revitles épisodes du drame (Friedman, 1990). D’autres essaisrigoureusement contrôlés seront nécessaires pour établirl’efficacité de ces médicaments dans le traitement de l’étatde stress post-traumatique.

Le tableau 19.11 fournit les coordonnées de quelquesorganismes susceptibles d’aider les familles dont l’un desmembres souffre de troubles anxieux.

398 TROISIÈME PARTIE

TABLEAU 19.11

Ressources utiles

Groupe Ressource Troubles de Panique (GRTP) :(418) 547-1333

Institut québécois du stress post-traumatique :(418) 623-8575

Regroupement des Agoraphobes de Baie-Comeau :(418) 295-1888

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R É S U M ÉL’anxiété est une force de survie que l’humanité connaîtdepuis la nuit des temps. Historiquement, on l’a d’aborddécrite comme un trouble physiologique reconnaissable àdivers symptômes physiques, essentiellement cardiovas-culaires. Ce n’est qu’au début du XIXe siècle qu’on a com-mencé à comprendre ses dimensions psychologiques.

De manière générale, on considère l’anxiété comme laréaction normale à un danger réel menaçant l’intégritéphysique ou le concept de soi. L’anxiété normale se dis-sipe lorsque ce danger ou cette menace disparaît. La norma-lité de l’anxiété engendrée par tel ou tel facteur de stress estdéterminée par des critères culturels et sociaux.

Les troubles anxieux sont plus fréquents chez les femmesdans une proportion de deux pour un. Des études indiquentqu’il existe probablement une prédisposition familiale auxtroubles anxieux.

Le DSM-IV-TR distingue plusieurs catégories de troublesanxieux : le trouble panique et le trouble d’anxiété généra-lisée, les phobies, le trouble obsessionnel-compulsif, l’étatde stress post-traumatique, le trouble anxieux dû à une af-fection médicale générale et le trouble anxieux induit parune substance. L’apparition des troubles anxieux s’explique

probablement par la conjugaison de facteurs psychosociaux,d’influences biologiques et d’expériences d’apprentissage. Letraitement des clients qui présentent des troubles anxieuxrepose sur la psychothérapie individuelle, la thérapie cogni-tive, la thérapie comportementale (la désensibilisation sys-tématique et l’immersion étant les plus répandues), lathérapie de groupe et la thérapie familiale, ainsi que sur lapharmacothérapie. L’infirmière prodigue les soins adéquatsen respectant les étapes de la démarche de soins infirmiers.

Peu importe où elles pratiquent dans le réseau de lasanté, les infirmières rencontrent des clients anxieux. Touteinfirmière doit donc être en mesure de reconnaître les mani-festations de l’anxiété et d’aider les clients à comprendreque ces symptômes sont normaux et acceptables.

Les clients aux prises avec des troubles anxieux se trou-vent surtout dans les urgences et les unités psychiatriquesdes hôpitaux, où les infirmières doivent les aider à mieuxconnaître et comprendre leur maladie. Leurs interventionsviseront essentiellement à enseigner aux clients des tech-niques pour enrayer l’escalade de l’anxiété avant qu’elledevienne impossible à gérer, et à leur permettre d’adopterdes modes de comportement plus adaptés.

R é s u m é

Résultats d’une formation de groupe sur les habiletés

cognitivo-comportementales dans le traitement du trouble

panique et de l’agoraphobie. Journal of the American Psy-

chiatric Nurses Association (juin 1995), 1(3), 83-91.

Schweitzer, P. B., Nesse, R. M., Fantone, R. F., et Curtis, G. C.

Description. Cette étude visait à examiner les effets d’unprogramme de formation d’une durée de six semainesdirigé par une infirmière sur les habiletés cognitivo-comportementales (HCC), dans le cadre duquel on obser-vait la gravité des symptômes des clients souffrant d’untrouble panique et d’agoraphobie. Les 40 sujets étaienttraités dans un service de consultation externe pour destroubles paniques avec agoraphobie (38) et pour une ago-raphobie sans antécédent de trouble panique (2). Les sujetsdevaient cocher une liste de symptômes et remplir unbarème hebdomadaire avant et après leur participation auprogramme. Le programme complet de la gestion de l’anxiété (PCGA) se composait de six séances de deuxheures. L’objectif des séances de groupe consistait àapprendre aux membres à faire face à leur phobie dans

la réalité (in vivo) et à entreprendre une restructuration cognitive.

Résultats. À la fin de l’étude, on a pu observer une réduc-tion importante, par rapport à la cote moyenne du barèmede base, de la détérioration, de l’anxiété phobique, descrises de panique, de l’anxiété généralisée, de l’évitementet de la dépression. Aucune différence significative n’a puêtre constatée dans les barèmes de base et les critères d’éva-luation chez les sujets qui prenaient des médicaments parrapport à ceux qui n’en prenaient pas.

Commentaires. Selon les auteurs, l’étude met en évidencecertains éléments positifs à retenir : 1) une formation degroupe brève sur les HCC, animée par une infirmière, peutpermettre de réduire les symptômes du trouble panique etde l’agoraphobie ; 2) ce type d’approche constitue un boninvestissement dans le temps de travail d’une infirmièreclinicienne ; 3) apprendre à un client à s’aider lui-mêmepeut améliorer son estime de soi ; 4) un traitement en con-sultation externe efficace et rapide s’avère rentable.

N o t e s d e r e c h e r c h e

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400 TROISIÈME PARTIE

Lecture suggérée

Lalonde, P., Aubut, J., Grunberg, F., et al. (2001).Psychiatrie clinique. Une approche bio-psycho-sociale (3e éd.).Tomes I et II. Boucherville : Gaëtan Morin Éditeur.

WWWRéférences Internet

Association canadienne pour la santé mentale :http ://www.cmha.ca/french

Association canadienne pour la santé mentale, Division du Québec : http ://www.cam.org/acsm

Association/Troubles Anxieux du Québec (ATAQ) :C.P. 49018, Montréal (Québec) H1N 3T6 (514) 251-0083 ; numéro sans frais : 1 877 251-0083 Sitehttp ://www.ataq.org

La Clé des champs, réseau d’entraide pour troubles anxieux :http ://www.cam.org/~lacle/fra/index.html

Phobie-zéro : (514) 276-3105http ://www.phobies-zero.qc.ca

Revivre – Association québécoise de soutien aux personnes souffrant de troubles anxieux, dépressifs ou bipolaires :http ://www.revivre.org/index_revivre.html

Vivre-avec-le-TOC, le trouble obsessionnel-compulsif :http ://iquebec.ifrance.com/Vivre-avec-le-TOC

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