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Chapitre 3 : CrN : Couches minces et revêtements
3.1 Introduction ................................................................................................................................ 79 3.2 Matériaux élaborés sur verre : Couches minces. Influence de la teneur en azote ............. 80
3.2.1 Caractérisations microstructurales........................................................................................ 80 3.2.1.1 Echantillon haut azote .................................................................................................... 80 3.2.1.2 Echantillon bas azote ..................................................................................................... 84
3.2.2 Caractérisations de surface .................................................................................................. 86 3.2.2.1 Morphologie des dépôts – Mesures AFM....................................................................... 86 3.2.2.2 Composition chimique des surfaces – Analyses XPS.................................................... 87
3.2.3 Influence de la teneur en azote sur le comportement électrochimique des couches minces90 3.2.3.1 En solution test, à température ambiante....................................................................... 90 3.2.3.2 Maintiens potentiostatique en milieu pile simulé ............................................................ 93
3.2.4 Influence de la teneur en azote sur les propriétés de conduction des dépôts...................... 95 3.2.4.1 Mesures de Mott-Schottky.............................................................................................. 95 3.2.4.2 Mesures de la conductivité des dépôts .......................................................................... 96
3.3 Matériaux élaborés sur acier : Effet du substrat – Application aux plaques bipolaires .... 97
3.3.1 Caractérisations structurales................................................................................................. 97 3.3.1.1 Echantillon haut azote .................................................................................................... 97 3.3.1.2 Echantillon bas azote ..................................................................................................... 99
3.3.2 Composition chimique des surfaces – Mesures XPS ......................................................... 102 3.3.3 Influence du substrat sur le comportement électrochimique des systèmes revêtus .......... 104 3.3.4 Influence du substrat sur les propriétés de conduction des dépôts.................................... 107
3.3.4.1 Mesures de Mott-Schottky............................................................................................ 107 3.3.4.2 Mesures de la conductivité des systèmes revêtus ....................................................... 108 3.3.4.3 Mesures de la résistance de contact............................................................................ 108
3.4 Conclusion ............................................................................................................................... 109 3.5 Références................................................................................................................................ 110
77
78
Chapitre 3 : CrN : Couches minces et revêtements
3.1 Introduction
Il est reconnu que l’azote est un élément d’alliage intéressant pour les aciers inoxydables.
L’introduction d’azote dans l’acier présente plusieurs avantages, comme l’augmentation des propriétés
mécaniques ainsi que l’amélioration de la résistance à la corrosion. Cet élément, par son caractère
gammagène peut contribuer à la substitution d’autres éléments plus couteux, comme le nickel. De
manière générale, ces nuances d'aciers présentent une stabilité de la phase austénitique très élevée.
Une amélioration de la résistance à la corrosion localisée est également constatée [1], et notamment
en présence de molybdène [2,3]. La structure du film passif proposée par Lu et al. [4] décrit une
concentration d’azote du côté du métal à l’interface métal/film passif. L’azote participe à la dissolution
sélective du fer et entraîne un enrichissement de la surface en chrome [5]. L’azote présent dans l’acier
se dissout après polarisation, en ions NO3- ou NH4
+ [1,2,6]. La formation de cette dernière espèce
entraîne une consommation de protons présents en solution, ce qui a pour effet d’augmenter le pH
dans les zones de piqûres, d’où la repassivation [7]. D’autre part, la présence d’azote et de NH4+ dans
les films passifs a été confirmée par analyses XPS [2,6], ce qui semble avoir un effet sur les propriétés
semi-conductrices de ces films. En effet, les paramètres caractérisant la semi-conductivité obtenus à
partir de mesures de Mott-Schottky, montrent que la densité de porteurs de charge diminue avec la
teneur en azote dans l’acier [6].
Dans le cadre du développement des plaques bipolaires métalliques des systèmes PEMFCs, il
peut être relevé dans la littérature un certain nombre de travaux dans lequel l’intervention de l’azote
joue un rôle prépondérant (cf. 1.3.2). Que ce soit en termes de nitruration [8-13] ou bien de dépôts
type PVD [14-16], une couche de nitrures de chrome est obtenue sur l’acier, qui généralement,
diminue la valeur de la résistance de contact. Suivant la méthode et le substrat utilisés, la résistance à
la corrosion n’est quant à elle, pas forcément améliorée. En effet, afin d’obtenir une couche de nitrures
métalliques continue en surface par nitruration, la teneur en chrome du substrat doit être élevée [10].
Ce qui implique un coût plus élevé de l’alliage. Dans le cas présent, il a été choisi un traitement de
surface de type PVD.
L’objectif de ce chapitre est donc d’étudier l’influence de la teneur en azote des couches élaborées
sur acier, sur leurs propriétés de résistance à la corrosion et de conductivité. Dans un premier temps,
des revêtements de 100 nm de Cr pur, de CrN ‘’haut’’ et ‘’bas’’ azote ont été élaborés sur lames de
verre afin de quantifier le seul effet de la teneur en azote. Puis ces mêmes revêtements ont été
élaborés sur acier 316L, afin d’évaluer l’effet du substrat sur ces propriétés.
79
Chapitre 3 : CrN : Couches minces et revêtements
3.2 Matériaux élaborés sur verre : Couches minces. Influence de la teneur en azote
Ces dépôts ont été réalisés par ArcelorMittal Liège par pulvérisation cathodique en atmosphère
réactive à température ambiante. La cible étant constituée de chrome. Deux débits d’azote ont été
choisi : 8 sscm (soit environ 0.085 Pa, et dit ‘’bas azote’’ dans la suite de ce travail), et 100 sscm (soit
environ 1 Pa, et dit ‘’haut azote’’). Les phases cristallines susceptibles de résulter des conditions
d’élaboration sont alors le Cr cc, le Cr2N hexagonal et le CrN cfc (figure 3.1). L’épaisseur visée de ces
dépôts est de 100 nm. L’influence de ce débit d’azote sur la structure, la composition de la surface, les
propriétés électrochimiques ainsi que les propriétés de conduction des dépôts élaborés fait l’objet de
cette partie.
Figure 3.1. Composition des phases obtenues pour les dépôts CrN en fonction de la pression partielle
d’azote et la température du substrat. Les limites sont approximatives et peu définies [17]
3.2.1 Caractérisations microstructurales1
3.2.1.1 Echantillon haut azote
Le diffractogramme de l’échantillon haut azote obtenu par DRX rasants est présenté sur la figure
3.2. Les fiches JCPDS utilisées pour l’identification des phases Cr, Cr2N et CrN sont présentées en
annexe. L’échantillon est composé de CrN. En effet, les deux pics observés sont attribués aux
diffractions des raies (111) et (200). Les contributions de Cr2N (111) ou Cr (110) ne sont pas
détectées. La largeur à mi hauteur du pic 200 permet d'estimer une taille de cristallite de l’ordre de 9
nm. Une inversion de l'intensité des pics 111 et 200 peut traduire une texture d'orientation.
1 Ces caractérisations ont été réalisées au Centre des Matériaux des Mines de Paris par M.-H. Berger
et C. Duhamel.
80
Chapitre 3 : CrN : Couches minces et revêtements
81
Figure 3.2. Diffractogramme RX rasant de l’échantillon haut azote
La figure 3.3 présente le diffractogramme électronique. Le diagramme d'anneaux à taches fines est
caractéristique d'un matériau nanocristallisé, ils correspondent à la diffraction simultanée des plans de
CrN. L'absence de taches entre les anneaux 111 et 200 confirme l'absence de Cr2N. Ce diagramme
pris avec un faisceau normal à l'interface verre/CrN ne fait apparaître que les plans perpendiculaires à
l'interface. Une texture franche ferait ainsi disparaître les plans systématiquement parallèles à
l'interface, ce qui n'est pas le cas ici.
200
111
220
311
222 400 331 420
Figure 3.3. Diffractogramme électronique en sélection d’aire
Lin
(Cou
nts)
0
1 0 0
2 0 0
3 0 0
4 0 0
5 0 0
6 0 0
7 0 0
8 0 0
9 0 0
1 0 0 0
1 1 0 0
1 2 0 0
1 3 0 0
1 4 0 0
1 5 0 0
1 6 0 0
1 7 0 0
1 8 0 0
1 9 0 0
2 0 0 0
2 1 0 0
2 2 0 0
2 3 0 0
2 4 0 0
2 5 0 0
2 6 0 0
2 7 0 0
2 8 0 0
2 9 0 0
3 0 0 0
3 1 0 0
3 6 4 0 5 0
d = 2 . 3 8 Å
d = 2 . 0 6 Å
1 1 0
1 1 1
2 0 0
1 1 1
0 0 2
1 1 0
Cr2N CrN Cr
Chapitre 3 : CrN : Couches minces et revêtements
Figure 3.4. Fond clair sur le dépôt en ‘’vue de dessus’’. La structure est nanocristallisée
La figure 3.4 illustre la morphologie du dépôt en coupe biaise. La structure cristallisée est
apparente avec une taille de grain d'environ 10 nm. Cette taille est cohérente avec celle calculée par
la formule de Scherrer. La micrographie en haute résolution de la figure 3.5 montre les plans
réticulaires 111 et 200 de CrN. Les zones plus claires correspondent à des zones de plus faible
densité. Il est difficile de conclure à l'existence d'une structure colonnaire à partir de ces clichés, en
effet des grains d'orientations différentes semblent superposés. Toutefois, une coupe transverse
(Figure 3.6a) révèle un dépôt colonnaire divisé en quatre couches distinctes d'égale épaisseur (~25
nm). Ces couches correspondent à la méthode d’élaboration du dépôt, qui s’effectue par quatre
passes successives sous la cible. Le fond noir de la figure 3.6b montre qu'il n'y a pas de continuité
dans l'orientation des colonnes d'une couche à l'autre. Ceci explique le contraste observé en coupe
biaise. La figure 3.7 présente les colonnes en imagerie haute résolution.
Figure 3.5a. Images de franges du réseau de CrN
82
Chapitre 3 : CrN : Couches minces et revêtements
Figure 3.5b. Transformée de Fourier associée montrant les deux anneaux 111 et 200
Figure 3.6. Coupe transverse en fond clair et fond noir. Le dépôt est colonnaire et divisé en quatre
couches
Figure 3.7. Colonnes imagées par les plans réticulaires 111 et 200
83
Chapitre 3 : CrN : Couches minces et revêtements
84
En résumé, le dépôt haut azote présente une cristallinité de type CrN cfc. Sa structure se compose de
4 couches de 25 nm, chacune des couches étant cristallisée et colonnaire (~10 nm de section).
3.2.1.2 Echantillon bas azote
Le diffractogramme RX de la figure 3.8 montre une structure faiblement cristallisée, avec un large
pic centré autour de la raie 111 de Cr2N. La présence de pics 200 de CrN ou 110 de Cr superposés
au pic 111 Cr2N aurait conduit à un pic dissymétrique. De plus, l'absence du pic 111 de CrN montre
l'absence de cette phase. La taille de grain, calculée par la formule de Scherrer à partir de la largeur à
mi-hauteur du pic 111 de Cr2N, est estimée à 4 nm.
Lin
(Cou
nts)
0
1000
2000
3000
4000
5000
6000
30 31 32 33 34 35 36 37 38 39 40 41 42 43 44 45 46 47 48 49 50
110
111
200111
002
110d = 2.11 Å
d = 2.12 Å
substrat en verreLin
(Cou
nts)
0
1000
2000
3000
4000
5000
6000
30 31 32 33 34 35 36 37 38 39 40 41 42 43 44 45 46 47 48 49 50
110
111
200111
002
110d = 2.11 Å
d = 2.12 Å
substrat en verre
Cr2NCrNCr
Cr2NCrNCr
30 40 50 2θ
Figure 3.8. Diffractogramme RX rasants de l’échantillon bas azote
La figure 3.9 présente le diffractogramme électronique. Trois anneaux correspondants à des plans
réticulaires à ~2.1, 1.3 et 1.1 Å peuvent être distingués. Ces anneaux sont diffus et traduisent des
relâchements de condition de diffraction dus à des domaines nanométriques sans ordre à longue
distance. Ces distances peuvent être attribuées à la diffraction de plans 111, 110 + 300, 302 + 221 de
Cr2N. Il est toutefois à noter l'absence de certaines raies d'intensité comparable à celles observées,
telle la raie 112 à 1.6 Å.
Chapitre 3 : CrN : Couches minces et revêtements
2.1 1.3
1.1
Figure 3.9. Diffractogramme électronique en sélection d’aire
La figure 3.10 ci-dessous montre la microstructure de l’échantillon. Il apparaît une structure en îlots
d'environ 10 nm séparés par des régions moins denses (plus claires) de largeur ~1 nm.
Figure 3.10. Fond clair sur le dépôt bas azote
L'image en condition de haute résolution et sa transformée de Fourier (Figure 3.11) montrent une
structure faiblement cristallisée avec toutefois des fréquences à 1/2.2 et 1/2.1 Å-1 et un halo bordé par
1/2 Å-1. Un ordre à moyenne distance est observé avec des domaines d'environ 1 nm. Quelques
domaines plus gros d'environ 4 nm sont encerclés sur la figure. L’épaisseur de la lame, d’environ
85
Chapitre 3 : CrN : Couches minces et revêtements
quelques dizaines de nanomètres, est supérieure à la taille des grains. Plusieurs grains sont donc
superposés et vus en projection, ce qui rend l’interprétation du contraste difficile.
2.12.2
2.0
Figure 3.11. Image de franges du réseau de l’échantillon bas azote et transformée de Fourier
associée
L’analyse semi-quantitative du spectre obtenu en spectroscopie de perte d’énergie des électrons
(EELS), présenté en annexes, donne un pourcentage atomique de ~14% d’azote pour 86% de
chrome. En supposant que tous les atomes d'azote soient liés avec les atomes de chrome dans un
rapport 1/2, il y aurait donc 14 moles de Cr2N pour 58 (86 – 28) de Cr soit un pourcentage molaire
d'environ 20% Cr2N pour 80% Cr. Il est donc probable que le fond continu mal cristallisé observé Fig.
3.11 soit en particulier composé de chrome libre. La raie 110 la plus intense du chrome cubique centré
est à 2.039 Å. La présence de Cr libre peut ainsi contribuer à l'anneau diffus.
En conclusion, l’échantillon bas azote montre plusieurs phases : des germes de Cr2N dans une
matrice de Cr libre. La structure présente un ordre local autour de 2.1 Å, avec une petite proportion de
grains de 4 nm.
3.2.2 Caractérisations de surface
3.2.2.1 Morphologie des dépôts – Mesures AFM
Le diagramme de Thornton présenté en annexe (n° 6) décrit l’effet de la température du substrat
sur la morphologie des dépôts. A température d’élaboration (ambiante) la morphologie attendue des
86
Chapitre 3 : CrN : Couches minces et revêtements
dépôts se situe donc dans la zone 1 de ce diagramme. Les analyses AFM (Figure 3.12) le confirment
et montrent des surfaces formées de nodules dont la taille varie d’environ 25 à 50 nm. Dans le cas de
l’échantillon haut azote ces nodules doivent ainsi rassembler un certain nombre de colonnes (de
section ~ 10 nm). La densité de ces nodules semble moins importante pour cet échantillon que pour
l’échantillon bas azote. Ce qui à priori peut sembler logique au vu des densités théoriques relevées
dans le tableau 3.1. De plus Hones montre que la densité d’un dépôt PVD à température ambiante de
CrN de structure colonnaire, approche les 80 % de sa densité théorique. Laissant ainsi une quantité
de discontinuités interconnectées qui peuvent être localiseés aux joints des colonnes [18].
Figure 3.12. Mesures AFM pour les couches minces CrN haut et bas azote respectivement
Tableau 3.1. Densité (g/cm3) des composés Cr, Cr2N et CrN
Echantillon Haut azote Bas Azote
Composition CrN Cr (à 80%) Cr2N (à 20%)
Densité 6.18 7.14 6.54
3.2.2.2 Composition chimique des surfaces – Analyses XPS
La figure 3.13 présente les spectres XPS de l’oxygène, du chrome et de l’azote obtenus pour les
films d’oxyde formés sur les échantillons Cr, CrN haut et bas azote après une heure d’immersion en
solution test. Les analyses quantitatives et les formes chimiques de ces éléments à différents angles
sont présentées dans les tableaux 3.2 et 3.3.
Il apparaît pour l’échantillon haut azote une fraction d’azote assez importante, dont environ 74%
correspond à l’énergie de liaison du CrN (396.5 eV) qui compose le substrat. La couche d’oxy-
hydroxyde de chrome présente donc une épaisseur inférieure à 8 nm (profondeur atteinte à 60°
d’incidence). L’azote est présent dans le film passif à environ 19% sous forme de NH3/NH4+ (397.7 et
399.4 eV) [6]. L’énergie de liaison relevée à 395.7 eV peut correspondre à une partie de l’azote lié au
carbone (spectre du C 1s présenté annexe 7, où le pic à 285.7 eV correspond à l’énergie de liaison du
C-N). La fraction d’hydroxyde est plus importante (60.1% à 90°) que celle d’oxyde, et les états de
l’oxyde présentent deux formes pouvant correspondre à différents degrés d’oxydation du chrome :
87
Chapitre 3 : CrN : Couches minces et revêtements
Cr2O3/CrO3 à 530.6 eV et CrO2 à 529.6 eV. La décomposition du pic du chrome n’est pas aisée au vu
des valeurs assez proches des états chimiques suivants : Cr2N (576.1 eV), CrN (575.8 eV), CrO2
(576.3 eV), Cr2O3 (576.8 eV) et Cr(OH)3 (577.3 eV) [19]. Toutefois, en considérant les états
d’oxydation des autres éléments présents, la composition du substrat et la composition ‘’connue’’ des
films passifs (i.e oxy-hydroxyde), il est possible d’attribuer au chrome les états rassemblés dans le
tableau 3.3. L’énergie de 576.3 eV relevée peut ainsi correspondre à un état CrO2 et/ou Cr2O3 du
chrome.
Ceci semble confirmer le caractère évolutif du film passif contenant de l’azote [2]. L’azote favorise
dans un premier temps la dissolution du chrome, celui-ci forme ainsi la couche passive. La quantité de
NH3 présente est ensuite susceptible d’évoluer en ions NH4+, ce qui peut avoir pour effet d’augmenter
significativement le pH à l’interface. Or, le chrome en solution alcaline non oxydante tend à se
dissoudre sous forme d’ions chromites CrO2- et CrO3
3- [20]. Le même mécanisme reprend ensuite.
Cr haut azoteCr bas azoteCr
Binding Energy (eV)
Cr haut azoteCr bas azoteCr
Binding Energy (eV)
OH- O2-
Binding Energy (eV)
OH- O2-
Binding Energy (eV)
CrN
Cr2N
NH3/NH4+
Binding Energy (eV)
CrN
Cr2N
NH3/NH4+
Binding Energy (eV) Figure 3.13. Spectres XPS de Cr 2p3/2, O 1s et N 1s pour les échantillons Cr, CrN haut et bas azote
élaborés sur verre. La décomposition des énergies de liaison est précisée dans le tableau 3.3
L’échantillon bas azote présente logiquement une quantité d’azote dans la couche passive moins
importante, environ 4.6 % à 90°. 54.2% de celui-ci correspond à l’énergie de liaison du Cr2N (397.4
eV) composant le substrat. Dans ce cas également l’épaisseur de la couche passive est inférieure à 8
nm. Environ 17.5% de l’azote se retrouve sous forme NH3/NH4+ (398.4 et 399.4 eV). La quantité
d’hydroxyde est inférieure (44.3% à 90°) à la quantité d’oxyde (55.7%). L’oxyde de chrome est sous
forme Cr2O3 (576.5 eV pour Cr 2p3/2 et 530.1 eV pour O 1s).
Le film formé présente un caractère plus stable. La faible quantité d’azote présente dans le
substrat favorise la dissolution du chrome et la formation de la couche passive, mais celle-ci est de
plus assurée par le chrome libre présent à 80% dans le substrat. L’intervention de l’azote est ainsi
plus ponctuelle dans ce cas de figure, dû à sa faible teneur dans le matériau.
88
Chapitre 3 : CrN : Couches minces et revêtements
La couche passive formée sur le Cr seul est logiquement composée d’un oxy-hydroxyde de
chrome, d’épaisseur inférieure à 8 nm. La quantité d’hydroxyde est toutefois supérieure (64.2% à 90°)
à celle de l’oxyde (35.8%), suggérant un film moins ‘’aboutit’’ que celui formé sur l’échantillon bas
azote.
Tableau 3.2. Analyses quantitatives des éléments présents dans la couche passive formée sur les
échantillons Cr, CrN haut et bas azote (en % at.)
Angle C O Cr N 90° 41.95 18.69 18.47 16.57
CrN haut azote 60° 39.41 18.34 20.12 18.13
90° 36.03 28.25 26.35 4.63 CrN bas azote
60° 37.33 28.38 23.63 4.12
90° 38.34 31.35 21.66 1.05 Cr
60° 33.73 33.75 24.56 1.11
Tableau 3.3. Energie de liaison (eV) des pics XPS Cr 2p3/2, O 1s et N 1s et évolution des états
chimiques de O, Cr, et N en fonction de l’angle d’incidence
Angle O 1s oxyde hydroxyde N 1s
90° 529.6 et 530.6 531.8 (19.2%) (20.8%) (60.1%)
395.7 396.5 397.7 399.4 (7.3%) (74.1%) (10.9%) (7.7%) CrN haut
azote 60° 529.5 et 530.5 531.9 (13.9%) (28.7%) (57.4%)
395.6 396.5 397.6 399.4 (6.9%) (73.1%) (11.5%) (8.6%)
90° 530.1 531.7 (55.7%) (44.3%)
396.6 397.4 398.4 399.4 (28.4%) (54%) (4.1%) (13.4%) CrN bas
azote 60° 530.1 531.7
(51.2%) (48.8%) 396.4 397.3 398.4 399.4 (24%) (57.4%) (3.8%) (14.8%)
90° 530.1 531.8 (35.8%) (64.2%) -
Cr 60° 530.1 531.8
(36.9%) (63.1%) -
Angle Cr 2p3/2 métal CrN Cr2N oxyde hydroxyde
90° 574.2 575.2 - 576.3 577.5 (22.3%) (39.1%) (23.7%) (14.9%) CrN haut
azote 60° 574.1 575 - 576 577.3 (18.1%) (36.5%) (22.8%) (22.6%)
90° 573.8 - 575.2 576.5 577.7 (32%) (27%) (23.7%) (17.3%) CrN bas
azote 60° 573.7 - 575 576.3 577.8
(24.7%) (26.7%) (24.9%) (23.7%)
90° 574 - - 575 576.4 (28.5%) (6.1%) (65.4%) Cr
60° 573.9 - - 574.8 576.5 (27.7%) (8.9%) (63.5%)
89
Chapitre 3 : CrN : Couches minces et revêtements
3.2.3 Influence de la teneur en azote sur le comportement électrochimique des couches minces
L’influence de la teneur en azote sur la réactivité des matériaux et les mécanismes de corrosion a
été évaluée en milieu test à température ambiante. Ces essais ont été complétés par des maintiens
en potentiel à – 0.6 V/ESM et + 0.2 V/ESM en milieu simulé afin d’appréhender la stabilité du
comportement électrochimique des différents échantillons enrichis en azote.
3.2.3.1 En solution test, à température ambiante
Les figures 3.14 et 3.15 présentent le suivi du potentiel d’abandon en fonction du temps et les
courbes de polarisation tracées en milieu test à température ambiante pour les 3 échantillons.
-0,6
-0,5
-0,4
-0,3
-0,2
-0,1
0 1000 2000 3000 4000 5000 6000 7000
t (s)
E (V
/ESM
)
CrN haut azote
CrN bas azote
Cr
Figure 3.14. Suivi du potentiel d’abandon en fonction du temps pour Cr, CrN haut et bas azote en
solution test à T ambiante
Globalement le potentiel d’abandon augmente avec la teneur en azote. Ceci est vérifié sur les
courbes de polarisation. Le potentiel de corrosion est déplacé vers des valeurs plus nobles. Cet
anoblissement résulte de l’effet bénéfique de l’azote sur les mécanismes de passivation. En effet dans
le cas de l’échantillon CrN bas azote, la faible teneur en N sous forme d’ilots de Cr2N noyés dans une
matrice de chrome amorphe permet la formation de composés NH3 puis NH4+ (2 CrN + 3 H2O →
Cr2O3 + 2 NH3 [2]). Ces ions permettent l’augmentation du pH interfacial, et ainsi la diminution de
l’oxydation du matériau. Ceci explique la forme de l’évolution du potentiel d’abandon, perturbé durant
les 3000 premières secondes, dû à l’intervention ponctuelle de l’azote. Une fois la couche d’oxyde de
chrome formée en surface dans ces conditions, le potentiel d’abandon se stabilise. Dans le cas d’un
ajout important d’azote (échantillon haut azote) la structure obtenue de type CrN est beaucoup plus
stable, et le potentiel d’abandon obtenu varie peu avec le temps. Un léger phénomène de passivation
90
Chapitre 3 : CrN : Couches minces et revêtements
est observé pour le Cr pur (augmentation d’E = f (t) dans les premières minutes). Le potentiel se
stabilise ensuite rapidement dû à la présence d’une couche d’oxy-hydroxyde de chrome qui protège le
Cr dans ce milieu.
1,E-10
1,E-09
1,E-08
1,E-07
1,E-06
1,E-05
1,E-04
1,E-03
-1,4 -1,2 -1 -0,8 -0,6 -0,4 -0,2 0 0,2 0,4 0,6 0,8E (V/ESM)
Log
i (A
/cm
²)
CrN bas azote
Cr
CrN haut azote
Figure 3.15. Courbes potentiodynamiques pour Cr, CrN haut et bas azote en solution test à T amb.
Il apparaît globalement que l’ajout d’azote a un effet bénéfique sur les densités de courants
anodiques. En effet, celles-ci sont inférieures pour les échantillons CrN haut et bas azote, à celles du
chrome pur. Toutefois si l’on considère les valeurs de ces densités relevées au potentiel de corrosion,
celle de l’échantillon haut azote sont bien supérieures à celle du chrome pur (Tableau 3.4).
Tableau 3.4. Valeurs des densités de courants relevées à Ecorr
Cr CrN bas azote CrN haut azote
i (A/cm²) 3 10-8 5.7 10-9 4.2 10-7
Ceci peut être expliqué par le rôle de l’azote. En effet, celui-ci accélère les cinétiques de dissolution,
conduisant à des valeurs de densités de courant élevées. La couche passive se forme ensuite
rapidement, le potentiel de corrosion de ce matériau se situant dans le domaine passif du chrome pur.
Il en résulte ainsi un courant anodique plus faible pour le CrN haut azote que pour le Cr.
Dans le cas de l’échantillon bas azote, le même mécanisme a lieu, mais la teneur en azote est bien
moindre. Celui-ci favorise la cinétique de dissolution d’une partie du chrome, mais l’effet conjugué du
chrome présent dans le substrat conduit à la formation d’une couche stable et riche en oxydes
(3.2.2.2).
L’augmentation importante des densités de courants aux alentours de + 400 mV/ESM correspond à
l’oxydation du Cr3+ en chrome hexavalent (Cr2O72– + 14 H+ + 6 e- <-> 2 Cr3+ + 7 H2O).
Les figures 3.16 et 3.17 présentent les diagrammes d’impédances en représentation de Nyquist et
de Bode, obtenus au potentiel de corrosion pour les échantillons Cr, CrN haut et bas azote.
91
Chapitre 3 : CrN : Couches minces et revêtements
0
100
200
300
400
500
600
0 100 200 300Z' (kΩ.cm²)
-Z''
(kΩ
.cm
²)
102 kHz
10 mHz
10 mHz
10 mHz
0
5
10
15
20
25
30
35
40
0 5 10 15 20Z' (kΩ.cm²)
-Z''
(kΩ
.cm
²)
CrCrN bas azoteCrN haut azote
102 kHz
10 mHz79 mHz
501 mHz
0
100
200
300
400
500
600
0 100 200 300Z' (kΩ.cm²)
-Z''
(kΩ
.cm
²)
102 kHz
10 mHz
10 mHz
10 mHz
0
5
10
15
20
25
30
35
40
0 5 10 15 20Z' (kΩ.cm²)
-Z''
(kΩ
.cm
²)
CrCrN bas azoteCrN haut azote
102 kHz
10 mHz79 mHz
501 mHz
Figure 3.16. Diagrammes d’impédances (représentation de Nyquist) obtenus au potentiel de corrosion
après une heure d’immersion, en solution test à T ambiante pour les trois types d’échantillons
100
1000
10000
100000
1000000
0,01 0,1 1 10 100 1000 10000log f (Hz)
log
Z (Ω
.cm
²)
-90
-80
-70
-60
-50
-40
-30
-20
-10
0
0,01 0,1 1 10 100 1000 10000 100000log f (Hz)
Phas
e (°
)
CrCrN bas azoteCrN haut azote
Figure 3.17. Diagrammes d’impédances (représentation de Bode) obtenus au potentiel de corrosion
après une heure d’immersion, en solution test à T ambiante pour les trois types d’échantillons
Une boucle capacitive est observée dans le cas du chrome pur. Elle peut être attribuée, comme dans
le cas des aciers inoxydables (2.2.4.2) au mécanisme de passivation se déroulant à l’interface
matériau/milieu. Dans le cas de l’échantillon bas azote, une seconde constante de temps peut être
relevée. La première, comme dans le cas précédent, peut être attribuée à la formation de la couche
d’oxyde de chrome à partir du Cr présent à 80% dans le matériau. La deuxième, à une réactivité
différente des îlots de Cr2N, noyés dans la matrice de Cr. Dans le cas du CrN haut azote, une seule
constante de temps peut être détectée, et attribuée au mécanisme de formation de la couche passive
en surface. La dégradation importante de la résistance de polarisation est en accord avec les courbes
de polarisation précédentes, et s’explique par le fait qu’elle est mesurée au potentiel de corrosion.
92
Chapitre 3 : CrN : Couches minces et revêtements
La résistance haute fréquence relevée sur le diagramme de Nyquist (Figure 3.16) aux alentours de 2
kΩ.cm² ne correspond pas uniquement à la résistivité de l’électrolyte (environ 100 Ω.cm²), et peut être
expliquée par la faible conductivité du matériau (3.2.4.2).
3.2.3.2 Maintien potentiostatique en milieu pile simulé
Afin d’évaluer la résistance à la corrosion des différents échantillons en milieu pile, ceux-ci sont
maintenus respectivement pendant 25 h à un potentiel de – 0.6 V/ESM et + 0.2 V/ESM pour les
conditions anodiques et cathodiques.
La figure 3.18 présente, en milieu anodique simulé pour les 3 échantillons, les branches
cathodiques obtenues en potentiodynamique, ainsi que les valeurs des densités de courant observées
au potentiel de – 0.6 V/ESM en fonction du temps. Les tracés potentiodynamiques montrent les
mêmes tendances que précédemment (cf. partie précédente). Le potentiel appliqué de - 0.6 V/ESM
correspond pour les 3 échantillons à un potentiel plus cathodique que leur potentiel de corrosion
respectif et un courant de réduction est ainsi observé (Figure 3.18b), attribué essentiellement à la
réduction du milieu. Les valeurs des courants résiduels sont très faibles dans les 3 cas et sont
regroupées dans le tableau 3.5.
1,E-09
1,E-08
1,E-07
1,E-06
1,E-05
-1 -0,9 -0,8 -0,7 -0,6 -0,5 -0,4 -0,3 -0,2 -0,1 0E (V/ESM)
i (A
/cm
²)
CrN haut azote
CrN bas azote
Cr
a)-1,5E-06
-1,0E-06
-5,0E-07
0,0E+00
0 200 400 600 800 1000 1200 1400t (min)
i (A
/cm
²)
CrN haut azote
CrN bas azoteCr
b)
Figure 3.18. En milieu anodique simulé, pour les 3 échantillons : a) Branches cathodiques b) Maintien
potentiostatique à – 0.6V/ESM durant 25h
Tableau 3.5. Valeurs des densités de courants pour les 3 échantillons après un maintien
potentiostatique à – 0.6V/ESM pendant 25 h en milieu anodique simulé
Cr CrN bas azote CrN haut azote
|i| (A/cm²) 8.5 10-8 4.2 10-8 1.8 10-7
L’échantillon CrN haut azote présente des valeurs de densités de courant supérieures aux deux
autres. Ceci en toute logique avec ce qui peut être observé sur les courbes potentiodynamiques. Pour
le Cr et le CrN bas azote, les valeurs des densités de courants sont très proches et faibles à ce
potentiel, entraînant des valeurs de courants résiduels peu élevées.
93
Chapitre 3 : CrN : Couches minces et revêtements
La figure 3.19 présente en milieu cathodique simulé pour les 3 échantillons, les branches
anodiques obtenues en potentiodynamique, ainsi que les valeurs des densités de courant observées
au potentiel de + 0.2 V/ESM en fonction du temps. Les valeurs des courants résiduels sont faibles et
proches dans les 3 cas (Figure 3.19b) et sont regroupées dans le tableau 3.6. Contrairement aux
courbes de polarisation, il n’y a pas de différences notables entre les 3 échantillons. Le potentiel
appliqué se situe dans le domaine passif des échantillons et favorise la croissance d’un film d’oxyde
protecteur dans les trois cas.
0,E+00
5,E-06
1,E-05
2,E-05
2,E-05
0 200 400 600 800 1000 1200 1400t (min)
i (A
/cm
²)
CrN bas azoteCr
CrN haut azote
b)
1,E-10
1,E-09
1,E-08
1,E-07
1,E-06
1,E-05
1,E-04
1,E-03
-0,7 -0,5 -0,3 -0,1 0,1 0,3 0,5 0,7 0,9 1,1
E (V/ESM)
Log
i (A
/cm
²)
Cr CrN bas azote
CrN haut azote
a)
Figure 3.19. En milieu cathodique simulé, pour les 3 échantillons : a) Branches anodiques b) Maintien
potentiostatique à + 0.2 V/ESM durant 25h
Tableau 3.6. Valeurs des densités de courants pour les 3 échantillons après un maintien
potentiostatique a + 0.2 V/ESM pendant 25 h en milieu cathodique simulé
Cr CrN bas azote CrN haut azote
i (A/cm²) 3.4 10-6 2.3 10-6 1.7 10-6
En conclusion, l’ajout d’azote au chrome a pour effet d’anoblir le matériau, le domaine de passivité
en résultant est d’autant diminué. Les densités de courant anodique sont abaissées par rapport au
chrome pur, mais il peut être relevé que l’azote a un effet plus bénéfique dans de faibles proportions.
En effet, au potentiel de corrosion particulièrement, les densités de courant relevées sont plus
importantes pour l’échantillon haut azote que bas azote. Ceci peut être dû à la cinétique de dissolution
du chrome qui serait supérieure à celle de formation de la couche passive dû à la quantité importante
d’azote dans le matériau.
Dans tous les cas, en considérant un potentiel anodique se situant dans le domaine passif des
échantillons (+ 0.2 V/ESM), la formation de couches d’oxy-hydroxydes de chrome permet la protection
du matériau.
94
Chapitre 3 : CrN : Couches minces et revêtements
3.2.4 Influence de la teneur en azote sur les propriétés de conduction des dépôts 3.2.4.1 Mesures de Mott-Schottky
Les tracés de Mott-Schottky obtenus en solution test pour les trois types d’échantillons sont
représentés sur la figure 3.20. Un caractère semi-conducteur de type p est relevé pour l’ensemble des
échantillons dans la gamme de potentiel considéré (- 150 mV/ESM et + 650 mV/ESM). Dans ce cas
ces courbes sont décrites par la relation de Mott-Schottky suivante :
⎟⎟⎠
⎞⎜⎜⎝
⎛+−−=
qkTVV
qNC bpa0
2
21εε
Avec ε la constante diélectrique du film, prise égale à 25 pour l’oxyde de chrome [21], et les autres
paramètres ayant leur signification habituelle.
0
100
200
300
400
500
-0,4 -0,3 -0,2 -0,1 0 0,1 0,2 0,3 0,4 0,5 0,6 0,7
E (V/ESM)
1/C
² (m
4 .F-2
)
0
1000
2000
3000
4000
5000
CrN bas azote
Cr
CrN haut azote
Figure 3.20. Courbes de Mott-Schottky tracées en solution test pour les échantillons Cr, CrN haut et
bas azote
Ce comportement s’explique donc par la formation d’une couche d’oxyde de chrome à l’interface
matériau/électrolyte (oxydes de type p). Dans ce cas de figure les porteurs de charges sont des trous
en excès résultants des lacunes de cations (ici, de chrome). Le film passif développé sur le chrome
pur, constitué d’oxy-hydroxyde de Cr, présente une grande concentration de défauts (Tableau 3.7), en
accord avec ce qui peut être relevé dans la littérature [21-23]. L’ajout d’azote dans le matériau conduit
à une diminution de la densité de porteurs de charges dans le film d’oxyde (Tableau 3.7) et donc
vraisemblablement à une diminution de défauts. Ceci peut être attribué à la présence de NH4+ dans
les films passifs, qui ‘comblerait’ une partie des lacunes cationiques. Ningshen et al. [6] observent
cette même tendance en étudiant l’influence de l’azote sur les films passifs formés sur acier 316LN.
95
Chapitre 3 : CrN : Couches minces et revêtements
Une seconde pente sur les tracés de Mott-Schottky peut être observée pour les échantillons haut et
bas azote. Cette seconde pente peut être expliquée par un changement de type d’accepteur et/ou de
la densité d’accepteurs avec le potentiel [24]. Mais aussi par la présence d’un second niveau
accepteur dans le gap qui n’est pas ionisé au potentiel de bandes plates (2.3.1). Les densités de
porteurs des films d’oxyde peuvent alors être déterminées à partir des 2 pentes P1 et P2, en utilisant
les relations suivantes :
aeNP
01
2εε
= pour E > Ec, et )(
2'
02
aa NNeP
+=
εε pour E < Ec
Où Ec est le potentiel auquel le changement de pente apparaît et qui peut être interprété comme le
potentiel d’électrode à atteindre pour l’ionisation du second niveau donneur profond, dans la zone de
charge d’espace [25-27]. Na est la densité d’accepteurs avec une énergie proche de la bande de
valence, et N’a la densité d’accepteurs du niveau d’énergie plus profond. Les valeurs des densités de
porteurs ainsi que des potentiels de bandes plates sont rassemblées dans le tableau 3.7.
Tableau 3.7. Potentiels de bandes plates et densité de porteurs de charge pour les 3 échantillons
Film passif Vbp (mV/ESM) Na (1020 cm-3) N’a (1020 cm-3)
Cr 580 12.7 -
CrN bas azote 580 1.3 0.18
CrN haut azote 620 0.055 0.067
Les valeurs de potentiels de bandes plates sont peu différentes dans les trois cas et correspondent à
la valeur de Vbp relevée pour l’oxyde de chrome pur [21], corroborant la formation d’une couche d’oxy-
hydroxyde de chrome pour les 3 échantillons.
3.2.4.2 Mesures de la conductivité des dépôts
Les valeurs de conductivité de surface des dépôts ont été évaluées par la mesure d’impédance
décrite dans le chapitre 2, et sont rassemblées dans le tableau 3.8.
Tableau 3.8. Valeurs des résistances de surface relevées pour les 3 échantillons
Cr CrN bas azote CrN haut azote
R (Ω.cm²) 29 66 2107
Il est logique de constater que l’ajout d’azote diminue les valeurs de conductivité des matériaux. D’une
part, l’augmentation de la pression partielle d’azote, et donc de la concentration d’azote dans les
dépôts conduit à une diminution de la densité d’électrons libres dans la bande de conduction [17]. Le
nombre de liaisons métalliques est réduit. D’autre part la conductivité des couches d’oxydes formées
en surface des matériaux diminue avec l’ajout d’azote, dû à une diminution du nombre de porteurs de
charge.
96
Chapitre 3 : CrN : Couches minces et revêtements
3.3 Matériaux élaborés sur acier : Effet du substrat – Application aux plaques bipolaires
La caractérisation des matériaux en couches minces ayant été établie, il convient maintenant de
s’intéresser au comportement des systèmes acier 316L / nitrures de chrome. Ces dépôts sont en effet
destinés à être appliqués sur les plaques bipolaires des systèmes PEMFCs. Cette partie concerne
donc l’étude de l’influence du substrat sur les propriétés de résistance à la corrosion et de conductivité
des systèmes revêtus.
3.3.1 Caractérisations structurales
3.3.1.1 Echantillon haut azote
Les clichés STEM d’une coupe FIB transverse de l’échantillon sont présentés sur la figure 3.21,
respectivement en fond clair et sombre. Comme dans le cas du matériau sur verre, un dépôt
colonnaire divisé en quatre couches d’égales épaisseurs (environ 25 nm) est révélé, qui correspond à
la méthode d’élaboration du dépôt (cf. 3.2.1.1). Toutefois, le fond noir de la figure 3.22 montre que
certaines orientations sont conservées d’une couche à l’autre.
Platine (pour FIB)
Dépôt PVD
Acier
Figure 3.21. Coupe FIB transverse en fond clair et fond noir. Le dépôt est colonnaire et divisé en
quatre couches.
Il apparaît en contraste chimique (figure 3.23a) que les zones interfaciales sont les moins denses
(interfaces substrat/couche et couche/couche). Mais aussi les moins cristallisées (image en haute
résolution, figure 3.23b).
97
Chapitre 3 : CrN : Couches minces et revêtements
Figure 3.22. Coupe transverse en fond noir. Les plans sélectionnés sont parallèles à l’interface.
Plans réticulaires
visibles dans l’acier
Colonnes CrN
Zone intermédiaire
moins cristallisée
b)a)
Figure 3.23. a) Coupe transverse en contraste chimique (les zones les plus claires sont les plus
denses). b) Image en haute résolution de l’interface acier/dépôt.
La composition chimique du revêtement déterminée par EDX à partir d’un profil transverse est
présentée sur la figure 3.24. Une couche passive est développée à la surface de l’acier, à l’interface
acier/revêtement. Celle-ci est constituée d’un oxyde de chrome et de fer, mais contient également une
proportion de manganèse et de silicium. Ceci montre que le procédé d’élaboration du dépôt (etching)
ne permet pas de retirer de façon durable la couche passive présente sur l’acier. Le revêtement est
logiquement constitué de chrome et d’azote, mais présente une concentration d’oxygène non
négligeable, notamment aux inter-couches et probablement aux joints inter-colonnaires. En
comparaison, la surface du revêtement semble être peu oxydée (cartographies EFTEM figure 3.25).
Les analyses EELS (Annexes 5d) montrent que l’azote est en environnement CrN.
98
Chapitre 3 : CrN : Couches minces et revêtements
Position (nm)
Cou
nts
150100500
80
60
40
20
0
PtNiCoFeMnCrArSSiON
Pt
AcierDépôt CrNhaut azote
Interface acier/dépôt
Cr
N
O
Surface
Fe
Position (nm)
Cou
nts
150100500
80
60
40
20
0
PtNiCoFeMnCrArSSiON
Pt
AcierDépôt CrNhaut azote
Interface acier/dépôt
Cr
N
O
Surface
Fe
Figure 3.24.Profil EDX pour l’échantillon CrN haut azote. L’encart représente la position des analyses.
O
N
Cr
N+CrRevêtement Acier
a) b)
O
N
Cr
N+CrRevêtement Acier
O
N
Cr
N+Cr
N
Cr
N+Cr
N
Cr OO
N+CrRevêtement AcierRevêtement Acier
a) b) Figure 3.25. Cartographies EFTEM pour l’échantillon CrN haut azote pour les éléments Cr, N et O (a)
et O seul (b). Il apparaît une couche d’oxyde entre le substrat et le revêtement, ainsi qu’aux inter-
couches.
3.3.1.2 Echantillon bas azote
La figure 3.26 montre une image MET de l’échantillon bas azote en fond clair défocalisé. Celle-ci
souligne, comme dans les cas précédents, l’existence de quatre couches d’égales épaisseurs (~ 25
nm), de structures colonnaires. Ces colonnes sont orientées en ‘zig-zag’, sans doute dû au sens de
déplacement du substrat sous la cible. L’existence d’un film interfacial de largeur variable entre l’acier
et le dépôt est également à noter.
99
Chapitre 3 : CrN : Couches minces et revêtements
Figure 3.26. Fond clair défocalisé sur l’échantillon bas azote sur acier
Comme dans le cas de l’échantillon haut azote, les intercouches, les intercolonnes ainsi que l’interface
acier/substrat sont les zones les moins denses (Figure 3.27). L’image en fond noir (Figure 3.28)
montre de nombreux domaines ‘cristallins’ de dimension d’environ 1 nm. Les analyses EELS (Annexe
5e) permettent de conclure que l’azote est en environnement Cr2N, la proportion de chrome libre étant
d’environ 75% pour 25% de Cr2N. En comparaison avec le dépôt sur verre, la structure du dépôt bas
azote sur acier est donc pratiquement identique, mais semble toutefois être moins cristallisée. Ceci
peut être induit par la nature du substrat (acier), qui lors de l’élaboration dissipe plus sensiblement la
chaleur que le verre (la cristallinité du dépôt étant fonction de la température d’élaboration [18]).
Colonne de Cr cc en blanc
Intercolonnes moins denses
Points blancs = domaines Cr?
Colonne de Cr cc en blanc
Intercolonnes moins denses
Points blancs = domaines Cr?
Figure 3.27. Images TEM en contraste chimique pour l’échantillon bas azote sur acier
100
Chapitre 3 : CrN : Couches minces et revêtements
Dépôt AcierDépôt Acier
Figure 3.28. Fond noir sur l’échantillon bas azote sur acier, laissant apparaître quelques colonnes
cristallisées et de nombreux domaines ‘cristallins’ de dimension ~ 1 nm
La figure 3.29 présente la composition chimique du revêtement déterminée par EDX à partir d’un
profil transverse.
Position (nm)
Cou
nts
10050
100
80
60
40
20
0
NiCoFeMnCrArSON
Interface acier dépôt SurfacePosition (nm)
Cou
nts
10050
100
80
60
40
20
0
NiCoFeMnCrArSON
Position (nm)
Cou
nts
10050
100
80
60
40
20
0
NiCoFeMnCrArSON
NiCoFeMnCrArSON
Interface acier dépôt Surface
Figure 3.29. Profil EDX pour l’échantillon CrN bas azote. L’encart représente la position des analyses
L’azote n’est pas détecté dans le revêtement. Ce dernier est majoritairement composé de chrome, en
accord avec les analyses exposées précédemment. Il apparaît un enrichissement en oxygène à la
surface du dépôt dû à la formation d’une couche d’oxyde de chrome à partir du chrome libre. Mais
101
Chapitre 3 : CrN : Couches minces et revêtements
aussi à l’interface acier/dépôt, dû à la présence du film passif développé sur l’acier 316L (Figure 3.30).
Une fluctuation de la quantité en oxygène peut également être relevée dans le dépôt, pouvant
correspondre aux intercouches (voir cartographie EFTEM de l’O, figure 3.30).
AcierAcier
Figure 3.30. Cartographies EFTEM de l’échantillon CrN bas azote pour l’O. Il apparaît une couche
d’oxyde entre le substrat et le revêtement, à la surface du revêtement, ainsi qu’aux inter-couches
La surface de l’échantillon bas azote semble donc être plus oxydée que celle de l’échantillon haut
azote. Bien que la teneur en oxygène soit plus importante dans ce dernier, il convient de s’intéresser à
la nature des couches d’oxydes surfaciques formées, qui jouent un rôle clef dans l’application visée.
Ces analyses sont développées dans le paragraphe suivant.
3.3.2 Composition chimique des surfaces – Mesures XPS
La figure 3.31 présente les spectres XPS de l’oxygène, du chrome et de l’azote obtenus pour les
films d’oxyde formés sur les échantillons CrN haut et bas azote après une heure d’immersion en
solution test. Les tableaux 3.9 et 3.10 regroupent les analyses quantitatives et les formes chimiques
de ces éléments à différents angles.
La nature de la couche passive formée sur le revêtement de nitrures de chrome haut azote élaboré
sur acier est globalement identique à celle formée sur ce même échantillon élaboré sur verre.
Toutefois, la quantité d’hydroxyde contenue dans ce cas est bien supérieure (73.2% à 60°), à celle
relevée pour le dépôt sur verre (57.4% à 60°). Ceci laisse suggérer un caractère évolutif du film passif
plus marqué que précédemment.
La nature de la couche passive formée sur l’échantillon de nitrures de chrome bas azote élaboré
sur acier, est également assez proche de celle formée sur ce même échantillon élaboré sur verre. La
proportion d’hydroxydes est d’environ de moitié (51.85% à 90°), ce qui montre la présence d’une plus
grande quantité d’oxyde de chrome et à priori un film plus stable.
102
Chapitre 3 : CrN : Couches minces et revêtements
Cr haut azoteCr bas azote
Binding Energy (eV)
Cr haut azoteCr bas azote
Binding Energy (eV)
OH-
O2-
Binding Energy (eV)
OH-
O2-
Binding Energy (eV)
CrN
Cr2N
NH3/NH4+
Binding Energy (eV)
CrN
Cr2N
NH3/NH4+
Binding Energy (eV) Figure 3.31. Spectres XPS de Cr 2p3/2, O 1s et N 1s pour les échantillons CrN haut et bas azote
élaborés sur acier. La décomposition des énergies de liaison est précisée dans le tableau 3.10
Tableau 3.9. Analyses quantitatives des éléments présents dans la couche passive formée sur les
échantillons CrN haut et bas azote (en % at.)
Angle C O Cr N
90° 51.18 16.98 16.07 11.98 CrN haut azote
60° 47.66 17.49 16.92 13.37
90° 36.73 29.19 24.71 4.04 CrN bas azote
60° 40.67 29.23 22.16 3.61
Tableau 3.10. Energie de liaison (eV) des pics XPS O 1s, Cr 2p3/2, N 1s et évolution des états
chimiques de O, Cr, et N en fonction de l’angle d’incidence
Angle O 1s oxyde hydroxyde N 1s
90° 529.3 et 530.7 532 (19.1%) (18.2%) (62.7%)
395.5 396.3 397.3 398.5 400 (11.6%) (65.6%) (10.2%) (6.5%) (6.2%) CrN haut azote
60° 529.3 et 530.6 532 (10.7%) (10.7%) (73.2%)
395.6 396.3 397.3 398.4 399.8 (14.5%) (62.4%) (10.3%) (5.7%) (7.1%)
90° 529.9 531.7 (48.15%) (51.85%)
396.2 397 398.1 399.8 (19%) (57.3%) (10.3%) (13.4%) CrN bas azote
60° 529.8 531.7 (46.55%) (53.45%)
396 397 398.1 399.9 (16.6%) (59.1%) (11%) (13.3%)
Angle Cr 2p3/2 métal CrN Cr2N oxyde hydroxyde
90° 573.8 574.9 - 576.2 577.9 (21.3%) (37.9%) (25.3%) (15.6%) CrN haut azote
60° 573.9 574.9 - 576.2 577.8 (21.4%) (37.2%) (24.2%) (17.2%)
90° 573.4 - 575 576.3 577.9 (30.4%) (22.2%) (29.1%) (18.4%) CrN bas azote
60° 573.4 - 574.9 576.2 577.7 (28.3%) (22%) (28.5%) (21.3%)
103
Chapitre 3 : CrN : Couches minces et revêtements
3.3.3 Influence du substrat sur le comportement électrochimique des systèmes revêtus
La figure 3.32 regroupe les courbes de polarisation tracées en milieu test pour l’échantillon CrN
haut azote en couche mince, l’acier 316L et le système revêtu CrN sur acier. Le comportement
électrochimique du système revêtu est intermédiaire aux deux autres, et laisse ainsi apparaître un
couplage galvanique. En effet la banche anodique du CrN couche mince coupe la branche cathodique
du substrat aux environs de – 312 mV/ESM, qui correspond au nouveau potentiel de corrosion du
système revêtu (- 300 mV/ESM).
1,E-09
1,E-08
1,E-07
1,E-06
1,E-05
1,E-04
-0,6 -0,4 -0,2 0 0,2 0,4 0,6 0,8 1
E (V/ESM)
log
i (A
/cm
²)
Substrat
CrN haut azote en couche mince
Système revétu
Figure 3.32. Courbes potentiodynamiques pour l’échantillon CrN haut azote en couche mince, le
substrat et le système revêtu
La branche anodique du système revêtu présente la même allure que la branche anodique du CrN en
couche mince, avec des densités de courant moins importantes, dû à l’effet bénéfique du substrat qui
agit comme cathode avec des densités de courant de réduction faibles. De plus, le faible couplage
galvanique (faible écart de potentiel) ne provoque pas de dissolution importante de l’anode.
Le même type de comportement peut être observé dans le cas de l’échantillon bas azote (Figure
3.33). Toutefois les densités de courant obtenues pour le système revêtu sont beaucoup plus faibles,
de l’ordre de 2.10-9 A/cm² à Ecorr, laissant suggérer la formation d’une couche d’oxyde de chrome très
protectrice en surface. Ceci peut résulter du couplage galvanique plus important entre le substrat et le
revêtement dû à un écart de potentiel plus marqué. La dissolution de la couche de nitrure de chrome
qui joue le rôle d’anode est ainsi favorisée, et peut conduire alors à la formation d’une couche d’oxyde
de chrome en surface plus épaisse et plus protectrice, grâce notamment à la quantité de Cr présente
dans le matériau.
104
Chapitre 3 : CrN : Couches minces et revêtements
1,E-11
1,E-10
1,E-09
1,E-08
1,E-07
1,E-06
1,E-05
1,E-04
-1 -0,8 -0,6 -0,4 -0,2 0 0,2 0,4 0,6 0,8 1E (V/ESM)
log
i (A
/cm
²)
CrN bas azote en couche mince
Système revétu
Substrat
Figure 3.33. Courbes potentiodynamiques pour l’échantillon CrN bas azote en couche mince, le
substrat et le système revêtu
Les diagrammes d’impédances obtenus pour cet échantillon (Figure 3.34 et 3.35) montrent un
comportement très capacitif de l’interface, confirmant la formation d’une couche d’oxyde de chrome
dense et protectrice en surface.
Figure 3.34. Spectres d’impédances en représentation de Nyquist obtenus au potentiel de corrosion
après une heure d’immersion, en solution test à T ambiante pour les deux types d’échantillons
105
Chapitre 3 : CrN : Couches minces et revêtements
Les spectres obtenus pour l’échantillon haut azote présentent deux constantes de temps. Une
première à haute fréquence pouvant être attribuée à l’interface film passif/électrolyte, et une seconde
à des phénomènes plus lents pouvant être relié à la participation du substrat au travers des pores.
-90
-80
-70
-60
-50
-40
-30
-20
-10
0
0,01 0,1 1 10 100 1000 10000 100000log f (Hz)
Phas
e (°
)
CrN bas azote sur acierCrN haut azote sur acier
100
1000
10000
100000
1000000
0,01 0,1 1 10 100 1000 10000log f (Hz)
log
Z (Ω
.cm
²)
Figure 3.35. Spectres d’impédances en représentation de Bode obtenus au potentiel de corrosion
après une heure d’immersion, en solution test à T ambiante pour les deux types d’échantillons
La figure 3.36 présente respectivement les maintiens potentiostatiques en milieu anodique et
cathodique simulés pour les nitrures de chrome haut et bas azote élaborés sur acier. En conditions
anodique (Figure 3.36a), le potentiel appliqué de – 0.6 V/ESM correspond pour les 2 échantillons, à
un potentiel plus cathodique que leurs potentiels d’abandon respectifs. Un courant de réduction est
ainsi observé. Les valeurs de ce courant pour les 2 matériaux sont très faibles (Tableau 3.11),
signifiant qu’ils ne subissent pas de dégradation dans ces conditions. En conditions cathodique, le
potentiel appliqué de + 0.2 V/ESM se situe dans le domaine passif de ces matériaux. Une couche de
passivation stable et protectrice se forme sur l’échantillon bas azote, conformément à ce qui a pu être
observé précédemment. La nature de la couche d’oxyde formée sur l’échantillon haut azote, ne suffit
pas à protéger le matériau dans ces conditions et les densités de courant augmentent au bout de 2
heures. Les valeurs du courant résiduels restent faibles (Tableau 3.11), mais le matériau subit une
oxydation.
-4,E-07
-3,E-07
-2,E-07
-1,E-07
0,E+00
0 200 400 600 800 1000 1200 1400t (min)
i (A
/cm
²)
CrN bas azote sur acier
CrN haut azote sur acier
a)0,E+00
1,E-06
2,E-06
3,E-06
4,E-06
5,E-06
0 200 400 600 800 1000 1200 1400t (min)
i (A
/cm
²)
CrN bas azote sur acier
CrN haut azote sur acier
b)
Figure 3.36. Maintiens potentiostatiques durant 25h en milieux anodique (a) et cathodique (b) simulés,
pour les deux types d’échantillons
106
Chapitre 3 : CrN : Couches minces et revêtements
Tableau 3.11. Valeurs des densités de courant en A/cm² pour les 2 types d’échantillons après un
maintien potentiostatique en conditions anodique et cathodique
CrN bas azote sur acier CrN haut azote sur acier Acier 316L
En milieu anodique - 7.47 10-8 - 1.87 10-8 - 1.3 10-7
En milieu cathodique 4.84 10-7 2.36 10-6 1.3 10-8
3.3.4 Influence du substrat sur les propriétés de conduction des dépôts
3.3.4.1 Mesures de Mott-Schottky
Les courbes de Mott-Schottky tracées en solution test pour l’échantillon haut et bas azote élaborés
sur acier sont présentées sur la figure 3.37. Celles-ci montrent logiquement un caractère semi-
conducteur de type p pour les deux types d’échantillons, dû à la présence d’une couche d’oxyde de
chrome. Comme dans le cas des matériaux élaborés sur lame de verre, ces courbes présentent deux
pentes (cf. 3.2.4.1). Toutefois ici, leurs formes sont plus complexes, une inversion de pente se
produisant à + 250 mV/ESM. Ce comportement est directement lié à la nature des couches d’oxydes
formées en surface ainsi qu’à leurs épaisseurs. Le potentiel de bandes plates relevé pour les deux
échantillons se situe à environ + 550 mV/ESM. Celui-ci correspond à la valeur du potentiel de bandes
plates de l’oxyde de chrome pur (cf. 3.2.4.1). La couche d’oxyde de chrome est plus fine dans le cas
de l’échantillon haut azote, le comportement de la capacité aux potentiels plus cathodiques est
ensuite influencé par le substrat de nitrure de chrome sous jacent. Ceci peut expliquer la différence
notable de comportement observé sur ces courbes.
0
50
100
150
200
250
-0,6 -0,5 -0,4 -0,3 -0,2 -0,1 0 0,1 0,2 0,3 0,4 0,5 0,6E (V/ESM)
1/C
2 (m4 .F
-2)
CrN haut azote sur acier
CrN bas azote sur acier
Figure 3.37. Courbes de Mott-Schottky tracées en solution test pour les échantillons CrN haut et bas
azote déposés sur acier 316L
107
Chapitre 3 : CrN : Couches minces et revêtements
Le tableau 3.12 rassemble les valeurs des densités de porteurs de charges calculées à partir de la
relation de Mott-Schottky (cf. 3.2.4.1). Ainsi, contrairement à ce qui avait put être observé dans le cas
des revêtements élaborés sur verre, la valeur de la densité de porteurs de charges est légèrement
plus importante dans le cas de l’échantillon haut azote. Ceci peut être expliqué par le fait que la
couche d’oxyde de chrome développée sur cet échantillon est plus fine et sans doute moins organisée
(+ riche en hydroxydes), donc plus défectueuse, que celle développée sur l’échantillon bas azote.
Tableau 3.12. Potentiels de bandes plates et densité de porteurs de charge pour les échantillons CrN
haut et bas azote déposés sur acier
Film passif Vbp (mV/ESM) Na (1020 cm-3) N’a (1020 cm-3)
CrN bas azote 530 4 2.7
CrN haut azote 560 4.5 2.4
3.3.4.2 Mesures de la conductivité des systèmes revêtus
Les valeurs de conductivité de surface mesurées pour les deux systèmes par goutte de mercure
sont présentées dans le tableau 3.13. Celles-ci sont proches, mais la résistivité de l’échantillon haut
azote est inférieure à celle relevée pour l’échantillon bas azote. En accord avec le nombre de porteurs
de charges un peu plus important relevé plus haut.
Tableau 3.13. Valeurs des résistances de surface relevées pour les 2 échantillons et l’acier 316L
CrN bas azote sur acier CrN haut azote sur acier Acier 316L
R (mΩ.cm²) 159 152 210
Bien que la conductivité du CrN soit plus faible que le Cr+Cr2N, la nature de la couche d’oxyde de
chrome formée en surface conditionne la conductivité globale. En effet, la couche formée sur le bas
azote est plus épaisse et présente un comportement plus capacitif, réduisant ainsi l’écart dans les
valeurs de conductivité qui avait pu être observé précédemment (3.2.4.2). Toutefois, dans les deux
cas, la résistivité de la couche d’oxyde + revêtement est inférieure à celle formée sur l’acier 316L.
3.3.4.3 Mesures de la résistance de contact
La figure 3.38 illustre la résistivité moyenne à l’interface échantillon/GDL en fonction de la
contrainte appliquée, pour les échantillons CrN haut et bas azote élaborés sur acier. Ceux-ci
présentent une résistivité nettement moins élevée que l’acier 316L (Tableau 3.14). Le système CrN
haut azote sur acier apparaît comme étant le plus conducteur. Ceci s’explique par une conductivité
supérieure de la couche d’oxyde formée en surface (3.3.4.2).
108
Chapitre 3 : CrN : Couches minces et revêtements
CrN bas azote
CrN haut azote
CrN bas azote
CrN haut azote
Figure 3.38. Résistance de contact interfaciale pour les échantillons CrN haut et bas azote déposés
sur acier
Tableau 3.14. Valeurs des résistances de contact relevées pour les deux dépôts et l’acier 316L sous
1 MPa
CrN haut azote sur acier CrN bas azote sur acier Acier 316L
Rcontact (mΩ.cm²) 11.09 ± 0.8 38.3 ± 2.1 201 ± 12
3.4 Conclusion
Les caractérisations microstructurales montrent que la nature du substrat n’a que peu d’influence
sur la morphologie des dépôts. Un taux de cristallinité légèrement plus faible du revêtement est relevé
dans le cas du substrat acier. Celui-ci ayant une conductivité thermique supérieure à celle du verre,
une plus grande dissipation de chaleur peut avoir lieu durant l’élaboration, la structure du dépôt étant
fonction de la température du substrat. En contrepartie, la nature de la couche d’oxyde formée en
surface est conditionnée par le système considéré. Dans le cas du système acier/dépôt, un couplage
galvanique a lieu, et les structures des couches passives obtenues diffèrent de celles observées pour
les systèmes verre/dépôt. Celles-ci conduisent toutefois à des valeurs de résistances de contact plus
faibles que celles relevées sur l’acier brut. L’échantillon haut azote sur acier répondant sur ce point au
cahier des charges. En termes de corrosion, contrairement à l’échantillon bas azote sur acier qui
forme une couche d’oxyde stable et protectrice dans le temps, l’échantillon haut azote sur acier subit
une évolution. Bien que celle-ci soit acceptable dans le cadre du cahier des charges imposé, le
courant d’oxydation (7 fois inferieur à la consigne au bout de 25 h) semble toutefois évolutif, dû à une
couche d’oxyde de chrome moins protectrice. Cette dégradation peut avoir des répercussions sur la
résistance de contact interfaciale en fonction de temps plus importants.
La caractérisation ex-situ de la solution revêtement de type nitrures de chrome permet ainsi de
montrer que celle-ci répond dans une première approche à la problématique posée. Ces matériaux
109
Chapitre 3 : CrN : Couches minces et revêtements
font donc l’objet de tests en cellule unitaire de 100 h dans le cadre du projet PAN H. Toutefois, les
points négatifs inhérents à cette catégorie de matériau restent le coût supplémentaire induit par le
process et la tenue à l’emboutissage. C’est pourquoi il convient de s’intéresser à un matériau massif
pouvant répondre aux caractéristiques souhaitées. Des traitements de passivation ont donc été
appliqués à l’acier 316L dans le but de ‘fonctionnaliser’ sa surface. Ces travaux font l’objet du chapitre
suivant.
3.5 Références
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