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Noguès. F-M, (2014). Postures d’accompagnement : vers une écoute proximale professionnel/usager ; pair-
aidant/pair-aidé. Sciences et Métiers de l’Education, de l’Enseignement et de la Formation, Formation de
Formateurs, Option « Travail Educatif et Social » article non publié, Université Charles de Gaulle, Lille.
CHAPITRE 4 -
Accompagnement et individuation : les accompagnements différenciés
Ce chapitre consacré à l'accompagnement a pour objet de comprendre si la notion
d'accompagnement telle qu'elle est comprise aujourd'hui ouvre des champs communs ou au
contraire érige des barrières à la fois en termes de compréhension et d'application chez les deux
populations d'accompagnants qui nous intéressent : professionnels de santé et bénévoles,
formés au soutien maternel.
4-1 Un concept en définition
Les travaux sur l'accompagnement commencent à la fin des années 1990. Selon Jean Foucard1
: « Le thème de l'accompagnement se généralise dans nos sociétés que nous qualifierons d'ultra
modernes ». On ne peut que faire le constat de sa présence dans de multiples domaines de la
vie sociale : le travail éducatif, social, la santé, les groupes de soutien …
Maëla Paul a titré un de ses articles écrit pour la revue Education Permanente :
« L'accompagnement : une nébuleuse ». Elle y pointe la difficulté d'explorer ce terme
d' « accompagnement » tant il s'applique à des secteurs, des institutions, des profils de praticiens
et de situations divers, d' autant que « sur le plan théorique, (…) il ne jouit pas de la même
légitimité que d'autres concepts »2.
Guy Le Bouëdec avait six années auparavant utilisé le terme de « fourre-tout sémantique »
dans son article : Diriger, suivre, accompagner : au-dessus, derrière, à côté. Esquisse d'une
topique de quelques postures éducatives3 : « Certes le terme d'accompagnement a la vogue, il
tend à supplanter celui de direction qui comme on l'a noté a mauvaise presse. Dès lors il devient
un fourre-tout sémantique... ». Dans son introduction, Le Bouëdec précise : « Ces termes faute
d'être dialectisés, deviennent très vite, comme le notait Bachelard à propos de certaines
notions, porteurs d'une surcharge de sens, et risquent dès lors de prendre tout le sens, en
fonction de la sensibilité des interlocuteurs, plongeant le débat dans la confusion. »
Engouement ou effet de mode, la littérature converge et Martine Beauvais dans son article :
Des principes éthiques pour une philosophie de l'accompagnement4 parle à propos de la notion
d' accompagnement : d' « usage très large et peut être parfois abusif » et de « flou conceptuel »
et rappelant ses « vertus indiscutables » et indissociables aux pratiques de formateur,
1 Jean Foucard, docteur en sociologie, est chargé de cours au département social de la Haute Ecole de Charleroi
Europe. Il dirige la revue Pensée Plurielle et le groupe de recherche sur L'Intervention
Sociale.
2PAUL Maela « Accompagnement : une nébuleuse (L') « Education permanente. N°153/2002-4, p.43
3 Le Bouëdec Guy (1998) , Diriger, suivre, accompagner : au-dessus, derrière, à côté , Cahiers Binet-
Simon n° 655, p. 53 à p. 63.
4 Beauvais, M. (2004), Des principes éthiques pour une philosophie de l'accompagnement. De
l'éducation permanente à la formation tout au long de la vie, Savoirs Revue internationale de
l'éducation et formation des adultes n°6, p. 99 -113.
Noguès. F-M, (2014). Postures d’accompagnement : vers une écoute proximale professionnel/usager ; pair-
aidant/pair-aidé. Sciences et Métiers de l’Education, de l’Enseignement et de la Formation, Formation de
Formateurs, Option « Travail Educatif et Social » article non publié, Université Charles de Gaulle, Lille.
d'enseigne- ment, d'éducateur …
On retrouve dans l'ouvrage de M. Paul, « L’accompagnement : une posture professionnelle
spécifique »5, une illustration de cette « nébuleuse » :
(annexe 1)
L'auteur y explore ce concept devenu « à la mode » et générant dans son sillage une diversité
de définitions, de champs d'application, de pratiques, de postures, de fonctions différentes.
Qu'il s'agisse de domaines éducatif, judiciaire, sanitaire et social et/ou du monde de l'entreprise,
beaucoup de professionnels se frottent à une posture d'accompagnement envers un pair ou un
stagiaire, un client ou un patient.
4-2 Des repères étymologiques, sémantiques, socio-historiques.
Dans le Robert, il est noté que « Si l'on fait un détour étymologique et historique de la notion
d'accompagnement, le terme « accompagner » nous renvoie au « pain ». Le « copain » (XVIIIe
siècle), altération de « compain » (XIe siècle), est celui qui « partage la même ration de pain
que ». Le compagnon (XIe siècle) est celui qui accompagne quelqu'un. On trouve le terme
« accompagner » dès le XIIe siècle et celui d' « acompagnement » dès le XIIIe siècle»6.
Maëla Paul constate « ... une structure identique et constitutive de toutes les formes
5 PAUL Maela (2004). L’accompagnement: une posture professionnelle specifique, Paris: L’Harmattan, p.77
6 Dictionnaire étymologique du français, Le Robert.
Noguès. F-M, (2014). Postures d’accompagnement : vers une écoute proximale professionnel/usager ; pair-
aidant/pair-aidé. Sciences et Métiers de l’Education, de l’Enseignement et de la Formation, Formation de
Formateurs, Option « Travail Educatif et Social » article non publié, Université Charles de Gaulle, Lille.
d'accompagnement inscrite dans la sémantique même du verbe accompagner, accum-pagnis,
ac (vers), cum (avec), pagnis (pain) [dote] l'accompagnement d'une double dimension de
relation et de cheminement »7.
Dans le secteur éducatif, la définition est : "L'accompagnement est une no- tion récente dans le
champ de l'action sociale. Elle succède à la notion de prise en charge. […] Fondé sur l'écoute,
un dialogue incitatif et une relation confiante, l'accompagnement doit permettre l'émergence du
désir, moteur actif de la démarche à entreprendre et permettre à l'autre de trouver des moyens
de réaliser ses objectifs individuels"8.
Selon Le Boterf : « Accompagner un parcours c'est accompagner celui qui fait le parcours. On
n'accompagne pas un chemin, on accompagne une personne (dans sa vie professionnelle), sur
un chemin (le développement professionnel et la construction de ses compétences
professionnelles). On accompagne donc toujours une personne sur un chemin, un itinéraire, un
changement, un mouvement, un développement. On aide à effectuer des passages (d'un stade à
un autre). Dans cette perspective il nous semble que la fonction de l'accompagnateur pourrait
être définie comme une fonction consistant à aider la personne à passer de l'implicite à
l'explicite ; passer de l'indécision à des actes de choix (conscient) ; passer d'une étape à une
autre, d'un stade à un autre ; passer d'un contexte à un autre ; franchir des difficultés »9.
Pour Maëla Paul, la notion d'accompagnement se situe dans une tension entre deux pôles : «
D’un cote, la dimension anthropologique de l’accompagnement, fondee sur une disposition humaine a etre en relation avec autrui, et les figures qui interrogent le sens et de l’ethique de ce rapport, de l’autre, la dimension conceptuelle de l’accompagnement, ses problematiques actuelles et les logiques qu’elle combine, comme autant de criteres d’adequation a une situation sociale specifique. » (p. 8).
7 Paul M.(2009) « Autour du mot accompagnement », Recherche et Formation, n°62-2009, p.95
8http://eduscol.education.fr/numerique/dossier/archives/accompagnement/notions/accompagnement- à la-
scolarite. Le 20/06/2014.
9 Le Boterf, G. ( 2008) Repenser la compétence ; pour dépasser les idées reçues : 15 propositions. Collection
Ressources Humaines Paris. Groupe Eyrolles, pp. 108-110/139 p.
Noguès. F-M, (2014). Postures d’accompagnement : vers une écoute proximale professionnel/usager ; pair-
aidant/pair-aidé. Sciences et Métiers de l’Education, de l’Enseignement et de la Formation, Formation de
Formateurs, Option « Travail Educatif et Social » article non publié, Université Charles de Gaulle, Lille.
Dans la première partie – L'accompagnement tel qu'il se manifeste – composée de quatre
chapitres, elle fait un repérage minutieux et dégage des idées fortes. Le premier chapitre,
L'accompagnement, tel qu'il se présente, établit un inventaire de 1990 à 2004 de différents
modes d'accompagne- ments analysés selon le tableau ci-contre10 qui dessine un champ
commun à travers ce qui relie les différentes formes de l'accompagnement recensées
préalablement (annexe n°2)
Maëla Paul nous propose dès le deuxième chapitre qui consiste en une approche contextuelle
et sémantique de la notion d'accompagnement, L'accompagnement, tel qu'on le définit, « une
définition minimale : accompagner est aller avec/vers11 », « trois sources d'intelligibilité :
construire/guider/escorter12 » et un référentiel unificateur : les idées de lien et de passage, de
10 PAUL Maela (2004). L’accompagnement : une posture professionnelle spécifique, Paris: L’Harmattan, p.53
11 Mis en italique par l'auteur.
12 Mis en italique par l'auteur.
Noguès. F-M, (2014). Postures d’accompagnement : vers une écoute proximale professionnel/usager ; pair-
aidant/pair-aidé. Sciences et Métiers de l’Education, de l’Enseignement et de la Formation, Formation de
Formateurs, Option « Travail Educatif et Social » article non publié, Université Charles de Gaulle, Lille.
veille et de partage13. A ce stade, l'accompagnement désigne « une autre manière d'exercer des
pratiques par ailleurs techniquement définies »14 (annexe 3).
« Tensions » chez M. Paul, « dimensions bipolaires » pour Le Bouëdec qui souligne
l'ambivalence voire l'incompatibilité de postures, notamment liées à la notion de direction
(telles que commander/obéir, être expérimenté/être novice, savoir/ ignorer, dominer/être
soumis…) métaphoriquement désignée comme posture « au-dessus ». Ce discrédit de la notion
d'autorité et ses dérives potentielles (autoritarisme et démagogie) sont directement en lien avec
toute une conception de la personne fondée sur l'autonomie. Ambivalence, disqualification…à
ce titre Le Bouëdec, cite Rogers « Il me semble que tout ce qui peut être enseigné à une autre
personne est relativement sans utilité et n'a que peu ou point d'influence sur son comportement...
(en conséquence), il faudrait renoncer à tout enseignement » (Rogers. 1967, pp 197 et 198)15.
Difficile de ne pas y associer la boutade de Freud16 « Il y a très longtemps déjà, j’ai fait mien
le mot plaisant qui veut qu’il y ait trois métiers impossibles : éduquer, guérir, gouverner ; j’avais
13 Mots mis en italique par l'auteur.
14 PAUL Maela (2004). L’accompagnement : une posture professionnelle spécifique, Paris : L’Harmattan, p.79 15 Le Bouëdec Guy (1998) , Diriger, suivre, accompagner : au-dessus, derrière, à côté , Cahiers
Binet-Simon n° 655, p. 55.
16 À lire dans les annexes, l'article de Mireille CIFALI, Métier « impossible » ? une boutade
inépuisable
Noguès. F-M, (2014). Postures d’accompagnement : vers une écoute proximale professionnel/usager ; pair-
aidant/pair-aidé. Sciences et Métiers de l’Education, de l’Enseignement et de la Formation, Formation de
Formateurs, Option « Travail Educatif et Social » article non publié, Université Charles de Gaulle, Lille.
déjà largement de quoi faire avec le second des trois. Mais je ne méconnais pas pour autant la
valeur sociale du travail de mes amis éducateurs »17.
Finalement, impliquant les sens de « reconnaissance et de consentement à ce qui nous précède,
nous dépasse et nous appelle »18, la direction est du côté de l'autorité au sens étymologique du
terme.
En ce qui concerne la notion de « suivre, suivi » correspondant à la relation de « derrière », Le
Bouëdec la situe du côté de l'expertise, du caractère contractuel de la relation, des partenaires
autonomes et responsables « en même temps que plein d'attention désintéressée et d'ingéniosité
créatrice ».19
Pour analyser le dernier élément de cette approche psychopédagogique de type
phénoménologique : le verbe accompagner - relation d' « à côté » - Guy Le Bouëdec s'appuie
sur l'accompagnement des mourants et les travaux de Marie de Hennezel et Johanne de
Montigny. Accompagner est défini comme une « passivité active » reposant « sur un double
mouvement d'identification et de désidentification, de proximité et de distance »20 ,
l'accompagnement devient un « moment […] bien distinct du moment de la direction tout
comme celui du suivi […] en revanche, il (l'accompagnant) est à « côté », simple présence
attentive, accueil de l'autre dans son effort, son anxiété, ses joies, ses peines et ses doutes »21.
Dans l’ouvrage collectif de 2001, Guy Le Bouëdec complète cette liste par la posture
d’animation. Il met d’abord en garde le lecteur sur l’ambiguïté du terme d’accompagnement,
qui regroupe en fait des postures différentes : « Il est abusif de parler d’accompagnement dans
les situations collectives, en général les petits groupes, dans lesquelles les énergies doivent être
canalisées vers la production ».22 Sur l’animation, il dit peu de choses, sinon qu’elle est elle
aussi socialement valorisée et qu’elle consisterait à « organiser et à cultiver l’ambiance dans un
groupe, en vue de permettre à celui-ci d’atteindre ses objectifs de manière optimale ».23
Quand à Maëla Paul, après avoir identifié les repères socio-historiques ayant favorisé cette
poussée de l'accompagnement « tel qu'on en parle » grâce à l'analyse d'un corpus24 de 80
extraits de revues sur la période 1990-2002, elle postule que l'accompagnement « n'est
déterminé que par l'usage social qu'il en est fait », il fait partie des façons dont la société s'auto-
questionne : quel sens et pour quels effets ?
17 A. Aichhorn (1973), préface de Jeunesse à l’abandon, Privat.
18 Le Bouëdec Guy (1998) , Diriger, suivre, accompagner : au-dessus, derrière, à côté , Cahiers Binet-
Simon n° 655, p. 60. 19 Le Bouëdec Guy (1998) , Diriger, suivre, accompagner : au-dessus, derrière, à côté , Cahiers Binet-
Simon n° 655, p. 60.
20 Hennezel M, de ; de Montigny J, de (1991), L'amour ultime. Paris, Hatier
21 Le Bouëdec Guy (1998) , Diriger, suivre, accompagner : au-dessus, derrière, à côté , Cahiers Binet-
Simon n° 655, p. 62.
22 Le Bouëdec, G., du Crest, A., Pasquier, L., Stahl, R. : L’accompagnement en éducation et en
formation. Un projet impossible ? (2001). Paris : l’Harmattan. p. 134/207 p.
23 Le Bouëdec, G., du Crest, A., Pasquier, L., Stahl, R. : L’accompagnement en éducation et en
formation. Un projet impossible ? (2001). Paris : l’Harmattan. pp. 154-155/207 p.
24 Note de l'auteur : « Le corpus couvre le champ d'émergence de la notion d'accompagnement :
secteurs social, éducatif, thérapeutique, entrepreneurial ».
Noguès. F-M, (2014). Postures d’accompagnement : vers une écoute proximale professionnel/usager ; pair-
aidant/pair-aidé. Sciences et Métiers de l’Education, de l’Enseignement et de la Formation, Formation de
Formateurs, Option « Travail Educatif et Social » article non publié, Université Charles de Gaulle, Lille.
L'auteur dégage : des thématiques transversales (- l'exclusion, l'isolement, la fracture sociale -
; - responsabilisation et personnalisation - ; - partenariat avec les concepts de contractualisation,
d'approche négociée, de consentement éclairé - ; - individualisation ou personnalisation des
offres, des parcours, des soins -), des problématiques de délitement du lien social (avec des
thèmes récurrents : « ne rien prescrire » mais « ne pas renoncer à faire progresser »,
« proposer » mais ne jamais imposer comme contribution au fondement d'une nouvelle posture
professionnelle) et enfin de déshumanisation des actes professionnels.
4-3 Des problématiques du lien social qui éclairent notre recherche
Ces problématiques de délitement du lien social menant à une déshumanisation des actes
professionnels m'intéressent particulièrement dans la mesure où elles sont liées directement au
groupe de PS25 interviewés. En effet, selon Maëla Paul, ce constat de déshumanisation est
particulièrement présent dans la littérature sur l'accompagnement en secteur thérapeutique. Le
facteur responsable dans un contexte d'urgence serait l'hyper-technicité. En résulterait un
« professionnalisme glacial26 » fondé sur le pouvoir exacerbé « de l'expert ». L'univers soignant
commence d'intégrer la conception moderne du sujet et des nouveaux besoins sociaux pour
nouer une nouvelle relation soignant/soigné qui pèsera par ailleurs dans la santé du patient
(annexe 7).
« Or quitter son rôle d'expert pour devenir un partenaire visant à l'autonomie du patient impose
au professionnel de sortir de l'assujetissement aux seules références scientifiques et à s'investir
dans une dimension relationnelle qui supppose de faire le deuil de sa toute-puissance et
accepter de changer de fonction27 - accompagner le malade et non plus lutter contre la maladie
ou la mort - et d'image 28, passer de guérisseur et sauveur à accompagnant »29.
Plusieurs glissements conceptuels succèdent :
- De la prise en charge vers la prise en compte de la personne « dans sa globalité » (« soins
personnalisés », « approche négociée »),
- De patient à « partenaire », à « sujet actif ».
L'intégration de ces nouveaux concepts vient d'une façon nouvelle de considérer les maladies
chroniques, la mort et le deuil, les handicaps. Ainsi le contexte purement médical ne peut faire
l'économie du contexte social coloré aujourd'hui de problématiques comme l'atomisation, la
précarisation et l'incertitude, le relâchement des liens sociaux, familiaux, l'isolement. On assiste
à une sorte d'intrusion de la vie sociale dans cet univers « glacé » qui va en quelque sorte
ramener à l'avant de la relation un certain « effet de proximité » entre praticien et patient. A
défaut de ritualisation, l'accompagne- ment permet à la relation à autrui (interpersonnelle et
25 PS est utilisé pour professionnels de santé
26 PAUL Maela (2004). L’accompagnement: une posture professionnelle spécifique, Paris: L’Harmattan, p.85
27 Mot mis en italique par l'auteur.
28 Mot mis en italique par l'auteur.
29 PAUL Maela (2004). L’accompagnement : une posture professionnelle spécifique, Paris: L’Harmattan, p.86
Noguès. F-M, (2014). Postures d’accompagnement : vers une écoute proximale professionnel/usager ; pair-
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sociale), d'intégrer, d'assimiler une démarche de transition.
Si l'accompagnement vient contrebalancer, compenser les effets délétères d'une société
hypermoderne, il met en conflit deux notions : l'individualisation comme logique distinctive de
différence et la sociabilisation comme logique de rassemblement et de parité. Maëla Paul
conclue ce paragraphe sur ces mots : « Ce qui fonde l'accompagnement tient donc, sous le mode
de l'injonction, à une obligation de contact et de proximité : toute la pratique professionnelle
en relation à autrui s'en trouve transformée par la mise en oeuvre d'une relation où les échanges
sont visibles et valorisés comme créateur de liens sociaux. A travers, s'effectue une sorte de
travail de réconciliation avec l'environnement et la société. On parie autant sur cet « effet de
proximité » que sur sa visiblité pour aider chacun à se ré-inscrire dans une histoire collective,
dans un vivre-ensemble aujourd'hui déficitaire, mais sur le mode de l'autonomie et de la
responsabilisation. »30
La thématique accompagnement et bénévolat justifie un nouvel approfondissement puisqu'il
concerne là de notre deuxième groupe d'entretiens.
C'est en Angleterre que l'accompagnement dans les soins palliatifs a émergé, il a par ailleurs
été à l'origine d'un nouveau code de déontologie31. Dans un tel contexte, l'accompagnement est
perçu : « non comme la solution à un problème, ni à une technique du soin », mais bien comme
« un rite de passage 32».
Ainsi le rôle des bénévoles révèle clairement, explicite la place de l'accompagnement en dehors
de la fonction des soignants : « leur rôle n'est pas d'intervenir, mais bien d'accompagner, c'est
à dire de cheminer aux côtés de la personne : les bénévoles33, au travers de l'accompagnement
créent ainsi une nouvelle forme de solidarité dite de proximité. »34 Un contexte de crise de la
profession médicale qui fait le constat que réduire les soins à une dimension exclusivement
technique est aujourd'hui difficilement acceptable. Il s'agit donc de reconsidérer l'ensemble de
la relation patient / praticien davantage comme un face à face pris entre « contraintes
économiques et devoir d'humanité » dans une « relation de personne responsable à personne
responsable ». « La pratique professionnelle s'en trouve ainsi repensée : l'enjeu est de retrouver,
aux côtés du progrès scientifique, la dimension du soin et du souci de l'autre ».(Hirsch 35 1997) .
30 PAUL Maela (2004). L’accompagnement : une posture professionnelle spécifique, Paris: L’Harmattan, p.88 31 Paru au Journal Officiel de 8 septembre 1995, il traduit l'évolution de la pratique médicale depuis
quinze ans. 32 PAUL Maela (2004). L’accompagnement : une posture professionnelle spécifique, Paris: L’Harmattan, p.91.
33 Note de l'auteur : C'est le travail des proches, « travail profane, souvent long, difficile et répétitif
(…) peu reconnu parce qu'il demeure invisible », repris et développé par les bénévoles qui sert de
modèle au médecin pour y « trouver de nouvelles donnes d'une relation médicale bien éloignée du
colloque singulier »(T2).
34 PAUL Maela (2004). L’accompagnement : une posture professionnelle spécifique, Paris : L’Harmattan, p.91
35 Hirch E. (1997) Soigner l'autre : l'Ethique, l'hôpital et les exclus Paris, Belfond, 236 p.
Noguès. F-M, (2014). Postures d’accompagnement : vers une écoute proximale professionnel/usager ; pair-
aidant/pair-aidé. Sciences et Métiers de l’Education, de l’Enseignement et de la Formation, Formation de
Formateurs, Option « Travail Educatif et Social » article non publié, Université Charles de Gaulle, Lille.
Il convient de souligner que dans le propos de Maëla Paul, le praticien est souvent médecin
alors que dans notre approche, les professionnels de santé, nous le verrons lors de la
présentation des personnes rencontrées, occupent différents statuts et fonctions allant de
l'auxiliaire de puériculture au pédiatre, parfois de profession libérale, en milieu hospitalier ou
en Protection Médicale Infantile…
Par ailleurs, le renouveau d'intérêt pointé par l'auteur pour la mort et le travail de deuil est
explicité du fait que certains évènements comme la mort revêtent à la fois un caractère
individuel mais aussi social : « L'accompagnement, « comme idéologie et comme pratique »
permet « non pas de penser l'impensable mystère de la mort, mais la souffrance d'être, moi
aussi36, mortel ».
Dans la problématique de l'accompagnement des femmes concernées, on pourrait par analogie
avec ce travail des bénévoles de l'accompagnement de la fin de vie, considérer la pratique des
bénévoles formés comme un accompagnement du début de vie (autour de la naissance, la
grossesse et l'allaitement) avec la dimension du « rite de passage » citée ci-dessus par M.
Paul. D'autant que, comme nous l'avons vu dans le chapitre 2 traitant des représentations et de
l'émergence du courant associatif, les bénévoles à l'instar des proches dans le domaine des
soins palliatifs, ont occupé un vide en matière de soin et ce à double titre. D'une part, un vide
laissé par une impuissance de la pure technique, de l'autre par un vide en matière de
transmission. En effet, la place du proche, développée par les bénévoles autour de la mort
(soins palliatifs, travail de deuil) constitue une place « manquante » dans les transmissions
(familiales, culturelles) autour de notre sujet comme nous l'avons vu dans le chapitre 2 et le
constaterons au chapitre 9 lors de l'analyse des entretiens.
On pourrait par ailleurs se référer ici aux travaux de van Gennep qui fut à l'origine de la théorie
des « rites de passage », distinguant une certaine classe de rites qui « accompagnent chaque
changement de lieu, d'état, de position sociale et d'âge »37. Selon van Gennep, ethnologue
proche du « clan tabou-totem », cette notion spatiale issue des zones sacrées des mondes ancien,
primitif ou « semi-civilisé » sera appliquée à un schéma ternaire :
- préliminaire (séparation),
- liminaire (sur le seuil),
- post-liminaire (agrégation).
La démonstration de van Gennep se fonde sur le changement d'état et traite cinq thèmes : la
grossesse, la naissance, l'initiation, le mariage et la mort. « Quels que soient les objectifs
particuliers du rite, explique van Gennep, la séquence ternaire est présente ou affleure. Ainsi,
dans de nombreuses sociétés, la femme enceinte est un objet d'évitement, parfois même, comme
chez les Todas de l'Inde, elle est tenue de changer physiquement de résidence. Dans d'autres,
elle est recluse et tenue d'observer des interdits alimentaires ou vestimentaires : toutes ces
mesures sont, selon van Gennep, des rites de séparation qui la placent dans une situation
marginale. Ensuite vient l'accouchement et, plus ou moins rapidement, les rites du retour à la
vie normale (agrégation). Dans certains cas, au moins, van Gennep pense pouvoir affirmer
que la mère acquiert, après la naissance, un statut nouveau, ce qui fait de l'ensemble de la
36 Mis en italique par l'auteur.
37 Van Gennep, A., 1909, Les rites de passage, Paris : Nourry
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séquence un rite de passage à part entière »38. Toutefois sa conception sociale du sacré, ne
renvoyant à aucune explication de type fonctionnel connut un accueil mitigé chez ses
contemporains et dut attendre l'ethnologue Max Gluckman qui en 1962 ajoutera aux travaux de
van Gennep une considération fonctionnelle selon laquelle les rites de passage, comme tous
les autres rites ont vocation à résoudre des conflits ou des tensions inhérentes à toute
organisation sociale fondée sur des groupes ou de statut.
4-4 Postures, registres, modes et types d'accompagnement
Maëla Paul, après notamment avoir analysé les notions suivantes :
→ 3 problématiques fondées sur la question du lien :
- de la place et du déplacement,
- du lien et du déliement,
- du passage et du déplacement.
→ 3 axes :
- individuel/collectif,
- autonomie/dépendance,
- altérité/altération.
→ 3 concepts clés :
- sociabilisation,
- autonomisation,
- individualisation.
distingue 4 postures professionnelles d'accompagnement (annexe 4)
- pourvoyeur
- intercesseur
- interprète
- passeur (schéma ci-après) 39
38 Nicole Journet, Arnold van Gennet (1873-1957) - Les rites de passage, Science Humaines n°112 -
janvier 2001
39 PAUL Maela (2004). L’accompagnement: une posture professionnelle spécifique, Paris : L’Harmattan, p.110
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L'auteur conclut que l'accompagnement est de nature protéiforme produisant un effet distinctif
et fédérateur, ne résolvant pas les contradictions mais les éclairant.
C'est à partir de l'analyse des récits d'expérience de praticiens en situation de travail qu'il lui
sera possible de tracer un champ sémantique à deux dimensions : le sens et la technique, et trois
registres : conduire, guider, escorter40. Ces trois registres sont définis ainsi : (annexe 5)
- Conduire est accompagner (qqn) quelque part (registre de la direction et par extension des
fonctions éducatives),
- Guider pour accompagner (qqn) en montrant le chemin et en veillant à la marche (registre du
conseil et de l'orientation),
40 PAUL Maela (2004). L’accompagnement: une posture professionnelle spécifique, Paris : L’Harmattan, p.149.
Noguès. F-M, (2014). Postures d’accompagnement : vers une écoute proximale professionnel/usager ; pair-
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- Escorter adjoint à la notion de guider, celles de surveiller, de protéger en protégeant la marche
(registre du soin, de la protection, de l'aide, de l'assistance)41.
Tout au long de la deuxième partie de son ouvrage, L'accompagnement tel qu'il est vécu, l'auteur
confronte les fondements traditionnels42 au regard des notions et contextes actuels. Elle propose
trois modes (chapitre 5) : l'initiatique avec l'insertion pour visée, la maïeutique contribuant à ce
que chacun se constitue comme personne auto-référente et la thérapeutique comme lieu où
l'individuation a été initialement pensée.
Les trois modes traditionnels (initiatique, maïeutique, thérapeutique) constituent des
fondements "d'accompagner" desquels il est essentiel de dégager les caractéristiques communes
et les spécificités.
Le modèle thérapeutique durant lequel « l'important est de mobiliser les ressources de la
personne face à un dysfonctionnement passager et non de se substituer à elle en lui fournissant
le remède ».
Le modèle de la maïeutique, chez Socrate et Platon. Le but étant d'aider les hommes à
« accoucher d'eux-mêmes ». Il faut « chercher à mobiliser les ressources de la personne en la
mettant en contact avec son intériorité. Le rôle tenu est simplement celui de facilitateur en
s'appuyant sur sa propre expérience. Au travers d'un dialogue les deux personnes cherchent
ensemble et se révèlent réciproquement ».
Le modèle initiatique dont le but est « le changement de statut par le biais des rites de passage.
La personne accompagnée passe du statut passif à celui d'actif c'est-à-dire comme membre actif
de sa communauté ».
La fonction d'accompagnement apparaît à la fois « comme le remède à un éclatement (en
regroupant les fonctions éducatives sous son emblème) et le poison, au sens où elle participe
de cette dissémination et de la délégation à des professionnels à ce qui était naturellement pris
en charge par la famille »43.
41 PAUL Maela (2004). L’accompagnement: une posture professionnelle spécifique, Paris : L’Harmattan, p.68. 42 Homère et le mode initiatique, Socratie et le mode maïeutique, Hippocrate et le mode thérapeutique.
43 PAUL Maela (2004). L’accompagnement: une posture professionnelle spécifique, Paris : L’Harmattan, p.248.
Noguès. F-M, (2014). Postures d’accompagnement : vers une écoute proximale professionnel/usager ; pair-
aidant/pair-aidé. Sciences et Métiers de l’Education, de l’Enseignement et de la Formation, Formation de
Formateurs, Option « Travail Educatif et Social » article non publié, Université Charles de Gaulle, Lille.
Enfin une démarche d'accompagnement consiste en ce que Boutinet nomme : « l'ingénium de
l'accompagnement » c'est-à-dire l'éventail de situations proposées par l'accompagnateur pour
« aider la personne accompagnée à décontextualiser ou au contraire à recontextualiser [en
choisissant] une posture appropriée, celle qui valorise l'initiative, la thérapie ou encore la
maïeutique, celle qui se soucie de contextualiser et anticipe les usages qui seront faits de ce que
produit le savoir cognitif comme le savoir relationnel issue d'une pratique de
l'accompagnement »44.
4-5 Ethique, déontologie et philosophie de l'accompagnement
Maela Paul remarque que « la demande d’accompagnement initiée ne se contente pas d’opérer
un déplacement de l’individuel vers le collectif, du personnel vers l’institutionnel : elle place à
l’articulation précise du désirable et du juste, autrement dit, dans le registre de l’éthique.45
S’appuyant sur Fabre et sur Ricoeur, elle situe l’éthique à la question de l’autre, sa
reconnaissance comme autre et comme principe de son action : son autonomie donc.
L’accompagnateur doit sans cesse se situer sur une ligne de crête : entre confiance et retenue 46. La confiance est la condition pour que la relation soit possible et le cadre sécurisant. Elle ne
se décrète évidemment pas, mais se construit dans le temps et grâce à l’élaboration commune
de l’objet sur lequel porte le travail. Elle est abandon, connivence, partage. Le respect
commence avec la considération de l’altérité du partenaire. Il commande la réserve et la retenue.
De nombreux auteurs questionnent cette volonté tous azimuts d'accompagner face à l’injonction
contemporaine d’être autonome et intégré socialement. Dans une société postmoderne,
contaminée par toutes formes de technologie, l’accompagnement peut être suspecté
d’appartenir à une nouvelle forme de contrôle des subjectivités. Mais il est aussi fondé sur des
valeurs éthiques humanistes. Selon M. Paul, dès lors qu'il obéit à la fois à un ordre extérieur à
soi mais qui trouve écho en soi, il peut être considéré comme « co-existence du pire et du
meilleur »47.
Entre le « gentil accompagnant »48, agent des « institutions de soi »49, le promoteur de
l'individualité 50, Martine Beauvais tente elle aussi de cerner les principes éthiques à l'oeuvre
44 Boutinet J.P. Denoyel N., Pineau G., Robin J.Y (dir) (2007), Penser l'accompagnement adulte. Ruptures,
transitions et rebonds, Paris PUF (réed 2008), p. 16/369.
45 PAUL Maela (2004). L’accompagnement : une posture professionnelle spécifique, Paris : L’Harmattan, p.129.
46 PAUL Maela (2004). L’accompagnement : une posture professionnelle spécifique, Paris : L’Harmattan, p.130.
47 PAUL Maela (2004). L’accompagnement : une posture professionnelle spécifique, Paris : L’Harmattan, p.300. 48 Note de l'auteur : Toujours au sens de Michel Serres (1991) dans Le Tiers-instruit. Editions
François Bourin.
49 Erehnberg, A. (2000). La fatigue d'être soir, Dépression et société. Paris : Editions Odile Jacob. 50 Martucelli, D. (2002). Grammaires de l'individu, Paris, Editions Gallimard.
Noguès. F-M, (2014). Postures d’accompagnement : vers une écoute proximale professionnel/usager ; pair-
aidant/pair-aidé. Sciences et Métiers de l’Education, de l’Enseignement et de la Formation, Formation de
Formateurs, Option « Travail Educatif et Social » article non publié, Université Charles de Gaulle, Lille.
dans l'acte d'accompagner. Elle convoque ainsi successivement le principe de responsabilité, le
principe de retenue et le principe du doute. Selon le premier et s'appuyant sur Lévinas - « Je
suis responsable même de la responsabilité d'autrui »51, elle fait le postulat d'un sujet
« autonome, responsable et projectif »52 qui induit une « méta-responsabilité » de
l'accompagnant en tant que garant d'un cadre institutionnel. Avec le principe de retenue, elle
apporte les notions de « juste-distance » dans le sens d'une distance sans cesse ajustable au
contexte relationnel et institutionnel et de « creux-retenu » excluant tout projet démiurgique,
espace symbolique garantissant l'advenue de l'imprévisible, du nouveau. Enfin le principe du
doute vient installer suffisamment de désordre dans les habitudes, les pratiques des deux parties
pour provoquer l'hésitation, l'abandon des assurances et certitudes préalable « à toute prise de
décision concernant son propre destin. » (2004, p. 110) L'auteur conclut que si l'observation de
ces trois principes peut prémunir l'accompagnant de ne pas engager autrui dans une course
effrenée au dépassement de soi qui risquerait de le conduire vers l'épuisement ou la dépression,
elle ne suffit pas à répondre à la question de la légitimité de l'intervention sur autrui.
Guy Le Bouëdec, quant à lui, distingue trois principes éthiques susceptibles d’inspirer
l’éducateur. Il les confronte alors à la posture d’accompagnement :
- « Chercher le bien de l’autre : le principe de bienfaisance »53 : l’accompagnateur est en
position de supériorité par rapport à l’accompagné (c’est lui qui sait, comme le maître d’école
par exemple), mais il en use pour le bien de l’accompagné. .
- « Etablir un contrat avec l’autre : le principe d’autonomie » : chaque personne est responsable
et les rapports accompagnant-accompagné s’établissent sur une égalité de droits, par
l’explicitation d’attentes et d’engagements réciproques.
- « Vivre une solidarité pleine de sollicitude avec l’autre : le principe d’alliance »54 : reprenant
X.Thévenot, Guy Le Bouëdec propose une alliance de « la partie saine » de l’accompagné et
de « la partie analysante » et discernante de l’accompagnateur. Deux interdits fondent cette
alliance : celui de mentir et celui de fusionner. Selon l’auteur, seul ce principe de l’alliance
fonde véritablement l’accompagnement.
Dans un article plus ancien publié dans les Cahiers Binet Simon, Le Bouëdec souligne les
tâtonnements de cette nouvelle posture où la recherche d' un mieux-être quasi absolu de l'usager
soutendrait la définition « entière et redoutable » de ce mieux évoquant la « réalisation d'un
code de déontologie ! ». Citant Lasfargues en ces termes : « la notion d'accompagne ment social
s'impose de plus en plus comme une réponse face à l'exclusion : accompagner une personne en
difficulté, c'est l'aider à réaliser son projet personnel en milieu ordinaire (…) Accompagner c'est
accomplir une action dynamique permanente allant vers le mieux-faire et le mieux-être de
l'usager »55... Face à de telles injonctions, Le Bouëdec s'inquiète de la marge de manoeuvre
51 Lévinas, E. ( 1982). Ethique et infini. Librairie Arthèmes Fayard et Radio France. 52 Beauvais, M. (2004). Des principes éthiques pour une philosophie de l'accompagnement. Savoirs
Revue Internationale en éducation et formation des adultes « De l'éducation permanente à la
formation tout au long de la vie ». L’Harmattan 2004-6, p. 108. 53 Le Bouëdec, G., du Crest, A., Pasquier, L., Stahl, R. : L’accompagnement en éducation et en formation. Un
projet impossible ? (2001). Paris : l’Harmattan. pp. 168-169/207 p.
54 Le Bouëdec, G., du Crest, A., Pasquier, L., Stahl, R. : L’accompagnement en éducation et en formation. Un
projet impossible ? (2001). Paris : l’Harmattan. pp. 175/207 p.
55 Lasfargues, J. (1995), « Accompagner : une nouvelle exigence pour le travail social » Actualités
sociales hebdomadaires, n°1970, 15 septembre.
Noguès. F-M, (2014). Postures d’accompagnement : vers une écoute proximale professionnel/usager ; pair-
aidant/pair-aidé. Sciences et Métiers de l’Education, de l’Enseignement et de la Formation, Formation de
Formateurs, Option « Travail Educatif et Social » article non publié, Université Charles de Gaulle, Lille.
restant au professionnel qui doit rendre des comptes.
L'auteur termine cet article sur une question essentielle et rarement évoquée : « En commençant
ces pages, nous avons suggéré que pour dépasser la confusion qui règne parfois dans les
milieux éducatifs sur les différentes postures éducatives, il était hautement souhaitable de
dialectiser ces postures, c'est-à-dire après avoir clarifié ce que chacune implique, de discerner
quand et comment passer de l'une à l'autre. Seule manière de servir l'autre dans ses dimensions
et ses besoins de développement, sans chercher à camper avec autosatisfaction sur des
positions maîtrisées où l'on s'efforce d'attirer l'autre. Mais le même éducateur peut-il adopter
à volonté toutes les postures ? A quel prix ? »
En guise de conclusion, la revue de la littérature converge vers une vision de la notion
de l'accompagnement comme un substitut à une forme d'aide amenuisée, fragilisée
dans le contexte d'une société définie comme post puis hypermoderne. Le niveau de
complexité engendrée par la multitude des définitions, des démarches et des
domaines auxquels s'applique cette notion d'accompagnement, éclaire la posture des
bénévoles et des soignants. En effet, la place de l'accompagnement des bénévoles en
dehors de la fonction des soignants est explicitée par M. Paul : « leur rôle n'est pas
d'intervenir, mais bien d'accompagner, c'est à dire de cheminer aux côtés de la
personne : les bénévoles56, au travers de l'accompagnement créent ainsi une
nouvelle forme de solidarité dite de proximité. »57 Un contexte de crise de la
profession médicale qui fait le constat que réduire les soins à une dimension
exclusivement technique est aujourd'hui difficilement acceptable. Il s'agit donc de
reconsidérer l'ensemble de la relation patient / praticien davantage comme un face à
face pris entre « contraintes économiques et devoir d'humanité » dans une « relation
de personne responsable à personne responsable ». Dans cette volonté partagée de
solidarité, d'empathie, si le parcours expérientiel des bénévoles pair-aidant peut
faciliter leur posture, chez les professionnels de santé, elle semble moins évidente.
Dans cette perspective, M. Hirsch propose de reconsidérer l'accompagnement : « La
pratique professionnelle s'en trouve ainsi repensée : l'enjeu est de retrouver, aux côtés
du progrès scientifique, la dimension du soin et du souci de l'autre »58.
56 Note de l'auteur : C'est le travail des proches, « travail profane, souvent long, difficile et répétitif (…) peu
reconnu parce qu'il demeure invisible », repris et développé par les bénévoles qui sert de modèle au médecin pour
y « trouver de nouvelles donnes d'une relation médicale bien éloignée du colloque singulier »(T2).
57 PAUL Maela (2004). L’accompagnement : une posture professionnelle spécifique, Paris : L’Harmattan, p.91
58(Hirsch, 1997)